Rapport n° 620 (2010-2011) de M. Philippe MARINI , fait au nom de la commission des finances, déposé le 15 juin 2011

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N° 620

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 juin 2011

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , de finances rectificative pour 2011 ,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur,

Rapporteur général

Tome I : Rapport

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc, Serge Dassault , vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Jean-Paul Alduy, Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Yvon Collin, Philippe Dallier, Jean-Pierre Demerliat, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Hubert Falco, André Ferrand, François Fortassin, Jean-Pierre Fourcade, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Roland du Luart, Philippe Marini, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

3406 , 3501 , 3503 et T.A. 678

Sénat :

612 (2010-2011)

EXPOSÉ GÉNÉRAL
PREMIÈRE PARTIE - LA FRANCE FACE À LA CRISE DE LA DETTE SOUVERAINE

I. DES PERSPECTIVES DE SOLDE PUBLIC TOUJOURS INCERTAINES POUR 2012

En ce début du mois de juin 2011, les perspectives économiques pour cette année ont significativement évolué par rapport à ce que l'on pouvait anticiper au milieu du mois d'avril.

A. LES PERSPECTIVES LORS DU VOTE DU PARLEMENT SUR LE PROJET DE PROGRAMME DE STABILITÉ 2011-2014

1. Une croissance qui semblait devoir être inférieure à 2 % en 2011

En avril 2011, le consensus des conjoncturistes prévoyait une croissance de 1,7 % en 2011 et en 2012 1 ( * ) , contre respectivement 2 % et 2,25 % selon le projet de programme de stabilité 2011-2014.

La commission des finances s'interdit par principe de faire des prévisions économiques. Cependant, en prolongeant la prévision de croissance prévue par l'Insee pour le premier trimestre (0,6 %) par une hypothèse conventionnelle de croissance « normale » de 0,5 % aux trimestres suivants, on parvenait à une croissance de l'ordre de 1,75 % en 2011 en moyenne annuelle. Sur cette base, et en retenant l'hypothèse conventionnelle d'une croissance du PIB de 2 % en 2012, la commission des finances parvenait à une estimation du déficit public de 5,9 points de PIB en 2011 et 5,1 points de PIB en 2012 (contre respectivement 5,7 et 4,6 points de PIB selon le Gouvernement). Ces chiffres correspondent au scénario « prudent » présenté par votre rapporteur général dans son rapport d'information sur le projet de programme de stabilité 2011-2014 2 ( * ) , publié le 26 avril dernier. L'écart par rapport à la prévision de solde public du Gouvernement pour 2012 était de 0,5 point de PIB, soit 10 milliards d'euros.

De même, dans ses prévisions du printemps 2011, publiées le 13 mai 2011, la Commission européenne, s'appuyant sur des prévisions de croissance de 1,8 % en 2011 et 2 % en 2012, anticipait pour 2011 et 2012 un déficit public de 5,8 et 5,3 points de PIB (contre respectivement 5,7 et 4,6 points de PIB selon le Gouvernement).

Les prévisions de solde public de la Commission européenne

(en points de PIB)

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Grèce

-5,7

-6,4

-9,8

-15,4

-10,5

-9,5

-9,3

Irlande

2,9

0,1

-7,3

-14,3

-32,4

-10,5

-8,8

Espagne

2

1,9

-4,2

-11,1

-9,2

-6,3

-5,3

France

-2,3

-2,7

-3,3

-7,5

-7

-5,8

-5,3

Slovénie

-1,4

-0,1

-1,8

-6

-5,6

-5,8

-5

Chypre

-1,2

3,4

0,9

-6

-5,3

-5,1

-4,9

Slovaquie

-3,2

-1,8

-2,1

-8

-7,9

-5,1

-4,6

Portugal

-4,1

-3,1

-3,5

-10,1

-9,1

-5,9

-4,5

Belgique

0,1

-0,3

-1,3

-5,9

-4,1

-3,7

-4,2

Autriche

-1,6

-0,9

-0,9

-4,1

-4,6

-3,7

-3,3

Italie

-3,4

-1,5

-2,7

-5,4

-4,6

-4

-3,2

Malte

-2,8

-2,4

-4,5

-3,7

-3,6

-3

-3

Estonie

2,4

2,5

-2,8

-1,7

0,1

-0,6

-2,4

Pays-Bas

0,5

0,2

0,6

-5,5

-5,4

-3,7

-2,3

Allemagne

-1,6

0,3

0,1

-3

-3,3

-2

-1,2

Luxembourg

1,4

3,7

3

-0,9

-1,7

-1

-1,1

Finlande

4

5,2

4,2

-2,6

-2,5

-1

-0,7

Zone euro

-1,4

-0,7

-2

-6,3

-6

-4,3

-3,5

Source : commission européenne, prévisions économiques du printemps 2011 (13 mai 2011)

2. Un programme de stabilité 2011-2014 qui pouvait paraître optimiste

Dans ce contexte, le projet de programme de stabilité 2011-2014 pouvait sembler optimiste.

La commission des finances s'est résignée, lors de la discussion du projet de loi de programmation des finances publiques 2011-2014 3 ( * ) , à ce que la programmation continue d'être construite sur une hypothèse de croissance de 2,5 % par an, parce qu'il était entendu que, en cas de croissance inférieure à ce taux, le Gouvernement prendrait des mesures complémentaires.

On aurait donc pu s'attendre à ce que le Gouvernement annonce pour 2012 une hypothèse de croissance de 2 %, ainsi que des mesures supplémentaires pour un montant d'au moins 4 à 6 milliards d'euros, selon les estimations a minima du Gouvernement figurant dans le rapport annexé à la loi de programmation des finances publiques 2011-2014.

Cette éventualité, envisagée par le Gouvernement 4 ( * ) , a été écartée, celui-ci ayant manifestement choisi d'attendre l'automne 2011 pour déterminer si un effort supplémentaire serait nécessaire en 2012.

Ainsi, le programme de stabilité 2011-2014 retient un scénario dans lequel, après une croissance de 2 % en 2011, l'hypothèse de croissance pour 2012 serait ramenée de 2,5 % à 2,25 % (contre alors 1,7 % selon le consensus des conjoncturistes 5 ( * ) ).

La légère révision à la baisse de l'hypothèse de croissance pour 2012 accroît le ratio dépenses/PIB, et donc le déficit, de 0,1 point.

Cependant, cette aggravation du déficit serait annulée par le fait qu'en 2012, les recettes seraient supérieures de 0,1 point de PIB aux prévisions de la loi de programmation des finances publiques, après leur révision à la hausse pour 0,3 point de PIB en 2010 et en 2011.

Comparaison de la LPFP 2011-2014 et du programme de stabilité 2011-2014

(en points de PIB)

2010

2011

2012

2013

2014

LPFP 2011-2014*

Croissance du PIB (en %)

1,5

2

2,5

2,5

2,5

Dépenses

56,6

55,7

54,8

53,8

52,8

Recettes

48,9

49,7

50,2

50,8

50,8

Solde

-7,7

-6

-4,6

-3

-2

Programme de stabilité 2011-2014

Croissance du PIB (en %)

1,6

2

2,25

2,5

2,5

Dépenses

56,2

55,7

54,9

53,8

52,8

Recettes

49,2

50

50,3

50,8

50,8

Solde

-7

-5,7

-4,6

-3

-2

Ecart

Croissance du PIB (en %)

0,1

0

-0,25

0

0

Dépenses

-0,4

0

0,1

0

0

Recettes

0,3

0,3

0,1

0

0

Solde

0,7

0,3

0

0

0

* Plus précisément, on s'appuie ici sur le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2011.

Sources : documents indiqués, calculs de la commission des finances

Comme votre rapporteur général l'indiquait dans son rapport d'information sur le projet de programme de stabilité 2011-2014 6 ( * ) , « ce scénario n'est pas irréaliste ».

Cependant, comme il le soulignait, il fallait « être bien conscient du fait qu'en cette période de l'année, il n'[était] guère possible de présenter de scénario fiable pour 2012 ».

B. LA « BONNE SURPRISE » DU PREMIER TRIMESTRE 2011

1. Une croissance de l'ordre de 2 % en 2011 ?

L'annonce par l'Insee, le 13 mai dernier, que la croissance avait été de 1 % (et non 0,6 %) au premier trimestre 2011, rend plus crédible le scénario du Gouvernement.

En effet, on calcule que si la croissance est de 0,5 % chacun des trois prochains trimestres, la croissance sera de 2,3 % en 2011. Pour avoir une croissance de 2 % il faudrait une croissance de 0,3 % chacun des trois prochains trimestres.

Il paraît donc désormais probable, pour des raisons purement comptables, que la croissance soit d'au moins 2 % en 2011.

Croissance trimestrielle, croissance en moyenne annuelle : quelques rappels

La croissance du PIB une année donnée peut être exprimée en moyenne annuelle ou en glissement.

La croissance en glissement consiste à prendre comme point de départ le PIB au dernier trimestre de l'année précédente, et à calculer l'augmentation au dernier trimestre de l'année concernée. Ce résultat peut être approché en additionnant les taux de croissance de trimestre à trimestre.

Cependant quand on dit, sans plus de précision, que la croissance a été de x % une année donnée, il s'agit de la croissance en moyenne annuelle. Celle-ci est définie comme la croissance du PIB total de l'année concernée par rapport à celui de l'année précédente.

La croissance en moyenne annuelle dépend fortement du profil de la croissance trimestrielle. Par exemple, si le PIB d'une année donnée est caractérisé par une croissance forte les trois premiers trimestres et un effondrement au dernier trimestre, le PIB total de l'année pourra être important, alors que l'année suivante, même en supposant une croissance de trimestre à trimestre « normale », le PIB total, et donc la croissance en moyenne annuelle, sera faible, le « point de départ » étant plus bas.

Dans le cas de l'année 2011, la croissance de 1 % a été observée au premier trimestre. Dans ces conditions, pour une croissance donnée chacun des autres trimestres, elle a un impact plus fort sur le PIB total de 2011 que si elle concernait un autre trimestre. En effet, elle majore le PIB de chacun des trimestres suivants.

Il faut cependant être conscient du fait que d'un point de vue économique, la forte croissance du premier trimestre 2011 ne marque pas une inflexion de tendance. Elle provient en effet pour 0,7 point des variations de stocks (le reste se décomposant entre 0,6 point pour la demande intérieure hors stocks et -0,4 point pour le commerce extérieur).

Ces éléments conduisent le Gouvernement à confirmer son scénario économique relatif à l'année 2011 dans l'exposé des motifs du présent projet de loi, et plus précisément dans le « rapport présentant les évolutions de la situation économique et budgétaire justifiant les dispositions qu'ils comportent » prévu par l'article 53 de la LOLF. Comme les années précédentes, ce rapport est très succinct. La seule modification par rapport aux prévisions précédentes concerne l'inflation, qui serait de 1,8 % (et non 1,5 %).

Le « rapport présentant les évolutions de la situation économique et budgétaire justifiant les dispositions qu'ils comportent » prévu par l'article 53 de la LOLF » : passages relatifs à la situation économique

« Aux termes de l'article 53 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, les projets de loi de finances rectificative comportent un rapport présentant les évolutions de la situation économique et budgétaire justifiant les dispositions qu'ils comportent.

« Comme prévu, la reprise économique s'est poursuivie et intensifiée en France depuis le dépôt, le 17 novembre 2010, du projet de loi de finances rectificative pour 2010.

« Au 4 e trimestre 2010, la croissance du PIB a atteint 0,4 % (après 0,2 % au 3 e trimestre), portée par une consommation des ménages très dynamique. Au total, la croissance en 2010 a atteint 1,5 % en données corrigées des jours ouvrables et 1,6 % en données brutes, en ligne avec la prévision pour 2010 sous-jacente au PLF pour 2011 et au PLFR de fin d'année. Cette croissance est largement imputable, d'une part, au rebond de la demande intérieure privée et, d'autre part, à la forte augmentation des exportations, la contribution du commerce extérieur à la croissance étant nettement positive (0,4 point de PIB) pour la première fois depuis 2001.

« Les indicateurs conjoncturels récents indiquent une nette accélération de l'activité depuis le début de l'année 2011 : les enquêtes auprès des chefs d'entreprise font état d'un niveau très élevé du climat des affaires, laissant présager une croissance robuste et plus autonome au premier semestre. Ces données d'enquête sont corroborées par les indicateurs quantitatifs disponibles : après un net rebond en janvier (+ 1,5 %), la production manufacturière est ainsi restée dynamique en février (+ 0,7 %) ; la consommation des ménages a en outre pour l'instant bien résisté à la fin de la prime à la casse, avec une croissance de 1,2 % des dépenses en produits manufacturés au 1er trimestre (après 1,8 % au 4e trimestre 2010).

« Ces éléments ont conduit l'OCDE à anticiper une hausse du PIB conforme à celle du scénario économique du projet de loi de finances pour 2011 (2,0 %), prévision de croissance qui est conservée dans le présent projet de loi de finances rectificative. Ce rythme permettrait une accélération des créations d'emplois dans les secteurs marchands (+ 160 000 sur l'année). L'activité serait soutenue par l'investissement des entreprises, qui joue traditionnellement un rôle d'accélérateur en phase de reprise et qui bénéficierait de la très forte baisse de la taxation du capital productif permise par la réforme de la taxe professionnelle. Les exportations tireraient également profit de cette mesure, qui améliore la compétitivité-prix des entreprises, ainsi que de celles en faveur de la qualité et de l'innovation des produits exportés (avec notamment le soutien à la R&D grâce au crédit d'impôt recherche). La consommation des ménages profiterait en outre de la hausse des revenus liée à l'amélioration progressive du marché du travail et du début de reflux du taux d'épargne, qui permettraient de compenser une inflation en moyenne annuelle 2011 un peu plus haute que prévue au moment du projet de loi de finances (+ 1,8 % contre 1,5 %), reflétant la hausse des prix du pétrole. La croissance française devrait également bénéficier en 2011 de l'effort de reconstitution des stocks, lesquels n'ont pas encore retrouvé leur niveau d'avant-crise. »

Source : exposé des motifs du présent projet de loi

2. Un objectif de solde public atteint en 2011 ?

En conséquence, l'objectif de déficit public du Gouvernement pour 2011, de 5,7 points de PIB, voit sa crédibilité renforcée.

Il est confirmé par le Gouvernement dans l'exposé des motifs du présent projet de loi.

Le « rapport présentant les évolutions de la situation économique et budgétaire justifiant les dispositions qu'ils comportent » prévu par l'article 53 de la LOLF » : passages relatifs au solde public

« En 2011, le déficit public devrait s'établir à 5,7 points de PIB, soit une amélioration de 0,3 point par rapport au déficit de 6,0 points prévu lors du projet de loi de finances initiale pour 2011.

« Cette amélioration provient essentiellement de la prise en compte de la bonne surprise constatée sur le solde 2010 (déficit de 7 % au lieu des 7,7 % estimés au moment du PLF pour 2011), qui se répercuterait en partie sur 2011.

« Une partie des facteurs d'explication d'un solde 2010 meilleur qu'escompté se retrouvent en effet sur 2011 : il s'agit essentiellement de l'amélioration des comptes des administrations publiques locales, en raison notamment du fort rebond des droits de mutation et d'un niveau d'investissement plus faible qu'escompté, ainsi que de l'amélioration du solde des hôpitaux.

« En sens contraire, la prévision de solde 2011 tient compte du rattrapage des moindres dépenses constatées en 2010 par rapport à la prévision au titre des investissements d'avenir, ainsi que du traitement en comptabilité nationale des avances remboursables incluses dans le programme d'investissements d'avenir. Dans le PLF, ces avances remboursables étaient considérées comme des opérations financières, sans impact sur le solde public ; suite à la décision de l'INSEE, elles sont considérées comme des dépenses au moment du décaissement et viennent alors dégrader le déficit, avant de l'améliorer au moment de leur remboursement.

« Il convient de souligner que les prévisions macroéconomiques et de finances publiques pour 2011 retenues dans le présent projet de loi de finances rectificative sont identiques à celles sous-tendant le programme de stabilité 2011-2014, transmis au Parlement le 15 avril dernier.

« Les modifications apportées au solde, aux recettes et aux dépenses du budget de l'État par le présent projet de loi de finance rectificative sont explicitées dans l'exposé général des motifs ainsi que dans l'analyse détaillée des modifications de crédits et des mesures nouvelles en recettes. »

Source : exposé des motifs du présent projet de loi

Il faut cependant souligner que, le 13 mai dernier, l'Insee a également revu à la hausse le déficit public de 2010 de 0,1 point de PIB. Celui-ci aurait en effet été de 7,1 points, et non 7 points. Cette révision à la hausse devrait logiquement se répercuter dans la prévision de déficit pour 2012.

3. Des incertitudes persistantes sur le solde public de 2012

La « bonne surprise » du premier trimestre 2011 conduit à remettre partiellement en cause le « scénario prudent » présenté par votre rapporteur général dans son rapport d'information précité sur le projet de programme de stabilité 2011-2014, et suggérant que le déficit de 2012 pourrait être supérieur de 0,5 point de PIB (soit 10 milliards d'euros) à la prévision du Gouvernement.

En effet, si la croissance est bien de 2 % en 2011, ce qui paraît désormais probable, il faut déduire du 0,5 point de PIB de supplément de déficit anticipé pour 2012, le 0,2 point de PIB correspondant à une « base 2011 » désormais plus favorable. Le déficit de 2012 demeurerait toutefois supérieur de 0,3 point de PIB (soit 7 milliards d'euros) à celui prévu par le Gouvernement.

Le scénario « prudent » reposait cependant sur l'hypothèse que les dépenses publiques évoluaient bien conformément aux hypothèses du Gouvernement (soit 0,6 % par an en volume en moyenne). Or, comme la commission des finances le soulignait, il existe un fort aléa à ce sujet, en particulier du fait des dépenses des administrations publiques locales et de l'assurance chômage.

Au total, même en supposant que la croissance est de 2 % en 2011 et en 2012, il pourrait toujours manquer pour 2012 de 5 à 10 milliards d'euros.

4. Une articulation problématique avec la révision constitutionnelle en cours

Certes, une « bonne surprise » du côté de la croissance et des recettes ne peut être exclue.

Cependant, il serait paradoxal que d'un côté, la France « constitutionnalise » le principe de la règle d'effort structurel prévue par la LPFP 2011-2014, et de l'autre continue de « calibrer » l'effort nécessaire en retenant des hypothèses de croissance supérieures à la croissance potentielle. Les deux approches ne sont pas compatibles, à moins de vider la règle d'effort structurel de l'essentiel de sa portée.

De fait, deux normes concurrentes coexistent actuellement, qui permettent au Gouvernement de retenir la moins contraignante à un moment donné.

La première norme est celle de l'effort structurel tel qu'il résulte de la combinaison de la LPFP 2011-2014 et de la disposition précitée de son rapport annexé insérée par le Gouvernement à l'initiative de la commission des finances. C'est une telle norme que le Gouvernement souhaite constitutionnaliser. On peut supposer que, si la croissance était faible et les recettes peu dynamiques, le Gouvernement s'estimerait tenu, sinon de respecter sa trajectoire de solde, du moins de réaliser un effort structurel plus important, qui lui permettrait d'affirmer qu'il la respecterait si la croissance était égale à son potentiel (soit environ 2 %) et si des recettes tendaient spontanément à augmenter à la même vitesse que le PIB.

Mais il existe une seconde norme, qui est celle des programmes de stabilité, que le Gouvernement choisit actuellement - car il anticipe à compter de 2012 une croissance supérieure à son potentiel et des recettes augmentant plus rapidement que le PIB - d'interpréter comme un engagement « ferme » sur le solde public effectif . Cela lui permet de prévoir des mesures moins importantes que celles qui seraient nécessaires avec une croissance de 2 % et des recettes augmentant à la même vitesse que le PIB.

Cette approche consiste de fait à suivre en haut de cycle une simple règle de solde effectif.

II. LA CRISE DE LA DETTE SOUVERAINE DANS LA ZONE EURO

A. UN RISQUE DE CRISE AUTORÉALISATRICE POUR TOUT ETAT AYANT UNE DETTE PUBLIQUE DE L'ORDRE DE 100 POINTS DE PIB

Les taux d'intérêt des trois « petits » Etats « périphériques » de la zone euro (Grèce, Irlande, Portugal) atteignent des niveaux très élevés, comme le montre le graphique ci-après.

Les taux d'intérêt à 10 ans sur les emprunts d'Etat de trois Etats « périphériques »

(en %)

Source : Natixis

L'Espagne et l'Italie peuvent cependant toujours se financer à un taux soutenable.

Les taux d'intérêt à 10 ans sur les emprunts d'Etat de l'Espagne et de l'Italie

(en %)

Source : Natixis

Le fait que la crise de la dette souveraine frappe la zone euro, dont la situation globale des finances publiques est globalement plus favorable que celle des Etats-Unis et du Japon, peut sembler paradoxal. Il tient à la nature même de l'euro, qui, en faisant disparaître le risque de change, rend rationnel pour les investisseurs d'accorder une importance prépondérante au risque de défaut, aussi faible soit-il a priori . Par ailleurs, une hausse des taux peut s'auto-entretenir, dans la mesure où elle aggrave le risque de défaut de l'Etat concerné. Un cercle vicieux peut également s'instaurer entre le pessimisme des marchés au sujet de certains Etats et leur pessimisme au sujet de leur système bancaire.

A cela s'ajoute que la Grèce, le Portugal et l'Espagne ont un déficit extérieur courant de l'ordre de 10 points de PIB, ce qui est nettement supérieur à celui de leurs partenaires, et ce qui, compte tenu de leurs perspectives de croissance, n'est pas soutenable sur le long terme : s'il se maintenait, ces pays seraient tellement endettés vis-à-vis de l'extérieur que tôt ou tard leurs administrations publiques feraient défaut, soit directement, soit après s'être portées au secours d'agents privés en difficulté.

Le tableau ci-après montre qu'il existe un risque de crise autoréalisatrice pour tout Etat ayant une dette publique de l'ordre de 100 points de PIB. Il indique plus particulièrement la situation des quatre Etats « périphériques » de la zone euro et de l'Italie.

Solde public primaire nécessaire pour stabiliser
le ratio dette/PIB (en supposant une croissance du PIB de 4 % par an en valeur)

(en points de PIB)

Taux d'intérêt
(en %)

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14

15

Dette publique
(en points de PIB)

10

0

0,1

0,2

0,3

0,4

0,5

0,6

0,7

0,8

0,9

1

1,1

20

0

0,2

0,4

0,6

0,8

1

1,2

1,4

1,6

1,8

2

2,2

30

0

0,3

0,6

0,9

1,2

1,5

1,8

2,1

2,4

2,7

3

3,3

40

0

0,4

0,8

1,2

1,6

2

2,4

2,8

3,2

3,6

4

4,4

50

0

0,5

1

1,5

2

2,5

3

3,5

4

4,5

5

5,5

60

0

0,6

1,2

1,8

2,4

3

3,6

4,2

4,8

5,4

6

Espagne

Portugal

Irlande

Italie

Grèce

6,6

70

0

0,7

1,4

2,1

2,8

3,5

4,2

4,9

5,6

6,3

7

7,7

80

0

0,8

1,6

2,4

3,2

4

4,8

5,6

6,4

7,2

8

8,8

90

0

0,9

1,8

2,7

3,6

4,5

5,4

6,3

7,2

8,1

9

9,9

100

0

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

110

0

1,1

2,2

3,3

4,4

5,5

6,6

7,7

8,8

9,9

11

12,1

120

0

1,2

2,4

3,6

4,8

6

7,2

8,4

9,6

10,8

12

13,2

130

0

1,3

2,6

3,9

5,2

6,5

7,8

9,1

10,4

11,7

13

14,3

140

0

1,4

2,8

4,2

5,6

7

8,4

9,8

11,2

12,6

14

15,4

150

0

1,5

3

4,5

6

7,5

9

10,5

12

13,5

15

16,5

160

0

1,6

3,2

4,8

6,4

8

9,6

11,2

12,8

14,4

16

17,6

170

0

1,7

3,4

5,1

6,8

8,5

10,2

11,9

13,6

15,3

17

18,7

180

0

1,8

3,6

5,4

7,2

9

10,8

12,6

14,4

16,2

18

19,8

190

0

1,9

3,8

5,7

7,6

9,5

11,4

13,3

15,2

17,1

19

20,9

200

0

2

4

6

8

10

12

14

16

18

20

22

Les cases en gris clair et en gris foncé correspondent aux situations dans lesquelles les Etats doivent dégager un excédent primaire supérieur ou égal à respectivement 3 et 7 points de PIB pour stabiliser leur dette publique (ce dernier montant correspondant au maximum historique dans la zone euro).

Les cercles rouges correspondent à la situation si les taux d'intérêt se maintenaient durablement à leur niveau actuel, les cercles verts à celle s'ils retrouvaient des niveaux plus « normaux » (les ordres de grandeur pour les quatre Etats « périphériques » sont analogues à ceux retenus par Zsolt Darvas, Christophe Gouardo, Jean Pisani-Ferry et André Sapir, in « A Comprehensive Approach to the Euro-Area Debt Crisis », Bruegel, février 2011).

Lecture : plus un Etat se trouve proche du coin inférieur droit, moins sa dette est soutenable.

Source : calculs de la commission des finances

La dette de la Grèce, de 150 points de PIB, est probablement impossible à financer sur les marchés, que ses taux d'intérêt demeurent ou non à leur niveau actuel. Si tel était le cas, la Grèce devrait dégager un excédent primaire de 16,5 points de PIB pour stabiliser sa dette en points de PIB, ce qui est manifestement impossible. S'ils diminuaient jusqu'à 9 %, elle devrait dégager un excédent de 7,5 points de PIB, ce qui serait légèrement supérieur au maximum historique atteint dans la zone euro, et paraît donc peu réaliste.

L'Irlande et le Portugal se situent dans la « zone à risque ». Ils échapperaient à l'insolvabilité si leurs taux d'intérêt retrouvaient un niveau qui, bien que toujours élevé, serait plus « normal ». Le risque de crise autoréalisatrice est néanmoins présent.

La situation de l'Espagne et de l'Italie est quant à elle pour l'instant soutenable. Cela suppose bien entendu que les taux d'intérêt n'augmentent pas comme dans le cas des trois autres Etats. En particulier, le tableau suggère que l'Espagne, avec une dette publique de seulement 70 points de PIB en 2011, et qui emprunte à moins de 6 %, n'a pas besoin de recourir au fonds européen de stabilité financière (FESF). Pour qu'elle se trouve dans la même situation que l'Irlande et le Portugal actuellement, il faudrait que ses taux d'intérêt atteignent près de 10 %.

B. LA NÉCESSITÉ POUR LES ETATS DE RÉDUIRE LEUR DÉFICIT

1. Un déficit de 3 points de PIB tend à stabiliser la dette vers 75 points de PIB

Comme le montre le tableau ci-après, avec la même hypothèse de croissance, une dette publique de 75 points de PIB peut être stabilisée avec un déficit de 3 points de PIB.

Même si elle faisait défaut, la Grèce devrait donc réduire son déficit dans une proportion importante. En effet, elle ne pourrait se financer sur les marchés si elle semblait à nouveau sur le chemin d'une dette insoutenable.

Le solde stabilisant correspondant à différents niveaux d'endettement
et de croissance du PIB

(en points de PIB)

Croissance du
PIB en valeur

2 %

3 %

4 %

5 %

6 %

7 %

Dette

60

-1,2

-1,8

-2,4

-3,0

-3,6

-4,2

65

-1,3

-2,0

-2,6

-3,3

-3,9

-4,6

70

-1,4

-2,1

-2,8

-3,5

-4,2

-4,9

75

-1,5

-2,3

-3,0

-3,8

-4,5

-5,3

80

-1,6

-2,4

-3,2

-4,0

-4,8

-5,6

85

-1,7

-2,6

-3,4

-4,3

-5,1

-6,0

90

-1,8

-2,7

-3,6

-4,5

-5,4

-6,3

95

-1,9

-2,9

-3,8

-4,8

-5,7

-6,7

100

-2,0

-3,0

-4,0

-5,0

-6,0

-7,0

105

-2,1

-3,2

-4,2

-5,3

-6,3

-7,4

110

-2,2

-3,3

-4,4

-5,5

-6,6

-7,7

115

-2,3

-3,5

-4,6

-5,8

-6,9

-8,1

120

-2,4

-3,6

-4,8

-6,0

-7,2

-8,4

125

-2,5

-3,8

-5,0

-6,3

-7,5

-8,8

130

-2,6

-3,9

-5,2

-6,5

-7,8

-9,1

135

-2,7

-4,1

-5,4

-6,8

-8,1

-9,5

140

-2,8

-4,2

-5,6

-7,0

-8,4

-9,8

145

-2,9

-4,4

-5,8

-7,3

-8,7

-10,2

150

-3,0

-4,5

-6,0

-7,5

-9,0

-10,5

155

-3,1

-4,7

-6,2

-7,8

-9,3

-10,9

160

-3,2

-4,8

-6,4

-8,0

-9,6

-11,2

165

-3,3

-5,0

-6,6

-8,3

-9,9

-11,6

170

-3,4

-5,1

-6,8

-8,5

-10,2

-11,9

175

-3,5

-5,3

-7,0

-8,8

-10,5

-12,3

180

-3,6

-5,4

-7,2

-9,0

-10,8

-12,6

185

-3,7

-5,6

-7,4

-9,3

-11,1

-13,0

190

-3,8

-5,7

-7,6

-9,5

-11,4

-13,3

195

-3,9

-5,9

-7,8

-9,8

-11,7

-13,7

200

-4,0

-6,0

-8,0

-10,0

-12,0

-14,0

205

-4,1

-6,2

-8,2

-10,3

-12,3

-14,4

210

-4,2

-6,3

-8,4

-10,5

-12,6

-14,7

215

-4,3

-6,5

-8,6

-10,8

-12,9

-15,1

220

-4,4

-6,6

-8,8

-11,0

-13,2

-15,4

225

-4,5

-6,8

-9,0

-11,3

-13,5

-15,8

230

-4,6

-6,9

-9,2

-11,5

-13,8

-16,1

235

-4,7

-7,1

-9,4

-11,8

-14,1

-16,5

240

-4,8

-7,2

-9,6

-12,0

-14,4

-16,8

245

-4,9

-7,4

-9,8

-12,3

-14,7

-17,2

250

-5,0

-7,5

-10,0

-12,5

-15,0

-17,5

Source : calculs de la commission des finances

2. Les mécanismes mis en place
a) Le dispositif propre à la Grèce
(1) Le dispositif de mai 2010 (110 milliards d'euros)

Le dispositif d'aide à la Grèce repose sur un accord intergouvernemental entre les Etats de la zone euro.

Ce dispositif permet des prêts bilatéraux de 80 milliards d'euros à la Grèce, auxquels s'ajoutent 30 milliards d'euros du FMI, ce qui correspond à 110 milliards d'euros au total.

En France, la loi n° 2010-463 du 7 mai 2010 de finances rectificative pour 2010 a ouvert 16,8 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et 3,9 milliards d'euros de crédits de paiement.

Le montant de 16,8 milliards d'euros d'autorisations d'engagement correspond à la part de la France dans les 80 milliards d'euros susceptibles d'être versés par les Etats de la zone euro jusqu'à la mi-2013. Cette part a été calculée en fonction de celle de la souscription de la Banque de France dans le capital de la BCE.

La contribution de la France au dispositif d'aide à la Grèce

(en milliards d'euros)

Etats de la zone euro

FMI

Total

Part de la France (en % de la zone euro)***

France

Tranche

1

mai-10

14,5

5,5

20

23 %

3,3

2

sept-10

6,5

2,5

9

17 %

1,1

3

déc-10*

6,5

2,5

9

22 %

1,4

4

mars-11

10,9

4,1

15

28 %

3,1

5

juin-11**

8,7

3,3

12

13 %

1,2

6

sept-11

5,8

2,2

8

22 %

1,3

7

déc-11

3,6

1,4

5

22 %

0,8

8

mars-12

7,3

2,7

10

22 %

1,6

9

juin-12

4,4

1,6

6

22 %

1

10

sept-12

4,4

1,6

6

22 %

1

11

déc-12

1,5

0,5

2

22 %

0,3

12

mars-13

4,4

1,6

6

22 %

0,7

13

juin-13

1,5

0,5

2

NA

0

Total

80

30

110

16,8

* Janvier 2011 pour les Etats de la zone euro.

** Le versement devrait être effectué début juillet.

*** Le changement du taux début 2011 vient de l'adoption de l'euro par l'Estonie et du retrait de l'Irlande des Etats contributeurs.

Source : d'après la Commission européenne ; deux dernières colonnes : ministère de l'économie, des finances et de l'emploi (totalisation de la dernière colonne par la commission des finances)

Les 3,9 milliards d'euros prévus par la loi du 7 mai 2010 de finances rectificative pour 2010 précitée correspondent quant à eux aux versements qui devaient être réalisés en 2010. Ces montants ont été ensuite été réévalués, le plan d'aide effectivement adopté prévoyant le versement de 5,8 milliards d'euros en 2010, comme le montre le tableau ci-avant. Selon les informations transmises par le Gouvernement, cela vient notamment du fait qu'« il est apparu que les besoins de recapitalisation du secteur bancaire étaient plus urgents qu'initialement prévu ».

Les sommes transitent par le compte de concours financiers « Prêts à des Etats étrangers ».

A ce jour la Grèce a perçu 53 milliards d'euros (38,4 provenant des Etats de la zone euro et 14,6 du FMI), correspondant au versement des quatre premières tranches.

La Commission européenne, le FMI et la Banque centrale européenne sont parvenus le 3 juin dernier à un accord technique sur le versement de la cinquième tranche, qui devrait être effectué début juillet ( cf . infra ).

Comme on le verra ci-après, le présent projet de loi de finances rectificative procède à une ouverture de crédits de paiement d'un montant de 1,5 milliard d'euros sur le compte de concours financiers « Prêts à des Etats étrangers ». Ce montant correspond à celui de la contribution de la France à la troisième tranche de l'aide à la Grèce (1,4 milliard d'euros), qui aurait dû être versée en décembre 2010 mais ne l'a été qu'en janvier 2011, et à l'augmentation de la part de la France à la suite du retrait de l'Irlande (0,1 milliard d'euros) (cf. infra ). En l'absence de cette révision à la hausse, il ne serait pas possible de financer la totalité des 6,1 milliards d'euros restants prévus pour 2011. En effet, le programme « Prêts aux Etats membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro » n'a été doté par la loi de finances initiale pour 2011 que des 6,1 milliards d'euros initialement prévus.

(2) Le plan de 60 milliards d'euros annoncé le 3 juin 2011

L'échéancier indiqué ci-avant ne prend pas en compte la totalité des besoins de financement de la Grèce jusqu'à la mi-2013. L'écart, qui porte sur les années 2012 et 2013, est de l'ordre de 60 milliards d'euros.

Comme la Grèce n'est pas en mesure de se financer sur les marchés, une aide supplémentaire est nécessaire.

À l'issue d'une rencontre avec le premier ministre grec, le président de l'Eurogroupe a annoncé le 3 juin 2011 « un financement supplémentaire de la Grèce, en échange de conditions strictes ».

Ce plan, d'un montant de l'ordre de 60 milliards d'euros , doit encore être finalisé. Selon les informations publiées dans la presse, la zone euro et le FMI contribueraient pour respectivement 20 et 10 milliards d'euros, soit la moitié du total. Un quart de l'effort (soit environ 15 milliards d'euros) incomberait à la Grèce. Le reste (soit environ 15 milliards d'euros) serait à la charge du secteur privé, « sur une base volontaire » 7 ( * ) .

Concrètement, les banques devraient donc s'engager à maintenir leur exposition à la dette publique grecque. La BCE juge le critère du volontariat fondamental, pour ne pas susciter un « événement de crédit », c'est-à-dire un défaut au sens des agences de notation.

b) Les deux dispositifs actuels « de droit commun » : le FESF et le MESF
(1) Une capacité effective de prêt de bientôt 750 milliards d'euros avec le FMI

A la suite du sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro du 7 mai 2010, le Conseil Ecofin des 9 et 10 mai a décidé de la mise en place d'un dispositif européen de stabilisation « de droit commun ». Ce dispositif doit disparaître à la mi-2013, remplacé par le futur Mécanisme européen de stabilité (MES).

Le tableau ci-après synthétise les sommes en jeu, en rappelant celles relatives au dispositif spécifique à la Grèce. Aux 500 milliards d'euros de ce mécanisme « de droit commun » (440 milliards d'euros pour le Fonds européen de stabilité financière, FESF, et 60 milliards d'euros pour le Mécanisme européen de stabilisation financière, MESF) s'ajoutent 250 milliards d'euros du FMI, portant le total à 750 milliards d'euros (sur trois ans).

Cependant si l'on suppose que, pour maintenir sa notation « triple A », le FESF doit limiter ses emprunts à la participation des Etats notés « triple A » , les sommes en jeu ne sont plus que de 565 milliards d'euros (dont 255 milliards d'euros pour le FESF ).

L'accord sur le FESF doit toutefois être modifié d'ici la fin du mois de juin 2011 pour garantir une capacité de prêt effective de 440 milliards d'euros 8 ( * ) . La France devra pour cela accroître la garantie qu'elle lui accorde ( cf . commentaire de l'article 33 du présent projet de loi, inséré par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement).

Les dispositifs de stabilisation de l'UE : montants sur 3 ans

(en milliards d'euros)

Base juridique (articles TFUE)

Transposition en droit français

UE en tant que telle

Etats membres de l'UE participants

Etats de la zone euro hors Grèce

FMI

Total

Grèce (Eurogroupe, 2 mai 2010)

Accord intergouvernemental

Loi n° 2010-463 du 7 mai 2010 de finances rectificative pour 2010

80

30

110

Mécanisme « de droit commun » (Conseil Ecofin, 9-10 mai 2010)

Loi n° 2010-606 du 7 juin 2010 de finances rectificative pour 2010

60

440

(255 ?)

250

750

(565 ?)

Dont :

Mécanisme européen de stabilisation financière (MESF)

Article 122.2 (assistance financière de l'UE à un Etat membre)

60

30

90

Fonds européen de stabilité financière (FESF)

Accord intergouvernemental

440

(255 ?)

220

660

(475 ?)

TOTAL

60

440

(255 ?)

80

280

860

(675 ?)

NB : les montants entre parenthèses (xx ?) supposent que la capacité de prêt du FESF correspond à la participation des seuls Etats actuellement notés  « triple A ».

Source : d'après la déclaration de l'Eurogroupe du 2 mai 2010, les conclusions du conseil Ecofin des 9 et 10 mai 2010 et le communiqué de presse du Gouvernement du 11 mai 2010

(2) Un montant insuffisant en cas d'extension de la crise de la dette à de nouveaux Etats

A titre de comparaison, les trois Etats « périphériques » hors Grèce ont un besoin de financement (déficit + refinancement) d'environ 600 milliards d'euros d'ici la mi-2013.

Par ailleurs, les ordres de grandeur changeraient en cas d'extension de la crise à de nouveaux Etats, puisque les besoins de financement en 2011-2013 sont de l'ordre de 200 milliards d'euros pour la Belgique et 800 milliards d'euros pour l'Italie.

Citigroup 9 ( * ) évoque ainsi un montant de 2 000 milliards d'euros, financés en tout ou partie par des achats de dette souveraine par la Banque centrale européenne (BCE), afin d'aider, le cas échéant, « l'Italie, la Belgique et la France ».

Ce point n'est cependant pas à l'ordre du jour.

Si la crise devait s'étendre à de « grands » Etats, il serait probablement inévitable de recourir à la monétisation de leurs dettes publiques, c'est-à-dire à des achats massifs de ces dettes par la Banque centrale européenne.

(3) Un dispositif activé dans le cas de l'Irlande et du Portugal

Si, conformément à l'article 122 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, l'attribution d'un prêt du MESF exige simplement une décision du Conseil à la majorité qualifiée, celle d'un prêt du FESF est subordonnée à l'accord unanime des Etats participants.

Le dispositif a été activé pour l'Irlande et le Portugal, respectivement en décembre 2010 et en mai 2011. Les sommes concernées sont de respectivement 67,5 milliards d'euros (85 milliards d'euros après prise en compte de la contribution de l'Irlande) et 78 milliards d'euros.

Les plans d'aide à l'Irlande et au Portugal

(en milliards d'euros)

Irlande

Portugal

Irlande (ressources de trésorerie et Fonds national de réserve pour les retraites)

17,5

Aide internationale

67,5

78

Mécanisme européen de stabilisation financière

22,5

26

Fonds européen de stabilité financière

17,7

26

Royaume-Uni

3,8

Suède

0,6

Danemark

0,4

FMI

22,5

26

Total

85

78

Source : d'après le Conseil de l'Union européenne

Lors de la première émission du FESF, en janvier 2011, la France a accordé sa garantie. Les commissions des finances des deux assemblées en ont été informées, conformément à l'article 3 de la loi n° 2010-606 du 7 juin 2010 de finances rectificative pour 2010 10 ( * ) , par un courrier des ministres en charge de l'économie et des comptes publics en date du 17 janvier 2011.

3. Le futur mécanisme européen de stabilité (MES)

A moyen terme, le FESF et le MESF, qui disparaîtront en juin 2013, doivent être remplacés par un dispositif pérenne, dénommé « mécanisme européen de stabilité » (MES), doté d'une capacité de prêt de 500 milliards d'euros 11 ( * ) (soit égal à la capacité affichée du FESF et du MESF).

a) Une capacité de prêt effective de 500 milliards d'euros

Sur le plan juridique, il est nécessaire de modifier l'article 136 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), dans le cadre de la procédure de révision simplifiée prévue à l'article 48, paragraphe 6, du traité sur l'Union européenne (TUE) 12 ( * ) . Selon le Conseil européen, la consultation des institutions concernées devrait s'achever à temps pour permettre l'accomplissement des procédures nationales d'approbation d'ici la fin de 2012 et l'entrée en vigueur du traité modifié le 1 er janvier 2013.

Comme le FESF, le futur mécanisme sera régi par un accord intergouvernemental.

Selon les conclusions du Conseil européen des 24 et 25 mars 2011, « le MES sera doté d'un capital souscrit de 700 milliards d'euros au total. Sur ce montant, 80 milliards seront constitués de capital versé par les Etats membres de la zone euro en cinq annuités égales à compter de juillet 2013. Le MES disposera en outre d'une combinaison de capital engagé exigible et de garanties apportés par des Etats membres de la zone euro pour un montant total de 620 milliards d'euros. Pendant la phase transitoire allant de 2013 à 2017, les Etats membres s'engagent à accélérer, dans le cas peu probable où cela serait nécessaire, la fourniture d'instruments appropriés afin de maintenir un ratio minimum de 15 pour cent entre le capital versé et l'encours des émissions du MES ».

Le capital souscrit total du FESF (700 milliards d'euros) est donc exactement égal à sa capacité de prêt (500 milliards d'euros), majorée d'une sur-garantie de 40 %. Cette capacité de prêt excède la part des Etats notés « triple A », légèrement supérieure à 400 milliards d'euros. En effet, les agences de notation prennent en compte le fait que, contrairement au FESF, le MES sera doté en capital.

Le ratio de 15 % entre le capital versé et l'encours des émissions indiqué par le Conseil européen correspond, sur la base de 80 milliards d'euros de capital versé, à une capacité d'émissions de 533 milliards d'euros. Interrogé à ce sujet par la commission des finances, le Gouvernement a précisé que « dans la mesure du possible pendant la phase transitoire, le MES ne devrait pas lever sur les marchés un montant supérieur à 6,67 fois le montant de capital versé. Selon cette règle, il pourrait émettre la première année plus de 100 Md€, soit un montant supérieur aux programmes actuellement en cours, sans appeler plus que les 16 Md€ de capital prévus ».

La clé de contribution de chaque Etat membre au capital souscrit du MES sera fondée sur la clé de répartition du capital versé de la BCE (soit 20,386 % pour la France). Il en résulte les montants du tableau ci-après.

La contribution au futur Mécanisme européen de stabilité (MES)

(en milliards d'euros)

Capital souscrit (1)

Clé MES (%)

Versé par les Etats membres en 5 annuités égales à compter de juillet 2013 (2013-2017)

Combinaison de capital engagé exigible et de garanties

Total

Autriche*

2,783

2,2

17,3

19,5

Allemagne*

27,146

21,7

168,3

190

Belgique

3,477

2,8

21,6

24,3

Chypre

0,196

0,2

1,2

1,4

Espagne

11,904

9,5

73,8

83,3

Estonie

0,186

0,1

1,2

1,3

Finlande*

1,797

1,4

11,1

12,6

France*

20,386

16,3

126,4

142,7

Grèce

2,817

2,3

17,5

19,7

Irlande

1,592

1,3

9,9

11,1

Italie

17,914

14,3

111,1

125,4

Luxembourg*

0,25

0,2

1,6

1,8

Malte

0,073

0,1

0,5

0,5

Pays-Bas*

5,717

4,6

35,4

40

Portugal

2,509

2

15,6

17,6

Slovaquie

0,824

0,7

5,1

5,8

Slovénie

0,428

0,3

2,7

3

Total

100

80,0

620,0

700,0

* Etats notés « triple A »

(1) Calculs de la commission des finances.

Remarque : La clé MES se fonde sur la clé de contribution au capital de la BCE. Les Etats membres dont le PIB par habitant est inférieur à 75 % de la moyenne de l'UE bénéficieront d'une correction temporaire pour une période de douze ans après leur entrée dans la zone euro. Cette correction temporaire correspondra à trois quarts de la différence entre leurs parts dans le RNB et dans le capital de la BCE (chiffre composé en réalité de 75 % de la part dans le RNB et de 25 % de la part dans le capital de la BCE), selon la formule ci-après : Part MES = Part clé BCE - 0,75*(part clé BCE - part RNB). La compensation à la baisse pour ces pays est redistribuée parmi tous les autres pays conformément à leur part dans la clé BCE.

Sources : conclusion du Conseil européen des 24 et 25 mars 2011, calculs de la commission des finances

Comme cela est indiqué en légende du tableau, la clé de répartition des contributions ne correspond pas strictement à ce qui résulterait de la contribution des Etats au capital de la BCE, les Etats membres dont le PIB par habitant est inférieur à 75 % de la moyenne de l'UE bénéficiant d'une « correction temporaire ». Les Etats bénéficiaires de cette clé de répartition sont l'Estonie, Malte, la Slovaquie et la Slovénie. Pour les autres Etats, celle-ci se traduit par un surcoût. Dans le cas de la France, celui-ci est de 430 millions d'euros, dont 49 millions pour le capital versé, comme le montre le tableau ci-après.

Le coût de la clé MES par rapport à la clé résultant du capital BCE

(en milliards d'euros)

Clé MES

(en %)

Capital BCE

(en %)

Coût de la clé MES par rapport à la clé résultant du capital BCE

Capital souscrit

Dont versé par les Etats membres en 5 annuités égales à compter de juillet 2013 (2013-2017)

Dont combinaison de capital engagé exigible et de garanties

Allemagne

27,146

27,065

0,569

0,065

0,504

Autriche

2,783

2,775

0,056

0,006

0,049

Belgique

3,477

3,467

0,073

0,008

0,064

Chypre

0,196

0,196

0,002

0,000

0,002

Espagne

11,904

11,868

0,253

0,029

0,224

Estonie

0,186

0,256

-0,489

-0,056

-0,433

Finlande

1,797

1,792

0,035

0,004

0,031

France

20,386

20,325

0,430

0,049

0,381

Grèce

2,817

2,808

0,062

0,007

0,055

Irlande

1,592

1,587

0,032

0,004

0,029

Italie

17,914

17,860

0,379

0,043

0,336

Luxembourg

0,25

0,250

0,002

0,000

0,002

Malte

0,073

0,090

-0,121

-0,014

-0,107

Pays-Bas

5,717

5,700

0,120

0,014

0,106

Portugal

2,509

2,502

0,052

0,006

0,046

Slovaquie

0,824

0,991

-1,169

-0,134

-1,035

Slovénie

0,428

0,470

-0,293

-0,034

-0,260

Total

100

100

0,000

0,000

0,000

Sources : conclusions de la réunion du Conseil européen des 24 et 25 mars 2011, Banque centrale européenne, calculs de la commission des finances

Ces montants supposent toutefois que la capacité de prêt du MES demeure de 500 milliards d'euros. Or, elle pourrait être accrue par un commun accord de son conseil des gouverneurs , dont les membres votants seront les ministres des finances des Etats membres de la zone euro 13 ( * ) . Certes, les conclusions du Conseil européen des 24 et 25 mars indiquent que le MES sera doté « d'une capacité de prêt effective de 500 milliards d'euros », et précise que « lors du passage du FESF au MES, la capacité de prêt consolidée ne dépassera pas ce montant ». Cependant, deux passages relativement discrets de ces conclusions indiquent, pour l'un, qu'« il sera procédé à intervalles réguliers, et au moins tous les cinq ans, à un examen visant à déterminer si cette capacité de prêt est suffisante » ; et, pour l'autre, que « le conseil des gouverneurs (...) prendra, d'un commun accord, les décisions les plus importantes quant (...) à la capacité de prêt du MES (...) ».

b) Les conséquences pour la France

En supposant que la capacité de prêt du MES demeure de 500 milliards d'euros, la France contribuera au capital du MES à hauteur de 142,7 milliards d'euros, à comparer avec les 111 milliards d'euros de garanties accordés au FESF.

Si contrairement à ce qui a été le cas pour le FESF, sa contribution ne se limiterait pas à des garanties, les versements qu'elle devrait nécessairement réaliser devraient être « limités » à 16,3 milliards d'euros, versés en cinq annuités égales à compter de juillet 2013 (à comparer à 16,8 milliards d'euros d'autorisations d'engagement dans le cas de la Grèce).

Ces montants seraient toutefois supérieurs si le MES émettait ses titres plus rapidement que prévu. Dans le cas de figure « maximaliste » où les émissions du MES atteindraient 533 milliards d'euros dès juillet 2013 - ce qui est d'autant moins probable que la capacité de prêts de 500 milliards d'euros du MES ne doit pas s'additionner avec les créances résiduelles du FESF -, la France devrait verser d'entrée de jeu les 16,3 milliards d'euros.

Il s'agit bien entendu d'un « plafond ». Tel est d'autant plus le cas que, selon les informations transmises par le Gouvernement, « dans la mesure du possible pendant la phase transitoire, le MES ne devrait pas lever sur les marchés un montant supérieur à 6,67 fois le montant de capital versé [autrement dit, au maximum un cinquième des 533 milliards d'euros serait levé chaque année]. Selon cette règle, il pourrait émettre la première année plus de 100 Md€, soit un montant supérieur aux programmes actuellement en cours, sans appeler plus que les 16 Md€ de capital prévus » pour l'ensemble des Etats participants. Autrement dit, pour la France, les 3,3 milliards d'euros par an devraient suffire.

Le versement cumulé de capital au Mécanisme européen de stabilité par la France

(en milliards d'euros)

(1) Application de la disposition selon laquelle « Pendant la phase transitoire allant de 2013 à 2017, les Etats membres s'engagent à accélérer, dans le cas peu probable où cela serait nécessaire, la fourniture d'instruments appropriés afin de maintenir un ratio minimum de 15 pour cent entre le capital versé et l'encours des émissions du MES », en supposant que les émissions du MES sont de 533 milliards d'euros (ce qui permet le respect de ce ratio de 15 % par rapport aux 80 milliards d'euros de capital versé).

Source : calculs de la commission des finances

Dans un avis du 7 avril 2011, Eurostat a indiqué les futures modalités de prise en compte du MES par la comptabilité nationale (utilisée pour la mise en oeuvre du pacte de stabilité).

Les versements au MES ne devraient pas dégrader le solde public au sens de la comptabilité nationale, même si, bien entendu, ils augmenteraient la dette publique). En effet, ils devraient être considérés comme des prises de participation de l'Etat. Il en irait toutefois différemment s'ils étaient destinés à couvrir d'éventuelles pertes du MES.

Contrairement au FESF, le MES devrait être considéré comme disposant d'une autonomie suffisante pour être classé comme une institution européenne. Ainsi, contrairement à celles du FESF, ses émissions n'augmenteraient pas la dette publique des différents Etats contributeurs 14 ( * ) .

c) Un Parlement qui sera tenu à l'écart des décisions

Concrètement, le MES aura pour le Parlement les conséquences indiquées par le tableau ci-après.

Il exige tout d'abord, en 2011 ou en 2012, une triple autorisation législative (ratification de deux traités engageant les finances de l'Etat d'une part ; octroi de la garantie de l'Etat, nécessairement dans une loi de finances, d'autre part).

Selon les informations transmises par le Gouvernement, « à la suite de [la] signature [du traité instituant le MES], le Conseil des ministres devrait adopter un projet de loi de ratification au mois d'août, qui sera ensuite soumis à l'Assemblée nationale et au Sénat à l'automne ».

Ensuite, les lois de finances initiales pour chaque année de 2013 à 2017 prévoiraient les crédits de paiement nécessaires au versement de capital.

Après la mise en place du MES, l'appel éventuel des garanties (auxquelles on assimile ici le capital exigible) devrait largement échapper au contrôle du Parlement, les crédits relatifs à la mise en jeu des garanties ayant un caractère évaluatif.

De manière paradoxale, une éventuelle augmentation de la capacité de prêt du MES, que son conseil des gouverneurs pourrait décider d'un commun accord, n'exigerait en tant que telle aucune validation par le Parlement. Cependant si le capital versé ou les garanties devraient être accrus, une loi de finances serait nécessaire.

Les conclusions du Conseil européen des 24 et 25 mars n'indiquent pas comment seraient modifiées les contributions entre Etats participants en conséquence des difficultés que pourraient connaître certains d'entre eux. Le rôle du Parlement dépendra des modalités retenues (modification ou non du traité créant le MES) et de la forme qu'aura prise l'autorisation initiale de garantie. Il conviendra de fixer, lors de cette autorisation initiale, un plafond strictement égal aux 126,4 milliards d'euros actuellement prévus.

Il conviendra également de prévoir que le Parlement soit au moins autant informé dans le cas du MES que l'article 3 de la loi n° 2010-606 du 7 juin 2010 de finances rectificative pour 2010 le prévoit dans le cas du FESF.

Les conséquences pratiques pour le Parlement
du futur Mécanisme européen de stabilité

Conséquences pour le Parlement

Date

Mise en place du MES

Modification de l'article 136 du TUE dans le cadre de la procédure simplifiée (1)

Disposition législative (2)

2011 ou 2012

Ratification du traité créant le MES

Disposition législative (2)

Garantie de la France

Loi de finances (3)

Versement de capital

LFI 2013, 2014, 2015, 2016, 2017

-

Fonctionnement du MES

Eventuelle accélération du versement du capital

LFI ou LFR

-

Eventuel appel du capital exigible ou des garanties

Crédits évaluatifs, dont le dépassement implique une simple information du Parlement (4)

-

Eventuelle augmentation de la capacité de prêt du MES, décidée par son conseil des gouverneurs (5)

En fonction des modalités retenues (modification ou non du traité créant le MES, augmentation ou non des garanties ou du capital versé...).

-

Eventuelle modification de la répartition des contributions entre Etats

En fonction des modalités retenues (modification ou non du traité créant le MES) et de la forme qu'aura prise l'autorisation initiale de garantie.

-

(1) Article 48 du TUE : « (...) Le Conseil européen peut adopter une décision modifiant tout ou partie des dispositions de la troisième partie du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Le Conseil européen statue à l'unanimité, après consultation du Parlement européen et de la Commission ainsi que de la Banque centrale européenne dans le cas de modifications institutionnelles dans le domaine monétaire. Cette décision n'entre en vigueur qu'après son approbation par les États membres, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. (...) »

(2) Article 53 de la Constitution : « Les traités de paix, les traités de commerce, les traités ou accords relatifs à l'organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l'Etat, ceux qui modifient des dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l'état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu'en vertu d'une loi.(...) »

(3) Article 61 de la LOLF : « Dans un délai de trois ans à compter de la publication de la présente loi organique, toute garantie de l'Etat qui n'a pas été expressément autorisée par une disposition de loi de finances doit faire l'objet d'une telle autorisation (...) ».

(4) Article 10 de la LOLF : « Les crédits relatifs aux charges de la dette de l'Etat, aux remboursements, restitutions et dégrèvements et à la mise en jeu des garanties accordées par l'Etat ont un caractère évaluatif. Ils sont ouverts sur des programmes distincts des programmes dotés de crédits limitatifs.

« Les dépenses auxquelles s'appliquent les crédits évaluatifs s'imputent, si nécessaire, au-delà des crédits ouverts. Dans cette hypothèse, le ministre chargé des finances informe les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances des motifs du dépassement et des perspectives d'exécution jusqu'à la fin de l'année.

« Les dépassements de crédits évaluatifs font l'objet de propositions d'ouverture de crédits dans le plus prochain projet de loi de finances afférent à l'année concernée. (...) »

(5) Selon les conclusions du Conseil européen des 24 et 25 mars 2011, « le conseil des gouverneurs (...) prendra, d'un commun accord, les décisions les plus importantes quant (...) à la capacité de prêt du MES (...) ».

Source : commission des finances

d) Des modalités de fonctionnement non consensuelles
(1) Une activation d'un commun accord

Selon les conclusions du Conseil européen des 24 et 25 mars 2011, le MES, comme le FESF, « sera activé d'un commun accord , si cela est indispensable pour préserver la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble ».

Une note de bas de page précise que « par décision prise d'un commun accord, on entend une décision prise à l'unanimité des Etats membres participant au vote, les abstentions ne faisant pas obstacle à l'adoption de la décision ».

(2) Des clauses d'action collective

Une différence majeure par rapport au FESF est que « des clauses d'action collective (CAC) figureront dans tous les nouveaux titres d'Etat d'une durée supérieure à un an qui seront émis dans la zone euro à partir de juillet 2013 ».

Les clauses d'action collective (CAC) sont des dispositions susceptibles de figurer dans les contrats obligataires, organisant la procédure en cas de défaut. Elles ont fait l'objet d'un important rapport15 ( * ) du G10 en 2002. Il s'agit de permettre aux détenteurs d'obligations d'un émetteur donné de prendre collectivement des décisions à la majorité qualifiée, dans le cadre de leurs négociations avec l'Etat concerné. Le G10 préconise de retenir une majorité des deux tiers pour la plupart des décisions (notamment l'élection du négociateur), et des trois quarts pour les domaines les plus importants, dits « réservés », et concernant en particulier les paiements. Bien que les CAC existent depuis longtemps - en particulier en droit britannique -, le premier Etat à y avoir eu recours est le Mexique en 2003.

Les conclusions de la réunion précitée du Conseil européen précisent que « les éléments essentiels des CAC seront conformes à ce qui se fait généralement sur les marchés des Etats-Unis et du Royaume-Uni depuis le rapport que le G10 a consacré à ce sujet ». Elles indiquent en outre que, comme le propose le rapport du G10, toutes les décisions seront prises à la majorité qualifiée, celles pour les questions les plus importantes l'étant à une majorité plus élevée.

Le recours aux CAC ne fait pas l'unanimité.

D'une manière générale, leur impact sur les taux est ambigu. Certes, elles ont pour objet de rendre un éventuel défaut moins désordonné, et de permettre aux créanciers de parler d'une seule voix. De ce point de vue, elles devraient logiquement permettre à l'émetteur de bénéficier de taux d'intérêt plus bas. Cependant, elles peuvent également être perçues comme le signe que l'émetteur craint un défaut. Selon une étude empirique 16 ( * ) publiée en 2000 par Barry Eichengreen et Ashoka Mody, l'impact dépendrait de la qualité de l'emprunteur : les « bons » emprunteurs verraient leurs taux d'intérêt réduits, les « mauvais » leurs taux d'intérêt accrus.

Dans le cas de la zone euro, le recours aux CAC équivaut à la reconnaissance explicite par ses membres que l'un d'entre eux est susceptible de faire défaut. Compte tenu des incertitudes sur la solvabilité de certains Etats « périphériques », à commencer par la Grèce, on peut craindre que les CAC les contraignent à emprunter à compter de la mi-2013 à un taux plus élevé, rendant leur financement éventuel sur les marchés d'autant plus difficile.

Certains économistes estiment même que l'annonce du recours aux CAC pour les obligations émises à partir de la mi-2013 peut entraîner dès à présent une hausse des taux d'intérêt des Etats « périphériques » 17 ( * ) . En effet, l'activation des CAC signifierait que le MES ne serait pas parvenu à un commun accord pour empêcher l'Etat concerné de faire défaut. Or, dans un tel cas de figure, l'Etat concerné n'aurait vraisemblablement plus accès aux marchés. Le défaut concernerait donc les seuls titres émis avant la mi-2013.

III. QUELS SCÉNARIOS POUR LA GRÈCE ?

A. LE SCÉNARIO D'UNE RÉDUCTION DU RATIO D'ENDETTEMENT PAR UN RETOUR RAPIDE À L'ÉQUILIBRE BUDGÉTAIRE SEMBLE S'ÉLOIGNER

Le scénario prévu par le programme d'ajustement de la Grèce de mai 2010, consistant à réduire le ratio d'endettement par un retour rapide à l'équilibre des comptes publics, paraît remis en cause par l'incapacité de la Grèce à réduire son déficit.

1. Un solde public équilibré permettrait de ramener la dette à 75 points de PIB dans un délai compris entre dix et vingt ans

Comme on l'a indiqué ci-avant, la Grèce doit ramener sa dette publique d'environ 150 points de PIB à un niveau de l'ordre de 75 points de PIB pour la rendre à nouveau soutenable.

On pourrait croire a priori que ceci implique une forme de défaut. Or, tel n'est pas nécessairement le cas. En effet, ce dont on parle, c'est de la dette exprimée en points de PIB, et non en milliards d'euros. La croissance du PIB peut suffire à réduire la dette publique en points de PIB, dès lors que le solde public est peu dégradé, voire est excédentaire.

On calcule qu'avec une croissance de 4 % en valeur - ce qui correspond à une hypothèse prudente, compte tenu du fort taux de croissance de la Grèce, de 4 % en volume jusqu'à la crise financière - et un solde public équilibré, il faut environ dix ans pour ramener la dette de 150 points de PIB à 100 points de PIB, et huit ans supplémentaires pour la ramener à 75 points de PIB. Avec une croissance en valeur de 6 % (qui pourrait provenir d'une croissance en volume plus élevée, mais aussi d'une inflation plus forte), ces objectifs seraient atteints au bout de « seulement » sept et douze ans.

La Grèce pourrait donc, si elle s'engageait sur une trajectoire crédible de réduction rapide de son déficit, convaincre les observateurs de sa capacité à ramener sa dette publique, exprimée en points de PIB, à un niveau soutenable, et à nouveau se financer sur les marchés à un taux raisonnable.

2. Des résultats décevants en 2010 et, sans mesures supplémentaires, en 2011

Malheureusement, malgré des objectifs officiellement inchangés à l'horizon 2014, la Grèce n'en prend pour l'instant pas le chemin, comme le montrent le graphique et le tableau ci-après.

Le solde public de la Grèce : prévision et exécution

(en points de PIB)

(1) Ces prévisions ne prennent pas en compte les mesures supplémentaires annoncées le 3 juin 2011.

Sources : cf. tableau ci-après

Le programme d'ajustement de la Grèce : comparaison des prévisions
à un an d'intervalle

(en points de PIB)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Présentation du programme d'ajustement par la Commission européenne en mai 2010 (1)

Scénario à politiques inchangées

Solde public

-10,5

-14,2

-15,6

-15,9

-15,6

Dépenses

49,6

53,3

54

54

52,9

Recettes

39,1

39,1

38,4

38

37,3

Programme de mai 2010

Croissance du PIB (en %)

-4

-2,6

1,1

2,1

2,1

Solde public

-13,6

-8,0

-7,6

-6,5

-4,9

-2,6

Dépenses

50,3

47,6

50,2

49,3

47,9

45,0

Recettes

36,8

39,6

42,6

42,8

43,0

42,4

Commission européenne, évaluation du programme d'ajustement de la Grèce, février 2011

Croissance du PIB (en %)

-2

-4,5

-3

1,1

2,1

2,1

Solde public à politiques inchangées

-8,3

-8,1

-8,6

-8,6

Solde public

-15,4

-9,6

-7,6

-6,5

-4,8

-2,6

Prévisions de la Commission européenne, 13 mai 2011 (2)

Croissance du PIB (en %)

-2

-4,5

-3,5

1,1

Solde public

-15,4

-10,5

-9,5

-9,3

Dépenses

52,7

49,6

49,7

49,5

Recettes

37,3

39,1

40,2

40,2

Pour mémoire : prévisions de croissance du consensus des conjoncturistes (mai 2011) (3)

Croissance du PIB (en %)

-2

-4,5

-3,6

0,2

(1) « The Economic Adjustment Programme for Greece », mai 2010.

(2) Ces prévisions ne prennent pas en compte les mesures supplémentaires annoncées le 3 juin 2011.

(3) Consensus Forecasts, mai 2011.

Source : documents indiqués

a) Des problèmes qui pourraient a priori s'expliquer par une situation plus dégradée que prévu en 2009

Les résultats décevants constatés jusqu'à présent pourraient a priori sembler devoir être relativisés.

En effet, comme le montre le graphique de la page précédente, le déficit de 2009 a été supérieur de près de 2 points de PIB aux prévisions de mai 2010.

On pourrait donc trouver « normal » que cette « base 2009 » moins favorable se retrouve dans le solde des années suivantes (même si les engagements de la Grèce n'étaient pas exprimés par rapport à cette base).

Dans le cas de l'année 2011, l'écart de près de 2 points de PIB entre le déficit prévu en mai 2010 (7,6 points de PIB) et le déficit actuellement prévu par la Commission européenne (9,5 points de PIB) serait rigoureusement égal à celui observé dans celui de l'année 2009.

b) De réelles inquiétudes sur la gouvernance de la Grèce

Il ne faut toutefois pas ignorer l'existence de réels facteurs d'inquiétude, qui tiennent aux problèmes de gouvernance de la Grèce.

En 2010 , le problème a concerné les dépenses. Le déficit a ainsi été supérieur aux prévisions initiales à cause de dépenses supérieures de 2 points de PIB à ce qui était prévu. Cela provient certes en partie du dérapage constaté en 2009, mais la Grèce ne s'en était pas moins engagée sur des montants absolus, et non en évolution, en 2010.

En 2011 , selon la Commission européenne le problème viendrait des recettes. En effet, le programme de mai 2010 prévoyait une augmentation des recettes de 3 points de PIB en 2011. Or, elles augmenteraient de moins d'1 point de PIB, du fait d'un dynamisme plus faible que prévu 18 ( * ) .

Ce « double raté » en 2010 et en 2011 est préoccupant.

La Commission européenne suppose certes que le dérapage des dépenses de 2010 sera résorbé dès 2011. Cela demeure toutefois à confirmer.

Le faible dynamisme des recettes paraît quant à lui provenir, au moins en partie, de problèmes propres à la Grèce. Dans un autre Etat de la zone euro, l'élasticité des recettes publiques au PIB étant sur le long terme égale à l'unité, on pourrait s'attendre à ce qu'une élasticité faible une année donnée soit compensée par une élasticité plus élevée une année suivante. Cependant dans le cas de la Grèce, la Commission européenne craint des problèmes de fraude fiscale et de mauvaise efficacité du système de collecte de l'impôt 19 ( * ) .

3. Un plan sujet à de forts aléas

Il n'est certes pas impossible que la Grèce, sous la pression de la « troïka » (Commission européenne, FMI, Banque centrale européenne), respecte sa trajectoire de solde public.

Si la Commission européenne prévoyait le 13 mai 2011 un déficit public de 9,5 points de PIB, c'était sans mesures supplémentaires.

Or, le versement de l'aide est subordonné au respect par la Grèce de ses engagements. Ainsi, les services des trois institutions sont parvenus le 3 juin 2011 à un accord « technique » 20 ( * ) avec la Grèce, au sujet du versement de la cinquième tranche du plan, de 12 milliards d'euros (sur 110 au total). Cet accord doit encore être confirmé par l'Eurogroupe (lors de sa réunion du 20 juin prochain, précédant la réunion du Conseil européen des 24 et 25 juin) et le conseil d'administration du FMI, pour permettre un versement début juillet.

Dans leur communiqué commun du 3 juin 2011, la Commission européenne, le FMI et la Banque centrale européenne soulignent que la Grèce « maintient ses objectifs budgétaires de 2011 et à moyen terme ». Cet objectif doit être atteint par des mesures supplémentaires sur les recettes et les dépenses.

Par ailleurs, la dette publique grecque doit être directement réduite par des privatisations, d'un montant total de 50 milliards d'euros (soit 20 points de PIB) d'ici 2015.

Ce scénario favorable paraît cependant difficilement tenable jusqu'en 2014.

4. Un déficit qui pourrait être d'encore 6 points de PIB en 2014
a) La programmation de 2012 à 2014 : une réduction du déficit provenant d'une diminution des dépenses de plus de 1,5 % par an en volume

Schématiquement, le programme de mai 2010 suppose une diminution des dépenses d'environ 1 % en valeur chaque année de 2012 à 2014 21 ( * ) . Avec une inflation de l'ordre de 1 % par an, cela correspondrait à une diminution d'environ 2 % en volume. Compte tenu de l'hypothèse de croissance (environ 1,5 % en volume en moyenne), cela réduirait le déficit d'environ 1,75 point de PIB par an. Ainsi, le ratio dépenses/PIB diminuerait de plus de 5 points de PIB entre 2011 et 2014.

En revanche, les recettes demeureraient à peu près stables en points de PIB sur la période 2012-2014, du fait de la faible élasticité des recettes au PIB résultant de la faible croissance, et du montant modeste des mesures nouvelles sur les recettes : si celles-ci seraient supérieures à 3 points de PIB sur l'ensemble de la période, de 2012 à 2014 elles seraient peu significatives, comme le montre le tableau ci-après.

Les mesures nouvelles sur les recettes prévues
par le programmed'ajustement de mai 2010

(en points de PIB)

Mesures nouvelles

2010

0,5

2011

2,2

2012

0,7

2013

-0,3

2014

NC

Total

3,1

Source : d'après Commission européenne, « The Economic Adjustment Programme for Greece », mai 2010

b) Les inquiétudes de la Commission européenne

Officiellement, le scénario de mai 2010 n'est pas remis en cause.

La Commission européenne présente toutefois dans sa troisième revue du programme d'ajustement de la Grèce, publiée en février 2011, trois scénarios, dont le premier est préoccupant :

- un scénario défavorable (le scénario 1), où la croissance du PIB en valeur serait de seulement 2 % par an, et où le solde primaire (de - 4,9 points de PIB en 2010) serait « seulement » ramené à + 3,2 points de PIB à partir de 2013 ;

- un scénario favorable (le scénario 2), où la croissance en valeur serait plus « normale » (3,5 % par an), et où le solde primaire serait porté à + 5,5 points de PIB à partir de 2014 ;

- un scénario favorable avec privatisations (le scénario 3), correspondant au scénario 2, avec en outre des privatisations pour 50 milliards d'euros en 2011-2014 (confirmées par la Grèce le 3 juin dernier).

Compte tenu du niveau attendu de la charge d'intérêt en 2014 22 ( * ) , le scénario 1 correspond à un déficit effectif de l'ordre de 5 points de PIB en 2014. Comme le montre le tableau de la page 24 du présent rapport, avec un tel niveau de déficit une croissance du PIB de 2 % en valeur ne permet pas la stabilisation de la dette avant 250 points de PIB, ce qui explique qu'elle continue d'augmenter. Ce scénario est d'autant plus préoccupant que le supplément de déficit primaire attendu en fin de période parait entièrement imputable à la moindre croissance.

Le scénario 2 correspond à un excédent primaire de 5,5 points de PIB à partir de 2014, et donc, une fois prise en compte la charge d'intérêt, à un déficit total analogue à celui, de 2,6 points de PIB, retenu par le programme d'ajustement. Comme le montre le tableau de la page 24 du présent rapport, avec une hypothèse de croissance du PIB de 3,5 % en valeur, ce déficit tend à ramener progressivement la dette vers 70 points de PIB, ce qui explique la diminution observée.

Le scénario 3 correspond, par construction, aux montants de dette du scénario 2, réduits de 50 milliards d'euros par an à compter de 2014, soit (le PIB de la Grèce étant de l'ordre de 250 milliards d'euros) environ 20 points de PIB.

Les trois scénarios de la Commission européenne pour la dette publique grecque
(février 2011)

(en points de PIB)

Hypothèses communes : le graphique représente trois paires de scénarios de dette. Pour chaque paire, on distingue deux hypothèses de taux d'intérêt (4,5 % et 5,5 %).

Scénario 1 : croissance en valeur de 2 % ; excédent primaire stable à 3,2 points de PIB à partir de 2013 ; pas de privatisations.

Scénario 2 : croissance en valeur de 3,5 % ; excédent primaire stable à 5,5 points de PIB à partir de 2014 ; pas de privatisations.

Scénario 3 : croissance en valeur de 3,5 % ; excédent primaire stable à 5,5 points de PIB à partir de 2014 ; privatisations de 50 milliards d'euros en 2011-2015.

Source : Commission européenne, « The Economic Adjustment Programme for Greece Third Review - Winter 2011 », février 2011

c) Un déficit stabilisé à 6 points de PIB ne permettrait pas de réduire le taux d'endettement public

Si l'on synthétise les différents aléas sur la période 2012-2014, la situation est préoccupante.

Le différentiel de croissance entre le PIB et les dépenses risque d'être bien plus faible que prévu. Le programme d'ajustement suppose une diminution des dépenses et une croissance du PIB de l'ordre de respectivement 2 % et 1,5 % par an en volume, dont l'effet global serait d'améliorer le solde de 1,75 point de PIB par an. Mais si ces deux taux étaient de 1 %, l'amélioration du solde ne serait plus que d'1 point de PIB par an, ce qui, avec un déficit de 10 points de PIB en 2010, conduirait à un déficit d'encore 6 points de PIB en 2014, légèrement supérieur à celui prévu par la Commission européenne dans son scénario 1 de février 2010 (de l'ordre de 5 points de PIB).

Il est vrai que ce déficit serait réduit si les 2 points de PIB de recettes qui devraient manquer en 2011 étaient finalement perçus. Cependant les difficultés de la Grèce à collecter l'impôt incitent à la prudence à cet égard.

Par ailleurs, les prévisions de déficit de la Commission européenne pour 2011, de 9,5 points de PIB, supposent que le dérapage des dépenses de 2 points de PIB constaté en 2010 soit compensé, ce qui reste à confirmer.

Avec un déficit de 6 points de PIB en 2014, même avec une croissance de 4 % en valeur, la dette se stabiliserait autour de 150 points de PIB. La Grèce serait donc tout aussi insolvable qu'aujourd'hui.

B. UN DÉFAUT PROBABLE ?

1. Le choix rationnel pour les Etats de la zone euro : prêter à la Grèce le temps qu'il faudra
a) Un scénario financièrement viable

Les éléments qui précèdent suggèrent cependant que la Grèce pourrait progressivement restaurer la soutenabilité de ses finances publiques sans faire défaut, à condition que les Etats de la zone euro continuent de financer, le temps qu'il faudra, sa dette à un taux inférieur à celui du marché.

Certes, le tableau de la page 23 du présent rapport montre que la dette actuelle de la Grèce ne pourra être stabilisée en points de PIB si ce pays se finance sur les marchés.

Cependant si les Etats de la zone euro lui permettent de financer sa dette à, par exemple, 5 % 23 ( * ) , elle n'aura besoin pour cela « que » de dégager un excédent primaire de 1,5 point de PIB (au lieu de 7,5 points de PIB). Certes, il lui faudrait faire un effort supérieur pour réduire sa dette en points de PIB, et la trajectoire serait probablement plus longue que ce que prévoit son programme d'ajustement, mais elle ne ferait pas défaut.

b) Les conséquences d'un défaut pourraient être catastrophiques pour l'économie européenne

Un tel scénario serait d'autant plus souhaitable que les conséquences d'un défaut de la Grèce pourraient être catastrophiques.

