TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 25 mai 2011 , sous la présidence de Muguette Dini, présidente, la commission procède à l' examen du rapport de Claire-Lise Campion sur la proposition de loi n° 492 (2009-2010) relative à la modernisation du congé de maternité en faveur de la protection de la santé des femmes et de l' égalité salariale et sur les conditions d' exercice de la parentalité .

Claire-Lise Campion, rapporteure . - Cette proposition de loi, dont je suis la première signataire, est le fruit d'un constat et d'un contexte.

Le constat est le suivant : malgré la politique familiale volontariste menée par les pouvoirs publics depuis les années 1990, qui explique en grande partie le niveau élevé des naissances en France, la conciliation des vies familiale et professionnelle demeure difficile, en particulier pour les parents aux ressources les plus faibles. En outre, l'égalité entre les hommes et les femmes reste un principe éloigné des réalités : dans les faits, les mères continuent d'assumer l'essentiel du travail domestique et des soins aux enfants, et ce sont elles qui en paient le plus lourd tribut en termes d'emploi et de carrière professionnelle.

Le contexte, lui, est européen. Le 3 octobre 2008, la commission européenne a transmis au Conseil et au Parlement européen une proposition de directive relative à la sécurité et à la santé au travail des femmes enceintes ou ayant accouché. Ce texte, qui est une refonte de la directive fondatrice de 1992, contient deux mesures « phares » : l'allongement de la durée minimale européenne du congé de maternité, qui passerait de quatorze à dix-huit semaines, et la garantie d'une indemnisation à 100 % du salaire mensuel moyen, dans la limite d'un plafond déterminé par chaque Etat membre.

Notre commission a déjà eu l'occasion de s'exprimer sur ce texte puisque, à l'initiative d'Annie David, elle a adopté, le 27 mai 2009, une proposition de résolution européenne, devenue résolution du Sénat le 15 juin suivant. Depuis cette date, les négociations européennes ont suivi leur cours.

Le 20 octobre dernier, le Parlement européen a, à une très large majorité, modifié la proposition de directive en proposant notamment de porter la durée du congé de maternité à vingt semaines, intégralement rémunérées. Pour sa part, le Conseil a consacré, en décembre, un débat d'orientation à cette proposition de directive mais sans encore parvenir à définir une position commune. Lors de ce débat, la France s'est déclarée ouverte à l'idée de porter la durée du congé de maternité de quatorze à dix-huit semaines, mais a indiqué ne pas souhaiter aller au-delà. Sur la rémunération à 100 % du salaire, elle a considéré que cette proposition ne serait acceptable que si les Etats membres avaient la faculté de définir un plafond d'indemnisation.

Je suis convaincue que ces négociations européennes, qui se révèlent particulièrement vives, sont l'occasion d'approfondir le débat sur le plan national et de faire bouger les lignes. Tel est l'objectif de cette proposition de loi qui traduit une triple ambition :

- moderniser le congé de maternité ;

- renforcer la protection juridique des femmes enceintes ou ayant accouché, qu'elles exercent une activité salariée ou non salariée ;

- adapter le congé de paternité aux évolutions des structures familiales.

Avant d'en détailler son contenu, permettez-moi un mot sur la procédure. Dans l'hypothèse où notre commission ne suivrait pas les conclusions que je lui proposerai, ce que je regretterais beaucoup, je vous rappelle que l'accord politique conclu entre les présidents de groupe la conduira à ne pas adopter de texte afin que le débat porte, en séance publique, sur le texte initial de la proposition de loi.

J'en viens à présent aux dispositions de cette proposition de loi qui s'organise autour de quatre thèmes, et d'abord celui d'instaurer un congé de maternité plus long et mieux indemnisé.

