Rapport n° 292 (2010-2011) de M. Gérard CORNU , fait au nom de la commission de l'économie, déposé le 9 février 2011

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N° 292

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 9 février 2011

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (1), comportant le texte de la commission, sur la proposition de résolution européenne présentée par M. Jean Bizet au nom de la commission des affaires européennes (2), en application de l'article 73 quater du Règlement, sur la proposition de directive relative aux droits des consommateurs ,

Par M. Gérard CORNU,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Paul Emorine , président ; MM. Gérard César, Gérard Cornu, Pierre Hérisson, Daniel Raoul, Mme Odette Herviaux, MM. Marcel Deneux, Daniel Marsin, Gérard Le Cam , vice-présidents ; M. Dominique Braye, Mme Élisabeth Lamure, MM. Bruno Sido, Thierry Repentin, Paul Raoult, Daniel Soulage, Bruno Retailleau , secrétaires ; MM. Pierre André, Serge Andreoni, Gérard Bailly, Michel Bécot, Joël Billard, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean-Marie Bockel, Yannick Botrel, Martial Bourquin, Jean Boyer, Jean-Pierre Caffet, Yves Chastan, Alain Chatillon, Roland Courteau, Jean-Claude Danglot, Philippe Darniche, Marc Daunis, Denis Detcheverry, Mme Évelyne Didier, MM. Michel Doublet, Daniel Dubois, Alain Fauconnier, Alain Fouché, Serge Godard, Francis Grignon, Didier Guillaume, Michel Houel, Alain Houpert, Mme Christiane Hummel, M. Benoît Huré, Mme Bariza Khiari, MM. Daniel Laurent, Jean-François Le Grand, Philippe Leroy, Claude Lise, Roger Madec, Michel Magras, Hervé Maurey, Jean-François Mayet, Jean-Claude Merceron, Jean-Jacques Mirassou, Robert Navarro, Louis Nègre, Mmes Renée Nicoux, Jacqueline Panis, MM. Jean-Marc Pastor, Georges Patient, François Patriat, Jackie Pierre, Rémy Pointereau, Ladislas Poniatowski, Marcel Rainaud, Charles Revet, Roland Ries, Mmes Mireille Schurch, Esther Sittler, Odette Terrade, MM. Michel Teston, Robert Tropeano, Raymond Vall, René Vestri.

(2) Cette commission est composée de : M. Jean Bizet président ; MM. Denis Badré, Pierre Bernard-Reymond, Michel Billout, Jacques Blanc, Jean François-Poncet, Aymeri de Montesquiou, Roland Ries, Simon Sutour, vice-présidents ; Mmes Bernadette Bourzai, Marie-Thérèse Hermange, secrétaires ; MM. Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, Didier Boulaud, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Gérard César, Christian Cointat, Philippe Darniche, Mme Annie David, MM. Robert del Picchia, Pierre Fauchon, Bernard Frimat, Yann Gaillard, Charles Gautier, Jean-François Humbert, Mme Fabienne Keller, MM. Serge Lagauche, Jean-René Lecerf, François Marc, Mmes Colette Mélot, Monique Papon, MM. Hugues Portelli, Yves Pozzo di Borgo, Josselin de Rohan, Mme Catherine Tasca et M. Richard Yung.

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

250 (2010-2011)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le 19 janvier dernier, notre collègue M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes, a déposé une proposition de résolution européenne n° 250 (2010-2011) sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux droits des consommateurs (E 4026).

Cette proposition de directive a pour objectif de « contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur et à un niveau élevé de protection des consommateurs en rapprochant certains aspects des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux contrats à distance et hors établissement conclus entre les consommateurs et les professionnels 1 ( * ) » .

Elle avait initialement vocation à intégrer et à se substituer aux quatre directives européennes 2 ( * ) respectivement relatives aux contrats hors établissements, aux clauses abusives, aux contrats de vente à distance et aux garanties des biens de consommation.

Contrairement aux textes qu'elle avait vocation à remplacer, qui laissaient aux États la possibilité de maintenir ou d'introduire dans leur droit des dispositions plus protectrices pour le consommateur, ce projet de directive était initialement fondé sur un principe de pleine harmonisation , fixant ainsi des règles standard minimales constituant une sorte de « plafond » indépassable par le droit interne des États membres.

La Commission européenne s'appuyait sur un postulat de départ clairement affiché : la multiplicité des législations applicables en matière de droit de la consommation sur le territoire de l'Union européenne engendre des coûts importants et constitue un obstacle pour une pleine réalisation du marché intérieur et un développement des échanges commerciaux transfrontaliers.

Afin de remédier à ces limites, le texte de la Commission européenne fixait ainsi : les informations précontractuelles obligatoires, les modalités harmonisées pour les obligations d'information renforcées pour les contrats de vente à distance et les contrats hors établissement, les modalités d'exercice du droit de rétractation, les règles relatives au transfert de risques du professionnel au consommateur et sur l'obligation de conformité, la réglementation de la garantie commerciale. Il fait également émerger un droit européen unique en matière de clauses contractuelles, essentiellement par le biais de dispositions relatives aux clauses abusives.

Ce projet initial est rapidement apparu difficilement acceptable en l'état à de nombreux pays membres, dont la France, qui aurait vu par ce texte son droit de la consommation amputé de dispositions protectrices essentielles. Le Sénat avait d'ailleurs, dans ce contexte, adopté le 29 juillet 2009 une résolution demandant au Gouvernement de « s'opposer à toute mesure qui se traduirait par un recul de la protection du consommateur français » efficacement garantie par l'ensemble des dispositions législatives nationales.

A cette absence de consensus a succédé une évolution significative du dossier en 2010 sous la présidence belge de l'Union européenne. La nouvelle commissaire en charge du dossier, Mme Viviane Reding, vice-présidente et commissaire en charge de la justice, des droits fondamentaux et de la citoyenneté a fait prévaloir une approche pragmatique qui a abouti, lors de la réunion du Comité des représentants permanents (Coreper) du 8 décembre 2010, à un compromis, fondé, non plus sur approche de pleine harmonisation, mais sur le principe d'une harmonisation maximale ciblée à certaines dispositions du texte.

En vertu de cette nouvelle approche, le champ de la directive est clairement délimité et restreint aux contrats de vente à distance et aux contrats de vente hors établissement . Elle ne porte en outre plus que sur la phase précontractuelle. Enfin, les chapitres IV et V, respectivement relatifs à la garantie légale de conformité et aux clauses contractuelles, ont été supprimés faute de consensus, à l'exception des articles 22 et 23, relatifs à la livraison et au transfert de risques.

En application de l'article 88-4 de la Constitution et dans le cadre de la procédure fixée par l'article 73 bis du Règlement du Sénat, M. Jean Bizet a déposé une proposition de résolution qui approuve le compromis obtenu au sein du Coreper du 8 décembre 2010. Elle demande au Gouvernement de soutenir l'équilibre général de cet accord qui, contrairement au projet initial de la Commission européenne, permet de préserver notre droit français, très protecteur pour le consommateur.

En vue du prochain examen de la proposition de directive par le Parlement européen en session plénière, votre commission s'inscrit pleinement dans cette position de soutien du compromis obtenu au sein du Conseil, qui permet de maintenir un niveau élevé de protection du consommateur. C'est donc dans ce contexte qu'elle a examiné la proposition de résolution de M. Bizet et a adopté une proposition de résolution conservant exactement le même esprit, malgré quelques modifications, visant notamment à tenir compte du dernier état des discussions.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

A. LA PROPOSITION DE DIRECTIVE EUROPÉENNE RELATIVE AUX DROITS DES CONSOMMATEURS

1. Un contexte en mutation : vers un droit européen de la consommation ?

Les textes fondateurs de la construction communautaire, et notamment le Traité de Rome du 25 mars 1957, sont antérieurs à l'avènement du consumérisme et du droit de la consommation 3 ( * ) .

Les intérêts des consommateurs ont toutefois progressivement été pris en compte, notamment lors de l'important tournant que constitue l'introduction en 1993 dans le traité de Rome d'un nouveau titre consacré à la politique de protection du consommateur. L'article 169 du TFUE 4 ( * ) (ex-article 153 TCE 5 ( * ) ) fixe l'exigence d'un haut niveau de protection du consommateur.

Article 169

(ex-article 153 TCE)

1. Afin de promouvoir les intérêts des consommateurs et d'assurer un niveau élevé de protection des consommateurs, l'Union contribue à la protection de la santé, de la sécurité et des intérêts économiques des consommateurs ainsi qu'à la promotion de leur droit à l'information, à l'éducation et à s'organiser afin de préserver leurs intérêts.

2. L'Union contribue à la réalisation des objectifs visés au paragraphe 1 par :

a) des mesures qu'elle adopte en application de l'article 114 dans le cadre de la réalisation du marché intérieur;

b) des mesures qui appuient et complètent la politique menée par les États membres, et en assurent le suivi.

3. Le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire et après consultation du Comité économique et social, arrêtent les mesures visées au paragraphe 2, point b).

4. Les mesures arrêtées en application du paragraphe 3 ne peuvent empêcher un État membre de maintenir ou d'établir des mesures de protection plus strictes. Ces mesures doivent être compatibles avec les traités. Elles sont notifiées à la Commission.

Au niveau communautaire, l'harmonisation minimale a longtemps constitué la règle du droit de la consommation , laissant ainsi aux États membres la possibilité de maintenir ou d'adopter des mesures plus protectrices allant au-delà du niveau minimum de protection assuré par la directive.

La directive 2005/29/CE sur les pratiques commerciales déloyales a constitué un premier tournant dans l'approche du législateur communautaire qui a adopté alors une approche d'harmonisation totale , interdisant aux États membres de maintenir ou d'adopter dans leur droit des mesures plus protectrices.

Harmonisation maximale ou harmonisation minimale ?

L'unification des réglementations et des droits essentiels des consommateurs dans les différents États membres peut passer par deux approches, en fonction du degré d'harmonisation choisi :

- l'harmonisation maximale, appelée aussi pleine harmonisation, consiste à définir un niveau « plafond » de réglementation standard pour tous les États membres, qui ne pourront maintenir ni définir, dans ce domaine, des règles différentes, qu'elles soient plus ou moins protectrices pour le consommateur ;

- l'harmonisation minimale permet aux États membres de maintenir ou d'adopter, au-delà des exigences communautaires, des dispositions plus favorables au consommateur ; ainsi le curseur n'est positionné qu'à un niveau « plancher ».

A cet égard, dans sa résolution du 6 septembre 2007, le Parlement européen a recommandé la prise de mesures législatives et a exprimé sa préférence pour l'adoption d'un instrument se présentant sous la forme d'une directive horizontale fondée sur une harmonisation complète et ciblée.