Certes, sans prise en compte des mécanismes économiques les sommes en jeu sont faibles, comme le montre le tableau ci-après.

Structure de la dette grecque détenue par les banques

(en milliards d'euros*, fin décembre 2010)

Total des 24 (***)

Allemagne (****)

Espagne

France

Royaume-Uni

Japon

Pays-Bas

Etats-Unis

Autres

Créances à l'étranger (risque ultime)** (1)

109,2

25,4

0,7

42,4

10,6

1,2

3,7

5,5

19,7

Secteur public

40,5

17

0,4

11,2

2,5

0,3

1

1,1

7,1

Secteur bancaire

8,2

1,6

0

1,6

1,9

0,4

0,2

1,1

1,4

Secteur privé non bancaire

60,3

6,8

0,3

29,6

6,1

0,5

2,4

3,2

11,4

Non alloué

0,1

0

0

0

0

0

0

0

0,1

Créances locales en monnaie locale (contrepartie immédiate)

38,1

0,2

0

27

2,5

0

0,1

2

6,3

Créances locales non adossées localement

16,7

0,2

0

12,6

1,2

0

0,1

0

2,6

Créances locales adossées localement (2)

21,4

0

0

14,4

1,3

0

0

2

3,7

Total des expositions (3) = (1) - (2)

87,8

25,4

0,7

28

9,3

1,2

3,7

3,5

16

Coût d'un défaut sur 40 % de la dette publique et bancaire (calcul de la commission des finances)*****

19,48

7,44

0,16

5,12

1,76

0,28

0,48

0,88

3,4

* Taux de change : EUR/USD = 1,3362.

** Table 9 E de la Quarterly Review de la Banque des règlements internationaux, 6 juin 2011.

*** Autriche, Belgique, Finlande, France, Allemagne, Grèce, Irlande, Italie, Pays-Bas, Norvège, Portugal, Espagne, Suède, Suisse, Turquie, Royaume-Uni, Australie, Canada, Chili, Inde, Japon, Etats-Unis, Taiwan, Singapour.

**** Les données sur l'Allemagne pour la ventilation sectorielle ne sont pas disponibles en risque ultime.

Source : Banque de France, d'après la Banque des règlements internationaux, sauf (*****) calculs de la commission des finances

Ainsi, comme le souligne Patrick Artus 24 ( * ) , s'appuyant sur un tableau analogue 25 ( * ) , un taux de défaut de 40 % sur la dette publique et, par extension, sur la dette bancaire (c'est-à-dire sur la dette des banques grecques, qui seraient fortement touchées) conduirait à des pertes modérées. Ainsi, il résulte de ce tableau qu'elles seraient de l'ordre de 7,4 milliards d'euros pour les banques allemandes et 5,1 milliards d'euros pour les banques françaises. Compte tenu des fonds propres des banques (de l'ordre de 200 milliards d'euros en France et 170 milliards d'euros en Allemagne), ces pertes seraient en elles-mêmes supportables.

Le vrai risque d'un défaut grec est celui d'une « panique » des banques et des investisseurs analogue à celle qui a suivi la faillite de Lehman Brothers en septembre 2008 . Les banques ont alors cessé de se prêter entre elles, suscitant au dernier trimestre de 2008 et au premier trimestre de 2009 une forte hausse des taux interbancaires, l' « assèchement » financier de l'économie, et la pire récession depuis la Seconde Guerre Mondiale.

A cela s'ajoute le risque d'un « effet domino » entre Etats, un défaut grec augmentant la crainte de défaut des autres Etats « périphériques ».

Un tel scénario pourrait remettre en cause les conditions de financement, voire la solvabilité, de certains « grands » Etats de la zone euro. Dans le cas de la France, une crise qui augmenterait le déficit de 3 points de PIB supplémentaires porterait celui-ci à 10 points de PIB, soit un niveau supérieur à celui de la Grèce aujourd'hui. On conçoit que cela ne serait pas sans conséquences.

2. Un défaut politiquement inévitable ?
a) L'intérêt pour la Grèce de réduire directement sa dette publique

Cependant, la Grèce devra probablement réaliser une partie de la réduction de sa dette publique en points de PIB de manière directe , et non par la seule combinaison de la croissance du PIB et de la réduction du déficit. Autrement dit, elle devra vraisemblablement réduire sa dette non seulement en points de PIB, mais aussi en milliards d'euros.

(1) Les cessions d'actifs

Elle peut tout d'abord réduire sa dette en vendant des actifs 26 ( * ) . On a vu que l'accord annoncé le 3 juin dernier prévoit la cession de 50 milliards d'euros d'actifs d'ici 2015. Cela correspond à environ 20 points de PIB , et réduirait donc significativement le ratio dette/PIB.

Or, si le patrimoine de l'Etat grec est important, les actifs pouvant réellement être cédés représentent probablement un montant beaucoup plus faible.

Le Premier ministre grec, Georges Papandréou, a certes déclaré lors d'un discours à New York le 23 septembre 2010 27 ( * ) que la totalité des actifs de l'Etat grec (financiers ou non) étaient de l'ordre de 270 milliards d'euros 28 ( * ) .

De même, les analystes considèrent habituellement que les actifs susceptibles d'être cédés sont supérieurs à 50 milliards d'euros. Ainsi, dans son communiqué du 1 er juin 2011 dans lequel elle revoit à la baisse la notion de la Grèce, l'agence Moody's estime que « l'Etat grec a des actifs substantiels en excédent de la cible de privatisations de 50 milliards d'euros, qui pourraient en principe être mobilisés pour réduire la dette ».

Cependant, les actifs financiers - les seuls chiffrés par Eurostat - sont de seulement 76 milliards d'euros, dont 38 milliards d'euros pour les actions (correspondant aux actifs financiers en pratique susceptibles d'être cédés), comme le montre le tableau ci-après.

Les actifs financiers des administrations publiques grecques

(en milliards d'euros)

2000

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Monnaie et dépôts

5,9

7,6

8,6

9,1

13,2

11,8

16,6

Titres autres que les actions

-

0,1

0,2

0,3

0,7

0,7

0,7

Prêts

0,3

1,9

2,8

2,0

1,6

1,3

1,2

Actions

20,7

33,9

34,7

43,0

29,3

39,8

37,5

Autres

8,8

13,8

16,1

19,3

19,7

19,3

20,1

Total

35,8

57,3

62,4

73,6

64,4

72,9

76,2

Source : Eurostat

Ces éléments suggèrent qu'il faut distinguer deux catégories d'actifs :

- les entreprises et les infrastructures, les plus faciles à céder, pour un montant total de probablement quelques dizaines de milliards d'euros ;

- les autres actifs (patrimoine immobilier en particulier), pour un montant nettement plus important, mais dont la cession serait politiquement et économiquement difficile.

Cette dichotomie est confirmée par le plan rendu public par le gouvernement grec le 23 mai 2011 29 ( * ) .

Le gouvernement grec prévoit en effet un plan en deux temps :

- dans un premier temps, de 2011 à 2013 , la Grèce procéderait à des privatisations « classiques » d'entreprises et d'infrastructures, pour un montant de seulement 10 à 15 milliards d'euros (ce qui paraît une estimation raisonnable, alors que les actions des administrations publiques grecques sont on l'a vu de plus de 35 milliards d'euros) ;

- dans un second temps, la Grèce percevrait les 35 milliards d'euros restants, correspondant en des « cessions de droits » [ sale of rights ] et au « développement de biens immobiliers » [ development of real estate assets ].

Ce second volet est de loin le plus problématique.

Ainsi, dans son document précité du 23 mai 2011, le gouvernement grec ne donne d'échéancier précis que pour les cessions « classiques », qui concernent à ce jour une trentaine d'actifs 30 ( * ) . Sur la période 2011-2013, le produit attendu est seulement de l'ordre de 12 à 17 milliards d'euros, comme le montre le tableau ci-après.

Le produit attendu des cessions d'entreprises et d'infrastructures,
selon le gouvernement grec

(en milliards d'euros)

Hypothèse basse

Hypothèse haute

2011

3,5

5,5

2012

4

6

2013

4,5

5,5

Total

12*

17*

* Calculs de la commission des finances. Le gouvernement grec donne un intervalle de 10 à 15 milliards d'euros.

Source : d'après ministère des finances grec, « Medium Term Fiscal Strategy and Policies for Exiting the Crisis », 23 mai 2011

Il ne va pas de soi que l'Etat grec soit en mesure de mener ces cessions « classiques » dans de bonnes conditions. Elles seront d'autant plus difficiles à réaliser qu'il n'y a pas de consensus à leur sujet dans la classe politique et dans l'opinion publique. L'histoire récente a par ailleurs montré que l'administration grecque pouvait connaître certaines défaillances. A cela s'ajoute que si le gouvernement grec est soumis à de strictes contraintes d'échéancier, il ne sera pas en position de force pour négocier.

Il serait donc utile de mettre en place une agence indépendante chargée de céder les actifs concernés, comme cela est actuellement envisagé.

Les cessions de droits et la valorisation du patrimoine immobilier sont, à ce stade, encore plus problématiques.

Quand bien même elles seraient réalisées, de telles cessions seraient en tout état de cause insuffisantes pour ramener le ratio dette/PIB à un niveau soutenable.

(2) Le défaut

La seule autre manière de réduire directement la dette est le défaut.

Concrètement, un défaut ne porterait probablement pas sur la totalité de la dette. En effet, sur environ 340 milliards d'euros de dette, 110 milliards devront, selon le plan d'ajustement de mai 2010, être détenus à la mi-2013 par les Etats de la zone euro et le FMI, auxquels s'ajoutent les 60 milliards d'euros du plan annoncé le 3 juin 2011. Un éventuel défaut porterait donc vraisemblablement sur les 170 milliards d'euros restants 31 ( * ) . Les hypothèses habituellement retenues pour le « haircut » sont de l'ordre de 30 % ou 40 %, ce qui correspond à une réduction comprise entre 50 et 70 milliards d'euros, soit entre 20 et 30 points de PIB.

Il faudrait alors prévoir, éventuellement au niveau de la zone euro, un mécanisme de sauvetage des banques grecques.

Au total, la vente d'actifs et un défaut pourraient donc ramener la dette publique grecque vers 100 points de PIB.

L'impact sur le déficit serait également significatif. Toutes choses égales par ailleurs, la charge d'intérêt serait réduite d'un tiers, soit environ 2 points de PIB.

b) La difficulté politique des Etats du « coeur » à financer durablement la Grèce

Un autre facteur augmentant la probabilité d'un défaut grec est une possible fragilité de la capacité politique des Etats du « coeur » à financer durablement la Grèce.

En effet, les opinions publiques assimilent les prêts à la Grèce à des dons. Tel n'est pourtant pas le cas : leur taux est supérieur à celui auquel les Etats du « coeur » se financent sur les marchés, et leur permettent donc de réaliser des bénéfices.

Par ailleurs, on rappelle que la décision d'accorder les financements du Fonds européen de stabilité financière et du futur Mécanisme européen de stabilité doit être prise à l'unanimité.

c) Un risque de défaut mis en avant par les agences de notation

Dans ce contexte, l'agence Moody's a abaissé le 1 er juin dernier la note de la Grèce de B1 à Caa1.

Dans son communiqué, elle souligne que cela correspond à une probabilité de défaut de 50 % à l'horizon de la notation, rappelant qu'à des horizons d'investissement de cinq ans, environ 50 % des obligations d'Etat, de sociétés non financières et de sociétés financières ont toujours rempli leurs obligations vis-à-vis de leur dette, alors qu'environ 50 % ont fait défaut.

Moody's justifie son analyse par les difficultés de la Grèce à réduire son déficit public, et « la probabilité croissante que les partenaires de la Grèce (FMI, BCE et Commission européenne, collectivement connus sous l'appellation de « Troïka »), exigeront, à un moment ou à un autre, la participation de créanciers privés dans une restructuration de la dette, comme prérequis à la fourniture d'une aide » 32 ( * ) .

3. Un défaut qui doit être évité à court terme

Un défaut doit cependant absolument être évité à court terme.

Tout d'abord, on a vu que le principal risque serait qu'un défaut de la Grèce déstabilise le système financier européen, et suscite une récession au moins aussi grave que celle de 2008-2009. Un défaut de la Grèce ne serait envisageable que s'il était précédé de tests de résistance du système bancaire plus crédibles que ceux de 2010, et de la recapitalisation des établissements pour lesquels celle-ci serait nécessaire. La publication de ces tests, prévue pour le mois de juillet 2011, constitue donc un enjeu essentiel.

Ensuite, dans le contexte actuel de déficit public grec très élevé, un défaut n'aurait guère de sens. Un défaut doit en effet être accompagné d'éléments de nature à rassurer les marchés. Si la Grèce faisait défaut en conservant un déficit public de l'ordre de 10 points de PIB, l'effet serait évidemment très néfaste à la confiance.

DEUXIÈME PARTIE - LA RÉVISION DE L'ÉQUILIBRE BUDGÉTAIRE

I. DES RECETTES EN LÉGÈRE DIMINUTION POUR LE BUDGET GÉNÉRAL

Par rapport aux estimations de la loi de finances initiale pour 2011, les recettes du budget général connaissent une légère diminution (-498 millions d'euros), tant en ce qui concerne les recettes fiscales nettes (-236 millions d'euros) que les recettes non fiscales (-262 millions d'euros).

A. UNE ÉROSION MODÉRÉE DES RECETTES FISCALES NETTES

L'évolution des recettes fiscales nettes tient compte d'une révision des estimations du produit des principaux impôts sur le fondement de l'exécution constatée en 2010 (-312 millions d'euros), de l'impact consolidé de la réforme de la fiscalité du patrimoine et de la cellule de régularisation fiscale (+71 millions d'euros) et des effets des autres mesures nouvelles prévues ou enregistrées par le projet de loi (+5 millions d'euros, cf . tableau).

Synthèse des révisions de recettes fiscales opérées par le projet de loi

(en millions d'euros)

La zone grisée correspond au périmètre de chiffrage de la réforme de la fiscalité du patrimoine par le Gouvernement.

Source : commission des finances, d'après le PLFR

1. Les corrections résultant de l'exécution 2010 et la prise en compte des recettes de la cellule de régularisation fiscale
a) Les rebasages liés à l'exécution 2010

Le présent projet de loi de finances rectificative procède à plusieurs réévaluations des recettes fiscales nettes, tenant notamment compte des dernières données de l'exécution 2010 :

1) les recettes nettes d'impôt sur le revenu sont revues à la baisse de 440 millions d'euros, soit un rebasage correspondant à l'écart constaté entre les recettes effectivement enregistrées en 2010 (47,4 milliards d'euros) et les prévisions du dernier collectif budgétaire pour 2010 ;

2) les recettes nettes d' impôt sur les sociétés sont attendues à un montant inférieur de 1,7 milliard d'euros par rapport aux prévisions de la LFI pour 2011. L'exécution de 2010 s'établit en recul de 2,1 milliards d'euros par rapport aux prévisions de la quatrième LFR pour 2010. Elle est donc reprise en base sur 2011, minorée de 0,4 milliard d'euros correspondant à la part de la sous-exécution 2010 qui s'explique par les mesures du plan de relance . Le Gouvernement fait, en effet, l'hypothèse qu'une partie du contrecoup positif de ces mesures ne s'étant pas produite en 2010, elle surviendra en 2011 33 ( * ) ;

3) les recettes nettes de taxe sur la valeur ajoutée sont réévaluées à 132,3 milliards d'euros, soit 1,4 milliard d'euros au-dessus des prévisions de LFI. Ce montant résulte d'un effet base 2010 de 0,4 milliard d'euros et par une révision à la hausse des hypothèses de croissance de l'assiette taxable de la TVA (+1 milliard d'euros), témoignant de la bonne tenue de la consommation en 2011 ;

4) la prise en compte pérenne, dans l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune , des sommes déclarées auprès de la cellule de régularisation fiscale, conduit à un rebasage de +100 millions d'euros par rapport à la prévision de LFI ;

5) les droits de donation enfin sont révisés à la hausse de 136 millions d'euros et les droits de succession de 192 millions d'euros par rapport à la LFI 2011 afin de tenir compte des résultats de l'exécution 2010.

Au total, l'ensemble de ces corrections entraîne une révision à la baisse des recettes fiscales nettes de 312 millions d'euros par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale.

b) Les recettes attendues de la cellule de régularisation fiscale

La révision des hypothèses de recettes opérée par le présent collectif tient également compte des produits restant à recouvrer de la cellule de régularisation fiscale, pour un montant de 300 millions d'euros au total (56 millions d'euros au titre de l'IR, 168 millions d'euros au titre de l'ISF et 76 millions d'euros au titre des donations et successions). La prise en compte de ces 300 millions d'euros dans le chiffrage global de la réforme du patrimoine permet d'afficher un impact net positif de 71 millions d'euros , les aménagements prévus dans le cadre de cette réforme représentant, par ailleurs, une perte de recettes de 229 millions d'euros ( cf. infra ).

Au 31 décembre 2010, 3 744 dossiers avaient été traités par la cellule de régularisation et 981 dossiers étaient en cours d'instruction . Les droits et pénalités afférents à ces dossiers n'ont toutefois pas nécessairement été encaissés en totalité sur 2010, la mise en recouvrement étant effectuée au niveau des directions territoriales, après traitement du dossier par la cellule de régularisation. Les recettes encaissées à ce titre auront atteint 886 millions d'euros en 2010, soit un cumul de 1 186 millions d'euros au titre de 2010-2011 ( cf . tableau).

Recettes fiscales de la cellule de régularisation

(en millions d'euros)

Impôts au titre desquels
les régularisations sont opérées

2010

2011

(prév. PLFR)

Dont ISF

496

168

Dont Successions (1)

233

76

Dont IR

157

56

+ Pénalités (2)

70

/

TOTAL recettes fiscales

886

300

(1) Ce montant intègre également des droits de donations, mais il s'agit toutefois principalement de droits de succession. Les données disponibles ne permettent pas en effet d'effectuer la répartition entre successions et donations.

(2) Les données disponibles ne permettent pas d'effectuer une répartition des pénalités entre catégorie d'impôts.

Source : ministère chargé du budget

2. Des mesures nouvelles à l'impact budgétaire limité
a) La réforme de la fiscalité du patrimoine

L'impact cumulé de la réforme de la fiscalité du patrimoine et des recettes tirées de la cellule de régularisation fiscale s'élève à +71 millions d'euros en 2011 . L'analyse détaillée de cette réforme figure en troisième partie du présent exposé général.

b) Les autres mesures nouvelles

Hors réforme de la fiscalité du patrimoine, deux mesures nouvelles ont un impact sur les évaluations de recettes du présent projet de loi de finances rectificative :

1) l'article 7 34 ( * ) crée une contribution exceptionnelle sur la provision pour hausse des prix mise à la charge des entreprises du secteur pétrolier, dont le rendement est attendu à hauteur de 120 millions d'euros en 2011 ;

2) la revalorisation 35 ( * ) de 4,6 % du barème kilométrique au titre de l'imposition des revenus de 2010 atténue les recettes d'IR de 115 millions d'euros.

3. Un impact dès 2011 de la prime de partage de la valeur ajoutée sur les recettes d'impôt sur les sociétés à prendre en compte par un prochain PLFR
a) Le dispositif proposé par le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011

Le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) pour 2011, qui sera examiné par le Parlement fin juin - début juillet, instaure une « prime de partage de la valeur ajoutée ».

Aux termes du projet de loi, les entreprises comptant au moins 50 salariés et ayant versé à leurs associés ou actionnaires des dividendes dont le montant par part sociale ou par action est en augmentation par rapport à la moyenne des deux exercices précédents , seront dans l'obligation de négocier avec les partenaires sociaux le versement d'une prime au bénéfice de l'ensemble de leurs salariés.

Les dispositions du PLFRSS pour 2011 seront applicables aux attributions de dividendes autorisées à compter du 1 er janvier 2011 au titre du dernier exercice clos.

La prime sera exonérée de cotisations sociales dans la limite de 1 200 euros par salarié et par an. Ces exonérations ne seront pas compensées à la sécurité sociale. En revanche, elle sera soumise à la CSG (7,5 %), à la CRDS (0,5 %) et au forfait social (6 %), soit un taux de prélèvements sociaux de 14 %.

Le régime fiscal de la prime sera le suivant : pour le salarié, elle entrera dans le calcul de son impôt sur le revenu ; pour l'entreprise, elle sera considérée comme une charge déductible au titre de l'impôt sur les sociétés .

b) Une perte de recettes pour l'Etat de 395 millions d'euros en 2011 et de 785 millions d'euros dès 2012

Si la mesure est présentée comme devant engendrer 375 millions d'euros de recettes supplémentaires pour la sécurité sociale, il devrait résulter en réalité de ce dispositif une perte de recettes pour l'Etat de 395 millions d'euros en 2011 , soit, dans une vision consolidée des finances publiques, une perte globale de recettes de 20 millions d'euros en 2011 .

Outre que le surcroît de recettes pour la sécurité sociale est à relativiser ( cf. encadré suivant ), il convient de distinguer, au sein du régime fiscal de la nouvelle prime, entre son impact sur les recettes d'impôt sur le revenu et celui sur les recettes d'impôt sur les sociétés : si son effet est globalement positif sur les recettes d'impôt sur le revenu, il sera négatif sur les recettes d'impôt sur les sociétés.

L'impact de la mise en place de la prime de partage de la valeur ajoutée
sur les finances sociales

1) Un rendement affiché de la mesure de 375 millions d'euros

L'exposé des motifs du PLFRSS indique que « le dispositif de partage de la valeur ajoutée génère 375 millions d'euros de ressources nouvelles au bénéfice de la sécurité sociale ».

Ce raisonnement s'appuie sur l'idée selon laquelle le PLFRSS crée, en quelque sorte, une nouvelle forme de rémunération qui sera désormais soumise à la CSG, à la CRDS et au forfait social , et qui donc génèrera des recettes nouvelles pour la sécurité sociale.

Les hypothèses retenues par le Gouvernement pour calculer le rendement de la mesure sont les suivantes : 4 millions de bénéficiaires pour un montant moyen de la prime de 700 euros, soit une assiette de 2,8 milliards d'euros soumise à la CSG, la CRDS et au forfait social.

2) Un rendement « net » en réalité moindre

a) Des substitutions partielles d'assiettes de prélèvements sociaux

Il faut, cependant, déduire du rendement « brut » de la mesure proposée en PLFRSS les pertes de recettes indirectes pour la sécurité sociale qu'entraîne également le dispositif.

En effet, la part du bénéfice qui sera désormais versée sous forme de primes aux salariés pouvait jusqu'à présent être « réinvestie » par l'entreprise (ce qui ne pose pas de problème pour les recettes de la sécurité sociale puisqu'aucun prélèvement social n'est prévu à ce stade) ; mais elle pouvait aussi être versée sous forme de dividendes, dont une partie à des ménages. Dans ce dernier cas, ces dividendes sont soumis à un taux global de prélèvements sociaux de 12,3 % : CSG à 8,2 % ; CRDS à 0,5 % ; prélèvement social de 2,2 % ; contribution additionnelle au prélèvement social de 0,3 % ; contribution social RSA de 1,1 %. Il faut donc déduire du rendement « brut » de la prime ces pertes indirectes de recettes pour la sécurité sociale.

En 2011 , le Gouvernement estime qu' il n'y aura pas d'effet de substitution entre les sommes versées sous forme de prime et les versements de dividendes car la mesure intervient, pour l'essentiel, après les décisions des assemblées générales d'actionnaires.

En revanche, le Gouvernement fait l'hypothèse que 50 % des sommes versées sous forme de prime se substitueront, à partir de 2012, à des dividendes dont une partie aurait été versée à des ménages, ce qui abaisse le rendement de la prime pour la sécurité sociale à 335 millions d'euros en 2012 (au lieu de 375 millions d'euros en 2011).

b) La création d'une « niche sociale »

Surtout, le PLFRSS crée une nouvelle exonération de charges sociales non compensée à la sécurité sociale .

- Un impact indirect sur le niveau des salaires et donc sur l'assiette des cotisations sociales et les recettes de la sécurité sociale

Il n'est pas à exclure que le dispositif proposé ait un effet indirect sur le niveau des salaires - autre moyen pour une entreprise d'envisager le partage de la valeur ajoutée - et donc sur l'assiette des cotisations sociales.

Même si le PLFRSS prévoit que la prime ne peut se substituer à aucune augmentation de salaire prévue par convention ou accord de branche, accord salarial antérieur ou par le contrat de travail, ni à aucun élément de rémunération versé par l'employeur ou devenu obligatoire en vertu de règles légales, conventionnelles ou contractuelles, il n'est pas à exclure que des revalorisations salariales - qui auraient pu intervenir hors des cas précités - soient décalées dans le temps ou abandonnées.

La prime - contrairement aux salaires - étant exonérée de cotisations sociales, il en résulte une perte de recettes pour la sécurité sociale non compensée par l'Etat. Ce dernier élément, qui relève de la politique salariale de chaque entreprise, est toutefois difficile à chiffrer.

- Un impact indirect sur le niveau des autres formes de rémunération proposées aux salariés mais sans conséquence sur les recettes de la sécurité sociale

Le versement de la prime pourrait également se substituer à une revalorisation des autres formes de rémunération proposées aux salariés : l'intéressement ou la participation .

Le régime social de la prime et celui de l'intéressement ou de la participation étant identiques, il n'y aura pas de pertes de recettes pour la sécurité sociale, même en cas de substitution entre ces deux types de rémunération.


• Un impact globalement positif sur les recettes d'impôt sur le revenu : 145 millions d'euros supplémentaires en 2012

Le versement des primes en 2011 n'aura un impact sur les recettes d'impôt sur le revenu qu'en 2012.

Comme pour les prélèvements sociaux, il faut tenir compte de deux effets agissant en sens contraire :

- un effet « positif » : les primes constituent de nouvelles formes de rémunération qui seront prises en compte dans le calcul de l'impôt sur le revenu. Il résulterait de cet effet un gain de 225 millions d'euros ;

- un effet « négatif ou de substitution » : les primes se substitueront pour partie à des dividendes versées à des ménages qui étaient pris en compte dans le calcul de l'impôt sur le revenu ou étaient soumis au prélèvement libératoire (19 %). Cet « effet de substitution » est évalué à 80 millions d'euros .

L'effet global de la mesure, au titre de l'année 2012, représenterait ainsi une augmentation des recettes d'impôt sur le revenu de 145 millions d'euros .


Des pertes de recettes au titre de l'impôt sur les sociétés à hauteur de 395 millions d'euros en 2011 et de 785 millions d'euros en 2012

Les sommes versées au titre de la prime étant considérées comme des charges déductibles de l'impôt sur les sociétés, il résulte, en revanche, du dispositif proposé une perte de recettes d'impôt sur les sociétés, au titre des primes versées en 2011, de 785 millions d'euros, répartie pour moitié (395 millions d'euros) sur l'année 2011 au titre du 4 e acompte et pour moitié (390 millions d'euros) sur l'année 2012 au titre du 1 er acompte.

Si, en 2011 , l'effet sur les recettes d'impôt sur les sociétés n'est « que » de 395 millions d'euros (soit la moitié de l'impact des primes versées en 2011), il s'élèvera à 785 millions d'euros en 2012 (soit la deuxième moitié de l'impact des primes versées en 2011 et la première moitié des primes versées en 2012).

Cet impact du PLFRSS sur les recettes d'impôt sur les sociétés en 2011 n'a pas été pris en compte dans les réévaluations de recettes opérées par le présent projet de loi de finances rectificative .


Un coût total pour les finances publiques de 20 millions d'euros en 2011 et de 305 millions d'euros en 2012

Ainsi, au titre de l'année 2011 , le bilan consolidé de la mesure représente un coût pour les finances publiques de 20 millions d'euros . Ce coût atteindra 305 millions d'euros en 2012 .

Selon l'étude d'impact annexée au PLFRSS, il se stabiliserait ensuite autour de 350 millions d'euros en 2015 et « à 400 millions d'euros à terme ».

Synthèse de l'impact de la prime de partage de la valeur ajoutée
sur les comptes publics (2011-2012)

(en millions d'euros,
par rapport à l'absence de mesure)

2011

2012

Impact sur les recettes de la sécurité sociale

Effet « substitution » primes/dividendes

( prélèvements sociaux sur les dividendes versés aux ménages auparavant )

0

- 40

Forfait social

+ 170

+ 170

CSG-CRDS

+ 205

+ 205

Impact total pour la sécurité sociale

+ 375

+ 335

Impact sur les recettes de l'Etat

Effet « substitution » primes/dividendes

( impôt sur le revenu - prélèvement libératoire sur les dividendes versés aux ménages auparavant)

0

- 80

Impôt sur le revenu (n-1)

0

+ 225

50 % impôt sur les sociétés (n)

- 395

- 395

50 % impôt sur les sociétés (n-1)

0

-390

Impact total pour l'Etat

- 395

- 640

Impact total Etat - Sécurité sociale

- 20

- 305

En « mesures nouvelles » (1)

-20

-285

(1) Les « mesures nouvelles » prennent seulement en compte l'impact par rapport à l'année précédente.

Source : commission des finances, d'après les données du ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat

c) Un coût qui majore d'autant le montant des mesures nouvelles ou des économies supplémentaires sur les dépenses à prendre en 2011 et 2012, conformément à la LPFP 2011-2014 et à l'esprit du projet de loi constitutionnelle

Comme le montre le tableau ci-avant, le PLFRSS correspond à des mesures nouvelles négatives de 20 millions d'euros en 2011, puis 285 millions d'euros en 2012 (soit des mesures nouvelles cumulées négatives de 305 millions d'euros).

L'article 9 de la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 prévoit que « l'impact annuel des mesures nouvelles afférentes aux prélèvements obligatoires, (...) votées par le Parlement ou prises par le Gouvernement par voie réglementaire à compter du 1 er juillet 2010, est au moins » de 11 milliards d'euros en 2011 et 3 milliards d'euros chacune des trois années suivantes.

En 2011 , les mesures nouvelles correspondant aux mesures déjà adoptées sont de 11,9 milliards d'euros. Le PLFRSS ne les réduit que de 20 millions d'euros, alors que le présent projet de loi de finances rectificative relatif à la fiscalité du patrimoine les augmentait de 71 millions d'euros dans son texte initial, ce dont il faut déduire 136 millions d'euros du fait des modifications apportées par l'Assemblée nationale (cf. infra ). Au total, même en l'absence de mesures nouvelles supplémentaires en 2011, on resterait nettement au-dessus des 11 milliards d'euros prévus par la loi de programmation des finances publiques.

En revanche, dans le cas de l'année 2012 , le PLFRSS correspond à des mesures nouvelles négatives de 285 millions d'euros, auxquelles s'ajoutaient, dans le texte initial du présent projet de loi, des mesures nouvelles négatives de 57 millions d'euros. En sens inverse, nos collègues députés ont instauré des mesures supplémentaires positives pour environ 270 millions d'euros en 2012. En prenant en compte les 2,4 milliards d'euros de mesures nouvelles déjà prises, la loi de finances initiale et la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 devront prévoir des mesures nouvelles supplémentaires pour au moins 670 millions d'euros.

Ces montants seraient accrus si la prévision de croissance pour 2012 devait être revue à la baisse.

Les mesures nouvelles complémentaires rendues nécessaires
par le présent projet de loi

(en milliards d'euros)

2011

2012

2013

2014

Article 9 de la LPFP 2011-2014

11,00

3,00

3,00

3,00

Mesures déjà adoptées (programme de stabilité 2011-2014)

11,90

2,40

ND

ND

Présent PLFR : texte initial

0,07

-0,06

0,04

0,14

Présent PLFR : modifications apportées par l'Assemblée nationale

-0,14

0,27

-0,17

0,01

PLFRSS

-0,02

-0,29

-0,02

-0,02

Total des mesures après PLFRSS et PLFR

11,82

2,33

ND

ND

Mesures devant être prises en LFI 2012 et LFSS 2012 avant PLFRSS et PLFR

-

0,60

ND

ND

Mesures devant être prises en LFI 2012 et LFSS 2012 après PLFRSS et PLFR

-

0,67

ND

ND

Source : calculs de la commission des finances, d'après les données transmises par le Gouvernement

Il est à noter que l'article 15 de la loi de programmation des finances publiques 2011-2014 permet de minorer les mesures nouvelles, en réduisant à due concurrence les dépenses de l'Etat et des régimes obligatoires de base de sécurité sociale.

B. LES RECETTES NON FISCALES

Les recettes non fiscales sont réévaluées à 16,6 milliards d'euros, soit 262 millions d'euros de moins qu'en LFI pour 2011. Cette révision est entièrement imputable à l'évolution de recettes attendues de la Caisse des dépôts et consignations :

1) les prévisions de résultat net des fonds d'épargne passent de 1 230 millions d'euros à 965  millions d'euros (-265 millions d'euros) en raison de la réévaluation à la hausse du besoin en fonds propres, principalement due à une augmentation prévisionnelle des risques sur les marchés et à des dépréciations d'actifs obligataires ;

2) le versement 2011 du dividende de la CDC à l'Etat, assis sur la nouvelle règle de prélèvement décidée 36 ( * ) en 2010 et s'appliquant pour la première fois en 2011, est estimé à 1 168 millions d'euros, soit une baisse de 131 millions d'euros par rapport aux hypothèses de la LFI 2011. Cette diminution s'explique notamment par la baisse du résultat social de la CDC en raison, d'une part, d'une dépréciation des titres et, d'autre part, d'événements dont la réalisation aurait dû permettre une augmentation du résultat social mais qui n'ont finalement pas eu lieu 37 ( * ) ;

3) le solde (+134 millions d'euros) résulte de la régularisation opérée, au titre de 2010, de la contribution représentative de l'impôt sur les sociétés de la CDC.

II. LES OUVERTURES DE CRÉDITS SUR LE BUDGET GÉNÉRAL

A. DES OUVERTURES GAGÉES ET SANS EFFET SUR LA NORME DE DÉPENSE

949,8 millions d'euros en crédits de paiement (CP) et 968,9 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) sont ouverts sur le budget général, dont 465,5 millions d'euros au titre de la mission « Remboursements et dégrèvements » 38 ( * ) . Hors remboursements et dégrèvements, ces ouvertures s'élèvent donc à 484,3 millions d'euros en CP et 503,3 millions d'euros en AE. Etant intégralement compensés par des annulations, ces mouvements sont sans effet sur l'évolution de la norme de dépenses .

1. Des ouvertures intégralement compensées

Hors mission « Remboursements et dégrèvements » et réimputations de crédits à caractère technique, six missions et neuf programmes font l'objet d'ouvertures de crédits , pour des montants parfois significatifs en comparaison des dotations votées en loi de finances initiale ( cf . tableaux).

Les missions et programmes porteurs d'ouvertures nettes en autorisations d'engagement (hors « Remboursements et dégrèvements » et réimputations de crédits)

(en millions d'euros)

Missions

Programmes

Ouvertures

% / LFI 2011

Culture

Création

62,1

8,24 %

Patrimoine

2,4

0,28 %

Immigration, asile et intégration

Immigration et asile

50,0

10,19 %

Justice

Accès au droit et à la justice

23,3

6,01 %

Santé

Protection maladie

5,0

0,78 %

Sécurité

Police nationale

10,5

0,11 %

Travail et emploi

Accès et retour à l'emploi

243,0

3,54 %

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

107,0

2,38 %

Source : commission des finances, d'après le projet de loi de finances rectificative

Les missions et programmes porteurs d'ouvertures nettes en crédits de paiement (hors « Remboursements et dégrèvements » et réimputations de crédits)

(en millions d'euros)

Missions

Programmes

Ouvertures

% / LFI 2011

Culture

Création

38,5

5,23 %

Patrimoine

2,4

0,28 %

Immigration, asile et intégration

Immigration et asile

50,0

10,23 %

Justice

Accès au droit et à la justice

23,3

7,04 %

Santé

Protection maladie

5,0

0,78 %

Sécurité

Police nationale

10,5

0,12 %

Gendarmerie nationale

4,5

0,06 %

Travail et emploi

Accès et retour à l'emploi

243,0

3,92 %

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

107,0

2,35 %

Source : commission des finances, d'après le projet de loi de finances rectificative

a) Aperçu global

En proportion des dotations initiales , les ouvertures de crédits les plus importantes 39 ( * ) intéressent :

1) le programme « Création » de la mission « Culture », qui voit ses crédits majorés de 8,24 % en AE (+ 62,1 millions d'euros) et 5,23 % en CP (+ 38,5 millions d'euros) pour le financement de l'auditorium de la Philharmonie de Paris ;

2) le programme « Immigration et asile » de la mission « Immigration, asile et intégration » voit ses crédits augmenter de 10 % (+ 50 millions d'euros) pour faire face aux besoins d'hébergement des demandeurs d'asile ;

3) la mise en oeuvre de la réforme de la garde à vue conduit à majorer les crédits du programme « Accès au droit et à la justice » de la mission « Justice » de 6 % en AE et 7 % en CP (+ 23,3 millions d'euros).

En valeur absolue , les ouvertures les plus significatives sont néanmoins opérées au bénéfice des programmes de la mission « Travail et emploi » (350 millions d'euros au total), dans le but de financer le plan en faveur de l'emploi et de l'alternance annoncé par le Président de la République en mars 2011. La politique de l'emploi constitue donc la mesure prioritaire, en dépenses, du présent collectif budgétaire, puisqu'elle mobilise plus de 72 % des ouvertures de crédits opérées sur le budget général.

b) Les principes ayant présidé aux annulations

Aux 484,3 millions d'euros de crédits de paiement ouverts sur le budget général répondent 487,3 millions d'euros d'annulations 40 ( * ) . Ces montants sont respectivement de 503,3 millions d'euros et 506,3 millions d'euros en autorisations d'engagement.

Les annulations ont obéi à plusieurs logiques. Les 350 millions d'euros d'ouvertures en faveur de la politique de l'emploi ont tout d'abord fait l'objet d'un gage spécifique, hors réserve de précaution, sur le fondement d'une taxation interministérielle au taux forfaitaire de 13 % de la mise en réserve initiale . Selon l'exposé des motifs du présent projet de loi, « il s'agit d'un effort supplémentaire demandé à l'ensemble des ministères, au titre de la priorité commune que constitue l'emploi. Cela permet dans le même temps de ne pas réduire excessivement la réserve de précaution et ainsi de ne pas obérer la capacité du Gouvernement à faire face à des imprévus en cours de gestion ».

Selon les réponses du Gouvernement au questionnaire de votre rapporteur général, la taxation « a cependant été modulée afin de tenir compte des capacités contributives de chacun des programmes. Certains programmes ont par ailleurs été exonérés , en totalité ou partiellement pour l'un des motifs suivants : 1) levée de la mise en réserve pouvant être considérée comme inéluctable , au sens de la définition de l'exposé général des motifs du PLF 2011 41 ( * ) ; 2) programme portant une ouverture de crédits dans le présent PLFR ; 3) risques en exécution 2011 déjà identifiés. Enfin, dans le contexte de la mise en oeuvre de la réforme de la garde à vue, le ministère de la justice et des libertés a été intégralement exonéré. »

Les effets de cette modulation sont puissants dans la mesure où, selon les calculs de votre rapporteur général, seuls 25 programmes ont subi le taux de taxation forfaitaire de 13 % . 34 programmes ont été totalement exonérés , 36 ont été « taxés » à un niveau inférieur aux 13 % forfaitaires et 13 ont été taxés à un niveau supérieur, voire très supérieur . Parmi les programmes « surtaxés » figure le programme « Epargne » de la mission « Engagements financiers de l'Etat », sur lequel les annulations aboutissent quasiment à doubler la mise en réserve initiale (+91 %, soit 51,1 millions d'euros) . Ces annulations portent sur les crédits destinés à servir les primes d'épargne-logement , dont le calibrage en LFI semble avoir été surévalué au regard des clôtures de PEL et CEL attendues en 2011. Il convient de rappeler, à la suite des travaux de contrôle menés par notre collègue Jean-Pierre Fourcade 42 ( * ) , que le service des primes d'épargne-logement avait occasionné, au cours des dernières années, l'accumulation d'une importante dette de l'Etat envers le Crédit foncier de France , chargé d'avancer ces primes. Le report de charge ainsi constitué a fait l'objet d'un apurement dans le cadre du quatrième collectif budgétaire pour 2010. Dans ces conditions, il serait regrettable qu'un niveau excessif d'annulations conduise à le reconstituer et votre commission des finances y sera attentive.

Les autres cas de surtaxation 43 ( * ) correspondent à des arbitrages internes aux ministères , qui pouvaient librement changer la répartition de la taxation globale de 13 % entre les programmes pour prendre en compte les tensions pressenties en gestion.

Hors plan emploi, le solde des annulations (soit 156,3 millions d'euros en AE et 137,3 millions d'euros en CP) a été réalisé « en partie » au sein de la réserve de précaution . En 2011, les taux de mise en réserve ont été fixés à 5 % des crédits hors titre 2 et 0,5 % des crédits de titre 2. Ils ont abouti à la mise en réserve de 6,2 milliards d'euros en AE et 6,1 milliards d'euros en CP. En conséquence des premiers dégels intervenus en début de gestion, le montant de la réserve de précaution, avant effets du présent collectif, était de 5,5 milliards d'euros en AE et 5,4 milliards d'euros en CP.

La réserve de précaution début 2011

(en euros)

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire durapporteur général

Votre rapporteur général n'est pas en mesure d'évaluer précisément les effets des annulations prévues par le présent projet de loi de finances rectificative sur la réserve de précaution , faute de connaître la répartition exacte des annulations (hors « Plan emploi ») au sein et hors de cette réserve. Il est bon de rappeler, à cet égard, que le III de l'article 14 de la LOLF dispose explicitement que « tout acte, quelle qu'en soit la nature , ayant pour objet ou pour effet de rendre des crédits indisponibles, est communiqué aux commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances » . Comme le rappelait notre ancien collègue Alain Lambert au cours des travaux préparatoires de la LOLF, cette disposition était destinée à éviter « l'absence totale d'encadrement des pratiques informelles de gel de crédits » 44 ( * ) , alors même que des exigences fortes entouraient les annulations formelles. Une application plus littérale de ces dispositions serait donc souhaitable à l'avenir.

Certaines annulations ont enfin obéi à la logique d'auto-assurance , qui veut que les ouvertures au sein d'une mission soient en tout ou partie gagées au sein de cette même mission ou d'une mission relevant du même ministère. Il en est allé ainsi, pour un montant de 70,5 millions d'euros , des annulations gageant les ouvertures au bénéfice des recherches de l'épave de l'AF447, des dépenses d'aide juridique occasionnées par la réforme de la garde à vue, du financement de la Philharmonie de Paris et de l'indemnisation des victimes du benfluorex ( cf . tableau).

Les annulations de crédits obéissant à la logique d'auto-assurance

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après le projet de loi de finances rectificative

2. Un impact neutre sur la norme de dépense
a) Une norme en volume et en valeur

Les ouvertures au titre du budget général 45 ( * ) étant gagées par des annulations, ces mouvements sont sans effet sur la norme de dépense déterminée en LFI pour 2011 . Par ailleurs, le financement, à compter de 2012, du Conseil national des activités de sécurité privées (CNAPS) par le biais d'une taxe affectée 46 ( * ) permettra de faire échapper les dépenses de ce nouvel opérateur à l'application de la norme.

A compter de 2011, la progression annuelle des dépenses « élargies » 47 ( * ) de l'Etat doit être nulle en volume (c'est-à-dire égale, en valeur, à l'évolution prévisionnelle des prix à la consommation). De plus, au sein de cette enveloppe élargie, les dépenses hors pensions et charges de la dette doivent être stabilisées en valeur .

Selon les estimations de la LFI pour 2011, l'application combinée du zéro valeur et du zéro volume conduisait à faire mieux que la seule stabilisation en volume . Avec des dépenses hors dette et pensions estimées à 274,8 milliards d'euros et des dépenses totales de 356,9 milliards d'euros, l'évolution en norme élargie ressortissait à 1,3 % en valeur, et -0,2 % en volume sur la base d'une prévision d'inflation de 1,5 % ( cf . tableau).

Evolution des dépenses en valeur et en volume au sens de la norme élargie

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les annexes budgétaires

b) Les effets incertains de la révision de l'hypothèse d'inflation

Le Gouvernement a récemment révisé sa prévision d'inflation de 1,5 % à 1,8 % . L'impact d'une telle révision sur la norme de dépense est délicat à évaluer.

Par construction, et toutes choses égales par ailleurs, le relèvement de l'hypothèse d'inflation laisse une marge de manoeuvre supplémentaire de 0,3 % pour tenir la norme. Une augmentation des pensions et de la charge de la dette de l'ordre de + 1,7 milliard d'euros serait donc compatible avec le respect du zéro volume. La question est donc, en définitive, de savoir ce que seront les conséquences du ressaut d'inflation sur ces dépenses, qui sont elles-mêmes sensibles à l'évolution de l'indice des prix :

1) s'agissant des pensions , le Gouvernement fait valoir que la revalorisation d'avril 2011 (+ 2,1 %) a intégré la révision de l'hypothèse d'inflation et devrait se traduire par une dépense supplémentaire de l'ordre de 100 millions d'euros en 2011 ;

2) s'agissant du service de la dette , le ressaut d'inflation peut se traduire par une augmentation de la charge d'intérêts associée aux titres indexés . Selon les réponses du Gouvernement au questionnaire de votre rapporteur général, en 2011, « la charge d'indexation présente un aléa haussier de plusieurs centaines de millions d'euros , dont le résultat définitif sera connu prochainement » .

Ces postes de dépenses ne font l'objet d'aucune réévaluation dans le cadre du présent collectif budgétaire, en raison des fortes incertitudes qui entourent leur évolution. En effet, d'autres facteurs sont, aux dires du Gouvernement, susceptibles d'influer de manière importante sur les dépenses du CAS « Pensions », parmi lesquelles le rythme des départs en retraite. Il en va de même de la charge de la dette, dont il a été indiqué à votre rapporteur général qu'elle ferait l'objet, le cas échéant, d'une « actualisation d'ensemble (...) ultérieurement dans l'année » 48 ( * ) .

Une dernière question intéresse l'évolution des dépenses incluses dans le périmètre du zéro valeur et pour lesquelles, par définition, aucun « dérapage » n'est permis . Si, au sein de cette enveloppe, un certain nombre d'interventions à caractère social sont indexées sur l'inflation 49 ( * ) , les modalités de cette indexation font toutefois que l'impact de la hausse des prix ne se fera sentir qu'en 2012 . Le regain d'inflation n'aura donc pas d'impact direct sur l'exécution de ces dépenses pour l'année en cours, mais sera pris en compte lors de la construction du projet de loi de finances pour 2012.

Votre rapporteur général prend acte de ces éléments d'analyse et s'attachera à en vérifier la validité d'ici à la fin de l'exercice budgétaire.

B. ANALYSE DÉTAILLÉE DES OUVERTURES DE CREDITS

1. Le financement de la politique de l'emploi et de la réforme de la garde à vue

Deux ouvertures de crédits proposées par le présent projet de loi de finances ne pouvaient faire l'objet d'une anticipation suffisante en loi de finances initiale pour 2011 . Elles concernent le financement du plan en faveur de l'emploi et de l'alternance, dont les modalités ont été formalisées par le Président de la République au premier trimestre 2011, ainsi que la couverture des besoins liées à la réforme de la garde à vue, dans le prolongement de l'adoption de la loi définitivement adoptée par le Parlement le 14 avril 2011 50 ( * ) .

a) Le financement du plan en faveur de l'emploi et de l'alternance

350 millions d'euros de crédits sont ouverts sur la mission « Travail et emploi » afin de financer les mesures en faveur de l'emploi et de l'alternance annoncées par le Président de la République, à Bobigny, le 1 er mars 2011. Ces mesures - dont le détail figure dans le tableau ci-après - représentent un coût global de 500 millions d'euros réparti sur 2011 (350 millions d'euros) et 2012 (150 millions d'euros) 51 ( * ) .

Le coût 2011 des mesures en faveur de l'emploi

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après le projet de loi de finances rectificative

145 millions d'euros sont consacrés à la création de 50 000 contrats aidés supplémentaires dans le secteur non marchand (CUI-CAE), portant leur coût global de 2 023,50 millions d'euros à 2 168,50 millions d'euros. Cette prévision, qui se situe à un niveau équivalent à celui retenu en loi de finances pour 2010, comporte toutefois un déséquilibre persistant entre le nombre restreint de contrats du secteur marchand - les contrats initiative emploi (CUI-CIE) -, seulement 50 000, et le renforcement du nombre des contrats du secteur non marchand (CUI-CAE) qui passe de 340 000 à 390 000, dont il faut souligner que les taux d'insertion dans l'emploi durable sont très inférieurs 52 ( * ) . Par ailleurs, et ainsi que votre rapporteur général l'a mis en évidence lors de l'examen du collectif d'hiver 2010 , les contrats aidés sont particulièrement exposés aux dépassements de crédits . Ainsi que l'illustre le tableau ci-après, les flux d'effectifs sont régulièrement sous-estimés. En dépit de l'ajustement à la hausse apporté par le présent projet de loi de finances, il n'est donc pas exclu que ces dépenses de guichet donnent lieu à de nouveaux dépassements d'ici à la fin de l'année 2011 .

Etat détaillé des entrées dans les dispositifs de contrats aidés (CUI-CAE et CUI-CIE) en 2009, 2010 et 2011 distinguant les données prévues
en loi de finances initiale de l'exécution

Source : réponses au questionnaire budgétaire

20 millions d'euros sont consacrés à 7 000 contrats d'autonomie supplémentaires . Mis en place dans le cadre du plan « Espoir banlieues », ces contrats ont pour objet d'accompagner vers l'emploi ou une formation qualifiante les jeunes issus des quartiers identifiés comme prioritaires dans le cadre de la politique de la ville.

Pour 52 millions d'euros, le plan pour l'emploi prévoit ensuite la fusion, au sein d'un nouveau contrat de sécurisation professionnelle (CSP), de deux dispositifs d'accompagnement des restructurations économiques : le contrat de transition professionnelle (CTP) et la convention de reclassement personnalisé (CRP) 53 ( * ) . Mis en place à titre expérimental, par l'ordonnance n° 2006-339 du 23 mars 2006, le contrat de transition professionnelle (CTP) s'adresse aux salariés dont le licenciement économique est envisagé dans les entreprises de moins de mille salariés 54 ( * ) . La convention de reclassement personnalisé (CRP) permet, dans des conditions fixées par les partenaires sociaux, aux salariés d'entreprises de moins de mille salariés, licenciés pour motif économique, de bénéficier pendant douze mois d'un ensemble de mesures favorisant leur reclassement professionnel. Ce dispositif est financé par l'employeur, l'Unedic et l'Etat, ce dernier participant à hauteur de 915 euros par nouveau bénéficiaire.

Le volet « Amélioration de l'insertion dans l'emploi » du plan prévoit un dispositif « zéro charge » de 40 millions d'euros, consistant à verser une aide aux employeurs de jeunes de moins de 26 ans embauchés en alternance dans les entreprises de moins de 250 salariés. L'aide, versée sur 12 mois, a été calibrée de manière à compenser l'essentiel des charges patronales supplémentaires suscitées par l'embauche. 15 millions d'euros sont en outre consacrés à la création d'un portail de l'alternance 55 ( * ) (5 millions d'euros), au versement de 10 000 primes de 2 000 euros aux employeurs recrutant des chômeurs de plus de 45 ans en contrat de professionnalisation (5 millions d'euros en 2011, compte tenu du rythme de la dépense), ainsi qu'au financement d'une aide à la restauration et à l'hébergement des alternants en résidence universitaire (5 millions d'euros).

L'amélioration de l'efficacité du service public de l'emploi s'opère enfin par trois mesures :

1) 40 millions d'euros sont destinés à financer 15 000 formations supplémentaires au bénéfice des demandeurs d'emploi ;

2) 30 millions d'euros seront dédiés à l'accompagnement renforcé de 40 000 chômeurs de longue durée par des organismes privés de placement (agences d'intérim et d'accompagnement dans l'emploi) ;

3) 8 millions d'euros seront consacrés à compléter la rémunération des chômeurs lorsque leur indemnisation arrive à échéance avant la fin de la formation proposée par Pôle emploi. Il s'agit donc d'un retour de l'Etat dans le financement du dispositif de rémunération de fin de formation des demandeurs d'emploi (R2F) 56 ( * ) .

b) Les conséquences de la réforme de la garde à vue

Deux conséquences budgétaires de la réforme de la garde à vue sont enregistrées par le présent collectif budgétaire :

1) 23,3 millions d'euros (AE=CP) sont ouverts sur la mission « Justice » afin de financer l'aide juridictionnelle supplémentaire qui résultera d'une présence accrue des avocats ;

2) 10,5 millions d'euros en AE et 15 millions d'euros en CP 57 ( * ) sont ouverts sur la mission « Sécurité » afin de financer les travaux de mise aux normes des locaux de la police et de la gendarmerie.

S'agissant du financement de l'aide juridictionnelle, la dotation budgétaire vient en complément de l'instauration d'un droit de timbre par l'article 20 58 ( * ) du présent projet de loi, dont le produit attendu est de 20,8 millions d'euros en 2011. A ce stade de l'année, le coût global de la réforme de la garde à vue a été évalué sur la base d'un volume annuel de 400 000 gardes à vue de 24 heures, dont 100 000 donneraient lieu à une prolongation et 90 000 à une confrontation entre victimes et gardés à vue. 66 % de ces gardes à vue donneraient lieu à l'intervention d'un avocat.

Compte tenu du nouveau barème de rémunération des avocats 59 ( * ) , le coût total de la réforme est estimé à 104 millions d'euros en année pleine et à 60,8 millions d'euros en 2011 , sur la base d'une entrée en vigueur au 15 avril 2011. Il résulte de la différence entre ce coût et le produit du droit de timbre un besoin budgétaire de 40 millions d'euros (60,8 - 20,8). Toutefois, selon les réponses du Gouvernement au questionnaire de votre rapporteur général, « il a été jugé préférable de n'ouvrir en collectif de printemps qu'une partie du besoin théorique résiduel (23,3 millions d'euros), correspondant à la dépense supplémentaire jugée, à ce stade, comme inéluctable . Des ajustements pourront, le cas échéant, être effectués d'ici la fin de gestion, au vu d'une analyse complète de l'exécution de la dépense d'aide juridique » .

S'agissant de l'adaptation des locaux de police et de gendarmerie, ce sont 10,5 millions d'euros en AE et CP qui sont ouverts sur le programme « Police nationale » et 4,5 millions d'euros en AE et CP 60 ( * ) sur le programme « Gendarmerie nationale ». Ce différentiel s'explique par un nombre de gardes à vue environ deux fois supérieures en zone police qu'en zone gendarmerie. Les travaux consisteront à réaménager les cellules de garde à vue afin de garantir des conditions de détention respectueuses de la dignité des personnes, à installer des détecteurs de métaux, à prévoir des locaux permettant aux avocats d'accomplir leur office et à installer des systèmes de visioconférence.

2. Des besoins traduisant une budgétisation insuffisante en loi de finances initiale

Quatre ouvertures de crédits sont destinées à couvrir des besoins vraisemblablement déjà identifiés lors de la discussion de la loi de finances initiale . Ces ouvertures visent le financement de la construction de la Philharmonie de Paris, la consolidation du budget de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP), le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) et, une fois encore , l'hébergement des demandeurs d'asile.

a) La Philharmonie de Paris : une improvisation budgétaire permanente et un coût allant « crescendo »...

62,9 millions d'euros en AE et 39,36 millions d'euros en CP sont ouverts, sur le programme « Création » de la mission « Culture », en faveur du chantier de l'auditorium de la Philharmonie de Paris 61 ( * ) . Ce projet représente un coût global de 336,563 millions d'euros ( cf . tableau), cofinancé par l'Etat (158,3 millions d'euros), la Ville de Paris (158,3 millions d'euros) et la Région Ile-de-France (20 millions d'euros). Pour mémoire, la première estimation de coût associée à ce projet s'élevait à 203 millions d'euros (don't 91,3 millions d'euros pour l'Etat) dans le PAP « Culture » 2008. Ce coût a donc connu une inflation de 66 % en trois ans... avant même que l'édifice n'ait commencé à sortir de terre .

Décomposition du coût du projet « Philharmonie de Paris »

Postes de dépenses

Coût en millions d'euros

Honoraires

Travaux

Interfaces site

Assurances maîtrise d'ouvrage

Contrat global

Provision pour aléas

Equipement

Intégration parc

39,34

195,42

4,50

5,32

16,97

37,48

30,00

7,50

Total investissements

336,53

Source : ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat

Le Gouvernement justifie l'absence d'ouvertures de crédits en LFI par le fait que « les modalités de financement de la part de l'État n'étaient pas arrêtées au moment de l'élaboration du projet de loi de finances » 62 ( * ) . Cette motivation peut surprendre si l'on tient compte du fait que d'importants travaux de terrassement avaient, alors, déjà été réalisés. Une interruption des travaux est survenue au cours de l'hiver , durant laquelle le maintien en état du site a occasionné des coûts d'entretien supplémentaires aujourd'hui chiffrés à 35 000 euros 63 ( * ) . Votre rapporteur général prend donc acte du fait que des opérations d'envergure sont lancées avant que leurs modalités de financement ne soient définitivement arrêtées, ce qui conduit à s'interroger sur la rationalité de la conduite des grands chantiers culturels.

Selon les informations transmises par le ministère de la culture, 13 millions d'euros en AE et CP ont, à ce jour, été consommés pour la réalisation du projet. L'analyse détaillée des conditions de budgétisation fait apparaître un entrelacs complexe d'ouvertures, de reports et de redéploiements qui semblent témoigner du cheminement laborieux du projet . Les modalités de cette budgétisation « improvisée » indiquent notamment que 139,97 millions d'euros d'autorisations d'engagement ont été ouvertes en faveur du projet en 2009 et qu'aucune n'a été consommée à cette fin . 34,1 millions d'euros ont été redéployés en faveur d'aides à la presse, et 105,88 millions d'euros ont été reportés vers 2010. En 2010, ces AE n'ont, pas plus qu'en 2009, été consommées pour la Philharmonie : 18,87 millions d'euros ont été redéployés pour le financement de la « Carte Musique », 5 millions d'euros vers l'INRAP et 1,16 millions d'euros vers d'autres opérations relevant du programme « Création ».

Les ouvertures demandées en AE (62,9 millions d'euros) s'ajoutent donc aux AE à nouveau reportées de 2010 vers 2011 (82,32 millions d'euros) afin de couvrir le coût total du projet (145,22 millions d'euros). Dans ses réponses, le ministère de la culture précise toutefois que « les AE correspondantes ayant été totalement engagées en 2011, il est nécessaire de rembourser au ministère l'avance de 62,9 millions d'euros qu'il a effectuée pour réaliser cet engagement » . De fait, les 145,22 millions d'euros ont d'ores et déjà été engagés, sans attendre l'adoption définitive du présent PLFR . Pour ce faire, le ministère a redéployé 62,9 millions d'euros d'AE initialement prévues pour couvrir d'autres dépenses, mais dont la reconstitution en collectif budgétaire est indispensable pour ne pas faire face à des impasses significatives en gestion sur les postes 64 ( * ) qui ont supporté le redéploiement.

En définitive :

1) les ouvertures demandées en AE ne sont donc pas réellement destinées à la Philharmonie de Paris , comme l'indique l'exposé des motifs du projet de loi, mais bien à reconstituer les dotations dans lesquelles le ministère a puisé pour engager la totalité des 145,22 millions d'euros du projet ;

2) quand bien même on considèrerait que les ouvertures de crédits financent « indirectement » la Philharmonie, en gageant un redéploiement dont elle a bénéficié, la situation ne serait guère plus satisfaisante car cela reviendrait à dire que l'engagement des AE a anticipé l'autorisation parlementaire ;

3) le Parlement est, en tout état de cause, mis devant le fait accompli , dans la mesure où, s'il ne votait pas les ouvertures demandées, de graves impasses en gestion surviendraient au titre du programme « Création » ;

4) votre commission des finances ne dispose toujours pas d'explications claires sur les retards accumulés par ce grand chantier culturel et sur la progression galopante de son coût.

Les modalités de budgétisation du projet de la Philharmonie de Paris

(en millions d'euros)

Source : ministère de la culture et de la communication

b) Un nouveau « secours budgétaire » en faveur de l'archéologie préventive

8 millions d'euros 65 ( * ) (AE=CP) sont ouverts sur le programme « Patrimoines » de la mission « Culture » au bénéfice de l'INRAP , afin de « rétablir sa situation financière » . Une fois encore, cette ouverture aurait pu être opérée en loi de finances initiale, dans la mesure où le caractère insoutenable du budget de l'opérateur avait été largement diagnostiqué par notre collègue Yann Gaillard ( cf . encadré).

De surcroît, l'exposé des motifs du présent projet de loi dispose explicitement que le risque financier pesant sur l'établissement avait été évalué à 12 millions d'euros dès l'élaboration du projet de loi de finances pour 2011 . Selon le Gouvernement, la couverture de ce risque n'avait toutefois pas donné lieu à l'ouverture de crédits « frais » en LFI car elle devait faire l'objet d'un redéploiement des crédits 2010 de la mission.

La situation de l'INRAP à la fin de l'année 2010

L'INRAP traverse, depuis l'été, une crise de trésorerie sans précédent, tant par son intensité que par sa durée . Les paiements de l'établissement aujourd'hui bloqués s'élèvent à 6 millions d'euros, qui ne pourront être honorés que lorsque le besoin de trésorerie afférent aux dépenses prioritaires de novembre, au premier rang desquelles le paiement des salaires, aura été couvert (soit 8,9 millions d'euros). Les causes de ce phénomène sont d'abord structurelles et tiennent à l'insuffisance persistante du fonds de roulement de l'INRAP . Le besoin en fonds de roulement s'établissait, à fin 2009, à 18,8 millions d'euros, et n'était satisfait qu'à moins de la moitié par le fonds de roulement . Selon les représentants de l'INRAP entendus par votre rapporteur spécial, des progrès peuvent encore être réalisés pour réduire les délais de facturation et de recouvrement des recettes de fouilles, mais l'amélioration de la trésorerie qui en résulterait serait sans commune mesure avec l'ampleur des besoins. Dans ces conditions, l'INRAP considère que « le règlement de cette situation ne peut, aujourd'hui, passer que par un abandon de créance de la part du Trésor et par une recapitalisation » . L'institut bénéficie en effet, depuis sa création, d'une avance consentie par le Trésor qui s'élève encore à 15,5 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 3,4 millions d'euros d'intérêts à fin 2010.

Ce besoin structurel se trouve aggravé, en 2010, par une baisse importante du rendement de la redevance d'archéologie préventive (RAP). Ce rendement atteint, fin octobre, un niveau très inférieur aux prévisions, soit 50,5 millions d'euros contre 65,6 millions d'euros attendus en rythme linéaire. Il se situe également à un niveau inférieur de 3,6 millions d'euros à celui réalisé en octobre 2009 en dépit de l'augmentation du taux applicable depuis le 1 er janvier 2010 à la « filière DDE ». Interrogés sur les causes de ce phénomène, les représentants de l'INRAP indiquent que les restructurations intervenues dans le cadre de la réorganisation de l'administration territoriale de l'Etat ont pu retarder la liquidation de la redevance par les services. Si tel était le cas, un rattrapage serait donc constaté tôt ou tard.

Dans cette attente, le ministère de la culture et de la communication a, à nouveau 66 ( * ) , alloué à l'INRAP un « secours » budgétaire de 2 millions d'euros au début du mois d'octobre 2010, qui devrait être complété par 4,3 millions d'euros avant la fin de l'année en cours (dont 1,3 million d'euros en faveur du fonds national d'archéologie préventive). L'INRAP indique néanmoins que « l'effort exceptionnel consenti ne suffira pas à redresser les comptes de l'institut , qui abordera l'année 2011 dans des conditions qui menacent sa pérennité et le bon déroulement de l'activité archéologique, si une réforme de la redevance d'archéologie préventive et de la gouvernance du système n'est pas mise en oeuvre rapidement et si une recapitalisation de l'INRAP et du FNAP n'intervient pas à brève échéance ».

Les hypothèses les plus prudentes de construction du budget de l'INRAP prévoient un niveau de financement du secteur non lucratif 67 ( * ) de 46,7 millions d'euros, soit le montant de la part RAP affectée à l'INRAP attendu pour 2010, en l'absence de la reconduction de la subvention exceptionnelle du ministère. Ce scénario impliquerait une amputation drastique (de l'ordre de 40 %) des moyens, que l'INRAP juge incompatible avec la politique de prescription actuellement conduite et l'amélioration des délais d'intervention . Par ailleurs, le coût de la recapitalisation de l'INRAP et du FNAP est estimé à près de 63 millions d'euros , hors éventuel déficit en 2010, soit :

1) 33,7 millions d'euros pour couvrir les déficits antérieurs (capitaux propres négatifs de 14,8 millions d'euros en cumul à fin 2009 et dette totale envers le Trésor de 18,9 millions d'euros) ;

2) une insuffisance cumulée de crédits budgétaires qui s'élève à 29,14 millions d'euros , cette somme étant la contraction d'un montant de 32,05 millions d'euros correspondant à 111 dossiers non engagés et d'une réserve disponible de 2,91 millions d'euros pour faire face à des prises en charge prioritaires.

Selon l'INRAP, « la perspective de désolidariser la gestion de l'INRAP et du FNAP, dont la trésorerie excédentaire a longtemps permis à la trésorerie unifiée INRAP-FNAP de demeurer positive et donc de différer le règlement du problème qui se pose de manière urgente à présent, rend cette recapitalisation pressante » . Si la situation financière et budgétaire très dégradée de l'INRAP résulte donc pour partie de facteurs conjoncturels, elle n'en traduit pas moins l'extrémité à laquelle est parvenu un mode de financement inadapté, ne permettant pas un pilotage commun de la dépense et de la ressource.

Source : rapport spécial de M. Yann Gaillard sur la mission « Culture », annexé au rapporteur général sur le projet de loi de finances pour 2011 (n° 111, 2010-2011)

En tout état de cause, ce nouveau « secours » budgétaire en faveur de l'INRAP n'est pas de nature à apporter une réponse pérenne aux difficultés structurelles de financement de notre politique d'archéologie préventive . Il convient de rappeler que le Premier Ministre avait confié, par lettre du 4 juin 2010, une mission à l'Inspection générale des Finances visant à faire le bilan de la redevance d'archéologie préventive (RAP) et à définir un nouveau système de financement. Bien qu'un rapport ait été remis le 18 octobre 2010, aucun arbitrage n'est intervenu suffisamment tôt pour qu'un dispositif soit inséré dans le collectif d'hiver 2010, ce qui apparaît d'autant plus regrettable qu'une telle réforme aurait pu être utilement articulée avec la refonte des taxes d'urbanisme . Interrogé sur la mise en oeuvre du rapport, le Gouvernement a confirmé à votre rapporteur général qu' « à ce stade, aucune décision n'a(vait) été rendue au sujet de la redevance d'archéologie préventive » ...

c) L'abondement du fonds interministériel de prévention de la délinquance

8 millions d'euros en CP 68 ( * ) sont ouverts sur le programme « Politique de la ville et Grand Paris » de la mission « Ville et logement », au bénéfice du Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD). Cette ouverture complète un abondement du FIPD par décret de transfert de 11,5 millions d'euros en AE et 3,5 milliards d'euros en CP, notifié à votre commission des finances le 30 mai 2011. Au total, les ressources supplémentaires s'élèvent donc à 11,5 millions d'euros en AE et en CP.

Cette dotation budgétaire vient en complément des 35 millions d'euros prélevés sur les amendes de police et affectés au FIPD par la LFI pour 2011. Elle est néanmoins justifiée de façon très laconique , le projet de loi se bornant à mentionner que les crédits seront destinés au financement d'actions de prévention sous maîtrise d'ouvrage d'associations , en matière de lutte contre les violences faites aux femmes, d'aide aux victimes et d'accompagnement des mineurs délinquants. Votre rapporteur général estime que ces crédits, à supposer qu'ils soient indispensables, auraient pu être inscrits dès la LFI 2011 , ce que le ministre chargé de l'intérieur a indirectement confirmé en reconnaissant, devant votre commission des finances, que le FIPD était « peut-être sous-doté » 69 ( * ) .

d) La sempiternelle sous-budgétisation des dépenses d'hébergement des demandeurs d'asile

Le présent projet de loi de finances rectificative propose de majorer de 50 millions d'euros les crédits du programme 303, « Immigration et asile », doté en LFI de 490,9 millions d'euros en AE et 488,6 millions d'euros en CP 70 ( * ) . Ces ouvertures sont exclusivement consacrées au financement de l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile, dont la dotation croîtrait donc de 125 % par rapport à la LFI pour 2011 et s'élèverait à 90 millions d'euros. Cette ouverture est motivée par deux éléments :

1) une demande d'asile qui continue de croître fortement : + 10,5 % en 2010 et +6,1 % sur les trois premiers mois de l'année 2011 ;

2) une réduction des délais de traitement des demandes d'asile qui se fait attendre , le plan d'action de renforcement des effectifs de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) mis en oeuvre à partir de 2011 n'ayant pu encore produire ses effets.

La nécessité d'abonder de 50 millions d'euros supplémentaires la dotation consacrée à l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile répond à la sous-budgétisation initiale de cette enveloppe en loi de finances initiale . Notre collègue Pierre Bernard-Reymond l'avait pointée dans son rapport sur la mission « Immigration, asile et intégration » 71 ( * ) , où il relevait que « par rapport aux crédits ouverts en 2010, le présent projet de loi de finances propose donc [une diminution] de 56,2 % pour le dispositif d'hébergement d'urgence ». Cette diminution était à mettre en parallèle avec une augmentation de la demande d'asile déjà constatée . Ainsi, la commission indiquait que « le rythme de la demande d'asile est en hausse durant les neuf premiers mois de l'année 2010 : +8,5 % par rapport à la même période en 2009. Aucune raison n'indique qu'il doive diminuer en 2011. [...] Il apparaît donc que dans le présent projet de loi de finances, comme chaque année, les flux de demandeurs d'asile dont excessivement sous-évalués ».

En outre, il était déjà certain que les moyens supplémentaires consacrés à la CNDA ne produiraient pas d'effets dès l'année 2011 : « même si les délais de traitement des dossiers par la CNDA peuvent diminuer, il est peu probable que cette diminution ait lieu à court terme et suffise à compenser budgétairement l'augmentation du flux des demandes d'asile ».

Contrainte par la nécessité de redéployer des montants au sein même de la mission « Immigration, asile et intégration », qui ne comporte que deux programmes, votre commission des finances n'avait pu proposer qu'un amendement abondant de 12,85 millions d'euros supplémentaires le programme « Immigration et asile ». Elle indiquait toutefois que le transfert de crédits proposé par son amendement « devrait combler une partie du déficit du programme "Immigration et asile", estimé par votre rapporteur spécial à près de 50 millions d'euros » .

L'ouverture de 50 millions d'euros ici proposée vient donc confirmer, à l'euro près, la pertinence de cette analyse... Elle fait, de surcroît, suite à trois années d'importantes ouvertures en cours de gestion , comme l'indique le tableau ci-après.

Ouvertures en gestion sur le programme 303 « Immigration et asile »

(en millions d'euros)

Année

Ouvertures LFI

Ouvertures en gestion

Observations de votre commission des finances

2008

418,2 en AE

409,5 en CP

36 (AE = CP) 72 ( * )

« Sous réserve d'un examen plus approfondi par le rapporteur spécial chargé de la mission « Immigration, asile et intégration », la dotation inscrite au projet de loi de finances pour 2009 ne semble pas tirer les conséquences de l'augmentation du nombre de demandeurs d'asile . » 73 ( * )

2009

434,7 en AE

437,5 en CP

70,1 en AE

60,4 en CP 74 ( * )

« Votre commission des finances avait souligné, dans son rapport budgétaire sur le projet de loi de finances initiale de 2009, la non-soutenabilité prévisible de l'exécution des crédits liés aux demandes d'asile en 2009 . Elle relevait que le dégel de la réserve de précaution ne serait « sans doute pas suffisant et devra(it) conduire le gouvernement à ouvrir des crédits supplémentaires sur le programme 303 gagés sur des annulations de crédits d'autres missions du budget général ». La dotation inscrite au projet de loi de finances pour 2010 ne semble pas tirer les conséquences de l'augmentation du nombre de demandeurs d'asile en ce qui concerne l'hébergement d'urgence ». 75 ( * )

8 (AE = CP) 76 ( * )

« Certaines ouvertures de crédits ne présentent pas ce caractère d'imprévisibilité incontestable ; il s'agit des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » : la dotation budgétaire correspondante a été excessivement sous-évaluée en loi de finances initiale pour 2009, comme cela avait été relevé par le rapporteur spécial dès l'examen du projet de loi de finances pour 2009 ». 77 ( * )

2010

485,7 en AE

478,1 en CP

60 (AE = CP) 78 ( * )

« La sous-budgétisation des crédits liés à l'hébergement et à l'accueil des demandeurs d'asile est une constante, relevée chaque année par le Parlement , en loi de finances initiale. Chaque année, ces sous-évaluations rendent nécessaires l'ouverture de crédits par décrets d'avance. [...] Ces sous-budgétisations sont trop manifestes pour s'expliquer par l'incertitude relative au rythme d'évolution du nombre de demandeurs d'asile . De même, rien ne permet de préjuger d'une diminution rapide des délais de traitement des demandes par l'OFPRA et la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) » 79 ( * )

47,1 en AE

57,3 en CP 80 ( * )

« Chaque année, les flux de demandeurs d'asile sont excessivement sous-évalués en loi de finances initiale pour l'élaboration de l'enveloppe de la mission « Immigration, asile et intégration ». Ainsi, la sous-budgétisation des crédits liés à l'accueil des demandeurs d'asile est devenue la pratique courante de gestion des crédits du programme 303 « Immigration et asile ». Pierre-Bernard Reymond, rapporteur spécial de la mission « Immigration, asile et intégration », s'interrogeait d'ailleurs dans son rapport spécial sur le projet de loi de finances pour 2010 « sur la crédibilité des prévisions de flux de demandeurs d'asile à partir desquelles ont été établies les demandes de crédits dans le présent projet de loi de finances » et exprimait sa crainte que la hausse de 10 % des crédits consacrés aux actions de soutien aux demandeurs d'asile « ne soit pas suffisante pour répondre aux besoins réels de l'année 2010, étant donnée l'évolution actuelle des flux de demandeurs d'asile » . 81 ( * )

Source : commission des finances

Votre rapporteur général relève par ailleurs la forte augmentation des dépenses engagées par l'Etat pour l'accueil et l'hébergement des demandeurs d'asile . En englobant l'ensemble des dotations qui relèvent de cette politique (hébergement, allocations, financement de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides), on constate que les crédits ont augmenté d'un tiers entre les exercices 2008 et 2010 , comme l'indique le tableau ci-dessous.

Crédits de paiement de l'action n° 2 « Garantie de l'exercice du droit d'asile »
du programme 303, « Immigration et asile »

(en millions d'euros)

Crédits consommés en 2008

340,1

Crédits consommés en 2009

376,4

Crédits consommés en 2010

456,5

Crédits ouverts en 2011 82 ( * )

377,8

Source : rapports annuels de performances annexés aux projets de loi de règlement

Votre commission des finances a dégagé plusieurs pistes de réduction de ces coûts .

Elle a adopté, en octobre 2010, un rapport sur les conséquences budgétaires des délais de traitement du contentieux de l'asile par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) 83 ( * ) , qui a notamment permis d'évaluer à plus de 15 millions d'euros le coût pour les finances publiques d'un mois de délai de traitement supplémentaire des demandes d'asile devant la CNDA.