La durée légale actuelle du congé de maternité en France est de seize semaines pour les mères de un ou deux enfants et de vingt-six semaines pour les mères de trois enfants ou plus. Selon une enquête récente, 84 % des mères estiment que le congé de maternité devrait durer plus longtemps et 70 % d'entre elles expriment le souhait de s'arrêter de travailler au moins un an au moment de la naissance de leur enfant. En pratique, d'ailleurs, la durée moyenne de l'ensemble des congés pris à l'occasion d'une naissance s'élève à cent cinquante jours pour un premier ou un deuxième enfant, soit un mois et une semaine de plus que le seul congé légal de maternité. Ces trente-cinq jours supplémentaires correspondent à la prise de congés pathologiques et/ou à la mobilisation de jours de congés, annuels ou prévus par les conventions collectives.

Contrairement à une idée reçue, la France n'est pas si généreuse en matière de durée du congé de maternité : notre pays ne se situe que dans la moyenne des Etats membres. Or, les auteurs de la proposition de loi sont convaincus qu'un congé de plus longue durée permettrait aux femmes de se remettre dans de meilleures conditions de leur grossesse et de leur accouchement, de passer davantage de temps avec leur nouveau-né, de s'occuper des aînés si nécessaire et d'organiser la nouvelle structure familiale dans le souci de concilier vies professionnelle et personnelle. L'article 1 er propose donc de porter la durée du congé de maternité à vingt semaines et l'article 3 organise la répartition de ces semaines supplémentaires entre période pré et postnatale. Le vote très large des députés européens, en octobre dernier, en faveur de cette mesure constitue, me semble-t-il, un signal fort envoyé aux parlementaires nationaux que nous sommes.

Par ailleurs, la salariée enceinte a droit, en contrepartie de la suspension de son contrat de travail, à des indemnités journalières de maternité servies par l'assurance maladie pendant toute la durée légale de son congé. Ces indemnités, égales au salaire journalier de base diminué de la part salariale des cotisations sociales et de la CSG dans la limite du plafond de la sécurité sociale, ne correspondent toutefois pas à un maintien du salaire. De ce fait, la maternité continue à être perçue par certaines femmes comme une sanction financière contraire au principe d'égalité des chances entre les femmes et les hommes. Dès lors qu'un congé de maternité, quelle qu'en soit la durée, n'est protecteur que s'il donne droit au maintien de la rémunération de la salariée, l'article 4 du texte pose le principe du versement, pendant le congé de maternité, d'une indemnité compensatrice d'un montant équivalent à son salaire.

Le deuxième thème concerne le renforcement de la protection juridique des femmes salariées enceintes ou ayant accouché. Nous savons que la reprise de l'activité professionnelle constitue souvent, pour la femme qui vient d'avoir un enfant, un moment délicat car il lui faut trouver les moyens de concilier obligations familiales et professionnelles. Certaines conventions collectives prévoient la possibilité d'adapter les rythmes et horaires de travail des femmes revenant d'un congé de maternité mais tel n'est pas le cas dans tous les secteurs d'activité. Afin que l'ensemble des salariées puissent en bénéficier, l'article 2 propose que l'entretien professionnel auquel elles ont droit à l'issue de leur congé de maternité porte non seulement sur leur orientation professionnelle mais aussi sur l'évolution de leurs conditions et horaires de travail. Cette mesure est directement inspirée de la proposition de directive européenne.

Le troisième thème concerne l'extension des droits aux femmes enceintes exerçant une activité indépendante. Qu'elles soient chefs d'entreprise, artisanes, commerçantes, conjointes collaboratrices, exploitantes agricoles, elles ne peuvent actuellement mettre entre parenthèses leur travail trop longtemps, au risque de mettre en danger leur entreprise. Or, la législation française est insuffisamment protectrice dans ce cas : ainsi, les affiliées du régime social des indépendants (RSI), qui ne sont pas concernées par la durée légale du congé de maternité de seize semaines, ne perçoivent l'indemnisation journalière forfaitaire d'interruption d'activité que pendant soixante-quatorze jours, ce qui est très inférieur aux cent douze jours d'indemnités journalières de maternité versées par le régime général.

