B. LA « BONNE SURPRISE » DU PREMIER TRIMESTRE 2011

1. Une croissance de l'ordre de 2 % en 2011 ?

L'annonce par l'Insee, le 13 mai dernier, que la croissance avait été de 1 % (et non 0,6 %) au premier trimestre 2011, rend plus crédible le scénario du Gouvernement.

En effet, on calcule que si la croissance est de 0,5 % chacun des trois prochains trimestres, la croissance sera de 2,3 % en 2011. Pour avoir une croissance de 2 % il faudrait une croissance de 0,3 % chacun des trois prochains trimestres.

Il paraît donc désormais probable, pour des raisons purement comptables, que la croissance soit d'au moins 2 % en 2011.

Croissance trimestrielle, croissance en moyenne annuelle : quelques rappels

La croissance du PIB une année donnée peut être exprimée en moyenne annuelle ou en glissement.

La croissance en glissement consiste à prendre comme point de départ le PIB au dernier trimestre de l'année précédente, et à calculer l'augmentation au dernier trimestre de l'année concernée. Ce résultat peut être approché en additionnant les taux de croissance de trimestre à trimestre.

Cependant quand on dit, sans plus de précision, que la croissance a été de x % une année donnée, il s'agit de la croissance en moyenne annuelle. Celle-ci est définie comme la croissance du PIB total de l'année concernée par rapport à celui de l'année précédente.

La croissance en moyenne annuelle dépend fortement du profil de la croissance trimestrielle. Par exemple, si le PIB d'une année donnée est caractérisé par une croissance forte les trois premiers trimestres et un effondrement au dernier trimestre, le PIB total de l'année pourra être important, alors que l'année suivante, même en supposant une croissance de trimestre à trimestre « normale », le PIB total, et donc la croissance en moyenne annuelle, sera faible, le « point de départ » étant plus bas.

Dans le cas de l'année 2011, la croissance de 1 % a été observée au premier trimestre. Dans ces conditions, pour une croissance donnée chacun des autres trimestres, elle a un impact plus fort sur le PIB total de 2011 que si elle concernait un autre trimestre. En effet, elle majore le PIB de chacun des trimestres suivants.

Il faut cependant être conscient du fait que d'un point de vue économique, la forte croissance du premier trimestre 2011 ne marque pas une inflexion de tendance. Elle provient en effet pour 0,7 point des variations de stocks (le reste se décomposant entre 0,6 point pour la demande intérieure hors stocks et -0,4 point pour le commerce extérieur).

Ces éléments conduisent le Gouvernement à confirmer son scénario économique relatif à l'année 2011 dans l'exposé des motifs du présent projet de loi, et plus précisément dans le « rapport présentant les évolutions de la situation économique et budgétaire justifiant les dispositions qu'ils comportent » prévu par l'article 53 de la LOLF. Comme les années précédentes, ce rapport est très succinct. La seule modification par rapport aux prévisions précédentes concerne l'inflation, qui serait de 1,8 % (et non 1,5 %).

Le « rapport présentant les évolutions de la situation économique et budgétaire justifiant les dispositions qu'ils comportent » prévu par l'article 53 de la LOLF » : passages relatifs à la situation économique

« Aux termes de l'article 53 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, les projets de loi de finances rectificative comportent un rapport présentant les évolutions de la situation économique et budgétaire justifiant les dispositions qu'ils comportent.

« Comme prévu, la reprise économique s'est poursuivie et intensifiée en France depuis le dépôt, le 17 novembre 2010, du projet de loi de finances rectificative pour 2010.

« Au 4 e trimestre 2010, la croissance du PIB a atteint 0,4 % (après 0,2 % au 3 e trimestre), portée par une consommation des ménages très dynamique. Au total, la croissance en 2010 a atteint 1,5 % en données corrigées des jours ouvrables et 1,6 % en données brutes, en ligne avec la prévision pour 2010 sous-jacente au PLF pour 2011 et au PLFR de fin d'année. Cette croissance est largement imputable, d'une part, au rebond de la demande intérieure privée et, d'autre part, à la forte augmentation des exportations, la contribution du commerce extérieur à la croissance étant nettement positive (0,4 point de PIB) pour la première fois depuis 2001.

