Article 9 (nouveau) - Validation législative en faveur du mécénat culturel

Cet article a été introduit par l'Assemblée nationale, deux amendements identiques ayant été présentés par son rapporteur et par le groupe socialiste.

Il vise à valider des permis de construire afin de permettre la poursuite dans les meilleures conditions de la construction du musée d'art contemporain édifié par une fondation d'entreprise 6 ( * ) dans l'enceinte du Jardin d'acclimatation, à Paris.

Comme l'ont indiqué les auteurs de ces amendements : « ce projet revêt un intérêt culturel d'une ampleur que nul ne conteste. Il s'agit d'une construction prestigieuse, culturellement nécessaire et d'un intérêt architectural majeur. Elle renforcera l'attractivité de Paris et de notre pays, accroîtra l'offre culturelle nationale, accueillera visiteurs, étudiants, artistes, chercheurs venus du monde entier.

Située dans le bois de Boulogne, elle est implantée sur l'emprise du Jardin d'acclimatation où elle remplace avantageusement, sur une zone continûment construite depuis Napoléon III, des bâtiments vétustes et considérés à juste titre comme inesthétiques et, parfois, dangereux. Sa construction sera associée à une forte revalorisation paysagère et patrimoniale, par des fonds privés, des 18 hectares du Jardin d'Acclimatation, parc public, au profit des 1,4 million de personnes, pour moitié des enfants, qui le fréquentent chaque année. »

Il convient de rappeler les faits ayant conduit à la nécessité d'une telle démarche :

- délivré le 8 août 2007, le permis de construire de ce musée d'art contemporain a recueilli, après des concertations approfondies, l'approbation de toutes les autorités concernées, qu'il s'agisse de la Mairie de Paris, des ministères de l'environnement et de la culture, des architectes des Bâtiments de France ou de la Préfecture de police, de même que l'avis favorable des instances consultées, notamment la Commission nationale des sites ;

- néanmoins, le permis a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Paris en date du 20 janvier 2011 d'ores et déjà frappé d'appel. Cette décision a fait suite non pas à un vice de fond qui l'aurait affecté par rapport au nouveau plan local d'urbanisme (PLU), mais, uniquement, à l'annulation par le Conseil d'État de deux articles de ce PLU (les articles N 6 et N 7), laquelle a eu pour effet de faire revivre, pour un temps, les articles correspondants de l'ancien plan d'occupation des sols (POS) et en particulier son article ND 6, auquel le permis a été jugé contraire en première instance ;

- sur ce fondement, le motif d'annulation du permis de construire tient exclusivement à ce qu'une simple allée intérieure du Jardin d'acclimatation a été, bien que n'étant ni routière ni circulante, considérée comme une « voie » - ce qu'elle n'est pas - au sens des règlements d'urbanisme. Au bénéfice de cette qualification contestable , l'article ND 6 de l'ancien POS, revenu provisoirement en vigueur, impose que, sauf si l'environnement du bâtiment le justifie, la construction soit édifiée en retrait de la voie, lequel retrait, en l'occurrence, n'est pas apparu au juge comme suffisant en dépit de l'insertion paysagère du bâtiment, ce qui l'a conduit à prononcer l'annulation.

La validation recherchée par cet article est fondée sur le caractère d'intérêt général que revêt le projet de musée d'art contemporain . Comme l'ont précisé les auteurs des amendements précités :

« - d'une part, le permis de construire a été délivré à une fondation d'entreprise vouée au mécénat dont la législation exige qu'elle poursuive un but d'intérêt général ;

- d'autre part, la construction de ce nouveau musée, confiée à un architecte de renommée mondiale, enrichira le patrimoine culturel national. C'est ce qui explique que ce projet ait été soutenu à la fois par le Conseil de Paris et par le Gouvernement, faisant ainsi l'objet d'un large consensus. Outre le rôle éducatif et culturel, à la fois ludique, artistique et pédagogique, que le musée jouera, dès son ouverture, grâce à ses collections, ses expositions et ses animations, il est à souligner que le bâtiment particulièrement accessible à toutes les catégories de public et édifié sur le domaine public, verra son entière propriété retourner à la collectivité au terme d'une convention d'occupation domaniale.

L'intérêt général commande également de mener à bien la construction dans les délais prévus, ce que ne permettrait pas la poursuite de la procédure contentieuse. L'ampleur du chantier, les centaines de salariés qui y travaillent, directement ou indirectement, le montant élevé des investissements qui y sont consacrés, sont autant d'éléments que menacerait gravement une interruption durable. De plus, l'annulation du permis de construire intervient à un moment de son calendrier où le chantier fait apparaître certaines structures (circulations, cages d'ascenseurs, etc.) qui n'ont pas vocation à être soumises durablement aux intempéries sans que la sécurité ultérieure du bâtiment et donc du public en soit altérée. Enfin, l'on ne saurait être insensible au tort qui pourrait être causé à l'image de notre pays en cas de non réalisation du musée d'art contemporain. Déjà, dans un passé récent, d'importantes collections, aux prises avec des difficultés administratives excessives, ont pris le chemin de l'étranger. L'accueil enthousiaste qui leur y a été réservé est l'exacte mesure de la perte subie par la France. Il est donc conforme aux intérêts supérieurs de notre pays d'assurer la construction du musée. »

Enfin, outre son caractère d'intérêt général, le présent article est conforme aux exigences posées par le Conseil constitutionnel en matière de validations législatives.

Or ce pouvoir de validation du Parlement est très strictement limité par le Conseil constitutionnel. La validation doit être précise et circonscrite ; elle ne doit pas remettre en cause l'autorité de chose jugée et ne saurait donc « ressusciter » un acte qui aurait été définitivement annulé par les juridictions compétentes. Enfin, elle doit viser à satisfaire un objectif d'intérêt général clairement identifié.

La validation législative adoptée par l'Assemblée nationale répond à ces exigences :

- la situation du musée en cause est très particulière puisqu'il est implanté sur des terrains intégralement publics, sans propriétaire privés, ni riverains, ni vis-à-vis ;

- l'annulation prononcée, au demeurant étonnante, ne fait suite qu'à un problème de qualification juridique d'une voie intérieure au Jardin d'Acclimatation et non à un problème de fond ;

- l'ouvrage est intégralement financé par une Fondation, ce qui implique son caractère d'utilité publique lié au mécénat et, de surcroît, sa propriété deviendra elle-même publique à terme ;

- le discrédit international qui résulterait de ce que, à nouveau, un projet culturel ambitieux soit entravé - au mieux, gravement retardé, au pis, définitivement interrompu - serait très dommageable à la France, et ce bien au-delà du domaine, pourtant essentiel, de la culture ;

- une telle situation serait d'autant regrettable qu'il s'agit d'une opération prestigieuse dont la qualité est unanimement saluée et qui est soutenue par les décideurs politiques par-delà leurs clivages.

Dans ces conditions, votre commission a partagé les préoccupations et, par conséquent, la position de l'Assemblée nationale, tout en exprimant le souhait que ce type de démarche de validation législative conserve un caractère exceptionnel.

Votre commission a adopté cet article sans modification.


* 6 La Fondation LVMH.

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