Afin de remédier à cette inégalité de fait, l'article 5 pose le principe d'une égalité des droits à congé, que l'activité exercée par les femmes soit salariée ou non. Le souci de continuité de l'entreprise, parfaitement légitime et louable, ne saurait justifier que la santé et la sécurité de la femme enceinte ou ayant accouché et celles de son enfant passent au second plan.

Le quatrième et dernier thème est celui de la création d'un congé d'accueil de l'enfant. L'instauration du congé de paternité en 2002 est, à mes yeux, une grande avancée sociale, qui permet aux pères de s'impliquer davantage dans l'accueil et l'éducation du nouveau-né. Ce congé rencontre d'ailleurs de plus en plus de succès. Toutefois, en l'état actuel du droit, seul le père peut, après la naissance de son enfant et dans un délai de quatre mois, bénéficier de ce congé de onze jours consécutifs, ou dix-huit en cas de naissances multiples.

Or, depuis plusieurs décennies, la société française connaît de profondes mutations des structures familiales. Le modèle traditionnel du couple marié ayant des enfants communs ne constitue plus le seul mode d'organisation de la vie familiale et des hommes sont parfois amenés à participer à l'accueil d'un enfant qui n'est pas biologiquement le leur. C'est pourquoi l'article 6 crée un congé d'accueil de l'enfant destiné non seulement au père biologique de l'enfant, mais aussi au conjoint de la mère, à son concubin ou à son partenaire de Pacs, qui serait porté à quatorze jours consécutifs (vingt et un en cas de naissance multiple) et ouvrant droit à une indemnité compensatrice d'un montant équivalent au salaire.

Les deux derniers articles du texte organisent sa mise en oeuvre : l'article 7 précise que la loi s'appliquera à l'ensemble des femmes en congé de maternité au moment de son entrée en vigueur ; l'article 8 gage son financement sur le relèvement des droits sur les alcools.

Au moment de conclure, je souhaite insister sur deux points.

Le premier porte sur les conditions d'attribution des indemnités journalières de maternité, lesquelles sont loin d'être une réalité pour toutes les femmes salariées. En effet, la condition exigée par l'assurance maladie des deux cents heures travaillées au cours des trois mois précédant la date de début de grossesse ou la date de début du congé prénatal est particulièrement difficile à remplir pour les femmes en situation précaire, c'est-à-dire celles qui sont employées de façon discontinue (CDD, intérim) comme les employées de la grande distribution ou les intermittentes du spectacle.

Le second point est de portée plus générale : la modernisation du congé de maternité que nous préconisons est, j'insiste sur ce point, indissociable d'une politique familiale volontariste et ambitieuse en matière de modes d'accueil, qui permette d'offrir à chaque ménage la possibilité de faire garder son ou ses enfants à un coût raisonnable.

J'espère que le débat que nous aurons en séance publique sur cette proposition de loi permettra des échanges constructifs sur toutes ces questions.

André Lardeux . - J'ai écouté attentivement notre rapporteure, mais je vais avoir du mal à la suivre dans ses conclusions. Je crois malheureusement, sans lui faire injure, que l'enfer est pavé de très bonnes intentions. Je m'explique : elle a évoqué tout d'abord l'intervention de l'Union européenne sur le sujet du congé de maternité. Il me semble que l'Europe, dans ce domaine, est à la limite de ses compétences. Si le droit du travail la concerne, le droit de la famille outrepasse ses attributions. J'aurais aimé que les députés européens soient plus prudents car il est très facile de voter un texte quand les conséquences, notamment financières, n'ont pas à être assumées. Je suis prêt à changer d'avis sur la question si l'Europe accorde des subventions à tous les Etats membres, mais je doute que le coût de telles mesures lui permette d'y faire face.