« Les indicateurs conjoncturels récents indiquent une nette accélération de l'activité depuis le début de l'année 2011 : les enquêtes auprès des chefs d'entreprise font état d'un niveau très élevé du climat des affaires, laissant présager une croissance robuste et plus autonome au premier semestre. Ces données d'enquête sont corroborées par les indicateurs quantitatifs disponibles : après un net rebond en janvier (+ 1,5 %), la production manufacturière est ainsi restée dynamique en février (+ 0,7 %) ; la consommation des ménages a en outre pour l'instant bien résisté à la fin de la prime à la casse, avec une croissance de 1,2 % des dépenses en produits manufacturés au 1er trimestre (après 1,8 % au 4e trimestre 2010).

« Ces éléments ont conduit l'OCDE à anticiper une hausse du PIB conforme à celle du scénario économique du projet de loi de finances pour 2011 (2,0 %), prévision de croissance qui est conservée dans le présent projet de loi de finances rectificative. Ce rythme permettrait une accélération des créations d'emplois dans les secteurs marchands (+ 160 000 sur l'année). L'activité serait soutenue par l'investissement des entreprises, qui joue traditionnellement un rôle d'accélérateur en phase de reprise et qui bénéficierait de la très forte baisse de la taxation du capital productif permise par la réforme de la taxe professionnelle. Les exportations tireraient également profit de cette mesure, qui améliore la compétitivité-prix des entreprises, ainsi que de celles en faveur de la qualité et de l'innovation des produits exportés (avec notamment le soutien à la R&D grâce au crédit d'impôt recherche). La consommation des ménages profiterait en outre de la hausse des revenus liée à l'amélioration progressive du marché du travail et du début de reflux du taux d'épargne, qui permettraient de compenser une inflation en moyenne annuelle 2011 un peu plus haute que prévue au moment du projet de loi de finances (+ 1,8 % contre 1,5 %), reflétant la hausse des prix du pétrole. La croissance française devrait également bénéficier en 2011 de l'effort de reconstitution des stocks, lesquels n'ont pas encore retrouvé leur niveau d'avant-crise. »

Source : exposé des motifs du présent projet de loi

2. Un objectif de solde public atteint en 2011 ?

En conséquence, l'objectif de déficit public du Gouvernement pour 2011, de 5,7 points de PIB, voit sa crédibilité renforcée.

Il est confirmé par le Gouvernement dans l'exposé des motifs du présent projet de loi.

Le « rapport présentant les évolutions de la situation économique et budgétaire justifiant les dispositions qu'ils comportent » prévu par l'article 53 de la LOLF » : passages relatifs au solde public

« En 2011, le déficit public devrait s'établir à 5,7 points de PIB, soit une amélioration de 0,3 point par rapport au déficit de 6,0 points prévu lors du projet de loi de finances initiale pour 2011.

« Cette amélioration provient essentiellement de la prise en compte de la bonne surprise constatée sur le solde 2010 (déficit de 7 % au lieu des 7,7 % estimés au moment du PLF pour 2011), qui se répercuterait en partie sur 2011.

« Une partie des facteurs d'explication d'un solde 2010 meilleur qu'escompté se retrouvent en effet sur 2011 : il s'agit essentiellement de l'amélioration des comptes des administrations publiques locales, en raison notamment du fort rebond des droits de mutation et d'un niveau d'investissement plus faible qu'escompté, ainsi que de l'amélioration du solde des hôpitaux.

« En sens contraire, la prévision de solde 2011 tient compte du rattrapage des moindres dépenses constatées en 2010 par rapport à la prévision au titre des investissements d'avenir, ainsi que du traitement en comptabilité nationale des avances remboursables incluses dans le programme d'investissements d'avenir. Dans le PLF, ces avances remboursables étaient considérées comme des opérations financières, sans impact sur le solde public ; suite à la décision de l'INSEE, elles sont considérées comme des dépenses au moment du décaissement et viennent alors dégrader le déficit, avant de l'améliorer au moment de leur remboursement.