En 2001, la Commission européenne avait adopté un Livre vert sur la protection des consommateurs dans l'Union européenne qui a lancé une vaste consultation publique.

Par ailleurs, la Commission a lancé en 2004 un processus de révision de l'acquis communautaire en matière de protection des consommateurs avec pour but de simplifier et de compléter le cadre réglementaire existant, à savoir huit directives 6 ( * ) dont le but est de protéger les consommateurs.

Elle a présenté le 8 février 2007 un Livre vert sur la révision de l'acquis communautaire en matière de protection des consommateurs . En effet, les progrès technologiques, l'évolution des moyens de transaction, l'apparition de nouveaux biens immatériels comme les logiciels, l'explosion des services numériques, l'évolution des modes de consommation créent un contexte évoluant sans cesse et dont les exigences et les principes ne sont plus aujourd'hui en phase avec la réglementation en vigueur.

L'objectif de ce Livre vert est clair : il s'agit de « parvenir à la mise en place d'un véritable marché intérieur des consommateurs, offrant un juste équilibre entre un niveau élevé de protection des consommateurs et la compétitivité des entreprises, dans le strict respect du principe de subsidiarité » 7 ( * ) .

Le fil rouge de cette entreprise de révision est donc clair : garantir à tous les consommateurs, où qu'ils se trouvent sur le territoire de l'Union européenne, une équivalence de droits et un niveau élevé de protection tout en assurant pour les entreprises, et notamment pour les PME, un environnement réglementaire plus prévisible et harmonisé.

Enfin, le 29 mai 2009, la Commission européenne a également publié un Livre vert 8 ( * ) sur les recours collectifs pour les consommateurs qui envisage une action de groupe pour les litiges intracommunautaires.

2. La proposition de directive initiale présentée par la Commission européenne se traduisait par un très net recul de la protection des consommateurs en droit français
a) L'objectif de la Commission européenne : un espace économique européen de la consommation

L'objectif de la Commission européenne de créer un espace économique européen de consommation est mis en avant pour justifier sa démarche d'harmonisation des règlementations existant en matière de protection du consommateur dans les différents États membres de l'Union.

C'est dans cette optique qu'elle a adopté le 8 octobre 2008 une proposition de directive relative aux droits des consommateurs afin d'une part de déterminer la réglementation applicable aux contrats de vente de biens ou de services conclus entre consommateurs et professionnels et d'autre part de se substituer aux quatre directives recouvrant les droits contractuels des consommateurs. Ces dernières concernent :

- les clauses abusives (directive 93/13/CEE 9 ( * ) ) ;

- la garantie de conformité des biens (directive 99/44/CE 10 ( * ) ) ;

- la vente à distance (directive 97/7/CE 11 ( * ) ) ;

- et la vente en dehors des établissements commerciaux (directive 85/577/CEE 12 ( * ) ).

Il est à noter que le degré d'harmonisation retenu, contrairement aux quatre directives intégrées par le nouveau texte, est celui d'une harmonisation dite maximale , c'est-à-dire privant les États membres de la possibilité de maintenir ou d'intégrer dans leur droit national, des dispositions plus favorables au consommateur.

Il s'agit pour la Commission de trouver un juste équilibre entre une protection élevée des droits des consommateurs et les charges qui en résultent pour les professionnels, les différences de cadre juridique constituant une barrière à la fourniture transfrontière de biens ou de services.

Regrettant que le potentiel des ventes à distance transfrontalières ne soit pas pleinement exploité par les consommateurs, alors même que ces dernières devraient constituer l'une des principales réalisations concrètes du marché intérieur, la proposition de directive, dans sa rédaction initiale par la Commission européenne, relève que « compte tenu des nouvelles perspectives commerciales qui s'offrent dans de nombreux États membres, les petites et moyennes entreprises ( y compris les entrepreneurs individuels) et les agents commerciaux des sociétés pratiquant la vente directe devraient être davantage enclins à rechercher des débouchés dans d'autres États membres, en particulier dans les régions frontalières » . Elle entendait ainsi qu'une « harmonisation complète des dispositions relatives à l'information des consommateurs et au droit de rétractation dans les contrats de vente à distance et hors établissement contribue à une meilleur fonctionnement du marché intérieur sur le plan des relations entre entreprises et particuliers » .

b) Le contenu de la proposition adoptée par la Commission
(1) Le champ et le degré d'harmonisation de la proposition de directive

La Commission européenne a fait le choix de remplacer les quatre directives existantes par un seul instrument. La proposition de directive fixe donc les règles standard en matière de protection des consommateurs, en s'écartant du principe d'harmonisation minimale au profit d'une approche de pleine harmonisation qui fait de ces règles un plafond obligatoire mais indépassable. Son champ couvre aussi bien les échanges nationaux que transfrontaliers.

Elle se subdivise en sept chapitres :

- le chapitre I contient des définitions communes de notions telles que « consommateur » ou « professionnel » et énonce le principe d'une harmonisation complète ;

- le chapitre II contient un ensemble d'informations de base à fournir par les professionnels avant la conclusion de tout contrat avec des consommateurs, et prévoit également une obligation d'information pour les intermédiaires, qui concluent des contrats pour le compte des consommateurs ;

- le chapitre III , qui ne s'applique qu'aux contrats à distance et aux contrats hors établissement, établit des exigences particulières en matière d'information et réglemente le droit de rétractation de manière uniforme ;

- le chapitre IV clarifie les dispositions de la directive 99/44/CE : il maintient le principe selon lequel la responsabilité du professionnel est engagée vis-à-vis du consommateur pour une période de deux ans si les biens ne sont pas conformes au contrat ; il introduit une nouvelle règle selon laquelle le risque de perte ou d'endommagement des biens n'est transféré au consommateur que lorsque ce dernier ou un tiers autre que le transporteur, désigné par le consommateur, prend matériellement possession de ces biens ;

- le chapitre V est relatif aux clauses abusives et reprend dans une large mesure les dispositions de la directive 93/13/CEE. Il s'applique aux clauses contractuelles abusives qui n'ont pas fait l'objet d'une négociation individuelle, telles que les clauses contractuelles types ; afin de garantir la sécurité juridique, la directive contient deux listes de clauses abusives: l'annexe II établit la liste des clauses réputées abusives en toutes circonstances et l'annexe III une liste de clauses jugées abusives à moins que le professionnel ne prouve le contraire.

- les chapitres VI et VII établissent des dispositions générales et finales.

(2) Les limites de la rédaction initiale

Il s'est rapidement avéré que cette rédaction initiale posait un certain nombre de problèmes, du fait d'une part du champ insuffisamment clair et délimité de la directive et d'autre part des conséquences induites par la mise en oeuvre du principe d'harmonisation maximale totale.

Tout d'abord, le champ de la directive, qui recouvre, en vertu de l'article 3, tous « les contrats de vente et contrats de service conclus entre le professionnel et le consommateur » sans autre précision posait des difficultés de sécurité juridique, d'autant que les dispositions de la proposition de directive initiale concernaient tant la phase précontractuelle que contractuelle.

Conjugué avec ce champ d'application, insuffisamment clair et précis, le principe de pleine harmonisation présentait en outre trois séries de risques qui rendaient le texte difficilement acceptable en l'état.

? Premièrement, la rédaction initiale de la proposition de directive remettait en cause des pans entiers du droit français de la consommation. En effet, en vertu du principe d'harmonisation maximale, le niveau de protection des consommateurs en vigueur dans notre droit national se voyait considérablement réduit dans la mesure où plusieurs dispositions de la proposition de directive étaient moins protectrices que celles de notre code de la consommation. Les dispositions relatives aux informations précontractuelles en matière de vente à distance par exemple sont plus protectrices dans notre droit national, ainsi que, notamment, les règles relatives aux conditions de formation et d'exécution des contrats conclus en dehors des établissements commerciaux, c'est-à-dire dans les cas de démarchage à domicile.

Les articles L. 121-16 à L. 121-20-7 du code de la consommation concernent en effet spécifiquement les ventes de biens et fournitures de prestations de services à distance. Les articles L. 121-18 et L. 121-19 comprennent des obligations d'information renforcées pour les entreprises de vente à distance, obligées de préciser à l'acheteur le nom du vendeur, ses coordonnées, les modalités de paiement, de livraison ou d'exécution de la prestation ou encore l'existence d'un éventuel droit de rétractation.

La « loi Chatel » du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs a encore renforcé la protection des consommateurs en interdisant, d'une manière générale, les appels surtaxés vers des hotlines (article L. 121-84-5 du code de la consommation). Par ailleurs, l'article L. 121-20-3 prévoit que, dans le cadre d'un contrat conclu à distance, le fournisseur devra désormais indiquer une date limite de livraison du bien ou de l'exécution du service (tout retard supérieur à 7 jours obligeant le vendeur à rembourser les sommes versées dans un délai de 30 jours).

Concernant le démarchage à domicile , les articles L. 121-21 à L. 121-33 du code de la consommation offrent au consommateur une protection renforcée (liste de mentions obligatoires, formulaire de renonciation...). L'article L. 121-26 prévoit également que le démarcheur ne peut obtenir de l'acheteur, pendant le délai de réflexion (7 jours), une contrepartie quelconque ni aucun engagement ni effectuer des prestations de services de quelque nature que ce soit.

Le droit français prévoit également des éléments plus protecteurs en matière de clauses abusives et de garantie des vices cachés .

En matière de clauses abusives, le décret du 18 mars 2009 fixe une liste de 12 clauses « noires » et de 10 clauses « grises ». Or la proposition de directive, qui prévoit une liste de cinq clauses « noires », réputées abusives en toutes circonstances, et une liste de 12 clauses « grises », présumées abusives, est moins protectrice pour le consommateur que le cadre fixé par le droit français en la matière. Le principe d'harmonisation maximale appliqué à ces dispositions du chapitre V ne permettrait donc pas à la France de maintenir son droit plus protecteur dans ce domaine.

Mécaniquement, la rédaction initiale de la proposition de directive induisait ainsi la suppression de certains dispositifs légaux ou réglementaires nationaux , comme par exemple les règles de formation des contrats en matière de démarchage à domicile, certaines dispositions relatives aux obligations d'information précontractuelle dans le domaine de la vente à distance ou encore le dispositif relatif aux clauses illicites qui ne seraient pas reprises dans la liste « noire » figurant en annexe II de la directive, considérées comme abusives en toutes circonstances et interdites comme telles.

En matière de vices cachés, enfin, la proposition de directive prévoyait une harmonisation du régime légal de garantie de conformité des biens, qui aurait probablement eu pour effet de rendre impossible le maintien par les Etats membres d'une faculté pour les consommateurs de recourir à un régime de garantie découlant de l'application des dispositions relevant du droit général des obligations 13 ( * ) .