Ensuite, il me semble qu'éloigner encore plus les femmes du monde du travail ne soit pas la bonne orientation politique à suivre. Cette démarche, qui a été communément adoptée dans le passé pour résoudre certains dysfonctionnements du marché du travail, est dangereuse. Les mères qui souhaitent travailler ne méritent pas d'être pénalisées par un éloignement croissant du monde du travail. L'allongement du congé de maternité constituera un handicap supplémentaire pour les femmes qui ont déjà du mal à trouver un emploi. Il ne faut pas renforcer la tendance déplacée qu'ont certains employeurs à voir dans les femmes avant tout de futures mères. Cette proposition de loi ne va pas dans le bon sens à cet égard.

Enfin, le problème du coût demeure. L'Union européenne a prudemment proposé que l'indemnisation du congé soit plafonnée, ce qui est déjà le cas dans la plupart des pays. La France est actuellement l'un des pays les plus généreux en la matière. L'Etat membre qui offre le plus long congé de maternité est la Bulgarie, avec cinquante-neuf semaines, mais si faiblement indemnisé qu'il n'en résulte aucun effet positif sur la natalité bulgare ; au contraire les femmes sont de cette façon réduites à la misère.

La question de l'aide aux familles ne sera pas réglée en modifiant la durée du congé de maternité. Il faudrait plutôt aider davantage les familles qui assurent l'avenir du pays, c'est-à-dire celles de trois enfants et plus. Les prestations sociales dont elles bénéficient sont nettement insuffisantes par rapport à leurs charges, comparées à celles des familles ayant peu ou pas d'enfants.

Nous n'avons pas évoqué l'estimation du coût des mesures proposées. Certaines sources avancent le chiffre de plusieurs milliards d'euros. Si c'est avéré, cela viendra s'ajouter au déficit déjà abyssal de l'assurance maladie.

Je ne vois pas non plus l'effet que vos propositions pourront avoir sur l'exercice libéral. Une femme avocate ou médecin ne peut se permettre un long congé de maternité si elle veut conserver sa clientèle. Aucune forme de protection législative ou réglementaire de cette population ne sera efficace. C'est pour toutes ces raisons que je voterai contre ce texte.

Annie David . - Je voudrais remercier notre collègue pour cette proposition de loi à laquelle le groupe CRC-SPG est entièrement favorable. L'allongement du congé de maternité à vingt semaines est une bonne mesure et ce texte va au-delà d'une simple modification du droit de la famille. Il répond aussi aux demandes des femmes salariées, qui aujourd'hui se battent pour faire valoir leurs droits en matière d'égalité salariale par exemple.

Dans un texte précédent, nous avons ouvert la possibilité pour les femmes de reporter une partie de leur congé prénatal sur le congé postnatal, après leur accouchement. Malheureusement, ce dispositif ne bénéficie qu'aux femmes qui peuvent travailler jusqu'au terme de leur grossesse. Pour les autres, cette faculté constitue plutôt une contrainte et elle est utilisée pour pallier la trop courte durée du congé postnatal. Les femmes subissant une grossesse difficile sont également pénalisées car elles se retrouvent rapidement en congé maladie, ce qui n'ouvre pas les mêmes droits que le congé de maternité. Lors du débat sur l'égalité salariale entre hommes et femmes, notre commission avait adopté un amendement visant à corriger cette situation ; malheureusement, il fut rejeté ensuite à l'Assemblée nationale. Pour toutes ces raisons, je considère que le texte présenté aujourd'hui constitue un très grand pas dans la bonne direction.

Ronan Kerdraon . - Je voudrais saluer l'initiative de notre rapporteure et les progrès apportés par ce texte par rapport à la situation actuelle. On se situe au coeur de la politique familiale, mais également dans le cadre d'une harmonisation vers le haut des législations européenne et française, ce qui est suffisamment rare pour être souligné. Il s'agit d'une proposition de loi moderne et utile, qui répond aux préoccupations de beaucoup de jeunes couples aujourd'hui. Elle améliore l'égalité entre les hommes et les femmes et permet de garantir le maintien du salaire des femmes en congé de maternité. Sur l'allongement de ce congé, un consensus pourrait être facilement trouvé entre dix-huit et vingt semaines car, en recourant aux congés thérapeutiques, de nombreuses femmes dépassent déjà la durée légale de seize semaines. En ce qui concerne le congé de paternité, utilisé aujourd'hui par près de 70 % des pères, je trouve le dispositif proposé par ce texte très intéressant.