En application des préconisations de ce rapport et à l'initiative de votre commission des finances, le Sénat a introduit l'article 162 de la loi de finances pour 2011 84 ( * ) qui prévoit que l'aide juridictionnelle devant la CNDA doit être demandée au plus tard dans le mois qui suit la réception, par le demandeur, de l'accusé réception de son recours . Sans priver ni limiter d'aucune manière les requérants du droit à l'aide juridictionnelle, cette disposition nouvelle devrait permettre d'en rationaliser l'exercice, en évitant que les demandes d'aide juridictionnelle soient formulées au dernier moment, lors de l'audience publique, et ne conduisent à des renvois qui rallongent excessivement les procédures d'examen.

De même, la loi de finances pour 2011 a prévu de confier des moyens humains supplémentaires à la CNDA afin d'accroître le nombre de demandes d'asile traitées et de parvenir à une réduction du stock de dossiers en attente . Cinquante agents ont ainsi été recrutés en 2011 à la Cour et quinze autres devraient l'être en 2012.

Ces modifications doivent, à terme, permettre d'accélérer les délais de traitement des demandes d'asile. D'après Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, auditionné par votre commission des finances dans le cadre de l'examen du projet de loi de règlement de l'année 2010, « le renforcement des moyens produit déjà ses effets : la moyenne générale de traitement des dossiers s'est réduite d'un mois depuis le début de l'année ».

Enfin, nos collègues Philippe Dallier et Pierre Bernard-Reymond, rapporteurs spéciaux des missions « Ville et logement » et « Immigration, asile et intégration », ont formulé, lors d'une communication sur l'hébergement des demandeurs d'asile et son financement, plusieurs propositions pour améliorer l'efficacité et réduire le coût de cette prise en charge 85 ( * ) . Ainsi, ils préconisent un recensement exhaustif des demandeurs d'asile présents dans les différents dispositifs d'hébergement, la mise en place d'un référentiel de coûts pour chaque parc qui servira pour étalonner les subventions budgétaires versées par l'Etat ainsi qu'une unification de la gestion de ces parcs .

3. Les autres ouvertures... et absences d'ouvertures
a) Les autres ouvertures de crédits

Au titre des autres ouvertures nettes de crédits, on relève :

1) 5 millions d'euros en AE et CP au bénéfice de la mission « Santé », afin de financer les premiers dossiers d'indemnisation des victimes du benfluorex ou « Mediator » , ainsi que les dépenses administratives liées à la mise en place de la nouvelle procédure d'indemnisation par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM). Cette ouverture couvrira les dépenses de personnel supplémentaires suscitées par le recrutement de 10 équivalents temps plein durant 36 mois (1 million d'euros), diverses dépenses de location de locaux, d'aménagement et de fonctionnement courant (0,4 million d'euros), les dépenses d'expertise des dossiers et frais d'avocat (0,3 million d'euros) et les premières indemnisations (3,3 millions d'euros) 86 ( * ) ;

2) 5 millions d'euros en AE et CP sur le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », afin de financer les recherches de l'épave de l'AF447 qui s'est abîmé dans l'Océan atlantique le 1 er juin 2009.

b) L'absence d'ouvertures en faveur de la défense ou de l'agriculture

Votre rapporteur général prend enfin acte de l'absence d'ouvertures en faveur de la mission « Défense » , alors même que la France est aujourd'hui engagée dans plusieurs opérations d'envergure en Afghanistan, en Lybie et en Côte d'Ivoire notamment. Interrogé sur ce point lors de son audition par votre commission des finances, le ministre chargé du budget a estimé qu'il n'était « pas utile de modifier le montant prévu dans la loi de finances initiale pour les Opex , fixé à 630 millions d'euros » .

Il en va de même pour la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », alors même que différentes filières agricoles traversent d'importantes difficultés liées à la sécheresse ou aux rumeurs ayant circulé sur l'implication des fruits et légumes dans la propagation d'une bactérie mortelle en Europe . L'expérience enseigne pourtant que, chroniquement sous-dotée et incapable de faire face aux calamités avec ses seuls crédits de LFI, la mission « Agriculture » fait partie des « abonnées » aux décrets d'avance.

III. LE DÉFICIT ET SES CONDITIONS DE FINANCEMENT

A. LE SOLDE GÉNÉRAL PRÉVISIONNEL SE DÉGRADE

Le solde général de l'Etat se détériore de 10 millions d'euros , passant de -91,628 milliards d'euros à -91,638 milliards d'euros ( cf . tableau).

L'évolution du solde général prévue par le projet de loi

(en millions d'euros)

En italiques et grisé : impact de la réforme de la fiscalité patrimoniale

Source : commission des finances, d'après le PLFR

1. Le solde du budget général et des budgets annexes

Comme indiqué plus haut, le solde du budget général se détériore de 495 millions d'euros, essentiellement en raison de la baisse des recettes fiscales nettes (-236 millions d'euros) et des recettes non fiscales (-262 millions d'euros). Les ouvertures et annulations nettes de crédits aboutissent à un solde positif de 3 millions d'euros, qui vient gager la légère détérioration du solde des budgets annexes (-3 millions d'euros).

2. Le solde des comptes spéciaux

Inversement, le solde des comptes spéciaux s'améliore de 488 millions d'euros, la dégradation liée à l'octroi d'une nouvelle tranche de prêt à la Grèce étant plus que compensée par le remboursement anticipé des prêts aux constructeurs automobile. Par ailleurs, deux mouvements équilibrés en dépenses et en recettes sont enregistrés.

a) Le remboursement anticipé des prêts aux constructeurs automobiles

2 milliards d'euros de recettes supplémentaires sont enregistrées sur le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », correspondant au remboursement anticipé des prêts accordés aux constructeurs automobiles dans le cadre du plan de relance . En 2009, ces prêts se sont élevés à un total de 6,25 milliards d'euros, dont 6 milliards d'euros répartis à parité entre Renault et PSA et 250 millions d'euros en faveur de Renault Trucks.

Ces prêts étaient des prêts non subordonnés à cinq ans, n'ayant pas le caractère de fonds propres et dont le remboursement du principal devait intervenir à l'échéance. Une possibilité de rachat anticipé était toutefois offerte aux constructeurs à partir du début de la troisième année , l'objectif étant d'inciter les constructeurs à rembourser l'Etat dès que possible. Une majoration du taux de rendement actuariel garanti était en outre prévue, afin d'inciter à une sortie rapide. Le mécanisme de paiement des intérêts était annuel, à terme échu à la date anniversaire du prêt.

Renault Trucks a remboursé courant novembre 2010 l'intégralité de sa créance (principal, coupon couru et indemnité de sortie anticipée). Renault et PSA ont procédé à des remboursements partiels anticipés par tiers (pour 1 milliard d'euros chacun) en septembre 2010 et en février 2011. Le dernier tiers restant dû, majoré du coupon couru, a été remboursé fin avril 2011. L'Etat aura perçu, en contrepartie de ces prêts, des intérêts d'un montant de 439,3 millions d'euros en 2010. La prévision pour 2011 s'est établie à 291 millions d'euros en LFI.

b) L'aide à la Grèce

1,51 milliard d'euros de crédits de paiement sont ouverts sur le programme « Prêts aux Etats membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro » du compte d'affectation spéciale (CAS) « Prêts à des Etats étrangers », en application du plan de soutien à la Grèce. Il convient de rappeler qu'en 2010, la France a déjà procédé à deux versements dans le cadre de ce plan. Le premier a été opéré le 18 mai 2010, pour un montant de 3,3 milliards d'euros, et le second le 13 septembre 2010, pour un montant de 1,1 milliard d'euros. La totalité des autorisations d'engagement avaient été ouvertes en loi de finances rectificative du 7 mai 2010 et engagées au moment de l'activation du plan de soutien. L'engagement total de la France atteint 16,8 milliards d'euros, montant déterminé en application de la « clé BCE » et qui représente 20,97 % du soutien total. 84,3 millions d'euros d'intérêts ont été enregistrés, en 2010 , au titre de ces prêts en recettes non fiscales de l'Etat.

Le montant ouvert par le présent collectif est l'addition :

1) d'1,4 milliard d'euros de tranche de prêt qui devait être versée en décembre 2010 , mais dont le paiement a été décalé en janvier 2011 compte tenu de retards dans les travaux de la mission d'inspection conjointe Commission européenne - Fonds monétaire international assurant le suivi de la situation financière grecque ;

2) de l'augmentation de 111,7 millions d'euros de cette tranche initiale, résultant du retrait de l'Irlande du dispositif de soutien. Selon l'exposé des motifs du projet de loi, ce retrait n'a pas d'impact in fine sur le montant total de la contribution acquittée par la France, mais entraîne une légère anticipation des versements, la régularisation finale étant prévue en 2013.

Les intérêts à percevoir en 2011 demeurent évalués à 326 millions d'euros.

c) Les mouvements neutres sur le solde : la budgétisation du financement de l'apprentissage et les dépenses de pensions

Deux mouvements équilibrés en recettes et en dépenses sont enregistrés sur les comptes spéciaux :

1) la création du compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage » - qui constitue, une fois n'est pas coutume, une rebudgétisation bienvenue - donne lieu à l'inscription de 601 millions d'euros (AE=CP) en recettes et en dépenses 87 ( * ) ;

2) un mouvement technique est en outre enregistré sur le compte d'affectation spéciale « Pensions » , à hauteur de 169 millions d'euros (AE=CP). Il s'agit de détailler deux mouvements en recettes et en dépenses qui, en tant qu'ils correspondaient à des versements croisés entre l'Etat et la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), avaient fait l'objet d'une contraction en loi de finances initiale 88 ( * ) . Cette correction est opportune et plus conforme au principe d'universalité budgétaire.

3. Les premiers mois de la gestion 2011

A la fin du mois de mars 2011, la situation mensuelle du budget de l'Etat faisait apparaître un creusement important du solde d'exécution budgétaire en comparaison de 2010. Celui-ci atteignait en effet -33,6 milliards d'euros, contre -29,2 milliards d'euros en 2010, à la même époque, soit un écart de -4,4 milliards d'euros à périmètre constant .

Comparaison des exécutions 2010 et 2011

(en millions d'euros, en cumul)

* Hors FMI

Source : commission des finances, d'après les situations mensuelles du budget de l'Etat

Comme l'indique le tableau qui précède, cet écart résulte :

1) de dépenses brutes supérieures de 1,79 milliard d'euros à ce qu'elles étaient au 31 mars 2010, soit une hausse des dépenses de personnel de 1,44 milliard d'euros, une hausse des dépenses d'investissement de 1,02 milliard d'euros, une hausse des dépenses de fonctionnement de 0,89 milliard d'euros et une baisse des dépenses d'intervention de 1,68 milliard d'euros. Selon les réponses au questionnaire, la hausse des dépenses de personnel s'explique principalement par une augmentation de la masse salariale à périmètre constant (+0,6 milliard d'euros en mars), mais également par des effets calendaires intéressant les personnels militaires. La hausse des dépenses d'investissement, et de fonctionnement est essentiellement de nature technique 89 ( * ) et la baisse des dépenses d'intervention est liée à l'extinction complète du plan de relance ;

2) de recettes fiscales brutes en hausse de 3,46 milliards d'euros , principalement au titre de la TVA (+2,82 milliards d'euros) et de l'IS (+697 millions d'euros) ;

3) de recettes non fiscales en baisse de 1,14 milliard d'euros , l'Etat ayant encaissé en 2010 une recette exceptionnelle 90 ( * ) non reconduite en 2011 ;

4) de prélèvements sur recettes en hausse de 7,22 milliards d'euros , essentiellement imputable à la disparition de la compensation relais de la réforme de la taxe professionnelle ;

5) d'un solde des comptes spéciaux qui se dégrade de 11,95 milliards d'euros , en raison du versement de la deuxième tranche de prêt à la Grèce (3,11 milliards d'euros), du creusement du solde du compte d'avances aux collectivités territoriales (-9,03 milliards d'euros) lié à la réforme de la taxe professionnelle et, en sens inverse, du remboursement anticipé des prêts aux constructeurs automobiles (+2 milliards d'euros).

Votre rapporteur général reviendra de manière approfondie sur l'impact budgétaire de la réforme de la TP dans le cadre de l'examen du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour 2010.

B. LA COUVERTURE DU BESOIN DE FINANCEMENT DE L'ETAT

1. Un besoin de financement maintenu à 189 milliards d'euros

La quasi-stabilité du déficit prévisionnel n'entraîne aucune révision du besoin de financement de l'Etat , qui demeure fixé à 189 milliards d'euros ( cf . tableau).

Tableau de financement de l'Etat en 2011

(en milliards d'euros)

Source : loi de finances initiale pour 2011

2. Les conditions de mise en oeuvre du programme de financement
a) Une demande toujours soutenue pour les maturités longues et les titres indexés

Fin avril 2011, l'encours de la dette négociable de l'Etat atteint 1 270 milliards d'euros, contre 1 229 milliards d'euros fin 2010. Elle est financée par 849 milliards d'euros d'OAT (66,8 %), 238 milliards d'euros de BTAN (18,7 %) et 184 milliards d'euros de BTF (14,5 %). La tendance au reflux de l'endettement à court terme se confirme donc, la part des BTF dans l'encours total ayant atteint 18,6 % fin 2009.

Selon l'information trimestrielle délivrée aux commissions des finances par l'Agence France Trésor, les émissions à moyen et long terme nettes des rachats s'élevaient à 60,6 milliards d'euros au 31 mars 2011, soit 32,8 % des 184 milliards d'euros annoncés pour 2011. Le degré d'avancement du programme de financement est donc comparable à celui de 2010 , réalisé à 33,3 % à la même époque. 62,7 milliards d'euros d'émissions brutes ont été réalisées, que compensent 2,1 milliards d'euros de rachats de titres de maturité 2012, destinés à limiter les tombées de dette et le besoin de financement 2012.

Selon l'AFT, la demande pour les titres de maturité longue et très longue reste soutenue , les émissions de titres de maturité supérieure ou égale à 15 ans représentant 19 % du total des émissions à taux fixe, contre 20,9 % en 2010 et 18,1 % en 2009. A la différence de 2010, où la demande pour les titres longs se concentrait sur la partie ultra-longue de la courbe 91 ( * ) , la demande 2011 se manifeste davantage sur la maturité 15 ans.

De la même manière, la demande pour les titres indexés 92 ( * ) sur l'inflation est particulièrement élevée depuis le début de l'année . Les émissions sur ce compartiment ont atteint 7,8 milliards d'euros au premier trimestre 2011, soit 12,4 % des émissions nettes, contre 10,9 % au total en 2009. Cette forte demande a permis d'émettre, au premier trimestre, les deux nouveaux titres annoncés fin décembre dans le programme détaillé 2011 : un nouveau titre de référence à 5 ans indexé sur l'inflation française (le BTAN i 25 juillet 2016) ainsi qu'un nouveau titre de référence à 15 ans indexé sur l'inflation européenne (l'OAT €i 25 juillet 2027).

La demande pour les titres de dette souveraine française se manifeste par des taux de couverture élevés des adjudications. Ainsi, au premier trimestre 2011 :

1) la demande de BTF a été 2,7 fois supérieure à l'offre (contre un ratio de 2,8 pour l'ensemble de 2010) ;

2) la demande de BTAN et d'OAT a été 2,5 fois supérieure à l'offre (2,1 en 2010).

b) Une légère remontée des taux d'intérêt

En 2011, les taux des émissions de BTF augmentent légèrement par rapport au quatrième trimestre 2010 ( cf . tableau). Ce phénomène a résulté de l'anticipation d'une hausse des taux directeurs de la BCE, intervenue début avril. Les taux moyens pondérés des émissions à plus d'un an (2,85 %) augmentent également sous l'effet des perspectives de reprise de la croissance en Europe et d'accélération de l'inflation. Ils demeurent néanmoins très inférieurs à leur moyenne de long terme (4,15 % sur 1998-2007).

Evolution des taux moyens pondérés

Source : Agence France Trésor

L'évolution des spreads au sein de la zone euro demeure heurtée . La situation des marchés a été marquée, début 2011 :

1) par les premières émissions de l'Union Européenne et du Fonds européen de stabilité financière (FESF) . Dans le cadre du plan d'assistance à l'Irlande, 5 milliards d'euros d'un titre de référence à 5 ans à 2,59 % ont été émis. Le 25 janvier, le FESF a, quant à lui, émis son premier titre à 5 ans pour un montant de 5 milliards d'euros au taux de 2,892 %. Pour ces deux transactions, les livres d'ordres ont respectivement atteint 20 milliards d'euros et 45 milliards d'euros, ce qui témoigne, selon l'AFT « du regain de confiance des investisseurs internationaux dans les émetteurs AAA en zone euro et dans les mécanismes européens de soutien au traitement de la crise » ;

2) par 2,5 milliards d'euros d'achats 93 ( * ) de titres irlandais, grecs et portugais par le Système européen de banques centrales (SEBC). L'AFT estime que ces achats ont contribué à la réduction des spreads des pays périphériques et au relatif bon déroulement des adjudications au Portugal et en Espagne au cours du mois de janvier. Début février, les spreads moyens contre l'Allemagne du Portugal 94 ( * ) et de l'Espagne s'établissaient respectivement à 328 points de base et 183 points de base, soit une baisse de respectivement 67 points de base et 25 points de base par rapport aux niveaux atteints à la fin de l'année 2010.

Un mouvement inverse s'est enclenché à compter de mars , dû, pour le Portugal , au rejet par le Parlement du programme d'austérité proposé par le gouvernement Socrates et, pour l'Irlande , aux incertitudes pesant sur le montant de la recapitalisation du secteur bancaire 95 ( * ) . L'AFT relève que ce phénomène ne s'est pas propagé aux spreads espagnol et italien 96 ( * ) , en raison de « la bonne réception par le marché de la série d'annonces relatives à la modification des fonds de soutien européens et à l'amélioration de la gouvernance européenne » . Ces annonces ont concerné le FESF, dont la capacité effective de prêt a été portée de 250 à 440 milliards d'euros et dont les prérogatives ont été étendues à l'intervention sur le marché primaire d'un pays sous programme, l'accord sur le Pacte pour l'euro, établissant une plus grande coordination des politiques de convergence et de compétitivité, ainsi que l'accord sur la future structure du Mécanisme européen de stabilité (MES) et ses conditions d'intervention.

Indicateur synthétique des écarts moyens de taux au sein de la zone euro
(du 1 er janvier 2008 au 21 avril 2011)

(en points de base ; 0 = conditions moyennes de financement dans la zone euro)

Les Etats dont la courbe est sous l'axe se financent à des conditions plus favorables que la moyenne.

Source : commission des finances, d'après l'AFT

Depuis le début de l'année, les trois principales agences de notation 97 ( * ) ont confirmé la notation AAA de la dette souveraine française.

TROISIÈME PARTIE - UNE RÉFORME BIENVENUE DE LA FISCALITÉ PATRIMONIALE

Même s'il compte un nombre d'articles relativement important et s'il aborde plusieurs thèmes, le présent projet de loi de finances rectificative vise, avant tout, à procéder à une réforme de la fiscalité patrimoniale .

Il s'agit de traduire dans les faits l'orientation qu'a fixée le Président de la République dès l'automne dernier. Votre rapporteur général, qui plaide, depuis plusieurs années pour une réforme en profondeur de ce pan de notre fiscalité, notamment aux côtés du président Jean Arthuis et de notre collègue Jean-Pierre Fourcade, ne peut que se féliciter de cette évolution.

De fait, notre « modèle » était devenu intenable dans le contexte de la mondialisation et était rejeté par une grande majorité de nos concitoyens, aux yeux desquels, en particulier, le bouclier fiscal était devenu un symbole d'injustice.

La réforme proposée, à la fois ambitieuse et équilibrée, mérite donc d'être soutenue dans son principe, quand bien même elle n'épuise pas - loin s'en faut - l'indispensable débat fiscal qu'il conviendra de proposer aux Français à l'occasion des prochaines échéances électorales nationales.

I. LA FISCALITÉ DU PATRIMOINE EN FRANCE : UN « MODÈLE » DEVENU INTENABLE DANS UN MONDE OUVERT

A. LE PATRIMOINE DES MÉNAGES FRANÇAIS

1. Le poids de l'immobilier et de produits financiers spécifiques

D'après le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) de 2009 sur le patrimoine des ménages, en 1997, la richesse nette des ménages s'élevait à un peu plus de 3 800 milliards d'euros courants, soit environ 160 000 euros par ménage. Fin 2007, elle s'élevait à près de 9 400 milliards d'euros, soit plus de 380 000 euros par ménage . Le rapport entre le patrimoine net et le revenu disponible brut des ménages, qui était resté stable sur la période 1987-1997, a fortement progressé après 1999 pour atteindre, fin 2007, plus de sept années et demi de revenu disponible.

Le CPO souligne que la progression du patrimoine net a été globalement plus forte en France que dans les autres pays de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) et explique cette croissance importante de la richesse nette des ménages par l'évolution des prix réels de l'immobilier. Ainsi, les résidences principales représentent 80 % du patrimoine immobilier, les résidences secondaires 10 %, tout comme les logements loués ou vacants.

D'après les résultats de la dernière étude de l'INSEE sur les revenus et le patrimoine des ménages publiée en avril 2011 98 ( * ) , 94 % des ménages vivant en France détiennent un patrimoine privé en 2010. Les deux tiers possèdent à la fois des actifs financiers et des biens immobiliers . Près d'un tiers des ménages ne détient que des actifs financiers. Enfin, seuls 4 % ne détiennent qu'un patrimoine immobilier.

Le patrimoine des ménage est composé pour 60 % d'immobilier, pour un tiers de patrimoine financier et, pour le reste, principalement de biens professionnels . L'absence de patrimoine est, quant à elle, souvent liée à un faible niveau de ressources et concerne plus particulièrement les ménages dont les ascendants ne disposaient pas eux-mêmes de patrimoine.

Répartition du patrimoine des ménages par actif

2009 en Mds€

2009/1999

Poids 2009

Patrimoine brut

10 060

+103%

100%

Patrimoine immobilier (dont terrains)

6 090

+158%

61%

Patrimoine financier

3 320

+54%

33%

.. dont dépôts et livrets fiscalisés

470

+67%

5%

.. dont livrets défiscalisés

340

+54%

3%

.. dont épargne contractuelle (PEL)

210

-22%

2%

.. dont valeurs mobilières

940

+23%

9%

.. dont assurance-vie et épargne retraite

1 360

+118%

13%

Autres actifs (dont professionnels)

650

+48%

6%

Passif financier

1 010

+106%

-

Patrimoine net

9 050

+103%

-

Produit intérieur brut

1 910

+39%

-

Revenu disponible des ménages

1290

+48%

-

Source : Insee, Comptes annuels et Banque de France, Comptes financiers ; calculs DGTrésor.

Notes : chiffres arrondis à la dizaine de Mds€ près ; 1250 Mds€ d'assurance-vie seule selon la FFSA.

De surcroît, on constate qu'une proportion importante et croissante de l'épargne des ménages est placée auprès d'intermédiaires financiers (près de 54 % du patrimoine financier total des ménages), via l'assurance-vie ou les organismes de placement collectif en valeur mobilières (OPCVM). Cela signifie qu'une part importante de l'épargne des ménages finance la dette publique nationale et étrangère .

Comme le souligne le CPO dans son rapport précité, la structure du patrimoine financier se caractérise depuis 1997 par :

- la fraction très importante, quoiqu'en régression, des dépôts, des placements et de l'épargne contractuelle , entre 35 % et 40 % du total entre 1997 et 2007 ;

- la part également très importante et en forte progression investie en contrats d'assurance-vie , autour de 30 % en moyenne sur la période ;

- enfin, le faible contenu de l'épargne en actions cotées détenues directement par les ménages , compensé toutefois par une part significative (de l'ordre de 12%) investie auprès d'organismes de placements collectifs.

Plus précisément, les détenteurs de patrimoine financier possèdent majoritairement un ou plusieurs livrets d'épargne (94%). L'assurance-vie est ensuite le deuxième produit le plus diffusé . Ainsi, 47 % des ménages disposant d'un patrimoine financier en possèdent au moins une. En outre, un ménage sur cinq possédant des actifs financiers détient des valeurs mobilières, 60 % d'entre eux par le biais d'un plan d'épargne en actions (PEA) et 59 % par l'intermédiaire d'un compte titre ordinaire. Enfin, la proportion de ménages disposant de produits d'épargne retraite s'élève à 18 % .

Composition du patrimoine financier des ménages français

Source : Banque de France, comptes financiers, calculs DGTrésor

Le patrimoine financier a augmenté à un rythme légèrement plus élevé que le produit intérieur brut, notamment en raison du dynamisme de l'assurance-vie , qui s'explique d'abord par une fiscalité très favorable et stable depuis dix ans, non seulement sur les revenus (intérêts, dividendes et plus-values) mais aussi sur les droits de successions.

Plus de 60 % des ménages placent leur épargne essentiellement en produits peu risqués mais moins rentables sur longue période.

2. Une composition du patrimoine des ménages qui diffère en fonction du niveau des revenus

Si le patrimoine reste fortement concentré, les 10 % des ménages les plus riches possédant près de la moitié du patrimoine brut total, les inégalités semblent moins fortes qu'à l'étranger , et sont restées stables depuis le début des années 1990. Si les inégalités s'expliquent d'abord par le revenu, l'âge et le niveau social, les transmissions intergénérationnelles jouent un rôle croissant.

La composition du patrimoine diffère fortement selon le montant du patrimoine détenu. En effet, plus les ménages détiennent du patrimoine, plus ils diversifient leurs placements . Les ménages disposant de peu de patrimoine l'investissent quasiment intégralement sur des livrets défiscalisés. Puis, à mesure qu'ils dépassent les plafonds réglementaires, ils diversifient, d'abord avec de l'épargne logement, puis un peu d'assurance-vie. Ensuite, les ménages achètent leur résidence principale. Enfin, ils augmentent la part de l'assurance-vie et des valeurs mobilières. Pour ces dernières, la proportion dans le patrimoine du dernier décile est trois fois plus forte que celle du 9 ème décile. Les ménages les plus aisés possèdent une part plus importante de placements risqués .

Composition du patrimoine par décile de patrimoine

Source : Enquête patrimoine 2004 ; calculs DGTrésor ; l'augmentation de la part des actifs professionnels pour le dernier décile est le fait de la présence parmi les ménages d'entrepreneurs individuels, dont le montant de capital productif les place de facto dans le haut de la distribution des patrimoines.

Dans le détail , selon l'enquête sur le patrimoine des ménages publiée par l'INSEE en 2004, les 50 % de ménages aux patrimoines les plus faibles détiennent 8 % du patrimoine global ; les 10 % de ménages les plus riches en patrimoine en détiennent 48 %, les 5 % les plus riches 35 %.

De plus, en dehors des livrets défiscalisés, de l'épargne logement et de la résidence principale, les autres composantes du patrimoine sont très fortement concentrées chez les ménages aisés :

- plus de 80 % des valeurs mobilières hors assurance-vie (mais y compris PEA) sont détenus par les 10 % des ménages les plus riches ;

- les actifs immobiliers autres que la résidence principale sont concentrés aux deux tiers chez les 10% de ménages les plus riches ;

- enfin, il convient de souligner que près des deux tiers de l'assurance-vie est détenue par 10 % des ménages les plus riches.

3. Quelques comparaisons internationales

Le patrimoine brut des ménages français se situe à une position intermédiaire (huit années de revenu disponible brut - RDB), comme l'illustre le graphique suivant.

Patrimoine des ménages rapporté au revenu disponible brut

Source : Réseau des services économiques, année de référence la plus récente possible (2008 ou 2009) ; les données de l'OCDE sont parcellaires sur ce point ; pour le Royaume-Uni, il s'agit de patrimoine net ; données de RDB de l'OCDE ; calculs DGTrésor.

L'épargne des ménages varie entre les pays. La France est l'un des pays ayant le plus fort taux d'épargne , à hauteur de près de 16 % du RDB.

Taux d'épargne des ménages en 2009

Source : Comptabilités nationales ; calculs DGTrésor.

Notes : Taux d'épargne = 1- consommation / RDB.

La composition du patrimoine diffère également entre les pays avec une part des actifs financiers qui va d'un peu plus du quart du patrimoine à plus de la moitié. La France se distingue par une composante non financière sensiblement supérieure à celle observée ailleurs . La situation du Royaume-Uni (onze années de revenu disponible brut) s'explique en partie par son système de retraite privé très développé. En effet, dans ce pays, les fonds de pension représentent 40 % du patrimoine des ménages. Ceux-ci existent aussi dans d'autres pays, tels les États-Unis, où ils représentent moins de 20 % du patrimoine. Le patrimoine financier est composé d'une part plus ou moins importante d'actifs risqués, la France se situant dans la moyenne et les Etats-Unis en tête .

Source : Réseau des services économiques, année de référence la plus récente possible (2008 ou 2009) ; calculs DGTrésor

B. UNE FISCALITÉ COMPLEXE ET PÉNALISANTE

1. Fiscalité patrimoniale : de quoi parle-t-on ?

Même s'il est devenu un « totem », l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ne résume pas, à lui seul, la fiscalité du patrimoine en France. Il n'en constitue même qu'une fraction relativement modeste.

En effet, le patrimoine des ménages est taxé au travers des revenus qu'il engendre, de sa transmission et au titre de sa détention.

Selon les données de l'année 2009, le total de ces prélèvements s'élève à 55,9 milliards d'euros :

- 9,2 milliards d'euros concernant les revenus récurrents, comme les intérêts et les dividendes (8,9 milliards d'euros pour l'impôt sur le revenu et 10,9 milliards d'euros de prélèvements sociaux, desquels il convient de déduire les 628 millions d'euros restitués du fait du bouclier fiscal) ;

- 17,1 milliards d'euros frappant le stock de capital , dont seulement 3,2 milliards d'euros au titre de l'ISF mais 13,9 milliards d'euros de produit de taxe foncière sur le bâti et le non bâti ;

- enfin, 19,6 milliards d'euros s'appliquant aux transmissions et aux cessions (7,4 milliards d'euros pour les droits de mutation à titre gratuit, 7,4 milliards d'euros pour les droits de mutation à titre onéreux, 2,8 milliards d'euros sur les plus-values mobilières et immobilières - qui relèvent formellement de l'IR - et 2 milliards d'euros au titre des prélèvements sociaux sur ces mêmes plus-values).

L'ISF ne représentait donc, en 2009, que 18,7 % de la fiscalité relative à la détention du patrimoine, et 5,7 % de l'ensemble des impôts patrimoniaux .

La fiscalité du patrimoine en 2009

(en milliards d'euros et en % du total)

Taxation des transmissions et cessions

Taxation des revenus du patrimoine

Taxation du stock de patrimoine

Source : commission des finances, d'après CPO

2. Les graves défauts du « modèle » français
a) Une imposition à toutes les étapes, avec des taux nominaux élevés

La France taxe donc le capital à toutes les étapes : lors de la constitution ou de l'accroissement de celui-ci, lors de sa détention et lors de sa transmission - à titre gratuit ou onéreux.

Cette taxation fait partie des plus lourdes de l'Union européenne , ce que montre le schéma ci-dessous.

Taux d'imposition implicite des revenus du capital dans l'Union européenne

Source: Services de la Commission européenne, données 2008. «Monitoring tax revenues and tax reforms in EU Member States 2010» . Le taux d'imposition implicite des revenus du capital divise l'ensemble des impôts pesant sur le capital et ses revenus par l'ensemble des revenus taxables du capital.

De plus, le « modèle français » n'apparaît pas optimal, s'agissant d'une assiette souvent mobile : les taux affichés sont élevés , voire très élevés, ce qui permet de montrer à l'opinion publique la sévérité du système à l'égard des « possédants ». Mais, afin de rendre cette fiscalité supportable par les intéressés, de multiples échappatoires ont été créées sous forme de niches fiscales ou de produits défiscalisants (comme les livrets d'épargne réglementée, l'épargne-logement, les plans d'épargne en actions, etc.).

b) Un ISF devenu une originalité coûteuse

Pour ce qui concerne plus précisément l'ISF, les données exposées supra relativisent quelque peu son poids ainsi que son importance en termes budgétaires. Néanmoins, cet impôt présente des défauts d'autant plus sérieux qu'il tend, de plus en plus, à singulariser la France parmi les autres pays européens.

Auditionné par votre commission des finances le 2 février 2011 99 ( * ) , Jeffrey Owens, directeur du centre de politique et d'administration fiscales à l'OCDE, a ainsi souligné que dix pays, dont la Suède, l'Allemagne, la Suisse et les Pays-Bas, collectaient un impôt périodique sur la détention d'un actif net (comme l'ISF) en 1976 puis que, si cinq pays se sont ajoutés à la liste jusqu'en 1995 , « depuis lors, on observe un véritable recul des taxes de ce type ». L'orateur a déclaré qu'actuellement, seules la France, la Norvège et la Suisse ont un système équivalent , ainsi que les Pays-Bas qui disposent d'un mécanisme particulier, lequel sera brièvement décrit dans l'encadré ci-après.

Votre rapporteur général a essayé, à plusieurs reprises, de rendre compte du handicap que représente l'ISF pour la France en termes économiques, notamment au travers de la question de l'exil fiscal de certains assujettis 100 ( * ) . Si, en la matière, il est vain d'espérer disposer de mesures précises du phénomène, de nombreuses sources convergent pour en confirmer la réalité, qu'il s'agisse de responsables de l'OCDE au cours de l'audition précitée ou, plus proches du terrain, de notaires 101 ( * ) qui reçoivent et conseillent les candidats au départ.

De fait, l'ISF cumule, à divers niveaux, des effets le rendant particulièrement répulsif pour la grande majorité de ses redevables :

- ses modalités déclaratives sont lourdes et souvent ressenties comme inquisitoriales par les intéressés ;

- en bas de l'échelle, l'évolution des prix de l'immobilier au cours des dix dernières années a abouti à la soumission à cet impôt sur la « fortune » de contribuables appartenant objectivement, par leurs sources de revenus et leur mode de vie, aux classes « moyennes-supérieures » , du seul fait qu'ils possèdent un logement dans des zones devenues spéculatives ;

- pour les tranches supérieures, les taux de l'ISF apparaissent prohibitifs, voire confiscatoires en fonction de la composition du patrimoine. Le taux de la dernière tranche s'élève ainsi à 1,8 %, ce qui est particulièrement élevé au vu du niveau actuel du rendement des actifs, que donne le tableau de la page suivante (limité, de surcroît, aux actifs financiers, alors même qu'une partie du patrimoine des redevables ne leur rapporte rien).

A cet égard, il convient de rappeler que, lors de la création de l'ISF en 1989, le gouvernement Rocard a prévu de plafonner l'ISF de sorte que le total de cet impôt et des impositions sur le revenu n'excède pas 70 % du revenu imposable des assujettis 102 ( * ) . Il s'agissait de ne pas encourir le reproche de revenir à une fiscalité « punitive » et confiscatoire comme avait pu l'être l'ancien impôt sur les grandes fortunes (IGF). Cependant, la loi de finances pour 1996 a plafonné la diminution d'ISF pouvant résulter de ces dispositions (« plafonnement du plafonnement de l'ISF »), à la moitié du montant de cotisation « normale » des intéressés ou, s'il est supérieur, au montant de l'impôt correspondant à un patrimoine taxable égal à la limite supérieure de la troisième tranche du tarif. Cette dernière mesure a rendu de nouveau possible la survenue de situations dans lesquelles des contribuables pourraient être contraints d'aliéner une partie de leur patrimoine afin d'acquitter leurs impôts directs. C'est pour y remédier qu'a été instauré le bouclier fiscal - qui peut donc s'analyser comme un « plafonnement du plafonnement du plafonnement » de l'ISF...

Rendement nominal avant impôts calculé pour certains véhicules d'épargne
(pour l'année 2009)

Véhicule

Rendement

Liquidités

1,3 %

Epargne contractuelle

2,5 %

Obligations

3,3 %

Actions

3,1 %

Assurance-vie

3,7 %

Source : Banque de France, AFER, INSEE, Reuters, calculs DG Trésor

Ce tableau montre donc que, pour un patrimoine constitué uniquement des actifs les plus rentables (assurance-vie), la dernière tranche de l'ISF représente déjà un taux d'imposition de 48,6 %. Cependant, cette hypothèse d'école ne correspond pas à la réalité des choses : les personnes disposent de patrimoines diversifiés, dont une partie - non mentionnée dans le tableau précédent - ne leur rapporte rien, sinon une valeur d'usage (résidence principale, en particulier). Dès lors, un taux de 1,8 % apparaît comme anormalement élevé et quasiment confiscatoire.

Le système néerlandais des « boîtes » : l'intégration d'un impôt sur le patrimoine au sein de l'impôt sur le revenu

Au cours d'un déplacement aux Pays-Bas, les 18 et 19 avril 2011, une délégation du bureau de votre commission des finances s'est intéressée au système néerlandais d'impôt sur le revenu fondé sur la catégorisation de ceux-ci en trois « boîtes » :

- une première boîte, relative aux revenus du travail et à la résidence principale (sur la base d'un « loyer fictif » duquel sont déduites les charges d'emprunt, le total ne pouvant jamais être supérieur à zéro), auxquels s'applique un barème progressif ;

- une deuxième boîte , concernant les « revenus de participations substantielles » (supérieures à 5 %), taxés au taux proportionnel de 25 % ;

- une troisième boîte , frappant formellement les « revenus d'épargne et d'investissement » à un taux de 30 %.

Dans le cadre de la présente réforme, c'est cette dernière boîte qui apparaît la plus intéressante, certains observateurs l'assimilant à une forme d'ISF. En effet, les revenus d'épargne des contribuables sont estimés forfaitairement , pour le calcul de l'impôt, à 4 % de la valeur vénale du patrimoine. Ce sont donc ces revenus théoriques qui subissent le taux de 30 % précité. En pratique, ce système est très proche d'un ISF dont le taux unique serait fixé à 1,2 %.

Cependant, comme les représentants du ministère néerlandais des finances entendus par la délégation l'ont confirmé, l'impôt de la troisième boîte peut se concevoir comme un impôt sur le revenu :

- d'une part, parce qu'il se substitue à toute taxation des revenus qu'engendre réellement ledit patrimoine . Il s'agit donc bien d'une modalité particulière de calcul des revenus , à la fois simple et tendant à inciter les contribuables à privilégier les investissements les plus dynamiques ;

- d'autre part, de manière accessoire, parce que le niveau du taux forfaitaire fait l'objet d'un débat politique aux Pays-Bas, sa pertinence étant parfois remise en cause au vu des conditions économiques actuelles (le taux d'imposition stricto sensu, c'est-à-dire 30 %, paraissant plus consensuel).

c) Le bouclier fiscal : un cautère devenu inacceptable pour nos compatriotes

Codifié aux articles premier et 1649-0 A du code général des impôts, le bouclier fiscal a été instauré dans le cadre de la loi de finances pour 2006 pour ôter à la fiscalité française le caractère confiscatoire qu'elle pouvait présenter pour certains contribuables, selon le principe évoqué dans l'article XIII de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, qui dispose que « pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en fonction de leurs facultés ».

Le Conseil constitutionnel , dans sa décision n° 2005-530 DC du 29 décembre 2005 relative à la loi de finances pour 2006, avait expressément validé cette exigence , en indiquant qu'elle « ne serait pas respectée si l'impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives » et que, dès lors, l'article 74 de la loi de finances pour 2006 instaurant le bouclier fiscal, « loin de méconnaître l'égalité devant l'impôt, tend à éviter une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ».

Votre rapporteur général avait souligné dès l'origine le « péché originel » du bouclier fiscal, à savoir le choix d'une procédure dite « contentieuse » en lieu et place de « l'autoliquidation » du bouclier. Celle-ci peut se définir comme l'imputation de la créance, née du droit à restitution, sur l'impôt de solidarité sur la fortune, la taxe foncière sur les propriétés bâties, la taxe foncière sur les propriétés non bâties et la taxe d'habitation. Cette situation était à l'origine d'une certaine incompréhension du bouclier fiscal. En effet, les contribuables comprenaient difficilement pourquoi ils devaient d'abord acquitter leurs impôts, au-delà même du plafond de 50 % de leurs revenus, pour se voir restituer ensuite les sommes indûment payées. En outre, ce mécanisme nourrissait des rumeurs - relayées par la presse - de versement de « chèques » à des contribuables par l'administration fiscale, sapant la légitimité d'un dispositif dont le principe était pourtant pertinent.

Dans sa version initiale, le mécanisme disposait que la somme de l'impôt sur la fortune, de l'impôt sur le revenu, des taxes foncières et de la taxe d'habitation ne dépasse pas 60 % des revenus nets de frais de professionnels et des produits soumis à prélèvements libératoires, desquels il convient de retrancher les déficits catégoriels dans les règles prévues à l'article 156 du code général des impôts.

Ce dispositif a été singulièrement renforcé par la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA) . Depuis lors, les mêmes impositions qu'auparavant, auxquelles se sont ajoutés les prélèvements sociaux, ne doivent pas excéder la moitié des revenus.

Or, le contexte a radicalement changé depuis 2007, et il apparaît que, dans un contexte de crise économique, de tension budgétaire et donc d'accroissement des prélèvements obligatoires, le bouclier fiscal n'est plus aujourd'hui un outil adapté . Au contraire, beaucoup de nos concitoyens le considèrent comme un symbole d'injustice dès lors que son maintien tend à exonérer de l'effort commun les plus aisés de nos compatriotes. Le bouclier a ainsi été de plus en plus contesté depuis sa création.

Un vif débat a d'abord eu lieu au moment de la création d'un prélèvement supplémentaire de 1,1 % sur les revenus du patrimoine afin de financer la création du revenu de solidarité active (RSA). L'inclusion de ce prélèvement au sein du bouclier a suscité de fortes critiques fondées sur le fait que les contribuables les plus favorisés seraient paradoxalement les seuls à ne pas participer à l'effort demandé à tous les autres.

A l'inverse, tirant les leçons de ce débat, la loi de finances pour 2011 a explicitement exclu du bénéfice du bouclier fiscal la contribution supplémentaire de 1 % sur les hauts revenus et les revenus du capital en faveur du financement de la réforme des retraites. Une telle évolution montrait bien que le bouclier fiscal tendait à se fissurer et qu'il était temps de revoir l'économie générale du système .

d) Une fiscalité des revenus de l'épargne devenue incompréhensible

Enfin, pour évoquer dans la présente partie un sujet connexe à la fiscalité patrimoniale, la structure des prélèvements affectant les revenus que les Français tirent de leur épargne apparaît comme un modèle de complexité .

Il faut d'abord signaler que ces revenus, sauf exception 103 ( * ) , ne figurent pas dans le barème de l'IR mais font l'objet de prélèvements libératoires.

Ensuite, le niveau de taxation « de droit commun » est élevé et tend à s'alourdir au fil du temps : il s'établit désormais à 19 % pour la plupart des revenus ainsi que des plus-values (mobilières ou immobilières).

A ce taux s'ajoutent les contributions sociales , dont le taux global est passé de 1 % en 1990 à 12,3 % cette année, ce dont rend compte le graphique suivant, extrait du récent rapport 104 ( * ) du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) relatif aux prélèvements obligatoires sur les ménages.

Évolution des taux de prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine

Source : CPO

Le prélèvement devant théoriquement s'appliquer aux revenus de l'épargne s'établit donc, en tenant compte de tous ces éléments, à 31,3 % , ce qui est un niveau conséquent - supérieur au taux de la deuxième tranche de l'IR.

Mais, de manière encore plus marquée que dans d'autres domaines, ces dispositions ordinaires peuvent être contournées par de multiples niches, tant, au fil du temps, le pouvoir politique a accumulé des dispositifs dérogatoires, coûteux et dont la cohérence globale ne saute pas aux yeux. A l'occasion de la table-ronde des économistes organisée par votre commission des finances le 9 février 2011 (et annexée au présent rapport), David Thesmar a ainsi souligné que « la fiscalité française du patrimoine se caractérise par sa complexité et par la multiplicité des dispositifs dont les finalités peuvent être contradictoires entre elles. On cherche aussi bien à favoriser l'épargne risquée (un tiers de l'épargne des ménages avec incitation fiscale) que non risquée (40 % de l'épargne des ménages avec incitation fiscale), l'épargne liquide que l'épargne bloquée. Au total, le résultat de l'ensemble de ces incitations fiscales est neutre, voire légèrement défavorable à l'épargne risquée selon une étude récente du Trésor. Par ailleurs, cette complexité a pour conséquence un effet de redistribution à l'envers puisque pour pouvoir bénéficier des dispositifs dégressifs, il est nécessaire initialement de disposer de revenus relativement importants. La poursuite simultanée des logiques progressive et dégressive est un exemple supplémentaire de conflit d'objectifs . Au total, l'accumulation de priorités traduit le manque de priorités globales ».

Sans prétendre à l'exhaustivité, le tableau suivant retrace les principaux dispositifs existants, en mettant en regard leur coût et les objectifs qu'ils poursuivent. S'il montre une relative prédominance de l'incitation à l'épargne à long terme, la dimension « entreprises » apparaît moins clairement.

Les principaux dispositifs dérogatoires en matière de revenus de l'épargne

Coût estimé pour 2011 (en millions d'euros)

Encouragement de l'épargne à long terme

Encouragement de l'épargne en actions

Exonération des plus-values sur la cession de la résidence principale

700

Indifférent

Non

Abattements sur certains revenus fonciers

100

Oui

Non

Exonération d'IR et de contributions sociales des intérêts des livrets d'épargne réglementée (livret A, LDD...)

355

Non

Non

Exonération d'IR des revenus du plan d'épargne logement et du compte épargne logement

440

Indifférent

Non

Fiscalité privilégiée de l'assurance-vie

1 000

Oui

Indifférent

Exonération d'IR des revenus des placements et des plus-values des plans d'épargne en actions

315

Oui

Oui

Exonération d'impôt des avantages liés aux plans d'épargne entreprise (PEE) ou aux plans d'épargne retraite collective (PERCO)

100

Oui

Oui (*)

Réductions d'IR et d'ISF au titre des investissements dans les PME

1143

Oui

Oui

Réduction d'IR encourageant l'immobilier locatif (Scellier, Robien...)

700

Oui

Non

(*) Non du fait d'une obligation légale mais en pratique, au vu des profils d'investissement de ces plans

Source : commission des finances, d'après l'annexe « Voies et moyens » au PLF 2011

3. Les conséquences de ces (non-)choix

Cette architecture, davantage fruit de la succession de mesures éparses que d'une stratégie globale, présente plusieurs graves défauts :

- en termes d' efficacité , l'Etat ne percevant que des produits relativement faibles et ayant, en pratique, une marge d'action réduite sur les taux ;

- en termes de compétitivité , ce qu'illustre le phénomène de l'exil fiscal précédemment évoqué ;

- en termes d' équité . Alors même que l'ISF est douloureusement ressenti par la plupart de ses redevables, l'instauration du bouclier fiscal a été perçue comme injuste par les Français.

Comme l'a résumé crûment Michel Taly lors de la table-ronde au cours de laquelle votre commission des finances a réuni des fiscalistes, le 2 mars 2011 (compte-rendu annexé au présent rapport), « il y a trois manières de taxer le capital : la détention annuelle,(...) les plus-values et les transmissions à titre gratuit. La France a fait le choix de frapper lourdement ces trois éléments puis, comme ce système était insupportable, de créer des niches permettant d'y échapper. Cela a surtout créé de l'inéquité et une taxation faible pour les contribuables ayant les moyens de rémunérer des conseils ».

Une réforme s'impose donc. Votre commission des finances l'affirme depuis plusieurs années déjà et a proposé, dans le cadre de l'examen des trois dernières lois de finances initiales, un amendement dit « triptyque » 105 ( * ) tendant à :

- abroger le bouclier fiscal ;

- supprimer l'ISF ;

- et, pour assurer la neutralité budgétaire de l'opération, instaurer une tranche supplémentaire d'IR pour les contribuables disposant de revenus très élevés.

II. LA RÉFORME PROPOSÉE PAR LE PRÉSENT PROJET DE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE

Le présent projet de loi de finances ne reprend pas à son compte le schéma du triptyque précité, il est vrai difficile à mettre en oeuvre en une année telle que 2011. Votre rapporteur général considère néanmoins qu'il propose des mesures équilibrées et allant dans le bon sens, même si elles n'épuisent pas le débat fiscal, qui devrait être l'une des pierres angulaires de la prochaine campagne présidentielle. En ce sens, ce texte constitue une première étape intéressante.

A. L'INDISPENSABLE SUPPRESSION DU BOUCLIER FISCAL

Le projet de loi de finances rectificative tire les conséquences de l'évolution de la conjoncture économique depuis 2007, ainsi que de la contestation croissante du mécanisme du bouclier fiscal, d'autant plus que son bilan est mitigé. La suppression du bouclier s'accompagne cependant d'un aménagement substantiel de l'ISF et de la suppression du plafonnement, qui constituent le corollaire indispensable de la réforme.

1. Un bilan mitigé du point de vue de l'attractivité et de la compétitivité

Le bouclier fiscal, s'il est simple dans son principe, est complexe dans ses modalités, et son apparition n'a pas contribué à simplifier le calcul de l'impôt. C'est peut-être en partie pour cela, que, quatre ans après son instauration, il n'a pas abouti aux résultats escomptés pour ce qui concerne l'évolution des exils fiscaux . De ce point de vue, les dernières données disponibles apparaissent ambiguës. Ainsi, en 2008, le nombre des exilés fiscaux s'établissait à 846 contre 843 en 2006, 312 expatriés fiscaux étant revenus en France, contre 226 en 2006.

Au regard de ces chiffres, il est évident que l'amplification du bouclier fiscal n'a pas eu l'effet massif espéré. La récurrence de la mise en cause du bouclier fiscal dans le débat public et l'instabilité fiscale n'ont pas encouragé non plus les intéressés à prendre une décision aussi lourde que celle d'un retour en France.

2. Un montant global conséquent, une répartition très inégale selon les bénéficiaires du bouclier fiscal

D'après les derniers chiffres provisoires disponibles et transmis par le Gouvernement, le dispositif du bouclier fiscal a coûté 591 millions d'euros en 2010 . Le montant moyen restitué aux quelque 14 400 bénéficiaires du bouclier fiscal s'est élevé à 40 908 euros lors de la campagne 2010 . Ce dispositif a profité à un nombre réduit de personnes. En effet, les 1 000 premiers contribuables, soit 7 % des bénéficiaires, ont perçu une restitution moyenne de 365 000 euros et totalisé ainsi 63 % des dépenses.

Néanmoins, il est normal de constater, une nouvelle fois, que le coût du bouclier fiscal se concentre particulièrement sur les contribuables dont le patrimoine se situe dans les trois dernières tranches de l'impôt de solidarité sur la fortune (patrimoine supérieur à 7 570 000 euros) et dans le dernier décile des revenus (revenu fiscal de référence supérieur à 44 980 euros). En effet, ces personnes sont à la fois les plus gros contributeurs et les principales « victimes » du plafonnement du plafonnement de l'ISF, que l'instauration du bouclier fiscal avait notamment pour objet de corriger. Les 5 407 foyers concernés ont perçu, au total, 531,6 millions d'euros, soit 90 % des sommes restituées. Les 925 contribuables les plus favorisés (patrimoine supérieur à 16 480 000 euros et revenu fiscal de référence supérieur à 44 980 euros) ont perçu 352,2 millions d'euros , soit une restitution moyenne de 380 728 euros par foyer.

A l'autre bout de l'échelle, près de la moitié des bénéficiaires, soit 47 %, n'ont représenté que 3 % des dépenses. Il s'agit des « contribuables disposant de faibles revenus et n'étant pas assujettis à l'ISF mais éligibles au bouclier fiscal au titre de leur taxe foncière ».

Enfin, le nombre de personnes affichant moins de 3 500 euros de revenus et plus de 16,5 millions de patrimoine a doublé en un an, atteignant 32.

Parmi les bénéficiaires, 3 672 (25%) ne sont pas assujettis à l'ISF. Si la proportion de ces contribuables s'érode depuis la mise en place du bouclier (ils représentaient les deux tiers des bénéficiaires, la première année), c'est la première fois que l'on constate une chute en nombre absolu des « non-ISF » , qui étaient encore 8 675, soit 53 %, il y a un an. Le remboursement moyen des bénéficiaires non assujettis à l'ISF s'établit à 762 euros, pour un coût de 2,8 millions d'euros (0,4 % du coût total du bouclier).

Les 10 771 bénéficiaires redevables de l'ISF captent donc 588 millions d'euros (54 591 euros par dossier). Il est à noter que le nombre de ces bénéficiaires a crû de 3 096 unités entre février 2010 (bouclier 2009) et février 2011 (bouclier 2010).

3. La suppression du bouclier fiscal

Le projet de loi propose la suppression du plafonnement de l'ISF et du bouclier fiscal à partir des restitutions dues au titre des impôts directs afférents aux revenus de l'année 2011 qui seront payés en 2012. Cependant, les redevables de l'ISF en 2012 seront encore titulaires d'un droit à restitution au titre des impositions payées en 2011.

La suppression du bouclier ne sera pas rétroactive , ce qui signifie qu'elle ne concernera pas les revenus déjà acquis. Il apparaissait en effet difficile de supprimer le bénéfice du bouclier fiscal dès 2011 , donc au titre des revenus 2010, pour des raisons de sécurité juridique . Dans la mesure où le droit à restitution intervient avec une année de décalage par rapport au moment du paiement des impôts, sa suppression dès l'entrée en vigueur de la loi pénaliserait à coup sûr les contribuables qui ont décidé d'investir sur la base du droit actuel.

En outre, dans la mesure où la réforme relative aux taux de l'ISF n'interviendra qu'à compter de 2012, les contribuables seraient doublement pénalisés et risqueraient de se retrouver dans une situation où l'impôt serait confiscatoire . Le Gouvernement s'exposerait alors au risque d'une censure du Conseil constitutionnel.

4. Une autoliquidation obligatoire

A la différence du système actuel, les redevables de l'ISF en 2012 , titulaires d'un droit à restitution au 1 er janvier 2012 au titre des impôts acquittés cette année, devront exclusivement liquider leur droit à restitution sur cet impôt . Cela signifie que ces derniers devront déduire eux-mêmes du montant de l'ISF qu'ils doivent acquitter les sommes qu'on leur reverse au titre du bouclier fiscal.

D'après les derniers chiffres transmis par le Gouvernement, « l'autoliquidation » du bouclier fiscal sur l'ISF s'est nettement développée en 2010 . Au total, 209,1 millions d'euros ont été « autoliquidés », soit 35,4 % du coût total du bouclier fiscal, contre 24,2 % l'an dernier . Cette progression importante sur une année laisse à penser que le passage à l'autoliquidation obligatoire devrait donc s'effectuer sans difficulté pour les contribuables concernés.

5. Les recettes attendues

D'après les chiffres transmis par le Gouvernement, la suppression du bouclier fiscal représentera un gain de 300 millions en 2012, 420 millions en 2013, et 720 millions pour l'État à compter de 2014 . Compte tenu des règles d'autoliquidation prévues, le gain sera progressif jusqu'en 2014.

Néanmoins, la réforme globale pose un problème de financement ponctuel . En effet, il existe un décalage entre la mise en place de la réforme de l'ISF, étalée sur 2011 et 2012, et la fin du droit à restitution, qui n'interviendra concrètement qu'au premier janvier 2013. Les impôts acquittés en 2011 au titre des revenus 2010 donneront droit à restitution pour les redevables de l'ISF, à hauteur de 700 millions d'euros l'an prochain. Les contribuables auront jusqu'au 31 décembre de l'année suivante pour faire valoir leur droit à restitution. L'allègement de l'ISF, lui, sera pleinement effectif dès 2012. Dans ce contexte, 300 à 400 millions d'euros supplémentaires seraient nécessaires pour financer la réforme en 2011 et 2012.

Le Gouvernement a annoncé que l'équilibre financier du texte serait garanti par la prise en compte du produit de la lutte contre l'évasion fiscale, évalué à 300 millions d'euros en 2011, 390 millions d'euros en 2012 et 210 millions d'euros en 2013. Votre rapporteur général estime qu'il est légitime de financer par des recettes exceptionnelles une dépense temporaire . En effet, la mise en oeuvre dès cette année d'une partie de la réforme de l'ISF, à savoir la suppression de la première tranche, crée un besoin de financement pour 2011.

6. Le plafonnement de la taxe foncière pour tenir compte de la situation des redevables modestes propriétaires de leur logement

Le projet de loi de finances rectificative prévoit opportunément, parallèlement à la suppression du bouclier fiscal, à son article 14, le maintien d'un dispositif de protection pour les personnes aux faibles revenus (non assujetties à l'ISF), mais qui, étant propriétaires de leur logement, payent des taxes foncières parfois sans commune mesure avec leurs revenus réels.

Un plafonnement de la taxe foncière relative à l'habitation principale pour tenir compte des revenus des redevables est donc instauré, sur le modèle du dispositif existant en matière de taxe d'habitation. Les redevables concernés continueront par conséquent à se faire rembourser par l'État si leur taxe foncière sur le bâti dépasse 50 % de leurs revenus.

D'après l'évaluation préalable de l'article 14, le coût de ce dispositif s'élèverait à 7 millions d'euros en 2012, 2013 et 2014, et serait pris en charge par l'Etat .

B. UNE ÉVOLUTION DE L'ISF LE RENDANT PLUS ACCEPTABLE D'UN POINT DE VUE ÉCONOMIQUE

Si l'abrogation du bouclier fiscal est donc nécessaire, elle ne saurait s'effectuer de manière « sèche », sauf à retomber dans les travers traditionnels de l'ISF. C'est pourquoi le présent projet de loi de finances propose une réforme de cet impôt afin de le rendre plus supportable par ses redevables.

1. Une suppression de la première tranche répondant, en pratique, à la question de la résidence principale

La refonte du barème figurant à l'article premier de ce texte commence par une modification du point d'entrée dans l'ISF : au lieu de 800 000 euros comme actuellement, celui-ci passerait à 1,3 million d'euros .

Cela revient à exclure les assujettis de l'actuelle première tranche de l'impôt, soit environ 300 000 ménages , c'est-à-dire plus de la moitié des redevables.

De manière très pratique, sans entrer dans de vaines querelles sur le niveau à partir duquel commence la « fortune » d'un individu ou d'un ménage, cette évolution tend à répondre de manière concrète à la situation des personnes entrées dans l'ISF du seul fait de l'accroissement récent des prix de l'immobilier , particulièrement sensible depuis dix ans dans des zones telles que la région parisienne.

De ce fait, le nombre de personnes qui demeureront assujetties à cet impôt en raison de la seule valeur de leur résidence principale sera très substantiellement réduit .

Or, comme votre rapporteur général l'avait exposé dans le tome I de son rapport sur le projet de loi de finances pour 2011 106 ( * ) , la constitutionnalité de toute mesure d'exonération visant spécifiquement la résidence principale n'aurait pas été acquise, loin s'en faut . En effet, une telle mesure serait examinée par le Conseil constitutionnel en mettant en balance l'entorse à l'égalité devant l'impôt ainsi constituée et l'objectif d'intérêt général poursuivi. Or, cet objectif serait probablement difficile à définir pour ce qui concerne la propriété de la résidence principale des assujettis alors même qu'elle constitue de façon indiscutable une faculté contributive, par exemple en ce qu'elle permet d'économiser le montant de son loyer. A cet égard, il convient de rappeler que l'actuel abattement de 30 % sur la valeur de la résidence principale pour le calcul de l'ISF n'est pas un « cadeau » du législateur aux intéressés mais résulte directement de l'application de la jurisprudence de l'arrêt « Fleury » de la Cour de cassation 107 ( * ) selon laquelle un bien immobilier non vacant doit être évalué en prenant en compte la dévalorisation résultant de cet état de fait.

Si elle ne saurait traiter parfaitement la délicate question de la résidence principale, l'élévation du point d'entrée dans l'ISF est une mesure pleinement opérationnelle, répondant de manière pratique à un problème réel.

Le coût de cette mesure est évalué à 400 millions d'euros .

2. Une révision des taux conforme à l'évolution de la rémunération du capital

D'autre part, comme l'a montré le tableau supra relatif au rendement nominal avant impôts calculé pour certains véhicules d'épargne
pour l'année 2009, la révision proposée des taux d'imposition est bien plus réaliste, d'un point de vue économique, que la situation actuelle .

Hors le système de lissage (qui sera détaillé ci-après dans le cadre du commentaire de l'article premier), le tarif applicable s'établirait à :

- 0,25 % de la valeur nette taxable du patrimoine si celle-ci est comprise entre 1,3 million d'euros et 3 millions d'euros ;

- 0,5 % de cette même valeur, si elle excède 3 millions d'euros 108 ( * ) .

Là encore, même s'il est toujours possible de trouver une situation particulière problématique, il s'agit d'une réponse a priori efficace pour que le « nouvel ISF », désormais dépourvu de tout mécanisme de plafonnement interne ou externe (bouclier fiscal) n'aboutisse pas à la nécessité d'aliéner une partie de son patrimoine afin de régler ses impôts directs.

Le coût de cette mesure est estimé à 1,45 milliard d'euros .

La piste non retenue du remplacement de l'ISF
par un impôt sur les revenus de la fortune (IRF)

En dehors du schéma finalement retenu par le Gouvernement pour élaborer le présent projet de loi de finances rectificatives sur lequel le Parlement doit se prononcer, il convient de mentionner brièvement une piste qui n'y figure pas bien qu'elle ait été envisagée un moment.

A l'issue du colloque organisé par le Gouvernement sur la réforme de la fiscalité patrimoniale, François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, avait laissé ouverte la possibilité de remplacer l'ISF par un nouvel impôt.

Celui-ci, qui n'aurait concerné que les détenteurs de patrimoines taxables supérieurs à 1,3 million d'euros, aurait été assis sur l'évolution de la valeur de ce patrimoine d'une année sur l'autre.

Si une telle piste peut présenter quelques mérites d'un point de vue théorique, votre rapporteur général considère que ses défauts l'emportent. En premier lieu, le contribuable aurait fait face à une grande insécurité (doit-il, ou non, régler l'impôt ?) et à une complexité encore plus forte qu'actuellement en matière de déclaration fiscale. En deuxième lieu, le caractère confiscatoire de l'ISF aurait pu être renforcé par la fixation d'une assiette reposant sur des plus-values non réalisées à un taux sans doute assez élevé. En troisième lieu, du point de vue des finances publiques, cette réforme aurait entraîné une forte instabilité des recettes fiscales en fonction de la conjoncture, ce qui n'aurait pas été sain. Enfin, le niveau probablement élevé du taux d'imposition aurait rendu particulièrement sensibles les questions relatives à l'appréciation de la valeur vénale des biens immobiliers.

3. Une meilleure prise en compte de la réalité des PME

Si elles peuvent apparaître, de prime abord, de moindre portée, d'autres mesures relatives à l'ISF figurent dans le présent projet de loi. Elles seront détaillées dans les commentaires d'articles correspondants 109 ( * ) . Elles méritent néanmoins d'être citées dès à présent car elles s'inscrivent pleinement dans la logique d'adaptation de l'ISF à la réalité de la vie économique , de sorte que cet impôt soit le moins pénalisant possible dans un contexte de concurrence fiscale entre les Etats.

Il s'agit, en premier lieu, de l'assouplissement des pactes d'actionnaires , dits « pactes Dutreil » afin de permettre :

- l'ouverture (sous conditions) de ces pactes à de nouveaux associés ;

- le maintien des bénéfices du pacte aux associés demeurant liés entre eux en cas de cession de ses parts ou actions par l'un des associés parties à l'engagement collectif, là encore sous conditions.

Il s'agit, en second lieu, d'une modification de la définition des biens professionnels , exonérés de l'ISF afin de mieux tenir compte de la pluriactivité de certains professionnels et de permettre, mieux qu'aujourd'hui, la croissance des PME par ouverture de leur capital.

4. Des formalités déclaratives allégées pour les assujettis les plus modestes

Enfin, une mesure n'ayant aucun impact budgétaire doit être spécialement soulignée.

Il s'agit de la simplification des modalités déclaratives pour les redevables détenant un patrimoine imposable inférieur à 3 millions d'euros . Ainsi, dès 2011, ces contribuables seraient dispensés du dépôt des annexes et des justificatifs de réduction d'ISF et, à compter de 2012, ils n'auraient plus qu'à porter la valeur de leur patrimoine net taxable sur la déclaration annuelle d'ensemble de leurs revenus.

C. DES MESURES PROPRES À ASSURER L'ÉQUILIBRE BUDGÉTAIRE DE LA RÉFORME

1. Le choix d'un durcissement ciblé de la fiscalité des donations et des successions

Pour financer la réforme de la fiscalité du patrimoine, le Gouvernement a fait le choix de recourir au même bloc patrimonial , en durcissant la fiscalité des donations et des successions de manière ciblée sur les plus hauts revenus . Le Président de la République s'était en effet engagé à ne pas faire porter la réforme par les contribuables non assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune.

Les mesures retenues reviennent sur des dispositifs élaborés depuis 2003, qui - complétées par les mesures adoptées dans le cadre de la loi TEPA - ont contribué à rendre la fiscalité des transmissions plus compétitive, avec pour objectif de favoriser les donations et les successions. Dès lors que les dispositifs issus de la loi TEPA ne sont pas remis en cause, on peut considérer que, malgré les mesures proposées par le présent projet de loi de finances rectificative, notre système fiscal conserve des incitations fortes en matière de successions et de donations .

2. Une adaptation de la fiscalité des donations possible compte tenu de la loi TEPA
a) L'augmentation de six à dix ans du délai de rappel des donations

Toute donation est considérée comme une ouverture anticipée et partielle de la succession à venir. Ainsi, tout donataire, héritier ou légataire doit ajouter à la valeur des biens compris dans la donation ou la succession, les donations qui lui ont antérieurement consenties par le donateur ou le défunt.

Depuis 2006, les transmissions effectuées depuis plus de six ans - et non plus dix ans - n'entrent pas en compte dans le calcul des droits de mutation à titre gratuit dus à l'occasion d'une nouvelle donation ou d'un décès.

L'article 3 du projet de loi de finances rectificative revient sur ce dispositif en prévoyant l'augmentation de six à dix ans du délai de rappel des donations . Les donations effectuées entre l'été 2001 et l'été 2005 seront en conséquence réintégrées aux successions ayant lieu à l'été 2011.

En outre, l'article 3 prévoit la possibilité de rectifier la valeur d'un bien transmis entre six et dix ans afin d'asseoir les droits de mutation à titre gratuit dus à raison de la succession ou de la donation considérée, sur la base de la réalité des donations précédentes.

Les recettes attendues de cette mesure sont estimées à 18 millions d'euros en 2011, puis à 450 millions d'euros à partir de 2012.

b) La suppression des réductions de droits de donation liées à l'âge du donation

Des réductions de droit de donation en fonction de l'âge du donateur existent depuis 1979 . Aux termes de l'article 790 du code général des impôts, celles-ci s'élèvent à 50 % pour un donateur de moins de soixante-dix ans ou à 30 % pour un donateur de plus de soixante-dix ans et de moins de quatre-vingt ans, dans le cas d'une donation en pleine propriété ou en usufruit. En outre, ces réductions s'élèvent respectivement à 35 % et 10 % dans le cas d'une donation en nue-propriété.

L'article 4 prévoit la suppression de ces réductions, dès la promulgation de la loi .

Les recettes s'élèveraient, selon le Gouvernement, à 130 millions d'euros en 2011 , puis à 290 millions d'euros à compter de 2012 .

3. Une contribution supplémentaire pour les successions les plus importantes

L'article 2 du présent projet de loi de finances rectificative propose la modification de l'article 777 du code général des impôts, en augmentant de cinq points le tarif des deux dernières tranches du barème d'imposition applicable aux successions et donations consenties en ligne directe, ainsi qu'aux donations entre époux ou entre partenaires liés par un pacte civil de solidarité (PACS).

Les taux applicables seraient ainsi relevés de 35 % à 40 % pour la fraction de la part nette comprise entre 902 838 euros et 1 805 677 euros, et de 40 % à 45 % pour la fraction de la part nette taxable supérieure à 1 805 677 euros .

Les recettes attendues par le nouveau dispositif s'élèvent à 23 millions d'euros en 2011 et à 185 millions d'euros à partir de 2012.

4. Des mesures de financement satisfaisantes et cohérentes avec l'objet de la réforme

Le choix du Gouvernement apparaît cohérent , dans la mesure où la réforme se limite à la fiscalité sur la détention et la transmission des patrimoines. L'équilibre financier ainsi dégagé apparaît satisfaisant puisque ces trois mesures devraient engendrer des recettes de l'ordre de 171 millions d'euros en 2011 et de 925 millions d'euros en 2012 , et que le Gouvernement a annoncé que la réforme dans sa globalité serait susceptible de dégager à terme de légers surplus de recettes, en se fondant toutefois sur des hypothèses optimistes (cf. infra ).

Au total, les trois mesures examinées sont satisfaisantes : sans remettre en cause les exonérations dont bénéficient les petites et moyennes successions et donations depuis la loi TEPA de 2007, et qui contribuent très largement à encourager les transmissions précoces du patrimoine, au bénéfice de l'installation des jeunes et de la consommation, les présentes mesures relatives aux donations et successions font porter l'essentiel de l'effort sur les transmissions les plus importantes, en ciblant les plus haut revenus et patrimoines .

Enfin, comme l'a souligné le Gouvernement, ces dispositions semblent moins nécessaires, voire inutiles, depuis l'entrée en vigueur de la loi TEPA , qui a considérablement allégé les droits de succession et de donation. Les mesures proposées ne devraient donc pas peser sur le dynamisme des mouvements de patrimoine des anciennes vers les nouvelles générations . Elles sont donc, aussi, légitimes au regard de l'efficacité économique. Malgré tout, votre rapporteur général souligne la sensibilité particulière de la suppression des réductions de droits liées à l'âge du donateur. Il relève à cet égard qu'il conviendra de vérifier à moyen terme qu'elle ne s'avère pas préjudiciable à la fluidité des transmissions intergénérationnelles.

D. UNE TAXE SUR LES RÉSIDENCES EN FRANCE DES NON-RÉSIDENTS

La réforme de la fiscalité du patrimoine inclut un volet tend à faire la participer les non-résidents possédant une habitation en France .

A cette fin, l'article 17 du présent projet de loi de finances rectificative propose d'instaurer une « taxe sur les résidences secondaires des non-résidents », qui se substituerait au régime prévu par l'article 164 C du code général des impôts dont les conventions de non-double imposition avaient fortement réduit tout à la fois le champ d'application et le rendement.

Assise sur la valeur locative des habitations détenues en France , cette taxe concernerait donc l'ensemble des non-résidents ayant une partie de leur patrimoine située sur le territoire français. Pour autant, le dispositif proposé s'attache à garantir la liberté de circulation des personnes, notamment pour des raisons d'ordre professionnel ; ainsi, seraient exonérés du paiement de la taxe les contribuables dont l'essentiel des revenus sont de source française ainsi que ceux ayant transféré leur domicile fiscal hors de France depuis moins de six ans.

Cette mesure participe pleinement à l'équilibre financier de la réforme, les recettes de la nouvelle imposition s'élevant à 176 millions d'euros à partir de 2012 .

Toutefois, il est nécessaire de veiller à ce que la participation fiscale des non-résidents soit juste . En effet, la taxe sur les résidences en France des non-résidents ne doit pas être perçue comme une sanction par les intéressés et doit être, pour cette raison, modérée et équitablement répartie.

E. LA LUTTE CONTRE L'ÉVASION FISCALE INTERNATIONALE

Une fiscalité du patrimoine équitable implique nécessairement que l'ensemble des contribuables soient imposés à raison de leur capacité contributive. C'est pourquoi la lutte contre l'évasion fiscale internationale apparaît comme un enjeu majeur de justice fiscale . L'institution d'une imposition des plus-values latentes lors du transfert par les contribuables de leur domicile hors de France, aussi appelée « exit tax », est donc proposée ; celle-ci vient remplacer un dispositif poursuivant les mêmes finalités mais déclaré incompatible avec le droit communautaire 110 ( * ) . De ce fait, une attention particulière a été portée à la compatibilité de l'imposition proposée avec les libertés de circulation consacrées par le droit de l'Union européenne.

L' exit tax vise à dissuader les contribuables de chercher à éluder l'imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux. Pour ce faire, il est proposé de taxer les plus-values latentes constatées sur les valeurs mobilières et droits sociaux détenus lors du transfert du domicile fiscal hors de France . Cependant, afin d'assurer la compatibilité du dispositif avec le droit européen, un sursis de paiement est automatiquement accordé lorsque ce transfert a lieu vers un Etat membre de l'Union européenne ; un tel sursis peut aussi être accordé aux contribuables transférant leur domicile fiscal dans un pays tiers ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ainsi qu'une convention d'assistance mutuelle en matière de recouvrement. La taxation n'est effectivement exigée qu'en cas de mutation des valeurs mobilières et droits sociaux à titre onéreux, ou de mutation à titre gratuit , sauf s'il est démontré que le transfert de domicile avait pour seule fin d'éviter l'impôt. D'autre part, le montant des taxations sur les plus-values acquittées dans les Etats de résidence des contribuables est imputable sur l'impôt payé en France. Enfin, l'« exit tax » cesse d'être exigible au-delà d'un délai de huit ans suivant le transfert.

Parce que l' exit tax est équitable, il est nécessaire que cette imposition soit effectivement appliquée, ce qui implique notamment de s'assurer de sa compatibilité avec les conventions fiscales internationales visant à éviter les doubles-impositions. En effet, eu égard au sort du précédent dispositif d'« exit tax » et par respect pour la sécurité juridique des contribuables, aucun risque d'incompatibilité avec le droit international ne saurait être toléré.

L'effectivité de l' exit tax revêt une importance d'autant plus grande que son produit participe pleinement au financement de la réforme de la fiscalité du patrimoine dans la mesure où le rendement attendu de celle-ci est de 189 millions d'euros à partir de 2012 au titre de l'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux.

F. LA DÉLICATE APPROCHE DES « GAGNANTS » ET DES « PERDANTS » DE LA RÉFORME

Au total, en dehors de certains cas « flagrants », il est difficile d'estimer avec précision qui sont les « gagnants » et les « perdants » de la réforme proposée.

Certes, les personnes dont le patrimoine taxable est compris entre 800 000 euros et 3 millions d'euros , qui n'auront plus à acquitter l'ISF, bénéficieront sans ambiguïté de ces dispositions.

De l'autre côté de l'échelle, la majorité des redevables de l'ISF qui bénéficiaient du bouclier fiscal seront perdants de manière tout aussi nette 111 ( * ) . Pour prendre un exemple extrême, les trente-deux contribuables ayant déclaré des revenus fiscaux de référence inférieurs à 3 467 euros et un patrimoine supérieur à 16,480 millions d'euros, devraient voir leur impôt augmenter, en moyenne, de 169 000 euros.

Pour les autres, l'estimation est réellement délicate et dépend de nombreuses données, comme de la composition de la famille des intéressés ou encore de leur âge. En effet, au vu des mesures de financement portant sur les donations et les successions précitées, un simple calcul de l'évolution de l'ISF de ces contribuables serait réductrice : il convient, pour être complet et réaliste, de considérer le cycle de vie de leur patrimoine dans sa globalité - jusqu'à sa transmission.

Votre rapporteur général tient donc à souligner de manière claire que les dispositifs proposés s'équilibrent (la réforme n'ayant pas de coût pour les finances publiques) et que cet équilibre se fait au sein de la population des redevables de l'ISF . Dès lors, il convient de rejeter l'argument selon lequel ce collectif budgétaire serait un « cadeau aux riches », qui ne se fonde sur aucune réalité.

III. LES PRINCIPALES MODIFICATIONS INTRODUITES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a apporté des modifications au texte élaboré par le Gouvernement. Ces apports sont mentionnés à l'intérieur de chaque commentaire d'article ( cf. infra ), les plus substantiels étant les suivants.

S'agissant du bouclier fiscal , les députés ont anticipé l'obligation pour les bénéficiaires « d'autoliquider » leur droit à restitution , procédure par laquelle il revient au contribuable de calculer lui-même le montant de son impôt en tenant compte de la créance qu'il détient sur l'Etat à raison des excédents d'impositions antérieurement acquittés, puis de l'imputer directement sur son ISF . L'extinction de la procédure alternative, dite « contentieuse », interviendrait le 30 septembre 2011, au lieu du 1 er janvier 2012.