« Il convient de souligner que les prévisions macroéconomiques et de finances publiques pour 2011 retenues dans le présent projet de loi de finances rectificative sont identiques à celles sous-tendant le programme de stabilité 2011-2014, transmis au Parlement le 15 avril dernier.

« Les modifications apportées au solde, aux recettes et aux dépenses du budget de l'État par le présent projet de loi de finance rectificative sont explicitées dans l'exposé général des motifs ainsi que dans l'analyse détaillée des modifications de crédits et des mesures nouvelles en recettes. »

Source : exposé des motifs du présent projet de loi

Il faut cependant souligner que, le 13 mai dernier, l'Insee a également revu à la hausse le déficit public de 2010 de 0,1 point de PIB. Celui-ci aurait en effet été de 7,1 points, et non 7 points. Cette révision à la hausse devrait logiquement se répercuter dans la prévision de déficit pour 2012.

3. Des incertitudes persistantes sur le solde public de 2012

La « bonne surprise » du premier trimestre 2011 conduit à remettre partiellement en cause le « scénario prudent » présenté par votre rapporteur général dans son rapport d'information précité sur le projet de programme de stabilité 2011-2014, et suggérant que le déficit de 2012 pourrait être supérieur de 0,5 point de PIB (soit 10 milliards d'euros) à la prévision du Gouvernement.

En effet, si la croissance est bien de 2 % en 2011, ce qui paraît désormais probable, il faut déduire du 0,5 point de PIB de supplément de déficit anticipé pour 2012, le 0,2 point de PIB correspondant à une « base 2011 » désormais plus favorable. Le déficit de 2012 demeurerait toutefois supérieur de 0,3 point de PIB (soit 7 milliards d'euros) à celui prévu par le Gouvernement.

Le scénario « prudent » reposait cependant sur l'hypothèse que les dépenses publiques évoluaient bien conformément aux hypothèses du Gouvernement (soit 0,6 % par an en volume en moyenne). Or, comme la commission des finances le soulignait, il existe un fort aléa à ce sujet, en particulier du fait des dépenses des administrations publiques locales et de l'assurance chômage.

Au total, même en supposant que la croissance est de 2 % en 2011 et en 2012, il pourrait toujours manquer pour 2012 de 5 à 10 milliards d'euros.

4. Une articulation problématique avec la révision constitutionnelle en cours

Certes, une « bonne surprise » du côté de la croissance et des recettes ne peut être exclue.

Cependant, il serait paradoxal que d'un côté, la France « constitutionnalise » le principe de la règle d'effort structurel prévue par la LPFP 2011-2014, et de l'autre continue de « calibrer » l'effort nécessaire en retenant des hypothèses de croissance supérieures à la croissance potentielle. Les deux approches ne sont pas compatibles, à moins de vider la règle d'effort structurel de l'essentiel de sa portée.

De fait, deux normes concurrentes coexistent actuellement, qui permettent au Gouvernement de retenir la moins contraignante à un moment donné.

La première norme est celle de l'effort structurel tel qu'il résulte de la combinaison de la LPFP 2011-2014 et de la disposition précitée de son rapport annexé insérée par le Gouvernement à l'initiative de la commission des finances. C'est une telle norme que le Gouvernement souhaite constitutionnaliser. On peut supposer que, si la croissance était faible et les recettes peu dynamiques, le Gouvernement s'estimerait tenu, sinon de respecter sa trajectoire de solde, du moins de réaliser un effort structurel plus important, qui lui permettrait d'affirmer qu'il la respecterait si la croissance était égale à son potentiel (soit environ 2 %) et si des recettes tendaient spontanément à augmenter à la même vitesse que le PIB.

Mais il existe une seconde norme, qui est celle des programmes de stabilité, que le Gouvernement choisit actuellement - car il anticipe à compter de 2012 une croissance supérieure à son potentiel et des recettes augmentant plus rapidement que le PIB - d'interpréter comme un engagement « ferme » sur le solde public effectif . Cela lui permet de prévoir des mesures moins importantes que celles qui seraient nécessaires avec une croissance de 2 % et des recettes augmentant à la même vitesse que le PIB.

Cette approche consiste de fait à suivre en haut de cycle une simple règle de solde effectif.

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