II. QUELQUES AJUSTEMENTS POUR ÉQUILIBRER LES CONDITIONS D'ACTIVITÉ DES DIFFÉRENTES CATÉGORIES D'OPÉRATEURS

1. Assurer l'égalité de traitement des vendeurs

Si votre commission a veillé à assurer une égalité de traitement entre les différents professionnels des ventes volontaires, elle a également souhaité assurer une égalité entre les acheteurs.

Or, à l'article 3 de la proposition de loi, l'Assemblée nationale a étendu à tout type de biens, neufs ou d'occasion, qu'ils aient ou non été produits par le vendeur, l'obligation de mentionner la qualité de ce dernier lorsqu'il s'agit d'un commerçant ou d'un artisan. Une telle obligation entraînerait une stigmatisation injustifiée de certaines catégories de vendeurs, qui pourraient alors se tourner vers des opérateurs étrangers plutôt que vers des maisons de ventes établies en France.

Aussi votre commission a-t-elle adopté un amendement de son rapporteur revenant à l'esprit du texte voté par le Sénat en première lecture et précisant que les documents et publicités annonçant la vente ne doivent mentionner la qualité du vendeur que lorsque celui-ci est un commerçant ou un artisan, qui met en vente des biens issus de sa production.

2. Equilibrer les conditions de participation des professions juridiques réglementées au marché des ventes volontaires

• L'activité de ventes volontaires des huissiers de justice

A l'article 4 de la proposition de loi, les députés ont renvoyé à la voie réglementaire la définition des conditions de formation auxquelles devront satisfaire les notaires et les huissiers pour réaliser des ventes volontaires. Le Sénat avait fixé cette exigence de formation à une année d'études supérieures d'histoire de l'art ou d'arts appliqués.

Or, aucun diplôme ne sanctionne la première année d'études universitaires suivant le baccalauréat. En outre, le renvoi à la voie réglementaire permettra de définir à la fois, pour les huissiers et les notaires souhaitant réaliser des ventes volontaires, des obligations de formation initiale et des obligations de formation continue. Votre commission a par conséquent souscrit à cette solution.

Cependant, l'Assemblée nationale a supprimé, au même article, la définition du caractère accessoire de l'activité de ventes volontaires des huissiers de justice. Elle a choisi de se fier à l'interprétation que la doctrine et l'administration du ministère de la justice donnent au caractère accessoire de l'activité de ventes volontaires des huissiers de justice. Le Sénat avait en effet précisé en première lecture que l'activité de ventes volontaires de ces derniers ne devrait pas excéder 20 % du chiffre d'affaires annuel brut de leur office. Le débat porte essentiellement sur l'activité de ventes volontaires des huissiers de justice, car celle des notaires reste très limitée.

Une telle limitation paraît justifiée pour assurer une égalité de traitement entre les différentes professions réglementées intervenant dans le secteur des ventes aux enchères.

En effet, les huissiers de justice peuvent réaliser de telles ventes dans le cadre de leur office, sans avoir à créer pour cela une société, et bénéficient de la garantie financière de leur profession. En outre, les ventes volontaires ne constituent pas leur activité principale. Les commissaires-priseurs judiciaires, dont les ventes aux enchères constituent l'activité principale, ne peuvent quant à eux réaliser dans le cadre de leur office que des ventes judiciaires. Ils doivent créer une société de ventes à part entière pour pouvoir réaliser des ventes volontaires.

Or, si la loi dispose que l'activité de ventes volontaires des huissiers de justice doit demeurer accessoire, il apparaît en pratique que cette activité peut être très développée et concurrencer fortement celle des sociétés de ventes constituées par des commissaires-priseurs judiciaires. A cet égard, la rareté et la faiblesse des contrôles réalisés par les parquets pour vérifier le respect de ces obligations par les huissiers de justice tendent à confirmer que la loi n'est pas suffisamment précise. Cette précision paraît indispensable pour assurer des conditions d'activité équilibrées aux différents acteurs.

Elle doit permettre aux huissiers de justice et aux notaires d'exercer une activité de ventes volontaires qui complète utilement le maillage territorial assuré par les sociétés de ventes, et notamment par les sociétés crées par des commissaires-priseurs judiciaires. On compte en effet, au 1 er mars 2011, 401 commissaires-priseurs judiciaires, alors que le nombre de notaires s'élève à 9 167 et celui des huissiers de justice à 3 232. Il apparaît donc clairement que les notaires et les huissiers sont en mesure d'assurer un service de proximité que les commissaires-priseurs judiciaires ne peuvent pas toujours assumer.

Mais ces chiffres montrent aussi qu'une disposition trop floue sur l'activité de ventes volontaires des huissiers de justice soumet potentiellement les commissaires-priseurs judiciaires à une très forte concurrence, dans des conditions inégales, dans un domaine qui est pourtant celui de leur activité principale.

Selon les données communiquées à votre rapporteur, entre 460 et 500 huissiers de justice se livrent couramment à l'activité de ventes volontaires, soit un effectif supérieur à celui des commissaires-priseurs judiciaires.

Pour l'ensemble de ces raisons, votre commission a adopté un amendement de son rapporteur précisant que les notaires et les huissiers de justice peuvent exercer l'activité de ventes volontaires à titre accessoire et occasionnel. Il s'agit de souligner ainsi que les huissiers de justice ont vocation à réaliser les ventes volontaires dont les opérateurs, et en particulier les commissaires-priseurs judiciaires tenus de créer une société spécifique, se désintéressent.