Pour ce qui concerne l'ISF, l'Assemblée nationale a adopté des mesures à l'avantage des familles. Elle a ainsi procédé à l' augmentation, de 150 à 300 euros, du montant de la réduction d'ISF par personne à charge . De plus, elle a élargi le champ des personnes ouvrant droit à cette réduction d'impôt aux enfants majeurs poursuivant leurs études et aux autres personnes prises en charge par le contribuable.

Au sujet des mesures de financement de la réforme, l'Assemblée nationale a souhaité :

- « lisser » l'entrée en vigueur du passage de six à dix ans du délai de reprise des donations . A cette fin, elle a instauré, de manière transitoire 112 ( * ) , un abattement partiel de 20 % chaque année sur la valeur des biens ayant fait l'objet de la donation antérieure entre la sixième et la dixième année ;

- compenser le coût de cette mesure par l'augmentation du taux actuel du droit de partage , c'est-à-dire du droit à acquitter en cas de partage d'actifs ainsi qu'en cas de vente de biens mobiliers ou immobiliers par licitation. Ce taux passerait de 1,1 % à 2,2 % ;

- maintenir les réductions des droits de donation sous condition d'âge du donateur, mais pour les seules transmissions d'entreprises en pleine propriété. Il s'agit de faire en sorte que cette mesure générale ne pénalise pas les transmissions d'entreprises, et donc la croissance économique ;

- autoriser les dons de sommes d'argent au profit de ses enfants ou de ses petits-enfants tous les dix ans (au lieu d'une seule fois dans le droit actuel) ;

- enfin, intégrer à l'assiette de « l'exit tax » des titres détenus dans les sociétés ayant opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes.

IV. UNE RÉFORME ABORDÉE DANS UN ÉTAT D'ESPRIT CONSTRUCTIF PAR VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. UN PROJET ÉQUILIBRÉ DANS SES PRINCIPES...

La réforme de la fiscalité patrimoniale figurant dans le présent projet de loi de finances rectificative est à la fois ambitieuse et équilibrée . Elle mérite donc d'être soutenue.

Elle est ambitieuse car elle répond aux principaux problèmes que l'ISF et le bouclier fiscal posent à la France en termes d'efficacité, d'équité et de compétitivité. De plus, ce qui est rare, elle le fait en simplifiant l'existant : alors que la tendance naturelle des pouvoirs publics consiste souvent à raffiner (c'est-à-dire à complexifier) tel ou tel impôt (ce que la création du bouclier fiscal illustre d'ailleurs bien), le coeur de la réforme vise, cette fois, à alléger le code général des impôts.

Et, comme cela a été souligné, cette réforme est équilibrée en ce sens qu'une population donnée (les redevables de l'ISF) la finance entièrement sur ses seuls impôts patrimoniaux.

Votre rapporteur général adhère donc à cette logique d'ensemble . Si elle diffère quelque peu des schémas qui ont été présentés jusqu'alors par votre commission des finances, elle permet d'apporter dès à présent une réponse efficace à un problème indéniable tout en s'inscrivant dans la réalité politique de l'année 2011, proche d'échéances nationales majeures.

B. ... DONT L'ÉQUILIBRE BUDGÉTAIRE REPOSE SUR DES HYPOTHÈSES OPTIMISTES...

1. Avant le vote de l'Assemblée nationale

Le tableau ci-dessous retrace les hypothèses du Gouvernement concernant le financement de la réforme de la fiscalité du patrimoine dans sa version initiale, adoptée par le Conseil des ministres :

Chiffrage de la réforme avant le vote de l'Assemblée nationale

(en millions d'euros)

2011

2012

2013

2014

1) Réforme de l'ISF

Suppression du bouclier fiscal et maintien d'un dispositif en faveur des plus modestes 113 ( * )

0

293

413

713

Nouveau barème ISF

- 400

- 1 857

- 1 857

- 1 857

2) Contribution des successions/donations importantes

Suppression de la réduction de droits des donations

130

290

290

290

Allongement du délai de reprise de 6 à 10 ans des donations

18

450

450

450

Hausse de 5 points des taux des 2 dernières tranches, soit les successions supérieures à 4 M€ pour un couple marié avec 2 enfants

23

185

185

185

Sous-total (1) + (2)

- 229

- 639

- 519

- 219

3) Taxation des non résidents et lutte contre l'évasion fiscale internationale

Taxation des résidences secondaires des non résidents

0

176

176

176

« Exit tax » sur les plus values

0

87

189

189

Lutte contre l'évasion fiscale internationale (cellule de régularisation, taxation des trusts, mesure anti-abus SCI, accords internationaux)

300

390

210

50

Total (1) + (2) + (3)

+ 71

+ 14

+ 56

+ 196

Source : commission des finances, d'après le ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat

Cependant, l'incertitude des évaluations au titre de l'année 2011 , particulièrement en ce qui concerne les donations, doit être soulignée . En effet, la méthode de chiffrage retenue prévoit à ce titre, pour 2011, un surplus de recettes égal à 5,5/12èmes du produit de la réforme en « année normale pleine », puisque la loi doit entrer en vigueur à la mi-juillet. Or, ces chiffrages apparaissent optimistes, car l'anticipation de la réforme par les contribuables engendre inévitablement des « appels d'air » . De fait, de nombreux contribuables effectuent dès à présent des donations, plutôt que d'attendre l'application de la réforme, comme en ont témoigné les professionnels de la gestion patrimoniale auditionnés par la commission des finances.

De surcroît, le chiffrage des ressources résultant de l'augmentation du délai de rappel des donations de six à dix ans pour ce qui concerne les donations appelle des réserves . En effet, l'évaluation préalable indique qu'« en l'absence d'éléments », le gain estimé est « fixé forfaitairement » à 10 % du rendement des successions, soit 40 millions d'euros. De façon générale, les données relatives aux donations semblent moins renseignées et plus incertaines que celles relatives aux successions.

Enfin, l'estimation du rendement de la nouvelle taxe sur les résidences secondaires en France détenues par les non-résidents suscite des interrogations. En effet, la méthode d'évaluation utilisée repose principalement sur la valeur locative des locaux d'habitation pour lesquels la taxe foncière a été adressée à l'étranger et le nombre des résidences secondaires des non-résidents. Or, cette méthode ne tient aucunement compte des exonérations dont bénéficieront, le cas échéant, les contribuables ayant transféré leur domicile hors de France durant les six années suivant le transfert , ce qui peut laisser envisager que le rendement effectif de la taxe sera plus faible que celui annoncé.

2. Après le vote de l'Assemblée nationale

Les mesures adoptées par l'Assemblée nationale ont fait évoluer l'équilibre de la réforme.

En termes budgétaires, il convient de signaler tout particulièrement :

- le « lissage » du rappel fiscal sur les donations devrait minorer les recettes de l'Etat de 200 millions d'euros à compter de 2012 ;

- en revanche, le doublement du taux du droit de partage devrait rapporter 116 millions d'euros en 2011, puis 253 millions d'euros à partir de 2012 ;

- le maintien de la réduction de droits pour les donations d'entreprises en pleine propriété devrait avoir un coût de 26 millions d'euros dès 2011, puis de 56 millions d'euros les années suivantes ;

- l'amendement doublant le montant de la réduction d'ISF par personne à charge aura un coût de 20 millions d'euros à compter de 2012 ;

- enfin, l'anticipation de l'obligation d'auto-liquider le bouclier fiscal devrait dégrader le solde budgétaire de 186 millions d'euros en 2011 . Son impact se décompose en une minoration de 93 millions d'euros des recettes d'ISF et, par anticipation, une majoration de 93 millions d'euros des crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ». Mais cet effet porterait exclusivement sur le calendrier de liquidation du bouclier, l'impact négatif sur le solde de l'État en 2011 devant être compensé à due concurrence par une amélioration du solde en 2012 .

Le tableau suivant retrace le nouveau chiffrage de la réforme de la fiscalité patrimoniale, après examen des députés.

Chiffrage de la réforme après le vote de l'Assemblée nationale

(en millions d'euros)

2011

2012

2013

2014

1) Réforme de l'ISF

Suppression du bouclier fiscal et maintien d'un dispositif en faveur des plus modestes

0

293

413

713

Nouveau barème ISF

- 400

- 1 857

- 1 857

- 1 857

Doublement de la réduction d'ISF par personne à charge

0

- 20

- 20

- 20

Autoliquidation du bouclier fiscal dès 2011

- 186

186

0

0

2) Contribution des successions/donations importantes

Suppression de la réduction de droits des donations

130

290

290

290

Maintien de la réduction de droits pour les donations d'entreprises en pleine propriété

- 26

- 56

- 56

- 56

Allongement du délai de reprise de 6 à 10 ans des donations

18

450

450

450

Lissage du rappel fiscal

0

- 200

- 200

- 200

Doublement des droits de partage

116

253

253

253

Hausse de 5 points des taux des 2 dernières tranches, soit les successions supérieures à 4 M€ pour un couple marié avec 2 enfants

23

185

185

185

Sous-total (1) + (2)

- 325

- 476

- 542

- 242

3) Taxation des non résidents et lutte contre l'évasion fiscale internationale

Taxation des résidences secondaires des non résidents

0

176

176

176

« Exit tax » sur les plus values

0

87

189

189

Lutte contre l'évasion fiscale internationale (cellule de régularisation, taxation des trusts, mesure anti-abus SCI, accords internationaux)

300

390

210

50

Total (1) + (2) + (3)

- 25

+ 177

+ 33

+ 173

Source : commission des finances, d'après le ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat

C. ... QUI N'ÉPUISE PAS LE NÉCESSAIRE DÉBAT FISCAL DE 2012

Malgré ses mérites, la réforme proposée ne saurait toutefois épuiser à elle seule le débat fiscal que notre pays doit engager d'ici à 2012. De très nombreux participants aux tables-rondes organisées en ce début d'année par votre commission des finances l'ont souligné : le besoin de réforme fiscale de la France ne se limite pas à la fiscalité patrimoniale.

Le présent rapport n'a évidemment pas vocation à aborder l'ensemble de ces questions. Cependant, des sujets suffisamment proches, comme l'imposition des très hauts revenus ou la révision de la fiscalité des revenus de l'épargne y ont leur place.

1. L'imposition des très hauts revenus

Dans leur récent ouvrage intitulé « Pour une révolution fiscale », Camille Landais, Thomas Piketty et Emmanuel Saez considèrent que, pris dans son ensemble, le système fiscal français est « légèrement progressif jusqu'au niveau des « classes moyennes » puis devient franchement régressif au sein des 5 % les plus riches - et surtout à l'intérieur des 1 % les plus riches ».

Ce constat mérite, certes, d'être nuancé. Ainsi, d'après les données que le Gouvernement a transmises à votre rapporteur général, à partir des derniers chiffres disponibles (revenus de 2009), la dégressivité n'intervient que pour... les dix plus gros revenus, dont le taux moyen d'imposition apparaît effectivement inférieur à la moyenne des cent premiers contribuables. Il s'agit cependant d'une population extrêmement atypique et non représentative du système tout entier. Il semble surtout se poser ici un problème de contrôle fiscal, de lutte contre l'optimisation fiscale et d'usage de la notion d'abus de droit.

Néanmoins, la progressivité de l'IR reste une question sensible pour les Français, non abordée dans le présent texte. Le débat sur une imposition frappant spécifiquement les très hauts revenus - dont votre rapporteur général considère qu'ils ne rémunèrent pas seulement le travail des intéressés mais également leurs actifs immatériels - se posera de nouveau nécessairement dès 2012 . A titre d'exemple, l'Allemagne impose au taux de 42 % la tranche entre 52 000 et 250 000 euros, tandis que le Royaume-Uni impose au taux de 40 % la tranche entre 35 000 et 150 000 livres, soit respectivement 52 500 et 225 000 euros.

De surcroît, ces deux pays disposent d'une tranche marginale supérieure au taux suivant :

- 45 % au-dessus de 250 000 euros en Allemagne, à laquelle s'ajoute une surtaxe de solidarité de 5,5 % de ce taux, soit une imposition globale de 47,48 %. Le produit de cette tranche supérieure est estimé à 640 millions d'euros pour 2010 ;

- 50 % au-dessus de 225 000 euros au Royaume-Uni depuis 2010 114 ( * ) .

En outre, comme l'a souligné Michel Taly lors de la table ronde précitée, le sujet des revenus non distribués reste à traiter . De fait, les patrimoines les plus importants comportent de nombreux dividendes qui ne sont pas versés à leurs détenteurs - qui n'en ont pas besoin - et qui sont laissés dans des structures intermédiaires, comme des holdings patrimoniales. S'attaquer à cette importante source d'optimisation fiscale permettrait de rendre plus effective l'imposition des plus favorisés de nos compatriotes.

2. Une fiscalité de l'épargne à repenser
a) Idéalement, aller vers une fiscalité plus simple et tournée prioritairement vers le financement de l'économie

Dans l'idéal, compte tenu de la complexité et du manque de cohérence de la fiscalité française de l'épargne , une réflexion serait nécessaire, au-delà de l'examen de ce projet de loi de finances rectificatives, pour la simplifier et la rendre plus neutre qu'aujourd'hui , mais également pour favoriser l'épargne longue .

En outre, il conviendrait de rendre le dispositif actuel plus efficace afin de garantir que les dispositifs dérogatoires donnent effectivement lieu à de réelles contrepartie pour le financement de l'économie , et notamment des entreprises.

A cette fin, l'une des pistes à étudier serait l'instauration d' un taux unique sur l'ensemble des revenus de l'épargne, quel qu'en soit le vecteur, avec un abattement universel pour ne pas pénaliser l'épargne populaire. En contrepartie, les impôts actuels sur les revenus du patrimoine ainsi que les niches afférentes seraient supprimées. Seule la détention d'actions à long terme devrait être favorisée , à travers un abattement supplémentaire ou une exonération sur les plus-values au bout de huit ans par exemple.

A titre indicatif, au cours de son audition précitée, David Thesmar avait estimé qu'un taux unique de 15 % (éventuellement assorti d'un abattement de l'ordre de 500 euros) permettrait de retrouver le produit actuel des impositions sur les revenus patrimoniaux, contributions sociales incluses.

Votre rapporteur général s'efforcera donc de porter des propositions en ce sens en vue de préparer le grand débat fiscal de l'année 2012 .

b) A minima, optimiser les flux d'épargne de l'assurance-vie

Si, compte tenu de l'ampleur des changements induits, il n'était pas possible d'aboutir à une refonte complète du cadre de notre fiscalité de l'épargne, il conviendrait, a minima , de mieux orienter l'épargne des Français vers les vecteurs les plus productifs d'un point de vue économique et de faire en sorte que cette épargne réponde aux besoins croissants de notre société, notamment en termes de retraite et de dépendance .

Au vu des masses financières qu'elle collecte, l'assurance-vie apparaît comme l'outil à mobiliser en priorité, étant entendu qu'il sera, de toute façon, nécessaire de faire preuve de pédagogie en la matière.

(1) Renforcer le sous-jacent en actions des portefeuilles d'assurance-vie

Comparée à des produits concurrents, l'assurance-vie apparaît comme le meilleur levier en termes de réorientation de l'épargne vers un investissement en actions. De surcroît, votre rapporteur général souhaite mettre en exergue les propos du Président de la République, qui a déclaré au sujet de l'assurance-vie lors un discours sur la politique industrielle de la France, à Saint-Nazaire, le mardi 25 janvier 2011: « Il faut que cette épargne longue s'investisse dans un actionnariat stable et de long terme pour nos entreprises » 115 ( * ) .

L'analyse des provisions mathématiques , c'est-à-dire l'engagement des assureurs vis-à-vis des assurés, placé au passif des assureurs, conduit à souhaiter un renforcement de leur composition en actions . En effet, l'encours des « unités de compte » souscrites par les assurés s'élève à un peu plus de 210 milliards d'euros contre près de 1 098 milliards d'euros investis sur des supports en euros en 2010. Ces unités de compte procèdent du choix de l'assuré qui en assume le risque. Il convient de préciser que 41 % de ces unités est investi en actions contre 59 % principalement en supports obligataires puis en monétaire et en immobilier.

C'est pourquoi, il est pertinent dans les mois à venir de prolonger la réflexion sur l'optimisation des flux d'épargne drainés par l'assurance-vie , dans le contexte de la sortie de crise. Votre rapporteur général tient à rappeler que sa proposition, présentée dans le cadre de l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2011 116 ( * ) , visait à instaurer un taux d'imposition réduit à 5,5 %, pour les contrats d'assurance-vie nouvellement souscrits. En contrepartie de cet avantage fiscal, les actifs de ces nouveaux contrats auraient été constitués d'au moins 15 % d'unités de compte « actions » pour une durée minimale de dix ans .

Il faut observer que l'établissement à dix ans de la durée de détention prend en compte le vieillissement des contrats. En 2010, 64 % d'entre eux étaient détenus depuis plus de huit ans et 47 % avaient plus de douze ans (contre 38 % en 2004).

Quant aux taux de 15 %, il représente approximativement aujourd'hui le taux moyen d'investissement en unités de compte dont 40 % est composé d'actions. La proposition d'amendement n'imposait aucune obligation de détention de titre non cotés. En conséquence, ce taux constituait une cible atteignable contrairement à ce qui avait été fixé dans le cadre des contrats dits « DSK » et « NSK » 117 ( * ) .

En outre, cet amendement présentait l'avantage d'être compatible avec les nouvelles contraintes issue de la directive Solvabilité II . En effet, cette dernière renforce l'exigence de fonds propres pour faire face au risque éventuel encouru par les placements en actions figurant à l'actif général des assureurs. En revanche, dans le cas de souscription d'unités de compte par un assuré, telle qu'encouragée par la proposition de votre rapporteur général, celle-ci n'affecte pas directement le montant des fonds propres de l'assureur puisque le risque est supporté par l'assuré.

Afin de ne pas peser sur les finances publiques , l'amendement prévoyait de relever le taux libératoire des autres produits d'assurance-vie nouvellement souscrits et détenus depuis plus de huit ans, dans une proportion qui devait maintenir l'avantage fiscal de l'assurance-vie par rapport au taux de « droit commun » des prélèvements libératoires sur les intérêts et les plus-values mobilières.

Un tel dispositif serait de nature à surmonter la profonde aversion au risque dont font preuve les Français, ainsi que l'a souligné le 30 mars 2011 Patrick Suet, secrétaire général de la Société générale, devant la commission des finances : « aujourd'hui, vendre une action directement à un client est presque une mission impossible. Il faut réhabiliter la confiance dans l'action et accompagner cette reconquête ; cela peut passer par la fiscalité ».

De surcroît, l'accroissement de la part des unités de compte dans les contrats multisupports constitue une opportunité économique pour l'assurance-vie en période de hausse d'intérêt 118 ( * ) .

(2) Une transformation des contrats d'assurance-vie en produit « retraite »

La constitution d'une épargne dans la perspective de la retraite constitue la principale motivation de souscription d'un contrat d'assurance-vie pour 65 % des Français.

Face à l'offre variée des produits collectifs proposés au titre de l'épargne salariale 119 ( * ) ou des contrats d'assurance retraite d'entreprise 120 ( * ) , l'assurance-vie constitue un produit individuel alternatif de placement en vue de produire un complément de revenu pendant la retraite. En effet, moins de 4,5 millions de personnes ont souscrit en 2009 un produit d'épargne retraite à titre personnel 121 ( * ) pour un encours global alors de l'ordre de 47 milliards d'euros. Ce chiffre est à apprécier à l'aune des 1 230 milliards de provisions mathématiques d'assurance-vie constatées fin 2009.

Or il faut avoir conscience de l'importance de l'effet de levier que représente l'assurance-vie en termes de mobilisation des flux d'épargne pour la retraite. On peut observer que l'ensemble des encours des produits d'épargne retraite et salariale, collectifs et individuels, soit près de 125 milliards d'euros en 2009, représentait moins de 10 % de l'encours de l'assurance-vie à cette même époque, soit 1 300 milliards d'euros.

Près de 15 millions de personnes sont détentrices d'un ou plusieurs contrats d'assurance sur la vie. C'est pourquoi, dans le cadre de l'examen de la loi portant réforme des retraites 122 ( * ) , notre collègue Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis, a proposé 123 ( * ) que tout assuré sur la vie depuis au moins huit ans, ou âgé de 55 ans ou plus, puisse transformer son contrat en un produit d'épargne retraite relevant du Titre V de la loi « Fillon », c'est-à-dire essentiellement un plan d'épargne retraite populaire (PERP).

L'amendement précisait que la phase de constitution des droits ne pouvait pas être inférieure à une durée de cinq années afin de ne pas aggraver le déficit des finances publiques et d'éviter tout effet d'aubaine. Le dispositif prévoyait une sortie en rente et non en capital à l'exception des cas prévus à l'article L. 132-23 du code des assurances 124 ( * ) et de l'article L. 144-2 125 ( * ) du même code.

La définition du régime fiscal de cette transformation du contrat d'assurance-vie en produit retraite avait été renvoyée à l'examen du projet de loi de finances pour 2011. Son rejet n'a donc pas pu permettre d'en établir les modalités. Ces dernières conduisaient à s'interroger sur un éventuel allègement du régime des rentes à titre gratuit (PERP et rentes obligatoires) sans déséquilibre pour les finances publiques.

En effet, ce régime consiste aujourd'hui en un assujettissement , d'une part, à l'impôt sur le revenu après un abattement de 10 % et, d'autre part, aux prélèvements sociaux . Il est donc moins favorable que le régime applicable aux rentes viagères à titre onéreux dit « RVTO » de l'assurance-vie, pourtant perfectible ( cf . infra ). L'assiette d'imposition « RVTO » est constituée d'une fraction décroissante en fonction de l'âge de liquidation des droits ainsi que l'indique le tableau ci-après.

Assiettes d'imposition de la rente « RVTO »

Age de liquidation des droits

Assiette du revenu des capitaux imposables

Moins de 50 ans

70 %

Entre 50 et 59 ans

50 %

Entre 60 et 69 ans

40 %

Plus de 69 ans

30 %

Source : Article 158 du code général des impôts

(3) Une réorientation des flux d'épargne capitalisés dans le cadre d'un contrat d'assurance-vie vers la couverture du risque de dépendance

Selon l'enquête CSA précitée, la dépendance ne constitue la principale motivation de souscription d'un contrat d'assurance que pour 6 % des personnes interrogées .

Ce constat confirme les conclusions de la mission spéciale sénatoriale sur le cinquième risque en janvier dernier 126 ( * ) , que votre rapporteur général a eu l'honneur de présider. Le marché assuranciel de la dépendance est principalement orienté sur les contrats dits de risque à fonds perdus dont la perte d'autonomie constitue la garantie principale .

Seule une faible proportion d'assurés souscrivent un contrat d'assurance sur la vie , dont la garantie principale est le décès ou l'épargne, associée à une garantie complémentaire telle que la dépendance.

C'est pourquoi la mission a envisagé, dès 2008, plusieurs pistes de réflexion d'optimisation de l'assurance-vie au profit de la dépendance, au nombre desquelles figure la réorientation d'une partie de l'épargne ainsi capitalisée vers une couverture de la perte d'autonomie à titre principal ou complémentaire.

Avant la survenance du risque , les personnes les plus âgées n'ayant pas souscrit de garantie « dépendance » pourraient être encouragées à transformer une partie de leur contrat d'épargne en un contrat de risque à fonds perdus . Cette opération conduisant à un rachat partiel ou au dénouement du contrat d'assurance-vie, il conviendrait alors de définir des conditions fiscales non pénalisantes.

Quant à l'incitation d'une couverture complémentaire du contrat d'assurance sur la vie, avant toute réalisation du risque, elle se heurte à la faible attractivité fiscale de la rente dit « RVTO » . En effet, la rente versée dans le cadre d'un contrat de risque est défiscalisée, contrairement à celle payée au titre du contrat d'assurance-vie. En outre, le barème fiscal « RVTO » n'a jamais été modifié depuis sa définition en 1963 127 ( * ) , ce qui conduit à imposer une fraction du capital versé. Ceci contribue à expliquer pourquoi la sortie en rente n'est guère appréciée des Français. En 2008, approximativement 450 000 rentes étaient en cours de service avec une rente moyenne d'environ 2 400 euros par an. Toute décision de réorientation des flux de l'assurance-vie devrait donc mener à une révision des conditions de fiscalisation de la rente.

S'agissant du rachat du contrat d'assurance-vie ou de sa conversion immédiate en rente, au moment de la survenance de la dépendance , ils posent en des termes identiques que précédemment la question de leur fiscalité, sous contrainte de la non aggravation du solde des finances publiques.

EXAMEN DES ARTICLES

PREMIÈRE PARTIE - CONDITIONS GÉNÉRALES DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE IER - DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

I. - IMPÔTS ET RESSOURCES AUTORISÉS

ARTICLE 1er (Art. 885 I bis, 885 I quater, 885 U, 885 V, 885 V bis, 885 W, 885 Z, 1723 ter-00 A et 1730 du code général des impôts, art. L. 23 A, L. 66, L. 180 et L. 253 du livre des procédures fiscales) - Réforme de l'impôt de solidarité sur la fortune

Commentaire : le présent article vise à réviser le barème de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ainsi qu'à en simplifier les modalités déclaratives pour les redevables détenant un patrimoine imposable inférieur à 3 millions d'euros.

I. L'ISF, UN IMPÔT PARTICULIÈREMENT RÉPULSIF POUR SES REDEVABLES

L'exposé général du présent rapport montre les graves défauts de l'ISF dans sa forme actuelle, tant en termes d'équité qu'en termes de compétitivité, ce qui justifie amplement une réforme de cet impôt. Dès lors, les lignes qui suivent en préciseront simplement un peu plus en détail les aspects les plus nocifs.

A. UN BARÈME INADAPTÉ

1. Un bref rappel des principales caractéristiques de l'ISF

L'ISF, créé par l'article 26 de la loi de finances pour 1989 128 ( * ) , est un impôt dû par les seules personnes physiques ayant leur domicile fiscal en France à raison de tous leurs biens, qu'ils soient situés sur le territoire national ou en dehors , lorsque la valeur totale du patrimoine ainsi détenu est supérieure au seuil de la première tranche du barème. Toutefois, les contribuables domiciliés en France et disposant de biens situés à l'étranger peuvent bénéficier de l'imputation sur l'impôt de solidarité sur la fortune dû en France de l'impôt sur la fortune acquitté à l'étranger. Quant aux personnes domiciliées fiscalement hors de France , elles sont imposables au titre des seuls biens situés en France .

L'ISF est acquitté par foyer . Les couples mariés, quel que soit leur régime matrimonial, doivent souscrire une seule déclaration qui regroupe l'ensemble de leurs biens, droits et valeurs imposables composant leur patrimoine, sous déduction des dettes le grevant. Les partenaires liés par un pacte civil de solidarité (PACS) ainsi que les concubins notoires sont soumis aux mêmes obligations. Il n'existe aucun mécanisme de type quotient familial , l'article 885 V du code général des impôts prévoyant simplement une réduction de 150 euros par personne à charge.

En temps normal, l'impôt est payé annuellement sur la base d'une déclaration effectuée au plus tard le 15 juin évaluant le patrimoine détenu au 1 er janvier de l'année.

Tous les biens, quelle qu'en soit la nature, entrent normalement dans le champ d'application de l'ISF . Sont notamment imposables, sauf s'ils peuvent être qualifiés de biens professionnels , les immeubles bâtis, non bâtis ou en cours de construction, les droits réels immobiliers, les actifs nécessaires à l'exercice d'une profession libérale ne présentant pas le caractère des biens professionnels, les droits de propriété industrielle, les meubles, les bons de caisse, bons de capitalisation et tous titres de même nature, les parts sociales, parts de fonds commun de placement et valeurs mobilières cotées ou non cotées, les dépôts ou créances, les voitures, automobiles, motocyclettes, bateaux, avions, chevaux, ainsi que les bijoux et les métaux précieux.

Toutefois, les biens dépourvus de valeur patrimoniale ne rentrent pas dans le champ d'application de l'impôt, de même que les biens professionnels ainsi que certains types de biens , exonérés en tout ou partie. Il s'agit, en particulier, des actions détenues par les salariés, des actions faisant l'objet d'un engagement collectif de conservation, des objets d'art ainsi que des bois et forêts. Enfin, un abattement de 30 % est effectué sur la valeur de la résidence principale .

La base d'imposition est alors déterminée d'après la valeur vénale des biens entrant dans l'assiette de l'ISF au 1 er janvier.

Il est à noter que l'ISF se distingue de l'autre impôt sur la détention du patrimoine, la taxe foncière, sur deux points importants :

- d'une part, la valeur des biens, notamment immobiliers, est la valeur réelle, de marché, actualisée, et non une valeur locative établie de manière administrative ;

- d'autre part, le patrimoine s'évalue net de dettes.

2. Les modalités d'imposition

Aux termes de l'article 885 U du code général des impôts, le tarif applicable pour l'ISF comporte six échelons , allant de 0,55 % à 1,80 % .

Le barème actuel de l'ISF

Fraction de la valeur nette taxable du patrimoine

Tarif applicable (en %)

N'excédant pas 800 000 euros

0

Supérieure à 800 000 euros et inférieure ou égale à 1 310 000 euros

0,55

Supérieure à 1 310 000 euros et inférieure ou égale à 2 570 000 euros

0,75

Supérieure à 2 570 000 euros et inférieure ou égale à 4 040 000 euros

1

Supérieure à 4 040 000 euros et inférieure ou égale à 7 710 000 euros

1,30

Supérieure à 7 710 000 euros et inférieure ou égale à 16 790 000 euros

1,65

Supérieure à 16 790 000 euros

1,80

Source : instruction fiscale n° 7 S-9-10 du 23 décembre 2010

B. LA COMPLEXITÉ ET LE CARACTÈRE « INQUISITORIAL » DES MODALITÉS DÉCLARATIVES

Selon les dispositions de l'article 885 W du code général des impôts, les redevables doivent souscrire au plus tard le 15 juin de chaque année une déclaration de leur fortune déposée au service des impôts de leur domicile au 1 er janvier et accompagnée du paiement de l'impôt (les époux et les partenaires liés par PACS devant conjointement signer ladite déclaration).

Comme votre rapporteur général l'a déjà souligné à plusieurs reprises, ce mécanisme conduit les assujettis à livrer à l'administration fiscale des informations à caractère très personnel .

Cela concerne les informations relatives au foyer, auquel s'applique l'impôt, que les personnes soient mariées, pacsées ou simplement en concubinage.

Cela concerne aussi l'assiette elle-même, c'est-à-dire l'ensemble des biens détenus, dont il faut non seulement réaliser l'inventaire mais aussi procéder à l'évaluation au 1 er janvier de l'année.

La déclaration d'ISF est donc une opération lourde et complexe, difficilement ressentie par de nombreux redevables, compte tenu, en particulier, des aléas susceptibles d'affecter la valeur déclarée de leurs biens.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE RÉFORME À LA FOIS AMBITIEUSE ET RAISONNABLE

A. LA REFONTE DU BARÈME DE L'ISF

1. Le nouveau calcul de l'impôt

Le présent article propose une modification complète du barème de l'ISF , à partir de la même assiette 129 ( * ) .

A cette fin, le C du I tend à réécrire l'article 885 U du code général des impôts. Aux termes du nouveau 1 du I de cet article, l'impôt serait calculé sur l'ensemble de la valeur nette taxable du patrimoine des assujettis (et non plus par tranches, comme actuellement).

Sur cette base, le tarif serait le suivant :

Valeur nette taxable du patrimoine

Tarif applicable (en %)

Egale ou supérieure à 1 300 000 euros et inférieure à 3 000 000 euros

0,25

Egale ou supérieure à 3 000 000 euros

0,5

Deux exemples de contribuables permettent d'illustrer ce nouveau mode de calcul :

- à 2 millions d'euros de patrimoine taxable, l'ISF à acquitter s'élève à 5 000 euros (2 000 000 * 0,25 / 100) - contre 7 980 euros selon la formule actuelle ;

- à 4 millions d'euros de patrimoine taxable, l'impôt dû s'établit à 20 000 euros (4 000 000 * 0,5 / 100) - contre 26 555 euros actuellement.

2. L'atténuation des effets de seuil

Dans un tel système de prise en compte de la valeur du patrimoine dès le premier euro, un problème particulier peut se poser en bas de chaque seuil en raison des conséquences du « bond » d'imposition pouvant toucher les contribuables concernés.

Ainsi, un contribuable dont le patrimoine s'élèverait à 1,3 million d'euros aurait à acquitter un ISF de 3 250 euros , contre aucun impôt pour celui qui ne posséderait qu'un euro de moins. De même, un redevable disposant d'un patrimoine d'une valeur de 3 millions d'euros devrait régler 15 000 euros d'ISF, contre  7 500 euros pour quelqu'un qui aurait un patrimoine moins élevé d'un euro.

Il y a là à la fois une certaine injustice et le risque de susciter des minorations de la valeur de leur patrimoine par les intéressés, ce qui ne serait évidemment pas satisfaisant.

C'est pourquoi le dernier alinéa du 1 et le 2 du I du nouvel article 885 W du code général des impôts prévoit un mécanisme de « décote » , c'est-à-dire de lissage de l'impôt, applicable aux contribuables dont le patrimoine a une valeur nette taxable (P) comprise entre , d'une part, 1,3 et 1,4 million d'euros et, d'autre part, 3 et 3,2 millions d'euros , selon les modalités suivantes.

Tout d'abord, un alinéa dispose que le montant de l'impôt calculé selon le tarif précédemment décrit est réduit à 1 500 euros (nouveau « seuil d'entrée » dans l'ISF) pour les redevables dont le patrimoine net taxable est égal à 1,3 million d'euros et de moitié pour les redevables dont le patrimoine net taxable est égal à 3 millions d'euros .

Ensuite, entre 1,3 et 1,4 million d'euros, le montant de l'impôt théorique (calculé selon la méthode normale) est réduit de 24 500 euros - (7 * P * 0,25 / 100).

Selon le même principe, entre 3 et 3,2 millions d'euros, l'impôt théorique est réduit de 120 000 euros - (7,5 * P * 0,5 / 100).

Ces formules assurent bien la continuité entre les différents seuils du barème , avec simplement une « marche » à 1 500 euros à l'entrée dans l'impôt.

Le tableau suivant donne quelques exemples des conséquences concrètes de ce système pour décote pour les contribuables concernés.

Exemples de montant d'ISF calculés avec et sans décote pour les contribuables se situant juste au-dessus des deux seuils proposés

(en euros)

Patrimoine taxable

Formule "sans décote"

Formule avec décote

1 300 000

3 250

1 500

1 350 000

3 375

2 500

1 400 000

3 500

3 500

3 000 000

15 000

7 500

3 050 000

15 250

9 625

3 100 000

15 500

11 750

3 150 000

15 750

13 875

3 200 000

16 000

16 000

Calculs de la commission des finances, d'après le projet de loi de finances rectificative pour 2011

3. L'actualisation des seuils

Le dispositif proposé prévoit, comme actuellement, un mécanisme d'actualisation des seuils du barème de l'ISF, qui constituerait le II de l'article 885 W du code général des impôts. Il s'en distingue simplement par la nécessaire adaptation au nouveau mécanisme (notamment au système de « décote »).

Il est ainsi prévu que, chaque année, successivement :

- le montant d'entrée dans l'ISF, les limites de valeurs nettes taxables du patrimoine figurant au tableau « de droit commun » ainsi que les limites inférieures figurant au tableau décrivant les formules de lissage (soit, actuellement, 1,3 et 3 millions d'euros) sont actualisées dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l'IR ;

- le montant de l'impôt réduit ainsi actualisé est arrondi à l'euro le plus proche. Les limites de valeurs nettes taxables du patrimoine actualisées l'étant à la dizaine de milliers d'euros la plus proche ;

- enfin, les constantes en euro, puis les limites supérieures de valeurs nettes taxables du patrimoine figurant au tableau de lissage sont ajustées de manière à égaliser l'impôt pour chacune des limites inférieures et supérieures mentionnées au tableau du 2.

En d'autres termes, l'actualisation ne devra pas recréer un effet de seuil au fil du temps , seul devant demeurer celui de l'entrée dans l'ISF.

4. La suppression de tout mécanisme de plafonnement de l'ISF

Le D du I du présent article propose d'abroger l'article 885 V bis du code général des impôts.

Il s'agit concrètement de supprimer à la fois :

- le plafonnement de l'ISF , instauré dès la création de l'impôt, limitant la somme de l'ISF et des impôts dus en France et à l'étranger au titre des revenus et produits de l'année précédente à 85 % du total des revenus nets de frais professionnels de l'année précédente ;

- et le « plafonnement du plafonnement » de cet impôt qui, depuis 1996, limite la réduction d'ISF résultant des dispositions ci-dessus à la moitié du montant de cotisation que le contribuable aurait normalement dû à l'Etat ou, s'il est supérieur, au montant de l'impôt correspondant à un patrimoine taxable égal à la limite supérieure de la troisième tranche du tarif.

Ces dispositions, peu appliquées depuis l'instauration du bouclier fiscal, complexifiaient l'ISF et devraient perdre de leur utilité avec la mise en place du nouveau barème.

B. L'ALLÈGEMENT DES MODALITÉS DÉCLARATIVES POUR LES REDEVABLES DU BAS DE L'ÉCHELLE

1. Une déclaration simplifiée

Le E du I du présent article propose de modifier l'article 855 W du code général des impôts, relatif aux modalités déclaratives de l'ISF.

Si le principe actuel d'une souscription au 15 juin de chaque année une déclaration de leur fortune au 1 er janvier de ladite année et accompagnée du paiement de l'impôt est maintenu, il est instauré une exception pour les contribuables dont le patrimoine taxable est inférieur à la limite de 3 millions d'euros . Ceux-ci n'auraient désormais qu'à mentionner la valeur nette taxable de leur patrimoine seulement sur cette déclaration (qui prendra, en pratique, la forme d'une case à remplir sur la déclaration d'IR), sans en détailler la composition.

Il est précisé que la valeur nette taxable du patrimoine des concubins notoires et de celui des enfants mineurs lorsque les concubins ont l'administration légale de leurs biens est portée sur la déclaration de l'un ou l'autre des concubins.

2. L'instauration d'un paiement sur rôle pour les contribuables les plus modestes

a) Le principe du paiement sur rôle de l'ISF

Le G du I du présent article propose de compléter l'article 1723 ter -00 A du même code, relatif aux règles de recouvrement, aux garanties et aux sanctions applicables à l'ISF. Ainsi, l'impôt dû par les redevables bénéficiant des modalités de déclaration simplifiée précédemment décrites serait recouvré en vertu d'un rôle , comme pour les autres impôts directs 130 ( * ) .

Cet impôt pourrait être payé de façon mensualisée, sur demande du redevable.

Ces dispositions ne seraient pas applicables aux impositions résultant de la mise en oeuvre d'une rectification ou d'une procédure d'imposition d'office ni aux redevables dont le patrimoine taxable est supérieur à 3 millions d'euros, ces derniers restant soumis au paiement de l'impôt concomitant avec la déclaration.

b) L'adaptation des règles de contrôle

Le A du II tend à adapter à ce nouveau système la rédaction de l'article L. 23 A du livre des procédures fiscales, relatif aux règles de contrôle de l'ISF.

Ce dispositif resterait inchangé par rapport à la situation actuelle. En particulier, il est précisé qu'à l'occasion du contrôle (mais seulement en cette occasion), les contribuables bénéficiant de la déclaration simplifiée devraient produire une déclaration détaillée des composantes de son patrimoine taxable.

c) Les pénalités de retard

Le H du I propose de modifier l'article 1730 du code général des impôts afin d'intégrer l'hypothèse d'un défaut de paiement de l'ISF sur rôle par les contribuables concernés.

En cas de retard , ceux-ci subiraient une majoration de 10 % (à laquelle s'ajoutent les intérêts de retard), tout comme les redevables de l'ISF ne bénéficiant pas de la déclaration simplifiée et du paiement sur rôle. Il s'agit donc de maintenir, de ce point de vue, l'égalité entre tous les contribuables soumis à l'ISF.

3. Les dispositions de coordination

D'autre part, il convient de procéder à diverses coordinations, en modifiant dans plusieurs articles du code général des impôts la référence à l'article 885 W de ce code, qui devrait désormais compter plusieurs subdivisions.

Tel est l'objet :

- du A du I pour l'article 885 I bis ;

- du B du I pour l'article 885 I quater ;

- du 2° du E du I pour les II et III de l'article 885 W lui-même ;

- du F du I pour l'article 885 Z ;

De telles coordinations sont également nécessaires au sein du livre des procédures fiscales, ce à quoi procèdent :

- le B du II au sein de l'article L. 66 (défaut ou retard dans le dépôt des déclarations) ;

- le C du II , pour ce qui concerne l'article L. 180 (droit de reprise de l'administration)

- et le D du II , à l'article L. 253, relatif à l'établissement de l'avis d'imposition pour les redevables de l'ISF qui auront à le payer sur rôle.

C. L'ENTRÉE EN VIGUEUR DU NOUVEAU DISPOSITIF

Les III et IV du présent article régissent l'entrée en vigueur de la réforme de l'ISF.

De manière générale, ces dispositions s'appliqueraient à l'impôt dû à compter de 2012 . En particulier, le barème actuel de l'impôt s'appliquerait, en 2011, aux personnes qui resteraient redevables de l'ISF - c'est-à-dire à celles dont le patrimoine taxable est d'un montant supérieur à 1,3 million d'euros.

Deux exceptions sont toutefois prévues.

D'une part, la possibilité de mensualiser son ISF n'interviendrait qu'à compter de 2013.

D'autre part et surtout, certaines mesures trouveraient à s'appliquer dès 2011 . Il s'agit de la suppression de l'ISF pour les contribuables dont le patrimoine taxable est inférieur à 1,3 million d'euros . De même, s'il n'est matériellement pas possible de faire déclarer l'ISF 2011 des redevables concernés sur la déclaration d'IR, il est proposé de simplifier dès 2011 les modalités de déclaration de l'ISF des redevables dont le patrimoine net taxable est inférieur à 3 millions d'euros, en prévoyant que ces derniers renvoient leur imprimé d'ISF sans les annexes, et sans les justificatifs de réductions .

Enfin, pour permettre l'application de ce qui précède, il est proposé de reporter du 15 juin au 30 septembre 2011 la date limite de dépôt de la déclaration et du paiement de l'ISF 2011 .

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté treize amendements de clarification rédactionnelle ou visant à corriger une erreur de référence.

De plus, elle a adopté, à l'initiative de nos collègues députés Gilles Carrez, rapporteur général du budget, Marc Le Fur et Hervé Mariton et avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement ayant pour objet :

- d'une part, d' élargir le champ des personnes ouvrant droit à la réduction d'ISF pour personne à charge aux enfants majeurs poursuivant leurs études et aux autres personnes prises en charge par le contribuable ;

- et, d'autre part, de porter le montant de cette réduction par personne à charge de 150 euros à 300 euros .

Le coût de cette mesure n'a pas été chiffré par le Gouvernement.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur général approuve sans ambiguïté l'économie générale de cet article , pivot de la réforme de la fiscalité patrimoniale avec l'article 13, tendant à abroger le bouclier fiscal.

Comme cela a été exprimé dans l'exposé général du présent rapport, il apporte une réponse forte et efficace aux problèmes que pose l'ISF à l'économie française, dans le contexte politique de l'année 2011.

Ainsi, le relèvement très notable du seuil d'entrée de cet impôt devrait permettre de traiter, en pratique, la question des contribuables qui devaient acquitter l'ISF du seul fait de la revalorisation de leur résidence principale, dont la valeur d'usage qu'ils en tirent reste pourtant constante au fil du temps.

A l'autre bout du spectre, le retour à des taux d'imposition raisonnables et en lien avec la rémunération des actifs est, évidemment, une excellente chose . En effet, ce n'est pas parce que des contribuables disposent d'un patrimoine important qu'il est légitime de leur appliquer un impôt confiscatoire, de nature à leur imposer d'aliéner une partie de leur patrimoine afin de les acquitter. De ce point de vue, le taux actuel de la tranche supérieur de l'ISF (1,8 %) ne peut être valablement défendu, sauf à trouver des moyens de contournement pour ne pas l'appliquer - ce qu'a été le bouclier fiscal.

Cette évolution rend possible, et même souhaitable, la suppression de tout système de plafonnement de l'ISF ; non seulement le bouclier fiscal, comme cela sera décrit dans le commentaire de l'article 13, mais aussi le plafonnement « interne » de l'ISF (figurant au sein l'article 885 V bis du code général des impôts) ainsi que le « plafonnement de ce plafonnement ». La simplicité du système fiscal gagnera à la suppression de dispositions, qui, pour légitimes qu'elles soient afin d'encadrer un impôt lourd et décorrélé du revenu, pouvaient parfois susciter une importante optimisation fiscale.

Le système de décote prévu par cet article est également utile afin de prévenir les importants effets de seuil qu'aurait engendrés l'application des taux de l'ISF rénové à l'ensemble du patrimoine des assujettis, dès le premier euro, et non plus selon un système de tranches de patrimoine.

Par ailleurs, l'amendement adopté par l'Assemblée nationale mérite d'être retenu en ce qu'il atténue un peu le caractère « antifamilial » de l'ISF , pour le calcul duquel l'Etat considère le foyer comme une entité unique dotée d'un patrimoine taxable, sans aucun système de quotient.

Enfin, la simplification très attendue des modalités déclaratives - et le paiement sur rôle - pour les assujettis détenant un patrimoine relativement modeste constitue une réelle avancée. Pour ces contribuables, l'ISF devrait ainsi perdre une bonne partie de son caractère « punitif », même de manière symbolique, en se réduisant à une case à remplir sur la déclaration de revenus. Il conviendra simplement de s'assurer que l'administration fiscale « joue le jeu » de la réforme et ne la dénature pas, en multipliant les contrôles sur les intéressés, ce qui pourrait aboutir à lui ôter une grande partie de son intérêt.

Sous le bénéfice de cette observation, il convient de soutenir l'ensemble du dispositif proposé, qui représente, d'un point de vue politique et budgétaire, la meilleure réforme de l'ISF qu'il était possible de réaliser cette année.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 1er bis (nouveau) (Art. 885-0 V bis A du code général des impôts) - Modalités d'information de l'administration fiscale pour l'obtention de la réduction d'impôt de solidarité sur la fortune au titre des dons

Commentaire : le présent article vise à accorder un délai de trois mois aux redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) qui ont effectué des dons leur permettant de bénéficier de la réduction d'impôt prévue à l'article 885-0 V bis A du code général des impôts.

Le présent article a été introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de nos collègues députés Gilles Carrez, rapporteur général du budget, au nom de la commission des finances, et Olivier Carré, avec l'accord du Gouvernement. Il vise à accorder un délai de trois mois aux redevables de l'ISF susceptibles de bénéficier de la réduction au titre des dons à certains organismes 131 ( * )

A cette fin, il propose de préciser, au IV de l'article 885-0 V bis A précité, que le bénéfice de la réduction d'impôt est conditionnée à la fourniture des pièces justificatives à l'administration fiscale au moment de la déclaration (soit normalement avant le 15 juin) ou « dans les trois mois suivant [cette] date limite ».

Cette utile mesure de simplification, non coûteuse pour les finances publiques , s'inscrit dans la logique de réduction de la charge administrative incombant aux redevables de l'ISF, à laquelle procède déjà l'article 1 er du présent projet de loi de finances rectificative.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 1er ter (nouveau) (Art. 885-0 V bis du code général des impôts) - Règles de remploi des sommes ouvrant droit à la réduction d'impôt de solidarité sur la fortune au titre des investissements dans les petites et moyennes entreprises

Commentaire : le présent article vise à ce que l'obligation de remploi des sommes investies dans des petites et moyennes entreprises (PME) pour bénéficier de la réduction « d'ISF-PME » ne porte que sur les fonds nets des impôts et taxes résultant de la cession forcée des titres de l'investisseur.

La loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA) a instauré une réduction d'ISF 132 ( * ) au titre des investissements au capital des PME, codifiée à l'article 885-0 V bis du code général des impôts.

Le bénéfice de cet avantage fiscal est subordonné à la conservation par le redevable des titres reçus en contrepartie de sa souscription au capital de la société jusqu'au 31 décembre de la cinquième année suivant celle de la souscription .

Cependant, aux termes du 2 du II de l'article 885-0 V bis précité, en cas de non-respect de cette condition de conservation du fait d'une cession stipulée obligatoire par un pacte d'associés ou d'actionnaires, la réduction d'impôt accordée au titre de l'année en cours et de celles précédant ces opérations n'est pas remise en cause si le prix de vente des titres cédés est intégralement réinvesti par un actionnaire minoritaire, dans un délai maximum de douze mois à compter de la cession, en souscription de titres de sociétés éligibles, sous réserve que les titres ainsi souscrits soient conservés jusqu'au même terme. Bien entendu, cette souscription ne peut donner lieu elle-même à la réduction d'ISF-PME.

Le présent article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de nos collègues députés Gilles Carrez, au nom de la commission des finances, Olivier Carré et Nicolas Forissier, avec l'accord du Gouvernement, propose de préciser que l'obligation de remploi décrite précédemment ne s'applique qu'aux sommes perçues par l'investisseur nettes des impôts et taxes résultant de la cession forcée (par exemple des prélèvements sur les plus-values).

Le coût de ce dispositif n'est pas connu, mais celui-ci ne devrait pas être élevé, la situation visée n'étant pas extrêmement fréquente.

Cette mesure présente le mérite de la logique, en ne forçant pas le contribuable à opérer, en pratique, un investissement supplémentaire pour conserver le bénéfice de sa réduction d'impôt. Elle respecte donc bien l'esprit de ce volet du dispositif dit « ISF-PME ».

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 1er quater (nouveau) - Généralisation de l'autoliquidation du bouclier fiscal dès 2011

Commentaire : le présent article vise à généraliser l'autoliquidation du bouclier fiscal pour les redevables de l'ISF dès le 30 septembre 2011.

I. LES MODALITÉS DE MISE EN oeUVRE DU BOUCLIER FISCAL

La portée du présent article ne nécessite pas de revenir sur le principe ou sur le mécanisme général du bouclier fiscal, décrits tant dans l'exposé général du présent rapport qu'au sein du commentaire de l'article 13 de ce projet de loi de finances rectificative.

En revanche, il convient de rappeler brièvement les modalités selon lesquelles s'exerce le droit à restitution des bénéficiaires du bouclier - laquelle correspond, pour mémoire, à la fraction des impositions de l'année précédente excédant le seuil de 50 % des revenus sur lesquels ont porté ces impositions, c'est-à-dire ceux réalisés deux années auparavant.

A. LA PROCÉDURE DITE CONTENTIEUSE

A l'origine du bouclier fiscal, la procédure dite « contentieuse » était, pour les contribuables, la seule façon de faire valoir leur droit à restitution .

Dans cette procédure, décrite au 8 de l'article 1649-0 A du code général des impôts, le contribuable doit faire parvenir une demande de restitution à l'administration fiscale avant le 31 décembre de la deuxième année suivant celle de la réalisation des revenus ouvrant droit au bouclier.

Après instruction du dossier, l'Etat reverse par virement le trop-perçu à l'intéressé si sa demande est justifiée.

B. LE MÉCANISME DE L'AUTOLIQUIDATION

Selon les dispositions introduites par l'article 38 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 133 ( * ) , adopté à l'initiative de votre rapporteur général, un contribuable peut calculer lui-même le montant de son impôt en tenant compte de la créance qu'il détient sur l'Etat à raison des excédents d'impositions antérieurement acquittés, puis l'imputer directement sur son ISF , sa taxe foncière sur les propriétés bâties ou non bâties, sa taxe d'habitation ou ses contributions et prélèvements sociaux de l'année au 1 er janvier de laquelle il a acquis don droit à restitution.

C'est ce mécanisme qu'on désigne sous le terme d'« autoliquidation du bouclier fiscal ».

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UNE AUTOLIQUIDATION OBLIGATOIRE DÈS 2011

Le présent article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de nos collègues députés Gilles Carrez, rapporteur général du budget, au nom de la commission des finances, et Charles de Courson, avec l'avis favorable du Gouvernement, vise à généraliser l'autoliquidation du bouclier fiscal pour le redevables de l'ISF dès le 30 septembre 2011 , sans attendre la généralisation prévue pour le bouclier 2012 par le II de l'article 13 du présent texte dans la version proposée par le Gouvernement.

A cette fin, le premier alinéa du I prévoit que les contribuables qui sont redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune au titre de l'année 2011 et qui n'exercent pas le droit à restitution acquis au 1 er janvier de la même année selon la procédure « contentieuse » avant le 30 septembre 2011, devront exercer ce droit à restitution selon le mécanisme de l'autoliquidation , en imputant le montant correspondant à ce droit exclusivement sur celui de la cotisation d'ISF due au titre de 2011.

Cela signifie que les contribuables concernés devront calculer et déduire eux-mêmes du montant de l'ISF à acquitter les sommes dont ils doivent obtenir le reversement au titre du bouclier fiscal.

En outre, le second alinéa du I du présent article additionnel précise que toute créance qui subsisterait au-delà de l'année 2011 devrait être imputable « exclusivement » sur les cotisations d'impôt de solidarité sur la fortune dues au titre des années suivantes .

Cependant, trois exceptions à ce dernier principe sont prévues . Le contribuable ou ses ayants droits pourront en effet demander la restitution du reliquat de la créance issue du droit à restitution acquis en 2012 avant le 31 décembre de l'année au titre de laquelle :

- ils ne sont plus redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune ;

- les membres du foyer fiscal titulaires de la créance font l'objet d'une imposition distincte à l'ISF ;

- l'un des membres du foyer fiscal titulaire de la créance décède.

D'après les chiffres transmis par le Gouvernement, les données relatives à l'imputation du bouclier fiscal « autoliquidé » sur l'ISF sont les suivantes :

Année

2009

2010

Nombre de redevables de l'ISF

2 822

3 952

Montant du bouclier imputé sur l'ISF (en millions d'euros)

149

218

Source : ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat

La lecture de ce tableau montre que le nombre de redevables bénéficiaires du bouclier fiscal ayant recours au mécanisme de l'autoliquidation a sensiblement augmenté entre 2009 et 2010, de même que les montants en jeu .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur général , qui a toujours défendu le principe de l'autoliquidation et l'a proposé dès l'examen de la loi dite « TEPA » , n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat 134 ( * ) , ne saurait qu'approuver le présent article.

Ce dispositif, qui anticipe sur celui que le Gouvernement proposait à l'article 13 du présent projet de loi de finances rectificative pour le bouclier fiscal 2012, présente l'avantage de limiter les flux de trésorerie entre l'Etat et les contribuables au titre du bouclier fiscal de 2011 au cours de l'année 2012, ce qui peut éviter un effet optique sur l'équilibre financier de la réforme de la fiscalité patrimoniale en 2012.

De surcroît, le dispositif proposé ne pose pas de problème de rétroactivité, puisque les contribuables concernés seront en mesure de choisir entre les deux modalités de restitution de leur créance jusqu'au 30 septembre 2011, date à laquelle ils devront s'acquitter de l'ISF pour 2011. Cette mesure est donc conforme au principe de sécurité juridique.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 2 (Art. 777 du code général des impôts) - Augmentation des taux applicables aux deux dernières tranches d'imposition pour les transmissions à titre gratuit en ligne directe

Commentaire : le présent article a pour objet d'augmenter les taux applicables aux deux dernières tranches d'imposition pour les transmissions à titre gratuit en ligne directe.

I. LA FISCALITÉ DES DROITS DE MUTATIONS À TITRE GRATUIT (DMTG)

A. DES DISPOSITIONS COMMUNES AUX SUCCESSIONS ET AUX DONATIONS

Les mutations à titre gratuit sont celles qui ne comportent en principe la fourniture d'aucune contrepartie par leur bénéficiaire. Lorsqu'elles sont l'effet de la volonté des intéressés, elles procèdent d'une intention de libéralité. Elles peuvent résulter du décès (transmissions ab intestat ou testamentaires) ou avoir lieu entre vifs (donations). Elles ne représentent qu'environ 1% des rentrées fiscales de l'État .

Les dispositions relatives aux droits de mutation à titre gratuit (DMTG) figurent aux articles 750 ter à 808 du code général des impôts (CGI).

En matière de DMTG, les droits sont calculés suivant des modalités communes aux donations et aux successions , à quelques exceptions près. En effet, pour l'essentiel, les donations et les successions sont soumises à un régime fiscal identique , notamment en ce qui concerne les abattements et les tarifs applicables.

Le principe est celui d'une taxation séparée des mutations pour chaque couple « origine-bénéficiaire », selon la terminologie employée par le Conseil des prélèvements obligatoires. Ainsi, lors de la liquidation des droits de succession, la part de chaque héritier est taxée séparément .

De surcroît, les droits de mutation à titre gratuit sont perçus en tenant compte de la situation personnelle du redevable et de ses liens de parenté avec le défunt ou le donateur .

Enfin, les DMTG sont calculés en fonction d'un taux progressif que l'on applique à la part nette revenant à chaque ayant droit après l'application éventuelle d'abattements ou de réductions.

B. LES DROITS DE SUCCESSION

1. La déclaration de succession

Les héritiers et légataires sont tenus de déposer au bureau de l'enregistrement, dans les six mois du décès , une déclaration des biens qui appartenaient au défunt et d'acquitter, s'il y a lieu, les droits calculés sur la valeur des biens qui leur sont transmis.

Lorsque le défunt avait son domicile en France , les droits sont dus , sous réserve des conventions internationales, sur l'ensemble des biens transmis, y compris ceux situés à l'étranger . Lorsque le défunt avait son domicile hors de France, la taxation ne s'étend (sous réserve là encore des conventions) aux biens situés à l'étranger que s'ils reviennent à des héritiers et légataires qui sont domiciliés en France au jour du décès et l'ont été pendant au moins six ans au cours des dix années ayant précédé celle du décès.

Sont présumées faire partie de la succession, sauf preuve contraire, les valeurs mobilières et créances dont le défunt a eu la propriété ou a perçu les revenus moins d'un an avant son décès.

Les biens dépendant de la succession doivent faire l'objet d'une estimation à la date du décès . Pour les immeubles et les titres non cotés en bourse, on doit retenir la valeur vénale à cette date. Pour les valeurs cotées, on doit retenir le cours en bourse. Les meubles meublants 135 ( * ) doivent être évalués au prix de vente s'ils ont fait l'objet d'une vente publique dans les deux ans du décès. A défaut de vente publique et en cas d'inventaire notarié, ce sont les estimations de cet inventaire qui sont retenues. Dans tous les autres cas, les meubles meublants sont évalués forfaitairement à 5 % de la valeur des autres biens.

2. Le calcul des droits de succession

Les droits sont calculés sur « la part nette revenant à chaque ayant droit » (art. 777 du CGI) et non sur l'ensemble de la masse successorale . Ainsi, on ne tient pas compte de l'importance de la succession mais du montant de l'héritage reçu par chacun .

Le législateur a préféré retenir la capacité contributive de celui qui reçoit le bien plutôt que celle du défunt. D'un autre côté, le calcul est conçu pour privilégier les héritiers en ligne directe par rapport aux collatéraux et aux non-parents .

Le calcul des droits suppose trois opérations qui doivent être effectuées successivement sur la part successorale imposable pour obtenir l'impôt exigible : le retranchement des abattements , l'application du taux , la soustraction des réductions .

Les abattements ont un caractère strictement personnel , ce qui signifie que si un abattement n'est pas utilisé intégralement par un héritier ou légataire, il ne peut pas être reporté sur la part d'autres héritiers.

3. Les exonérations

Quelques éléments sont expressément exonérés des droits de succession. Les plus notables sont :

- les assurances-vie contractées par le défunt ;

- les bois et forêts, à concurrence des trois quarts de leur valeur ;

- lors de leur première transmission à titre gratuit, les logements acquis neufs sur une période donnée, que le défunt aura affectés de manière continue à son habitation principale ou à celle d'un locataire pendant au moins cinq ans jusqu'à son décès si celui-ci survient avant le terme de cette période.

- les biens ruraux loués par bail à long terme (à concurrence des trois-quarts ou de la moitié de leur valeur) ;

- les oeuvres d'art , livres, objets de collection ou documents de haute valeur artistique ou historique dont il est fait don à l'Etat ou aux collectivités territoriales avec leur agrément ;

- les sommes prélevées sur l'actif transmis par le défunt pour être données, dans les six mois du décès, à une fondation ou association reconnue d'utilité publique.

4. La loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat a renforcé les incitations au profit des transmissions en ligne directe et entre époux

Les transmissions en ligne directe bénéficient d'un certain nombre d'avantages, qui ont été renforcés depuis l'adoption de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA).

Ainsi, pour les successions qui se sont ouvertes à compter du 22 août 2007, les transmissions entre époux (et entre signataires d'un Pacte civil de solidarité, PACS) sont exonérées, et un abattement de 150 000 euros, porté à 159 325 euros le premier janvier 2011, est appliqué sur la part de chacun des enfants (vivants ou représentés) et sur celle des ascendants.

Avant cette date, un abattement global de 50 000 euros était appliqué sur l'actif net successoral recueilli par le conjoint survivant (alors non exonéré) et par les héritiers en ligne directe, tandis qu'un abattement personnel de 76 000 euros était appliqué à la part du conjoint et un abattement de 50 000 euros à la part de chacun des enfants ou ascendants.

La part restant taxable entre les mains de chaque ayant droit est soumise à des droits progressifs s'échelonnant de 5 à 40 %.

En outre, chaque héritier ayant plus de deux enfants bénéficie d'une réduction de droits de 610 euros par enfant en sus du deuxième.

Le tarif des droits applicables aux transmissions effectuées en ligne directe est défini à l'article 777 du CGI (tableau 1).

Fractions de part nette taxable

Tarif applicable (en %)

N'excédant pas 8 072 €

5

Comprise entre 8 072 € et 12 109 €

10

Comprise entre 12 109 € et 15 932 €

15

Comprise entre 15 932 € et 552 324 €

20

Comprise entre 552 324 € et 902 838 €

30

Comprise entre 902 838 € et 1 805 677 €

35

Au-delà de 1 805 677 €

40

Le tarif des droits de mutation applicables aux donations consenties entre époux et partenaires liés par un pacte civil de solidarité est également défini à l'article 777 du CGI (tableau 2) :

Fraction de part nette taxable

Tarif applicable (en %)

N'excédant par 8 072 €

5

Comprise entre 8 072 € et 15 932 €

10

Comprise entre 15 932 € et 31 865 €

15

Comprise entre 31 865 € et 552 324 €

20

Comprise entre 552 324 € et 902 838 €

30

Comprise entre 902 838 € et 1 805 677 €

35

Au-delà de 1 805 677 €

40

5. Les barèmes et exonérations applicables aux autres successions sont moins favorables

a) les transmissions en ligne collatérale ou entre-non parents

Dans ce cas, les tarifs de l'impôt sont particulièrement lourds .

Entre frères et soeurs, le droit est de 35 % et passe à 45 % sur la fraction supérieure à 23 299 euros.

Cependant, une exonération complète est accordée, pour les successions ouvertes depuis le 22 août 2007 , à la triple condition que le frère ou la soeur soit, à l'ouverture de la succession, célibataire, veuf, divorcé ou séparé de corps, qu'il soit âgé de plus de 50 ans ou infirme, et qu'il ait été constamment domicilié avec le défunt pendant les cinq années ayant précédé le décès.

Entre oncles ou tantes et neveux ou nièces et entre cousins germains, le droit est uniformément de 55 %.

Il est uniformément de 60 % entre parents au-delà du quatrième degré et entre personnes non parentes.

Quant aux abattements applicables, ils sont de très faible montant.

b) Les héritiers atteints d'une infirmité

Un abattement spécial de 159 325 euros pour 2011 est applicable sur la part d'héritage revenant à toute personne atteinte d'une infirmité physique ou mentale l'empêchant de travailler dans des conditions normales.

C. LES DROITS DE DONATION

1. Le principe

La donation est un contrat par lequel une personne (le donateur) transfère « actuellement et irrévocablement » (art. 894 du Code civil) sans contrepartie et avec intention libérale, la propriété d'un bien à une autre (le donataire) qui l'accepte.

L'exigibilité des droits de donation est ainsi soumise à trois conditions : le contrat doit être gratuit, le donateur doit être dessaisi des biens donnés, et la donation doit être expressément acceptée par le donataire.

Les donations, également dénommées mutations à titre gratuit entre vifs , connaissent un régime fiscal général assorti de dispositions spécifiques à certaines formes de donations (donation-partage, donation à enfant unique par exemple).

D'une manière générale, les donations sont soumises à un régime fiscal proche de celui applicable aux successions . Mais l'assimilation des deux régimes n'est pas complète, car il existe des conditions particulières au regard de l'exigibilité des droits, de leur assiette, de leur liquidation et de leur recouvrement.

2. L'assiette des droits de donation

Les donations sont soumises pour l'assiette des droits au même régime que les successions, mais avec les particularités suivantes :

- les donations entre époux (ou entre signataires d'un PACS) sont imposables sous réserve d'un abattement de 80 724 euros en 2011 ;

- les dettes grevant les biens donnés mises à la charge du donataire ne sont, en règle générale, déductibles de la base de calcul des droits que si elles proviennent d'un emprunt bancaire (art. 776 bis du CGI) ;

- le donateur peut prendre à sa charge le paiement des droits, qui normalement incombent au donataire, sans que cela soit assimilé à un complément de donation taxable. Pour un même débours 136 ( * ) global, le donateur peut ainsi accroître la donation effective du bénéficiaire.

L'assiette des droits reprend le régime des droits de succession. Sur les règles de territorialité, s'appliquent les mesures applicables en matière de droits de succession. Elles sont imposables en France quand le donateur ou le donataire est domicilié en France, quels que soient la nature du bien transmis et le lieu de passation de l'acte .

Lorsque le donateur ou le donataire n'est pas domicilié en France, seules sont imposables en France les transmissions à titre gratuit de biens français même opérées par des actes passés à l'étranger (art. 750 ter du CGI). Là encore, ces dispositions ne s'appliquent que sous réserve des conventions internationales conclues par la France.

3. La liquidation des droits et la détermination de la part nette taxable

La liquidation des droits  donne lieu aux mêmes opérations qu'en matière de succession.

Lorsque la donation est faite à plusieurs bénéficiaires, les droits sont liquidés sur la part revenant à chacun d'eux (art. 777 du CGI). Dans l'hypothèse où la donation est consentie par plusieurs personnes, la perception des droits est établie comme si chaque personne avait consenti une libéralité par acte distinct. Il en va ainsi, par exemple, en cas de donation simultanée par le mari et la femme.

A cet égard, lorsque la donation comprend des biens de communauté, ceux-ci doivent être considérés comme donnés, par parts égales, par chacun d'eux, et les abattements et droits sont calculés distinctement sur les biens donnés par chacun.

4. Des dispositifs incitatifs spécifiques aux donations

Afin d'encourager les donations de la part de personnes d'un certain âge, des réductions de droits sont prévues, dont le montant est variable suivant l'objet de la donation et l'âge du donateur.

Pour les donations en pleine propriété ou en usufruit , il existe ainsi une réduction de 50 % lorsque le donateur a moins de 70 ans, et une réduction de 30 % lorsqu'il a 70 ans révolus et moins de 80 ans . Pour les donations en nue-propriété (dite aussi en réserve d'usufruit) , les réductions sont ramenées respectivement à 35 et 10 % . Aucune réduction n'est applicable si le donateur est âgé de plus de 80 ans.

Pour mémoire, l'usufruit est la jouissance d'un bien dont on n'a pas la propriété . Cela signifie que l'usufruitier a le droit de se servir du bien ou d'en recevoir les revenus, mais il n'a pas la faculté de se défaire du bien. A l'inverse, la donation en nue-propriété donne le droit de disposer du bien à sa guise , en le modifiant ou en le détruisant, mais sans pouvoir user de ce bien ni en percevoir les fruits. Il s'agit d'un droit de propriété partiel . Enfin, la pleine propriété désigne le droit d'user, de recueillir les fruits et de disposer d'un bien de façon exclusive et absolue. Il s'agit donc de la propriété complète d'un bien .

Ces abattements ou réductions s'appliquent sans établir de distinction fondée sur la nature de la donation (donation-partage, donations à enfant unique, autres donations). L'âge du donateur s'apprécie à la date de l'acte de donation .

Les réductions sont effectuées sur le montant des droits dus en dernier lieu par chaque donataire après application des abattements et autres réductions des droits pour charges de famille notamment.

Enfin, un abattement spécifique de 31 865 euros en 2011 s'applique aux donations de sommes d'argent consenties par les personnes de moins de 65 ans à leurs enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants, ou, à défaut d'une telle descendance, à leurs neveux ou nièces majeurs ou mineurs émancipés.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article propose de modifier les tableaux I et II de l'article 777 du code général des impôts, de façon à augmenter de cinq points le tarif des deux dernières tranches du barème d'imposition applicable aux successions et aux donations consenties en ligne directe, ainsi qu'aux donations entre époux ou entre partenaires liés par PACS.

Ainsi, les taux applicables sont relevés de 35 à 40 % pour la fraction de la part nette taxable comprise entre 902 838 euros et 1 805 677 euros, et de 40 à 45 % pour la fraction de la part nette taxable au-delà de 1 805 677 euros .

La mesure serait applicable dès 2011, à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi.

Les tableaux suivants présentent le nombre de personnes concernées par la hausse des taux applicables aux deux dernières tranches d'imposition pour les transmissions à titre gratuit en ligne directe en 2011 :

Nombre de bénéficiaires de donations en 2011

Tranche à 35 %

420

Tranche à 40 %

300

Source : commission des finances, d'après les chiffres transmis par le Gouvernement

Nombre de bénéficiaires de successions en 2011

Tranche à 35 %

1 130

Tranche à 40 %

450

Source : commission des finances, d'après les chiffres transmis par le Gouvernement

D'après l'évaluation préalable jointe au présent projet de loi de finances rectificative, en 2010, le montant total des droits de succession a atteint 6 906 millions d'euros , tandis que le montant total des droits de donation s'est élevé à 931 millions d'euros .

Pour l'année 2011, d'après les données transmises par le Gouvernement, les droits sur donations ont été révisés à la hausse de 0,14 milliard d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2011, du fait de la prise en compte des résultats de l'exécution 2010. Les donations s'étaient élevées, fin 2010, à 0,9 milliard d'euros, soit une hausse de 0,2 milliard d'euros par rapport à la dernière loi de finances rectificative pour 2010.

Les droits de successions sont estimés , quant à eux, à 7,2 milliards d'euros en 2011, soit une hausse de 0,3 milliard d'euros par rapport à la loi de finances initiale, du fait des éléments suivants : une prise en compte des résultats de l'exécution 2010 (+ 0,2 milliard d'euros, ce qui porte la prévision 2011 au niveau de l'exécution 2010), et 0, 08 milliard d'euros de restes à recouvrer de recettes issues de la cellule de régularisation.

Sur la base des ces hypothèses, le produit de la hausse des taux des deux dernières tranches est estimé à 23 millions d'euros en 2011 et à 185 millions d'euros à partir de 2012, soit 10,3 % du coût de la réforme de l'ISF . En effet, le Gouvernement a émis l'hypothèse que :

- s'agissant des donations, la mesure s'appliquant dès l'entrée en vigueur de la loi, le gain de la mesure est estimé, pour 2011, à 5,5/12ème du montant des recettes supplémentaires en année pleine, soit 23 millions d'euros ;

- s'agissant des successions, compte tenu du délai de dépôt des déclarations, le rendement de la mesure serait nul en 2011.

L'Assemblée nationale n'a apporté aucune modification à cet article.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Cette mesure est l'une des dispositions constituant le coeur du dispositif de financement de la réforme de la fiscalité du patrimoine , avec les articles 3 et 4, qui portent également sur une hausse ciblée de la fiscalité des donations et des successions .

Votre rapporteur général réitère le raisonnement qu'il a tenu dans le cadre de l'exposé général du présent rapport.

Le choix du Gouvernement apparaît cohérent dans la mesure où la réforme se limite bien à la fiscalité sur la détention et la transmission des patrimoines.

Néanmoins, l'incertitude demeure s'agissant de la fiabilité des chiffrages au titre de 2011, car on ne peut exclure les effets d'aubaine .

Cette mesure porte exclusivement sur les plus hauts patrimoines , en accord avec la philosophie de la réforme. En effet, d'après l'évaluation préalable de l'article 2, le nouveau dispositif concernera environ 1 600 héritiers pour un patrimoine moyen transmis par héritier de 1,6 million d'euros avant abattement, au titre des droits de succession, et 720 donataires pour un patrimoine moyen transmis par donataire de 2,1 millions d'euros avant abattement, au titre des droits de donation.

Elle se justifie donc du point de vue de la justice sociale.

Parallèlement, la mesure ne devrait pas altérer le dynamisme des successions et des donations , donc les recettes qui y sont associées, dans la mesure où la réforme ne revient pas sur les mesures adoptées dans le cadre de la loi TEPA, qui ont largement permis d'exonérer 95 % des successions du paiement de DMTG.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 3 (Art. 730 ter, 746, 750, 750 bis A et 784 du code général des impôts, art. L. 181 bis [nouveau] du livre des procédures fiscales) - Augmentation de six à dix ans du délai de rappel des donations

Commentaire : le présent article a pour objet d'augmenter de six à dix ans le délai de rappel des donations.

I. LA FISCALITÉ DES DROITS DE MUTATIONS À TITRE GRATUIT (DMTG)

Le lecteur pourra, sur ce point, se reporter supra au commentaire de l'article 2 du présent projet de loi de finances rectificative.

II. LE RAPPEL DES DONATIONS ANTÉRIEURES

A. LE PRINCIPE

En application du premier alinéa de l'article 784 du code général des impôts (CGI) , les donations antérieures doivent être rapportées à la succession au moment de son ouverture. Il est fait masse de ces donations avec la succession.

Cette règle comporte plusieurs conséquences . D'une part, les donations antérieures ne sont pas sujettes alors à la seconde imposition. Cependant, leur rapport renforce la progressivité des droits nouvellement dus et vient réduire parallèlement les possibilités d'abattement et de réduction à concurrence des allègements déjà obtenus sur les donations antérieures.

B. L'EXCEPTION

Néanmoins, cette obligation de rapport ne s'applique pas du point de vue fiscal aux donations effectuées depuis plus de six ans.

En effet, l'alinéa 2 de l'article 784 du CGI exclut du rapport fiscal les donations régulièrement enregistrées depuis plus de six ans avant la succession.

Il en résulte que si la donation est effectuée six ans avant l'ouverture de la succession, l'actif successoral sera frappé des taux prévus pour les premières tranches du barème.

Enfin, les héritiers avec trois enfants à charge pourront à nouveau bénéficier des réductions. Est ainsi possible une transmission, en franchise d'impôt, d'une partie du patrimoine du contribuable, à condition que la part donnée ne dépasse pas l'abattement applicable et que la donation soit effectuée à six ans d'intervalle. L'abattement est accordé pour les donations consenties par chaque parent ou chaque grand-parent.

Pour mémoire, le délai de six ans avait été introduit par la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, dans le but de favoriser la transmission anticipée d'une fraction plus élevée du patrimoine , à une époque où le montant des abattements personnels relatifs aux droits de mutation à titre gratuits (DMTG) était très inférieur à la situation actuelle, à hauteur de 50 000 euros en ligne directe par exemple.

III. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. L'AUGMENTATION DU DÉLAI DE RAPPEL DES DONATIONS

Le présent article propose d'augmenter de six à dix ans le délai de rappel des donations . Le dispositif en revient donc à la situation qui existait avant 2006.

Le I du présent article tend à modifier dans ce sens le deuxième alinéa de l'article 784 du code général des impôts, en remplaçant le nombre « six » par le nombre « dix ».

Les donations effectuées entre l'été 2001 et l'été 2005 seraient en conséquence réintégrées aux successions ayant eu lieu à l'été 2011.