La question du coût doit être résolue par un choix politique assumé. Les débats à l'Assemblée nationale sur la proposition de loi similaire à la nôtre rapportée par la députée Danielle Bousquet ont fourni une estimation des coûts des différents scénarii. Un congé de maternité de dix-huit semaines entraînerait un surcoût de 250 à 300 millions d'euros. Un allongement du congé de paternité couterait 500 millions d'euros. Par comparaison, la baisse de la TVA dans la restauration a couté 3 milliards d'euros... Au vu des résultats, je pense qu'il est préférable d'investir plus dans la politique familiale. C'est pour ces raisons que je voterai ce texte.

Alain Milon . - Certaines dispositions de la proposition de loi me paraissent utiles, d'autres un peu moins. Vous avez parlé « des » pères, père génétique, père d'accueil, père concubin ou encore père pacsé. Je me pose la question de savoir si, lorsqu'il y aura des contestations, il faudra aller jusqu'au test génétique pour déterminer qui aura droit au nouveau congé d'accueil de l'enfant. Cette question de la multiplicité des pères me semble poser un problème.

Pour ce qui est du financement, l'évaluation semble placer le coût de toutes ces mesures à environ un milliard d'euros. Je ne suis pas sûr qu'une augmentation des droits sur les alcools suffise à produire les ressources nécessaires. Doit-on considérer que le choix d'une hausse des impôts pour combler les déficits de la sécurité sociale préfigure déjà vos propositions pour la campagne électorale qui approche ?

Catherine Procaccia . - Concernant les pères, la proposition de loi laisse à penser que quatre personnes pourraient simultanément prétendre au congé paternité : la formulation devrait être modifiée. Par ailleurs, ce n'est pas l'allongement du congé de maternité qui aidera les femmes à faire leur place dans l'entreprise : plus on donne d'avantages à la mère, plus on la défavorise en tant que salariée. Si l'on veut allonger le congé, il faut obliger les pères à en prendre effectivement eux-mêmes une partie non négligeable. Quand les pères prendront autant de congés que les mères au moment de l'arrivée d'un enfant, alors l'égalité salariale pourra être établie. La seule augmentation des congés maternité ne permettra rien : quand une personne est absente de l'entreprise pendant quatre, cinq ou six mois, qu'il s'agisse d'une salariée enceinte ou d'un salarié en arrêt maladie, cette interruption affecte évidemment le déroulement de sa carrière. Je suis donc défavorable à cette augmentation du congé de maternité car, je le répète, ce n'est pas cela qui aidera les femmes dans leur vie professionnelle.

Jean-Louis Lorrain . - Nous avons tous envie de vous remercier pour la générosité de ce que vous proposez dans ce texte. Mais vous savez combien la générosité n'est pas une vertu suffisante pour résoudre la question qui nous occupe. J'acquiesce entièrement à ce que vient de dire Catherine Procaccia concernant l'entreprise : l'exclusion des cadres qui ont été longtemps absents ne leur permet malheureusement pas d'avoir le profil de carrière qu'ils auraient souhaité.