? Deuxième risque, la rédaction soumise par la Commission européenne rend impossible une action politique nationale s'adaptant aux besoins réels de protection des consommateurs.

? Enfin, le principe d'harmonisation maximale a pour conséquence de figer un droit qui est par nature évolutif . Le droit des consommateurs est en effet un droit mouvant par essence, afin de garantir aux consommateurs une protection adaptée et efficace.

Les autorités françaises ont donc exprimé, dans un premier temps, leur désaccord sur l'ensemble de ces points, faisant valoir :

- d'une part que le champ d'application du texte proposé par la commission devait être clarifié ;

- et d'autre part que la démarche d'harmonisation maximale mise en oeuvre par ce texte ne devait pas constituer une fin en soi ni se traduire par un recul en matière de protection des consommateurs, par rapport aux dispositions existant dans notre droit national.

Votre commission s'était ainsi déjà saisie d'une proposition de résolution européenne présentée par M. Hubert Haenel, devenue résolution du Sénat le 29 juillet 2009 14 ( * ) , demandant au Gouvernement de « s'opposer à toute mesure qui se traduirait par un recul de la protection du consommateur français » . La position du Sénat était en effet très claire : « l'ensemble des dispositions législatives françaises assure aux consommateurs français une protection efficace qui ne doit pas être diminuée au motif d'améliorer le marché intérieur de détail et d'accroître les facilités offertes aux entreprises effectuant du commerce transfrontalier » .

B. UN SOUTIEN AU COMPROMIS OBTENU LORS DE LA RÉUNION DU COREPER DU 8 DÉCEMBRE 2010

1. Le compromis obtenu sous la présidence belge
a) Un champ d'application précisé et limité aux contrats de vente à distance et aux contrats hors établissement

Les débats sur cette proposition de directive ont fait l'objet d'une évolution inattendue. Le principal tournant est constitué par le changement, en 2010, de commissaire en charge de la proposition de directive. Le dossier, initialement piloté par Mme Kuneva, commissaire en charge de la consommation sous la commission Barroso I, a été confié à Mme Reding, vice-présidente et commissaire en charge de la justice, des droits fondamentaux et de la citoyenneté.

Celle-ci, lors de son audition le 16 mars 2010 par la commission IMCO du Parlement européen, a infléchi la position de la Commission en plaidant pour l'abandon de l'harmonisation complète en tant que règle unique au profit d'une harmonisation totale mais ciblée à certains chapitres, voire certaines dispositions de la directive.

Au cours de cette même audition, M. Andreas Schwab, rapporteur du dossier pour la commission IMCO, présentant son projet de rapport, a lui aussi plaidé pour une harmonisation totale ciblée.

Au Conseil, les négociations menées sous la présidence belge ont ainsi abouti à la définition d'une nouvelle approche consistant notamment en la suppression des chapitres IV et V , relatives à la garantie légale de conformité et aux clauses abusives, à l'exception des articles 22 et 23 du chapitre IV.

Cette nouvelle mouture, plébiscitée par une majorité qualifiée lors de la réunion du Comité des représentants permanents (Coreper) du 8 décembre 2010, a été adoptée en point A du Conseil Agriculture et pêche (AGRI) du 24 janvier 2011. Elle donne une nouvelle orientation générale à la proposition de directive.

Si les objectifs de la directive demeurent inchangés - garantir un niveau élevé de protection des consommateurs et faciliter la vente à distance afin de renforcer le commerce transnational de l'Union européenne - le recentrage de la proposition de directive sur les chapitres I et III, relatifs aux définitions et à la vente à distance et hors établissement , ainsi que la restriction de son champ lèvent une grande partie des difficultés rencontrées initialement par le texte.

Selon ce compromis, l'article 3 du nouveau texte prévoit que la directive s'appliquerait désormais uniquement aux contrats à distance et hors établissement conclus entre un professionnel et un consommateur, ainsi qu'aux contrats portant sur la fourniture d'eau, de gaz, d'électricité ou de chauffage à distance.

Seraient en revanche exclus du champ de la directive les contrats conclus dans des domaines tels que les biens immobiliers, la construction d'immeubles neufs, les services financiers, les services de transport de voyageurs, certains services sociaux, les soins de santé et les jeux de hasard.

Il est précisé à l'article 3 que la directive n'a pas « d'incidence sur les dispositions générales du droit des contrats prévues au niveau national, notamment les règles relatives à la validité, à la formation et aux effets des contrats, dans la mesure où les aspects généraux du droit des contrats ne sont pas régis par la présente directive ».

Par ailleurs, la nouvelle proposition de directive prévoit que les États membres peuvent décider de ne pas l'appliquer dans les cas où des biens ou des services de faible valeur sont vendus hors établissement. L'article 4 bis du nouveau texte prévoit ainsi que « les États membres peuvent décider de ne pas appliquer les dispositions de la présente directive aux contrats hors établissement pour lesquels la valeur du ou des contrats conclus en même temps n'excède pas 60 euros, ou de ne pas conserver ou introduire des dispositions nationales correspondantes. Ils peuvent prévoir une valeur inférieure dans leur législation nationale ».

b) Le choix d'une harmonisation maximale ciblée sur certaines dispositions, permettant de préserver une haute protection du consommateur

L'article 4 de ce nouveau texte traduit cette nouvelle approche pragmatique en posant le principe d'une harmonisation maximale ciblée , dont découle un dispositif à deux pans :

- le dispositif d'harmonisation maximale s'applique aux définitions, à la phase précontractuelle précédant l'engagement du contrat, à la durée de la période de rétractation, à l'exercice du droit de rétractation, aux obligations des parties durant cette période, comme l'indique le point 5 de l'introduction du nouveau texte : « une harmonisation complète des dispositions relatives à l'information des consommateurs et au droit de rétractation dans les contrats de vente à distance et hors établissement contribuera à un meilleur fonctionnement du marché intérieur sur le plan des relations entre entreprises et particuliers » ;

- trois clauses dites « minimales » sont identifiées pour trois domaines bien précis qui dérogent au principe d'harmonisation maximale.

Ces trois clauses - qui conservent donc une harmonisation minimale pour certaines dispositions - concernent des domaines qui permettent à la France de maintenir un haut niveau de protection des consommateurs :

- l'interdiction des paiements pendant la période de rétractation (article 12 paragraphe 4 15 ( * ) ), comme le prévoit l'article L. 121-26 du code de la consommation pour le démarchage ;

- la confirmation écrite de toute offre commerciale faite par téléphone à l'initiative du professionnel et l'engagement du consommateur en ces circonstances que par sa signature ou son consentement exprès (article 11 paragraphe 3 bis 16 ( * ) ), comme le prévoit l'article L. 121-27 du code de la consommation ;

- le renvoi aux règles nationales pour la sanction du retard de livraison lorsque cette date est essentielle.

(1) Une liste complète d'informations précontractuelles obligatoires

La nouvelle proposition de directive fixe, dans son article 9, les obligations d'information concernant les contrats à distance et les contrats hors établissement que le professionnel doit fournir au consommateur, de façon claire et compréhensible. Cette liste, très complète, comprend : les principales caractéristiques du bien ou du service, l'identité du professionnel, sa raison sociale, son adresse et les renseignements permettant au consommateur de le contacter, l'adresse du siège commercial du professionnel, les indications relatives au prix, le coût d'utilisation des techniques de communication à distance, les modalités de paiement et de livraison, les conditions du droit de rétractation lorsque celui-ci est applicable et la mention de sa non-applicabilité le cas échéant, la durée du contrat et des obligations incombant au consommateur, l'existence d'une garantie légale, d'une caution ou autres garanties financières à payer, d'une assistance après-vente, et enfin la possibilité d'une résolution extrajudiciaire des litiges le cas échéant.

Ces nombreuses mentions obligatoires font partie intégrante du contrat et vont dans le sens d'une plus grande protection du consommateur, afin qu'il puisse s'engager de façon suffisamment éclairée.

Concernant les obligations formelles , l'article 10 prévoit pour les contrats hors établissement que ces informations obligatoires doivent être fournies au consommateur sur un « support durable, de manière lisible et dans un langage clair et compréhensible ». L'article 11 en revanche prévoit que pour les contrats à distance, ces informations sont fournies sous une forme « adaptée à la technique de communication à distance utilisée ». En outre, tout paiement supplémentaire venant s'ajouter à la rémunération principale doit faire l'objet d'un consentement exprès du consommateur. Enfin, l'article 11 prévoit une clause minimale concernant la confirmation par écrit d'une offre faite par téléphone dans le cadre d'un démarchage par le professionnel, comme évoqué plus haut.

(2) Un droit de rétractation bénéfique pour le consommateur

La proposition de directive fixe également le principe et les modalités d'un droit de rétractation pour le consommateur dans le cadre des contrats de vente à distance et des contrats hors établissement 17 ( * ) , afin de permettre au consommateur de s'assurer du bon fonctionnement du bien dans le cas d'un contrat de vente à distance, et de pouvoir exercer son libre arbitre sans pression psychologique dans le cadre d'un contrat hors établissement.

Ce principe est fixé par l'article 12 du nouveau texte qui prévoit que « le consommateur a le droit de se rétracter d'un contrat à distance ou d'un contrat hors établissement sans avoir à motiver sa décision et sans autres coûts que ceux visés à l'article 17 ».

Le consommateur dispose de ce droit de rétractation durant un délai de 14 jours , ce qui constitue une avancée par rapport à notre droit interne, qui fixe ce délai à 7 jours 18 ( * ) . Le point de départ de ce délai diffère selon le type de contrat concerné :

- pour les contrats de service, le délai est de 14 jours à compter de la conclusion du contrat 19 ( * ) ;

- pour les contrats de vente, le délai est de 14 jours à compter du jour où le consommateur a pris livraison du bien 20 ( * ) .

Ces points de départ sont conformes à ceux prévus par l'article L. 121-20 du code de la consommation.

La clause minimale prévue au 4 de l'article 12 évoquée plus haut permet aux États membres d'interdire tout paiement durant le délai de rétractation.

Pour se rétracter, le consommateur peut utiliser le formulaire harmonisé type figurant à l'annexe I de la proposition de directive mais conserve, en vertu de l'article 14, la possibilité d'utiliser ses propres mots ou un autre support.

En cas de rétractation, le professionnel doit alors rembourser, dans un délai de 14 jours à compter de la réception de la notification de rétractation, tous les versements reçus de la part du consommateur, y compris ceux couvrant les dépenses engagées pour livrer le bien.