B. LA RECTIFICATION DE LA VALEUR D'UN BIEN TRANSMIS ENTRE SIX ET DIX ANS

Le II de l'article 3 vise à créer un nouvel article L. 186 bis disposant que « la valeur des biens faisant l'objet des donations antérieures ajoutées à une donation ou une déclaration de succession en vertu des dispositions du deuxième alinéa de l'article 784 du code général des impôts peut, pour l'application de ce seul alinéa, être rectifiée ».

Le but de cette dispositif est de permettre la rectification de la valeur d'un bien transmis entre six et dix ans, afin d'asseoir les DMTG dus à raison de la succession ou de la donation considérée sur la base de la réalité des donations précédentes .

C. UNE MESURE APPLICABLE DÈS 2011, DONT LE PLEIN EFFET BUDGÉTAIRE N'INTERVIENDRA QU'À PARTIR DE 2012

Le dispositif serait applicable en 2011, dès la promulgation de la présente loi de finances rectificative.

Le nombre de redevables concernés par cette mesure n'est pas déterminé. Cependant, l'évaluation préalable jointe au présent article indique que le nombre de déclarations de succession dont l'actif est constitué de donations antérieures rapportées est estimé à 30 498 .

D'après ce même document, l'augmentation de six à dix ans du délai de rappel des donations engendrerait des recettes évaluées à 18 millions d'euros en 2011 , puis à 450 millions d'euros à compter de 2012 , soit 25 % du coût de la réforme de l'ISF , selon la même méthode de calcul que celle employée pour évaluer les recettes de l'article 2.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis défavorable du Gouvernement , un amendement de Gilles Carrez et Louis Giscard d'Estaing visant à instaurer une entrée progressive dans le mécanisme du rapport fiscal décennal des donations antérieures, pour les donations qui ont lieu avant l'entrée en vigueur du présent article .

Selon les auteurs de cet amendement, le passage brutal à un rapport fiscal décennal serait préjudiciable au déroulement harmonieux des transmissions de patrimoine . Ils proposent donc que, pour les donations effectuées avant l'entrée en vigueur du nouveau délai de rapport fiscal, un abattement partiel de 20 % chaque année soit appliqué entre la sixième et la dixième année .

Il est précisément proposé un abattement sur la valeur des biens ayant fait l'objet de la donation antérieure à hauteur de :

- 20 % si la donation est passée depuis plus de six ans et moins de sept ans ;

- 40 % si la donation est passée depuis sept ans et moins de huit ans ;

- 60 % si la donation est passée depuis huit ans et moins de neuf ans ;

- 80 % si la donation est passée depuis neuf ans et moins de dix ans ou depuis dix ans.

La mesure proposée est transitoire , car elle ne concerne que le stock des donations de moins de dix ans à la date d'entrée en vigueur de la nouvelle règle de rapport fiscal. Elle ne s'appliquerait donc pas aux nouvelles donations.

L'Assemblée nationale propose de financer cette mesure, d'un coût de l'ordre de 200 millions d'euros , par une ressource équivalente : l'augmentation du taux actuel du droit de partage , c'est-à-dire le droit à acquitter en cas de partage d'actifs ainsi qu'en cas de vente de biens mobiliers ou immobiliers par licitation 137 ( * ) , de 1,1 % à 2,2 % .

En outre, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements rédactionnels de précision , ainsi qu'un amendement de codification , qui propose d'insérer la disposition relative à la rectification de la valeur d'une donation antérieure au titre du calcul des droits de mutation à titre gratuit à acquitter dans la section du chapitre IV du livre des procédures fiscales consacrée aux dispositions particulières aux droits d'enregistrement, plutôt qu'à la section concernant les dispositions applicables à l'ensemble des impôts.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

L'augmentation de six à dix ans du délai de rappel des donations est l'une des dispositions constituant le coeur du dispositif de financement de la réforme de la fiscalité du patrimoine , avec les articles 2 et 4, qui portent également sur une hausse ciblée de la fiscalité des donations et des successions . Cette mesure entre donc bien dans l'esprit général de ce collectif budgétaire, consistant à modifier la fiscalité patrimoniale pour la rendre à la fois plus juste et plus efficace. Dans ces conditions, les ressources nécessaires pour financer les mesures coûteuses doivent se trouver également dans le champ de la fiscalité de la détention ou de la transmission des patrimoines .

Il convient de souligner que le présent dispositif ne revient pas sur la forte augmentation des abattements sur les DMTG auxquels a procédé la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat du 21 août 2007 ( TEPA ). Le maintien de ces seuils devrait d'ailleurs permettre d'absorber en partie les effets de la mesure proposée par le présent article.

Les évolutions auxquelles a procédé l'Assemblée nationale participent de la même logique : d'un côté, l'amendement le plus substantiel qu'elle a adopté permet de lisser l'entrée en vigueur de la réforme , qui ne s'appliquerait pas aux donations consenties entre 2006 et 2011, dont le donateur décèderait moins de dix ans après la date de la donation. De l'autre, elle a adopté une ressource pérenne, sans doute plus robuste 138 ( * ) qu'un dispositif s'appuyant uniquement sur les donations et qui entre également dans le champ de la fiscalité de la transmission du patrimoine , en l'occurrence les partages de biens.

C'est pourquoi votre rapporteur général approuve l'initiative des députés et propose d'adopter cet article sans le modifier.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 4 (Art. 787 B, 787 C et 790 du code général des impôts) - Suppression des réductions de droits de donation liées à l'âge du donateur

Commentaire : le présent article a pour objet de supprimer les réductions de droits de donation liées à l'âge du donateur.

I. LA FISCALITÉ DES DROITS DE DONATION

Pour une présentation détaillée, votre rapporteur général vous renvoie au commentaire de l'article 2 ci-avant.

A. UNE FISCALITÉ COMMUNE AUX DONATIONS ET AUX SUCCESSIONS...

Les tarifs et abattements applicables pour le calcul des droits de mutation à titre gratuit dépendent de plusieurs facteurs, au nombre desquels le lien de parent entre le défunt ou le donateur et l'héritier, le légataire ou le donataire.

Le principe est celui d'une taxation séparée des mutations pour chaque couple origine-bénéficiaire. Ainsi, lors de la liquidation des droits de succession, la part de chaque héritier est taxée séparément .

En matière de droits de mutation à titre gratuit, les droits sont calculés suivant des modalités communes aux donations et aux successions, à quelques exceptions près.

B. ... A QUELQUES EXCEPTIONS PRÈS

Ainsi, des réductions de droits de donation existent en fonction de l'âge du donateur , ce qui n'est pas le cas en matière de successions - le fait générateur ne procédant pas d'une volonté du défunt.

Aux termes de l'article 790 du code général des impôts (CGI), celles-ci s'élèvent à 50 % pour un donateur âgé de moins de soixante-dix ou à 30 % pour un donateur de plus de soixante-dix ans mais de moins de quatre-vingts ans, dans le cas d'une donation en pleine propriété ou en usufruit.

En revanche, ces réductions s'élèvent respectivement à 35 % et à 10 % dans le cas d'une donation en nue-propriété.

Pour mémoire, la donation en nue-propriété de biens signifie que la donation est consentie avec une réserve du droit d'usage ou d'habitation, qui octroie au donateur le droit de demeurer dans le bien immobilier transmis. A l'inverse de l'usufruit, le titulaire d'un tel droit ne peut ni céder, ni louer le bien à autrui.

Ces réductions de droit s'appliquent indépendamment du lien de parenté existant entre le donateur et le donataire .

C. UNE MESURE QUI A SOUVENT ÉTÉ MODIFIÉE

Cette mesure, dont la création date du 1 er juillet 1979, a été modifiée à plusieurs reprises. En effet, à l'origine, elle ne concernait qu'un nombre restreint de donations et la réduction ne s'élevait qu'à 25 % des droits.

Ensuite, cette disposition fut étendue à l'ensemble des donations en avril 1998.

Enfin, les taux ont été augmentés par la loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998 de finances pour 1999.

La dernière modification de cette mesure date de la loi n° 2005-1719 de finances pour 2006, qui a étendu les limites d'âge alors fixées à soixante-cinq ans et soixante-quinze ans, à respectivement soixante-dix ans et quatre-vingts ans.

D. UN DISPOSITIF QUI CONCERNE 25 000 BÉNÉFICIAIRES

D'après l'évaluation préalable jointe au présent article, le nombre de contribuables bénéficiant en 2010 de la réduction de droits prévue à l'article 790 du code général des impôts s'élève à 14 600 lorsque le donateur a moins de soixante-dix ans, et à 8 300 quand l'âge du donateur est compris entre soixante-dix et quatre-vingts ans , soit un total approximatif de 25 000 bénéficiaires faisant l'objet d'une taxation.

Les tableaux ci-dessous présentent les dernières données relatives au nombre d'actes et de bénéficiaires selon les réductions :

Réductions de droits lorsque le donateur a moins de 70 ans (chiffres 2010)

Type de donation

Nombre d'actes

Nombre de bénéficiaires

Montant moyen transmis (en euros)

Montant médian transmis (en euros)

Réduction moyenne de droits (en euros)

Pleine propriété

6 535

9 524

235 811

151 189

19 170

Nue-propriété

3 529

5 072

303 715

195 941

16 747

Source : ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat

Réductions de droits lorsque l'âge du donateur
est compris entre 70 et 80 ans (chiffres 2010)

Type de donation

Nombre d'actes

Nombre de bénéficiaires

Montant moyen transmis (en euros)

Montant médian transmis (en euros)

Réduction moyenne de droits (en euros)

Pleine propriété

3 244

4 300

179 179

98 273

8 886

Nue-propriété

3 069

4 042

196 773

190 266

2 420

Source : ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. LA SUPPRESSION DES RÉDUCTIONS DES DROITS DE DONATION LIÉS À L'AGE DU DONATEUR

L'article examiné propose de supprimer les réductions de droits de donation liés à l'âge du donateur .

Pour cela, le I abroge l'article 790 du code général des impôts (CGI).

B. DES MESURES DE COORDINATION

En outre, le II supprime, par coordination , les dispositions afférentes à ces réductions, figurant au second alinéa du i de l'article 787 B et au second alinéa du d de l'article 787 C du CGI.

C. UNE DISPOSITION APPLICABLE EN 2011, DONT LE PLEIN EFFET BUDGÉTAIRE N'INTERVIENDRA QU'À PARTIR DE 2012

La disposition a vocation à s'appliquer en 2011, dès la promulgation de la loi.

D'après l'évaluation préalable de l'article, les recettes s'élèveraient à 130 millions d'euros en 2011 , puis à 290 millions d'euros à compter 2012, soit 16,1 % du coût de la réforme de l'ISF .

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement de Gilles Carrez visant à maintenir un dispositif de réduction des droits de mutation à titre gratuit pour les donations sous condition d'âge du donateur dans le seul cas où le donateur transmet avant l'âge de 70 ans les titres de son entreprise en pleine propriété, dans le cadre d'un engagement collectif de conservation .

Il s'agit d'adapter le dispositif proposé par le Gouvernement afin de ne pas pénaliser la transmission des entreprises dans le cadre familial .

Le dispositif étant ciblé, la perte de rendement budgétaire se limiterait à une dizaine de millions d'euros, sur un rendement total évalué à 290 millions d'euros.

En outre, l'Assemblée nationale a adopté un amendement corrigeant une erreur de référence dans le dispositif initial.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

La suppression des réductions de droits de donation en fonction de l'âge du donateur est l'une des dispositions constituant le coeur du dispositif de financement de la réforme de la fiscalité du patrimoine , avec les articles 2 et 3, qui portent également sur une hausse ciblée de la fiscalité des donations et des successions .

Votre rapporteur général réitère le raisonnement qu'il a tenu dans le cadre de l'exposé général du présent rapport.

Le choix du Gouvernement apparaît cohérent dans la mesure où la réforme se limite bien à la fiscalité sur la détention et la transmission des patrimoines.

Si le maintien des dispositions adoptées dans le cadre de la loi TEPA devrait garantir le dynamisme des successions et des donations, au-delà de la présente réforme, votre rapporteur général souligne néanmoins la sensibilité particulière de cette mesure, qui, dans sa version initiale, aurait pu présenter des effets négatifs sur la transmission d'entreprises . De ce point de vue, l'amendement adopté par l'Assemblée nationale est pertinent et susceptible de traiter cette question de manière idoine .

Il faudra cependant se montrer attentif à l'évolution du nombre de transmissions d'entreprises au cours de la première année d'application du nouveau dispositif. En effet, les réductions des droits de donation en fonction de l'âge constituaient un dispositif fort incitatif en faveur des transferts intergénérationnels.

De surcroît, il faut prêter attention, plus encore que pour les mesures précédentes, à l'effet d'aubaine que pourrait entraîner l'application de cette disposition dès la publication de la présente loi. Comme cela a été développé dans le cadre de l'exposé général du présent rapport, ce phénomène conduit à rendre incertaines les prévisions de recettes pour 2011 . En effet, l'activité notariale s'est fortement développée ces deux derniers mois, les contribuables anticipant l'adoption des mesures de financement de la réforme de la fiscalité du patrimoine.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 4 bis (nouveau) (Art. 635 A et 757 du code général des impôts, art. L. 181 A [nouveau] du livre des procédures fiscales) - Obligation de révéler les dons manuels et imposition de ces dons sur leur valeur au jour de leur déclaration

Commentaire : le présent article vise à clarifier le régime de révélation des dons manuels et d'acquittement des droits de mutations à titre gratuit y afférents et à inciter à une révélation précoce de ces dons.

I. LE DROIT ACTUEL RÉGISSANT LES DONS MANUELS

A.LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

Les dons manuels sont régis, en particulier, par les articles 635 A et 757 du code général des impôts.

En principe, une donation doit être formalisée par un acte. Le don manuel échappe à cette règle puisqu'il consiste en une simple remise matérielle d'un bien meuble quelconque : un objet, un meuble, un somme d'argent, un chèque, voire des valeurs mobilières. Aucune condition de forme n'est exigée.

Le don manuel peut consister en un simple jeu d'écritures. Les conditions de validité sont celles des libéralités : accord réciproque des deux parties, cause licite, capacité juridique notamment.

De surcroît, le don manuel suppose qu'il y ait transmission réelle.

Comme toutes les donations, le don manuel est irrévocable, seules les donations de biens à venir entre époux faisant exception.

Dès qu'ils excèdent les simples présents d'usage, les dons manuels sont soumis au régime légal des donations, et ne doivent donc pas porter atteinte à la réserve héréditaire.

B. LES PREUVES DU DON MANUEL

L'existence d'un don manuel est soumise aux règles de la preuve : acte écrit pour les biens de plus de 1 500 euros, ou témoignage lorsqu'il y a commencement de preuve par écrit ou impossibilité morale d'établir un écrit (entre proches parents par exemple).

Les tiers peuvent prouver le don manuel par tous les moyens.

C. LES CLAUSES PARTICULIÈRES

Comme pour les donations, le donateur peut prendre en charge le paiement des droits de mutation si le don manuel y est soumis. Cette prise en charge n'est pas considérée comme une libéralité supplémentaire.

Le don manuel peut porter sur l'usufruit comme sur la propriété. Il peut également être assorti d'une charge imposée au bénéficiaire, à condition que cette charge n'enlève pas le caractère gratuit de l'acte.

Il est possible de faire un don manuel en imposant au bénéficiaire le versement d'une rente viagère au donateur.

D. LA TAXATION DES DONS MANUELS

Les dons manuels sont soumis aux droits de mutation à titre gratuit (DMTG), avec les abattements de droit commun, dans les cas suivants :

- quand l'acte est soumis à l'enregistrement ;

- quand le bénéficiaire révèle le don à l'administration , soit spontanément, soit à la suite d'une demande de renseignements fiscaux. La déclaration ou l'enregistrement du don manuel doit intervenir alors dans le mois qui suit sa révélation ;

- quand le don est révélé à l'occasion d'une décision judiciaire , par exemple en cas de contentieux entre les parties ;

- quand le bénéficiaire reçoit ultérieurement du donateur une donation notariée ou s'il participe à sa succession . Par exemple, un enfant qui hérite de son père doit déclarer les dons manuels reçus antérieurement.

Le don manuel peut bénéficier des réductions de droits quand le donateur est âgé de moins de 75 ans au moment de la révélation.

En dehors des cas mentionnés ci-dessus, les dons manuels peuvent échapper à toute taxation . Cependant, en cas de contrôle fiscal, le contribuable doit pouvoir expliquer l'origine des fonds dont il dispose. S'il ne peut pas prouver que les sommes litigieuses proviennent d'un don manuel, celles-ci peuvent être soumises à l'impôt sur le revenu.

Enfin, pour enregistrer un don manuel, le recours au notaire n'est pas exigé. On peut également le déclarer au service des enregistrements du centre des impôts en remplissant un formulaire ad hoc .

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UNE CLARIFICATION DU RÉGIME DE RÉVÉLATION DES DONS MANUELS ET D'ACQUITTEMENT DES DMTG AFFÉRENTS À CES DONS

Le présent article, qui résulte d'une initiative de notre collègue député Gilles Carrez, a été adopté avec l'avis favorable du Gouvernement .

Il vise à clarifier le régime de révélation des dons manuels et d'acquittement des droits de mutation à titre gratuit afférents à ces dons, dans le but d'inciter à une révélation précoce de ces dons .

Le I tend ainsi à modifier l'article 635 A du code général des impôts. Il prévoit que la révélation d'un don manuel laisse au donataire une latitude pour acquitter les droits, soit dans le mois suivant la révélation, soit dans le mois suivant le décès du donataire.

A l'inverse, dans le cas où le don ne serait pas révélé spontanément, les droits seraient acquittés au plus tard un mois après la révélation du don.

Le II vise à modifier l'article 757 du code général des impôts. Il instaure une règle d'évaluation du don manuel à sa valeur au jour de la déclaration ou de l'enregistrement, ou, à défaut, sur sa valeur au jour de la donation si celle-ci est supérieure . Le paiement des droits serait donc calculé en prenant pour base la valeur du don, non pas au moment où il est effectué, mais au moment où il est révélé. Par exemple, si la révélation a lieu au moment de la succession - parfois plusieurs années après le don lui-même - le montant des droits sera calculé à partir de la valeur acquise à ce moment par le bien résultant du don.

En outre, le II précise quel sera le barème applicable aux dons manuels révélés en utilisant l'option pour un enregistrement dans le mois suivant le décès du donateur, prévue par le présent article. Il propose ainsi de prendre en compte le tarif et les abattements en vigueur au jour de l'enregistrement , et non au jour de la révélation. En effet, cette dernière pourra être antérieure de plusieurs années, selon la période écoulée entre le don manuel et le décès du donateur.

Le III crée un nouvel article L. 181 A du code général, qui spécifie que le point de départ du délai de reprise dans le cas où le donataire opte pour l'enregistrement dans le mois suivant le décès du donateur, sera le décès du donateur . Une telle précision est en effet nécessaire pour éviter qu'un décès intervenant plus de six ans après la révélation ait pour conséquence de prescrire l'action de l'administration.

Enfin, le IV prévoit une application de ce dispositif à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi de finances rectificative. Ce dispositif ne concerne que les seuls dons qui n'auraient pas déjà été taxés.

Votre commission des finances ne dispose pas d'estimation du gain pour l'Etat que devrait engendrer cette mesure.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

L'objectif d'inciter à une révélation précoce des dons manuels doit être soutenu.

En effet, il devrait permettre une meilleure fiscalisation des dons manuels non révélés, qui échappent à toute fiscalisation et contribuer à circonscrire cette forme d'évasion fiscale. Il est clair, en effet, que de telles pratiques peuvent engendrer l'évaporation d'une part non négligeable de l'assiette des droits de mutation à titre gratuit, notamment dans le cas de transmission d'entreprises.

Cet article permet également de corriger l'évaluation des dons manuels révélés, en pénalisant d'un point de vue fiscal les révélations tardives du don .

Votre rapporteur général approuve les objectifs de cette mesure. Cependant, l'introduction d'un seuil de déclenchement de cette obligation déclarative supplémentaire permettrait de ne pas alourdir la procédure applicable aux « petits » sommes. Il propose donc d'instaurer un seuil de 15 000 euros.

Les obligations déclaratives actuelles continueraient quant à elles à s'appliquer pour les dons manuels dont les montants sont inférieurs ou égaux à 15 000 euros.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 4 ter (nouveau) (Art. 790 G du code général des impôts) - Aménagement de l'exonération des DMTG accordée aux dons consentis au profit des enfants

Commentaire : le présent article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, vise à aménager l'exonération de droits de mutation à titre gratuit applicable aux dons d'argent consentis notamment aux enfants et petits-enfants.

I. LE DROIT EXISTANT

Aux termes du I l'article 790 G du code général des impôts, les dons de sommes d'argent consentis en pleine propriété au profit d'un enfant, d'un petit-enfant, d'un arrière-petit enfant ou, à défaut, d'une telle descendance, d'un neveu ou d'une nièce ou par représentation, d'un petit-neveu ou d'une petite nièce, sont exonérés de droits de mutation à titre gratuit dans la limite de 31 395 euros .

Cela signifie que ces dons n'entrent pas dans le cadre des rappels fiscaux : les montants donnés ne sont pas à déduire des abattements autorisés en cas de succession.

Cependant, cette exonération est subordonnée au respect de deux conditions :

1) le donateur doit être âgé de moins de quatre-vingts ans , ou de moins de soixante-cinq ans lorsqu'il consent le don à un enfant ou à un neveu ou une nièce, au jour de la transmission ;

2) le donataire doit être âgé de dix-huit ans révolus ou avoir fait l'objet d'une mesure d'émancipation au jour de la transmission.

Enfin, le plafond de 31 395 euros est applicable aux donations consenties par un même donateur à un même donataire .

Cette exonération avait été introduite par l'article 8 de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA).

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, vise à aménager l'exonération introduite par l'article 8 de la loi TEPA.

Il modifie en conséquence l'article 790 G du code général des impôts. D'une part, il complète le I de cet article par les mots « tous les dix ans ». Cela signifie que l'exonération, qui ne joue actuellement qu'une seule fois entre un même donateur et un même donataire, pourra désormais être renouvelée tous les dix ans .

D'autre part, il modifie les critères de la condition relative au donateur, en supprimant les mots « ou de moins de soixante-cinq ans lorsqu'il consent le don à un enfant ou à un neveu ou une nièce ». La limite d'âge de 65 ans du donateur pour les dons consentis au profit d'un enfant, d'un neveu ou d'une nièce est donc supprimée , et les dons concernés pourront donc être effectués jusqu'à ce que le donateur ait 80 ans.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Cette mesure complète le dispositif instauré par la loi TEPA au profit de la « solidarité intergénérationnelle », selon les termes de l'exposé du motif du Gouvernement. Elle devrait atténuer certains effets sur le dynamisme des transmissions de l'allongement, proposé par l'article 3 du présent projet de loi de finances rectificative, du délai de six ans à dix ans entre deux donations défiscalisées.

Cette mesure ne devrait pas peser sur le budget de l'Etat avant 2017 . En effet, les premières donations consenties sous le régime de l'article 790 G du code général des impôts n'ont été effectuées qu'à partir de 2007, année d'entrée en vigueur de la loi TEPA. Le Gouvernement a estimé ce coût futur à « 20 ou 30 millions d'euros » lors de la séance publique à l'Assemblée nationale.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 4 quater (nouveau) (Art. 990 I du code général des impôts) - Modification de la définition de la territorialité du prélèvement exigible sur les sommes versées au décès au titre d'un contrat d'assurance-vie Aménagement des modalités de taxation au prélèvement des contrats d'assurance-vie comportant une clause bénéficiaire démembrée

Commentaire : le présent article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de nos collègues députés, Gilles Carrez, rapporteur général du budget, au nom de la commission des finances et Olivier Carré, sur avis favorable du Gouvernement, tend à :

- redéfinir la territorialité du prélèvement afin d'assujettir le bénéficiaire au prélèvement en cas de souscription du contrat par un résident fiscal étranger ;

-  répartir le prélèvement entre l'usufruitier et le nu-propriétaire en cas de clause bénéficiaire démembrée du contrat d'assurance-vie.

I. LE DROIT EN VIGUEUR : LE CONTRAT D'ASSURANCE-VIE, UN OUTIL DE TRANSMISSION À FISCALITÉ ALLÉGÉE

A. UNE FISCALITÉ ALLÉGÉE DU CAPITAL DÉCÈS D'UN CONTRAT D'ASSURANCE-VIE ...

L'assurance-vie bénéfice d'un régime favorable en matière de droits de succession . Le capital ou la rente , versé lors du décès d'un assuré au titre d'un contrat d'assurance-vie à un bénéficiaire déterminé, ne fait pas partie de la succession, aux termes de l'article L. 132-12 du code des assurances. Ce principe de non imposition se fonde sur un droit direct et personnel du bénéficiaire au titre d'une stipulation pour autrui résultant du contrat.

Le versement des sommes en cas de décès du souscripteur n'est, cependant, pas exempt de toute fiscalité. D'une part, les droits de succession sont exigibles en cas de primes versées par le souscripteur après l'âge de soixante-dix ans , aux termes de l'article 757 B du code général des impôts (CGI). D'autre part, les sommes versées au-delà de 152 500 euros sont soumises à un prélèvement sui generis de 20 %, défini à l'article 990 I du même code.

1. L'assujettissement aux droits de succession des primes versées après l'âge de soixante-dix ans

S'agissant du champ d'application des droits de succession, prévus à l'article 757 B du CGI , ne sont concernés que les contrats d'assurance souscrits depuis le 30 novembre 1991 . Les droits sont exigibles sur les primes versées au-delà de l'âge de soixante-dix ans pour la fraction qui excède 30 500 euros. Cet abattement est global. Il doit être réparti entre les bénéficiaires au prorata de leur part revenant dans les primes. Les droits de succession sont appliqués après déduction de l'abattement dans les conditions de droit commun.

2. Un prélèvement sui generis de 20 %

S'agissant des contrats d'assurance-vie n'entrant pas dans le champ de l'application de l'article 757 B, leur fiscalité est régie par l' article 990 I du CGI qui prévoit un prélèvement au taux uniforme de 20 % sur les sommes ou rentes dues à un bénéficiaire par un organisme d'assurance, à raison du décès de l'assuré.

Institué par la loi de finances pour 1999 139 ( * ) , ce prélèvement ne constitue pas un droit de mutation à titre gratuit mais une taxation spécifique sui generis 140 ( * ) .

Il ne concerne pas les sommes qui entrent dans le champ d'application des droits de succession de l'article 757 B, c'est-à-dire les versements correspondant aux primes versées après l'âge de soixante-dix ans sur un contrat souscrit après le 30 novembre 1991 141 ( * ) . En revanche, il s'applique aux sommes reçues par un bénéficiaire déterminé, au titre d'un contrat conclu après le 13 octobre 1998 142 ( * ) .

Le redevable du prélèvement est le bénéficiaire des sommes versées. Le taux de 20 % s'applique quel que soit le lien de parenté entre celui-ci et l'assuré. L'assiette d'imposition est diminuée d'un abattement de 152 500 euros par bénéficiaire .

Les sommes versées lors du décès du souscripteur peuvent donc relever pour une fraction des droits de succession de l'article 757 B et pour une autre fraction du prélèvement de 20 %.

Articulation des droits de succession et du prélèvement de 20 %
sur les sommes versées au décès de l'assuré

Date de souscription du contrat

Primes versées

Avant le 13 octobre 1998

Depuis le 13 octobre 1998

Contrat souscrit avant le 20 novembre 1991

Pas de taxation (sauf modification de l'économie du contrat après le 20 novembre 1991)

Prélèvement de 20 % (après application de l'abattement de 152 500 euros de l'article 990 I du CGI) quel que soit l'âge de l'assuré lors du versement des primes (sauf contrat souscrit par un non-résident de France et cas du démembrement de la clause bénéficiaire)

Contrat souscrit à compter du 20 novembre 1991

Primes versées avant le 70 ème anniversaire de l'assuré

Primes versées après le 70 ème anniversaire de l'assuré

Pas de taxation

Droits de succession sur la fraction des primes qui excède 30 500 euros (Article 757 B CGI)

Prélèvement de 20 % après application de l'abattement de 152 500 euros de l'article 990 I du CGI
(sauf contrat souscrit par un non-résident de France et cas du démembrement de la clause bénéficiaire)

Droits de succession sur la fraction des primes qui excède 30 500 euros.

Source : Ministère du budget, des comptes publics de la fonction publique et de la réforme de l'Etat

B. DEUX NICHES, SOURCES D'EXONÉRATION FISCALE

1. Le démembrement de la clause bénéficiaire

Le démembrement de la clause bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie a pour effet de répartir au dénouement du contrat les droits entre l'usufruitier et le nu-propriétaire . Le premier est le seul à pouvoir réclamer et percevoir le montant du capital décès ou la rente. Quant au nu-propriétaire, il est titulaire d'une créance en restitution.

Les modalités de taxation et de répartition de l'abattement ne sont pas définies à l'article 990 I ou par la jurisprudence, mais par deux réponses ministérielles, publiées au Journal officiel de l'Assemblée nationale du 9 août 2005 143 ( * ) .

Elles énoncent qu'en cas de démembrement de la clause bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie, l'assiette de prélèvement de 20 % est constituée par les droits de l'usufruitier dès lors que ce dernier est le bénéficiaire exclusif du capital décès . Elles précisent que la « circonstance que les sommes, rentes ou valeurs soient réparties par la volonté du nu-propriétaire et de l'usufruitier n'est pas de nature à remettre en cause cette analyse. [...] Lorsque les sommes, [...] sont versées à plusieurs usufruitiers désignés comme bénéficiaires, chacun d'entre eux bénéficie d'un abattement de 152 500 euros ». Cette position a été confirmée en 2005 et 2009 par trois autres réponses aux questions posées par notre collègue Serge Dassault 144 ( * ) .

En conséquence, le fait générateur du prélèvement de 20 % étant constitué du versement des sommes au décès de l'assuré, la doctrine fiscale conduit à taxer le seul usufruitier. Le nu-propriétaire n'est pas assujetti à ce prélèvement ni au moment du décès de l'assuré souscripteur, ni lors de celui du bénéficiaire usufruitier , date à laquelle il perçoit les sommes prévues.

2. La souscription d'un contrat d'assurance-vie par un résident fiscal étranger

S'agissant de la territorialité du prélèvement , la doctrine fiscale 145 ( * ) mentionne que celui-ci est applicable dès lors que le souscripteur 146 ( * ) a son domicile fiscal en France , que le contrat soit régi par la loi française ou étrangère.

Elle précise ensuite que la mise en oeuvre de cette règle requiert de se placer à la date de souscription « quelles que soient les modifications survenant ultérieurement dans la domiciliation de souscripteur » .

En conséquence, le bénéficiaire résidant en France n'est pas soumis au prélèvement si le contrat est souscrit par un résident fiscal étranger .

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE :
LA SUPPRESSION D'INÉGALITÉS FISCALES

A l'initiative de nos collègues députés, Gilles Carrez, rapporteur général du budget, au nom de la commission des finances et Olivier Carré, l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable du Gouvernement, le présent article additionnel tendant à :

- redéfinir la territorialité du prélèvement sur les sommes versées au titre d'un capital-décès d'un contrat d'assurance-vie ;

- aménager les modalités de taxation au prélèvement sui generis des sommes versées au décès de l'assuré souscripteur d'un contrat d'assurance-vie comportant une clause bénéficiaire démembrée .

Tout d'abord, le premier alinéa du I prévoit que le prélèvement est exigible sur les sommes versées :

- si l'assuré a son domicile fiscal en France à la date de son décès et non plus à la date de souscription ;

- ou si le bénéficiaire a son domicile fiscal en France au moment du décès et l'a eu pendant au moins six années au cours des dix années précédant le décès.

Puis le deuxième alinéa du I dispose que le nu-propriétaire comme l'usufruitier sont considérés comme bénéficiaires , chacun au prorata de la part leur revenant, en faisant application du barème d'évaluation de l'usufruit de la nue propriété prévu à l'article 669 du CGI, reproduit ci-dessous.

Barème de détermination de la valeur de la nue-propriété et de l'usufruit

Age
de l'usufruitier

Valeur
de l'usufruit

Valeur
de la nue-propriété

Moins de :

21 ans révolus

90 %

10 %

31 ans révolus

80 %

20 %

41 ans révolus

70 %

30 %

51 ans révolus

60 %

40 %

61 ans révolus

50 %

50 %

71 ans révolus

40 %

60 %

81 ans révolus

30 %

70 %

91 ans révolus

20 %

80 %

Plus de 91 ans révolus

10 %

90 %

Source : Article 669 du code général des impôts

En conséquence, l'abattement de 152 500 euros , au-delà duquel le prélèvement est applicable, est réparti entre les deux bénéficiaires dans les mêmes proportions.

Enfin, s'agissant de l'entrée en vigueur du présent article, le II prévoit que ces dispositions s'appliquent aux sommes, rentes ou valeurs versées à raison des décès intervenus à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES : POURSUIVRE LA MISE EN COHÉRENCE

La nouvelle définition de la territorialité du prélèvement, comme la reconnaissance de la qualité de bénéficiaire au nu-propriétaire d'un capital-décès, proposées par l'Assemblée nationale, sont bienvenues tant pour raisons d' équité que de cohérence .

En outre, votre rapporteur général propose de poursuivre cette démarche de cohérence en augmentant de cinq points le taux du prélèvement sui generis sur la part nette taxable perçue par le bénéficiaire au décès du souscripteur d'un contrat d'assurance-vie lorsque celle-ci excède 902 838 euros ;

A. UNE NOUVELLE DÉFINITION DE LA TERRITORIALITÉ DU PRÉLÈVEMENT PRENANT EN COMPTE LA SOUSCRIPTION D'UN CONTRAT D'ASSURANCE SUR LA VIE PAR DES RÉSIDENTS FISCAUX ÉTRANGERS

L'Assemblée nationale a redéfini les règles de territorialité du prélèvement afin de mettre fin à une source d'inégalité de traitement entre bénéficiaires, selon que le contrat d'assurance a été souscrit par un résident fiscal étranger ou français.

Cette démarche permet au législateur de combler une brèche issue d'une instruction fiscale. En énonçant qu'est soumis au prélèvement, en cas de décès, le contrat d'assurance-vie souscrit par un assuré domicilié fiscalement en France à la date de souscription du contrat, sans tenir compte des domiciliations ultérieures, l'instruction conduit à exonérer du prélèvement le bénéficiaire si le contrat a été souscrit lorsque l'assuré résidait à l'étranger .

La nouvelle rédaction de l'article 990 I détermine le champ d'application territoriale du prélèvement , soit en fonction de la domiciliation fiscale du souscripteur, au moment de son décès , ce qui rétablit une égalité de traitement entre bénéficiaires, soit en fonction de la domiciliation fiscale du bénéficiaire dès lors que cette dernière est établie en France au moment du décès et au moins pendant six années au cours des dix années précédant le décès de l'assuré.

B. LA RECONNAISSANCE DE LA QUALITÉ DE BÉNÉFICIAIRE AU NU-PROPRIÉTAIRE AU PRORATA DE SA PART

La répartition entre l'usufruitier et le nu-propriétaire de l'abattement de 152 500 euros , ainsi que la taxation au prélèvement au décès de l'assuré seront désormais effectuées, selon la nouvelle rédaction de l'article 990 I du CGI, au prorata de la part leur revenant déterminée, selon le barème prévu à l'article 669 du CGI, établi en fonction de l'âge de l'usufruitier.

Trois raisons permettent d'appuyer ce choix.

En premier lieu , votre rapporteur général rappelle que l'article 990 I précité ne vise pas la situation du démembrement de la clause bénéficiaire. La présente mesure permet donc au législateur de clarifier les modalités de taxation qui avaient été précisées dans des réponses ministérielles.

En deuxième lieu , la nouvelle rédaction vise à harmoniser le traitement fiscal des sommes versées en cas de démembrement de la clause bénéficiaire, en vue de faire application des droits de succession et du prélèvement sui generis .

En effet, selon l'article 757 B , tant l'usufruitier que le nu-propriétaire sont redevables des droits de succession , sur la fraction des primes versées après l'âge de soixante-dix ans, après répartition d'un abattement de 30 500 euros, selon les proportions déterminées par le barème de l'article 669. En revanche , les sommes qui relèvent du champ d'application du prélèvement de 20 % de l'article 990 I du CGI ne sont taxées aujourd'hui qu'entre les mains de l'usufruitier, bénéficiant de la totalité de l'abattement.

La nouvelle rédaction tend donc à introduire une plus grande cohérence entre les deux régimes . A l'instar de l'article 757 B, le nu-propriétaire reconnu désormais bénéficiaire, au prorata de la part lui revenant selon le barème prévu à l'article 669 du CGI, sera taxé au moment du décès dans le cadre de l'article 990 I.

En dernier lieu , le présent article met fin à une optimisation fiscale rendue possible depuis la loi TEPA 147 ( * ) , qui a notamment permis d'exonérer de droits de succession et du prélèvement de 20 % le conjoint survivant ainsi que le partenaire lié au défunt par un pacte civil de solidarité.

En effet, le souscripteur d'un contrat d'assurance-vie peut désormais organiser une transmission en franchise de droits , non seulement au profit de son conjoint, mais aussi des générations suivantes en prévoyant d'une part, comme usufruitier ledit conjoint et d'autre part, comme nues-propriétaires des personnes qui ne sont pas exonérées telles que les enfants.

Dans une telle situation, le prélèvement de 20 % ne trouve pas à s'appliquer car le conjoint survivant en est exonéré aux termes de la loi TEPA 148 ( * ) . Quant au nu-propriétaire, il reçoit au décès de l'usufruitier les sommes en franchise de droits conformément à l'interprétation qu'en a été donnée par les réponses ministérielles ainsi qu'au fonctionnement du mécanisme de l'usufruit 149 ( * ) .

Or, le démembrement de la clause bénéficiaire fait naître des droits tant au profit de l'usufruitier que du nu-propriétaire. Il ne semble donc pas équitable de raisonner comme s'il n'y avait qu'un seul bénéficiaire. Le nu-propriétaire détient, en effet, une créance de restitution du montant des capitaux transmis au décès du souscripteur, créance à faire valoir au passif de la succession de l'usufruitier.

Toutefois, si la mesure ainsi introduite par l'Assemblée nationale conduit à taxer au prélèvements sui generis la part revenant au nu-propriétaire, le bénéficiaire demeure exonéré lorsqu'il s'agit du conjoint survivant ou du partenaire pacsé du défunt.

C. UNE MISE EN COHÉRENCE DU RÉGIME FISCAL DES TRANSMISSIONS À TITRE GRATUIT AVEC L'ASSURANCE-VIE EN CAS DE DÉCÈS

Votre rapporteur général souscrit à la démarche de notre collègue député Gilles Carrez, au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale, visant à prendre en compte l'augmentation des taux applicables aux transmissions à titre gratuit prévue à l'article 2 du présent projet de loi.

Cette proposition n'ayant pas été adoptée en séance publique à la suite du vote d'un amendement du Gouvernement tendant à la supprimer, votre rapporteur général vous propose de la réintroduire.

En effet, il constate que le relèvement de cinq points 150 ( * ) du taux des deux dernières tranches du barème d'imposition (902 838 euros et 1 805 677 euros), applicables aux successions en ligne directe ainsi qu'aux donations entre époux ou entre partenaires liés par un PACS, a eu pour conséquence d'accroître corrélativement l'attractivité du régime fiscal de l'article 990 I du CGI relatif à la transmission du capital décès ou de la rente versée au décès de l'assuré souscripteur d'un contrat d'assurance-vie.

Or, votre rapporteur général tient à rappeler que l'assurance-vie bénéficie d'un régime fiscal particulièrement avantageux en termes de transmission du patrimoine. Aux termes de l'article L. 132-12 du code des assurances, les sommes versées ne font pas partie de l'actif successoral de l'assuré, à l'exception des primes versées après l'âge de soixante-dix ans en raison de l'absence d'aléa. Le prélèvement de l'article 990 I du CGI qui ne constitue pas un droit de succession n'est que de 20 % et s'applique après un abattement de 152 500 euros.

Force est de constater que l 'avantage comparatif créé automatiquement, à l'issue de la modification du barème des successions et donations, apparaît dépourvu de toute justification économique.

C'est pourquoi votre rapporteur général souhaite adopter une démarche similaire à l'augmentation des taux de taxation applicables aux transmissions à titre gratuit pour les versements effectués au titre d'un contrat d'assurance-vie en cas de décès. Il propose d'augmenter de cinq points, de 20 % à 25 %, le taux du prélèvement sui generis pour la fraction de la part taxable de chaque bénéficiaire supérieure à 902 838 euros.

Convenant que l'arbitrage politique gouvernemental avait conduit dans le projet de loi à ne pas modifier la fiscalité de l'assurance-vie ainsi que le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, François Baroin, l'avait souligné devant notre commission des finances, lors de son audition le mercredi 11 mai 2011 151 ( * ) , votre rapporteur général tient à insister cependant sur la cohérence d'une telle proposition . Il a, en effet, fait valoir de manière constante la nécessité d'éviter tout effet d'aubaine ou d'optimisation fiscale des dispositions votées.

La mesure proposée ne s'inscrit pas dans une réflexion de mobilisation de l'épargne en vue de la sortie de crise ou du financement des retraites et de la dépendance, qu'il appelle de ses voeux. Son ambition est plus modeste se fondant sur un ajustement du traitement fiscal lié à la modification de la taxation des transmissions à titre gratuit.

De surcroît, la présente disposition ne devrait pas comporter d'effet déstabilisateur pour le secteur de l'assurance-vie. La transmission d'un capital au décès de l'assuré constitue pour 7 % des personnes interrogées l'objectif principal de souscription et pour 24 % un des trois objectifs les plus déterminants, selon une étude du Conseil sondages Analyses (CSA) 152 ( * )

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 4 quinquies (nouveau) (Art. 1716 bis du code général des impôts) - Suppression des commissions chargées de donner un avis sur l'agrément d'une dation en paiement

Commentaire : le présent article vise à supprimer les commissions chargées de donner leur avis sur l'agrément en matière de dation.

I. LA PROCÉDURE DE LA DATION EN PAIEMENT

A. DÉFINITION

La procédure de la dation en paiement est régie par l'article 1716 bis du code général des impôts , ainsi que par les articles 384 A, 384 A bis et 390 G de l'annexe 2 du même code.

Celle-ci a été instituée par la loi n° 68-1251 du 31 décembre 1968 et son décret d'application n° 70-1046 du 10 novembre 1970.

La dation est un mode de paiement exceptionnel qui permet de s'acquitter d'une dette fiscale par la remise d'oeuvre d'art, livres, objets de collection, documents de haute valeur artistique ou historique.

Ce système permet au contribuable d'éteindre sa dette, et à l'Etat d'enrichir les collections publiques .

B. LES DETTES FISCALES CONCERNÉES

Les dettes fiscales pouvant être réglées par dation relèvent des :

- droits de mutation à titre gratuit (droits de succession, legs et donations) ;

- droits de partage , c'est-à-dire le droit à acquitter en cas de partage d'actifs ainsi qu'en cas de vente de biens mobiliers ou immobiliers par licitation 153 ( * ) ;

- l'impôt de solidarité sur la fortune .

L'offre de dation doit correspondre à des impôts exigibles. En outre, la procédure de dation ne s'applique pas aux autres impôts directs et indirects.

C. LES oeUVRES CONCERNÉES PAR LA PROCÉDURE DE DATION

Les oeuvres concernées sont les oeuvres d'art, les livres, les objets de collection, les documents de haute valeur artistique ou historique, mais aussi les immeubles situés dans les zones d'intervention du Conservatoire de l'espace littorale et des rivages lacustres dont la situation et l'intérêt écologique ou paysager justifient la conservation à l'état naturel, les immeubles bâtis ou non bâtis afin de les céder à une collectivité ou à un organisme d'habitations à loyer modéré, la remise de blocs de titres de société cotée, de titres d'organismes de placement collectif en valeurs mobilières investis en titres de société cotées, d'OPCVM ou d'obligations négociables.

Les oeuvres doivent appartenir au demandeur. Elles peuvent figurer dans la succession à l'origine des droits dus, ou appartenir en propre au contribuable, depuis au moins cinq ans.

D'après les informations transmises par la direction de la législation fiscale, la grande majorité des oeuvres concernées par la procédure de dation sont les oeuvres d'art et les objets de collections.

D. LES DIFFÉRENTES ÉTAPES DE LA PROCÉDURE DE DATION

La personne redevable des droits susceptibles d'être réglés par dation doit déposer à la recette des impôts compétente une demande indiquant la nature et la valeur de chacun des biens qu'elle propose en paiement à l'Etat.

La procédure est suspensive de paiement et n'entraîne pas de pénalité de retard, que la dation soit acceptée ou refusée.

L'offre de dation est instruite par la direction générale des finances publiques puis transmise à la Commission interministérielle d'agrément pour la conservation du patrimoine artistique national. Celle-ci émet un avis sur l'intérêt artistique et historique du bien offert et sur sa valeur libératoire en cas d'accord, après avoir entendu les conservateurs et experts compétents. Il existe une commission par type de bien susceptible de faire l'objet d'une dation .

Au vu de l'avis de la commission, et sur proposition du ministre concerné, le ministre du budget décide de l'agrément. La décision est notifiée au contribuable.

L'acceptation par le contribuable des termes de la décision clôt la procédure. Le bien accepté en dation devient propriété de l'Etat. Le ministre concerné décide du lieu de son affectation.

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article, adopté à l'initiative de nos collègues députés Gilles Carrez et Michel Bouvard, avec l'avis favorable du Gouvernement, propose de supprimer , dans l'article 1716 bis du code général des impôts, les conditions définies par décret en Conseil d'Etat qui encadrent la procédure d'agrément de la dation en paiement , afin de permettre ainsi la suppression des commissions chargées de donner leur avis sur l'agrément de la dation .

Pour cela, le présent article supprime la fin du deuxième alinéa du I de l'article 1716 bis du code général des impôts, après le mot « agrément ».

Les auteurs de l'amendement notent que pour simplifier le système complexe de la procédure d'agrément fondé sur des commissions fort nombreuses, le Gouvernement a engagé depuis 2009 la suppression de trois d'entre elles. Or, cette suppression « nécessite au préalable la modification par la loi de l'article 1716 bis du Code général des impôts 154 ( * ) ».

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Les auteurs de cet article présentent la suppression des commissions d'agrément en matière de dation comme une mesure de simplification administrative.

Votre rapporteur général comprend l'idée de simplifier la procédure d'agrément des dations. Cependant, le dispositif adopté ne précise pas quelle serait la nouvelle procédure d'agrément et d'examen de l'intérêt du bien offert et de sa valeur.

Or, il importe de préserver une expertise indépendante, aujourd'hui garantie par les différentes commissions d'agrément.

Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.

ARTICLE 4 sexies (nouveau) (Art. L. 214-84-2 du code monétaire et financier, art. 28 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, art. 828 bis du code général des impôts) - Prolongation du délai de transformation des SCPI en OPCI en franchise d'impôt

Commentaire : le présent article, adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Gilles Carrez, rapporteur général du budget, propose de prolonger du 18 avril 2012 au 30 juin 2014 le délai au cours duquel les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) peuvent se transformer en organisme de placement collectif immobilier (OPCI) en franchise d'impôt.

I. LES OPCI, UN NOUVEL ATOUT DANS L'OFFRE D'ÉPARGNE IMMOBILIÈRE

A. LES OPCI, UNE ALTERNATIVE AUX SIIC ET SCPI

Les organismes de placement collectif immobilier (OPCI) constituent une nouvelle catégorie d'organismes de placement collectif dédiés à l'investissement immobilier, instituée par l'ordonnance 2005-1278 du 13 octobre 2005 pour compléter et moderniser l'offre de produits d'épargne proposés aux particuliers et aux investisseurs institutionnels. Leur régime fiscal a été précisé par l'article 28 de loi de finances rectificative pour 2005 du 30 décembre 2005, adopté à l'initiative de votre commission des finances.

Ces OPCI ont vocation à constituer une alternative aux sociétés civiles de placement immobilier (SCPI), caractérisées par une assez faible liquidité et un mode de gouvernance spécifique, et aux sociétés d'investissements immobiliers cotées (SIIC), très liquides mais peu nombreuses et corrélées à la performance des marchés boursiers. La création des OPCI entendait donc aussi contribuer à l'attractivité de la place de Paris.

A l'instar des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), deux formes d'OPCI coexistent et sont l'une et l'autre soumises à des obligations de distribution d'au moins 85 % de leurs résultats :

- une forme sociétale, les sociétés de placement à prépondérance immobilière à capital variable (SPPICAV), plutôt dédiée aux entreprises et aux investisseurs institutionnels, et à laquelle est associé un régime fiscal de capitaux mobiliers proche de celui des SIIC ;

- une forme de copropriété (donc sans personnalité morale), les fonds de placement immobilier (FPI), qui présente des caractéristiques proches des SCPI et est essentiellement soumise au régime de la fiscalité immobilière (revenus fonciers et plus-values immobilières).

B. UNE INCITATION PEU OPÉRANTE À LA TRANSFORMATION DES SCPI EN OPCI

Lors de la création des OPCI, votre commission des finances avait plaidé en faveur de la transformation progressive en OPCI d'une partie du « stock » des SCPI. Une incitation fiscale a ainsi été prévue par l'article 28 de la loi de finances rectificative pour 2005, précité, qui prévoit un régime de neutralité fiscale, tant en matière d'impôts directs que de droits d'enregistrement, en faveur des opérations de transformation réalisées « dans les conditions mentionnées à l'article L. 214-84-2 du code monétaire et financier ».

Cet article a imposé aux SCPI un délai de cinq ans , à compter de l'homologation des dispositions du règlement général de l'Autorité des marchés financiers (AMF) relatives aux OPCI, pour soumettre à leur assemblée générale extraordinaire la possibilité de se placer sous le régime des OPCI. Les modifications correspondantes du règlement général de l'AMF ayant été homologuées par un arrêté du 18 avril 2007, ce délai de cinq ans expire le 18 avril 2012 .

Or, à ce jour, aucune transformation de SCPI en OPCI n'est encore intervenue . Cette inertie est notamment liée à l'attente de précisions sur la règlementation applicable , s'agissant en particulier du véhicule le plus adapté aux SCPI, le FPI à règles de fonctionnement allégées (dit « RFA ») et sans effet de levier. Ce dispositif complémentaire n'a été conçu avec l'AMF qu'en 2010.

Compte tenu des exigences de l'AMF, motivées par la protection des épargnants, et de certains délais techniques de transformation 155 ( * ) , l'échéance du 18 avril 2012 n'apparaît aujourd'hui pas compatible, selon les professionnels, avec le calendrier d'un tel projet. De même, plus aucune transformation ne sera réellement envisageable après cette échéance compte tenu des conséquences fiscales qu'entraînerait une telle opération pour les porteurs de parts : la taxation de l'intégralité des plus-values sur les immeubles détenus par les SCPI et sur les parts sociales détenues par les associés.

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article, adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Gilles Carrez, rapporteur général du budget, et avec l'avis favorable du Gouvernement, propose de prolonger d'un peu plus de deux ans le délai de transformation des SCPI en OPCI , soit une durée équivalente au temps qui a été nécessaire à la mise au point du volet règlementaire du régime des OPCI. Le délai de cinq ans exposé supra est ainsi remplacé par deux échéances relatives à la tenue de l'assemblée générale statuant sur la transformation et à la réalisation effective de l'opération.

Le I du présent article modifie le premier alinéa de l'article L. 214-84-2 du code monétaire et financier, précité, afin de substituer au délai de cinq ans un délai intermédiaire, expirant le 30 juin 2013, pour tenir une assemblée générale statuant sur la possibilité de transformation en OPCI.

Le II modifie le C de l'article 28 de la loi du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, relatif aux exonérations d'imposition sur les plus-values de cession réalisées lors d'une opération de transformation, afin de prolonger au 30 juin 2014 le délai de réalisation effective de la transformation en OPCI ( ), qui se cumule avec le délai intermédiaire de tenue de l'assemblée générale. Il procède également à des modifications de coordination dans les alinéas relatifs :

- au champ des opérations exonérées et répondant à l'objet exclusif de transformation ( );

- à l'exonération des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du salaire des conservateurs des hypothèques dont bénéficient les transferts de biens, droits et obligations résultant de la transformation ( ) ;

- à la méthode de valorisation des plus ou moins-values réalisées lors de la cession, postérieurement à l'opération de transformation, d'éléments d'actifs de l'ancienne SCPI ou de titres du nouvel OPCI ( ).

Par coordination , le III intègre ces deux délais dans l'article 828 bis du code général des impôts, relatif à l'exonération de droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière et du salaire des conservateurs des hypothèques mentionnée supra .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Ce dispositif d'incitation fiscale à la transformation des SCPI en OPCI est conforme à l'intention exprimée par le législateur lors de la création des OPCI. Il avait d'ailleurs été initialement envisagé que cette transformation soit obligatoire. Si la plupart des porteurs de parts des 138 SCPI existantes 156 ( * ) demeurent attachés à ce type de placement, l'OPCI présente de réels atouts - en termes de simplicité, de liquidité et de transparence de la valorisation - qui en font un véhicule compétitif à l'échelle européenne et de nature à dynamiser l'épargne immobilière en France.

Or malgré l'essor récent de la collecte, favorisée par une prise de conscience accrue par les ménages de leurs besoins en compléments de retraite, l'épargne immobilière (hors SIIC) reste encore relativement sous-dimensionnée dans notre pays, avec un volume cumulé de 32 milliards d'euros contre 90 milliards d'euros en Allemagne . Les 96 OPCI créés drainent environ 10 milliards d'euros d'épargne, ce qui témoigne d'un certain succès, mais seuls six sont dédiés au grand public , ce qui n'est absolument pas satisfaisant.

Néanmoins le retard pris pour la mise en place de certains pans de la règlementation comme la nécessité d'accroître sensiblement le nombre d'OPCI destinés aux particuliers ne sauraient, en soi, justifier de décaler l'échéance de ce dispositif . Le délai actuel court jusqu'en avril 2012, ce qui laisse encore le temps aux SCPI de convoquer une assemblée générale extraordinaire, et reporter la réalisation effective des opérations à juin 2014 conduit à mettre en place une période de près de dix ans entre la création juridique des OPCI et la transformation des SCPI . Enfin, un tel report n'offre aucune garantie sur les perspectives réelles de transformation et l'absence d'inertie des sociétés concernées.

Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article .

ARTICLE 5 (Art. 787 B et 885 I bis du code général des impôts) - Simplification du régime fiscal des pactes d'actionnaires (« Pactes Dutreil »)

Commentaire : le présent article vise à assouplir les conditions de l'exonération partielle de droits de mutation applicable à la transmission par décès ou entre vifs de parts ou actions d'une société soumises à engagement de conservation, ainsi que de celle applicable en matière d'ISF aux parts et actions de société soumises à un même engagement.

I. LE DROIT ACTUEL ENCADRANT LES « PACTES DUTREIL »

Créés afin de favoriser la stabilité des entreprises au cours de leur existence, et notamment au moment de la transmission, les pactes d'actionnaires (dits « pactes Dutreil ») permettent à leurs participants de bénéficier, sous conditions, d'une réduction de 75 % de droit de mutation à titre gratuit (DMTG) ou d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) .

A. LES DISPOSITIONS RELATIVES AUX DMTG

L'article 787 B du code général des impôts régit les dispositions relatives aux DMTG.

L'exonération à hauteur de 75 % précitée concerne les parts ou les actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmises par décès ou entre vifs si les conditions suivantes sont réunies :

- ces parts ou actions mentionnées font l'objet d'un engagement collectif de conservation d'une durée minimale de deux ans en cours au jour de la transmission, qui a été pris par le défunt ou le donateur, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, avec d'autres associés. De plus, si cette condition n'est pas remplie, un ou des héritiers ou légataires peuvent conclure un tel pacte entre eux ou avec d'autres associés dans les six mois qui suivent la transmission ;

- les associés liés représentent au moins 20 % des droits financiers et des droits de vote attachés aux titres émis par la société s'ils sont admis à la négociation sur un marché réglementé, ou sur au moins 34 % de ces droits dans le cas contraire ;

- chacun des héritiers, donataires ou légataires prend l'engagement dans la déclaration de succession ou l'acte de donation, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, de conserver les parts ou les actions transmises pendant une durée de quatre ans à compter de la date d'expiration du délai de deux ans précité ;

- l'un des associés lié par le pacte ou l'un des héritiers, donataires ou légataires exerce effectivement dans la société, pendant la durée de l'engagement et pendant les trois années qui suivent la date de la transmission, son activité professionnelle principale si celle-ci est une société de personnes, ou l'une des fonctions énumérées au 1° de l'article 885 O bis du code général des impôts 157 ( * ) lorsque celle-ci est soumise à l'impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option.

En outre, diverses dispositions sont prévues afin de maintenir le bénéfice de l'exonération partielle de DMTG en cas de fusion ou de scission de la société, ou encore en cas de nouvelle transmission, à condition que le bénéficiaire conserve ses titres pendant toute la durée de son engagement.

Selon l'annexe « Voies et moyens » au dernier projet de loi de finances, le coût pour l'Etat de ce dispositif est estimé à 470 millions d'euros .

B. LES DISPOSITIONS RELATIVES À L'ISF

L'article 885 I bis du code général des impôts contient des dispositions similaires pour ce qui concerne l'ISF .

Là encore, les redevables de l'ISF peuvent bénéficier d'une exonération à hauteur de 75 % de la valeur des parts ou actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale à condition que :

- les parts ou actions de la société fassent l'objet d'un engagement collectif de conservation d'une durée minimale de deux ans, pris par le propriétaire, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, avec d'autres associés ;

- cet engagement porte sur au moins 20 % des droits financiers et des droits de vote attachés aux titres émis par la société s'ils sont admis à la négociation sur un marché réglementé, sur au moins 34 % dans le cas contraire, y compris les parts ou actions transmises ;

- les parts et actions sont détenues par le redevable pendant une durée minimale de six ans, dont les deux ans correspondant à l'engagement collectif ;

- l'un des signataires de l'engagement collectif exerce effectivement dans la société dont les parts ou actions font l'objet de l'engagement collectif de conservation, pendant les cinq années qui suivent la date de conclusion de ce dernier, son activité professionnelle principale si celle-ci est une société de personnes, ou l'une des fonctions énumérées au 1° de l'article 885 O bis du CGI précité lorsque celle-ci est soumise à l'impôt sur les sociétés.

Selon l'annexe « Voies et moyens » au dernier projet de loi de finances, le coût pour l'Etat de ce dispositif est estimé à 130 millions d'euros .

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article propose de procéder à un assouplissement des conditions autorisant le bénéfice des avantages fiscaux liés aux pactes d'actionnaires sur deux points :

- d'une part, permettre à des associés de rejoindre un engagement collectif de conservation existant ;

- d'autre part, autoriser la substitution entre un actionnaire « sortant » et un actionnaire « entrant » d'un pacte donné .

A cette fin, le A du I et le A du II du présent article tendant à insérer un alinéa, respectivement au sein de l'article 787 B du CGI (relatif aux DMTG) et de l'article 885 I bis du même code (traitant de l'ISF), disposant que les pactes d'actionnaires « peuvent également admettre un nouvel associé dans l'engagement collectif à condition que l'engagement soit reconduit pour une durée minimale de deux ans ».

De la même façon, le B du I et le B du II du présent article visent à insérer trois alinéas au sein des deux mêmes articles du CGI, prévoyant qu'en cas de non respect de l'engagement du pacte d'actionnaires par l'un des associés, l'exonération partielle de DMTG ou d'ISF ne serait pas remise en cause si :

- soit les titres que ces autres signataires détiennent ensemble respectent les quotas minima de droits financiers et de droits de vote précédemment mentionnés et s'ils les conservent jusqu'au terme initialement prévu 158 ( * ) ;

- soit le cessionnaire s'associe à l'engagement collectif à raison des titres cédés afin que le quota de 20 % ou 34 % demeure respecté . Dans ce cas, l'engagement collectif est reconduit pour une durée minimale de deux ans pour l'ensemble des signataires.

Aucune disposition particulière n'étant prévue pour l'entrée en vigueur de ces dispositions, celles-ci seraient effectives dès la promulgation du présent texte.

Le coût de ces dispositions n'a pas été évalué par le Gouvernement .

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté deux amendements de précision à cet article.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur général approuve le dispositif proposé.

En effet, il apporte de la souplesse au sein des « pactes Dutreil » tout en en respectant pleinement l'esprit.

En la matière, l'objectif du législateur a été, constamment, de favoriser la stabilité du capital des entreprises , de sorte qu'elles puissent poursuivre leur développement sans heurt sur le moyen terme. Telle a également toujours été la préoccupation de votre rapporteur général, qui dès l'examen par le Sénat de la « loi Dutreil » 159 ( * ) , avait plaidé pour davantage de souplesse, soulignant que, « comme [la création des avantages fiscaux liés aux pactes d'actionnaires] va dans le bon sens, nous l'acceptons mais, par rapport à ce que nous aurions pu faire, c'est un dispositif a minima , dont l'application posera encore des problèmes » 160 ( * ) .

En l'occurrence, les mesures proposées par le présent article renforcent la souplesse tout en maintenant l'esprit des pactes d'actionnaires : les exceptions qui seraient admises (entrée d'un nouveau partenaire ou sortie d'un des partenaires du pacte) correspondent à des situations concrètes et le maintien des avantages fiscaux est strictement conditionné au respect des éléments constitutifs du pacte (accord, sur le moyen terme, permettant de stabiliser une importante fraction du capital des entreprises). Il n'y a donc pas là de voie ouverte à une défiscalisation sans contrepartie.

C'est pourquoi votre rapporteur général préconise l'adoption du présent article.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 5 bis (nouveau) (Art. 199 undecies D du code général des impôts) - Exclusion de la défiscalisation du logement social en outre-mer du « rabot » du plafonnement spécifique aux réductions d'impôt sur le revenu applicables en outre-mer

Commentaire : le présent article, adopté à l'initiative du Gouvernement, vise à exclure la défiscalisation des investissements dans le secteur du logement social en outre-mer du « rabot » de 10 % appliqué au plafonnement spécifique aux réductions d'impôt sur le revenu en outre-mer.

I. LE DROIT EXISTANT

Le « rabot » des réductions d'impôt sur le revenu spécifiques à l'outre-mer a pris la forme de deux mesures : d'une part, une diminution des taux de certaines réductions d'impôts , d'autre part, un abaissement concomitant du plafonnement spécifique aux niches ultramarines .

Cette réduction du plafonnement spécifique aux niches ultramarines est une mesure distincte de celle qui a été mise en oeuvre s'agissant du plafonnement global de l'ensemble des niches fiscales.

A. UN TRAITEMENT DIFFÉRENCIÉ DES NICHES FISCALES OUTRE-MER DANS LE CADRE DU « RABOT » VOTÉ EN 2010

L'article 105 de la loi de finances pour 2011 161 ( * ) , qui a mis en oeuvre le « rabot » des réductions à l'impôt sur le revenu, a traité de manière différenciée les différentes réductions d'impôts spécifiques à l'outre-mer :

- à l'initiative de votre commission des finances, les niches les plus coûteuses applicables en outre-mer ont subi le rabot de 10 % . Il s'agit de la défiscalisation des investissements productifs 162 ( * ) (qui a coûté 700 millions d'euros en 2010) et de celle applicable au logement « non social » 163 ( * ) (qui s'est élevée à 370 millions d'euros la même année) ;

- en revanche, la défiscalisation spécifique au logement social 164 ( * ) en outre-mer n'a pas été soumise au « rabot » . Son coût en 2010 est estimé à 20 millions d'euros.

B. UN TRAITEMENT NON DIFFÉRENCIÉ DE CES NICHES DANS LE CADRE DU « RABOT » DU PLAFONNEMENT SPÉCIFIQUE À L'OUTRE-MER

L'article 105 précité n'a toutefois pas traité de manière distincte ces trois niches au regard de la réduction du plafonnement spécifique des niches fiscales en outre-mer .

Ainsi, ce plafonnement, applicable à la fois aux défiscalisations outre-mer des investissements productifs, du logement « non social » et du logement social, a été réduit de 10 % . Il est passé de 40 000 euros ou 15 % du revenu global net du foyer fiscal à 36 000 euros ou 13 % du revenu global net du foyer fiscal.

Il résulte ainsi des dispositions actuelles du code général des impôts que si la défiscalisation du logement social en outre-mer n'a pas subi de « rabot » de 10 %, elle subit en revanche pleinement la réduction de 10 % du plafonnement global spécifique aux niches fiscales applicables en outre-mer .

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement visant à exclure la défiscalisation du logement social en outre-mer de la réduction de 10 % du plafonnement des niches fiscales spécifique à l'outre-mer . La commission des finances de l'Assemblée nationale n'a pas émis d'avis sur cet amendement mais son rapporteur général a formulé des réserves.

Le dispositif proposé prévoit ainsi que le plafonnement spécifique à l'outre-mer s'appliquera en deux temps :

- dans un premier temps, le montant de réduction d'impôt dont a bénéficié le foyer au titre de la défiscalisation du logement social sera plafonné à 40 000 euros ou 15 % du revenu global net du foyer fiscal, c'est-à-dire le niveau du plafond applicable avant la loi de finances précitée pour 2010 ;

- dans un second temps, la somme des autres réductions d'impôt applicables en outre-mer sera calculée et plafonnée à 36 000 euros ou 13 % du revenu global net du foyer fiscal, c'est-à-dire le plafond « raboté », puis diminuée du montant de réduction d'impôt dont le contribuable a déjà bénéficié au titre du logement social.

Ce dispositif garantit que les deux plafonds distincts ne seront pas cumulatifs et que le plafonnement global des niches fiscales outre-mer sera effectif. Ainsi, l'ensemble des niches ultramarines reste plafonné à 36 000 euros ou 13 % du revenu global net, ce plafond pouvant être porté à 40 000 euros ou 15 % du revenu global net si le surplus s'explique par le recours au dispositif de défiscalisation du logement social .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur général rappelle, comme il l'avait indiqué lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2010, qu'il « serait souhaitable de recourir à un rabot « large », [ce qui] impliquerait de rompre avec l'idée que certaines niches socialement ou politiquement « sensibles » devraient [...] ne pas être soumises au rabot » 165 ( * ) .

L'objet de l'amendement présenté par le Gouvernement dont résulte le présent article pointait le risque, si le droit actuel n'était pas modifié, que « l'avantage fiscal pour l'investisseur dans le logement social outre-mer puisse être indirectement réduit pour certains investisseurs, ce qui pourrait peser sur le flux des investissements dans un secteur jugé crucial pour l'économie ultramarine ». Cet argument paraît toutefois peu crédible s'agissant d'un dispositif de défiscalisation qui n'est pas encore monté en puissance. Il n'est d'ailleurs étayé par aucun chiffre et le coût de l'amendement n'a pas été évalué par le Gouvernement.

En outre, le présent article constitue un retour en arrière par rapport au dispositif du « rabot » voté l'année dernière. Il introduit une complexité excessive en articulant deux plafonnements spécifiques aux réductions d'impôt outre-mer. Votre commission des finances vous propose par conséquent un amendement pour supprimer le présent article.

Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.

ARTICLE 6 (Art. 120, 750 ter, 752, 792-0 bis [nouveau], 885 G ter [nouveau], 990 J, 1649 AB [nouveau], 1736 et 1754 du code général des impôts, art. L. 19 du livre des procédures fiscales) - Imposition des biens ou droits composant un trust à l'impôt de solidarité sur la fortune et aux droits de mutation à titre gratuit

Commentaire : le présent article vise à confirmer, préciser et compléter le régime fiscal des trusts et des institutions juridiques de droit étranger comparables en matière de droits de mutation à titre gratuit et d'impôt de solidarité sur la fortune.

I. L'ABSENCE JURIDIQUE ENTOURANT LES TRUSTS ET LEUR RÉGIME FISCAL

A. L'INEXISTENCE DES TRUSTS EN DROIT FRANÇAIS

Les trusts , institutions très répandues en droit anglo-saxons, n'ont pas d'existence légale en France .

Certes, le régime de la fiducie , introduit dans notre législation par la loi n° 2007-211 du 19 février 2007 - adoptée à l'initiative de votre rapporteur général 166 ( * ) -, s'en rapproche par certains aspects. En effet, aux termes de l'article 2011 du code civil, la fiducie se définit comme « l'opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d'un ou plusieurs bénéficiaires ». Il y a là une logique très proche de celle qui régit le trust, comme cela sera développé ci-après. Mais ce régime s'en distingue également sur plusieurs points importants. En particulier, la fiducie doit être établie par la loi ou par contrat, de manière expresse. En outre, le contrat de fiducie est nul s'il procède d'une intention libérale au profit du bénéficiaire, cette nullité étant d'ordre public. Enfin, la fiducie est parfaitement et dans tous les cas transparente du point de vue fiscal.

Les trusts, quant à eux, sont définis au niveau international par l'article 2 de la Convention de La Haye du 1 er juillet 1985 relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance. Selon cet article, « le terme " trust " vise les relations juridiques créées par une personne, le constituant - par acte entre vifs ou à cause de mort - lorsque des biens ont été placés sous le contrôle d'un trustee dans l'intérêt d'un bénéficiaire ou dans un but déterminé.

« Le trust présente les caractéristiques suivantes :

« a) les biens du trust constituent une masse distincte et ne font pas partie du patrimoine du trustee ;

« b) le titre relatif aux biens du trust est établi au nom du trustee ou d'une autre personne pour le compte du trustee ;

« c) le trustee est investi du pouvoir et chargé de l'obligation, dont il doit rendre compte, d'administrer, de gérer ou de disposer des biens selon les termes du trust et les règles particulières imposées au trustee par la loi.

« Le fait que le constituant conserve certaines prérogatives ou que le trustee possède certains droits en qualité de bénéficiaire ne s'oppose pas nécessairement à l'existence d'un trust ».

Il est à noter que le trust peut être irrévocable ou révocable, selon qu'il entraîne ou non le dessaisissement définitif de la propriété des biens mis en trust par le constituant, et simple ou discrétionnaire, selon la latitude dont dispose le trustee pour remettre le capital ou distribuer les revenus mis en trust aux bénéficiaires.

Cependant, si la France a signé la Convention de La Haye, elle ne l'a pas ratifiée et ne l'a donc pas intégrée dans son droit.

Pour autant, les trusts sont si répandus dans le monde que la loi française, et notamment la loi fiscale, ne saurait les ignorer complètement . C'est ainsi que les trusts sont nommément cités :

- d'une part, à l'article 120 du code général des impôts (CGI), qui qualifie, en son 9°, de revenus de capitaux mobiliers de source étrangère les « produits des " trusts " quelle que soit la consistance des biens composant ces trusts ».

- d'autre part, à l'article 238 bis -0 I du même code, qui pose les conditions dans lesquelles les résultats provenant de la gestion ou de la disposition d'actifs transférés hors de France et notamment ceux placés dans un trust, sont intégrés dans le résultat imposable.

Dans un cas comme dans l'autre, seuls sont visés les revenus ou les bénéfices. En revanche, la détention du patrimoine, ni sa transmission ne font l'objet de dispositions du CGI . Or, de ce point de vue, les trusts peuvent constituer des véhicules puissants et, en l'absence de législation claire, ils peuvent être le vecteur d'opérations d'évasion fiscale.

De fait, cette absence de droit écrit a abouti à une jurisprudence au cas par cas, peu sécurisante tant pour l'Etat que pour ces structures.

B. UNE JURISPRUDENCE AU CAS PAR CAS

Plus précisément, en matière fiscale, la jurisprudence de la Cour de cassation s'est, jusqu'à présent, établie par défaut, en rattachant les effets concrets de chaque trust dont elle a eu à examiner une affaire, à une catégorie du droit national pour lui appliquer la législation idoine.

Cela se vérifie tant pour les droits de mutation à titre gratuit (DMTG) que pour l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF).

1. En matière de DMTG

Les incertitudes sur les modalités de taxation concernent principalement les trusts irrévocables . En effet, dans le cas d'un trust révocable, on ne saurait considérer que les biens ont quitté le patrimoine du défunt ou du donateur. Dès lors, les modalités d'imposition de droit commun en matière de succession et de donation s'appliquent normalement en l'état actuel du droit.

En revanche, les trusts irrévocables apparaissent, a priori , plus ambigus en termes de droit de la propriété .

A cet égard, la Cour de cassation a considéré, dans un arrêt 167 ( * ) en date du 15 mai 2007, que les bénéficiaires désignés d'un trust « ont acquis [la] propriété [des biens portés par un trust] à la clôture du trust provoquée par [le] décès [de son constituant qui s'était défait irrévocablement de la propriété desdits biens] », ce qui caractérise « une mutation à titre gratuit ayant pris effet au jour du décès du constituant et non au jour de la constitution du trust ». Par cet arrêt, la Cour a permis la taxation de ladite mutation , qu'elle s'est d'ailleurs bien gardée de qualifier de succession, ni de donation.

Mais, même si le droit existant a trouvé à répondre à cette situation particulière, il peut demeurer des situations plus confuses dans lesquelles ni les dispositions actuelles relatives aux successions, ni celles traitant des donations ne trouveraient à s'appliquer de manière évidente. Ainsi, même dans le cas précité, la Cour de cassation ne paraissait pouvoir se référer explicitement ni au régime des donations, la mutation prenant effet lors du décès, ni au régime des donations, en l'absence d'acceptation des donataires et de transmission des biens à ces derniers à la date où le trust était devenu irrévocable.

2. En matière d'ISF

En matière d'ISF, la jurisprudence reste relativement éparse et moins favorable à l'administration fiscale.

Dans un jugement du 4 mai 2004, le tribunal de grande instance de Nanterre a considéré que « la perception de revenus annuels provenant de deux trusts de droit américain ne suffit pas à faire peser sur leur bénéficiaire une quelconque présomption de propriété sur des valeurs mobilières, dès lors que l'administration fiscale n'apporte aucun élément sur la consistance des actifs sous-jacents auxdits trusts, ni la preuve que le bénéficiaire des revenus a des droits réels représentant une valeur patrimoniale . Par conséquent, il n'y a pas lieu de l'assujettir à l'impôt de solidarité sur la fortune en raison de sa qualité de bénéficiaire desdits trusts ».

Il en résulte que le bénéficiaire d'un trust discrétionnaire ne dispose pas sur les actifs mis en trust d'un droit de propriété taxable à l'ISF car il ne dispose d'aucun droit réel sur les biens mis en trust, gérés exclusivement par le trustee - ce dernier décidant seul de la distribution des revenus.

Par ailleurs, dans un arrêt en date du 31 mars 2009, la Cour de cassation a jugé que « le constituant d'un acte de trust doit être considéré comme ayant un droit de jouissance et de disposition sur les biens objets du trust lorsque l'acte prévoit :

« - que du vivant du constituant les trustees devront détenir les biens dans le trust à son bénéfice et lui payer les revenus en provenant ainsi que tout montant du principal , le cas échéant, sans limitation de montant, qu'il pourra demander à tout moment par écrit ;

« - que le constituant peut révoquer la convention à tout moment et rentrer en possession des biens confiés , ou exiger que tout ou partie du portefeuille soit liquidé, pour en percevoir le prix, ou même que les titres lui soient remis.

« Les biens objets du trust doivent alors être inclus dans l'assiette de l'ISF du constituant ».

En somme, lorsque le trust est révocable et non discrétionnaire, les biens qui en sont l'objet doivent être compris dans le patrimoine taxable du constituant, n'étant alors pas réellement dessaisi de ses biens.

La taxation repose donc assez largement sur un examen au cas par cas des actes de trust. Dès lors, en l'absence de règle d'imposition précise en droit français, il apparaît possible de recourir à des trusts irrévocables et discrétionnaires à des fins d'évasion fiscale : en particulier, des constituants ou des bénéficiaires pourraient conserver, en pratique, la maîtrise des actifs du trust au travers de montages complexes ou de lettres confidentielles autorisées par certains Etats tout en paraissant avoir aliéné leur patrimoine du point de vue des autorités françaises.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article propose de répondre au flou et aux lacunes des dispositions législatives actuelles visant les trusts en matière fiscale.