Au-delà des réponses quantitatives d'allongement du congé de maternité voire d'augmentation des indemnités, il faut peut-être chercher la réponse ailleurs, au niveau de la responsabilité sociale des entreprises, de la façon dont elles intègrent les femmes en leur sein. En outre, j'ajouterai que concernant la fin de vie, c'est souvent la fille ou la belle-fille qui prend en charge cette période excessivement lourde. Le combat doit, à mon avis, être surtout mené au niveau des représentations. On remarque par exemple que, très jeunes, les enfants se voient inculquer des différences entre les garçons et les filles qui ne sont pas liées au sexe mais à des acquis culturels. Il y a sur ce point un gros travail à effectuer de façon à ce que les femmes et les hommes soient sur un pied d'égalité. La répartition des tâches au sein du couple, qui constitue un autre problème, ne peut également être résolue par la loi. Je sais que les choses évoluent mais il existe encore tout un travail à mener qui ne relève pas essentiellement de la loi mais qui nécessite de transformer les comportements sur le plan culturel et surtout éducatif.

Gisèle Printz . - Je voudrais simplement faire remarquer que chaque fois qu'il s'agit d'améliorer le sort des femmes, cela crée des problèmes et paraît insurmontable. Je ne suis pas du tout d'accord avec ce qui vient d'être dit.

Patricia Schillinger . - Dispose-t-on de statistiques sur les arrêts maladie demandés à l'occasion d'un congé de maternité et qui produisent, dans les faits, un allongement de deux semaines de celui-ci ? Par ailleurs, quand une femme a un bébé, elle rencontre souvent un problème de mode de garde. Je suis maire d'une commune dans laquelle il est très difficile pour certaines femmes de trouver des modes de garde adaptés et le fait d'avoir deux semaines supplémentaires de congé de maternité leur laisserait un peu plus de temps pour s'organiser.

Janine Rozier . - Je voudrais m'associer aux positions défendues par André Lardeux et j'avais pensé, comme lui, à la situation des professions libérales, qui n'a pas été évoquée par notre rapporteure. Concernant ce qu'a indiqué Catherine Procaccia sur la carrière professionnelle des femmes, un allongement du congé de maternité est sans doute possible dans la fonction publique mais trouver du travail en entreprise est très difficile pour les femmes qui sont en âge d'avoir des enfants. Je pense, par conséquent, que ce que propose le texte défavoriserait les salariées et ne va pas dans le sens d'une amélioration du sort des femmes.

Françoise Henneron . - Je partage le même sentiment. Pour répondre à Patricia Schillinger, je ne crois pas que deux semaines supplémentaires permettront à la mère de trouver une assistante maternelle : le plus souvent, les contacts sont déjà pris avant même la naissance de l'enfant.

Christiane Demontès . - Je suis un peu étonnée de la tournure du débat. Si j'entends bien ce que nous disent Catherine Procaccia ou Françoise Henneron, si le congé de maternité, quelle que soit sa longueur, pénalise les femmes pour le retour à l'emploi, alors il existe une solution très simple : supprimons le congé de maternité ! Nous savons bien que le fait d'avoir des enfants pénalise les femmes dans le déroulement de leur carrière professionnelle, et particulièrement dans le secteur privé, mais nous sommes également très contents que les femmes fassent des enfants pour contribuer au développement du pays. J'alerte donc mes collègues sur le paradoxe qui existe à vouloir que les femmes fassent des enfants et à dire que le congé de maternité les pénalise dans l'accès et le retour à l'emploi.

Jacky Le Menn . - Je suis favorable à ce texte et j'ajouterai deux remarques. Sur le fond, je partage en partie ce que dit Jean-Louis Lorrain : si l'on veut que les choses s'améliorent, il faut opérer une véritable révolution culturelle dans l'esprit des hommes...

Annie David . - Et de certaines femmes !

Jacky Le Menn . - Mais cette évolution se fera sur le long terme. En outre, puisque nous nous plaçons dans un cadre européen, il faut être conscient que tous les pays ne partent pas du même niveau sur ces problématiques.