Le consommateur est alors tenu de renvoyer le bien dans un délai de 14 jours après notification au professionnel de sa décision de se rétracter et supporte les coûts directs engendrés par le renvoi des biens.

(3) Le maintien des articles 22 et 23 du chapitre IV de la proposition initiale

Le lieu et les modalités de livraison ainsi que les dispositions relatives à la détermination des conditions du transfert de propriété des biens et du moment auquel il a lieu ne sont pas concernés par la directive : ce sont les législations des États membres qui fixent les règles applicables en la matière.

L'article 22 de la nouvelle proposition de directive prévoit en revanche que le consommateur a le droit de résilier le contrat en cas de manquement du professionnel à l'obligation de livraison dans les délais prévus, après lui avoir accordé un délai supplémentaire adapté aux circonstances.

Toutefois, ce délai supplémentaire n'est pas automatiquement accordé : lorsque le professionnel a refusé de livrer les biens et, dans certaines circonstances, lorsque le délai de livraison constitue un élément essentiel du contrat, comme par exemple, pour une robe de mariée qu'il convient de livrer avant le mariage. Dans ces cas-là, le consommateur peut résilier le contrat immédiatement après l'expiration du délai de livraison initialement convenu.

L'article 23 prévoit que le consommateur est protégé contre tout risque de perte ou de dommage au cours du transfert du bien, c'est-à-dire avant qu'il n'en ait pris physiquement possession.

2. La proposition de résolution soutient ce compromis

La proposition de résolution européenne déposée par M. Jean Bizet et adoptée par la Commission des affaires européennes du Sénat le 19 janvier 2011 soutient le compromis issu de la réunion du Coreper du 8 décembre 2010 et validé par le Conseil AGRI du 24 janvier 2011.

Elle rappelle tout d'abord dans l'exposé des motifs les problèmes soulevés par le changement d'orientation que constitue la mise en oeuvre du principe d'harmonisation maximale en matière de droit de la consommation , mettant en avant qu'une glaciation de ce droit par nature évolutif et une régression du niveau de protection des consommateurs français risqueraient d'en découler. Elle remarque aussi l'insécurité juridique qui résultait de l'incertitude du champ de la proposition de directive initiale, susceptible de concerner l'ensemble des contrats de vente de biens.

Face aux évolutions récentes du texte et à l'accélération du calendrier, la proposition de résolution souligne qu'il est « important que le Sénat se prononce une nouvelle fois au vu du texte profondément renouvelé que le Coreper a élaboré » .

Ainsi, la proposition de résolution européenne souligne les points de satisfaction très importants obtenus dans le texte issu des travaux du Conseil.

Premièrement, le recentrage opéré par le nouveau texte sur les seuls contrats de vente à distance et contrats de vente hors établissement permet de se focaliser « sur les aspects présentant un réel intérêt pour le développement du marché intérieur ». La clarification du champ d'application de la directive permet d'éviter qu'elle ne déborde sur le droit général des contrats, d'autant que certains domaines spécifiques ont été exclus (services financiers, services de transport de voyageurs, immobilier et services sociaux). Elle renforce la sécurité juridique des consommateurs.

En deuxième lieu, la proposition de résolution se réjouit de l'introduction de clauses minimales permettant de déroger au principe d'harmonisation maximale dans trois domaines : les modalités de paiement en cas de démarchage à domicile, l'expression du consentement écrit en cas de démarchage par téléphone et les droits des consommateurs en cas de retard de livraison.

La combinaison de ces trois clauses minimales et d'un principe d'harmonisation maximale ciblée s'appliquant dans un cadre restreint et bien défini constitue une approche tout à fait acceptable par les autorités françaises, sans qu'un recul de la protection des consommateurs ne soit à craindre.

Enfin, la proposition de résolution adoptée par la commission des affaires européennes regrette la disparition de plusieurs points importants entraînée par la suppression totale des chapitres IV et V (à l'exception des articles 22 et 23 du chapitre IV), notamment en matière de clauses abusives, soulignant que si la résolution du Sénat du 29 juillet 2009 s'opposait à l'approche d'harmonisation maximale, un compromis sur une approche d'harmonisation minimale ciblée aurait pu rendre possible un accord bénéfique au consommateur européen.

En effet, la suppression pure et simple des chapitres IV et V de la directive revient à renoncer à une actualisation des directives 93/13/CEE concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs et 99/44/CE sur la vente et les garanties des biens de consommation, qui mériteraient d'être adaptées aux évolutions récentes du marché et des pratiques de consommation. Comme le précise par exemple la proposition de résolution, « en matière de clauses abusives, il est certain qu'un nouveau texte serait utile, la directive actuelle remontant à 1993, mais à la condition de retenir une approche d'harmonisation minimale » .

Pour toutes ces raisons, la proposition de résolution européenne n° 250 adoptée par la commission des affaires européennes, à l'initiative de son président M. Jean Bizet « demande au Gouvernement de soutenir l'équilibre général de cet accord » .

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Votre rapporteur souscrit à l'ensemble des conclusions formulées par M. Jean Bizet dans sa proposition de résolution européenne qui accueillent favorablement les avancées de la nouvelle rédaction de la proposition de directive relative aux droits des consommateurs ainsi qu'à la demande de soutien à l'équilibre général de cet accord.

En effet, au vu de la longueur du processus législatif qui caractérise un dossier aussi sensible que les droits des consommateurs et surtout compte tenu des évolutions actées par la réunion du Coreper de décembre dernier qui ont largement amélioré la rédaction initiale du texte en permettant de sauvegarder la protection des consommateurs garantie par notre droit interne, il semble non seulement que le compromis obtenu est acceptable mais aussi que ce dernier doit être fermement soutenu afin que les avancées qu'il permet puisse être rapidement mises en oeuvre sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne.

Votre rapporteur souhaite néanmoins insister sur la nécessaire vigilance qui doit être celle des autorités françaises, lors du passage du texte du texte devant le Parlement européen, quant au maintien de cet équilibre permettant aux États membres de conserver une marge de manoeuvre sur des points pour lesquels leur droit est plus protecteur. Il entend ainsi souligner que l'exigence d'un haut niveau de protection des consommateurs, objectif fixé par l'article 169 du TFUE, et l'objectif de bon fonctionnement du marché intérieur, prévu par l'article 114 du même traité, sont loin d'être antinomiques.

A. RESTER VIGILANT SUR LA CONSERVATION D'UN JUSTE ÉQUILIBRE

Votre rapporteur, s'il approuve complètement l'approche d'harmonisation maximale ciblée in fine privilégiée par le Conseil, entend néanmoins relever les limites que comporterait une vision trop minimaliste en matière de degré d'harmonisation.

1. Une protection efficace des consommateurs est une condition essentielle à la réalisation du marché intérieur

On le sait, l'analyse de la Commission européenne insiste sur la fragmentation des législations dans le domaine de la protection des consommateurs comme obstacle à la réalisation du marché intérieur et au développement des échanges commerciaux transfrontaliers.

Il est vrai, à cet égard, que le commerce transfrontalier de biens de consommation, et notamment le e-commerce ou commerce électronique qui représente environ 3 % du commerce en Europe, doit être développé alors même que ce secteur devrait être le premier à bénéficier de la réalisation d'un marché intérieur européen.

La Commission européenne a publié une communication sur le sujet en mars 2009 puis, le 22 octobre 2009, un rapport consacré au commerce électronique transfrontalier de biens de consommation 21 ( * ) qui recommande un certain nombre d'actions prioritaire et notamment de :

- doter le consommateur européen d'un ensemble de droits simple et unique afin d'assurer une protection identique aux consommateurs tout en réduisant les coûts de mise en conformité pour les détaillants et en leur apportant la clarté juridique ;

- renforcer l'application de la législation par-delà les frontières afin de lutter contre les pratiques illégales et d'amener le consommateur à moins se défier du commerce transfrontalier.

Une vaste enquête mystère a été menée par un organisme indépendant pour la Commission : à travers l'UE, des acheteurs ont tenté de commander cent produits très demandés - appareils photos, CD, livres ou vêtements, par exemple - auprès d'un prestataire d'un autre pays. Plus de 11 000 commandes ont été passées.

Il ressort de cette enquête que 60 % des transactions transfrontalières n'ont pas pu aboutir parce que le commerçant n'assurait pas l'expédition du produit vers le pays des acheteurs ou qu'il ne proposait pas de moyens de paiement transfrontalier adéquats. La Lettonie, la Belgique, la Roumanie et la Bulgarie sont les pays où le consommateur peut le moins procéder à des achats transfrontaliers. Pire, plus de la moitié de ce type d'achats est vouée à l'échec dans 25 pays sur 27.

Les avantages auxquels doivent renoncer les citoyens sont également très clairs. Dans plus d'un Etat membre sur deux, plus de la moitié des produits a pu être trouvée 10% moins cher (frais de transport inclus) sur un site situé dans un autre pays. Et 50 % des produits recherchés n'ont pu être trouvés sur des sites nationaux, étant proposés uniquement par des commerçants installés dans un autre État membre.

Par ailleurs, l'écart entre le commerce électronique national et transfrontalier se creuse malgré un fort potentiel de développement.

La Commission européenne a présenté le 22 octobre 2009 une série de mesures à prendre afin de réduire la complexité de l'environnement réglementaire, qui n'incite pas les entreprises à offrir des services aux consommateurs d'autres États membres. En outre, et afin d'accroître la confiance dans les transactions électroniques, les problèmes liés à la collecte de données commerciales et à l'utilisation de ces données pour déterminer le profil des consommateurs et leur adresser des offres ciblées feront l'objet d'une analyse menée au sein du forum rassemblant les protagonistes concernés.

Votre rapporteur a par ailleurs pu constater, lors de l'audition de Price Minister, site internet d'achat et de vente en ligne, que l'harmonisation maximale va dans le sens d'une plus grande sécurisation juridique des professionnels et permet de donner un cadre juridique cohérent à l'ensemble des acteurs concernés.

Le postulat de départ de la Commission européenne était clairement énoncé dans la proposition de directive initiale, qui stipule que « les législations des États membres en matière de contrats conclus avec des consommateurs présentent des différences marquées qui peuvent causer des distorsions sensibles de la concurrence et faire obstacle au bon fonctionnement du marché intérieur. La législation communautaire actuellement en vigueur dans le domaine des contrats à la consommation conclus à distance ou en dehors des établissements commerciaux, des biens de consommation, des garanties accordées aux consommateurs et des clauses contractuelles abusives établit des normes d'harmonisation minimales qui autorisent les États membres à maintenir ou à adopter des mesures plus strictes pour assurer un niveau plus élevé de protection des consommateurs sur leur territoire » .