A cette fin, il propose de définir les trusts et de leur appliquer un régime spécifique pour ce qui concerne tant les DMTG que l'ISF. En outre, des obligations déclaratives spécifiques sont prévues afin d'assurer l'effectivité de ces mesures.

A. LA DÉFINITION DES TRUSTS ET DE LEURS CONSTITUANTS

Le D du I du présent article propose d'insérer dans le code général des impôts un nouvel article, numéroté 792-0 bis , définissant les trusts au regard du droit français.

Aux termes du I de ce nouvel article, pour l'application du CGI, on entendrait par trust « l'ensemble des relations juridiques créées, dans le droit d'un Etat autre que la France, par une personne, qui a la qualité de constituant, par acte entre vifs ou à cause de mort, en vue d'y placer des biens ou droits, sous le contrôle d'un administrateur, dans l'intérêt d'un ou de plusieurs bénéficiaires ou pour la réalisation d'un objectif déterminé ».

Il s'agit, assez logiquement, de la reprise (un peu plus large) de l'article 2 de la Convention de La Haye précité. Cette définition n'aboutit donc pas à créer les trusts en droit français mais à permettre la qualification de structures étrangère de trust au regard du droit fiscal français .

En outre, le texte propose de définir le constituant du trust comme « soit la personne physique qui l'a constitué soit, lorsqu'il a été constitué par une personne morale, la personne physique qui y a placé des biens ou des droits ». Cette dernière mention vise à permettre à l'administration de juger de la réalité du montage du trust afin de déterminer, le cas échéant, l'identité du mandataire réel du trust.

Par ailleurs, le texte proposé pour le 3 du II du nouvel article 792-0 bis du code général des impôts définit un « constituant fiscal » , autre que le constituant initial, afin de permettre l'application du droit au fil des mutations successives. Ainsi, il est prévu, pour l'application des dispositions relatives aux DMTG détaillées ci-après, de considérer le bénéficiaire d'un trust dont le constituant originel est décédé comme le « nouveau » constituant .

B. LES OBLIGATIONS DÉCLARATIVES

Afin de permettre l'application des règles fiscales décrites ci-après, le G du I du présent article propose de créer un nouvel article 1649 AB du code général des impôts imposant de nouvelles obligations déclaratives relatives aux trusts .

Selon ces dispositions, l'administrateur d'un trust dont le constituant ou l'un au moins des bénéficiaires a son domicile fiscal en France, ou qui comprend un bien ou un droit qui y est situé, serait tenu d'en déclarer la constitution, la modification ou l'extinction, ainsi que le contenu de ses termes à l'administration fiscale.

Il devrait également déclarer la valeur vénale au 1 er janvier de l'année des biens, droits et produits entrant dans le champ du prélèvement sur les trusts susmentionné (objet du nouvel article 990 J du CGI que le présent article tend à rétablir).

Un décret fixerait les modalités d'application de ce dispositif.

Le H du I tend à insérer un IV bis au sein de l'article 1736 du même code afin de sanctionner les infractions à ces nouvelles obligations déclaratives d'une amende égale à 10 000 euros ou, si ce montant est plus élevé, à 5 % de l'actif du trust. Il s'agit là d'un niveau très élevé, correspondant à dix années de prélèvement et portant, de surcroît, sur l'ensemble de l'actif du trust, qu'il soit ou non taxable à l'ISF ou au nouveau prélèvement de l'article 990 J.

Enfin, le I du I propose de compléter le V de l'article 1754 du code général des impôts par un 8 précisant que l'amende précitée serait due solidairement par l'administrateur et par le constituant et les bénéficiaires du trust .

C. LE RÉGIME FISCAL DES MUTATIONS AU TRAVERS DE TRUSTS

1. Les principes généraux

Le II du nouvel article 792-0 bis précité définirait le régime fiscal des trusts en matière de mutation à titre gratuit .

Selon son 1, la transmission par donation ou succession de biens ou droits placés dans un trust ainsi que des produits qui y sont capitalisés est, pour la valeur vénale nette des biens, droits ou produits concernés à la date de la transmission, soumise aux droits de mutation à titre gratuit en fonction du lien de parenté existant entre le constituant et le bénéficiaire. Il s'agit là du rappel du droit commun des mutations et de son application aux trusts, qui a vocation à s'appliquer lorsque la donation ou la succession peut être établie de manière claire .

Son 2 a vocation à s'appliquer aux autres cas , c'est-à-dire ceux dans lesquels la donation ou la transmission par décès ne peut être établie. Le but du dispositif est alors de s'approcher le plus possible du droit commun, en considérant le décès du constituant comme le fait générateur de la mutation .

Dans ce cas, si :

- la transmission d'une part déterminée des biens à un bénéficiaire lui aussi déterminé peut être établie, l'imposition correspond aux droits de mutation par décès applicables au regard du lien de parenté entre le constituant et le bénéficiaire ;

- la transmission d'une part déterminée des biens est due globalement à des descendants du constituant (sans pouvoir être individualisée), cette part est soumise à des droits de mutation au taux marginal du barème en ligne directe , visé à l'article 777 du CGI. Pour mémoire, l'article 2 du présent projet de loi de finances rectificative prévoit de porter ce taux de 40 % à 45 % ;

- dans les autres cas , en particulier si les biens demeurent dans le trusts ou s'il y a transmission collective incluant des personnes ne descendant pas du constituant décédé, la taxation doit s'effectuer au taux marginal des droits de succession applicables en ligne collatérale et entre non-parents, c'est-à-dire à 60 % .

En outre, ce même taux de 60 % s'appliquerait dans tous les cas sous deux hypothèses :

- soit si l'administrateur du trust est soumis à la loi d'un Etat ou territoire non coopératif (ETNC) au sens de l'article 238-0 A du code général des impôts;

- soit si, au moment de la constitution du trust, le constituant était fiscalement domicilié en France .

2. La règle de territorialité applicable

Le B du I du présent article tend à adapter aux trusts des règles de territorialité applicables aux DMTG définies par l'article 750 ter du code général des impôts.

Il est ainsi proposé :

- d'une part, que les biens et droits composant un trust (y compris les produits capitalisés) fassent partie des biens auxquels s'appliquent lesdites règles de territorialité 168 ( * ) ;

- d'autre part, que les DMTG trouvent à s'appliquer à raison de la résidence fiscale en France du bénéficiaire d'un trust , même si celui-ci ne peut être juridiquement qualifié d'héritier, de donataire ou de légataire. De ce fait, les nouvelles règles de taxation des actifs maintenus dans les trusts ou transmis selon des modalités qui ne peuvent être assimilées à une donation ou à une succession pourraient effectivement s'appliquer.

3. La révision de la règle de présomption de propriété

Le C du I du présent article propose de compléter l'article 752 du code général des impôts, de manière à étendre la présomption de propriété aux biens ou droits placés dans un trust .

Ainsi, ces parts ou droits ou parts seraient ajoutés aux « actions, (...) obligations, parts de fondateur ou bénéficiaires, parts sociales et toutes autres créances dont le défunt a eu la propriété ou a perçu les revenus ou à raison desquelles il a effectué une opération quelconque moins d'un an avant son décès » qui, jusqu'à preuve contraire, sont présumées faire partie de la succession, pour la liquidation et le paiement des droits de mutation par décès.

En outre, le II du présent article vise à modifier, par coordination, la rédaction de l'article L. 19 du livre des procédures fiscales pour étendre le champ du contrôle des actes de succession par l'administration à ces mêmes biens ou droits ou aux produits capitalisés dans un trust.

D. LE RÉGIME FISCAL DE LA DÉTENTION AU TRAVERS DE TRUSTS

Comme cela a été souligné précédemment, la détention des biens au travers d'un trust est ambiguë en droit français.

Il importe donc de clarifier la législation fiscale s'appliquant à cette détention, ce à quoi s'attache, notamment le présent article.

A cette fin, il propose d'une part, de poser un principe général de soumission à l'ISF des biens ou droits placés dans un trust et, d'autre part, de créer un impôt spécifique sur les trusts afin de pouvoir frapper les biens qui n'auraient pas été déclarés à l'administration fiscale au titre de l'ISF.

1. Le principe de soumission à l'ISF

Le E du I du présent article tend à insérer un nouvel article 885 G ter au sein du code général des impôts, aux termes duquel les biens placés dans un trust, y compris les produits capitalisés, seraient inclus dans le patrimoine taxable à l'ISF du constituant (et, le cas échéant, du bénéficiaire « réputé être un constituant en application du II de l'article 792-0 bis ») pour leur valeur vénale nette au 1 er janvier de l'année d'imposition.

Il s'agit d'étendre aux trusts le principe prévalant déjà en matière de fiducie . A cet égard, il convient de rappeler que l'article 885 G bis du code général des impôts prévoit déjà que « les biens ou droits transférés dans un patrimoine fiduciaire ou ceux éventuellement acquis en remploi, ainsi que les fruits tirés de l'exploitation de ces biens ou droits, sont compris dans le patrimoine du constituant pour leur valeur vénale nette ».

Le dispositif proposé écarte donc tout moyen de contestation lié au contenu de l'acte de trust et a pour objet de s'appliquer dans tous les cas, que les trusts soient révocables ou irrévocables, simples ou discrétionnaires.

Au bout du compte, au vu des règles de territorialité applicables à l'ISF, les biens placés dans un trust dont le constituant est un résident fiscal français seraient taxés quelle que soit leur localisation, de même que les biens situés en France et placés dans un trust dont le constituant n'est pas résident fiscal français 169 ( * ) .

2. La création d'un prélèvement spécifique en cas de défaut de déclaration au titre de l'ISF

a) L'assiette et le taux du prélèvement

Le F du I du présent article vise à compléter ces dispositions générales en créant, à l'article 990 J du code général des impôts, un impôt spécifique frappant les biens placés dans des trusts qui n'auraient pas été déclarés au titre de l'ISF .

Ce prélèvement serait assis sur la valeur vénale au 1 er janvier de chaque année de :

- l'ensemble des biens (situés en France et hors de France), y compris les produits capitalisés placés dans le trust pour les constituants et bénéficiaires résidents fiscaux français ;

- et des biens placés dans le trust (autres que les placements financiers au sens de l'assiette de l'ISF) situés en France ainsi que des produits capitalisés pour les constituants et bénéficiaires non-résidents.

Il s'agit donc de la même assiette que pour l'ISF à acquitter au titre des biens ou droits détenus au travers de trusts, à laquelle, toutefois, ne s'appliqueraient pas les exonérations résultant de la nature des biens . De plus, il convient de mentionner une exception, visée au II du texte proposé pour l'article 990 J du CGI : le prélèvement ne s'appliquerait pas « aux trusts constitués en vue de gérer les droits à pension acquis, au titre de leur activité professionnelle, par les bénéficiaires dans le cadre d'un régime de retraite mis en place par une entreprise ou un groupe d`entreprises ». Cette exemption vise les trusts créés par des entreprises au bénéfice de leurs dirigeants et salariés et de leurs anciens dirigeants et salariés. Toutefois, les biens et droits correspondants entrent, le cas échéant, dans l'assiette de l'ISF des intéressés.

En revanche, la nouvelle taxe ne serait pas due au titre de la fraction de l'assiette qui aurait été retenue dans l'assiette de l'ISF d'un constituant, ou bien qui aurait été déclarée (voir ci-après) et qui ne serait pas imposable à l'ISF.

Au bout du compte, ce nouveau prélèvement sur les trusts s'analyse donc comme une imposition alternative à l'ISF, frappant les biens ou droits qui n'auraient pas été régulièrement déclarés à l'administration .

Le texte proposé pour le I de l'article 990 J fixe le taux de ce prélèvement au même niveau que celui du taux maximum du tarif de l'ISF (que l'article 1 er du présent projet de loi de finances rectificative tend à ramener à 0,5 % ).

b) Les redevables et les modalités de recouvrement

Le I de la nouvelle rédaction de l'article 990 J prévoit que les redevables du prélèvement sur les trusts seraient les « personnes physiques, constituants et les bénéficiaires d'un trust ».

Cependant, en pratique, le III du même article dispose que le prélèvement devrait être liquidé et acquitté par l'administrateur du trust , qui se verrait chargé d'une obligation de déclaration et de liquidation dans les conditions applicables en matière d'ISF. A défaut, le constituant et les bénéficiaires seraient solidairement responsables du paiement du prélèvement.

Le prélèvement sur les trusts serait assis et recouvré, comme l'ISF, selon les règles et sous les sanctions et garanties applicables aux droits de mutation par décès.

De manière générale, s'il est logique de fixer de manière précise le régime de cette nouvelle imposition, il est à noter qu'il n'existe pas de cas dans lesquels le prélèvement sur les trusts serait plus favorable que le règlement de l'ISF, lequel aboutit à l'exonération du nouvel impôt. La nouvelle taxe vise donc bien, en priorité, à frapper plus facilement des biens non déclarés et logés à l'étranger dans des trusts.

E. L'EXONÉRATION D'IMPÔT SUR LE REVENU DES PRODUITS RÉINVESTIS DANS LES TRUSTS

De manière incidente, le A du I du présent article vise à revoir les modalités d'imposition des revenus engendrés par les trusts.

Actuellement, aux termes du 9° de l'article 120 du code général des impôts, sont considérés comme des revenus « les produits des " trusts " quelle que soit la consistance des biens composant ces trusts ».

Il est proposé d'aligner le droit applicable aux trusts, de ce point de vue, sur celui qui existe, par exemple, pour les contrats d'assurance-vie en prévoyant que les produits non distribués ne soient pas taxés. Ainsi, le 9° de l'article 120 précité serait modifié de sorte que seuls les produits distribués par un trust entrent dans le champ de l'impôt sur le revenu .

F. L'ENTRÉE EN VIGUEUR

Le III du présent article prévoit que l'ensemble des dispositions relatives aux DMTG s'appliqueraient aux donations consenties et pour des décès intervenus à compter de la publication de la loi.

Aucune autre modalité spécifique n'étant prévue, l'ensemble des dispositions relatives à l'ISF, au nouveau prélèvement sur les trusts et aux obligations déclaratives s'appliqueraient en 2012, s'agissant de contraintes dont le fait générateur se situe le 1 er janvier de chaque année. D'autre part, les dispositions relatives à l'imposition des revenus distribués par les trusts s'appliqueraient dès la publication de la loi.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté treize amendements à cet article, à l'initiative de notre collègue député Gilles Carrez, rapporteur général du budget. Ceux-ci ont recueilli l'avis favorable du Gouvernement, qui a toutefois sous-amendé l'un d'entre eux ( cf. infra ).

Neuf de ces amendements présentent un caractère rédactionnel ou de précision.

S'agissant des autres amendements, leur objet est le suivant :

- permettre d'appréhender le trust en transparence lorsque son constituant est une personne physique agissant à titre professionnel (par exemple un avocat, un conseiller en gestion de patrimoine ou un notaire), comme le prévoyait déjà le présent article dans sa version initiale pour les personnes morales. Ainsi, l'interposition d'un intermédiaire apparaissant comme le constituant juridique du trust n'empêcherait pas l'administration d'appréhender le « constituant réel » du trust, à savoir la personne physique du patrimoine de laquelle sont issus les biens et droits placés dans ledit trust ;

- assurer que la transmission de ces biens, droits et produits ne bénéficiera pas d'une application autonome des abattements personnels des DMTG, ni d'une application indépendante des barèmes progressifs, y compris lorsque ces biens, droits et produits ne sont pas intégrés à la succession du constituant. Les biens transmis par cette voie seront donc ajoutés aux autres biens reçus par l'héritier à l'occasion de la succession . En outre, l'amendement précise que le rapport fiscal des donations sera notamment applicable aux donations de biens placés dans un trust pour le calcul de droits de mutation ultérieurs et, symétriquement, au calcul des droits de mutation par décès portant sur des biens placés dans un trust (en cas de donations antérieures indépendantes du trust) ;

- rendre les bénéficiaires d'un trust solidairement responsables du paiement des droits de mutation dus à raison du décès du constituant dont il est prévu le paiement par l'administrateur du trust . Le Gouvernement a sous-amendé cet amendement de sorte que ces dispositions s'appliquent seulement dans le cas où l'administrateur du trust est soumis à la loi d'un Etat ou territoire non coopératif (ETNC) au sens de l'article 238-0 A du code général des impôts ou n'ayant pas conclu avec la France une convention d'assistance mutuelle en matière de recouvrement ;

- préciser que la taxation à l'ISF de biens n'est libératoire du prélèvement sur les trusts que lorsqu'elle résulte d'une déclaration régulière spontanée du contribuable concerné et non dans le cas où elle résulterait d'un rehaussement d'impôt à l'initiative de l'administration.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. UN SOUTIEN À L'ÉQUILIBRE GÉNÉRAL DE CET ARTICLE

Votre rapporteur général approuve l'orientation du présent article qui, d'après les services de Bercy, devrait rapporter environ 30 millions d'euros à l'Etat .

Dans un domaine sensible, sur lequel notre droit national (notamment fiscal) reste pauvre, il apporte des clarifications nécessaires et bienvenues.

Même s'il est fort probable que des difficultés surgiront, ne serait-ce qu'en raison de l'opacité organisée de certains montages, le dispositif proposé s'attache à se placer sur un terrain concret et à fournir à l'administration fiscale des outils pour lui permettre d'exercer son droit . Le nouveau prélèvement sur les trusts prévu au nouvel article 990 J du code général des impôts, imposition spécifiquement prévue afin de « rattraper » des biens ou droits soustraits de l'assiette de l'ISF, symbolise bien cette démarche. Il ne s'agit pas de se lancer dans une définition complexe quant à la propriété réelle des biens logés dans un trust, mais de définir un prélèvement à caractère général, solidairement dû par le gestionnaire, le constituant et les bénéficiaires du trust.

L'Assemblée nationale a également fait oeuvre utile en améliorant ce texte, et l'ensemble de ses apports méritent d'être retenus.

B. APPLIQUER AU PRÉLÈVEMENT SUR LES TRUSTS LE TAUX CORRESPONDANT À CELUI DE L'ISF MAJORÉ POUR MANQUEMENT À L'OBLIGATION DE DÉCLARATION DE BIENS

Toutefois, toutes les conséquences n'ont pas été tirées de la situation objective dans laquelle le nouveau prélèvement sur les trusts prévu par l'article 990 J du code général des impôts trouvera à s'appliquer.

Comme cela a été développé précédemment, ce prélèvement vise, en pratique, à « rattraper » des patrimoines n'ayant pas été déclarés pour une imposition à l'ISF .

En effet, toutes les personnes physiques ont intérêt à déclarer les biens ou droits logés dans des trusts à l'administration fiscale dans le cadre d'une déclaration d'ISF car :

- d'une part, l'assiette de l'ISF est plus étroite, du fait de l'exonération de certains biens (biens professionnels, oeuvres d'art, etc.);

- d'autre part, le taux de l'ISF n'est, par construction, jamais supérieur à celui du prélèvement sur les trusts.

Le nouveau prélèvement s'appliquera donc lorsque ces biens, non déclarés, seront « découverts » d'une autre façon par l'administration fiscale. Il y aura donc une certaine suspicion de dissimulation de ces biens.

Dès lors, il serait plus logique de prévoir, pour ce prélèvement, un taux correspondant au taux résultant de l'application de la pénalité prévue à l'article 1729 du code général des impôts en cas de manquement délibéré à l'obligation de déclaration des biens , soit une majoration de 40 % aboutissant à un taux de 0,7 % (sous réserve d'adoption de l'article 1 er du présent projet de loi de finances rectificative portant réforme de l'ISF).

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 7 - Création d'une contribution exceptionnelle sur la provision pour hausse des prix mise à la charge des entreprises du secteur pétrolier

Commentaire : le présent article vise à mettre à la charge des entreprises du secteur pétrolier une contribution exceptionnelle sur la provision pour hausse des prix. Celle-ci est destinée à financer le coût de la revalorisation de 4,6 % des barèmes kilométriques applicables, au titre de l'année 2010, aux salariés et à certains titulaires de bénéfices commerciaux et de bénéfices non commerciaux.

I. LA PROVISION POUR HAUSSE DES PRIX ET LES CONTRIBUTIONS RÉCENTES DE MÊME ASSIETTE

A. LA PROVISION POUR HAUSSE DES PRIX (PHP)

La provision pour hausse des prix (PHP) est définie au onzième alinéa du 5° de l'article 39 du code général des impôts.

Ces dispositions autorisent les entreprises à pratiquer une telle provision lorsque, pour une matière ou un produit donné, il est constaté, au cours d'une période ne pouvant dépasser deux exercices successifs, une hausse des prix supérieure à 10 % . Elle ne concerne donc pas spécifiquement les pétroliers mais, en cas d'augmentation marquée des prix du pétrole, les entreprises du secteur peuvent passer une dotation PHP d'un montant conséquent (jusqu'à 15 millions d'euros par période de douze mois, au titre de chaque exercice, majoré le cas échéant d'une fraction égale à 10 % de la dotation à cette provision déterminée dans les conditions normales - c'est-à-dire compte non tenu du plafonnement).

La PHP est rapportée de plein droit aux bénéfices imposables de l'exercice en cours à l'expiration de la sixième année suivant la date de la clôture de l'exercice au cours duquel elle a été passée.

B. LES CONTRIBUTIONS RÉCENTES SUR LA PHP DES SOCIÉTÉS PÉTROLIÈRES

Il existe plusieurs précédents de contributions assises sur la PHP qu'ont été autorisées à passer les entreprises du secteur pétrolier.

L'article 11 de la loi de finances initiale pour 2001 a institué, pour les seules entreprises pétrolières, une taxe exceptionnelle assise sur la fraction excédant alors 100 millions de francs (soit 15,244 millions d'euros) du montant de la provision pour hausse des prix inscrite au bilan à la clôture du premier exercice clos à compter du 20 septembre 2000, ou à la clôture de l'exercice précédent si le montant correspondant était supérieur.

Cette taxe exceptionnelle était toutefois imputable sur l'impôt sur les sociétés (IS) dû au titre de l'exercice au cours duquel la provision sur laquelle elle est assise était réintégrée (au plus tard à l'expiration de la sixième année suivant la date de la clôture de l'exercice où la provision a été dotée). Cette disposition visait à limiter le risque de double imposition.

L'année suivante, l'article 25 de la loi de finances pour 2002 assujettissait les seules entreprises pétrolières ayant dû acquitter la taxe exceptionnelle de 25 % en 2001 à une taxe complémentaire égale à 8,33 % de l'assiette de la taxe exceptionnelle, c'est à dire égale au tiers de la taxe exceptionnelle .

Ensuite, l'article 67 de la loi de finances rectificative pour 2007 (loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007) a instauré une taxe exceptionnelle de 25 % sur la provision pour hausse des prix au titre du premier exercice clos à compter du 31 décembre 2007.

Enfin, l'année suivante, l'article 18 de la loi de finances pour 2009 (loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008) a reconduit ce dispositif sur la PHP au titre du premier exercice clos à compter du 31 décembre 2008.

A chaque fois, ces mesures ont été présentées comme exceptionnelles. Le but qui leur était assignée était cependant différent :

- en loi de finances pour 2001 et 2002, il s'agissait de « limiter l'avantage » que les sociétés pétrolières avaient alors tiré de la PHP « dans des conditions exceptionnellement favorables » pour reprendre les termes de l'exposé des motifs du projet de loi de finances pour 2001 ;

- en 2007 et 2008, la contribution était censée apporter une ressource propre à financer le mécanisme de la « prime à la cuve » au travers d'un fonds dédié. Toutefois, du fait de l'imputation de la contribution sur l'IS au moment de la reprise de la PHP, il ne s'agissait pas d'un financement à proprement parler, mais bien davantage d'une « avance de trésorerie » à l'Etat par des sociétés présentées comme prospères.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le I du présent article propose de soumettre les entreprises dont l'objet est d'effectuer la première transformation du pétrole brut ou de distribuer les carburants issus de cette transformation, à une contribution exceptionnelle assise sur la fraction excédant 100 000 euros du montant de PHP et inscrite au bilan à la clôture de l'exercice ou à la clôture de l'exercice précédent si le montant correspondant est supérieur. L'abattement de 100 000 euros doit permettre d'exclure les petites entreprises indépendantes du champ de la contribution.

Le taux de la contribution serait fixé à 15 % .

Cette contribution serait acquittée dans les sept mois de la clôture de l'exercice. Elle serait liquidée, déclarée, recouvrée et contrôlée comme en matière de taxe sur le chiffre d'affaires et sous les mêmes garanties et sanctions.

Aux termes du II du présent article, ces dispositions s'appliqueraient au titre du premier exercice clos à compter du 31 décembre 2010.

Ce dispositif, là encore présenté comme exceptionnel et d'ailleurs non codifié pour ce motif, se distingue nettement des précédents en ce qu'aucun mécanisme de restitution ou d'imputation sur l'IS lors de la reprise de la PHP n'est prévu .

Le gain pour l'Etat aurait donc un caractère définitif . L'exposé des motifs de cet article souligne que cette contribution permettrait de financer le coût de la revalorisation de 4,6 % des barèmes kilométriques applicables, au titre de l'année 2010, aux salariés et à certains titulaires de bénéfices industriels et commerciaux et de bénéfices non commerciaux.

Ce gain s'élèverait, en net, à 115 millions d'euros :

- 120 millions d'euros en 2011 sur la contribution stricto sensu ;

- et une perte sur IS de 5 millions d'euros en 2012 du fait de cette contribution.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur général comprend les motivations du Gouvernement quand il a élaboré le présent article : il peut paraître logique de faire porter les conséquences pour l'Etat, en termes de rentrées d'IR, de l'augmentation des prix du pétrole, par les sociétés qui en bénéficient a priori et qui, en tout cas, sont autorisées à passer une PHP à ce titre.

Pour autant, il convient de souligner les limites du raisonnement poursuivi .

En effet, au vu des dynamiques fondamentales à l'oeuvre sur le marché du pétrole, il est très probable que les prix se maintiendront à un niveau élevé pendant de nombreuses années.

Il est donc peu probable que l'Etat soit en mesure de diminuer les barèmes kilométriques applicables aux salariés et à certains titulaires de bénéfices commerciaux et de bénéfices non commerciaux.

Dès lors, il peut paraître étrange de financer une « dépense » (ou une diminution de recettes) pérenne par une mesure de financement ponctuelle .

Il serait probablement préférable de faire un choix clair et de l'assumer :

- soit en considérant que l'évolution des prix des produits pétroliers fait partie des multiples aléas ayant un impact budgétaire et de ne pas en tirer de conséquence spécifique à l'égard des entreprises du secteur - ce que pourrait justifier le fait que ces entreprises ne sont que très peu productrices en France et que, dès lors, les structures françaises subissent, elles aussi, dans leurs comptes, l'impact de l'évolution des prix du brut ;

- soit en considérant une bonne fois pour toutes qu'il revient aux entreprises du secteur de financer ce coût pour les finances publiques, les principaux acteurs (à l'exception des « purs » distributeurs) étant des groupes intégrés tirant, par certaines de leurs filiales, bénéfice de l'augmentation des cours du pétrole.

C'est pourquoi, afin d'engager ce débat de fond devant le Parlement, votre rapporteur général propose un amendement tendant à proposer une nouvelle rédaction du présent article de sorte que serait purement et simplement supprimée la faculté des entreprises pétrolières de passer une PHP .

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 7 bis (nouveau) (Art. 302 bis KI du code général des impôts) - Abrogation de la taxe sur l'achat de services de publicité en ligne

Commentaire : le présent article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de plusieurs collègues députés, sur un avis de sagesse du Gouvernement, supprime la taxe sur l'achat de services de publicité en ligne.

I. LA TAXE SUR L'ACHAT DE SERVICES DE PUBLICITÉ EN LIGNE

A. L'ADOPTION EN LOI DE FINANCES POUR 2011 DE LA TAXE SUR LA PUBLICITÉ EN LIGNE

Adopté à l'initiative de votre commission des finances, l'article 27 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 créée un article 302 bis KI du code général des impôts. Celui-ci institue, à compter du 1 er juillet 2011, une taxe sur l'achat de services de publicité en ligne due par tout annonceur professionnel assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée et égale à 1 % du montant hors taxe de la prestation.

L'application de cet article, originellement fixée au 1 er janvier 2011, a été reportée au 1 er juillet 2011 à la demande du Gouvernement lors de la discussion des conclusions de la commission mixte paritaire « afin de laisser le temps de prévoir les modalités de l'instruction fiscale et de prendre les contacts nécessaires avec les professionnels » 170 ( * ) .

Article 302 bis KI du code général des impôts

I. Il est institué, à compter du 1 er juillet 2011, une taxe sur l'achat de services de publicité en ligne. Par services de publicité en ligne sont désignées les prestations de communication électronique autres que les services téléphoniques, de radiodiffusion et de télévision dont l'objet est de promouvoir l'image, les produits ou les services du preneur.

II. Cette taxe est due par tout preneur, assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée au sens de l'article 256 A et établi en France, de services de publicité en ligne et est assise sur le montant, hors taxe sur la valeur ajoutée, des sommes versées au titre des prestations mentionnées au I.

III. Le taux de la taxe est de 1 %.

IV. Cette taxe est liquidée et acquittée au titre de l'année civile précédente lors du dépôt de la déclaration, mentionnée au 1 de l'article 287, du mois de mars ou du premier trimestre de l'année civile.

V. La taxe est recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe.

Pour mémoire, il convient de rappeler que cette initiative de votre commission des finances s'inscrivait dans une démarche globale de réflexion sur la fiscalité du commerce électronique 171 ( * ) . Outre la création d'une taxe sur la publicité en ligne , un second amendement, visant à créer une taxe sur l'achat de services de commerce électronique (Tascoe) 172 ( * ) , également due par les professionnels, avait été retiré suite à l'engagement du Gouvernement d'engager une « réflexion globale » 173 ( * ) .

Hormis la création récente du conseil national du numérique (CNN), lors du conseil des ministres du 27 avril dernier, ce dossier n'a pas avancé depuis l'automne 2010.

B. UNE QUESTION DE PRINCIPE ET DE NEUTRALITÉ FISCALE

La création d'une taxe sur la publicité en ligne répond à une question d'équité dans un secteur d'activité où Internet est désormais le seul support à ne pas être fiscalisé. Ainsi, depuis 1982, ont été mises en place des taxes sur les recettes de publicité audiovisuelles (articles 302 bis KA à KD du Code général des impôts), sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (article 302 bis KH) et sur certaines dépenses de publicité (article 302 bis MA).

Les procédures de recouvrement sont variées et correspondent aux caractéristiques de chaque secteur :

- la taxe sur la publicité télévisée s'applique aux régies publicitaires sur les sommes versées par les annonceurs. Le produit de ce prélèvement s'élève à environ 70 millions d'euros ;

- la publicité réalisée au moyen d'imprimés et d'insertion dans les journaux gratuits fait l'objet d'une taxe de 1 % due directement par l'annonceur (le produit de cette taxe s'établit à 30 millions d'euros).

C. UN DISPOSITIF SIMPLE ET OPÉRATIONNEL DICTÉ PAR L'IMPOSSIBILITÉ DE TAXER LES BÉNÉFICES DES SOCIÉTÉS BASÉES À L'ÉTRANGER

En l'espèce, le mécanisme de taxation des annonceurs (le preneur ou acheteur de la prestation), plutôt que celle du vendeur, a été retenue car il s'agissait de la seule solution, compte tenu de la localisation hors de France des principaux vendeurs d'espace publicitaire en ligne, tels que Google.

Dans le souci de présenter un dispositif simple et opérationnel, le recouvrement de la taxe sur la publicité en ligne est aligné sur les mêmes procédures, éprouvées et contrôlables par l'administration fiscale, que la taxe sur la valeur ajoutée .

Auditionnée par votre commission des finances le 18 mai dernier 174 ( * ) , Mme Maxime Gauthier, chef du service de la gestion fiscale à la direction générale des finances publiques (DGFiP) a exposé, sous réserve des précisions qui seraient apportées par la rédaction d'une instruction fiscale, les modalités pratiques d'application de la taxe sur la publicité en ligne :

- la taxe est due par l'annonceur, c'est-à-dire par les entreprises françaises qui annoncent sur Internet , quel que soit le lieu où se situent le serveur et son gestionnaire et, a fortiori, les lecteurs ;

- les redevables sont les entreprises assujetties à la TVA et, parmi celles-ci, celles qui relèvent du régime normal de la déclaration « au réel ». Le seuil de chiffre d'affaires à partir duquel une entreprise serait redevable de la taxe est donc de 777 000 euros pour les activités de vente et revente et de 234 000 euros pour les prestations de services . En dessous de ces montants, les plus petites entreprises relèvent du régime simplifié de déclaration et ne sont donc pas concernées ;

- s'agissant d'un impôt autoliquidé, la déclaration se ferait sur une annexe de la déclaration de TVA, suivant une pratique familière des entreprises ;

- en prenant pour référence la date d'entrée en vigueur de la taxe au 1 er juillet de cette année, elle ne serait payée pour la première fois qu'en avril 2012 , sur le chiffre d'affaires des entreprises pour la période de juillet à décembre 2011.

L'application de ce dispositif ne présente donc pas de difficulté pratique. Toutefois, son champ d'application serait particulièrement restreint du fait de multiples possibilités de contournement :

- les petites entreprises ne sont pas concernées par le recouvrement de la taxe ;

-  la publicité peut être achetée par les filiales étrangères des sociétés françaises ou par les établissements situés hors de France des sociétés étrangères établies en France.

Au final, cette taxe, fiscalement indolore dans la plupart des cas, est avant tout symbolique.

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de nos collègues députés Laure de La Raudière, Olivier Carré, Louis Giscard d'Estaing, Patrice Martin-Lalande, Lionel Tardy, Philippe Vigier et Bernard Gérard, sur un avis de sagesse du Gouvernement , l'Assemblée nationale a adopté le présent article, qui abroge l'article 302 bis KI du code général des impôts et, par voie de conséquence, supprime la taxe sur l'achat de services de publicité en ligne .

Les auteurs de l'amendement ne remettent pas en cause l'objet de la taxe qui est de « permettre à l'État de percevoir des recettes sur la publicité sur Internet, au même titre que la publicité sur les supports traditionnels ».

En revanche, ils considèrent qu'il s'agit d'une « fausse bonne idée » et d'un « mauvais signal » donné aux acteurs du numérique alors que ce secteur est en forte croissance. Ils invoquent principalement des arguments économique et fiscal en déclarant que : « bon nombre de preneurs exerceront l'acte d'achat de services de publicité en ligne depuis l'étranger, afin de ne pas avoir à payer cette taxe. Cette délocalisation d'achat/vente entraînera inévitablement la perte de la perception de la TVA pour l'État français, et donc la perte de recettes plus importantes que ce que va rapporter la taxe sur la publicité en ligne ».

Auparavant, la commission des finances avait examiné « avec beaucoup d'intérêt » cet amendement de suppression de la taxe, mais s'était finalement ralliée, à l'initiative de notre collègue Gilles Carrez, rapporteur général, à un amendement de repli, qui n'a donc pas été adopté, tendant à reporter d'un an, soit au 1 er juillet 2012, l'application de la taxe sur la publicité en ligne.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. UNE TAXE QUI MET EN LUMIÈRE L'INADAPTATION DES LÉGISLATIONS NATIONALES FACE À LA GLOBALISATION DU COMMERCE ÉLECTRONIQUE...

Votre rapporteur général rappelle que la taxe sur la publicité en ligne - improprement appelée « Taxe Google » puisque, précisément, Google n'y est pas assujettie - a été conçue de façon à mettre en lumière l'inadaptation des législations fiscales nationales à la globalisation du commerce électronique. L'objectif est manifestement atteint.

Ce sujet n'est pas réservé à la France. Deux sujets illustrent les difficultés qu'éprouvent les Etats, dans leur ensemble, à appliquer et percevoir les taxes applicables aux ventes dématérialisées sur Internet :

- en Europe , l'enjeu principal concerne la fuite des recettes fiscales liées à l'impôt sur les sociétés. De ce point de vue, les règles internationales existantes ne permettent pas de rattacher de manière satisfaisante les revenus liés à un chiffre d'affaires réalisé en France. Les évolutions apportées par le projet de directive relatif à la une assiette commune consolidée à l'impôt sur les sociétés (ACCIS) ne semble pas apporter de réponse décisive sur la question de la fixation des prix de transfert et de valorisation des échanges immatériels ;

- aux Etats-Unis , la société Amazon est en conflit avec plusieurs Etats concernant le non recouvrement de la sales tax et son absence de reversement aux administrations fiscales compétentes. Il s'agit d'une taxe sur la vente appliquée dans la plupart des Etats américains et au Canada. Cet impôt indirect est prélevé au point d'achat et reversé à l'Etat par le commerçant. Il s'agit d'un droit acquitté uniquement par le consommateur final. Or, l'application d'une telle taxe sur les ventes à distance pose des problèmes de recouvrement, donc de pertes de recettes fiscales.

Les entreprises globales, pour leur part, jouent des combinaisons possibles entre législations nationales pour minimiser leur charge fiscale, comme en témoignent les montages dits du Double Irish et du Dutch Sandwich 175 ( * ) . Il s'agit d'un procédé d'optimisation fiscale qui combine le droit de la propriété intellectuelle et la fiscalité. Il est donc principalement utilisé par des entreprises détenant des brevets dans le domaine pharmaceutique ou les nouvelles technologies.

La rapidité et la puissance avec laquelle se créent les nouveaux modes de création de valeur du fait de la dématérialisation des échanges constituent dorénavant les principales difficultés en matière de taxation du commerce électronique : il s'agit d'une zone à risque d'évasion fiscale. Il y a donc urgence à accélérer la réflexion au niveau européen et international pour que l'architecture de nos prélèvements obligatoires soit la plus conforme à nos intérêts, dans une économie globalisée.

B. ... ET QUI A LE MÉRITE D'OUVRIR LE DÉBAT DE LA FISCALITÉ DES ÉCHANGES IMMATÉRIELS EN LIGNE

La position de nos collègues députés n'est pas si éloignée de celle de votre rapporteur général, qui ne disconvient pas du fait que la taxe sur la publicité en ligne n'atteint pas sa cible principale, c'est-à-dire les grands groupes internationaux qui tirent leurs revenus des consommateurs des pays les plus peuplés mais localisent leurs bénéfices dans les Etats à fiscalité réduite .

Mais l'Assemblée nationale peut avoir raison sur le plan technique - votre rapporteur général n'a pas manqué de soulever le même argument - et tort sur le plan politique et fiscal. Les motifs invoqués du risque de délocalisation et de perte de recettes de TVA relèvent d'un raisonnement à court terme. Car la suppression du principe même de taxe sur la publicité en ligne porte le risque de refermer le débat sur la fiscalité de l'Internet et de donner le sentiment, peut-être à juste titre, que les lobbies ont gagné la partie.

Or, il est de l'intérêt de tous les acteurs, y compris les professionnels du net, de s'interroger sur la préservation de l'équilibre des finances publiques et de l' équité des règles de taxation des flux de création de richesse , notamment dans le commerce électronique. En effet, ce domaine emporte tout particulièrement le risque de concurrence déloyale entre des acteurs internationaux qui érigent l'optimisation fiscale en modèle économique et des acteurs nationaux dont l'intérêt commercial est de stimuler leur marché local et d'adopter un comportement de civisme fiscal. Il s'agit d'un enjeu central pour les décennies à venir.

Au final, si cette taxe n'avait qu'un seul mérite, ce serait celui d'avoir été votée en loi de finances pour 2011 . C'est à partir de ce fait générateur que le débat sur la fiscalité de l'Internet s'est véritablement installé. C'est également sur ce fondement que le Gouvernement s'était engagé à créer un groupe de travail pour étudier l'application de la taxe sur la publicité en ligne, mais aussi la question plus large de la taxe sur le commerce électronique . Cette tâche reste à accomplir.

C'est pourquoi, il vous est proposé de rétablir la taxation de la publicité en ligne afin de laisser le débat ouvert et maintenir un aiguillon sur la réflexion à venir. Il convient de rappeler que le paiement de la taxe n'interviendrait pas avant le mois d'avril 2012 . Il sera donc toujours temps d'examiner ultérieurement un nouveau report de son application 176 ( * ) , voire son remplacement par une disposition plus adaptée qui résultera des travaux du Gouvernement, des parlementaires et des acteurs de l'Internet, notamment le conseil national du numérique. Votre rapporteur général a récemment reçu le président de ce dernier, qui a reconnu le bien-fondé de la démarche initiée, et qui a formulé l'idée d'y substituer une taxation sur les flux d'information qui empruntent les principales infrastructures de réseaux . Il vous est suggéré d'approfondir cette piste d'ici à la loi de finances pour 2012, ce qui pourrait permettre de remplacer un dispositif par un autre avant tout paiement effectif par les acheteurs de publicité en ligne.

Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.

ARTICLE 7 ter (nouveau) (Art. 131 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011) - Modifications de l'entrée en vigueur du crédit d'impôt en faveur de l'intéressement

Commentaire : le présent article, adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, a pour objet de modifier les règles d'entrée en vigueur du crédit d'impôt en faveur de l'intéressement tel qu'il résulte de la loi de finances pour 2011.

L'article 131 de la loi de finances pour 2011 a procédé au « recentrage » du crédit d'impôt en faveur de l'intéressement : en contrepartie d'un relèvement de son taux de 20 % à 30 %, il est désormais réservé aux entreprises de moins de cinquante salariés .

Tout d'abord, le présent article vient préciser que les primes d'intéressement versées en 2011 au titre de l'exercice 2010 (ou d'exercices antérieurs) bénéficient du régime de crédit d'impôt en vigueur avant le vote de la loi de finances pour 2011 et ce pour toutes les entreprises (A du nouveau II de l'article 131 précité).

Ensuite, le Gouvernement entend limiter la rétroactivité du nouveau régime sur les accords d'intéressement en cours au moment du vote de la loi de finances pour 2011 et signés sous l'empire de l'ancien régime de crédit d'impôt.

Ainsi, pour les seules PME , définies par référence à un seuil de moins de 250 salariés, le présent article prévoit que le crédit d'impôt modifié ne sera applicable qu'aux primes résultant d'accords conclus ou renouvelés après le 1 er janvier 2011 (1° du B du nouveau II de l'article 131 précité).

Ce régime de faveur est toutefois tempéré par l'obligation de respecter le règlement européen de minimis : le crédit d'impôt est ainsi plafonné, par entreprise, à 200 000 euros sur trois exercices fiscaux consécutifs (2° du B).

Le présent article est motivé par des raisons de sécurité juridique . Il induit un coût budgétaire de 40 millions d'euros pour l'année 2011 mais sera dégressif jusqu'au moment où tous les accords d'intéressement en cours, signés par les PME, prendront fin.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

II. - RESSOURCES AFFECTÉES

ARTICLE 8 (nouveau) (Art. 224, 230 H et 1647 du code général des impôts, art. L. 6241-10, L. 6241-11, L. 6241-3, L. 6241-8 et L. 6241-9 du code du travail et art. 34 de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale) - Instauration d'un « bonus-malus » sur la taxe d'apprentissage et création du compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage »

Commentaire : le présent article a pour objet de renforcer l'apprentissage à travers la mise en place d'un dispositif incitatif de « bonus-malus » sur la taxe d'apprentissage et la création d'une mission budgétaire destinée à présenter une vision consolidée des moyens mis en oeuvre par l'Etat. A cette fin, il prévoit que :

- le seuil minimal de salariés en alternance en deçà duquel la contribution supplémentaire de taxe d'apprentissage est due par l'entreprise est porté de 3 % à 4 % de l'effectif annuel moyen de l'entreprise ;

- la contribution supplémentaire est calculée selon un barème dégressif, en fonction de l'écart par rapport au nouveau seuil (0,2 % si la proportion d'apprentis dans les effectifs de l'entreprise est inférieure à 1 % ou 0,3 % si l'entreprise compte plus de 2 000 salariés ; 0,1 % si la proportion est comprise entre 1 % et 3 % et 0,05 % si elle est comprise entre 3 % et 4 %) ;

- le Fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage, créé par la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005, est remplacé par un compte d'affectation spéciale (CAS) « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage » (le CAS « FNDMA »).

I. LE DROIT EXISTANT

A. LA CONTRIBUTION SUPPLÉMENTAIRE À L'APPRENTISSAGE (CSA)

1. La taxe d'apprentissage

La taxe d'apprentissage, dont le taux est fixé à 0,5 % de la masse salariale par l'article 230 H du code général des impôts, soit un produit annuel s'élevant en moyenne à 2 milliards d'euros, est divisée en deux fractions. L'une, appelée « quota », représente 52 % de la taxe. Elle est réservée au développement de l'apprentissage. L'autre, communément appelée « barème », est affectée par l'entreprise redevable à des formations technologiques et professionnelles de son choix.

Le quota est lui-même ventilé en deux parties : 22 % du montant brut du produit de la taxe d'apprentissage sont destinés au Fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage (FNDMA) et 30 % sont reversés par les entreprises aux centres de formation d'apprentis (CFA) et aux sections d'apprentissage (SA) des lycées professionnels.

Ainsi, en application de ces fléchages multiples, sur un montant total de 1 959 millions d'euros de taxe d'apprentissage recouvrés en 2009 par les organismes collecteurs de taxe d'apprentissage (OCTA), 436,5 millions d'euros on été reversés au FNDMA . Ses ressources sont gérées, en compte de tiers, par le Trésor public.

2. Le principe de la surtaxation des entreprises qui ne remplissent pas l'objectif national d'emploi de salariés en alternance

La contribution supplémentaire à l'apprentissage (CSA) est versée par les entreprises de 250 salariés et plus dont l'effectif annuel moyen de jeunes en formation en alternance n'atteint pas un seuil fixé à 3 % de leur effectif global. En application de l'article 230 H du code général des impôts, la CSA constitue une majoration de 0,1 % de la masse salariale brute. Son produit annuel s'élève à près de 70 millions d'euros.

En application de la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, cette contribution supplémentaire est affectée au Fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage (FNDMA).

B. LE FONDS NATIONAL DE DÉVELOPPEMENT ET DE MODERNISATION DE L'APPRENTISSAGE (FNDMA)

Le FNDMA, créé en 2005 dans le cadre du plan de cohésion sociale précité, a pour mission d'assurer la péréquation interrégionale entre les centres de formation d'apprentis (CFA) et le financement des contrats d'objectifs et de moyens (COM) avec les régions visant au développement de l'apprentissage.

Les ressources du fonds sont réparties entre ses deux sections par arrêté conjoint du ministre en charge du budget et du ministre en charge de la formation professionnelle. Depuis 2006, la part des ressources du FNDMA affectée à sa première section est fixée à 42 % et la part affectée à sa seconde section à 58 %.

1. La mission de péréquation

La première section du FNDMA assure une péréquation du produit de la taxe d'apprentissage entre les conseils régionaux, en fonction de leur niveau de ressources et du nombre d'apprentis sur leur territoire.

Le produit de cette section s'élève à environ 195 millions d'euros. Il compense les disparités de taxes d'apprentissage perçues par les CFA de chaque région.

2. La mission de développement de l'apprentissage

La seconde section finance essentiellement la participation de l'État aux COM en faveur du développement de l'apprentissage, conclus avec les régions auxquels peuvent s'adjoindre les chambres consulaires ainsi que les organisations représentatives d'employeurs et de salariés.

Le développement des COM s'est appuyé sur le levier financier constitué par cette deuxième section du fonds. Cette logique de cofinancement Etat-Régions a permis un développement soutenu de l'apprentissage depuis 2005, celui-ci ayant durablement franchi le seuil des 400 000 contrats, ainsi que l'illustre le tableau ci-dessous.

Comptabilisation du nombre d'apprentis en décembre de chaque année pour la France métropolitaine

(en milliers)

Année

Nombre d'apprentis

2000

358,9

2001

356,3

2002

357,0

2003

355,6

2004

362,0

2005

377,7

2006

400,7

2007

417,6

2008

420,5

2009

417,5

2010

414,5

Source : DARES - France métropolitaine

En revanche, l'objectif de 500 000 apprentis n'a pas été atteint et la progression de leur nombre semble plafonner depuis 2008 en dépit de l'augmentation des ressources destinées au développement de l'apprentissage. Ainsi, la seconde section du FNDMA a recueilli près de 315 millions d'euros en 2009, poursuivant la montée en puissance des COM (117 millions d'euros en 2005, 197 millions d'euros en 2006, 245 millions d'euros en 2007 et 259,7 millions d'euros en 2008) 177 ( * ) . Après cinq années de mise en oeuvre, le dispositif issu du plan de cohésion social a rempli en partie ses objectifs mais semble donc être arrivé « en bout de course ».

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

L'objectif annoncé par le Président de la République dans son discours du 1 er mars 2011 à Bobigny est d'atteindre, d'ici 2015, 800 000 contrats en alternance dont 600 000 apprentis . Compte tenu d'une telle ambition, le présent projet de loi de finances rectificative réforme le dispositif actuel, jugé insuffisamment incitatif.

Les III, IV et VI du présent article procèdent à une refonte profonde du dispositif d'incitation à l'embauche des apprentis, en combinant le relèvement du seuil d'assujettissement des entreprises à la CSA , une modulation du taux de surtaxe , dit « malus », et la création d'un « bonus » consistant dans le versement, part l'Etat, d'une prime aux entreprises qui respectent les quotas.

Ce volet fiscal est complété par une modification de l'architecture des missions budgétaires : la création d'un nouveau compte d'affectation spéciale intitulé « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage », qui se substituerait au FNDMA (I, II et V du présent article).

A. LE VOLET FISCAL : LA REFONTE DU DISPOSITIF D'INCITATION À L'EMBAUCHE DES APPRENTIS

1. Une augmentation du seuil minimal de salariés en alternance

Le II du présent article modifie l'article 230 H du code général des impôts qui prévoit que les entreprises d'au moins 250 salariés, qui comptent dans leur effectif salarié total moins de 3 % de salariés en alternance, en volontariat international ou bénéficiant d'une convention industrielle de formation par la recherche, sont assujetties à une contribution supplémentaire à l'apprentissage équivalent à 0,1 % de leur masse salariale annuelle brute.

Le dispositif proposé prévoit que le seuil minimal de salariés en alternance en deçà duquel la contribution supplémentaire de taxe d'apprentissage est due par l'entreprise est porté de 3 % à 4 % de l'effectif annuel moyen de l'entreprise .

D'ores et déjà, plus de 80 % des entreprises de 250 salariés et plus ne respectent pas le quota de 3 % de salariés en alternance et sont assujetties à la CSA. L'augmentation de ce seuil renforce les obligations des entreprises, l'objectif étant que le passage de 4 % permette l'embauche de 135 000 jeunes en alternance supplémentaires.

2. La mise en place d'un malus dégressif au moyen d'une modulation de la surtaxe d'apprentissage

L'aspect répressif du dispositif repose sur un « malus » revu à la hausse mais tempéré par un barème dégressif . Ainsi, le taux de la contribution au développement de l'apprentissage sera calculé selon un barème dégressif, en fonction de l'écart constaté par rapport au nouveau seuil et donc de l'effort de l'entreprise en faveur de l'alternance :

- 0,2 % pour les entreprises employant moins de 1 % d'apprentis (ce taux est porté à 0,3 % pour les entreprises de 2 000 salariés et plus)

- 0,1 % si le taux est compris entre 1 % et 3 %;

- et 0,05 % si le taux est compris entre 3 % et 4 %.

Calculé sur la même assiette que la taxe d'apprentissage, mais pour les seules entreprises employant 250 salariés et plus, le produit de la CSA, ou « malus », dont le montant est estimé à 67 millions d'euros pour 2011, devrait augmenter de 5 à 10 millions d'euros dès 2012 compte tenu de la nouvelle modulation de son taux prévue par le présent article.

3. L'attribution d'un bonus aux entreprises les plus performantes dans l'alternance

Enfin, le I du présent article prévoit que les entreprises qui dépasseront le nouveau quota de 4 % d'apprentis dans l'ensemble des effectifs, bénéficieront d'un « bonus » dont les modalités seront fixées par décret.

Même si elle demeure limitée par le montant de la dotation affectée à cet usage (5 millions d'euros), cette disposition constitue l'une des innovations notables du dispositif puisque celui-ci ne repose plus seulement sur la répression - le « malus » - mais aussi sur une incitation financière pour les entreprises les plus performantes dans le secteur de l'alternance 178 ( * ) .

B. LA MODIFICATION DE L'ARCHITECTURE BUDGÉTAIRE : LA CRÉATION D'UN NOUVEAU COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE

1. La suppression du FNDMA et la reprise de ses missions par un compte d'affectation spéciale

Le IV du présent article abroge l'article 34 de la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale. Le I remplace le FNDMA par un nouveau compte d'affectation spéciale intitulé « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage » (CAS FNDMA). Conformément à l'article 21 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), ce CAS constitue une mission budgétaire.

Le compte spécial reprend un sigle identique au fonds qu'il remplace et comporte deux programmes qui reprennent les attributions des sections de péréquation et d'intervention de l'Etat en faveur de l'apprentissage . En outre, cette adaptation des modes de gestion existants du fonds s'accompagne de la création d'un troisième programme, plus innovant, qui vise à mettre en oeuvre le volet incitatif de la réforme, c'est-à-dire la distribution d'un bonus aux entreprises respectant les quotas en alternance .

Le tableau ci-dessous retrace les prévisions de recettes et de dépenses pour 2011 du CAS FNDMA.

Les recettes et les dépenses pour l'année 2011 du compte spécial « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage »

(en millions d'euros)

Recettes 2011

Dépenses 2011

- part du quota versé au FNDMA

478

- « malus » (contribution supplémentaire pour l'apprentissage)

67

- solde du FNDMA à la création du CAS FNDMA

> ou = 56

Total des trois programmes du CAS FNDMA :

601

601

- dont le programme « Péréquation entre régions des ressources de la taxe d'apprentissage »

200

- dont le programme « Contractualisation pour le développement et la modernisation de l'apprentissage »

386

- dont le programme « Incitations financières en direction des entreprises respectant les quotas en alternance » 179 ( * )

15

Sources : réponses au questionnaire budgétaire

Au chapitre des recettes du CAS FNDMA , le produit de la part de la taxe d'apprentissage dévolue au FNDMA est de 478 millions d'euros en 2011, auquel s'ajouterait le produit du « malus » dont le montant est estimé à 67 millions d'euros. Son rendement devrait augmenter de 5 à 10 millions d'euros à partir 2012 en raison de l'augmentation du taux de surtaxation, prévue par le présent article, pour les entreprises qui emploieront moins de 1 % d'apprentis. En outre, il est prévu que le solde du FNDMA, tel que constaté à la date de la création du compte d'affectation spéciale, soit porté en recettes de ce même compte, soit un montant minimum de 56 millions d'euros 180 ( * ) compte tenu du niveau des dépenses inscrites au CAS FNDMA dont le montant est fixé à 601 millions d'euros.

Aussi, dans la mesure où les recettes fiscales n'abonderont le nouveau compte spécial qu'en novembre ou décembre 2011 et que, d'en l'intervalle, celui-ci devra respecter le rythme des décaissements déjà engagés au titre du FNDMA qu'il remplace, le II du présent article prévoit une autorisation de découvert, de 320 millions d'euros durant les trois mois suivant la création du CAS . Conformément aux dispositions de l'article 21 de la LOLF, cette faculté est destinée à pallier d'éventuelles difficultés de trésorerie de courte durée liées à la mise en place du nouveau circuit budgétaire et comptable et à éviter toute rupture de paiement lors de cette transition 181 ( * ) .

Le montant de ce découvert, qui représente plus de 50 % des dépenses du compte spécial, est justifié par le lancement à partir de la fin juin de la phase de conclusion de la nouvelle génération de contrats d'objectifs et de moyens Etat - régions pour la période 2011-2015 . Les versements aux régions correspondant à la participation de l'Etat en faveur de l'apprentissage interviendront donc dans la foulée de la promulgation du présent texte, au titre du nouveau programme budgétaire « Contractualisation pour le développement et la modernisation de l'apprentissage » 182 ( * ) . En tout état de cause, à la demande de votre rapporteur général, la direction du budget a indiqué que cette « facilité de trésorerie », provisoire et conforme à la LOLF, ne remettrait aucunement en cause l'équilibre comptable du CAS en fin de gestion .

2. Une plus grande lisibilité des moyens consacrés au développement de l'apprentissage

En application de l'article 21 de la LOLF, un compte d'affectation spéciale retrace « des opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées » : il s'agit donc de mieux identifier les recettes et les dépenses afférentes à une politique publique. Au même titre qu'une mission budgétaire, cet outil présente l'avantage de fournir une vision consolidée des moyens mis en oeuvre par l'Etat en faveur de l'apprentissage .

Jusqu'à présent, les fonds versés aux régions par le FNDMA au titre des COM n'apparaissaient pas dans le budget de l'Etat, alors même qu'il s'agissait de dotations attribuées aux régions selon des critères et des objectifs définis par l'Etat 183 ( * ) .

*

* *

Au bénéfice de l'adoption de sept amendements purement rédactionnels présentés par notre collègue Gilles Carrez, rapporteur général, l'Assemblée nationale n'a apporté aucune modification de fond au présent article.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. UNE RÉFORME CONFORME AUX PRÉCONISATIONS DE VOTRE COMMISSION

La « budgétisation » de fonds actuellement gérés en tant que compte de tiers par le Trésor public, au sein d'un nouveau compte d'affectation spéciale, constitue un progrès en matière de sincérité budgétaire dont il convient de se féliciter. Il permettra ainsi de compléter l'information du Parlement lors de l'examen des prochains projets de loi de finances, en complément du vote des crédits de la mission « Travail et emploi ».

Outre la forme nouvelle donnée au financement du développement et de la modernisation de l'apprentissage, votre rapporteur général rappelle que la commission des finances avait adopté, à l'initiative de notre collègue Serge Dassault , rapporteur spécial des crédits de la mission « Travail et emploi », un amendement au projet de loi de finances pour 2010 tendant à augmenter de 3 % à 4 % la proportion d'apprentis dans les effectifs et à abaisser à 50 salariés au lieu de 250 salariés et plus, le seuil à partir duquel les entreprises sont soumises à la surtaxe d'apprentissage de 0,1 % si elles ne respectent pas cette obligation .

Il s'agissait d'inciter l'ensemble des entreprises à accueillir des apprentis dans toutes les filières et tous les niveaux de formation. Cette mesure présentait un double avantage :

- augmenter le rendement de la surtaxe d'apprentissage au bénéfice du Fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage ;

- étendre aux entreprises, à partir de cinquante salariés, l'incitation à embaucher des jeunes en alternance 184 ( * ) .

Cet « amendement d'appel » avait été retiré au bénéfice de l'engagement du Gouvernement d'étudier ces propositions au sein des ateliers de l'apprentissage et de l'alternance 185 ( * ) .

Conformément à cette orientation, le présent article propose d'augmenter la proportion d'apprentis à 4 % des effectifs pour les entreprises de 250 salariés et plus, car ce sont précisément celles dont les effectifs en alternance sont les plus faibles (1,7 %) 186 ( * ) . Le dispositif proposé montre que l' appel du Sénat a été entendu par le Gouvernement .

B. UNE RÉFORME AMBITIEUSE : 600 000 APPRENTIS EN 2015

Votre commission des finances ne peut qu'être favorable à l'adoption du présent article. Toutefois, elle remarque que l'objectif d'atteindre 600 000 apprentis en 2015 représente une augmentation de près de 50 % par rapport au « stock » actuel. Aussi, il appartiendra au responsable du programme « Contractualisation pour le développement et la modernisation de l'apprentissage » 187 ( * ) de réformer en profondeur la gestion des contrats d'objectifs et de moyens Etat - régions .

Dès 2009, un rapport de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) avait mis en évidence une faiblesse de l'effet de levier du FNDMA et la diminution de la contribution financière propre des régions aux COM 188 ( * ) .

En effet, le succès de la réforme du financement de l'apprentissage nécessite que, sous l'impulsion de l'Etat, les régions participent activement au cofinancement et partagent des objectifs communs. Dans cette perspective, une réflexion sur ces objectifs devra précéder la conclusion de la nouvelle génération de COM qui portera sur la période 2011-2015 .

A cet égard, les recommandations de l'IGAS méritent d'être rappelées :

- les objectifs associés aux COM doivent être des objectifs quantitatifs , les seuls dont la réalisation peut vraiment être objectivée et répondre à l'ambition de la présente réforme ;

- des priorités dans le contenu de ces objectifs doivent être envisagées, telles que la formation des jeunes non qualifiés 189 ( * ) , la féminisation de l'apprentissage , et le développement de l'apprentissage dans le secteur public et les grandes entreprises ;

- le suivi physique et financier des contrats doit être renforcé ;

- dans la mesure où l'Etat a souhaité définir les priorités nationales pour le développement de l'apprentissage, il peut être suggéré de remplacer la logique du dispositif actuel où les dotations sont ventilées entre les régions, par une répartition des crédits entre un petit nombre de priorités nationales et de lancer un appel à projets auprès des régions pour chacune d'entre elles.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 8 bis (nouveau) (Art. 49 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006) - Financement du déploiement des nouveaux radars dits « pédagogiques »

Commentaire : le présent article, adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, propose de modifier les règles d'affectation du produit des amendes forfaitaires des radars pour 2011, en vue de financer le déploiement des « radars pédagogiques » à hauteur de 8 millions d'euros.

I. LE FINANCEMENT DES RADARS

L'exploitation, l'entretien et la maintenance des appareils existants de contrôle automatisé des infractions au code de la route et le déploiement des nouveaux matériels sont financés par le programme 751 « Radars » de la mission constituée sous la forme du compte d'affectation spéciale (CAS) « Contrôle de la circulation et du stationnement routier » , originellement créé par l'article 49 de la loi de finances pour 2006 190 ( * ) .

Jusqu'au 31 décembre 2010, ce compte était dénommé « Contrôle et sanction automatisés des infractions au code de la route » et alimenté par une fraction du produit des amendes forfaitaires des radars, plafonnée en 2010 à 212,05 millions d'euros (sur un total perçu de 468,4 millions d'euros 191 ( * ) ). Le solde de ce produit revenait à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), après prélèvement de 100 millions d'euros au profit des collectivités territoriales et de 30 millions d'euros 192 ( * ) pour les départements, la collectivité territoriale de Corse et les régions d'outre-mer.

Cette organisation s'est cependant révélée insatisfaisante car elle induisait des difficultés de pilotage budgétaire pour le ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement (MEDDTL) et participait d'une faible lisibilité de la politique publique de sanction des infractions au code de la route.

En particulier, l'affectation comme la gestion du produit global des amendes forfaitaires et majorées de la police de la circulation et du stationnement (quel que soit le mode de détection des infractions), évalué en 2010 à 1,48 milliard d'euros, étaient jusqu'en 2011 particulièrement complexes et fragmentées . Cette situation était liée à la diversité des bénéficiaires de ce produit 193 ( * ) , à des circuits budgétaires et comptables différenciés selon le caractère automatisé ou non des amendes et selon leur mode de recouvrement forfaitaire ou « forfaitaire majoré » 194 ( * ) , à l'opacité de l'évaluation et de la restitution des recettes, et à l'instabilité temporelle de la répartition du produit global, qui a évolué à plusieurs reprises au cours des dernières années.

Le compte a donc été modernisé par l'article 62 de la loi de finances pour 2011, qui a très sensiblement élargi son périmètre , sans pour autant modifier les règles d'affectation des amendes forfaitaires des radars aux différentes catégories de bénéficiaires. Il comprend désormais :

- en dépenses , cinq programmes structurés en deux sections couvrant, d'une part, le périmètre de l'ancien CAS (programmes 751 et 752), et d'autre part, le déploiement du procès-verbal électronique, ainsi que des contributions à l'équipement des collectivités territoriales et au désendettement de l'Etat. Au total, les crédits du CAS en loi de finances initiale sont passés de 212,05 millions d'euros en 2010 à 1 291,1 millions d'euros en 2011 ;

- en recettes , l'ensemble des amendes forfaitaires et majorées des infractions au code de la route et de la police de la circulation et du stationnement, à l'exception d'une fraction de 35 millions d'euros revenant à l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances. Le produit des amendes forfaitaires des radars est désormais affecté au CAS dans la limite de 332 millions d'euros , le solde étant versé à l'AFITF. Ce produit est affecté successivement à hauteur de 172 millions d'euros à la première section « Contrôle automatisé », puis à hauteur de 160 millions d'euros à la deuxième section « Circulation et stationnement routiers ».

L'estimation du produit des amendes des radars perçu en 2011 est de 579 millions d'euros , dont 457 millions d'euros pour la fraction relative aux amendes forfaitaires.

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article, adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, avec l'avis favorable de la commission des finances, propose de modifier, dans l'article 49 de la loi de finances pour 2006, précité, les règles d'affectation du produit des amendes forfaitaires des radars pour la seule année 2011, en vue de financer le déploiement des « radars pédagogiques » à hauteur de 8 millions d'euros . Il traduit également la nouvelle organisation gouvernementale sur la conduite de la politique de sécurité routière.

A. LA DÉGRADATION DE LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE ET LE DÉPLOIEMENT DE NOUVEAUX RADARS « PÉDAGOGIQUES »

Après avoir de nouveau connu une forte amélioration en 2010 195 ( * ) , la sécurité routière s'est sensiblement dégradée au début de 2011. Le nombre de décès de janvier à avril a ainsi augmenté de 12,8 % (dont + 20 % au mois d'avril) par rapport à la même période de 2010, et celui des accidents corporels de 0,6 %. Ce constat alarmant a motivé une réunion d'urgence du Comité interministériel de la sécurité routière (CISR) le 11 mai dernier, qui a décidé un renforcement des sanctions et des mesures de dissuasion des excès de vitesse.

Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, a ainsi annoncé le 22 mai 2011 le déploiement d'environ 2 200 « radars pédagogiques » en 2011 196 ( * ) . Ces radars à vocation préventive informent les automobilistes, sans être assortis de sanction , et sont placés « notamment dans les zones dangereuses, y compris sur des itinéraires dans lesquels des radars existent » (mais à une distance aléatoire). Ils signalent les vitesses excessives, en précisant le cas échéant le numéro d'immatriculation du véhicule, et rappellent les limitations en vigueur.

Ces nouveaux radars ne se substituent pas pour autant aux panneaux signalant la présence de radars « classiques » (donnant lieu à amendes), dont le démantèlement progressif a par ailleurs été décidé.

B. LA TRADUCTION BUDGÉTAIRE

Afin de financer le déploiement des radars pédagogiques, le I du présent article propose d'augmenter de 8 millions d'euros la fraction du produit des amendes forfaitaires des radars affectée à la première section du CAS, relative au contrôle automatisé. L'affectation de ce produit passe ainsi de 172 à 180 millions d'euros. Cette affectation n'est prévue que pour 2011 , par dérogation à la répartition fixée par le II de l'article 49 de la loi de finances pour 2006, modifié par l'article 62 de la loi de finances pour 2011.

Par coordination, le 1° du II précise le périmètre des dépenses financées par la première section du CAS 197 ( * ) en l'élargissant aux « dispositifs de prévention de sécurité routière », afin de mettre à la charge du compte le déploiement des radars pédagogiques, en sus des radars automatiques.

Le 2° du II traduit la nouvelle organisation gouvernementale en prévoyant que l'ordonnateur des dépenses relatives à l'ensemble des radars (financées par le programme 751) soit, à compter du 1 er janvier 2012, le ministre chargé de la sécurité routière, c'est-à-dire le ministre de l'intérieur , et non plus celui chargé des transports. Aux termes du III , cette mesure entrera en vigueur le 1 er janvier 2012.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Dans leur principe, les nouveaux radars « pédagogiques » , qui ont déjà été utilisés dans le passé, permettent de renforcer les dimensions informative et préventive de la sécurité routière.

Les 2 200 radars devant être déployés en 2011 seront logiquement financés par le CAS « Contrôle de la circulation et du stationnement routier », qui dans son périmètre élargi recueille désormais l'essentiel du produit des amendes « radars » et « hors radars » et finance une gamme étendue de dépenses liées à la sécurité routière : l'exploitation, l'entretien et l'installation des radars, le fonctionnement du permis à points, le déploiement du procès-verbal électronique et la contribution de l'Etat à l'équipement des collectivités territoriales pour l'amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières 198 ( * ) .

Le financement de 8 millions d'euros ainsi proposé ne se fera pas au détriment du budget de l'AFITF , bénéficiaire du solde du produit des amendes forfaitaires des radars, puisqu'il représente la moitié du surplus de ces recettes encaissé depuis le début de l'année (par rapport à la période équivalente de 2010), soit 16 millions d'euros.

En revanche, le niveau du coût unitaire de déploiement de ces nouveaux radars s'établirait à un niveau apparemment faible , de 3 636 euros, à supposer que le financement ne provienne que de la fraction supplémentaire de 8 millions d'euros. A titre de comparaison, le coût unitaire d'installation d'un radar fixe était de 89 100 euros en 2010.

Enfin, l'attribution d'un nouvel ordonnateur au programme 751 traduit la « montée en puissance » du ministère de l'intérieur dans la politique de sécurité routière, auquel est désormais rattachée la Délégation à la sécurité et à la circulation routières (DSCR). Il en résultera en 2012 une utile simplification du pilotage du CAS , actuellement assuré par trois ministères 199 ( * ) . Le maintien dans le dispositif du ministère en charge des transports paraît désormais moins justifié, et il sera donc nécessaire de placer, à compter de 2012, le programme 751 sous la responsabilité budgétaire du ministère de l'intérieur.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

ARTICLE 8 ter (nouveau) - Ratification de la redevance pour les prestations fournies par le greffe du tribunal de commerce de Nouméa

Commentaire : le présent article, adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, vise à ratifier le décret n° 2011-579 du 25 mai 2011 instituant une redevance pour les prestations fournies par le greffe du tribunal mixte de commerce de Nouméa.

I. LE DROIT EXISTANT

Jusqu'à l'entrée en vigueur du décret n° 2011-579 du 25 mai 2011 instituant une redevance pour les prestations fournies par le greffe du tribunal mixte de commerce de Nouméa, il résultait de la combinaison des articles R 930-1, R 732-6 et 743-140 du code de commerce que le principe des émoluments dus aux greffiers des tribunaux de commerce était applicable de manière générale en outre-mer, sauf en Nouvelle-Calédonie .

Or, la tenue du registre du commerce et des sociétés par le greffe du tribunal mixte de commerce de Nouméa est sujette depuis plusieurs années à des dysfonctionnements graves , soulignés par l'inspection générale des services judiciaires (IGSJ) et par les chefs de cour. Dans son rapport du 30 mars 2008, l'IGSJ a ainsi relevé :

- l'incapacité de ce service de fournir aux usagers des informations à la fois complètes et vérifiées sur les sociétés et les entreprises immatriculées ;

- l'incapacité de ce service de vérifier la capacité commerciale des personnes immatriculées et de tenir à jour le registre ;

- l'inadaptation des locaux du greffe chargé de la tenue du registre, notamment en termes de stockage et d'archivage.

La remise à niveau du greffe du tribunal mixte de commerce de Nouméa supposant des investissements relativement importants, il est apparu nécessaire de permettre à ce greffe de facturer les diligences qu'il effectue au niveau du registre du commerce et des sociétés dans les mêmes conditions qu'en métropole.

Ainsi, l'article 1 er du décret soumis à ratification prévoit à cette fin que les actes énumérés aux tableaux 2 à 6 de l'annexe 7-5 du livre VII donnent lieu à la perception d'une redevance pour service rendu par la régie de recettes instituée auprès du greffe du tribunal de première instance de Nouméa aux taux et dans les conditions définis à ces tableaux et par les articles R. 743-140 à R. 743-157.

L'article 2 du décret procède aux modifications du code de l'organisation judiciaire nécessaires pour permettre la création d'une régie d'avances et d'une régie de recettes auprès du greffe du tribunal de première instance de Nouméa. Cette régie ne pouvait être créée qu'auprès du greffe du tribunal de première instance car le tribunal mixte de commerce n'a pas d'autonomie fonctionnelle par rapport au tribunal de première instance.

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté, avec un avis favorable de sa commission des finances, un amendement visant à ratifier le décret du 25 mai 2011 précité .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Selon les informations communiquées à votre rapporteur général par le ministère de la justice et des libertés, la mise en oeuvre des redevances ainsi prévues par le décret du 25 mai 2011 précité aurait un rendement de l'ordre de 800 000 euros .

Ce montant devrait permettre de couvrir les dépenses nécessaires à la location de locaux adaptés à la tenue du registre, à la création de deux postes budgétaires supplémentaires (un greffier de catégorie A et un agent de catégorie C) et à l'acquisition de matériels supplémentaires (mobilier, trois postes informatiques et rayonnages mobiles). Cette ressource supplémentaire serait ainsi de nature à moderniser le registre et à le doter de moyens suffisants pour fonctionner correctement .

L'ensemble des personnes soumises à l'immatriculation ( par exemple les sociétés commerciales) ainsi que tout les tiers (notamment les créanciers) susceptibles d'être en relation d'affaire avec les personnes immatriculées sont concernées par ces nouvelles dispositions.

D'une manière générale, les actes concernés par cette modification du droit en Nouvelle-Calédonie sont ceux énumérés aux tableaux 2 à 6 de l'annexe 7-5 du livre VII (partie réglementaire) du code de commerce : actes relatifs à l'immatriculation au RCS et à la délivrance d'extrait de celui-ci .

Une évaluation effectuée à partir des neuf premiers mois de l'année 2009 permet d'envisager chaque année 1 615 immatriculations , 2 448 modifications enregistrées, 654 radiations, 2 604 inscriptions de nantissement, 2 271 bilans déposés (sur 9 923 sociétés inscrites au RCS au 4 décembre 2009), 400 demandes de copie hors K-bis, 2 500 dépôts d'actes et 42 000 extraits K-bis délivrés.

Le présent article permet de mettre le dispositif en conformité avec l'article 4 de la loi organique relative aux lois de finances aux termes duquel « la rémunération de services rendus par l'Etat peut être établie et perçue sur la base de décrets en Conseil d'Etat pris sur le rapport du ministre chargé des finances et du ministre intéressé. Ces décrets deviennent caducs en l'absence d'une ratification dans la plus prochaine loi de finances afférente à l'année concernée ».

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

TITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES À L'ÉQUILIBRE DES RESSOURCES ET DES CHARGES

ARTICLE 9 (ET ÉTAT A) - Equilibre général du budget, trésorerie et plafond d'autorisation des emplois

Commentaire : le présent article traduit l'incidence sur l'équilibre prévisionnel du budget 2011 des dispositions proposées par le présent projet de loi de finances rectificative.

I. L'ÉQUILIBRE RÉSULTANT DU PROJET DE LOI DÉPOSÉ PAR LE GOUVERNEMENT

Dans le projet de loi initial du Gouvernement, le solde général de l'Etat connaissait une dégradation mineure de 10 millions d'euros , passant de - 91,628 à - 91,638 milliards d'euros. Cette révision n'appelait aucune actualisation du tableau de financement de l'Etat et le plafond d'autorisation des emplois demeurait inchangé. L'ensemble des composantes de l'article d'équilibre fait l'objet d'une analyse détaillée dans le cadre de l'exposé général du présent rapport.

II. L'INCIDENCE DES VOTES DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Les votes intervenus à l'Assemblée nationale 200 ( * ) portent le solde général de l'Etat à - 92,234 milliards d'euros , soit une dégradation de 606 millions d'euros par rapport à la prévision de la LFI pour 2011 et de 596 millions d'euros par rapport au PLFR déposé par le Gouvernement.