La précision adoptée par votre commission permet donc d'assurer la cohérence du dispositif et des conditions d'intervention équilibrées des différents professionnels (opérateurs, commissaires-priseurs judiciaires, huissiers).

• La répartition des compétences des professions intervenant dans les ventes après liquidation judiciaire

L'Assemblée nationale a confirmé le maintien de la profession de commissaire-priseur judiciaire, dont le texte initial de la proposition de loi envisageait la disparition (article 32).

Elle a cependant supprimé l'article 36 bis, qui précisait la répartition des compétences entre les différentes professions juridiques réglementées pour les ventes de marchandises après liquidation judiciaire.

Considérant que les dispositions du code de commerce n'étaient pas assez précises, votre commission a rétabli cet article, afin d'indiquer que ces ventes sont faites par des commissaires-priseurs judiciaires et « accessoirement », par des notaires ou des huissiers de justice lorsqu'elles ont lieu au détail ou par lot, ou par des courtiers de marchandises assermentés, dans leur spécialité, lorsqu'elles ont lieu en gros.

• L'activité des sociétés de ventes au sein desquelles exercent des commissaires-priseurs judiciaires

En première lecture, le Sénat a donné la possibilité aux commissaires-priseurs judiciaires d'exercer des activités de ventes volontaires au sein de sociétés soumises au même régime que celui des opérateurs de ventes volontaires. Les commissaires-priseurs judiciaires pourraient également procéder à la vente de gré à gré de biens meubles en qualité de mandataire du propriétaire des biens, au sein des mêmes sociétés.

L'égalité de traitement entre les différents opérateurs de ventes volontaires justifierait que les sociétés dans lesquelles interviennent des commissaires-priseurs puissent avoir le même champ d'activité que les autres sociétés de ventes.

Cependant, les commissaires-priseurs judiciaires sont des officiers publics et ministériels. La loi du 10 juillet 2000, en supprimant le monopole des commissaires-priseurs pour les ventes volontaires et en maintenant des officiers publics et ministériels, les commissaires-priseurs judiciaires, pour les ventes judiciaires, a toutefois autorisé des dérogations, afin de permettre à ces derniers de réaliser des ventes volontaires, dans le cadre d'une société 1 ( * ) . Ainsi, en ce qui les concerne, deux personnes morales distinctes effectuent des activités distinctes - ventes judiciaires dans le cadre d'un office et ventes volontaires dans le cadre d'une société -, mais sont rattachées à la même personne physique.

Or, l'étendue des activités des sociétés de ventes volontaires telle qu'elle résulte de la proposition de loi pourra inclure des activités commerciales qui ne sont pas compatibles avec le statut d'officier public.

Afin d'assurer une égalité de traitement entre les opérateurs, le Sénat a permis aux sociétés de ventes constituées par des commissaires-priseurs judiciaires, qui ne seront plus limitées à un objet civil, d'exercer des activités de transport de meubles, de presse, d'édition et de diffusion de catalogues, pour les besoins des ventes qu'elles sont chargées d'organiser.

L'Assemblée nationale a validé ce choix.

Votre commission a souhaité conforter l'égalité de traitement entre les différentes catégories d'opérateurs, en ouvrant un peu plus les possibilités d'activité des sociétés de ventes volontaires dans lesquelles interviennent des commissaires-priseurs judiciaires. Elle a donc adopté un amendement de son rapporteur permettant à ces sociétés de se livrer, pour les besoins des ventes volontaires qu'elles sont chargées d'organiser, à des activités complémentaires, dont les activités de transport de meubles, de presse, d'édition et de diffusion de catalogues.

Votre commission a par ailleurs adopté sans modification l'article 47 bis introduit par l'Assemblée nationale, qui réaffirme la distinction entre l'activité judiciaire que les commissaires-priseurs judiciaires exercent en tant qu'officiers publics et ministériels, et leur activité de ventes volontaires, pratiquée en qualité de dirigeant, de salarié ou d'associé au sein d'une société.

• Le champ d'activité de courtiers de marchandises assermentés

L'Assemblée nationale a choisi de permettre aux courtiers de marchandises assermentés de réaliser des ventes aux enchères publiques de biens meubles au détail, tant en matière judiciaire qu'en matière volontaire.

Afin d'assurer une répartition des activités plus cohérente, votre commission a souhaité revenir aux dispositions adoptées par le Sénat en première lecture, qui limitent l'activité des courtiers de marchandises assermentés à la vente de marchandises en gros, tant en matière judiciaire qu'en matière volontaire (articles 45 et 46).

En effet, la nature de l'activité des courtiers de marchandises se distingue fortement de la vente au détail. Les courtiers disposent en revanche d'une expertise indispensable pour l'estimation des cours des marchandises et la réalisation de la vente en gros. Aussi votre commission a-t-elle inscrit dans le statut de la profession la possibilité, qui figure d'ailleurs dans le décret du 29 avril 1964, de recourir aux courtiers assermentés pour réaliser des expertises judiciaires ou amiables de marchandises en gros.


* 1 Voir l'article 1 er de l'ordonnance n° 45-2593 du 2 novembre 1945 relative au statut des commissaires-priseurs judiciaires.

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