Si votre rapporteur ne remet pas en cause ce postulat selon lequel ces disparités de réglementation créent des barrières importantes au sein du marché intérieur et augmentent les coûts de mise en conformité pour les entreprises désireuses de s'engager dans la vente transfrontalière de biens, il souligne néanmoins qu'il n'est pourtant pas entièrement satisfaisant.

En effet, il semble que les réticences aux échanges transfrontaliers ne trouvent pas dans cette variété des lois nationales leur seul facteur explicatif. D'autres éléments bien plus essentiels doivent être considérés.

Les difficultés d'ordre linguistique semblent ainsi constituer un obstacle majeur au développement des échanges transfrontaliers et obèrent la confiance des consommateurs. Cette réalité est d'ailleurs largement mise en avant par une association de consommateurs comme UFC - Que choisir, que votre rapporteur a pu entendre sur ce sujet.

À cet obstacle, peuvent également s'ajouter des difficultés inhérentes au commerce électronique. La maîtrise de l'outil informatique par exemple, constitue un obstacle important, notamment pour les consommateurs d'un certain âge, auquel vient s'ajouter la défiance encore assez répandue à l'encontre des moyens de paiement en ligne.

Le nombre de réclamations reçues par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), qui effectue une veille systématique grâce à son Centre de Surveillance du Commerce Electronique (CSCE) est en effet révélateur de cette défiance. Avec 20 289 de réclamations reçues en 2010, la vente à distance reste le premier poste des réclamations.

Selon les informations transmises par la DGCCRF, les réclamations en volume concernent au premier titre les professionnels du secteur des biens d'équipements de la maison (informatique, électronique, meubles,...) et de la personne.

Total réclamations VAD hors telecom, énergie en 2010                        20 289

Equipements de la maison

6 480

Equipements de la personne

3 006

Services d'assistance et d'intermédiaire

990

Tourisme, vacances

688

Matériels et pratiques de sport, loisirs, jouets

514

Concours, loteries

439

Equipements et accessoires

326

Produits alimentaires

320

Services d'assistance et d'intermédiaire

294

Spectacles, culture

281

Source : DGCCRF

Les principales pratiques reprochées sont relatives aux pratiques commerciales trompeuses et à la livraison.

Total réclamations VAD hors telecom, énergie                                       20 289

Pratique commerciale trompeuse

3 920

Livraison (délai, conformité, marchandise abîmée, responsabilité du transporteur, devoirs de l'acheteur)

3 085

Inexécution de la prestation ou indisponibilité totale du service

1 393

Non respect du délai de remboursement

1 211

Tromperie à l'égard des consommateurs

810

Mauvaise information précontractuelle

798

Contestation du prix ou du montant de la facture

748

Non confirmation de l'offre ou information incomplète

653

Garantie légale de conformité

632

Retard de remboursement en cas d'indisponibilité du produit

479

Source : DGCCRF

Le professeur Gilles Paisant, qui relève l'ensemble de ces obstacles au développement du commerce électronique dans un article publié dans la Semaine juridique, en conclut ainsi que « les différences entre les législations nationales restent fondamentalement sans incidence sur la confiance que le consommateur est susceptible d'éprouver ou non dans le marché intérieur » 22 ( * ) .

Votre rapporteur en conclut ainsi que le consommateur est, sinon davantage, au moins autant sensible, en matière de commerce électronique, au degré de protection qui lui est assuré plutôt qu'à la facilité des transactions en raison de cette défiance qui entoure encore ce type de commerce.

La logique peut donc être renversée : c'est parce que le dispositif créé par la proposition de directive sera à même de convaincre le consommateur qu'il est mieux protégé que ce dernier sera enclin à faire des achats transfrontières.

Ce n'est pas l'harmonisation maximale qui doit être rejetée en tant que telle, mais c'est sa consécration en tant que principe unique qui peut être interrogée. En effet, si l'harmonisation maximale permet de garantir une sécurité juridique bénéfique au consommateur, elle ne doit pas, au nom d'une application absolue et figée, se traduire par un recul par rapport à notre droit national.

Par ailleurs, votre rapporteur rejoint tout à fait la position exprimée par M. Jean Bizet dans sa proposition de résolution : le droit de la consommation est un droit vivant, mouvant. Le e-commerce évolue lui aussi constamment et nécessite une grande souplesse et adaptabilité du droit pour protéger le consommateur. Une approche permettant de différencier les éléments susceptibles de faire l'objet d'une harmonisation maximale afin de garantir au consommateur une vraie sécurité juridique - comme les définitions par exemple - et les éléments qui pourront être sensibles aux évolutions des enjeux recouverts ou encore au développement de pratiques commerciales nouvelles autour d'internet semble donc constituer un équilibre mesuré et pragmatique. C'est le cas du compromis obtenu.

2. Les perspectives

Si un compromis a pu être dégagé au sein du Conseil, votre rapporteur est conscient que c'est désormais au tour du Parlement européen, en vertu de la procédure de codécision, de se prononcer sur la proposition de la Commission européenne.

Le dossier est donc loin d'être clos et rien n'indique que la position du Conseil sera forcément suivie par le Parlement européen, notamment concernant la suppression des chapitres IV et V de la directive.

Cette nouvelle orientation générale a été adoptée en point A du Conseil de l'Union européenne « Agriculture et pêche » du 24 janvier 2011. Mais le Parlement européen doit désormais se prononcer sur ce projet. Deux commissions sont concernées : la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs (IMCO), qui a désigné comme rapporteur M. Andreas Schwab (PPE) et la commission des affaires juridiques (JURI), qui a désigné comme rapporteur Mme Diana Wallis (ALDE).

Le 1 er février 2011, la commission IMCO n'a pas repris la position du Conseil. Elle a réintroduit les chapitres IV et V du projet de directive, tout en laissant aux États membres davantage de marge de manoeuvre sur ces dispositions. Pour devenir position officielle du Parlement, ce vote devra être confirmé en séance plénière, probablement en mars 2011.

Certains points demeurent donc incertains et mériteront d'être suivis, comme par exemple, le point de départ à partir duquel court le délai de rétractation du consommateur en matière de vente à distance : si la position du Conseil le fixe au jour suivant celui où le consommateur a pris livraison du bien, la commission IMCO du Parlement européen a fixé ce dernier au jour de la conclusion du contrat. Une position commune devra ainsi être trouvée sur ce point.

Il convient d'une manière générale de rester vigilant au vu de ces échéances et de veiller à ce que les points de satisfaction obtenus au Conseil sous présidence belge ne soient pas remis complètement en cause à l'issue du processus législatif.

Par ailleurs, la Commission européenne a publié le 1 er juillet 2010 un Livre vert relatif aux actions envisageables en vue de la création d'un droit européen des contrats pour les consommateurs et les entreprises, dans lequel elle expose des pistes afin d'améliorer la cohérence du droit européen des contrats. Quels que soient l'outil juridique et le degré d'harmonisation qui seront choisis, votre rapporteur considère que la priorité sera de préserver notre droit de la consommation, extrêmement efficace et protecteur.

B. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR VOTRE COMMISSION

Votre commission a apporté quelques modifications au texte de la proposition de résolution européenne.

Elle a tout d'abord souhaité faire référence, dans les visas de la proposition de résolution, à l'initiative de votre rapporteur, à l'article 114 du Traité sur le fonctionnement du l'Union européenne relatif au rapprochement des législations , mais également, à l'initiative de M. Daniel Raoul, à l'article 169 du même traité, relatif à l'objectif d'un haut niveau de protection des consommateurs ; ces deux objectifs doivent en effet être pris en compte de façon équilibrée, sans que l'un ne soit poursuivi au détriment de l'autre.

Puis elle a adopté, à l'initiative de votre rapporteur, des amendements qui visent à :

- faire clairement mention du Conseil « Agriculture et pêche » du 24 janvier 2011 qui a adopté une orientation générale relative à la proposition de directive dans la rédaction issue du compromis entériné à la réunion du Coreper du 8 décembre 2010 ;

- mettre en avant l'équilibre auquel est parvenu le compromis obtenu lors de la réunion du Coreper du 8 décembre 2010 : cette nouvelle approche fondée sur l'harmonisation maximale ciblée et sur un champ d'application clairement restreint aux contrats de vente à distance et aux contrats hors établissement permet d'assurer approfondissement du marché intérieur et protection élevée des consommateurs européens ;

- préciser que le degré d'harmonisation accepté par les autorités françaises est celui d'une harmonisation « ciblée » à certaines dispositions du texte, permettant de conserver, dans certains domaines sensibles, les dispositifs extrêmement protecteurs de notre droit interne ;

- reconnaître les avancées que comporte la proposition de directive en matière de protection des consommateurs par rapport à notre droit national : le délai de rétractation pour le consommateur passe de 7 à 14 jours et la liste des informations obligatoires est particulièrement protectrice ;

- indiquer qu'il conviendra de veiller à ce que les propositions à venir de la Commission européenne en matière de droit européen des contrats ne remettent pas en cause les dispositions protectrices de notre droit de la consommation.

Au cours de sa réunion du mercredi 9 février 2011, présidée par M. Jean-Paul Emorine, président, la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire a examiné le rapport de M. Gérard Cornu sur la proposition de résolution européenne n° 250 (2010-2011) sur la proposition de directive relative aux droits des consommateurs (E 4026).

Elle a adopté une nouvelle rédaction de la proposition de résolution européenne, dont le texte figure ci-après, le groupe socialiste et le groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche s'abstenant.

ANNEXE I - PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LA COMMISSION

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de directive relative aux droits des consommateurs (texte E 4026) ;

Vu l'article 114 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu l'article 169 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu la résolution n° 130 (2008-2009) du Sénat ;

Vu la réunion du Coreper du 8 décembre 2010 ;

Vu la réunion du Conseil Agriculture et Pêche du 24 janvier 2011 ;

- accueille favorablement le compromis obtenu au sein du Coreper le 8 décembre 2010 et adopté au Conseil Agriculture et Pêche du 24 janvier 2011, qui recentre la proposition de directive sur des types de contrats présentant un véritable intérêt pour l'approfondissement du marché intérieur, en particulier les ventes à distance sur l'Internet et traduit une approche équilibrée conciliant clarification du droit applicable au sein de l'Union européenne et protection des consommateurs ;

- estime par ailleurs que le champ du texte est désormais clairement délimité et que la protection du consommateur s'approche de celle garantie par la législation française ;

- juge, dans ces conditions, que l'approche d'harmonisation maximale ciblée retenue par la Commission européenne - les États membres ne pourraient pas s'écarter des dispositions de la directive - est acceptable ;

- reconnaît les avancées permises par la proposition de directive en matière de protection des consommateurs, notamment le délai de rétractation de quatorze jours et les obligations d'informations précontractuelles en matière de vente à distance et de contrats hors établissement ;

- se réjouit de l'introduction de clauses minimales qui permettraient à la France de maintenir des dispositions plus protectrices dans trois domaines éminemment sensibles pour la confiance du consommateur français : les modalités de paiement en cas de démarchage à domicile, l'expression du consentement en cas de démarchage par téléphone et les droits des consommateurs en cas de retard de livraison ;

- regrette qu'en privilégiant le principe d'harmonisation maximale, plusieurs points importants aient été retirés de la proposition, en particulier le chapitre V relatif aux clauses abusives, alors qu'une approche ciblée d'harmonisation minimale - les États membres pourraient maintenir ou adopter des règles de protection des consommateurs plus favorables que la directive -, rendrait certainement possible un accord bénéfique au consommateur européen ;

- veillera à ce que les propositions qui seront formulées par la Commission européenne en matière de droit européen des contrats ne se traduisent pas par un recul de la protection du consommateur français ;

- demande au Gouvernement de soutenir l'équilibre général de cet accord.