A. DES RECETTES EN BAISSE DE 136 MILLIONS D'EUROS

En recettes, cette dégradation résulte d'une baisse de 136 millions d'euros des recettes fiscales nettes , qui se décompose de la manière suivante :

1) la généralisation de l'imputation par les contribuables du bouclier fiscal sur l'impôt sur la fortune dès 2011 et l'anticipation au 30 septembre 2011 de la date limite pour effectuer une demande de restitution au titre du bouclier 2011 dégrade les recettes fiscales nettes de 186 millions d'euros. Son impact se décompose en une minoration de 93 millions d'euros des recettes brutes d'ISF et une majoration de 93 millions d'euros des crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ». L'effet étant exclusivement calendaire , l'impact négatif sur le solde de l'Etat en 2011 sera compensé à due concurrence par une amélioration en 2012 ;

2) le maintien d'un dispositif de réduction des droits de mutation à titre gratuit pour les donations sous condition d'âge du donateur, dans le cas où le donateur transmet avant l'âge de 70 ans les titres de son entreprise en pleine propriété dans le cadre d'un engagement collectif de conservation , minore de 26 millions d'euros la ligne « Mutation à titre gratuit entre vifs (donations) » ;

3) l'augmentation du taux de droit de partage , porté de 1,1 % à 2,2 %, en vue de compenser la mise en place d'une entrée progressive des donations survenues avant l'entrée en vigueur de la loi de finances rectificative dans le mécanisme du rapport fiscal décennal des donations antérieures majore de 53 millions d'euros la ligne « Autres conventions et actes civils » et de 63 millions d'euros la ligne « Taxe de publicité foncière » ;

4) la restriction du crédit d'impôt en faveur de l'intéressement aux seules primes d'intéressement dues au titre des exercices ouverts à compter du 1 er janvier 2011 minore les recettes d'impôt sur les sociétés de 40 millions d'euros.

B. DES DÉPENSES EN HAUSSE DE 460 MILLIONS D'EUROS

Les dépenses nettes du budget général sont majorées de 460 millions d'euros sous l'effet d'une ouverture de crédits destinée à financer le paiement d'une condamnation de la société Thales dans le cadre d'un contrat portant sur la fourniture de six frégates de type Lafayette à la Marine de Taïwan 201 ( * ) .

Les autres ouvertures de crédits 202 ( * ) s'opèrent sous forme d'autorisations d'engagement et n'ont donc pas d'impact sur le solde.

C. UNE MODIFICATION NEUTRE POUR LE SOLDE DES COMPTES SPÉCIAUX

S'agissant des comptes d'affectation spéciale (CAS), les recettes du CAS « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » sont majorées afin de tenir compte de l'affectation de 8 millions d'euros supplémentaires de recettes des amendes de radars à la première section du compte. 8 millions d'euros de crédits supplémentaires sont inscrits en vue de financer le déploiement de radars pédagogiques . Cette modification est équilibrée et donc neutre pour le solde .

D. L'AJUSTEMENT DU TABLEAU DE FINANCEMENT DE L'ETAT

La dégradation du déficit budgétaire entraîne un ajustement du tableau de financement de l'Etat : la variation nette des bons du Trésor à taux fixe et intérêts précomptés est augmentée de 0,6 milliard d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2011, pour passer de -1,1 milliard d'euros à -0,5 milliard d'euros. Le besoin et les ressources de financement de l'Etat passent de 189 à 189,6 milliards d'euros.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article tel qu'il résultera des votes du Sénat.

SECONDE PARTIE - MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
TITRE IER - AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2011 - CRÉDITS
CRÉDITS DES MISSIONS

ARTICLE 10 (ET ÉTAT B) - Budget général : ouvertures et annulations de crédits

Commentaire : le présent article procède, au titre du budget général, à des ouvertures et annulations de crédits de paiement et d'autorisations d'engagement conformément à la répartition fixée à l'état B annexé au présent projet de loi.

I. LES OUVERTURES DE CREDITS PROPOSEES PAR LE PROJET DE LOI DU GOUVERNEMENT

Dans sa version initiale, le I du présent article ouvrait 968 862 458 euros en AE et 949 822 955 euros en CP et son II annulait 506 342 458 euros en AE et 487 302 955 euros en CP. Les principales ouvertures de crédits font l'objet d'une analyse détaillée dans le cadre de l'exposé général du présent rapport.

II. LES OUVERTURES COMPLÉMENTAIRES ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Sur initiative gouvernementale , l'Assemblée nationale a adopté quatre amendements de crédits.

A. LES CONSÉQUENCES TECHNIQUES DE L'AUTOLIQUIDATION DU BOUCLIER FISCAL

Les crédits évaluatifs du programme 200 « Remboursements et dégrèvements d'impôts d'Etat » de la mission « Remboursements et dégrèvements » ont été majorés de 93 millions d'euros en AE et en CP afin de tirer les conséquences de la généralisation de l'autoliquidation du bouclier fiscal pour les redevables de l'ISF dès 2011.

B. LE PAIEMENT D'UNE CONDAMNATION DANS LE CADRE DE LA VENTE DE FRÉGATES À TAÏWAN

Les crédits évaluatifs du programme 114 « Appels en garantie de l'Etat » de la mission « Engagements financiers de l'Etat » ont été majorés de 460 millions d'euros en AE et en CP , afin d'assurer le paiement d'une condamnation dans le cadre d'un contrat de vente de frégates à Taïwan .

Thales, à l'époque Thomson-CSF, a signé le 28 août 1991 un contrat portant sur la fourniture de six frégates de type Lafayette à la marine de Taïwan. Ces frégates devaient être construites par l'arsenal de Lorient de la direction des constructions navales (DCN) et une filiale de Thomson-CSF. Ce contrat avait été garanti le 26 septembre 1991 par le ministre de la défense sur la base du régime de garantie concernant les arsenaux autorisé par l'article 62 de la loi de finances du 29 décembre 1978.

A la requête de la partie taïwanaise et au terme de sept années de procédure, Thales a été condamnée le 29 avril 2010 par un tribunal arbitral constitué selon les prescriptions de la clause du contrat s'appliquant au règlement des différends 203 ( * ) . Cette condamnation porte sur les conditions de versement de commissions à des intermédiaires . Légal en soi, le versement de ces commissions nécessitait, selon le contrat Bravo, l'accord du co-contractan t. La société Thomson-CSF avait, à l'époque, estimé que cet accord avait été tacitement donné par la partie taïwanaise, ce que n'a pas reconnu le tribunal arbitral.

La société a effectué un recours en annulation auprès de la Cour d'appel de Paris, qui a jugé la légalité de la sentence arbitrale sans se prononcer sur le fond du litige. Ce recours a été rejeté le 9 juin 2011 . Thales doit donc régler dans les meilleurs délais à la partie taïwanaise la sentence arbitrale. Ces sommes doivent être réparties au prorata des parts industrielles du contrat, soit 27,463 % pour la part Thales et 72,537 % pour DCN, d'où un appel en garantie nécessaire de 460 millions d'euros 204 ( * ) .

C. LA CONCLUSION DE DEUX BAUX POUR LE CONSEIL D'ETAT ET LE MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR

Deux ouvertures en autorisations d'engagement sont enfin prévues pour la prise à bail de locaux :

1) les AE du programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » sont majorées de 256,2 millions d'euros . Cette ouverture supplémentaire s'inscrit dans le cadre du projet de relogement au sein de l'immeuble « Lumière » , dans le 12 ème arrondissement de Paris, d'une grande partie des services centraux du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration actuellement situés sur le site de Nélaton. Selon le Gouvernement, cette opération s'impose car le bail actuel, qui échoit en 2012, ne pourra pas être renouvelé, l'immeuble actuellement occupé devant faire l'objet d'importants travaux de remise aux normes. L'ouverture de crédits demandée a donc pour objet de lancer les études d'implantation détaillées des services et d'engager les travaux d'adaptation des locaux pour un emménagement prévu en octobre 2012. La signature du bail de location doit intervenir d'ici la fin du mois de juin 2011. Conformément aux règles de budgétisation traditionnellement retenues pour les baux, le montant d'AE demandées couvre l'ensemble de l'opération (travaux et loyers pendant toute la durée du bail, soit 11 ans) ;

2) les AE du programme « Conseil d'Etat et autres juridictions administratives » de la mission « Conseil et contrôle de l'Etat » sont majorées de 70,2 millions d'euros afin de permettre au Conseil d'Etat d'engager les crédits relatifs à un nouveau bail immobilier pour une durée ferme de neuf ans . Le Conseil d'Etat occupe actuellement des locaux dans le « Louvre des entreprises », situés 151, rue Saint Honoré à Paris, dont le bail a été résilié de manière anticipée à la date du 30 juin 2011. Cette résiliation fait suite à l'échec de la renégociation du montant du loyer, dont le coût se situait à un niveau supérieur à la norme de 400 euros par mètre carré que l'Etat entend respecter pour les baux parisiens . Elle n'avait pas été anticipée au moment de la préparation du projet de loi de finances pour 2011. Le nouveau bail concerne un immeuble situé 98/102, rue de Richelieu, dans le 2 ème arrondissement de Paris, à proximité du Palais Royal. Cet immeuble accueillera à titre majoritaire les services du Conseil d'Etat, ainsi que d'autres services administratifs qui occuperont les surfaces excédentaires. Le loyer économique unitaire des locaux à usage de bureaux s'élève désormais à 395 euros par mètre carré, soit un niveau inférieur au plafond précité . Les 70,2 millions d'euros demandés couvrent le montant des loyers, taxes et honoraires de gestion pour la durée ferme du bail, ainsi que le montant des travaux d'aménagement immobiliers qui seront réalisés par le bailleur (5,5 millions d'euros TTC). Il inclut également le montant des charges qui reviennent au locataire pour l'année 2011 et l'année 2012.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Sur le fondement des analyses développées dans l'exposé général du présent rapport, votre commission des finances vous proposera :

1) de minorer les ouvertures de crédits de 50 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement sur la mission « Immigration, asile et intégration ». Cette minoration concerne les crédits dévolus à l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile, qui font l'objet d'une sous-budgétisation massive et répétée depuis plusieurs années . Votre rapporteur général souhaite qu'une telle initiative constitue, pour le Gouvernement, une puissante incitation à améliorer la sincérité de la prévision budgétaire ;

2) de revenir sur les ouvertures nettes de crédits prévues en faveur de la Philharmonie de Paris (62 millions d'euros en AE et 38,5 millions d'euros en CP) sur la mission « Culture ». La progression du coût de ce projet, le caractère très contestable des modalités de budgétisation retenues et l'insuffisance de l'information dont dispose votre commission des finances plaident, à ce stade, en défaveur d'une ouverture de crédits supplémentaires.

S'agissant des baux à conclure pour la relocalisation des services du Conseil d'Etat et du ministère de l'intérieur, votre rapporteur général prend acte du respect du plafond de loyer au mètre carré imposé à l'ensemble des administrations de l'Etat. Il demeure que, compte tenu des dates d'échéance des baux en cours, ces opérations étaient prévisibles, sinon dans leurs modalités concrètes, au moins dans leur survenue, au moment du vote de la loi de finances initiale et auraient dû y être anticipées . L'examen des crédits sera l'occasion d'interroger le Gouvernement sur l'existence d'autres opérations pendantes de ce type, dont le dénouement exigerait de nouveaux engagements de crédits au cours de l'année 2011.

Il conviendra enfin que le Gouvernement explique au Sénat de quelle manière il gagera l'intégralité des 460 millions d'euros 205 ( * ) supplémentaires ouverts sur le budget général, gage sans lequel la règle de gel en valeur des dépenses hors pensions et charge de la dette ne serait plus respectée.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 11
(ET ÉTAT C)


Budgets annexes : ouvertures et annulations de crédits

Commentaire : le présent article procède, au titre des budgets annexes, à des ouvertures et annulations de crédits de paiement et d'autorisations d'engagement conformément à la répartition fixée à l'état C annexé au présent projet de loi.

Le présent article ouvre 5 millions d'euros et annule 2 millions d'euros en AE et CP au titre du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA). Ces ajustements font l'objet d'une analyse détaillée dans le cadre de l'exposé général du présent rapport.

Aucune modification n'a été adoptée par l'Assemblée nationale.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article tel qu'il résultera des votes du Sénat.

ARTICLE 12 (ET ÉTAT D) - Comptes spéciaux : ouvertures et annulations de crédits

Commentaire : le présent article procède, au titre des comptes spéciaux, à des ouvertures et annulations de crédits de paiement et d'autorisations d'engagement conformément à la répartition fixée à l'état D annexé au présent projet de loi.

Le présent article :

1) ouvre 601 millions d'euros en AE et CP sur le nouveau compte 206 ( * ) d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage » ;

2) ouvre 169 millions d'euros en AE et CP sur le compte d'affectation spéciale « Pensions » ;

3) ouvre 1 511 743 337 euros en CP sur le compte de concours financiers « Prêts à des Etats étrangers ».

Ces ajustements font l'objet d'une analyse détaillée dans le cadre de l'exposé général du présent rapport.

A l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement majorant les crédits du CAS « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » de 8 millions d'euros. Cette majoration, qui vise notamment à financer le déploiement de radars pédagogiques , a pour contrepartie une augmentation à due concurrence des recettes du compte, auquel il est affecté une fraction supplémentaire du produit des amendes forfaitaires 207 ( * ) . Ces mouvements sont donc sans incidence sur le solde général de l'Etat.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article tel qu'il résultera des votes du Sénat.

TITRE II - DISPOSITIONS PERMANENTES
I. - MESURES FISCALES NON RATTACHÉES

ARTICLE 13 (Art. 1er, 1649-0-A et 1783 sexies du code général des impôts) - Abrogation du droit à restitution des impositions directes en fonction du revenu (« bouclier fiscal »)

Commentaire : le présent article a pour objet d'abroger le « bouclier fiscal ».

I. LE DROIT EXISTANT

A. LE PRINCIPE DU BOUCLIER FISCAL

Le principe du bouclier fiscal a été introduit par l'article 74 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006. Il a été renforcé par l'article 11 de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA).

Ainsi, aux termes du premier alinéa de l'article 1 er du code général des impôts issu de ces deux lois, « les impôts directs payés par un contribuable ne peuvent être supérieurs à 50 % de ses revenus ».

Les conditions d'application de ce principe sont définies à l'article 1649-0 A du même code.

B. LE FONCTIONNEMENT DU BOUCLIER FISCAL

1. Un droit à restitution ou à « autoliquidation » de l'impôt trop versé

L'article 1649-0 A du code général des impôts définit, pour les contribuables domiciliés fiscalement en France, un droit à restitution de la fraction des impositions excédant le seuil de 50 % précité. Le droit à restitution du « trop d'impôt » est acquis par le contribuable au 1 er janvier de l'année suivant le paiement des impositions dont il est redevable, et doit être exercé avant le 31 décembre de la même année.

De plus, selon les dispositions introduites par l'article 38 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009, adopté à l'initiative de votre rapporteur général, le contribuable redevable de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), de la taxe foncière ou de la taxe d'habitation peut calculer lui-même le montant de son impôt en tenant compte de la créance qu'il détient sur l'Etat à raison des excédents d'impositions antérieurement acquittés (« autoliquidation du bouclier fiscal »).

2. Le calcul du plafonnement

a) Les impositions prises en compte au numérateur

Sous réserve qu'elles ne soient pas déductibles d'un revenu catégoriel de l'impôt sur le revenu et qu'elles aient été payées en France, les impositions prises en compte sont les impositions directes suivantes :

- l'impôt sur le revenu (IR) ;

- l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ;

- les contributions sociales sur les revenus du patrimoine (CSG et CRDS sur les revenus du patrimoine, prélèvement social et contribution additionnelle) ;

- les contributions sociales sur les revenus d'activité et de remplacement et les produits de placement (CSG et CRDS sur les revenus d'activité et de remplacement, CSG, CRDS, prélèvement social et contribution additionnelle sur les revenus de placement) ;

- la taxe foncière sur les propriétés bâties et la taxe foncière sur les propriétés non bâties afférents à l'habitation principale du contribuable et perçues au profit des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ;

- la taxe d'habitation afférente à l'habitation principale du contribuable et perçue au profit des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

Les impôts locaux pris en compte ne concernent pas les impôts acquittés au titre des résidences secondaires . Par ailleurs, sont prises en compte les taxes additionnelles aux taxes foncières et d'habitation perçues au profit des établissements et organismes habilités à percevoir ces taxes, à l'exclusion de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères.

La loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 a exclu certaines impositions pour le calcul du droit à restitution . Ainsi, elle exclut du calcul du droit à restitution la fraction supplémentaire d'impôt sur le revenu (de 1 % dans le cas général et de 3 % concernant les plus-values immobilières) due par les contribuables au titre de la contribution sur les hauts revenus et certains revenus du capital, ainsi que la hausse de 0,2 % du taux de prélèvement social applicable aux revenus du patrimoine perçus à partir de 2010 et aux produits de placement perçus à partir de 2011.

De plus, elle prévoit que le supplément d'impôt sur le revenu dû pour les contribuables, lié à la baisse de 10 % des réductions et crédits d'impôt, n'est pas pris en compte pour le calcul du droit à restitution.

b) Les revenus pris en compte au dénominateur

Les revenus à prendre en compte sont ceux réalisés par le contribuable au titre de l'année qui précède celle du paiement des impositions.

Ils sont constitués de trois catégories de revenus :

- les revenus soumis à l'impôt sur le revenu nets de frais professionnels 208 ( * ) ;

- les produits soumis à un prélèvement libératoire ;

- les revenus exonérés d'impôt réalisés au cours de la même année en France ou hors de France .

Par ailleurs, peuvent être imputés, en diminution de ces revenus :

- les déficits catégoriels imputables sur le revenu global 209 ( * ) ;

- les pensions alimentaires ;

- les cotisations ou primes versées au titre de l'épargne retraite facultative qui sont déductibles du revenu global.

Enfin, parmi les revenus d'épargne soumis à l'impôt sur le revenu dont le prélèvement n'intervient qu'au terme du dénouement d'un contrat (comptes d'épargne-logement, plans d'épargne populaire et bons de capitalisation, et placements de même nature, autres que ceux en unités de comptes, c'est-à-dire en euros), le 6 de l'article 1649-0 A du code général des impôts prévoit que ces revenus sont pris en compte dans le calcul du plafonnement « à la date de leur inscription en compte ».

La loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 a adopté des mesures relatives à la prise en compte de certains revenus et impositions pour la détermination du droit à restitution . Désormais, le calcul de ce montant intègre les plus-values de cessions de valeurs mobilières pour leur montant imposable aux prélèvements sociaux. De même, sont pris en compte pour la détermination du montant du droit à restituer les produits des compartiments euro des contrats d'assurance-vie dits « multisupports », imposés aux prélèvements sociaux au fil de l'eau.

c) Les revenus non pris en compte au dénominateur

En revanche, le 4 de l'article 1649-0 A du code général des impôts exclut les plus-values immobilières exonérées en application des II et III de l'article 150 U du code général des impôts des revenus à prendre en compte au dénominateur du plafonnement. Il s'agit :

- des plus-values sur la résidence principale et ses dépendances, sur l'habitation des Français domiciliés hors de France, sur les biens faisant l'objet d'une expropriation pour cause d'utilité publique et sur les biens faisant l'objet d'une opération de remembrement ;

- des plus-values constatées sur un montant de cession inférieur à 15.000 euros ;

- des plus-values réalisées par des titulaires d'une pension vieillesse non assujettis à l'ISF et disposant de revenus leur permettant d'être exonérés ou de bénéficier d'un dégrèvement de taxe foncière sur les propriétés bâties ou de taxe d'habitation ;

- des plus-values sur les biens cédés par les particuliers au profit d'un organisme HLM, d'une société d'économie mixte gérant des logements sociaux, d'un organisme sans but lucratif ou d'une union d'économie sociale exerçant une activité dans le cadre de la mise en oeuvre du droit au logement ou de lutte contre l'exclusion.

De même, un certain nombre de prestations sociales sont exclues du dénominateur du plafonnement . Il s'agit :

- des prestations familiales énumérées à l'article L. 511-1 du code de la sécurité sociale (prestation d'accueil du jeune enfant, allocations familiales, complément familial, allocation de logement, allocation d'éducation de l'enfant handicapé, allocation de soutien familial, allocation de rentrée scolaire, allocation de parent isolé et allocation de présence parentale) ;

- de l'allocation aux adultes handicapés et de l'allocation personnalisée d'autonomie ;

- de l'allocation de logement et de l'aide personnalisée au logement.

- des revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance et qui ne sont pas soumis en application de l'article 15-II du code général des impôts à l'impôt sur le revenu ;

- des plus-values qui ne bénéficient pas d'une exonération mais ne sont pas imposables à l'impôt sur le revenu.

C. DES RÉSULTATS MITIGÉS DU POINT DE VUE DU RETOUR DES CONTRIBUABLES

D'après les chiffres transmis par le Gouvernement, le nombre d'exils et de retours de redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune depuis 2006 se décompose ainsi :

Année

2006

2007

2008

Redevables de l'ISF délocalisés en N

843

719

821

Redevables de l'ISF de retour en N

226

246

312

Source : ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat

Les données du tableau font clairement apparaître la persistance d'un déséquilibre important entre les départs et les retours des redevables de l'ISF , malgré la création du bouclier fiscal. De ce point de vue, son bilan est donc plutôt mitigé.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. LA SUPPRESSION DU BOUCLIER FISCAL

Le présent article propose d'abroger les articles premier et 1649-0 A du code général des impôts, ce qui revient à supprimer le principe du plafonnement des impôts directs en fonction des revenus (« bouclier fiscal »).

Le I du présent article prévoit que le droit à restitution des impositions directes au titre du bouclier fiscal s'effectuera pour la dernière fois au titre des revenus réalisés en 2010. Autrement dit, la suppression interviendra à compter des impôts directs payés en 2012, au titre des revenus réalisés en 2011.

B. UNE AUTOLIQUIDATION OBLIGATOIRE

Le premier alinéa du II prévoit que les contribuables qui sont redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune en 2012, titulaires d'un droit à restitution au titre des impôts payés en 2011, en bénéficieront obligatoirement par le mécanisme de l'autoliquidation, dont les modalités sont définies au 9 de l'article 1649-0-A.

Cela signifie que les contribuables concernés devront déduire eux-mêmes du montant de l'ISF qu'ils doivent acquitter les sommes qu'on leur reverse au titre du bouclier fiscal.

En outre, le second alinéa du II de l'article 13 précise que toute créance qui subsisterait au-delà de l'année 2012 devra être imputable « exclusivement » sur les cotisations d'impôt de solidarité sur la fortune dues au titre des années suivantes.

Cependant, trois exceptions à ce dernier principe sont prévues . Le contribuable ou ses ayants droits pourront en effet demander la restitution du reliquat de la créance issue du droit à restitution acquis en 2012 avant le 31 décembre de l'année au titre de laquelle :

- ils ne sont plus redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune ;

- les membres du foyer fiscal titulaires de la créance font l'objet d'une imposition distincte à l'ISF ;

- l'un des membres du foyer fiscal titulaire de la créance décède.

D'après les chiffres transmis par le Gouvernement, les données relatives à l'imputation du bouclier fiscal « autoliquidé » sur l'ISF sont les suivantes :

Année

2009

2010

Nombre de redevables de l'ISF

2 822

3 952

Montant du bouclier imputé sur l'ISF (en millions d'euros)

149

218

Source : ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat

La lecture de ce tableau montre que le nombre de redevables bénéficiaires du bouclier fiscal ayant recours au mécanisme de l'autoliquidation a augmenté entre 2009 et 2010 . La disposition du présent article tendant à rendre obligatoire ce mécanisme ne devrait donc pas poser de difficulté particulière.

C. UNE MESURE DE COORDINATION

Enfin, le III de l'article 13 supprime par coordination l'article 1783 sexies du code général des impôts, qui impose au contribuable une majoration de 10 % de l'insuffisance de versement constatée en cas de surestimation du droit à restitution.

L'article 1783 sexies sera supprimé à compter du 1 er janvier 2016. Cette date éloignée tient compte des effets différés dans le temps de la suppression du bouclier et donne un délai suffisant pour permettre à l'administration, qui contrôle par définition a posteriori , de récupérer les sommes indûment versées, conformément à l'article L. 186 du livre des procédures fiscales.

Pour mémoire, cet article, qui s'applique à l'ensemble des impôts, dispose que « lorsqu'il n'est pas expressément prévu de délai de prescription plus court ou plus long, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à l'expiration de la sixième année suivant celle du fait générateur de l'impôt ».

D. DES RECETTES CONSÉQUENTES QUI CONTRIBUENT À ÉQUILIBRER LA RÉFORME

D'après l'évaluation préalable de l'article 13, la suppression du bouclier fiscal engendrera des recettes estimées à 300 millions d'euros en 2012 , 420 millions d'euros en 2013 et 720 millions d'euros à partir de 2014 210 ( * ) , soit 40 % du coût de la réforme de l'ISF .

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté deux amendements rédactionnels de précision.

En outre, votre rapporteur général souligne que l'Assemblée nationale a adopté, dans le cadre de la première partie du présent projet de loi de finances rectificative, un article additionnel visant à généraliser l'autoliquidation du bouclier fiscal pour les redevables de l'ISF dès le 30 septembre 2011 . Il renvoie sur ce point au commentaire de l'article 1 er quater .

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur général réitère le raisonnement qu'il a tenu dans le cadre de l'exposé général du présent rapport.

Le bouclier fiscal a été créé dans un contexte économique profondément différent de celui d'aujourd'hui. Dès lors, il est devenu de plus en plus contesté et contestable , d'autant plus que la définition du revenu retenue ne rendait qu'imparfaitement compte de la capacité contributive des contribuables et exonérait certains de nos compatriotes les plus aisés des efforts collectifs.

Sa suppression apparaît donc aujourd'hui nécessaire . Néanmoins, le principe du bouclier fiscal , qui garantit que l'impôt ne présente pas de caractère confiscatoire pour quelque contribuable que ce soit, reste plus que jamais pertinent , dans un contexte de mondialisation et de concurrence fiscale accrue. C'est pourquoi, la suppression du bouclier fiscal s'accompagne concomitamment du réaménagement de l'impôt de solidarité sur la fortune.

Le dispositif présenté par le Gouvernement est donc équilibré et son calendrier de mise en oeuvre tient compte de la complexité inhérente à la suppression du bouclier fiscal, qui devra nécessairement s'étaler sur plusieurs mois, compte tenu du décalage existant entre le moment où le droit à restitution est acquis et le paiement effectif de celui-ci.

Le choix d'appliquer le bouclier pour la dernière fois pour les revenus réalisés en 2010 garantit la sécurité juridique des contribuables et sécurise donc les décisions d'investissement prises sur le fondement du droit actuel.

L'autoliquidation obligatoire est également un bon principe, car elle permettra de limiter les flux financiers entre l'État et les contribuables et responsabilisera ces derniers.

Enfin, la suppression du bouclier apportera des recettes conséquentes , qui participent de l'équilibre financier global de la réforme.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

ARTICLE 14 (Art. 1391B ter [nouveau] du code général des impôts, art. L. 173 du livre des procédures fiscales) - Plafonnement de la taxe foncière afférente à l'habitation principale en fonction du revenu

Commentaire : le présent article a pour objet de plafonner la taxe foncière afférente à l'habitation principale en fonction du revenu, pour les contribuables pour lesquels elle peut représenter une charge excessive au regard de leurs capacités contributives.

I. LA TAXE FONCIÈRE SUR LES PROPRIÉTÉS BÂTIES (TFPB)

A. LES PERSONNES IMPOSABLES

Aux termes de l'article 1380 du code général des impôts, « la taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code ».

La taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) est due par les propriétaires des constructions fixées au sol à perpétuelle demeure et présentant le caractère de véritables bâtiments : locaux d'habitation, locaux commerciaux, usines, bureaux...

La taxe foncière est due chaque année par le propriétaire de l'immeuble au 1 er janvier de ladite année .

En cas de vente de l'immeuble, le vendeur ne peut pas obtenir la réduction de l'impôt au prorata du nombre de mois pendant lesquels il a été propriétaire. Mais rien n'empêche le vendeur et l'acquéreur de prévoir dans l'acte de vente, comme cela se fait habituellement, le partage entre eux de l'impôt.

Lorsque l'immeuble est grevé d'un usufruit, c'est l'usufruitier qui est redevable de la taxe foncière.

D'autre part, il arrive que le locataire d'un terrain y édifie une construction. En principe, c'est le locataire qui est alors personnellement soumis à la taxe foncière sur les constructions, le propriétaire demeurant quant à lui imposable à raison du sol. Toutefois, c'est le propriétaire du terrain qui est immédiatement imposable sur ces constructions si le bail prévoit qu'elles lui reviendront sans indemnité en fin de location.

L'assiette de la taxe est la valeur locative cadastrale , diminuée d'un abattement forfaitaire de 50 % destiné à tenir compte des dépenses de gestion du propriétaire, d'assurances, d'amortissement, d'entretien et de réparation.

Le produit de la taxe, estimé à 21,9 milliards d'euros en 2009, est affecté aux communes, départements, régions et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

B. CALCUL DE L'IMPÔT

Le montant de la TFPB s'obtient en multipliant le revenu net cadastral de la propriété par le taux d'imposition. Ce dernier varie d'une commune à l'autre et d'une année à l'autre suivant les nécessités budgétaires des différentes collectivités.

Le revenu net cadastral est lui-même égal à la moitié de la valeur locative des locaux et installations soumis à la taxe foncière.

C. LES PROPRIÉTÉS IMPOSÉES

Sauf exonération expresse, toute propriété bâtie sur le territoire français est soumise à la taxe foncière. Est considérée comme propriété bâtie toute construction fixée au sol à perpétuelle demeure . En d'autres termes, l'ouvrage doit être implanté dans le sol de telle façon qu'il n'est pas possible de le déplacer sans le démolir. Sont exclues de l'imposition des constructions de faible dimension telles que les abris de jardin et les kiosques. Pour être imposable, l'immeuble doit être achevé.

De plus, certains terrains sont assimilés à des bâtiments et imposés en tant que tels à la TFPB . Ainsi, aux termes de l'article 1381 du code général des impôts (CGI), sont également soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties :

- les terrains qui forment le sol des bâtiments ou qui en constituent la « dépendance indispensable et immédiate », tels que les cours, passages et petits jardins par exemple ;

- les terrains non cultivés affectés à un usage industriel ou commercial ou à la publicité (chantiers, dépôts de marchandises, parcs de stationnement) ;

- les ouvrages d'art et voies de communication ;

- les installations de stockage (réservoirs, cuves, silos, gazomètres, châteaux d'eau) et certains ouvrages en maçonnerie des établissements industriels (cheminées d'usine notamment) ;

- les bateaux utilisés en un point fixe et aménagés pour l'habitation, le commerce ou l'industrie.

D. LES PROPRIÉTÉS EXONÉRÉES

La taxe foncière sur les propriétés bâties fait l'objet de nombreux dégrèvements et exonérations, permanents ou temporaires, accordés par l'Etat ou les collectivités territoriales.

Ces exonérations peuvent être réparties en deux catégories, les exonérations permanentes et les exonérations temporaires.

1. Les exemptions permanentes

Elles profitent d'abord aux propriétés détenues par une collectivité publique, affectées à un service public et non productives de revenu (article 1382 du CGI).

Sont également exonérés les bâtiments ruraux servant à loger ou élever des bestiaux ou à stocker des récoltes ainsi que les centres équestres et entraîneurs de chevaux. En revanche, n'est pas exonérée l'habitation de l'exploitant agricole.

En troisième lieu, sont exonérés de taxe les édifices affectés à l'exercice public du culte lorsqu'ils appartiennent à l'Etat, à une collectivité territoriale, à une association cultuelle ou diocésaine. En revanche, les chapelles et églises privées, propriété de particuliers mêmes utilisées dans l'exercice public du culte sont imposables.

Enfin, sont exonérés les immeubles diplomatiques et les bâtiments des organisations internationales par application de la Convention de Vienne de 1969 relative aux immunités diplomatiques.

2. Les exonérations temporaires

Elles traduisent une volonté politique d'orienter les comportements par une incitation fiscale. D'origine très ancienne mais réduites dans leur champ d'application ces dernières années, elles correspondent à plusieurs exemptions de nature et de durée différentes.

La plus importante de ces exonérations temporaires est celle prévue en faveur des constructions nouvelles . Une exonération de deux ans est ainsi prévue en faveur des constructions nouvelles, reconstructions et additions de constructions quelle que soit leur nature (article 1383 du CGI).

De plus, entreprises nouvellement créées peuvent bénéficier, si une décision a été prise en ce sens par la commune concernée, d'une exemption comprise entre deux et cinq ans de la taxe foncière afférente aux locaux déjà existants affectés à leur exploitation, y compris ceux repris à une entreprise en difficulté (A de l'article 1383 du CGI).

Dans la même logique, les collectivités territoriales peuvent exonérer de la taxe foncière les jeunes entreprises innovantes pour une durée limitée à sept ans (I de l'article 1383 D du CGI).

En outre, une exonération d'une durée de quinze ans existe pour les logements qui ont fait l'objet d'un prêt selon le régime propre aux habitations à loyer modéré (article 1384 du CGI).

En outre, il existe des exonérations à caractère social . Par exemple, sont exonérés de la TFPB afférente à leur résidence principale les titulaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées ou de l'allocation supplémentaire d'invalidité (article 1390 du CGI).

De même, aux termes de l'article 1391 du CGI, les redevables âgés de plus de 75 ans sont exonérés de la TFPB pour l'immeuble qu'ils habitent, lorsque le montant des revenus de l'année précédente n'excède pas une certaine limite fixée tous les ans par le pouvoir réglementaire.

De surcroît, l'article 1391 B bis prévoit des mesures en faveur des personnes hébergées en maison de retraite. En effet, les personnes conservant la jouissance exclusive de leur résidence principale pour s'installer de façon durable dans une maison de retraite bénéficient d'une exonération de la TFPB afférente à cette habitation, lorsqu'elles remplissent les conditions prévues aux articles 1390 et 1391 du CGI.

3. Les dégrèvements spéciaux et exonérations particulières

Le dégrèvement, qui aboutit à une atténuation ou à une suppression de l'impôt, ouvre droit pour la collectivité territoriale à une prise en charge par l'Etat de l'impôt non acquitté par le contribuable.

Les contribuables peuvent obtenir le dégrèvement de leur imposition en cas de vacance d'une habitation normalement destinée à la location ou en cas d'inexploitation d'un immeuble qui était utilisé par le contribuable lui-même à usage industriel ou commercial (article 1389 du CGI). Cette situation doit être indépendante de la volonté du contribuable, d'une durée de trois ans au moins, et affecter soit la totalité de l'immeuble, soit une partie susceptible de location ou d'exploitation séparée.

Une possibilité de dégrèvement de 100 euros est également prévue en faveur des contribuables âgés de condition modeste par l'article 1391 B bis , qui dispose que « les redevables âgés de plus de 65 ans au 1 er janvier de l'année d'imposition autres que ceux visés à l'article 1391, et qui occupent leur habitation principale dans les conditions prévues à l'article 1390 bénéficient d'un dégrèvement d'office de 100 euros de la TFPB afférente à cette habitation lorsque le montant des revenus de l'année précédente n'excède pas la limite prévue à l'article 1417-I ».

4. Des exonérations et dégrèvements néanmoins insuffisants pour traiter le cas de certaines situations spécifiques

Cependant, ces dispositifs dérogatoires ne permettent pas forcément de répondre à la situation spécifique de certains contribuables.

En effet, pour certains contribuables propriétaires de leur résidence principale, la cotisation de TFPB représente parfois une charge démesurée au regard de leurs capacités contribuables.

C'est pourquoi, pour ces personnes aux revenus modestes, le bouclier fiscal constitue essentiellement un dispositif d'allègement de la TFPB .

D'après l'évaluation préalable jointe à l'article 14, le nombre de contribuables concernés s'élevait à 10 000 en 2009, soit le nombre de bénéficiaires du bouclier non redevables de l'ISF.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. LE PLAFONNEMENT DE LA TAXE FONCIÈRE AFFÉRENTE À L'HABITATION PRINCIPALE EN FONCTION DU REVENU

Le présent article tire les conséquences de la suppression du bouclier fiscal pour les contribuables modestes en proposant un mécanisme de remplacement : un plafonnement de la taxe foncière afférente à l'habitation principale en fonction du revenu .

1. La création d'un nouveau dégrèvement dans le code général des impôts

Le I complète la liste des dégrèvements de TFPB dans le code général des impôts, en créant un nouvel article 1391 B ter . Celui-ci instaure un dégrèvement égal à la fraction de la cotisation de la taxe foncière sur la propriété bâtie afférente à l'habitation principale des contribuables supérieure à 50 % du montant total de leurs revenus.

Il est donc proposé de plafonner la TFPB afférente à l'habitation principale à 50 % des revenus.

2. La définition des revenus retenue pour la détermination du droit au plafonnement

Le II du nouvel article 1391 B ter précise la définition des revenus retenue pour la détermination du droit au plafonnement. Il s'agit du revenu fiscal de référence 211 ( * ) (RFR) majoré des déficits catégoriels et globaux des années antérieures, des moins-values de cession de valeurs mobilières, des droits sociaux constatés au cours d'une année antérieure et de certains revenus exonérés d'impôts sur le revenu.

Cette définition, qui se rapproche des revenus pris en compte pour le calcul du droit à restitution au titre du bouclier fiscal, a vocation à appréhender de la façon la plus juste possible la capacité contributive des contribuables concernés .

Cependant, comme le précise l'évaluation préalable jointe au présent article, le revenu retenu pour déterminer le plafonnement de la TFPB diffère du revenu retenu pour le bouclier fiscal à trois égards . En effet, les éventuelles plus-values immobilières seront prises en compte. De plus, les charges déduites du revenu global ne seront pas réintégrées. Enfin, les produits des contrats d'assurance-vie seront majorés des abattements applicables.

3. La détermination du foyer fiscal redevable de la taxe et éligible au plafonnement

Le II du nouvel article 1391 B ter précise par ailleurs quels sont les foyers fiscaux redevables de la taxe pour la prise en compte des revenus. Ainsi, les revenus correspondent à ceux du foyer fiscal du contribuable au nom duquel la taxe est établie.

De plus, quand la taxe est établie au nom de plusieurs personnes qui appartiennent à des foyers fiscaux différents, les revenus s'entendent de la « somme des revenus de chacun des foyers fiscaux de ces personnes ».

Enfin, lorsque les personnes mentionnées dans les deux cas précédents cohabitent avec des personnes qui ne sont pas rattachées à leur foyer fiscal et pour lesquelles la propriété constitue leur habitation principale, les revenus s'entendent de « la somme des revenus de chacun des foyers fiscaux des personnes au nom desquelles l'imposition est établie, ainsi que des revenus de chacun des foyers fiscaux des cohabitants ».

4. Un plafonnement non automatique, qui doit faire l'objet d'une demande de la part du contribuable

Enfin, le IV du nouvel article 1391 B ter spécifie que le contribuable doit présenter une réclamation pour pouvoir bénéficier du plafonnement , dans le délai prévu à l'article R. 196-2 du livre des procédures fiscales. Pour mémoire, ce dernier dispose que :

« Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts directs locaux et autres taxes annexes, doivent être présentées à l'administration des impôts au plus tard le 31 décembre de l'année suivant, selon le cas :

« a. l'année de la mise en recouvrement du rôle ;

« b. l'année de la réalisation de l'évènement qui motive la réclamation ;

« c. l'année de la réception par le contribuable d'un nouvel avis d'imposition réparant les erreurs d'expédition que contenait celui adressé précédemment ;

« d. l'année au cours de laquelle le contribuable a eu connaissance certaine de cotisations d'impôts directs établies à tort ou faisant double emploi. »

Le plafonnement n'est donc pas automatique et doit faire l'objet d'une démarche volontaire du contribuable.

Le II de l'article 14 modifie l'article L. 173 du livre des procédures fiscales par coordination. Ainsi, l'expression « revenu fiscal de référence » est remplacé par les mots « les revenus », tandis que la liste des articles mentionnés est complétée par la mention de l'article 1391 B ter .

B. UNE DISPOSITION APPLICABLE À COMPTER DES IMPOSITIONS ÉTABLIES AU TITRE DE L'ANNÉE 2012

Enfin, le III du présent article dispose que le plafonnement s'appliquera à compter des impositions établies au titre de l'année 2012. En ce qui concerne l'année 2011, le bouclier fiscal continuera de s'appliquer pour les contribuables concernés.

D'après les chiffres transmis par le gouvernement, le nombre de redevables concernés par cette mesure est estimé à 10 000 , soit le nombre de bénéficiaires du bouclier fiscal en 2009 non redevables de l'ISF.

Le coût de cette mesure est estimé à 7 millions d'euros à partir de 2012, et sera pris en charge par l'État. Cette évaluation est réalisée sur la base du nombre de redevables concernés en 2009.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté sept amendements au présent article, à l'initiative de notre collègue député Gilles Carrez et avec l'avis favorable du Gouvernement .

Trois sont de nature rédactionnelle ou de précision.

S'agissant des autres, l'un vise à limiter le bénéfice du dégrèvement aux personnes dont les revenus sont inférieurs au revenu fiscal de référence , soit 23 224 euros pour une personne seule, majorés de 5 426 euros pour la première demi-part et 4 270 euros ensuite, sur le modèle du plafonnement applicable à la taxe d'habitation. Sur cet amendement, le Gouvernement s'en est remis à la sagesse de l'Assemblée .

Dans la même logique, un second amendement vise à limiter le bénéfice du dégrèvement de la TFPB aux seuls contribuables qui ne sont pas soumis à l'ISF .

Un autre amendement, dont notre collègue député Charles de Courson partage l'initiative, tend à instaurer une réduction du montant du dégrèvement dont pourront bénéficier les contribuables lorsque la collectivité bénéficiaire de la TFPB votera une augmentation des taux par rapport à l'année 2011 .

Enfin, l'Assemblée nationale a adopté un amendement visant à ce que soit prise en compte dans le calcul du dégrèvement la totalité de la taxe sur le foncier bâti, majorée par exemple en Île-de-France des taxes d'équipement perçues au profit des établissements publics fonciers.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur général estime que cette mesure de justice sociale se justifie car la réforme de la fiscalité du patrimoine, ciblée sur les plus hauts patrimoines, ne doit pas avoir de conséquence négative sur les revenus des contribuables de condition modeste.

Étant donné que les dispositifs d'exonération ou de dégrèvement existant ne sont pas suffisants pour prendre en compte la situation spécifique des personnes aux revenus modestes propriétaires de leur logement, il est légitime, dès lors que l'on supprime le bouclier fiscal, de créer un dispositif compensatoire aux effets similaires.

De plus, cette mesure se justifie du point de vue de l'efficacité économique , dans la mesure où elle a vocation à maintenir le pouvoir d'achat des contribuables de condition modeste propriétaires de leur résidence principale.

De surcroît, votre rapporteur général approuve l'ensemble des amendements adoptés par l'Assemblée nationale , qui ciblent davantage le plafonnement instauré par le présent article et affinent le champ de la taxe foncière retenu pour le calcul du dégrèvement.

Enfin, comme dans le cadre actuel du bouclier fiscal, le coût -relativement modique - de ce dispositif sera pris en charge par l'Etat. De ce fait, les ressources des collectivités territoriales ne subiront pas l'impact de sa création.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 14 bis (nouveau) (Art. L. 2334-33 et L. 2334-35 du code général des collectivités territoriales) - Eligibilité à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR)

Commentaire : le présent article, adopté à l'initiative du Gouvernement, propose de modifier les conditions d'éligibilité à la nouvelle DETR, instituée par la loi de finances pour 2011.

I. LE DROIT EXISTANT

L'article 179 de la loi de finances initiale pour 2011 a organisé la fusion de la dotation globale d'équipement (DGE) des communes et de la dotation de développement rural (DDR) en une dotation unique, la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), dont les règles de fonctionnement sont codifiées aux articles L. 2334-33 et suivants du code général des collectivités territoriales (CGCT).

Cette fusion, qui figurait dans les conclusions des Assises des territoires ruraux en 2010, avait pour objectif de simplifier les critères d'éligibilité et de calcul des enveloppes départementales ainsi que ses modalités de gestion. Elle n'a pas modifié le total des crédits disponibles, le montant 2011 de la DETR, soit 615 689 257 euros, correspondant exactement à la somme des montants pour 2010 de la DGE et de la DDR.

Les critères démographiques et financiers d'éligibilité à la DETR , définis par les articles L. 2334-33 et L. 2334-34 du CGCT sont les suivants :

? pour les communes

- avoir une population qui n'excède pas 2 000 habitants dans les départements de métropole et 3 500 habitants dans les départements d'outre-mer ;

- ou avoir une population qui n'excède pas 20 000 habitants dans les départements de métropole et 35 000 habitants dans les départements d'outre-mer et un potentiel financier moyen par habitant inférieur à 1,3 fois le potentiel financier moyen par habitant de l'ensemble des communes dont la population est supérieure à 2 000 habitants et n'excède pas 20 000 habitants.

? Pour les établissements publics de coopération intercommunale ( EPCI )

- avoir une population qui n'excède pas 20 000 habitants dans les départements de métropole et 35 000 habitants dans les départements d'outre-mer ;

- ou avoir une population qui n'excède pas 60 000 habitants, et soit ne compter que des communes répondant aux critères d'éligibilité, soit avoir un potentiel fiscal moyen par habitant inférieur à 1,3 fois le potentiel fiscal moyen par habitant de l'ensemble des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de même catégorie, soit ne compter que des communes ayant une population inférieure à 15 000 habitants.

Les syndicats mixtes composés uniquement d'EPCI éligibles à la première part et aux communes éligibles à la seconde fraction de la dotation de solidarité rurale, qui étaient éligibles à la seconde part de la DDR, ne sont pas éligibles à la DETR .

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Sur proposition du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté le présent article qui répond à certaines difficultés soulevées par la mise en oeuvre de la réforme en 2011.

Celle-ci a entrainé, en effet, des sorties soudaines d'éligibilité de communes, de syndicats et d'EPCI du fait de la modification des critères.

Le présent article (a et c du 1°) propose pour y remédier une mesure de correction temporaire . Le dispositif prévoit ainsi, pour la fin de l'année 2011 et 2012 , d'élargir l'éligibilité à la DETR aux communes, syndicats mixtes et EPCI éligibles en 2010 à la DGE des communes ou à la DDR et perdant cette éligibilité en 2011 au titre de la DETR.

Le présent article (b du 1°) propose également un dispositif pérenne visant à confirmer le caractère rural de la DETR. Il modifie en ce sens les règles d'éligibilité des EPCI à la DETR, en prévoyant que tous les EPCI à fiscalité propre peuvent présenter des projets DETR, à l'exception des plus grands d'entre eux (définis comme comprenant plus de 50 000 habitants avec une commune centre de plus de 15 000 habitants), dont le caractère rural n'est pas avéré.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre commission des finances avait approuvé la création de la DETR dont elle estimait qu'elle était de nature à renforcer l'efficacité des subventions versées par l'Etat et à réduire les délais d'instruction et de décision. Elle avait fait adopter des amendements de simplification du dispositif portant en particulier sur les commissions d'élus chargées de rendre un avis sur les attributions.

Les conséquences, parfois brutales , de l'application des critères d'éligibilité de la DETR, notamment à l'égard des syndicats mixtes , sont cependant apparues rapidement. Elles ont été exposées notamment par notre collègue Hervé Maurey à l'occasion d'une question d'actualité posée au ministre chargé des collectivités territoriales, le 10 mars 2011, dans les termes suivants : « l'exclusion des syndicats mixtes implique que ces structures ne pourront plus investir, dans la mesure où leurs investissements ne seront plus subventionnés. Cette discrimination touche de très nombreux syndicats de communes, et notamment les SIVOS, syndicats intercommunaux à vocation scolaire, qui ne pourront plus ni construire ni même effectuer des travaux dans les écoles dont ils ont la charge. Elle concerne également d'autres syndicats, tels que les syndicats d'eau ou d'ordures ménagères en milieu rural . »

Le dispositif proposé par le Gouvernement répond à ces inquiétudes, pour une période qui se terminera au 31 décembre 2012, en rétablissant de manière explicite l'éligibilité des syndicats mixtes. Pour l'avenir, le Gouvernement a fait clairement le choix de réserver la DETR aux communes et aux EPCI . Il n'est pas sûr qu'à cette date, toutes les conséquences auront été tirées sur le statut et le financement de l'ensemble des syndicats et la mesure d'éligibilité temporaire devra probablement être reconduite.

Décision de la commission : sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 14 ter (nouveau) (Art. 1382 et 1394 du code général des impôts) -
Régime fiscal des immeubles régionaux

Commentaire : le présent article rétablit le régime d'exonération de taxes foncières applicable aux immeubles régionaux.

Sur proposition de sa commission des finances et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a opportunément adopté le présent article qui propose de rétablir les exonérations de taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties applicables aux propriétés des régions, qui ont été fortuitement abrogées par le C du XIX de l'article 108 de la loi n° 2010-1657 de finances pour 2011.

Il complète en ce sens le premier alinéa du 1° de l'article 1382 et le premier alinéa du 2° de l'article 1394 du code général des impôts.

Le II du présent article précise logiquement que ces exonérations s'appliquent à compter des impositions établies au titre de l'année 2011.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 14 quater (nouveau) (Art. L. 520-1, L. 520-3, L. 520-5, L. 520-6, L. 520-7, L. 520-8 et L. 520-9 du code de l'urbanisme) - Lissage de l'augmentation et aménagements de la redevance sur les bureaux perçue en Ile-de-France

Commentaire : le présent article propose d'aménager la réforme de la redevance sur les bureaux en Ile-de-France, votée dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2010, en lissant sur trois années l'augmentation des taux et en excluant les surfaces de stationnement de l'assiette.

I. LE DROIT EXISTANT

Dans le cadre de la mise en place du plan de financement du projet du Grand Paris , la loi de finances rectificative pour 2010 a prévu l'affectation de diverses ressources fiscales à l'établissement public « Société du Grand Paris ». Elle a notamment instauré une taxe additionnelle à la taxe spéciale d'équipement et réformé la taxe locale sur les locaux à usage de bureaux, de commerce ou de stockage perçue dans la région Ile-de-France.

A l'initiative du rapporteur général du budget de l'Assemblée nationale, la même loi de finances a procédé à une réforme de la redevance sur la création de bureaux (RCB) perçue par la région Ile-de-France.

Codifiée aux articles L. 520-1 et suivants du code de l'urbanisme, cette redevance était due à l'occasion de la construction , par les propriétaires de locaux à usage de bureaux ou de recherche et calculée, à partir de la surface utile des locaux construits, en fonction de tarifs différenciés suivant un zonage , en trois circonscriptions, proche de celui qui concerne la taxe locale sur les locaux de bureaux, de commerce ou de stockage. Le produit, variable et dépendant de l'activité immobilière, s'élevait entre 70 millions et 90 millions d'euros par an .

Le dispositif voté dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2010 a consisté à :

- actualiser les tarifs de cette RCB, dans la même proportion que celle retenue en ce qui concerne la taxe sur les bureaux (environ 40 %).

Evolution des tarifs de la redevance

(en euros par m 2 )

Zone 1

Zone 2

Zone 3

Bureaux (régime antérieur à 2010)

244

152

61

Bureaux (régime PLFR 2010)

344

214

86

Locaux commerciaux (régime PLFR 2010)

120

75

30

Locaux de stockage

52

32

13

Source : commission des finances

- durcir les conditions de la dérogation tarifaire dont bénéficient les entreprises installées dans les communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine (DSU) en exigeant que ces communes soient également bénéficiaires du fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France (FSRIF) ;

- réviser le zonage , en redéfinissant les trois circonscriptions en place (l'intégralité de la commune de Paris et du département des Hauts-de-Seine passant en zone 1 et la zone 2 regroupant les communes de l'unité urbaine de Paris) ;

- élargir l'assiette de la redevance aux locaux de commerce et de stockage ;

- enfin, créer des tarifs différenciés selon la nature des locaux , à l'instar de ce qui est prévu dans le régime de la taxe sur les locaux à usage de bureaux, de commerce ou stockage.

Le produit supplémentaire annuel attendu de ces mesures, d'après les propos tenus en séance par notre collègue député Gilles Carrez, devait s'établir entre 60 millions à 80 millions d'euros .

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Sur proposition de sa commission des finances et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté le présent article qui propose d'aménager, sur deux points principaux, le régime de la redevance sur les bureaux en Ile-de-France, tel qu'il résulte de la loi de finances rectificative pour 2010.

Ces aménagements visent tout d'abord à lisser sur trois ans l'augmentation des tarifs de la redevance sur les bureaux votée à l'article 31 de la loi de finances rectificative pour 2010. Ce lissage est ciblé sur deux catégories de locaux :

- les locaux commerciaux et de stockage , qui n'étaient pas compris dans le champ de la redevance avant 2011 ;

- les locaux à usage de bureaux situés dans les communes qui ont changé de circonscription suite à la modification du zonage votée dans ce même article de la loi de finances rectificative pour 2010.

Le texte initial de l'amendement de la commission des finances a été sous-amendé sur ce point, à l'initiative conjuguée de Yves Vandewalle et de Jean-Christophe Lagarde et Charles de Courson, pour porter la durée du lissage à six années dans les communes qui , compte tenu de la redéfinition du zonage de la redevance opéré en 2010, changent directement de deux catégories .

Le texte adopté tend également à exclure les surfaces de stationnement de l'assiette de la redevance, ces surfaces ayant été taxées par la loi de finances rectificative pour 2010 alors que les garages étaient précédemment exclus de la redevance.

Il procède aussi à des rectifications plus formelles comme le remplacement de la mention de « surface utile de plancher » par celle, plus adaptée, de « surface de construction ».

Enfin, le texte adopté par l'Assemblée nationale prévoit un système particulier pour les communes qui perdent leur éligibilité soit à la dotation de solidarité urbaine soit au bénéfice du FSRIF .

Ces communes bénéficieraient, au titre de l'année suivant la perte d'éligibilité et pendant les deux années suivantes, d'un abattement dégressif , respectivement des trois quarts, de la moitié et du quart, de l'augmentation du tarif de la redevance liée à cette perte d'éligibilité .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre commission des finances constate que la loi de finances rectificative pour 2010, en modifiant la redevance sur les bureaux en Ile-de-France, a institué un mécanisme complexe de dérogations et d'exonérations qui comprend :

- un tarif différencié selon trois zones géographiques ;

- une exonération totale des locaux situés en zone de revitalisation urbaine (ZRU) et en zone franche urbaine (ZFU) ;

- un système dérogatoire pour les communes éligibles à la fois pour l'année en cause, à la DSU et au bénéfice du FSRIF qui sont d'office classées en 3ème catégorie (celle où les taux sont les moins élevés)

Ce système présente le défaut de lier des avantages fiscaux pour les entreprises à un zonage géographique ou à l'attribution d'une dotation et, en conséquence, de contribuer à figer les zonages et les dotations. Il offre également peu de visibilité aux entreprises dans la mesure où l'éligibilité à la DSU et au FSRIF est susceptible de changer tous les ans.

Le mécanisme voté par l'Assemblée nationale présente l'intérêt majeur de modérer les hausses brutales de tarif qui pouvaient décourager les installations d'entreprises . L'exonération des places de stationnement et le lissage des augmentations de tarif sur trois années (voire six années dans certains cas) devraient satisfaire les attentes des entreprises. Ils n'auront pas pour autant de conséquences trop importantes sur le surplus de recettes de la région Ile-de-France qui devrait rester au niveau annoncé lors de la loi de finances rectificative.

En effet, l'évaluation présentée alors - qui était celle du rapport sur le financement du Grand Paris rédigé par notre collègue Gilles Carrez - intégrait le lissage sur trois ans de la réévaluation des tarifs.

Mais le texte de l'Assemblée nationale propose également de créer une nouvelle garantie en cas de perte de l'éligibilité à la DSU ou du bénéfice du FSRIF, qui risque d'ajouter de la complexité de gestion et de s'articuler difficilement avec les exceptions existantes.

Au moment où doivent être réformés les systèmes de péréquation, allant notamment vers un recentrage et une simplification du FSRIF, on pourrait s'interroger sur l'opportunité d'établir un lien entre des avantages fiscaux accordés aux entreprises et le bénéfice de ces dotations.

En outre, l'éligibilité au FSRIF et à la DSU est variable. Le système d'abattement risque donc d'être « interrompu » si la commune redevient éligible.

Enfin, la combinaison entre un abattement dégressif et une progression lissée ne rendra pas le mécanisme de la RCB plus lisible et prévisible pour les entreprises.

Décision de la commission : sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 14 quinquies (nouveau) (Art. 139 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011) - Suppression de l'affectation d'un tiers du produit de la TGAP « Granulats » aux communes

Commentaire : le présent article vise à supprimer l'article 139 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, qui affecte un tiers du produit de la TGAP « Granulats » aux communes, afin de les inciter à accueillir des activités d'extraction sur leur territoire.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LA TGAP « GRANULATS »

La taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), visée aux articles 266 sexies et suivants du code des douanes, est constituée de huit composantes .

La composante « Granulats » de la TGAP est due par :

) Toute personne qui livre pour la première fois après fabrication nationale ou qui livre sur le marché intérieur après achat, importation ou fabrication dans un autre Etat membre de la Communauté européenne ou qui met à la consommation des matériaux d'extraction de toutes origines se présentant naturellement sous la forme de grains, ou obtenus à partir de roches concassées ou fractionnées, dont la plus grande dimension est inférieure ou égale à 125 millimètres , et dont les caractéristiques ou usages sont fixés par décret ;

2) Toute personne qui extrait, produit ou introduit , en provenance d'un autre Etat membre de la Communauté européenne, lesdits matériaux, pour les besoins de sa propre utilisation.

Son assiette est constituée par le poids des matériaux d'extraction et son unité de perception est la tonne. Le tarif , fixé à 0,10 euro par tonne, procurait un rendement fiscal de 40 millions d'euros en 2009 .

B. L'ARTICLE 139 DE LA LOI N° 2010-1657 DU 29 DÉCEMBRE 2010 DE FINANCES POUR 2011

1. Les objectifs

L'article 139 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, adopté à l'initiative de notre collègue sénateur Jean-Etienne Antoinette, avec un avis favorable de la commission des finances et un avis de sagesse du Gouvernement, vise à affecter le tiers du produit de la TGAP « Granulats » aux communes, par le biais d'un prélèvement sur recettes.

La Commission des finances avait déposé cet amendement à plusieurs reprises , s'efforçant de le faire aboutir, notamment lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2008. A cette occasion, le Gouvernement avait demandé le retrait de cet amendement pour se laisser le temps de la réflexion .

Le but de cette mesure était d'inciter les communes à accueillir des activités d'extraction de ces matériaux sur leur territoire, et de leur permettre de financer à la fois les opérations destinées à la protection de l'environnement et les infrastructures nécessaires au transport des matériaux .

Cette mesure devait contribuait à la protection de l'environnement de trois façons :

- elle dégageait au profit des communes et de leurs groupements, notamment en milieu rural, des recettes pour financier des opérations dans ce domaine ;

- elle contribuait à une meilleure localisation, à terme, des activités d'extraction en fonction des besoins, réduisant d'autant les nuisances liées aux transports des matériaux ;

- elle devait accroître le nombre de sites, dont la reconversion au terme de l'exploitation est susceptible de favoriser la création de zones humides très riches en biodiversité.

La date d'application de cette mesure est fixée au 1 er janvier 2012.

2. Les modalités de répartition par le comité des finances locales

Cette affectation prend la forme d'un prélèvement sur les recettes de l'Etat . Les recettes sont réparties par le comité des finances locales, en fonction du montant de taxe perçu sur chaque site et :

- pour moitié au moins, au profit des communes sur le territoire desquelles sont extraits les matériaux soumis à la taxe ;

- pour le reliquat, au profit des communes concernées par les risques et inconvénients causés par l'extraction desdits matériaux.

Enfin, lorsque les communes concernées ont délégué leurs compétences en matière de protection de l'environnement à un établissement public de coopération intercommunale, les recettes sont versées à cet établissement, qui les consacre à des opérations de même nature, bénéficiant à ces communes.

3. Des modalités d'application fixées par un décret en Conseil d'Etat

Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application de cette mesure, et en particulier :

- les critères de désignation des communes ;

- les critères de définition des opérations destinées à la protection de l'environnement ou à l'entretien des voiries municipales susceptibles d'être financées par le produit des recettes affectées ;

- les autres modalités de répartition des recettes entre les communes et les établissements publics de coopération intercommunale.

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A. LA SUPPRESSION DE L'ARTICLE 139 DE LA LOI N° 2010-1657 DU 29 DÉCEMBRE 2010 DE FINANCES POUR 2011

Le présent article a été introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Gilles Carrez, avec l'avis favorable du Gouvernement . Il vise à supprimer l'affectation d'un tiers du produit de la TGAP « Granulats » aux communes . Pour cela, il supprime l'article 139 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 .

Dans l'exposé des motifs de son amendement, Gilles Carrez fait valoir que ce dispositif, dont le coût est évalué à 25 millions d'euros , pose un problème de répercussion au sein de l'enveloppe normée . Il ajoute que ce prélèvement sur recettes « devra automatiquement se traduire par une baisse des variables d'ajustement de la DGF, déjà soumises à de fortes contraintes en raison du gel de la valeur de l'ensemble de l'enveloppe ».

B. L'ARTICLE 7 DE LA LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES SUR LA PÉRIODE 2011-2014

L'article 7 de la loi de programmation des finances publiques pour la période 2011-2014 prévoit que le périmètre des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales auquel s'appliquera la règle de stabilisation en valeur sera composé :

- des prélèvements sur les recettes de l'Etat au profit des collectivités territoriales, à l'exclusion de celui correspondant aux versements au titre du FCTVA , aux dotations versées par l'Etat pour compenser la réforme de la taxe professionnelle et aux amendes forfaitaires de la police de la circulation et des radars automatiques ;

- des crédits inscrits au sein de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » , hors crédits de fonctionnement de la direction générale des collectivités locales (DGCL) ;

- des crédits inscrits au sein de la mission « Travail et emploi » destinés à la dotation générale de décentralisation de la formation professionnelle .

Le prélèvement sur recettes créé par l'article 139 de la loi précitée entrerait donc dans le périmètre de l'enveloppe normée, accroissant d'autant cette dernière. Or, cette augmentation devrait se traduire mécaniquement par la nécessité de réduire à due concurrence d'autres composantes de l'enveloppe normée.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

La mesure supprimée par l'Assemblée nationale vient tout juste d'être votée et n'entrera en vigueur qu'au 1 er janvier 2012. On ne peut donc pas encore en tirer un bilan.

De plus, l'estimation de 25 millions d'euros tend à indiquer que la répercussion sur les variables d'ajustement de l'enveloppe normée serait limitée .

Enfin, votre rapporteur général estime que toute remise en question de cette mesure devrait être examinée dans le contexte plus global de la loi de finances initiale , qui pourrait comporter d'autres marges de manoeuvre pour renforcer les variables d'ajustement.

Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.

ARTICLE 15 (Art. 885 N, 885 O et 885 O bis du code général des impôts) - Impôt de solidarité sur la fortune - Aménagements du régime des biens professionnels

Commentaire : le présent article vise à aménager la définition des biens professionnels, exonérés d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), afin de mieux prendre en compte la pluriactivité de certains professionnels et de favoriser la croissance des PME par ouverture de leur capital.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LE PRINCIPE DE L'EXONÉRATION DES BIENS PROFESSIONNELS

Le dernier alinéa de l'article 885 A du code général des impôts pose le principe de non-prise en compte des biens professionnels dans l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF).

La définition de ces biens est renvoyée aux articles 885 N à 885 R du même code (section IV du chapitre du code général des impôts relatif à l'ISF).

Il est à noter que cette exonération a toujours caractérisé tant l'impôt sur les grandes fortunes (IGF), créé par la loi de finances pour 1982 212 ( * ) et abrogé par la première loi de finances rectificative pour 1986 213 ( * ) , que l'actuel ISF depuis son origine, en 1989.

Il s'agit donc d'un principe essentiel de la taxation périodique de l'actif net en France , que tous les gouvernements successifs ont repris à leur compte, tant le risque de fuite massive d'activités économiques hors du territoire serait élevé s'il y était dérogé.

B. LA DÉFINITION DES BIENS EXONÉRÉS

Comme exposé ci-dessus, les biens professionnels au sens de l'ISF sont définis par les articles 885 N à 885 R du code général des impôts.

Sans détailler l'ensemble de ces biens 214 ( * ) , il convient d'en rappeler les caractéristiques essentielles. Sont ainsi considérés comme biens professionnels :

- les biens nécessaires à l'exercice, à titre principal, tant par leur propriétaire que par le conjoint de celui-ci, d'une profession industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale (article 885 N du CGI) ;

- les parts de sociétés de personnes soumises à l'impôt sur le revenu (IR) - visées aux articles 8 et 8 ter du même code - lorsque le redevable exerce dans la société son activité professionnelle principale (article 885 O du CGI) ;

- et, sous conditions, les parts de sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés (IS) , de plein droit ou sur option (article 885 O bis du CGI).

Dans ce dernier cas, les conditions à remplir sont les suivantes :

- être, soit gérant nommé conformément aux statuts d'une société à responsabilité limitée ou en commandite par actions, soit associé en nom d'une société de personnes , soit président, directeur général, président du conseil de surveillance ou membre du directoire d'une société par actions . Il est précisé que ces fonctions doivent être exercées de manière effective et « donner lieu à une rémunération normale » représentant plus de la moitié des revenus de l'intéressé ;

- et posséder 25 % au moins des droits financiers et des droits de vote attachés aux titres émis par la société , directement ou par l'intermédiaire de son conjoint ou de leurs ascendants ou descendants ou de leurs frères et soeurs.

Il est à noter que les parts ou actions détenues par une même personne dans plusieurs sociétés sont présumées constituer un seul bien professionnel lorsque, compte tenu de l'importance des droits détenus et de la nature des fonctions exercées, chaque participation, prise isolément, satisfait aux conditions prévues pour avoir la qualité de biens professionnels, et que les sociétés en cause ont effectivement des activités soit similaires, soit connexes et complémentaires .

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article propose d'aménager la définition des biens professionnels sur deux points. Il s'agit, d'une part, de mieux prendre en compte le fait que des individus peuvent réellement exercer plusieurs activités professionnelles et, d'autre part, de limiter les conséquences néfastes que peut présenter la condition de détention de 25 % des droits financiers et des droits de vote pour la croissance de certaines entreprises.

A. LA PRISE EN COMPTE DE LA PLURIACTIVITÉ

Les I et II du présent article tendent à compléter les articles 885 N et 885 O par deux alinéas. A chaque fois, le premier ne ferait que reprendre la position de la doctrine 215 ( * ) en précisant que sont présumées constituer une seule profession les différentes activités professionnelles exercées par une même personne et qui sont soit similaires, soit connexes et complémentaires. A cet égard, il convient de préciser que la connexité implique des rapports de dépendance étroits et que la complémentarité s'entend de l'activité qui s'inscrit dans le prolongement amont ou aval d'une autre activité. Par coordination, le a du III propose de supprimer la dernière phrase du premier alinéa du 2° de l'article 885 O bis , qui traitait de la connexité et de la complémentarité pour les sociétés soumises à l'IS.

En revanche, le second alinéa qui serait inséré tant dans l'article 885 N que dans l'article 885 O précités représenterait une extension de la définition des biens professionnels puisque, selon ses termes, seraient également considérés comme de tels biens les parts ou actions détenues par un propriétaire dans une ou plusieurs sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés lorsque chaque participation, prise isolément, satisfait aux conditions prévues à l'article 885 O bis pour avoir la qualité de biens professionnels .

Or, il est également proposé d'assouplir le champ dudit article 885 O bis . Outre l'évolution de la condition de détention (détaillée dans le B infra ), la condition de rémunération serait désormais considérée respectée si la somme des rémunérations perçues au titre des fonctions éligibles dans les sociétés dont le redevable possède des parts ou actions représente plus de la moitié de ses revenus . En outre, lorsque les sociétés ont des activités soit similaires, soit connexes et complémentaires, la condition de rémunération normale s'apprécie au regard des fonctions exercées dans l'ensemble des sociétés dont les parts ou actions constituent un bien professionnel.

Il en ressort que le régime des biens professionnels trouverait à s'appliquer aux activités aujourd'hui considérées comme secondaires de certains dirigeants qui exercent leurs fonctions dans plusieurs sociétés , quand bien même ces activités ne seraient ni similaires ni connexes ni complémentaires à leur profession principale - à condition toutefois que, pour chaque « groupe d'activités », l'activité du redevable soit effective et sa rémunération normale.

B. L'AMÉNAGEMENT DE LA CONDITION DE DÉTENTION

Les derniers alinéas du b du III du présent article proposent d'assouplir la condition liée au pourcentage de détention d'une société dont les parts ou actions peuvent être considérées comme des biens professionnels.

Ainsi, le respect de la condition de possession de 25 % au moins du capital de la société ne serait pas exigé après une augmentation de capital si le redevable remplit les trois conditions suivantes :

- il a respecté cette condition au cours des cinq années ayant précédé l'augmentation de capital ;

- à l'issue de l'augmentation de capital, il possède 12,5 % au moins des droits financiers et des droits de vote attachés aux titres émis par la société , directement ou par l'intermédiaire de son conjoint, de leurs ascendants ou descendants ou de leurs frères et soeurs ;

- il est partie à un pacte conclu avec d'autres associés ou actionnaires représentant au total 25 % au moins des droits financiers et des droits de vote et exerçant un pouvoir d'orientation dans la société.

Il s'agit de faire évoluer le seuil de 25 %, de sorte que celui-ci ne constitue plus un frein à la croissance de certaines entreprises (en particulier des PME) au moyen de l'ouverture de leur capital. En effet, jusqu'à présent, la perspective, pour le dirigeant, d'avoir à acquitter l'ISF au titre de ses parts ou actions dans sa société, pouvait empêcher de telles opérations si elles aboutissaient à diluer sa part en-dessous de 25 % du capital.

C. L'ENTRÉE EN VIGUEUR ET LE COÛT DE CES DISPOSITIONS

Aux termes du IV du présent article, celui-ci entrerait en vigueur à compter du 1 er janvier 2012.

Son coût pour l'Etat n'est pas évalué . Selon le ministère, il ne serait pas significatif.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Outre six amendements rédactionnels ou de précision, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements :

- l'un, présenté par le Gouvernement et qui a reçu l'avis favorable de la commission des finances, vise à ce que, pour l'appréciation du seuil de 25 % (modulé à la baisse, le cas échéant, dans les conditions décrites supra ), seuls soient considérés les droits de vote détenus par le contribuable au sein de la société , et non plus cumulativement les droits financiers et les droits de vote ;

- l'autre, à l'initiative de nos collègues députés Olivier Carré et Nicolas Forissier, qui a reçu le soutien de la commission des finances mais un avis défavorable du Gouvernement, tend à élargir le champ des fonctions pouvant être exercées pour remplir les conditions exigées par la loi afin de bénéficier de l'exonération au titre des biens professionnels (rappelées au B du I du présent commentaire d'article). Ainsi, désormais, si le propriétaire des parts et actions exerce une des fonctions « éligibles » pour une société au moins, il serait considéré comme satisfaisant à ces conditions pour les autres sociétés concernées en y exerçant au moins les fonctions de directeur général délégué .

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Les deux principales mesures que propose le présent article sont raisonnables .

S'agissant de la pluriactivité, qui, si elle répond à certaines situations, ne doit pas concerner un nombre de contribuables très élevé, le dispositif est rédigé de façon à éviter les abus . Ainsi, toute activité secondaire de l'intéressé devrait donner lieu à une « rémunération normale » pour que les parts ou actions de la société puissent être exonérées d'ISF ; il s'agit là d'une précaution raisonnable qui gagnerait toutefois à être complétée , dans le même esprit, afin de s'assurer que chaque activité est effectivement exercée par le redevable . Votre rapporteur général propose un amendement en ce sens.

Quant à l'abaissement, sous conditions, du seuil de 25 % , il s'agit clairement d'une mesure opportune d'un point de vue économique , de nature à favoriser la croissance de certaines entreprises dont le développement pouvait être freiné par la rigidité de ce critère. La précision, introduite par l'Assemblée nationale, selon laquelle doit prévaloir le seul critère des droits de vote pour apprécier le seuil, correspond mieux à la réalité économique des entreprises. Comme l'a souligné le Gouvernement, cette disposition est cohérente avec la décision n° 83-164 DC du 29 décembre 1983 du Conseil constitutionnel où, lorsqu'il a jugé l'article de la loi de finances pour 1984 assimilant, sous condition, à des biens professionnels les actions du contribuable dans une société lorsque sa part dépasse 25 %, il a pris en considération le lien entre les droits de vote et la maîtrise de l'outil de travail pour valider le dispositif 216 ( * ) .

En revanche, l'amendement des députés tendant à étendre, sous conditions, aux directeurs généraux délégués, le bénéfice de l'exonération au titre des biens professionnels, ne paraît pas opportun . En effet, à la suite de l'entrée en vigueur de la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques - dont l'article 107 prévoyait notamment la création des directeurs généraux délégués -, la doctrine fiscale 217 ( * ) a pris en compte les conséquences de cette création en matière d'exonération des biens professionnels : il est ainsi « admis que cette fonction soit éligible pour le bénéfice de l'exonération des biens professionnels [,] cette mesure de tempérament [étant] bien entendu soumise à la condition que ces personnes exercent effectivement les fonctions qui leur sont dévolues par l'article 107 de la loi du 15 mai 2001 ». Dès lors, la mesure proposée est soit inutile si elle vise les situations où le contribuable exerce bien les fonctions de directeur général délégué de l'entreprise, soit inadéquate si elle tend à ce que l'exonération s'applique à des situations où le redevable porterait le titre de directeur général délégué sans en exercer réellement les fonctions. Il est donc préférable d'en rester aux dispositions actuelles .

Enfin, votre rapporteur général prend acte du fait que le ministère du budget n'a pas fourni d'estimation du coût de ces mesures, tout en jugeant qu'il devrait être faible. Ce pronostic gagnera toutefois à être vérifié dans le temps.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 16 (Art. 885 T ter [nouveau] du code général des impôts) - Impôt de solidarité sur la fortune - Absence de prise en compte des créances détenues par des personnes non résidentes à l'égard des sociétés à prépondérance immobilière dans la valorisation des parts

Commentaire : le présent article vise à ce que les créances détenues par des personnes non résidentes à l'égard des sociétés à prépondérance immobilière ne soient pas prises dans la valorisation des parts de ces sociétés pour le calcul de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF).

I. LE DROIT EXISTANT

A. L'ISF FRAPPE LA VALEUR NETTE DES BIENS DES REDEVABLES

Aux termes de l'article 885 E du code général des impôts, l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) est constituée par la valeur nette , au 1 er janvier de l'année, de l'ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant aux redevables définis à l'article 885 A du même code.

Ainsi, c'est bien la fortune réelle des intéressés, nette des dettes en cours ayant permis l'acquisition des biens frappés par l'impôt, qui entre dans l'assiette de l'ISF.

B. L'EXONÉRATION DES PLACEMENTS FINANCIERS DES NON-RÉSIDENTS

Selon les dispositions de l'article 885 L du même code, les personnes physiques qui n'ont pas en France leur domicile fiscal ne sont pas imposables à l'ISF sur leurs placements financiers .

Ce même article précise toutefois que ne sont pas considérées comme placements financiers les actions ou parts détenues par ces personnes dans une société ou personne morale dont l'actif est principalement constitué d'immeubles ou de droits immobiliers situés sur le territoire français, et ce à proportion de la valeur de ces biens par rapport à l'actif total de la société.

C. LE PROBLÈME SPÉCIFIQUE DES SOCIÉTÉS CIVILES IMMOBILIÈRES

La combinaison de ces deux articles peut poser des problèmes d'application en cas de détention de parts de sociétés civiles immobilières (SCI) par des non-résidents.

En effet, la valeur d'une part de SCI se calcule en divisant l'actif net comptable de la société par le nombre de parts.