Ces considérations de long terme prises en compte, nous sommes placés ici devant un choix qui concerne l'amélioration immédiate de la situation de nos compagnes. Il nous appartient d'essayer de les aider à faire en sorte que le partage du travail familial ne les pénalise pas plus qu'elles ne le sont déjà, ne serait-ce que par l'inégalité salariale, la prise en charge des enfants malades ou le choix de la date de leurs congés dictée par celle de leur conjoint. Pour avoir employé dans ma vie des centaines de femmes, je sais qu'elles sont souvent pénalisées dans leur santé, leur choix de vie et leur traitement salarial. Cette proposition de loi permet une réparation à la marge d'une faute collective : notre société reste très patriarcale. Nonobstant ce qu'a dit André Lardeux, nous allons au niveau européen vers toujours plus de progrès. Or, tout progrès social a un coût qui doit être mesuré. Il s'agit de choix politiques et de l'équilibre à trouver dans l'utilisation des finances publiques. Il faut également rappeler que les naissances d'aujourd'hui augmentent le nombre de futurs financeurs du système de retraites, ce qui contribue, par conséquent, à préserver le régime par répartition que nous connaissons. C'est l'ensemble de ces considérations qui doit être pris en compte. Il convient de travailler à la fois sur le long terme et, dans l'immédiat, de répondre à des discriminations fortes qui sont mal vécues et qui pénalisent en premier lieu nos compagnes et indirectement nos enfants.

Marc Laménie . - La politique familiale, en favorisant la natalité, répond à l'objectif de renouvellement des générations, qui constitue l'un des enjeux majeurs des sociétés contemporaines. Il convient de souligner également le rôle social fédérateur du noyau familial. Cette proposition de loi a donc le mérite d'essayer d'apporter une réponse à un problème de société essentiel.

Néanmoins, aucun texte de loi n'est parfait. Il faudrait que la réponse aux contraintes que fait peser la maternité sur l'activité professionnelle des femmes puisse être déterminée au cas par cas, selon les besoins et les spécificités des branches professionnelles ou pour s'adapter aux différences qui existent entre le travail dans la fonction publique et dans le secteur privé. Il faut introduire plus de souplesse, encadrée par la loi afin d'assurer le respect des principes fondamentaux du droit du travail, dans les relations entre employeurs et salariées afin de permettre aux femmes qui souhaitent reprendre le travail plus rapidement après leur accouchement de le faire et ne pas figer le dispositif du congé de maternité.

Ronan Kerdraon . - Je reviens sur l'intervention de Patricia Schillinger avec qui je suis en plein accord. Le débat autour de cette proposition de loi renvoie à notre conception de la famille mais, plus encore, ce texte devrait être accompagné d'un véritable plan d'urgence en faveur de la petite enfance. Une réflexion sur l'accueil des enfants de moins de trois ans est nécessaire, car les statistiques montrent que la plupart des femmes âgées de trente à quarante-cinq ans qui ont arrêté de travailler pour élever un enfant auraient souhaité poursuivre leur activité professionnelle. Le problème vient de l'insuffisance des solutions de garde d'enfant, qui fait peser le risque d'un retour à un schéma familial du passé où la femme serait cantonnée au foyer.

Jean-Louis Lorrain . - Deux cas particuliers, qui se rattachent à notre débat, n'ont pas été directement abordés par cette proposition de loi : celui de l'accueil d'un enfant handicapé, pour lequel la mère doit pouvoir bénéficier de mesures d'accompagnement et d'aide supplémentaires, et la prise en compte des besoins spécifiques liés à l'adoption.

Claire-Lise Campion , rapporteure . - Je remercie l'ensemble des intervenants pour le débat particulièrement intéressant que nous venons d'avoir et je me félicite de l'implication constante de notre commission dans les questions de société.

Cette proposition de loi vous invite à regarder objectivement la situation dans laquelle se trouvent de nombreuses femmes autour de nous. Il est facile de trouver, dans son entourage ou parmi nos administrées, des exemples de femmes courageuses qui font face à d'importantes difficultés pour concilier maternité et activité professionnelle. Ce texte apporte des solutions simples à ces problèmes. Il ne s'agit pas ici de bouleverser les mentalités à propos de la place respective des hommes et des femmes dans le fonctionnement de la famille et du pays. Ce débat d'ensemble, s'il est nécessaire de l'avoir en tête, ne pourra être réglé rapidement ; les difficultés qu'il soulève sont évoquées depuis déjà plusieurs décennies.