ANNEXE II - LES ÉTAPES DE L'ÉLABORATION DE LA PROPOSITION DE DIRECTIVE RELATIVE AUX DROITS DES CONSOMMATEURS

1. La Commission européenne a adopté une proposition de directive relative aux droits des consommateurs le 8 octobre 2008 .

La proposition présentée par la Commission s'appuie sur le Livre vert sur la révision de l'acquis communautaire en matière de protection des consommateurs (COM (2006) 744 final) adopté par la Commission le 8 février 2007, dont le motif et l'objectif étaient de simplifier et compléter le cadre juridique existant et qui couvrait huit directives relatives à la protection des consommateurs.

Ce Livre vert faisait suite à une communication de la Commission du 12 février 2003 présentant un Plan d'action pour un droit européen des contrats plus cohérent.

Le Livre vert conclut ainsi une phase de diagnostic et lance une consultation. Les réponses au livre vert sont analysées dans un rapport détaillé commandé par la Commission européenne, à propos duquel il convient de signaler que la moitié des contributions reçues proviennent du secteur professionnel, l'autre moitié se répartissant entre des organismes qui se consacrent à la protection des consommateurs, des juristes et autres, des pouvoirs publics et des universitaires.

La proposition de directive initiale comprend 50 articles répartis en 7 chapitres :

I. Objet, définitions et champ d'application (articles 1 à 4)

II. Information des consommateurs (articles 5 à 7)

III. Information sur le droit de rétractation pour les contrats à distance et les contrats hors établissement (articles 8 à 20)

IV. Autres droits des consommateurs spécifiques aux contrats de vente (articles 21 à 29)

V. Droits des consommateurs concernant les clauses contractuelles générales (articles 30 à 39)

VI. Dispositions générales (articles 40 à 46) ;

VII. Dispositions finales (articles 47 à 50).

+ Cinq annexes, dont deux concernent les clauses, sont jointes à la proposition.

La Commission souhaite, à travers ce texte, procéder à l'abrogation intégrale de 4 directives communautaires :

i) la directive 85/577/CEE du Conseil du 20 décembre 1985 concernant la défense des consommateurs dans le cas des contrats négociés en dehors des établissements commerciaux ;

ii) la directive 93/13/CEE concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ;

iii) la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 1997 concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance

iv) la directive 99/44/CE sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation.

Les directives qui font l'objet d'une révision contiennent des clauses minimales, ce qui signifie que les États membres peuvent maintenir ou adopter des règles de protection des consommateurs plus strictes. Les États membres ont largement fait usage de cette possibilité, ce qui a conduit à un cadre réglementaire communautaire fragmenté entraînant des coûts de mise en conformité élevés pour les entreprises désireuses de se livrer à des échanges commerciaux transfrontaliers. Cette fragmentation a des conséquences sur le marché intérieur, dans la mesure où les entreprises sont réticentes à vendre à des clients situés hors de leurs frontières, ce qui est dommageable pour les consommateurs. A contrario, cette proposition de directive est, elle, fondée sur le principe d'une harmonisation maximale, dont il résulte que les États membres ne pourront maintenir ou définir, dans le domaine couvert par la future directive, des règles différentes de celles du texte, qu'elles soient moins ou plus protectrices pour le consommateur.

2. Le Comité des régions a publié un avis le 16 juillet 2009 sur la proposition de directive qui « soutient l'objectif politique visant à poursuivre l'harmonisation du marché intérieur et à améliorer son fonctionnement en ce qui concerne les transactions entre les consommateurs et les entreprises, les PME en particulier ; continuer également à défendre l'objectif du renforcement et du développement de la protection des consommateurs au sein de l'UE, qui est une condition sine qua non pour le fonctionnement du marché unique ; estime que la proposition de directive à l'examen n'est pas encore de nature à conforter la confiance des consommateurs dans les échanges transfrontaliers ; se déclare opposé au principe d'une harmonisation maximale généralisée, qui risquerait d'obliger certains États membres à renoncer, à la faveur de l'harmonisation, à certaines dispositions en matière de protection des consommateurs ; espère qu'à l'avenir les États membres pourront toujours aller au-delà des dispositions uniformes établies au niveau communautaire ; préconise en conséquence une approche différenciée, autorisant une harmonisation maximale pour les dispositions de nature plutôt technique mais offrant pour le reste une certaines latitude réglementaire aux États membres ; souligne la nécessité de définir plus concrètement les informations essentielles qui doivent figurer sur tous les types de contrats, considère que des clarifications et des ajustements restent nécessaires en ce qui concerne les contrats à distance » .

3. Le 6 novembre 2008, le Conseil a décidé, conformément à l'article 95 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition de directive. Le Comité économique et social européen a adopté son avis le 16 juillet 2009 en session plénière. Dans ses conclusions, le CESE indique « la proposition de la commission devrait se limiter à une harmonisation horizontale des ventes en dehors des établissements commerciaux et des ventes à distance, car ce sont elles qui sont les plus concernées par les échanges transfrontaliers ». Il ajoute : « Il conviendrait de supprimer et de retirer de la proposition de directive les points relatifs aux clauses abusives et aux ventes et garanties de biens, car ils traitent d'aspects dont il n'apparaît pas opportun, dans l'état actuel de l'évolution du droit communautaire, qu'ils fassent l'objet d'une harmonisation complète. Le CESE considère que l'existence de définitions communes peut apporter une plus grande fiabilité et sécurité juridique aux opérateurs commerciaux et aux consommateurs » .

4. Le 16 mars 2010 : audition de Mme Reding par la commission IMCO du Parlement européen, qui plaide pour l'abandon de l'harmonisation complète en tant que règle unique au profit d'une harmonisation maximale mais ciblée à certains chapitres, voire dispositions de la proposition de directive ;

5. En juillet 2010, la commission parlementaire du marché intérieur et de la protection des consommateurs (IMCO) a examiné le rapport de M. Schwab (PPE).

6. La réunion du Comité des représentants permanents (Coreper) du 8 décembre 2010 a adopté un compromis basé sur le principe d'une harmonisation maximale ciblée et sur un texte recentré sur la phase précontractuelle des contrats de vente à distance et des contrats hors établissement. Les chapitres IV et V sont supprimés, à l'exception des articles 22 et 23 du chapitre IV.

7. Le Conseil de l'Union européenne « Agriculture et pêche » du 24 janvier 2011 a validé en point « A » l'orientation générale retenue par la réunion du Coreper.

8. Lors de sa réunion du 1er février 2011, la commission parlementaire du marché intérieur et de la protection des consommateurs (IMCO) a adopté le rapport de M. Andreas Schwab qui ne maintient pas la suppression des chapitres IV et V mais conserve une vraie marge de manoeuvre pour les États membres sur le champ du chapitre IV.

9. Afin d'être définitif, le vote en commission parlementaire devra être confirmé par un vote en session plénière prévu en mars 2011.

Source : Parlement européen - L'Observatoire législatif

ANNEXE III - EXAMEN DES AMENDEMENTS ET ADOPTION DU TEXTE DE LA COMMISSION (mercredi 9 février 2011)

La commission procède tout d'abord à l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de résolution européenne n° 250 (2010-2011), présentée au nom de la commission des affaires européennes par M. Jean Bizet, sur la proposition de directive relative aux droits des consommateurs (E 4026).

EXAMEN DU RAPPORT

M. Gérard Cornu, rapporteur . - M. Bizet a déposé une proposition de résolution, adoptée par la commission des affaires européennes le 19 janvier dernier, sur la proposition de directive relative aux droits des consommateurs. Nous sommes saisis de l'examen au fond.

Alors que les traités fondateurs n'en faisaient pas mention, les intérêts des consommateurs ont été progressivement pris en compte par l'Union européenne, jusqu'à devenir, en 1993, l'un de ses objectifs, avec l'insertion d'un nouveau titre consacré à la politique de protection des consommateurs dans le traité de Rome. C'est ainsi que l'article 169 de l'actuel traité sur le fonctionnement de l'Union européenne fixe une exigence de protection élevée, à concilier avec l'objectif de l'article 114 - rapprocher les législations pour l'approfondissement du marché intérieur - ce que l'on a longtemps fait en retenant un principe d'harmonisation minimale, laissant les États membres libres de retenir des mesures plus protectrices.

C'est en rupture avec cette approche que la commission a adopté, le 8 octobre 2008, une proposition de directive tendant à « l'harmonisation maximale totale », dont l'examen reste en cours, puisqu'en vertu de la procédure de codécision, elle doit encore être adoptée en séance plénière par le Parlement européen. La proposition initiale interdisait aux États membres de maintenir des règles différentes de celles posées par ses cinquante articles, y compris quand elles étaient plus protectrices. Le postulat de départ sur lequel s'appuie la Commission européenne est clair : la multiplicité des législations, outre qu'elle est génératrice de coûts, constitue un obstacle à la pleine réalisation du marché intérieur et au développement des échanges commerciaux transfrontaliers. Pour y remédier, la proposition de directive initiale fixe ainsi des standards destinés à faire émerger un droit européen unique pour un certain nombre de dispositions comme les informations précontractuelles obligatoires, les modalités harmonisées pour les obligations d'information renforcées pour les contrats de vente à distance et les contrats hors établissement, les modalités d'exercice du droit de rétractation ou encore pour certaines clauses contractuelles, comme en matière de clauses abusives par exemple.