J'espère évidemment que cette proposition de loi fera avant tout évoluer les choses en matière de conciliation de la maternité et de la vie professionnelle. Ses propositions sont réalistes, applicables et peuvent être mises en oeuvre facilement. Elles correspondent à une réelle attente de nos concitoyens. La durée légale actuelle du congé de maternité de seize semaines n'est déjà plus une réalité pour la majorité des salariées puisque, grâce à l'ajout de congés pathologiques, elle peut atteindre dix-huit semaines. Il convient de mettre la loi en conformité avec cette pratique, le Gouvernement n'étant pas lui-même formellement opposé à cette idée.

En ce qui concerne le coût de ces mesures, les débats menés précédemment ont permis d'avoir des estimations précises des différentes orientations possibles. Porter le congé de maternité à dix-huit semaines avec un plafonnement de la prestation entraînerait un surcoût de 250 millions d'euros. S'il devait être porté à vingt semaines, avec une indemnisation à 100 %, sans plafond, le coût serait de 1,3 milliard d'euros.

La question du cumul des arrêts maladie avec le congé de maternité pourrait également être résolue grâce à ce texte. Aujourd'hui, 70 % des femmes prennent des congés pathologiques, et pour 77 % d'entre elles, ils sont prescrits avant la naissance. Ces chiffres montrent que les femmes ont la possibilité de transférer ces semaines de congé d'avant à après la naissance selon leurs besoins. Lors de leur grossesse, les femmes sont dans une situation très difficile sur le plan humain par rapport à leur milieu professionnel, avec un réel sentiment de culpabilité. La maternité est aujourd'hui le plus souvent un choix, mais elle fait peser des contraintes importantes sur la vie quotidienne et familiale. Une certaine souplesse existe déjà autour de l'utilisation du congé de maternité et doit être renforcée grâce à la prolongation de sa durée.

Enfin, je souhaite répondre à la question d'André Lardeux concernant le respect du principe de subsidiarité par l'Union européenne. Notre commission, dans sa proposition de résolution, a insisté sur le respect de ce principe. Le Gouvernement français a fait de même au sein du Conseil de l'Union européenne. L'Union ne définira qu'une durée minimale pour le congé de maternité, mais elle ne fixera pas les modalités nationales d'application de ces règles, prérogative qui relève uniquement des Etats membres.

Muguette Dini , présidente . - Conformément à l'accord politique applicable aux propositions de loi déposées par des groupes d'opposition, je vous propose de vérifier si une majorité d'entre nous souhaitent adopter le texte. Dans le cas contraire, nous n'en établirons aucun et notre débat s'ouvrira en séance sur le texte initial de la proposition de loi.

Alain Milon . - Je souhaite présenter une sorte d'explication de vote. L'allongement du congé de maternité est un élément extrêmement intéressant qui pourrait être accepté à condition que des vérifications soient effectuées pour s'assurer que des congés pathologiques ne soient pris en supplément des semaines accordées au titre du congé de maternité. Si l'on porte de seize à dix-huit ou vingt semaines le congé de maternité, il ne faudrait pas que deux, trois ou quatre semaines de congé pathologique viennent s'y ajouter. Peut-être pourrons-nous régler ce problème dans le cadre de cette proposition de loi. Par ailleurs, je pense que le congé paternité doit être donné au père d'accueil mais pas au père qui n'accueille pas. Je voterai contre ce texte aujourd'hui mais j'expliquerai ensuite ma position en séance.

A l'issue de ce débat, la commission a décidé de ne pas établir de texte pour la proposition de loi. En conséquence, le débat portera, en séance publique, sur le texte tel que proposé par ses auteurs.

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