Un certain nombre de pays membres, dont la France, ont jugé ces dispositions difficilement acceptables en l'état. La France aurait vu par ce texte son droit de la consommation amputé de dispositions protectrices essentielles. J'ai pu moi-même constater, lors des auditions que j'avais alors menées, que la directive suscitait chez nous l'opposition de l'ensemble des acteurs. Le Sénat avait d'ailleurs adopté dans ce contexte le 29 juillet 2009, à l'initiative de M. Haenel, alors président de la commission des affaires européennes, une résolution demandant au gouvernement de s'opposer à toute mesure qui signerait un recul dans la protection du consommateur français.

M. Daniel Raoul . - Exact !

M. Gérard Cornu, rapporteur . - Les termes du dossier ont évolué sous la présidence belge de l'Union. Mme Viviane Reding, vice-présidente et commissaire en charge de la justice, des droits fondamentaux et de la citoyenneté a repris le dossier - initialement conduit par la commissaire en charge de la consommation, Mme Kuneva - a fait prévaloir une approche pragmatique qui a abouti, lors de la réunion du Coreper du 8 décembre 2010, à un compromis fondé sur un principe d'harmonisation maximale ciblée sur certaines dispositions du texte. Cette position, adoptée par le Conseil agriculture et pêche du 24 janvier dernier, n'a cependant pas été reprise telle quelle par la commission parlementaire du marché intérieur et de la protection des consommateurs, lors de sa réunion du 1er février.

M. Daniel Raoul . - Exact !

M. Gérard Cornu, rapporteur . - Le texte du Conseil recentre le champ de la directive à la phase précontractuelle des contrats de vente à distance et contrats hors établissement. Les chapitres IV et V sont supprimés, à l'exception des articles 22 et 23 du chapitre IV, relatifs aux modalités de livraison et au transfert de risque. Trois clauses minimales ont été introduites, à l'initiative de la France et de l'Allemagne, pour permettre aux États membres de conserver ou d'introduire des dispositions plus protectrices dans trois domaines éminemment sensibles : l'interdiction des paiements pendant la période de rétractation, la confirmation écrite de toute offre commerciale faite par téléphone à l'initiative du professionnel, le renvoi aux règles nationales pour la sanction du retard de livraison lorsque la date est essentielle.

Au vu de cette position du Conseil, le sentiment de tous les acteurs que j'ai pu rencontrer - associations de consommateurs, représentants de la distribution ou du commerce électronique - a été le soulagement. Nous revenons de loin : je crois que nous sommes tous d'accord, quelle que soit notre appartenance politique pour dire que la proposition initiale n'était pas acceptable en l'état car préjudiciable au consommateur français. Au reste, si l'on peut comprendre le souci de la Commission de supprimer les obstacles au développement du commerce transfrontalier, il demeure que l'harmonisation maximale ne les lèvera pas tous, notamment ceux qui résultent des barrières linguistiques et de la réticence des consommateurs devant le paiement en ligne.

Si l'on peut considérer que la position de compromis du Conseil ne règle pas tout, il faut garder présent à l'esprit qu'elle est le fruit d'un long processus de négociation à vingt-sept. Face aux échéances, nous devons rester vigilants, d'autant que la position du Parlement européen n'est pas fixée : la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs a adopté à une faible majorité le rapport de M. Schwab qui, contrairement à la position du Conseil, maintient les chapitres IV et V, tout en laissant aux États membres une marge de manoeuvre dans l'harmonisation.

J'en viens désormais à la proposition de résolution qui nous occupe. Je souscris à l'ensemble des conclusions formulées par M. Bizet, qui demande au gouvernement de soutenir l'équilibre général de cet accord. Les modifications que je vous proposerai, de précision, visent à :

- faire clairement mention des conclusions du Conseil agriculture et pêche du 24 janvier 2011, d'orientation conforme au compromis adopté par le Coreper, dont l'équilibre, fondé sur l'harmonisation maximale ciblée et un champ d'application clairement circonscrit aux contrats de vente à distance et hors établissement, mérite d'être mis en avant, dans la mesure où il permet de concilier harmonisation du marché intérieur et protection des consommateurs ;

- préciser que les autorités françaises souhaitent s'en tenir au principe d'harmonisation ciblée, qui préserve les dispositifs protecteurs de notre droit interne ;

- mentionner, enfin, les avancées que comporte la directive, notamment en matière de délai de rétractation, qui passerait de sept à quatorze jours, et d'informations obligatoires du consommateur.

M. Daniel Raoul . - Je pense que le Parlement européen prendra en compte la position du Conseil agriculture et pêche, qui rappelle que l'on ne saurait envisager le consommateur sous le seul angle du marché intérieur. Nous connaissons tous la position de la Commission européenne sur le libre échange. J'avais déposé, lors de la discussion sur le Grenelle II, un amendement visant à imposer la norme du chargeur USB universel. On m'a objecté qu'il n'était pas possible d'imposer unilatéralement une norme. Le problème, c'est que la Commission ne tient pas compte de l'article 169 du traité, relatif aux droits des consommateurs, et c'est pourquoi j'ai déposé un amendement afin qu'il soit clairement visé dans la proposition de résolution.

Je sais, monsieur le président, ce que sont les difficultés du calendrier, mais n'aurait-il pas été judicieux d'attendre, avant de nous prononcer, de connaître la position du Parlement européen ? La position de la Commission est radicale : seul le marché est pris en compte. Ce qui nous est depuis proposé, c'est bien une harmonisation maximale, à l'exception de quelques îlots. Que reste-t-il du principe de subsidiarité ? Je ne suis donc guère optimiste.

M. Jean-Paul Emorine, président . - Faire connaître notre position avant que le Parlement européen ne se soit prononcé n'est pas de mauvaise politique. Le principe de subsidiarité est d'application générale : il laisse latitude aux États membres de légiférer dans le respect des directives européennes.

Mme Odette Herviaux . - Je souscris aux propos de Daniel Raoul. Les choix de la Commission sont fâcheux : ils ne respectent pas les principes posés, non seulement par l'article 169, mais par l'article 12, qui précise que les exigences de la protection des consommateurs sont prises en considération dans la définition et la mise en oeuvre, des autres politiques et actions de l'Union. Devant la levée de boucliers suscitée par le texte initial dans de nombreux États membres, un compromis a été mis sur pied - accepté par le Conseil agriculture et pêche, ce que l'on peut comprendre, chaque pays ayant le souci de trouver des débouchés à sa production - mais pas au détriment du consommateur. C'est pourquoi l'harmonisation a minima avait ses vertus : j'espère que le Parlement européen s'en souviendra à l'heure du vote.

M. Roland Courteau . - Le bureau européen des unions de consommateurs redoute le pire : un nivellement par le bas. Il salue certes quelques aspects positifs de la directive, sur les contrats de vente à distance, le délai de rétractation de 14 jours, le renvoi à la charge du vendeur pour les produits de plus de 40 euros, mais s'inquiète en revanche du sujet sensible de la vente en porte à porte. Pouvez-vous nous apporter là-dessus un éclairage ?

M. Gérard Cornu, rapporteur . - Nous préférons tous l'harmonisation a minima, qui laisse ouverte la possibilité de conserver ou d'adopter des mesures plus protectrices. On peut aussi comprendre la position du Conseil, qui souhaite une harmonisation maximale pour garantir un socle minimal à chaque consommateur au sein de l'Union. De fait, le risque avec l'harmonisation minimale, c'est la disparité des législations, qui laisse le consommateur sans repères. En revanche, l'inconvénient de l'harmonisation maximale c'est qu'elle ne permet d'aller plus loin que par un accord à 27...

M. Daniel Raoul . - C'est bien ce que nous disons.

M. Gérard Cornu, rapporteur . - La Commission, quant à elle, veut un marché global sur l'ensemble des pays de l'Union, c'est pourquoi elle s'arcboute sur le marché transfrontalier. Mais à mon sens, il est d'autres barrières que réglementaires : la langue, et la réticence du consommateur sur les paiements à distance : on n'en craint pas l'usage quand c'est un fournisseur français, mais s'il s'agit de l'Estonie ou de la Pologne...

Nous revenons de loin, Odette Herviaux. Nous nous sommes tous battus pour refuser le projet initial, inacceptable pour la France comme pour l'Allemagne, qui ont su le faire évoluer en s'appuyant sur leurs parlements nationaux. Un compromis n'est jamais totalement satisfaisant, mais grâce aux trois dérogations qui ont été introduites, et qu'on saluées les associations de consommateurs, il est acceptable pour la France.

La question des ventes en porte à porte n'a pas été soulevée, Roland Courteau, lors des auditions.

M. Roland Courteau . - Le bureau européen des unions de consommateurs estime que les résultats obtenus sont décevants, et qu'il est primordial que le Parlement européen fasse progresser encore le droit des consommateurs dans les contrats hors établissements commerciaux, en imposant, notamment, une information sur papier.

M. Gérard Cornu, rapporteur . - En toute logique, le porte à porte est concerné par l'interdiction de paiement en période de rétractation, de même que par la sanction en cas de retard de livraison à une date essentielle - les cadeaux de Noël, par exemple. Où peut être la spécificité ?

Mme Odette Herviaux . - Le porte à porte étant intégré dans les délais de rétractation, le problème tient peut être à la troisième dérogation, qui exige un consentement écrit exprès pour les seules ventes par téléphone ?

M. Gérard Cornu, rapporteur . - Il faut tout de même que les ventes puissent se faire ! Si l'on doit obtenir confirmation écrite pour toutes les ventes au porte à porte ou dans les foires et salons, où va-t-on ? Les PME, et c'est là sans doute un point de désaccord avec les associations de consommateurs, estiment qu'avec les technologies modernes, il devrait y avoir moyen d'éviter la paperasserie. Il y a un équilibre à trouver : évitons de pénaliser les 98 % de PME vertueuses sous prétexte de faire la chasse aux 2 % qui ne le sont pas.

M. Daniel Raoul . - Voilà ce que c'est que le compromis : le bureau européen se prononce clairement contre ce texte, qu'il considère comme cavalier ; les PME réagissent contre le délai de rétractation de 14 jours - on sait d'ailleurs, Élisabeth Lamure ne me démentira pas, ce qu'il en est de leur capacité de réaction, qu'on a pu mesurer sur la loi de modernisation de l'économie. Bref, le compromis ne satisfait personne, et les consommateurs n'y gagnent pas : la norme maximale sera pour eux une régression.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

M. Gérard Cornu, rapporteur . - Mon amendement de précision n° 2 devrait satisfaire Daniel Raoul. Il vise à faire directement mention, dans les visas de la résolution, aux articles 114 et 169 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

M. Daniel Raoul . - Une remarque de forme : viser individuellement chaque article aurait plus de force.

M. Gérard Cornu, rapporteur . - J'accepte cette proposition rédactionnelle. Quant à l'amendement n° 1 de Daniel Raoul, il va dans le bon sens, mais sa seconde partie sera probablement satisfaite par mon amendement n° 8. Je vous propose ainsi, cher collègue, de rectifier votre amendement afin de ne conserver que votre première partie qui tend à ajouter le visa de l'article 169 du TFUE. Mon amendement n°2 est par ailleurs modifié pour ne viser que l'article 114 du TFUE et venir ainsi compléter votre initiative.

Les amendements n° 2 rectifié et n° 1 rectifié sont adoptés.

L'amendement rédactionnel n° 3 est adopté, ainsi que l'amendement de coordination n° 4.

M. Gérard Cornu, rapporteur . - Mon amendement n° 5 vise à souligner que le recentrage de la proposition de directive sur les contrats de vente à distance et les contrats hors établissement, délimite le champ d'application du texte dans un souci de sécurité juridique, et d'harmonisation maximale ciblée ...

M. Daniel Raoul . - Cela concerne l'amendement n° 6.

M. Gérard Cornu, rapporteur . - ...et en conciliant approfondissement du marché et protection du consommateur.

L'amendement n° 5 est adopté.

M. Gérard Cornu, rapporteur . - Mon amendement n° 6 précise que l'harmonisation maximale est bien une harmonisation ciblée.

L'amendement n° 6 est adopté.

M. Gérard Cornu, rapporteur. - Mon amendement n° 7 vise à souligner les avancées de la directive - délai de rétractation à 14 jours et information plus complète du consommateur.

M. Daniel Raoul . - Soit, mais n'est-ce pas aller un peu loin que de s'en « réjouir », sachant qu'il n'y a rien de réjouissant dans ce texte. Les « reconnaître » suffirait.

M. Gérard Cornu, rapporteur . - La rectification me va.

L'amendement n° 7 rectifié est adopté.

M. Gérard Cornu, rapporteur . - La Commission européenne a publié, le 1er juillet 2010, un Livre vert relatif aux actions envisageables en vue de la création d'un droit européen des contrats pour les consommateurs et les entreprises. Elle y fait notamment une série de propositions sur l'instrument le plus adéquat - harmonisation ou instrument alternatif optionnel. S'agit-il de mettre en place, au sein de l'Union, un vingt-huitième droit des consommateurs ? En tout état de cause, il faudra y être attentif, afin que la technique retenue ne se traduise pas par un recul de notre droit interne. D'où mon amendement n° 8, qui devrait satisfaire le n° 1 de Daniel Raoul.

M. Michel Teston . - Nous y serons « attentifs », fort bien. Mais qu'arrivera-t-il si recul il y a ? Ne serait-il pas opportun de retenir une expression plus forte, comme le fait Daniel Raoul, qui retient le verbe s'opposer ?

M. Gérard Cornu, rapporteur . - S'arc-bouter sur une opposition, c'est prendre le risque de se faire battre, et de se trouver isolé. Il faut une formulation qui rassemble.

M. Daniel Raoul . - Je comprends la réaction du rapporteur : il n'est pas bon de s'isoler dans la négociation. Je propose d'écrire « veillera » : c'est une position de compromis.

M. Gérard Cornu, rapporteur . - Nous sommes d'accord.

L'amendement n° 8 rectifié est adopté.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Texte de la Proposition de résolution européenne

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. Gérard CORNU, rapporteur

2

Mention de l'article 114 du TFUE dans les visas

Adopté avec modification

M. Daniel RAOUL et les membres du groupe socialiste et apparentés

1

Mention de l'article 169 du TFUE dans les visas et opposition à l'harmonisation complète

Adopté avec modification

M. Gérard CORNU, rapporteur

3

Mention de la réunion du Conseil Agriculture et Pêche du 24 janvier 2011 dans les visas

Adopté

M. Gérard CORNU, rapporteur

4

Mention de la réunion du Conseil Agriculture et Pêche du 24 janvier 2011

Adopté

M. Gérard CORNU, rapporteur

5

Mention de l'approche équilibrée traduite par le compromis obtenu

Adopté

M. Gérard CORNU, rapporteur

6

Précision de l'harmonisation maximale ciblée

Adopté

M. Gérard CORNU, rapporteur

7

Mention des avancées en matière de protection des consommateurs

Adopté avec modification

M. Gérard CORNU, rapporteur

8

Vigilance sur les futures propositions de la Commission européenne concernant le droit des consommateurs

Adopté avec modification

M. Daniel Raoul . - Les membres de mon groupe s'en tiendront, sur cette proposition de résolution, à une abstention positive : cette proposition va dans le bon sens, mais elle intervient à propos d'un compromis que nous n'approuvons pas. Nous ne souhaitons pas qu'un vote positif soit interprété comme une approbation de la proposition de directive visée.

La proposition de résolution européenne est adoptée dans la rédaction de la commission .

ANNEXE IV - LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Mardi 11 janvier 2011

- Confédération de la consommation, du logement et du cadre de vie (CLCV) : Mme Reine-Claude Mader , président ;

- Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) : Mme Nathalie Homobono , directrice générale et M. Philippe Guillermin , directeur départemental, en charge du bureau de la protection économique des consommateurs ;

- UFC-Que Chosir : MM. Cédric Musso , directeur des relations institutionnelles et Nicolas Godfroy , juriste ;

- Price minister : M. Benoît Tabaka , directeur des affaires juridiques et règlementaires.

Mercredi 12 janvier 2011

- Fédération e-commerce et vente à distance (FEVAD) : MM. François Momboisse , président et Marc Lolivier , délégué général ;

- 3 Suisses : M. Eric Platiau , directeur général adjoint.

***

Mardi 25 janvier 2011 - Déplacement à Bruxelles

- Commission européenne : Entretien avec le cabinet de Mme Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne en charge de la justice, des droits fondamentaux et de la citoyenneté ;

- Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne : Entretien avec M. Philippe Léglise-Costa , représentant permanent adjoint à la représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne.


* 1 Proposition de directive relative aux droits des consommateurs, note « point A », Orientation générale du Conseil de l'Union européenne, article 1 er .

* 2 directive 85/577/CEE du Conseil du 20 décembre 1985 concernant la défense des consommateurs dans le cas des contrats négociés en dehors des établissements commerciaux ; directive 93/13/CEE concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ; directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 1997 concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance ; directive 99/44/CE sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation.

* 3 Comme le rappelle le Lamy Droit économique, édition 2011 (page 1718).

* 4 TFUE : Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne

* 5 TCE : Traité instituant la Communauté européenne

* 6 - Directive 85/577/CEE du Conseil du 20 décembre 1985 concernant la protection des consommateurs dans le cadre de contrats négociés en dehors des établissements commerciaux ;

- Directive 90/134/CEE du Conseil du 13 juin 1990 concernant les voyages, vacances et circuits à forfaits ;

- Directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ;

- Directive 94/47/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 1994 concernant la protection des acquéreurs pour certains aspects des contrats portant sur l'acquisition d'un droit d'utilisation à temps partiel de biens immobiliers ;

- Directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 1997 concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance ;

- Directive 98/6/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 1998 relative à la protection des consommateurs en matière d'indication des prix des produits offerts au consommateur ;

- Directive 98/27/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 1998 relative aux actions en cessation en matière de protection des intérêts des consommateurs ;

- Directive 99/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation.

* 7 Livre vert sur la révision de l'acquis communautaire en matière de protection des consommateurs, présenté par la Commission européenne le 8 février 2007 - COM (2006) 744 final.

* 8 COM (2008) 794 final.

* 9 Directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs

* 10 Directive 99/44/CE du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation

* 11 Directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 1997 concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance

* 12 Directive 85/577/CEE du Conseil du 20 décembre 1985 concernant la défense des consommateurs dans le cas des contrats négociés en dehors des établissements commerciaux

* 13 Article 1641 du code civil : « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ».

* 14 Résolution européenne sur la proposition de directive relative aux droits des consommateurs (E 4026) n° 130 (2008-2009).

* 15 Article 12 paragraphe 4 : « Les États membres s'abstiennent d'interdire aux parties d'exécuter leurs obligations contractuelles pendant le délai de rétractation. Toutefois, en ce qui concerne les contrats hors établissement, ils peuvent instaurer ou conserver dans leurs dispositions nationales une interdiction de paiement pendant ledit délai. Ils notifient ces dispositions à la Commission, qui rend ces informations publiques sous une forme facilement accessible ».

* 16 Article 11 paragraphe 3 bis : «Sans préjudice du paragraphe 3, lorsque le professionnel contacte par téléphone le consommateur en vue de conclure un contrat à distance, il décline dès le début de la conversation téléphonique son identité et, le cas échéant, l'identité de la personne au nom de laquelle il effectue cet appel téléphonique et précise la nature commerciale de l'appel. Les États membres peuvent introduire ou conserver des dispositions nationales prévoyant que le professionnel, lorsqu'il a pris l'initiative du contact, doit confirmer l'offre auprès du consommateur et que le consommateur n'est lié par l'offre qu'après l'avoir signée ou l'avoir acceptée par écrit. Ils notifient ces dispositions à la Commission, qui rend ces informations publiques sous une forme facilement accessible ».

* 17 Paragraphe (22) de l'introduction de la proposition de directive: « Étant donné qu'en cas de vente à distance le consommateur n'est pas en mesure de voir le bien qu'il achète avant de conclure le contrat, il doit disposer d'un droit de rétractation lui permettant de s'assurer de la nature et du bon fonctionnement du bien (...) En ce qui concerne les contrats hors établissement, le consommateur devrait avoir un droit de rétractation, compte tenu de la pression psychologique et/ou de l'élément de surprise éventuels. L'exercice du droit de rétractation devrait avoir pour effet d'éteindre les obligations qui incombent aux parties contractantes en matière d'exécution des contrats ».

* 18 L'article L. 121-20 du code de la consommation prévoit que « le consommateur dispose d'un délai de sept jours francs pour exercer son droit de rétractation sans avoir à justifier de motifs ni à payer de pénalités, à l'exception, le cas échéant, des frais de retour ».

* 19 Le décompte des 14 jours du délai débute donc le jour suivant le jour de la conclusion du contrat.

* 20 Le décompte des 14 jours du délai débute donc le jour suivant la réception du bien par le consommateur.

* 21 Communication from the commission to the European parliament, the council, the European economic and social committee and the committee of the regions on Cross-Border Business to Consumer e-Commerce in the EU. COM (2009) 557 final - 22.10.2009

* 22 La Semaine juridique Edition Générale n° 9, 25 février 2009 - « Proposition de directive relative aux droits des consommateurs. Avantage pour les consommateurs ou faveur pour les professionnels ? »

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