Or, l'actif net comptable d'une SCI correspond à la valeur de l'immeuble inscrit à l'actif augmentée des comptes bancaires et minorée des dettes inscrites au passif (emprunt, dettes vis-à-vis des associés par apport des comptes courants...). Ainsi la valeur patrimoniale correspond à la valeur actualisée des actifs diminuée du passif exigible.

Les placements financiers des non-résidents étant exonérés, les comptes des associés non-résidents ne sont pas repris à l'actif lors de la valorisation des parts. En revanche, les apports en compte courant des associés non-résidents figurent au passif des comptes de la SCI.

En conclusion, l'exonération des placements financiers des non-résidents entraîne une minoration de la valeur des parts sociales des SCI détenues par des non-résidents en cas d'imposition à l'ISF , ce qui ouvre la porte à des schémas d'optimisation spécifiques.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article propose de répondre au problème décrit ci-dessus en insérant dans le code général des impôts un nouvel article 885 ter aux termes duquel les créances détenues , directement ou par l'intermédiaire d'une ou plusieurs sociétés interposées, par des personnes n'ayant pas leur domicile fiscal en France sur une SCI, ne seraient pas déduites pour la détermination de la valeur des parts que ces personnes détiennent dans la société .

Le principe général d'exonération des actifs financiers des non-résidents serait ainsi maintenu, la mesure proposée pouvant s'interpréter comme une simple modification de la méthode de calcul de la valeur des parts d'une SCI.

Le II du présent article propose que ces dispositions s'appliquent à l'ISF dû à compter de l'année 2012.

Le gain pour l'Etat est estimé à 20 millions d'euros .

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur général ne peut qu' approuver une mesure visant à prévenir les abus et le contournement de la norme fiscale .

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 17 (Art. 164 C, 197 A, 234 sexdecies [nouveau] et 1729 B du code général des impôts) - Taxe sur les résidences secondaires des non-résidents

Commentaire : le présent article vise à instituer une taxe sur les résidences secondaires des non-résidents au profit du budget général de l'Etat. Cette nouvelle imposition a pour finalité d'assurer la participation des non-résidents possédant des locaux d'habitation en France au financement des services publics.

I. LE DROIT EXISTANT : LA TAXE FORFAITAIRE SUR LES LOCAUX D'HABITATION DONT DISPOSENT EN FRANCE LES NON-RÉSIDENTS

A. LA TAXATION FORFAITAIRE DES NON-RÉSIDENTS DISPOSANT DE LOCAUX D'HABITATION EN FRANCE AU TITRE DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

Les contribuables domiciliés hors de France sont, au titre de l'article 164 C du code général des impôts (CGI), assujettis à l'impôt sur le revenu (IR) dès lors qu'ils disposent d'une ou plusieurs habitations sur le territoire français, et ce même s'ils ne perçoivent pas de revenus de source française. Ainsi, les non-résidents sont, en principe, imposables sur une base forfaitaire correspondant à trois fois la valeur locative réelle des locaux d'habitation dont ils ont la disposition .

La notion de disposition d'une habitation en France est entendue au sens large, puisqu'elle renvoie tant aux situations de droit - telles que la propriété, l'usufruit, le droit d'habitation ou encore la location - que de fait, comme lorsqu'une habitation est louée fictivement à un proche parent 218 ( * ) . De même, les contribuables disposant d'une habitation sous le couvert d'un tiers sont soumis à la taxe forfaitaire 219 ( * ) .

B. LA MULTIPLICATION DES EXCEPTIONS À CE RÉGIME : UN PRODUIT FISCAL EN CONSTANT DECLIN

L'assujettissement à l'IR des non-résidents disposant de locaux d'habitation sur le territoire français, prévu à l'article 164 C du code général des impôts, connaît néanmoins de nombreuses exceptions , notamment du fait de l'application des conventions fiscales internationales, ce qui explique que les recettes fiscales de ce régime d'imposition ne se soient élevées qu'à 2 millions d'euros en 2008 .

En premier lieu, l'article 164 C précité dispose que, lorsque les revenus de source française des intéressés sont supérieurs à la base correspondant à trois fois la valeur locative des locaux d'habitation dont ils disposent, le montant de ces revenus sert de base à l'impôt. Ainsi, l'imposition forfaitaire ne s'applique pas aux contribuables dont les revenus de source française sont supérieurs à la base forfaitaire .

D'autre part, sont exonérés de la taxation forfaitaire les contribuables, tant de nationalité française qu'étrangère, qui sont domiciliés dans un Etat ayant conclu une convention fiscale tendant à éviter la double imposition avec la France ; de même, certaines conventions excluent explicitement l'application de l'article 164 C du CGI aux contribuables concernés, à l'instar de la convention de non-double imposition signée avec les Etats-Unis 220 ( * ) . La multiplication des conventions fiscales auxquelles la France est partie a conduit à l'exclusion du champ d'application de la taxe forfaitaire d'une très large part des contribuables concernés .

Les contribuables de nationalité française résidant dans des Etats ayant conclu des accords de réciprocité avec la France, ne sont pas soumis à la taxe forfaitaire dès lors qu'ils justifient être soumis, dans le pays où est situé leur domicile fiscal, à un impôt personnel sur leur revenu et si cet impôt est au moins égal aux deux tiers de celui qu'ils auraient eu à supporter en France sur la même base d'imposition . La doctrine a étendu cette exonération au profit des nationaux des pays liés avec la France par un accord de réciprocité.

Enfin, le deuxième alinéa de l'article 164 C du CGI précise aussi que la taxe forfaitaire ne s'applique pas aux contribuables de nationalité française l'année du transfert hors de France du domicile fiscal ainsi que les deux années suivantes, s'ils justifient que ce transfert est motivé par des impératifs d'ordre professionnel . Ainsi, l'activité résultant de l'expatriation doit procurer au foyer fiscal des revenus ayant leur source dans une activité professionnelle (salaires, bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices non commerciaux, bénéfices agricoles). Toutefois, pour bénéficier de cette exonération, les contribuables concernés doivent avoir été domiciliés en France de manière continue pendant les quatre années qui précèdent celle du transfert.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA TAXE SUR LES RÉSIDENCES SECONDAIRES DES NON-RÉSIDENTS

A. LES OBJECTIFS

L'institution d'une taxe sur les résidences secondaires des non-résidents vise à garantir la participation des non-résidents, français et nationaux d'autres pays, propriétaires d'une ou plusieurs habitations en France, au financement des services publics « nationaux et locaux » dont ils bénéficient. Cette finalité est partagée avec le dispositif jusqu'à présent prévu à l'article 164 C du code général des impôts ; néanmoins, l'application effective de ce dernier est limitée du fait des nombreuses exonérations dont il fait l'objet, comme le révèle son faible rendement. De ce fait, le I du présent article ( alinéa 1 ) prévoit l'abrogation de l'article 164 C du code général des impôts, et à des fins de coordination, du b de l'article 197 A du même code.

Le II du présent article ( alinéas 2 à 18 ) propose d'insérer, au chapitre III du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts, une nouvelle section V ter intitulée « Taxe sur les résidences secondaires des non-résidents », comprenant un article 234 sexdecies .

B. LES CARACTERISTIQUES

1. Les redevables

Le 1 du I de ce nouvel l'article 234 sexdecies prévoit que sont assujettis à la nouvelle taxe les personnes physiques directement ou indirectement propriétaires d'un ou de plusieurs locaux affectés à l'habitation dont elles ont la libre disposition, qui ne sont pas leur domicile fiscal en France ( alinéa 5 ), et ce à partir du 1 er janvier 2012 ( alinéa 20 ). Cette taxe concerne par conséquent les contribuables, qu'ils soient de nationalité française ou étrangère , ayant la propriété d'une ou de plusieurs résidences secondaires en France. Cependant, conformément à la doctrine fiscale développée au titre de l'article 164 C du CGI, les contribuables devant avoir la libre disposition des habitations concernées, ils ne sauraient être soumis à la taxe créée par le présent article si celles-ci sont indisponibles juridiquement (par exemple, si elles sont données en location) 221 ( * ) ; une telle situation serait cependant exclue dans le cas d'une location fictive 222 ( * ) .

2. L'assiette

L'assiette de la taxe est constituée de la valeur locative des résidences secondaires possédées en France par les non-résidents, telle que définie à l'article 1409 du code général des impôts 223 ( * ) ( alinéa 6 ). Ainsi, le présent dispositif apparaît comme une taxe additionnelle à la taxe sur les propriétés bâties (TFPB). Le choix de cette assiette, même si elle renvoie aux lacunes du système des valeurs locatives, permet d'assurer l'effectivité du dispositif ; dès lors que la taxe porte sur la propriété foncière et non sur les revenus des non-résidents, cette imposition est applicable sans qu'il y ait contradiction avec les conventions fiscales tendant à supprimer les doubles-impositions sur le revenu .

La valeur locative des résidences possédées par les non-résidents servant au calcul de la taxe est arrêtée au 1 er janvier de l'année d'imposition ( alinéa 9 ).

3. Le taux

Le taux de la taxe sur les résidences secondaires des non-résidents est fixé à 20 % ( alinéa 6 ). A titre de comparaison, le taux moyen de la taxe foncière sur les propriétés bâties approche, lui aussi, 20 % en 2011.

4. Les modalités de recouvrement

Les 2 et 3 du II du nouvel article 234 sexdecies prévoient les modalités de calcul de la taxe due lorsque les résidences fondant l'imposition sont détenues indirectement ou possédées en indivision . Ainsi, dans le cadre d'une indivision, la taxe est due à proportion de la part des co-indivisaires ( alinéa 7 ) ; de même, si un local d'habitation est détenu par l'intermédiaire d'une société à prépondérance immobilière 224 ( * ) , les associés sont redevables de la taxe à proportion de leur quote-part dans la société ( alinéa 8 ).

Le III de l'article 234 sexdecies précise les obligations déclaratives auxquelles sont soumis les assujettis à la taxe sur les résidences secondaires des non-résidents, de même que les modalités inhérentes au contrôle, au recouvrement et au contentieux de celle-ci ( alinéas 12 à 19 ).

Les propriétaires non-résidents de locaux d'habitation assujettis à la taxe, qu'ils soient des personnes physiques ou des sociétés à prépondérance immobilière, sont tenus de déposer une déclaration auprès du service des impôts des particuliers du lieu de situation de ces locaux au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le 1 er mai de l'année au titre de laquelle l'impôt est dû ( alinéas 13 et 15 ) ; pour les personnes physiques redevables de la taxe le 1 er janvier 2012, celle-ci doit être déposée au plus tard le 3 mai de la même année ( alinéa 17 ). Les déclarations comportent les noms et coordonnées à l'étranger soit des personnes physiques possédant directement des résidences en France - ou celles de leur représentant prévu à l'article 164 D du code général des impôts 225 ( * ) -, soit des associés des sociétés à prépondérance immobilière par l'intermédiaire desquelles des personnes physiques sont propriétaires de locaux d'habitation ; ces déclarations doivent aussi indiquer la fraction de l'immeuble détenue dans le cadre des indivisions ou les parts des sociétés à prépondérance immobilière dont disposent les associés ( alinéas 14 et 15 ). Enfin, doivent être précisées les coordonnées des locaux d'habitation concernés par la taxe.

Le IV de l'article 234 sexdecies ( alinéa 18 du présent article) prévoit que le contrôle, le recouvrement, les garanties, les sanctions et le contentieux de la taxe sur les résidences secondaires des non-résidents sont régis comme en matière de taxe d'habitation. Au titre des sanctions fiscales, le présent article ajoute au sein de l'article 1729 B du code général des impôts une mention de l'article 234 sexdecies précité ( alinéa 19 ) ; ainsi, les omissions ou inexactitudes constatées dans les déclarations des contribuables concernés entraînent l'application d'une amende de 150 euros par omission ou inexactitude , sans que le total puisse être supérieur à 10 000 euros.

C. UNE PRISE EN COMPTE DU DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE ET DES LIBERTÉS DE CIRCULATION

Le Gouvernement a cherché à assurer la compatibilité du dispositif proposé avec le droit de l'Union européenne et à préserver la liberté de circulation des personnes.

Le 1 du I du nouvel article 234 sexdecies du code général des impôts, dont la création est prévue par le présent article, précise que ne sont soumis à la taxe que les non-résidents dont les revenus de source française représentent moins de 75 % de leurs revenus mondiaux ( alinéa 5 ). En excluant du champ de la taxe les contribuables qui, sans avoir leur domicile fiscal en France, y perçoivent l'essentiel de leurs revenus imposables, le dispositif vise à garantir sa compatibilité avec le droit de l'Union européenne .

En effet, si les impôts directs n'entrent pas dans le domaine de compétence de l'Union européenne, les Etats membres sont tenus, en la matière, de respecter les normes européennes . En principe, la libre circulation des travailleurs et la liberté d'établissement, posées respectivement aux articles 45 et 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), ne s'opposent pas à ce qu'un non-résident soit plus lourdement imposé sur ses revenus qu'un résident, dans la mesure où ces deux contribuables ne se trouvent pas dans une situation comparable. Toutefois, dans l'hypothèse où un résident et un non-résident seraient dans une situation objectivement comparable , une telle différence de traitement se révèlerait incompatible avec les libertés de circulation consacrées par le droit de l'Union européenne, sauf à ce qu'elle soit justifiée par un motif impérieux d'intérêt général 226 ( * ) . Ainsi, conformément à l'arrêt « Schumacker » 227 ( * ) , rendu par la Cour de justice des communautés européennes (CJCE), un non-résident percevant l'essentiel de ses revenus en France ne saurait être assujetti à une imposition plus lourde sur ses revenus qu'un résident occupant le même emploi ou la même activité sans que cela ne constitue une entrave à la libre circulation des travailleurs ou à la liberté d'établissement .

Par suite, en prévoyant le non-assujettissement à la taxe des contribuables non-résidents dès lors que leurs revenus de source française représentent plus de 75 % de leurs revenus mondiaux, le dispositif proposé cherche à assurer un traitement identique des résidents et non-résidents qui se trouvent dans une situation comparable, en conformité avec la libre circulation des travailleurs et la liberté d'établissement consacrées par les traités de l'Union européenne . Le seuil retenu par le présent article à partir duquel la situation d'un non-résident est donc considérée comme comparable à celle d'un résident, soit 75 % de revenus de source française au moins, correspond à celui qui a été suggéré par la Commission européenne dans une recommandation du 21 décembre 1993 228 ( * ) .

Afin de ne pas entraver la libre circulation des personnes, notamment pour des motifs d'ordre professionnel, le II du nouvel article 234 sexdecies ( alinéa 10 du présent article) prévoit par ailleurs que la taxe ne s'applique pas aux contribuables ayant transféré leur domicile fiscal hors de France la première année du transfert et les cinq années suivantes . Les redevables concernés, pour bénéficier de cette exception, doivent néanmoins avoir été fiscalement domiciliés en France pendant trois années consécutives dans les dix années précédant celle du transfert. L' alinéa 11 du présent article précise les modalités de décompte des cinq années suivant celle du transfert de domicile hors de France.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Outre six amendements rédactionnels ou de précision, l'Assemblée nationale a modifié cet article sur plusieurs points.

A. L'ABAISSEMENT DU SEUIL À PARTIR DUQUEL LA SITUATION D'UN NON-RÉSIDENT EST CONSIDÉRÉE COMME COMPARABLE À CELLE D'UN RÉSIDENT

Afin d'assurer la compatibilité du dispositif proposé avec le droit de l'Union européenne, le présent article prévoit que les contribuables non-résidents ne sont pas assujettis à la taxe dès lors que l'essentiel de leurs revenus mondiaux sont de source française. Ainsi, le présent article, dans sa rédaction initiale, prévoyait que le seuil à partir duquel la situation d'un non-résident est considérée comme comparable à celle d'un résident était fixé à 75 %.

A l'initiative de notre collègue Gilles Carrez, rapporteur général du budget, avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à réduire ce seuil à 50 % des revenus mondiaux , ce qui réduit le nombre de redevables potentiels de la taxe

B. LE RENFORCEMENT DES OBLIGATIONS DÉCLARATIVES

A l'initiative de notre collègue Gilles Carrez, avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements visant à préciser les obligations déclaratives auxquelles sont soumis les contribuables.

Tout d'abord, un amendement modifie le présent article afin d'insérer une référence au nouvel article 234 sexdecies du CGI à l'article 1729 B du même code. Il s'en suit que, sauf en cas de force majeure, les omissions ou inexactitudes relevées dans les déclarations adressées par les contribuables entraînent l'application d'une amende de 150 euros par omission ou inexactitude, sans que le total des amendes puisse être supérieur à 10 000 euros.

Ensuite, un amendement insère un nouveau 2 bis du III de l'article 234 sexdecies du CGI afin de compléter les obligations déclaratives des contribuables en cas de modification de leurs coordonnées ou de la composition de leur patrimoine immobilier imposé . Par conséquent, les déclarations adressées par les contribuables doivent également être déposées en cas de modification de leurs coordonnées à l'étranger ou de celles de leur représentant en France, ainsi qu'en cas de modification des coordonnées du local, de la fraction qu'elles détiennent en indivision ou de leurs droits dans la société au sein de laquelle sont détenues, le cas échéant, les habitations situées en France.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. UNE TAXE DUE PAR LES FRANÇAIS DE L'ÉTRANGER, ET QUI NE PEUT DONC PAS ÊTRE CONSIDÉRÉE COMME PORTANT SUR LES RÉSIDENCES SECONDAIRES

L'intitulé de la taxe est trompeur. En effet, dès lors que les redevables sont constitués à la fois des non-résidents étrangers et des français de l'étranger, il n'est plus possible de raisonner en termes de résidence principale ou de résidence secondaire.

Pour nos compatriotes français de l'étranger, leur principale habitation en France ne saurait être assimilée à une résidence secondaire puisqu'elle constitue leur nécessaire point d'ancrage à leur pays (ce qui n'empêche pas que certains d'entre eux y possèdent également de « vraies » résidence secondaires) voire, selon la situation politique des Etats dans lesquels ils résident, une véritable base arrière.

On peut relever que, si les dispositions du présent article étaient définitivement adoptées, le régime de la fiscalité des résidences en France des français de l'étranger passerait d'une situation dans laquelle nos compatriotes non-résidents bénéficiaient d'un avantage par rapport aux résidents à une situation dans laquelle il devrait acquitter une taxe spécifique (quand bien même elle serait justifiée par la nécessité de participer aux charges de service public). En effet, l'article 91 de la loi de finances pour 2011, adopté à l'initiative de votre commission des finances, a normalisé, à l'article 150 U du code général des impôts, l'exonération particulière prévue en faveur de l'habitation en France des non-résidents en la rendant applicable à la seule première cession (par parallélisme avec le régime applicable à la cession de leur résidence principale par les résidents 229 ( * ) ), et non plus aux deux premières cessions.

B. UNE PARTICIPATION RENFORCÉE DES NON-RÉSIDENTS POSSÉDANT UNE HABITATION EN FRANCE AU FINANCEMENT DES SERVICES PUBLICS

Selon le Gouvernement, l'instauration de la taxe sur les résidences secondaires des non-résidents doit permettre de renforcer, de manière équitable, la participation de ces derniers au financement des services publics nationaux dont ils bénéficient .

Pour autant, si la participation fiscale actuelle des non-résidents possédant une habitation en France demeure limitée, elle n'en est pas pour autant inexistante . Ainsi, les personnes physiques n'ayant pas leur domicile fiscal en France sont soumises, le cas échéant, à l' impôt de solidarité sur la fortune à raison de leurs biens, et donc de leurs locaux d'habitation, situés sur le territoire français 230 ( * ) . Il convient toutefois de préciser que le droit d'imposer sur la base d'éléments patrimoniaux est susceptible d'être partagé avec l'Etat de résidence du contribuable au titre des conventions internationales visant à éliminer les doubles impositions. Enfin, les non-résidents sont redevables, du fait de la détention de locaux d'habitation en France de la taxe foncière et de la taxe d'habitation et contribuent, de la sorte, au financement des services publics locaux.

La participation des non-résidents détenant des habitations sur le territoire français n'est cependant que limitativement reliée à leurs facultés contributives réelles dès lors que leur soumission à l'impôt sur le revenu ne porte que sur leurs revenus de source française 231 ( * ) , alors même que ceux-ci tirent la majeure partie de leurs revenus d'activités situées hors de France.

En outre, les non-résidents possédant des habitations en France bénéficient d'une exonération spécifique d'impôt sur le revenu ; ainsi, les plus-values réalisées lors de la cession des immeubles qui constituent l'habitation en France des personnes physiques non-résidentes ne sont pas imposées au titre de l'impôt sur le revenu, dans certaines conditions, conformément aux dispositions de l'article 150 U du CGI.

C. UNE TAXE QUI PARTICIPE A L'ÉQUILIBRE FINANCIER DE LA REFORME DE LA FISCALITE DU PATRIMOINE

La nouvelle contribution des non-résidents participe à l'équilibre financier de la réforme de la fiscalité du patrimoine. En effet, le produit fiscal de la taxe sur les résidences secondaires des non-résidents devrait s'élever à 176 millions d'euros par an, soit environ 10 % du coût de la réforme de l'impôt de solidarité sur la fortune .

En outre, cette taxe procure à l'Etat une ressource pérenne et stable dont le rendement devrait être garanti, dès lors que le dispositif serait jugé compatible avec le droit de l'Union européenne 232 ( * ) ; de même, le choix de la valeur locative des habitations situées en France pour assiette permet d'éviter les exonérations résultant des conventions fiscales tendant à supprimer les doubles-impositions sur le revenu. Par conséquent, l'application effective de la taxe semble assurée, à la différence du régime actuel prévu par l'article 164 C du code général des impôts.

Si le rendement projeté de cette taxe est rapporté au nombre de résidences détenues en France par des non-résidents, l'imposition moyenne acquittée se révèle relativement mesurée. En reprenant les données publiées par la direction du Tourisme en 2007 233 ( * ) , le Gouvernement estime à 363 000 le nombre de résidences secondaires des non non-résidents en 2011 ; en conséquence, le montant de la taxe devrait s'élever en moyenne à 485 euros environ par résidence.

Si ce montant pourrait être qualifié de modéré au regard de la situation de non-résidents étrangers possédant une résidence secondaire en France, les conséquences d'une telle taxe sur nos compatriotes français de l'étranger mérite d'être regardées de manière approfondie, compte tenu leurs situations économiques et patrimoniales contrastées.

D. UNE ESTIMATION DU RENDEMENT QUI DEVRAIT ÊTRE AFFINÉE

La méthode d'évaluation utilisée repose principalement sur la valeur locative des locaux d'habitation pour lesquels la taxe foncière a été adressée à l'étranger et le nombre des résidences secondaires des non-résidents.

Or, cette méthode ne tient pas compte des exonérations - prévues au II du nouvel article 234 sexdecies - dont bénéficieront, le cas échéant, les contribuables ayant transféré leur domicile hors de France durant les six années suivant le transfert , ce qui peut laisser envisager que le rendement effectif de la taxe sera plus faible que celui annoncé. En effet, il est clair que des résidences secondaires sont susceptibles d'être détenues par des contribuables bénéficiant de cette exonération et devraient donc être exclues du calcul auquel il est procédé dans cette évaluation.

Décision de la commission : votre commission a décidé de réserver sa position sur cet article.

ARTICLE 17 bis (nouveau) (Art. 163 bis, 170 et 1417 du code général des impôts, art. 15 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996) - Aménagement de l'imposition des prestations de retraite versées sous forme de capital

Commentaire : le présent article additionnel, adopté à l'initiative du Gouvernement, modifie les dispositifs d'imposition des prestations de retraite versées sous forme de capital.

I. LE DROIT EXISTANT : LE RÉGIME DES PRESTATIONS DE RETRAITE VERSÉES SOUS FORME DE CAPITAL DE SOURCE ÉTRANGÈRE OU FRANÇAISE

Le législateur, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2010 234 ( * ) du 29 décembre 2010, a complété les dispositifs d'imposition des prestations de retraite versées sous forme de capital .

Il a tout d'abord introduit dans le droit fiscal des mesures permettant la taxation en France de pensions d'origine étrangère versées sous forme de capital.

Il a ensuite prévu les modalités d'imposition du nouveau droit à rachat, instauré par la loi portant réforme des retraites 235 ( * ) , d'un plan d'épargne retraite populaire ( PERP ) 236 ( * ) ou d'un contrat qui relève du régime de retraite complémentaire institué par la Caisse nationale de prévoyance de la fonction publique ( Préfon ) 237 ( * ) .

A. L'IMPOSITION DES PENSIONS VERSÉES SOUS FORME DE CAPITAL

1. La taxation des pensions versées sous forme de capital par un organisme établi dans un pays étranger

Avant l'entrée en vigueur de la loi de finances rectificative pour 2010 précitée, certaines pensions de retraite versées sous forme de capital par des organismes de retraite établis dans des pays étrangers à des personnes résidant en France, échappaient à toute imposition .

Ce constat était apparu lors de la négociation de l'avenant à la convention entre la France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune 238 ( * ) .

En effet, l'articulation du dispositif fiscal français alors en vigueur avec les stipulations de la convention créait un vide juridique . A titre d'illustration, il convient de mentionner que les anciens travailleurs frontaliers, résidant en France et percevant des pensions sous forme de capital en provenance de Suisse n'étaient imposés :

- ni en France , le droit interne français ne prévoyant pas alors de mécanisme général d'imposition pour les pensions versées en capital ;

- ni en Suisse , en raison des dispositions de la convention fiscale prévoyant l'imposition de ces ressources en France 239 ( * ) .

En conséquence, l'article 59 de la loi de finances rectificative a posé le principe de l'imposition aux revenus des pensions versées en tout ou partie sous forme de capital à l'article 79 du code général des impôts (CGI).

2. La fiscalisation du nouveau droit à rachat d'un « Préfon » ou d'un PERP

Les PERP et contrats « Préfon » étaient considérés comme des produits « tunnel », avant l'entrée en vigueur de la loi portant réforme des retraites, puisque seule une sortie en rente viagère était autorisée , à l'exception de la sortie en capital d'un Perp dans le cadre de la première accession à la propriété de la résidence principale 240 ( * ) .

La loi portant réforme des retraites, qui a instauré au profit des détenteurs de PERP et de contrats « préfon » un droit au rachat dans la limite de 20 % 241 ( * ) de la valeur du contrat, avait renvoyé les modalités de l'imposition des sommes ainsi versées à un véhicule législatif budgétaire. Le régime fiscal de cette sortie en capital a été fixé dans la loi de finances rectificative pour 2010 précitée.

B. UNE IMPOSITION SELON LE MÉCANISME D'UN QUOTIENT DIT « DE QUINZE »

L'article 59 de la loi de finances rectificative précitée modifiant le II de l'article 163 bis du CGI instaure une nouvelle modalité d'imposition du montant des prestations de retraite versées sous forme de capital 242 ( * ) en prévoyant l'application d'un quotient dit « de quinze » pour l'établissement de l'impôt sur le revenu .

Il convient de rappeler qu'au moment de l'examen de la loi de finances rectificative, l'unique modalité d'imposition d'une retraite versée en capital était alors prévue dans le cadre d'un rachat d'un Perp pour acquérir la résidence principale 243 ( * ) . Le capital versé fait, en effet, l'objet d'une imposition fractionnée en parts égales sur l'année en cours de versement ainsi que sur les quatre années suivantes 244 ( * ) .

Cette nouvelle imposition se voulant simple et équitable , elle lui préféra le système du quotient . Un tel mécanisme existait aux termes de l'article 163-0-A du CGI. Celui-ci autorise un contribuable à ce « que l'impôt correspondant à un revenu [exceptionnel qui par sa nature n'est pas susceptible d'être recueilli annuellement, tel une prime de départ], soit calculé en ajoutant le quart du revenu exceptionnel net à son revenu net global imposable et en multipliant par quatre la cotisation supplémentaire ainsi obtenue 245 ( * ) . »

Prenant en compte l'espérance de vie moyenne des personnes qui partent en retraite estimée à quinze ans, le quotient dit de quinze a donc été créé afin d'imposer les prestations de retraite versées en capital, de source étrangère comme française, c'est-à-dire le rachat d'un contrat Perp ou Préfon à hauteur de 20 %.

Selon ce mécanisme, le montant du capital versé est donc divisé en quinze . Puis le résultat est ajouté au revenu net global de l'année du versement du capital. L'impôt dû est égal à l'impôt supplémentaire ainsi obtenu multiplié par quinze . Il doit être acquitté dans l'année qui a donné lieu au versement.

Ce quotient « de quinze » ne joue que sous la double condition :

- d'une demande expresse du bénéficiaire ;

- d'un montant de prestations supérieur à 6 000 euros, lorsque le versement n'est pas fractionné et que le bénéficiaire justifie que les cotisations versées durant la phase de constitution des droits étaient déductibles de son revenu imposable 246 ( * ) .

Si le contribuable n'en demande pas l'application, le quotient de droit commun de l'article 163-0-A du CGI est utilisé , soit un quotient « de quatre », en fonction duquel l'impôt dû est calculé en ajoutant le quart du revenu exceptionnel net à son revenu net global imposable et en multipliant par quatre la cotisation supplémentaire ainsi obtenue.

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE :
UN NOUVEAU PRÉLÈVEMENT LIBÉRATOIRE DE 7,5 %

Le présent article a été introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, sur avis favorable de la commission des finances.

Le premier alinéa du I du présent article vise à substituer à l'option du quotient « de quinze », un taux de prélèvement libératoire de 7,5 % comme modalité d'imposition des prestations de retraite versées en capital de source étrangère ou française.

Cette option est exercée sur demande expresse et irrévocable du bénéficiaire. Le taux s'applique sur le montant des sommes perçues en capital après application d'un abattement de 10 % .

Le second alinéa du I modifie le deuxième alinéa du II de l'article 163 bis du CGI. Il prévoit que ce taux s'applique, quel que soit le montant du capital versé .

Le reste de l'alinéa demeure inchangé. Le prélèvement au taux de 7,5 % peut être utilisé lorsque le versement n'est pas fractionné et que le bénéficiaire justifie que les cotisations versées durant la phase de constitution des droits, y compris le cas échéant par l'employeur, étaient déductibles de son revenu imposable ou étaient afférentes à un revenu exonéré dans l'État auquel était attribué le droit d'imposer celui-ci.

Les II, III et IV constituent des mesures de coordination respectivement aux articles 170 et 1417 du CGI ainsi qu'à l'article 15 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale.

Le V du présent article dispose que ces mesures s'appliquent à compter de l'imposition des revenus de 2011.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur général s'interroge sur la pertinence de modifier un mécanisme mis en place il y a moins de six mois, lors de la loi de finances rectificative pour 2010 du 29 décembre 2010, dans le but de combler un vide juridique. La loi a prévu, en effet, l'imposition des prestations de retraite en capital qui sont versées, soit par un organisme étranger, soit au titre du nouveau droit au rachat d'une partie de la valeur d'un PERP ou d'un contrat Préfon, instauré par la loi portant réforme des retraites.

La volonté politique d'instaurer une imposition simple et équitable a conduit à mettre en oeuvre, sur demande expresse du contribuable, un quotient prévu dit « de quinze », afin de permettre une plus grande progressivité de l'impôt sur le revenu . En effet, en ajoutant, pour le calcul de l'impôt sur le revenu, un quinzième du capital versé au revenu net global et non pas la totalité de ce capital, la charge de l'impôt dû en totalité est atténuée.

Cependant, il est apparu que ce quotient pourrait ne pas être adapté à la situation des travailleurs frontaliers, en raison d'un ressaut d'imposition important l'année du départ en retraite . « La législation étrangère permet souvent aux résidents français exerçant leur activité professionnelle à l'étranger, notamment dans les régions frontalières, de percevoir une prestation de retraite en capital, imposable alors la même année que leurs derniers salaires d'activité » 247 ( * ) .

Ainsi qu'il en est fait l'écho dans les débats à l'Assemblée nationale, cette fiscalité dérogatoire serait justifiée par l'importance du montant de ces retraites de source étrangère versées en capital qui pourrait favoriser l'évasion fiscale lors de la liquidation des droits à la retraite, si elle n'est pas corrigée.

Or, la modification des modalités d'imposition des prestations de retraite versées en capital, définies dans le cadre de la loi de finances rectificative du 29 décembre 2010, soulève trois interrogations quant aux conséquences d' un prélèvement libératoire de 7,5 % , après application d'un abattement de 10 %, au lieu de l'application d'un quotient « de quinze » pour l'établissement de l'impôt sur le revenu , prévu en décembre dernier.

Tout d'abord, indépendamment du coût d'une telle mesure qui n'a pu être communiqué, cette disposition pourrait créer un nouvel espace d'optimisation fiscale , contraire à la démarche que votre rapporteur général a entrepris, en accord avec la commission des finances.

Ensuite, le niveau du taux du prélèvement à 7,5 % peut paraître modeste . Il aurait toutefois été fixé par référence au taux du prélèvement appliqué au capital versé dans le cadre d'un contrat d'assurance-vie, détenu depuis plus de huit ans l'assurance sur la vie. Il correspond également à un taux moyen des taux d'imposition des régimes fiscaux comparables à l'étranger. Tout récemment, dans un autre domaine que celui des retraites complémentaires, un taux de 14 % a été fixé pour les rentes versées au titre des retraites supplémentaires de l'article 39 du CGI liquidées à compter du 1 er janvier 2011 lorsqu'elles excèdent 600 euros mensuels 248 ( * ) .

Enfin, le traitement du cas particulier des travailleurs frontaliers conduit à ériger une nouvelle règle générale dès lors qu'il doit s'appliquer aussi à des prestations de source française. Cette disposition pourrait avoir pour conséquence de complexifier un peu plus le régime fiscal de l'épargne retraite par son application aux sorties en capital du PERP et des contrats Préfon.

C'est pourquoi votre commission vous propose de réserver sa position sur cet article, afin de mesurer son impact, tant sur la situation des travailleurs frontaliers qu'en termes de coût pour les finances publiques.

Décision de la commission : votre commission a décidé de réserver sa position sur cet article.

ARTICLE 17 ter (nouveau) (Art. 199 terdecies-0 A et 885-0 V bis du code général des impôts) - Suppression de la condition relative au nombre de salariés pour les entreprises permettant à leurs investisseurs de bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu ou d'impôt de solidarité sur la fortune

Commentaire : le présent article vise à supprimer la condition relative au nombre de salariés que doivent respecter les entreprises permettant à leurs investisseurs de bénéficier de la réduction d'impôt sur le revenu dite « Madelin » ou d'impôt de solidarité sur la fortune dite « ISF-PME ».

I. LE DROIT EXISTANT

Aux termes de l'article 199 terdecies -0 A du code général des impôts, un contribuable peut bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu (IR) de 25 % 249 ( * ) au titre des investissements dans les petites moyennes entreprises (PME) et fixe les conditions dans lesquelles cet avantage fiscal trouve à s'appliquer.

A l'article 885-0 V bis du même code se trouve codifié un dispositif similaire, quoique plus puissant (son taux étant actuellement de 50 %) concernant l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF).

L'article 38 de la loi de finances pour 2011 (loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010) a procédé à une réforme d'ampleur de ces deux articles afin d'en harmoniser le champ et d'en améliorer l'efficacité économique 250 ( * ) .

A cette occasion, le Parlement, à l'initiative de votre rapporteur général, a imposé aux contribuables d'investir dans des sociétés comptant « au moins deux salariés à la clôture de son premier exercice ou un salarié si elle est soumise à l'obligation de s'inscrire à la chambre de métiers et de l'artisanat » pour pouvoir bénéficier des avantages fiscaux précités. Les législateur a ainsi considéré que seuls doivent être soutenus les apports aux entreprises exerçant une activité réelle.

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Nicolas Forissier, et qui a reçu des avis favorables de la commission des finances et du Gouvernement, vise à revenir sur cette condition, c'est-à-dire à supprimer la condition relative au nombre de salariés que doit respecter toute société « éligible » aux réductions d'impôts « Madelin » ou « ISF-PME » .

A cette fin, il propose l'abrogation des alinéas où sont codifiées ces dispositions, à savoir :

- le c bis du 2° du I de l'article 199 terdecies -0 A du code général des impôts ;

- le e bis du 1 du I de l'article 885-0 V bis du même code.

Cette abrogation s'appliquerait aux souscriptions effectuées à compter du 1 er janvier 2011.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

L'adoption du présent article aboutirait à ce que la condition relative au nombre de salariés que doivent respecter les entreprises pouvant faire bénéficier leurs souscripteurs des avantages fiscaux précités ne trouve jamais à s'appliquer sur une année pleine, celle-ci ayant pris effet au 1 er janvier 2011. Il est d'ailleurs à noter que le 2° du I, relatif à l'ISF, est susceptible d'avoir des conséquences sur le solde de l'année 2011 et n'a pas donc pas sa place dans la seconde partie du présent projet de loi de finances rectificative.

Or cela paraît difficilement acceptable. Pour utiles qu'ils soient, les dispositifs « Madelin » et « ISF-PME » ne doivent pas être détournés dans le cadre de purs montages de défiscalisation mais, au contraire, orientés vers des entreprises ayant une activité économique réelle .

De ce point de vue, l'emploi de salariés constitue un critère pertinent, même s'il peut être interprété avec une certaine souplesse par l'administration (par exemple en relevant que la loi ne parle pas d'emploi à temps plein pour les salariés concernés), notamment lors des premières années d'existence d'une société. L'Etat n'aurait, à l'inverse, aucun intérêt à subventionner des « coquilles vides » non plus que des sociétés ne créant durablement aucun emploi .

Votre rapporteur général propose donc d'en rester à l'équilibre trouvé dans le cadre de la loi de finances pour 2011 en supprimant le présent article .

Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.

ARTICLE 17 quater (nouveau) (Art. 199 terdecies-0 A du code général des impôts) - Création d'un dispositif de défiscalisation en faveur des fonds d'investissement de proximité en outre-mer

Commentaire : le présent article crée, sur le modèle du fonds d'investissement de proximité (FIP) corse, un dispositif de réduction d'impôt sur le revenu égale à 50 % des souscriptions de parts de FIP dont 60 % de l'actif est investi en outre-mer.

I. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de nos collègues députés Victorin Lurel, Jean-Claude Fruteau, Patrick Lebreton, Serge Letchimy, Louis-Joseph Manscour, Eric Jalton et Mmes Annick Girardin et Christiane Taubira, l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis défavorable du Gouvernement , un amendement créant un dispositif de défiscalisation en faveur des FIP outre-mer.

Conçu sur le modèle du dispositif applicable en Corse, le présent article prévoit une réduction d'impôt sur le revenu égale à 50 % 251 ( * ) des souscriptions en numéraire de parts de FIP dont l'actif est constitué pour 60 % au moins de titres financiers, parts de sociétés à responsabilité limitée et avances en compte courant émises par des sociétés qui exercent leur activité exclusivement dans des établissements situés dans les départements d'outre-mer, à Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.

Ces entreprises doivent toutefois exercer leur activité dans les secteurs éligibles au dispositif de défiscalisation des investissements productifs en outre-mer prévu par l'article 199 undecies B du code général des impôts. En outre, seuls les contribuables domiciliés fiscalement dans ces territoires pourraient bénéficier de la réduction d'impôt . Cette restriction a permis à l'amendement de recevoir un avis favorable de la commission des finances de l'Assemblée nationale , la mise en oeuvre d'un tel dispositif ayant par ailleurs fait l'objet d'un engagement du Président de la République en novembre 2009, dans le cadre du conseil interministériel de l'outre-mer.

Les versements ouvrant droit à réduction d'impôt sont ceux effectués jusqu'au 31 décembre 2014 et les plafonds retenus sont ceux applicables aux souscriptions de parts de FIP corses : 12 000 euros pour les contribuables célibataires et 24 000 euros pour ceux soumis à une imposition commune.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le présent article propose la création d'une nouvelle niche fiscale, dont le coût n'est d'ailleurs pas chiffré, au profit des territoires ultramarins . Cette création contreviendrait aux efforts réalisés ces dernières années pour supprimer, réduire, plafonner et raboter les dépenses fiscales. En vertu de cette analyse, le Sénat avait en outre rejeté une proposition allant dans le même sens lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2011.

Le coût des différents dispositifs de défiscalisation applicables en outre-mer s'élève à plus de 3,2 milliards d'euros pour l'année 2011.

Ces dispositifs constituent d'ores et déjà des leviers puissants pour le développement des entreprises ultramarines. Ainsi, l'article 199 undecies B du code général des impôts prévoit un dispositif de réduction d'impôt sur le revenu des investissements productifs neufs réalisés en outre-mer 252 ( * ) . Le champ des entreprises concernées est vaste puisqu'il s'étend à l'ensemble des secteurs économiques, à l'exception de ceux expressément exclus 253 ( * ) . Ce mécanisme de défiscalisation permet au contribuable de réduire le montant de son impôt sur le revenu d'un montant égal à 45 % de celui de l'investissement réalisé. Il se traduit, pour les entreprises bénéficiaires, par l'équivalent d'une subvention, puisqu'en vertu de la loi, une partie de l'avantage fiscal procuré au contribuable doit être rétrocédé à l'entreprise dont l'investissement est financé.

Au total, ce dispositif de défiscalisation des investissements productifs coûtera, en 2011, 855 millions d'euros aux finances publiques.

Par ailleurs, seuls les contribuables domiciliés en outre-mer pourraient bénéficier de cette réduction fiscale. Or, ces contribuables bénéficient déjà de nombreuses mesures fiscales dérogatoires qui visent à alléger la pression fiscale qui pèse sur eux.

Ainsi, l'application d'un taux de TVA minoré dans les départements d'outre-mer se traduit par un coût fiscal de 1,09 milliard d'euros en 2011 et la réduction du barème de l'impôt sur le revenu équivaut à un allègement fiscal de 290 millions d'euros . Ces deux dispositifs n'ont d'ailleurs pas été impactés par le « rabot » des niches fiscales voté l'année dernière. Dans ce contexte, il ne paraît pas opportun de mettre en place une nouvelle disposition fiscale dérogatoire au profit des ultramarins.

Enfin, l'évaluation des effets économiques des différents dispositifs de défiscalisation applicables en outre-mer est défaillante . Il en résulte que, dans l'attente des résultats de l'évaluation de l'ensemble des niches fiscale devant être rendue par le Gouvernement avant le 30 juin 2011 en application de la loi de programmation des finances publiques, les avantages des réductions d'impôts accordées sont méconnus, tandis que leur coût pèse bel et bien sur les finances de l'Etat.

Pour l'ensemble de ces raisons, votre commission des finances vous propose un amendement visant à supprimer le présent article .

Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.

ARTICLE 17 quinquies (nouveau) (Art. 199 terdecies-0 A et 885-0 V bis du code général des impôts) - Suppression de la subordination au plafond communautaire d'investissements bénéficiant d'aides d'Etat pour les souscriptions au capital d'entreprises solidaires actives en matière de logement social

Commentaire : le présent article vise à supprimer la subordination au plafond fixé par les lignes directrices communautaires du capital-investissement pour les versements aux entreprises solidaires actives en matière de logement social permettant de bénéficier des réductions d'impôts dites « Madelin » ou « ISF-PME ».

I. LE DROIT EXISTANT

Aux termes de l'article 199 terdecies -0 A du code général des impôts, un contribuable peut bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu (IR) de 25 % 254 ( * ) au titre des investissements dans les petites moyennes entreprises (PME) et fixe les conditions dans lesquelles cet avantage fiscal trouve à s'appliquer.

A l'article 885-0 V bis du même code se trouve codifié un dispositif similaire, quoique plus puissant (son taux étant actuellement de 50 %) concernant l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF).

Entre autres conditions, les versements ouvrant droit à la réduction d'IR ou d'ISF ne peuvent , en application des lignes directrices communautaires du capital-investissement, dépasser un plafond commun de versements de 2,5 millions d'euros apprécié par période « glissante » de douze mois . Le d du VI quinquies de l'article 199 terdecies -0 A ainsi que le d du VI de l'article 885-0 V bis du code général des impôts renvoient ainsi explicitement au respect de ce plafond pour que les avantages fiscaux trouvent à s'appliquer.

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Charles de Courson avec l'accord de la commission des finances et du Gouvernement, vise à compléter le d du VI quinquies de l'article 199 terdecies -0 A ainsi que le d du VI de l'article 885-0 V bis du code général des impôts de façon à ce que le plafond communautaire ne s'applique pas aux versements au titre de souscriptions effectuées au capital des entreprises solidaires 255 ( * ) qui ont exclusivement pour objet :

- soit l'étude, la réalisation ou la gestion de construction de logements à destination de personnes défavorisées ou en situation de rupture d'autonomie et sélectionnées par une commission de personnes qualifiées , la société bénéficiant d'un agrément de maîtrise d'ouvrage en application des articles L. 365-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation ;

- soit l'acquisition, la construction, la réhabilitation, la gestion et l'exploitation par bail de tous biens et droits immobiliers en vue de favoriser l'amélioration des conditions de logement ou d'accueil et la réinsertion de personnes défavorisées ou en situation de rupture d'autonomie, la société bénéficiant d'un agrément d'intérêt collectif.

En outre, il est précisé que le bénéfice de cette dérogation est subordonné au fait que la société :

- ne procède pas à la distribution de dividendes ;

- et réalise son objet social sur l'ensemble du territoire national.

Cette abrogation s'appliquerait aux souscriptions effectuées à compter du 1 er janvier 2011.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le logement social en faveur des plus défavorisés est une cause qui mérite évidemment d'être soutenue , notamment au travers des investissements qui peuvent être récoltés grâce aux avantages fiscaux dits « Madelin » ou « ISF-PME ».

Néanmoins, la mesure proposée est susceptible de poser problème au regard du droit communautaire, puisqu'elle va explicitement à l'encontre d'une disposition des lignes directrices de la Commission européenne concernant les aides d'Etat visant à promouvoir les investissements en capital-investissement dans les petites et moyennes entreprises.

D'autre part, au vu du message envoyé à nos concitoyens depuis deux ans et des efforts à consentir par tous pour redresser nos finances publiques, il n'est pas opportun de prendre ce risque juridique dans le but d'étendre une niche fiscale , quelle que soit la cause défendue.

Il est donc préférable d'en rester au droit actuel , qui permet déjà à ces entreprises, comme aux autres, de procéder à des levées de capitaux relativement conséquentes.

Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.

ARTICLE 17 sexies (nouveau) (Art. 242 septies du code général des impôts) - Rectification d'une erreur matérielle relative aux délais de mise en concurrence des cabinets de défiscalisation outre-mer

Commentaire : le présent article rectifie une erreur matérielle relative aux délais de mise en concurrence des cabinets de défiscalisation outre-mer.

L'article 101 de la loi de finances pour 2011 256 ( * ) a prévu un ensemble de mesures destinées à mieux connaître et contrôler l'activité des cabinets de défiscalisation spécialisés dans l'obtention des avantages en impôt attachés à la réalisation d'investissements outre-mer.

Ainsi, l'article 242 septies du code général des impôts prévoit notamment la mise en concurrence, dans certaines conditions, des cabinets de défiscalisation spécialisés dans les réductions d'impôt acquises au titre de la réalisation d'investissements outre-mer. Afin de garantir la sécurité juridique des opérations pour lesquelles les cabinets avaient déjà été mandatés à la date d'entrée en vigueur de la loi de finances pour 2011, il était prévu de faire entrer en vigueur de façon décalée le mécanisme de mise en concurrence. Or, une erreur dans le décompte des alinéas a empêché cette entrée en vigueur décalée.

Le présent article, qui résulte d'un amendement proposé par le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale et adopté avec un avis favorable du Gouvernement, permet utilement de corriger cette erreur matérielle.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 17 septies (nouveau) (Art. 302 bis KF du code général des impôts) - Suppression de la taxe sur les ventes au détail de poissons, crustacés et mollusques marins

Commentaire : le présent article vise à supprimer la taxe sur les ventes au détail de poissons, crustacés et mollusques marins.

I. LE DROIT EXISTANT

En vigueur depuis le 1 er janvier 2008, la « contribution pour une pêche durable » , créée par article 60 de la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007 257 ( * ) , est codifiée à l'article 302 bis KF du code général des impôts. Il s'agit d'une taxe qui porte sur les ventes au détail de poissons, crustacés et mollusques marins ainsi que sur les produits alimentaires comportant plus de 30 % de tels produits de la mer . L'article précité du code général des impôts précise que les huîtres et les moules ne sont pas soumises à la taxe 258 ( * ) . La liste des produits frais, conservés ou transformés 259 ( * ) , soumis à la taxe est définie par un arrêté du 16 janvier 2008.

Le taux normal de la taxe est égal à 2 % . Toutefois, l'article 81 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 a permis la modulation du taux de la taxe sur les ventes de poissons, crustacés et mollusques marins en fonction du chiffre d'affaires de l'entreprise redevable, dans le but de réduire les effets de seuil et de tenir compte de la capacité contributive des entreprises. Ainsi, alors les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 766 000 euros continuent de ne pas être soumises à la taxe, les entreprises dont le chiffre d'affaires est compris entre 766 000 euros et 2 millions d'euros bénéficient d'une mesure de plafonnement progressif . Ce plafonnement est le résultat de l'application d'un coefficient 260 ( * ) , qui permet à ces entreprises de bénéficier d'un plafonnement de la taxe compris entre 0 et 2 % de leur valeur ajoutée totale. En outre, les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 2 millions d'euros sont, quant à elles, soumises de manière normale à une taxe plafonnée à 2 % de leur valeur ajoutée totale.

L' assiette de la taxe est le montant hors taxe des ventes des produits indiqués précédemment. Le redevable de la taxe est toute personne assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) agissant en tant que telle 261 ( * ) , qui effectue la vente à une personne autre qu'un assujetti à la TVA. La taxe concerne donc l'aval de la filière et est acquittée par les professionnels de la vente au détail de poissons . Le fait générateur et l'exigibilité interviennent dans les mêmes conditions que celles applicables en matière de TVA . La taxe est enfin constatée, liquidée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que la TVA et les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe.

Selon les indications fournies à votre rapporteur général par le Gouvernement, le produit de la contribution pour une pêche durable, affecté au budget général de l'Etat, représente 70 millions d'euros par an . Il convient d'observer que ce montant est atteint bien que les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 766 000 euros ne sont pas soumises à la taxe et que la modulation du taux de la taxe est fonction du chiffre d'affaires de l'entreprise redevable au-delà de ce seuil. Le dispositif en vigueur permet donc aux petites poissonneries de sortir du champ des redevables et à celles d'envergure moyenne de se voir appliquer un taux inférieur à 2 % .

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article, adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement , avec l' avis favorable de la commission des finances , vise à supprimer la taxe sur les ventes au détail de poissons, crustacés et mollusques marins . Le Gouvernement avait en effet, et ce dès sa création, fait valoir que cette taxe présentait un caractère temporaire, la contribution ayant été créée afin de financer le « Plan pour une pêche durable ». Or, comme l'indique l'objet de l'amendement qui a introduit le présent article, « ce plan arrivant à son terme, la contribution n'a plus lieu d'être sous cette forme ».

Cette suppression ne s'accompagnerait pas pour autant de la disparition de toute aide aux pêcheurs prenant la forme d'un prélèvement sur l'aval au profit de l'amont de la filière . En effet, l'objet de l'amendement précité affirme que la contribution pour une pêche durable serait remplacée par un fonds de soutien interprofessionnel alimenté par les professionnels de la grande distribution , à hauteur de 35 millions d'euros par an.

Enfin, il est précisé que le Gouvernement proposera dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012 des recettes ou économies supplémentaires en vue de compenser la perte pour le budget général que représente la suppression de la contribution pour une pêche durable.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

La création, en contrepartie de la suppression de la taxe, d'un fonds de soutien interprofessionnel alimenté par les professionnels de la grande distribution qui permettra de conserver un système intra-filière de soutien aux pêcheurs.

Selon les indications fournies à votre rapporteur général par le Gouvernement, cette proposition est issue d'un groupe de travail constitué de l'ensemble des acteurs de la filière , qui a remis ses propositions au Gouvernement en mai 2011. Ce groupe a considéré que le potentiel de développement de la filière résidait dans l'augmentation de la valeur des produits vendus grâce à une meilleure identification de leur provenance et la valorisation des pratiques de pêche plus responsables, d'une part, et dans la poursuite de la réduction des charges liées à la consommation d'énergie, d'autre part. Cette démarche conduite par les professionnels et qui traduit l'abandon de la revendication d'aides publiques directes pour compenser la hausse des prix du carburant se veut vertueuse, respectueuse du droit communautaire et, dès lors que la perte de recettes serait intégralement compensée pour le budget général, économe des deniers publics.

Le système de financement envisagé est le suivant : sur une période de cinq ans, un fonds privé financé par les professionnels de la grande distribution , à hauteur de 35 millions d'euros par an au moins, soutiendra des actions de promotion et de valorisation des produits de la pêche française, en s'appuyant notamment sur une marque collective nationale, ainsi que des projets d'économies d'énergies et de pratiques de pêche plus respectueuses de la ressource et de l'environnement .

Les statuts du fonds ainsi que les contrats d'engagements de financement correspondants seraient, d'après le Gouvernement, prêts à être signés par les enseignes de la grande distribution, mais en contrepartie , les distributeurs attendraient que la suppression de la taxe sur les ventes au détail de poissons, crustacés et mollusques marins soit confirmée , conformément aux engagements pris par le Gouvernement en 2007.

Il aurait sans doute mieux valu que les engagements des professionnels se soient matérialisés dès avant la suppression de la taxe, l'Etat étant désormais dépourvu de tout instrument de négociation en cas de non respect de leurs engagements par les professionnels.

L'engagement du Gouvernement de compenser la perte de 70 millions d'euros par an pour le budget général que représente la suppression de la contribution pour une pêche durable marque une louable volonté de respecter les dispositions de la loi de programmation des finances publiques 2011-2014 . Les dispositions correspondantes devront donc figurer dans le projet de loi de finances pour 2012 , qu'il s'agisse de nouvelles recettes ou d'économies supplémentaires.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 18 (Art. 167 bis [nouveau] et 150-0 B bis du code général des impôts, art. L. 136-6 du code de la sécurité sociale) - Imposition des plus-values latentes lors du transfert par les contribuables de leur domicile fiscal hors de France (« Exit tax »)

Commentaire : le présent article a pour objet d'instituer une imposition des plus-values latentes, lors du transfert par les contribuables de leur domicile fiscal hors de France, afin de limiter l'évasion fiscale.

I. LE DROIT EXISTANT : UN PRÉCÉDENT DISPOSITIF D'« EXIT TAX » DÉCLARÉ INCOMPATIBLE AVEC LE DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE

A. LE DISPOSITIF D'« EXIT TAX » ANTÉRIEUREMENT PRÉVU À L'ARTICLE 167 BIS DU CODE GÉNÉRAL DES IMPOTS

Jusqu'en 2004, les plus-values latentes constatées lors du transfert par un contribuable de son domicile fiscal hors de France étaient taxées au titre de l'impôt sur le revenu conformément à l'article 167 bis du code général des impôts (CGI).

En effet, les contribuables qui détenaient, directement ou indirectement, seuls ou avec leur conjoint, leurs ascendants et descendants, des droits sociaux sur plus de 25 % des bénéfices d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés étaient assujettis à l'impôt sur le revenu, à raison des plus-values latentes constatées à la date du transfert de leur domicile fiscal hors de France, à un taux proportionnel de 16 % . Prélèvements sociaux compris, ce taux s'élevait à 26 %. La taxe n'était due que par les contribuables ayant été fiscalement domiciliés en France au moins six ans au cours des dix années précédant le transfert.

Toutefois, les intéressés pouvaient obtenir un sursis de paiement de cette imposition, à condition notamment de constituer des garanties propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor et d'avoir un représentant fiscal en France . En outre, les contribuables ayant obtenu un tel sursis devaient déclarer chaque année le montant de l'impôt en sursis de paiement. A défaut de remplir les conditions prévues par l'article 167 bis du CGI, l'imposition était ou devenait immédiatement exigible .

Enfin, l'imposition faisait l'objet d'un dégrèvement d'office, assorti du remboursement des frais entraînés par la constitution des garanties conditionnant l'octroi du sursis de paiement , soit lorsque le contribuable transférait à nouveau son domicile fiscal en France, soit à l'échéance d'un délai de cinq ans au cours duquel les droits sociaux taxés étaient maintenus dans le patrimoine de celui-ci.

L'imposition était néanmoins due en cas de mutation de ces droits sociaux (transmission, rachat, annulation des droits sociaux) avant l'expiration du délai de cinq ans . Assise sur les plus-values latentes constatées au moment du transfert du domicile hors de France, l'imposition n'était pas majorée dans le cas où la plus-value effectivement réalisée lors de la mutation se trouvait être supérieure. Dans le cas contraire, si la plus-value effectivement réalisée était inférieure à la plus-value latente servant de base à l'imposition, la somme correspondant à cet écart était dégrevée d'office.

Par ailleurs, lorsque la plus-value était taxée dans l'Etat de résidence du contribuable, l'imposition localement acquittée était imputée sur l'impôt dû en France , à condition qu'il s'agisse aussi d'une taxe personnelle sur le revenu, assise sur les plus-values de cession de valeurs mobilières ou de droits sociaux.

B. L'INCOMPATIBILITÉ DU DISPOSITIF PRÉVU À L'ARTICLE 167 BIS DU CODE GÉNÉRAL DES IMPÔTS AVEC LE DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE

Le dispositif précité ayant été déclaré incompatible avec le droit de l'Union européenne, la France n'impose donc plus les plus-values latentes lorsqu'un contribuable transfère son domicile hors de France depuis le 1 er janvier 2005 .

Dans une décision Lasteyrie du Saillant de 2004 262 ( * ) , la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) a déclaré le dispositif prévu par l'article 167 bis du CGI incompatible avec la liberté d'établissement consacrée par le droit de l'Union européenne 263 ( * ) . Il a en effet été considéré que ce dispositif introduisait entre les contribuables qui continuaient de résider en France et ceux qui souhaitaient quitter le territoire français, une différence de traitement , dans la mesure où seuls ces derniers étaient soumis à des obligations et des charges de nature à les dissuader d'aller s'établir dans un autre Etat membre de l'Union européenne , et ce alors même qu'aucune raison impérieuse d'intérêt général ne venait justifier cette restriction à la liberté d'établissement.

A cet égard, la CJCE a constaté que le contribuable désireux de transférer son domicile hors de France était soumis à un traitement désavantageux par rapport à une personne maintenant sa résidence sur le territoire français , dans la mesure où il devenait redevable d'un impôt sur un revenu non encore réalisé et dont il ne disposait pas, du seul fait de ce transfert, alors que, s'il demeurait en France, seules les plus-values effectivement réalisées étaient imposées.

La Cour de justice a, par ailleurs, ajouté que le caractère provisoire de la taxation et la possibilité d'obtenir un sursis de paiement n'étaient pas de nature à exclure un tel effet restrictif , car l'octroi de ce sursis n'était pas automatique et qu'il était conditionné par la désignation d'un représentant fiscal établi en France. D'autre part, l'obligation de constituer des garanties pour bénéficier du sursis de paiement impliquait des coûts financiers et l'indisponibilité du patrimoine donné en garantie , incompatibles avec la liberté d'établissement.

Enfin, la CJCE a considéré qu' aucune raison impérieuse d'intérêt général ne pouvait justifier le caractère restrictif du dispositif au regard de la liberté d'établissement . En effet, la France invoquait notamment un objectif de lutte contre l'évasion fiscale au soutien du dispositif contesté ; toutefois, la Cour a estimé qu'un tel argument n'était pas recevable dès lors que ce dispositif instituait une présomption générale d'évasion ou de fraude fiscale du seul fait du transfert du domicile hors de France, excédant largement ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif poursuivi.

A l'initiative de votre rapporteur général, la loi du 30 décembre 2004 264 ( * ) a supprimé l'article 167 bis du CGI à compter du 1 er janvier 2005 afin de tirer les conséquences utiles de la décision de la CJCE. Cette décision de la Cour a par ailleurs conduit à la suppression ou à la réforme des dispositifs similaires existant dans d'autres Etats membres de l'Union européenne. En outre, le Gouvernement s'est inspiré de dispositifs préexistants au Royaume-Uni et en Allemagne lors de la conception de l'imposition sur les plus-values latentes lors du transfert par les contribuables de leur domicile fiscal hors de France telle que proposée par le présent article.

Les exemples britannique et allemand

L'exemple britannique

La législation britannique prévoit un régime dit de « re-entry charge » (section 10 A du Taxation of Chargeables Gains Acts de 1992). Celui-ci s'applique aux personnes qui, ayant transféré leur domicile dans un pays étranger après avoir été domicilié fiscalement au Royaume-Uni au moins quatre ans durant les sept années précédant le transfert, viennent s'y réinstaller dans les cinq ans suivant leur départ.

Ces contribuables sont assujettis à l'impôt sur les gains en capital (« capital gains tax ») à raison de la plus-value réalisée lors d'une cession d'un bien déjà détenu lorsqu'ils étaient domiciliés au Royaume-Uni, au cours des cinq années suivant le transfert. Cette taxation n'est pas due si le droit de taxer les plus-values appartient exclusivement à l'Etat de résidence en vertu d'une convention fiscale à laquelle le Royaume-Uni est partie. Le contribuable de retour au Royaume-Uni est donc imposé comme s'il n'avait jamais quitté le pays. En conséquence, il est réputé ne porter aucune atteinte à la liberté de circulation 265 ( * ) .

L'exemple allemand

Le dispositif d' exit tax allemand a été modifié en 2008 afin de l'adapter aux exigences établies par la décision de la CJCE Lasteyrie du Saillant de 2004.

Les personnes physiques fiscalement domiciliées en Allemagne qui ont été soumises à l'impôt sur le revenu pendant au moins dix ans et qui ont détenu une participation directe ou indirecte d'au moins 1 % dans les bénéfices sociaux d'une société au cours de l'une des cinq dernières années, sont imposées en Allemagne au titre de l'impôt sur le revenu à raison des plus-values latentes constatées sur les titres détenus lors du transfert du domicile fiscal hors d'Allemagne.

L'imposition des plus-values latentes est levée si le contribuable redevient résident en Allemagne dans les cinq années suivant son transfert, sans que les actifs aient été cédés durant son séjour à l'étranger.

Ce dispositif prévoit un report d'imposition au profit des contribuables transférant leur domicile dans un Etat membre de l'Union européenne, ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen. Ce report d'imposition n'est pas limité dans le temps, mais prend fin en cas de cession des parts.

La plus-value latente est imposée à l'impôt sur le revenu au taux effectif de 28,48 % 266 ( * ) .

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : L'IMPOSITION DES PLUS-VALUES LATENTES LORS DU TRANSFERT PAR LES CONTRIBUABLES DE LEUR DOMICILE FISCAL HORS DE FRANCE

A. UN DISPOSITIF À VOCATION DISSUASIVE

L'institution d'une imposition des plus-values latentes lors du transfert par les contribuables de leur domicile fiscal hors de France , aussi appelée exit tax , est conçue de manière à dissuader l'évasion fiscale ; celle-ci vient se substituer au dispositif de même objet qui avait été supprimé par la loi du 30 décembre 2004 précitée et s'attache à répondre aux exigences découlant des libertés de circulation consacrées par le droit de l'Union européenne . Ainsi, le I du présent article ( aliéna 1 ) prévoit l'insertion, dans le code général des impôts (CGI), d'un nouvel article 167 ter .

Suivant une logique dissuasive, le présent article tend à soumettre les contribuables procédant au transfert de leur domicile fiscal hors de France, sur la base des plus-values latentes constatées lors de ce transfert, à deux types d'impositions , à savoir l' impôt sur le revenu , comme cela est prévu par du nouvel article 167 ter , et les prélèvements sociaux ; en effet, le présent article intègre ces plus-values latentes à l'assiette de la contribution sociale généralisée (CSG), et par voie de conséquence à celles de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), du prélèvement social et des taxes additionnelles au prélèvement social , procédant à une modification, en ce sens, de l' article L. 136-6 du code de la sécurité sociale ( alinéas 45 et 46 ).

De ce fait, les plus-values latentes sont tout à la fois imposées au taux prévu au 2 de l'article 200 A du CGI au titre de l'impôt sur le revenu ( alinéa 10 ) soit, à ce jour, 19 % et aux taux additionnés des prélèvements sociaux, à savoir 12,3 % pour l'année 2011. Il est donc prévu une taxation des plus-values latentes au taux global de 31,3 % .

B. LES CARACTERISTIQUES

1. Les contribuables transférant leur domicile fiscal hors de France sont redevables de l'imposition

Le 1 du I du nouvel article 167 ter du CGI ( alinéa 2 ) dispose que sont redevables de l'imposition les contribuables qui transfèrent leur domicile hors de France, dès lors qu'ils y ont été fiscalement domiciliés, de manière continue, pendant les six années précédant ce transfert.

D'autre part, le 3 du VI de cet article ( alinéa 26 ) précise que lorsque le contribuable transfère de nouveau son domicile fiscal en France et qu'il détient toujours les titres qui constituent l'assiette du présent dispositif, celui-ci est replacé dans la même situation que s'il n'avait jamais quitté le territoire. Dans un tel cas, le contribuable n'est donc plus redevable de cette taxe.

2. L'imposition est assise sur les plus-values latentes constatées sur les droits sociaux ou valeurs mobilières au moment du transfert du domicile

Conformément aux dispositions du I de l'article 167 ter du CGI ( alinéa 2 ), l'imposition proposée est assise sur les plus-values latentes constatées, au moment du transfert du domicile hors de France, sur les droits sociaux ou valeurs mobilières détenues dans les sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés ou d'un impôt équivalent dans lesquelles l'ensemble des membres du foyer fiscal du contribuable disposent d'une participation directe ou indirecte aux bénéfices sociaux d'au moins 1 % ou dont la valeur excède 1,3 million d'euros lors de ce transfert .

Cependant, les actions détenues dans les sociétés d'investissement à capital variable (SICAV) sont explicitement exclues de l'assiette du dispositif proposé. De surcroît, puisque le présent article ne vise que les sociétés, les fonds communs de placement (FCP) se trouvent, de fait, excluent de l'assiette de la taxe ; ces entités correspondent à des copropriétés de valeurs mobilières qui ne disposent pas de la personnalité morale. Ce sont donc l'ensemble des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) qui sont écartés de l'imposition sur les plus-values latentes ; ce faisant, le Gouvernement souhaite l'instauration d'un nouvel impôt ne concernant que les anciens dirigeants et actionnaires importants de sociétés qui sont susceptibles de vendre leurs titres à l'étranger afin d'éluder l'acquittement de l'imposition sur les plus-values en France.

Les plus-values latentes soumises à la présente imposition sont déterminées par différence entre la valeur des droits sociaux ou valeurs mobilières lors du transfert du domicile fiscal hors de France et leur prix d'acquisition 267 ( * ) ou, en cas d'acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation ( alinéa 4 ). Ainsi, les droits sociaux ou valeurs mobilières sont évalués comme en matière d'impôt sur la fortune (ISF) :

- pour les titres non cotés , la valeur servant de base à l'impôt lors du transfert est déterminée par la déclaration détaillée et estimative des parties (article 758 du CGI) ;

- les titres cotés sont évaluées selon le dernier cours connu ou selon la moyenne des trente derniers cours qui précèdent la date d'imposition (article 885 T bis du CGI).

Néanmoins, lorsque les titres concernés ont été reçus lors d'une opération d'échange bénéficiant du sursis d'imposition prévu par l'article 150-0 B du CGI 268 ( * ) avant le transfert du domicile hors de France, la plus-value est calculée à partir du prix ou de la valeur d'acquisition des titres remis à l'échange, diminué ou majoré de la soulte versée ou reçue lors de l'échange ( alinéa 5 ).

Un abattement pour durée de détention sur les plus-values constatées lors de la cession de titres a été institué en 2006 269 ( * ) , afin de favoriser la stabilité de l'actionnariat des sociétés françaises. C'est pourquoi le présent dispositif prévoit un traitement distinct des plus-values latentes selon qu'elles résultent de la cession de titres acquis avant ou après 2006, conformément au régime existant pour les gains résultant de la cession de droits sociaux ou valeurs mobilières à titre onéreux 270 ( * ) . De ce fait, l'imposition acquittée par les contribuables ayant transféré leur domicile hors de France est similaire à celle qui aurait été due s'ils étaient restés sur le territoire français.

Ainsi, le 3 du I de l'article 167 ter ( alinéa 6 ) dispose que la plus-value latente constatée sur les droits sociaux ou valeurs mobilières au moment du transfert est réduite d'un abattement d'un tiers pour chaque année de détention au-delà de la cinquième année . Lorsque ces titres ont été acquis après le 1 er janvier 2006 , l'application de l'abattement nécessite notamment que la durée et le caractère continu de la détention de ces titres puissent être justifiés par le contribuable et que ceux-ci soient détenus dans une société dont le siège est situé dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen (EEE) ayant conclu avec la France une convention fiscale d'assistance administrative. En outre, si les titres ont été acquis avant le 1 er janvier 2006 , ce régime d'abattement n'est applicable que dans la mesure où le contribuable concerné a exercé au sein de cette société une fonction de direction durant au moins cinq ans et détenu, directement ou par personne interposée, de manière continue pendant les cinq années précédant la cession, au moins 25 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société. Il est de plus nécessaire que le contribuable ait cessé toute fonction dans la société deux ans avant le transfert au moins. Cette extension du mécanisme d'abattement aux titres acquis avant le 1 er janvier 2006 ne concerne que les anciens dirigeants de PME puisque la société dans laquelle les titres sont détenus doit employer moins de deux cent cinquante salariés et réaliser un chiffre d'affaires inférieur à 50 millions d'euros.

Toutefois, lorsque les titres ont été acquis avant le 1 er janvier 2006 , l'application du régime d'abattement aux plus-values latentes constatées lors du transfert du domicile implique aussi que deux autres conditions soient cumulativement remplies ( alinéa 7 ) :

- le contribuable a fait valoir ses droits à la retraite avant le transfert ( alinéa 8 ) ;

- le contribuable domicilié fiscalement hors de France cède les titres sur lesquels sont constatées les plus-latentes dans les deux ans suivant son départ à la retraite ( alinéa 9 ).

Les moins-values latentes sur des droits sociaux ou valeurs mobilières éventuellement constatées lors du transfert du domicile hors de France ne peuvent être imputées ni sur les plus-values latentes qui peuvent être constatées, le cas échéant, sur d'autres titres, ni sur les plus-values réalisées lors de la cession de titres et imposées à l'impôt sur le revenu conformément au régime de droit commun 271 ( * ) ( alinéa 11 ).

3. L'assiette de l'impôt intègre également des plus-values réalisées en report d'imposition

Le II de l'article 167 ter du CGI ( alinéa 30 ) prévoit l'intégration, à l'assiette de l'imposition proposée, de plus-values ayant fait l'objet d'un report d'imposition. Eu égard aux montants d'imposition qui peuvent avoir été ainsi reportés, il est nécessaire de veiller à ce que le transfert du domicile hors de France ne soit pas l'occasion pour le contribuable d'éviter que ceux-ci puissent être recouvrés . C'est pourquoi le présent article dispose que sont imposables au moment du transfert du domicile hors de France :

- certaines plus-values en report d'imposition en vertu de dispositions aujourd'hui abrogées ;

- les plus-values en report d'imposition réalisées sur les apports de créance de complément de prix .

a) Les plus-values en report d'imposition au titre de dispositions abrogées

Ainsi, le présent article rend imposables au moment du transfert de domicile les plus-values dont l'imposition a été reporté au titre de quatre régimes de report dorénavant abrogés , prévus :

- au II de l'article 92 B (abrogé en 2000), applicable aux plus-values réalisées en cas d'échange de titres résultant d'une opération d'offre publique, de fusion, de scission, d'absorption d'un fonds commun de placement par une SICAV ou d'un apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés ;

- à l' article 92 B decies (abrogé en 2000) et à l' article 150-0 C (abrogé en 2006), qui concernent les plus-values retirées de la cession à titre onéreux de certains droits sociaux ou valeurs mobilières lorsque le gain en capital est réinvesti dans des sociétés non cotées ;

- aux I ter et II de l'article 160 (abrogé en 2000), relatif aux plus-values réalisées en cas d'échange de droits sociaux résultant d'une fusion, d'une scission ou encore d'apports de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés.

b) Les plus-values réalisées sur les apports de créance de complément de prix

Dans le cadre d'une opération de cession ou de regroupement d'entreprises, le cédant des titres détenus dans l'une des sociétés concernées par cette opération peut percevoir un complément de prix en exécution d'une clause dite d' earn out . Le complément de prix constitue la partie du prix de cession dont le versement effectif est conditionné par la réalisation d'un critère de performance , lié à l'activité de la société cédée.

Par conséquent, le cédant qui doit percevoir un tel complément de prix détient une créance sur l'acheteur des titres de la société cédée. Cette créance peut, par la suite, être apportée au capital d'une société en échange de nouveaux titres . Dès lors, le cédant réalise une plus-value égale à la valeur réelle de la créance au jour de l'apport, dans la mesure où le prix d'acquisition de la créance est égal à zéro. Cette plus-value est imposée selon le régime des plus-values de cession à titre onéreux de valeurs mobilières et de droits sociaux prévu à l' article 150-0 A du CGI .

Toutefois, l'imposition de la plus-value retirée lors de l'apport à une société de la créance représentative d'un complément de prix peut être reportée dans les conditions prévues à l' article 150-0 B bis du CGI , soit lorsque le cédant a exercé, pendant au moins cinq ans avant la cession, une fonction de direction au sein de la société dont l'activité est le support de la clause de complément de prix et que, en cas d'échange avec soulte, le montant de la soulte n'excède pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus.

Le II du présent article modifie donc l' article 150-0 B bis du CGI ; cette modification prévoit que le report accordé au titre de cet article prend fin et que l'imposition est effectivement payée lors du transfert par le contribuable de son domicile fiscal hors de France ( alinéa 44 ).

c) Les régimes de report d'imposition exclus de l'assiette du dispositif

Quatre autres régimes de report d'imposition ont été écartés du champ de l'assiette du présent dispositif. Néanmoins, une justification semble devoir être trouvée pour l'exclusion de chacun d'eux :

- les articles 150 A bis , dans sa rédaction avant le 1 er janvier 2004, et 150 UB du CGI prévoient un régime spécifique de report d'imposition pour les plus-values réalisées à l'occasion de la cession de droits sociaux ou valeurs mobilières détenus dans des sociétés à prépondérance immobilière. Ces régimes semblent avoir été écartés parce qu'ils viennent se cumuler avec celui relatif aux plus-values immobilières ;

- l' article 160 A , dans sa version en vigueur avant le 1 er janvier 2006, concernant le report d'imposition accordé sur les plus-values réalisées par les salariés lors de la cession des titres acquis dans le cadre d'un rachat de leur entreprise. Dès lors que, conformément aux objectifs avancés par le Gouvernement, le présent dispositif vise à titre principal les détenteurs de patrimoines importants, ce régime de report n'avait pas vocation à entrer dans l'assiette de l'imposition ;

- l' article 248 G , dans sa rédaction avant 2000, qui institue un report d'imposition sur les plus-values constatées lors de la cession de titres émis dans le cadre des privatisations menées à partir des années 1980. Le déclin avancé de ce régime semble justifier son exclusion du présent dispositif.

4. Le fait générateur de l'imposition intervient au moment du transfert du domicile hors de France

Le moment où intervient le fait générateur de l'imposition constitue un élément essentiel du dispositif proposé . Celui-ci survient lors du transfert du domicile fiscal, qui est réputé intervenir le jour précédant celui à compter duquel celui-ci cesse d'être soumis en France à une obligation fiscale sur l'ensemble de ses revenus ( alinéa 3 ) ; par conséquent, l'imposition est exigible avant même que le contribuable ait effectivement transféré son domicile dans un autre Etat. Une telle précision vient en soutien à l'idée que la taxation, en France, des plus-values latentes ne créerait pas de situation de double-imposition si les plus-values constatées lors de la mutation des droits sociaux ou valeurs mobilières concernées étaient aussi imposées dans l'Etat de résidence. De ce fait, l'incompatibilité du dispositif avec les conventions fiscales dans lesquelles la France a abandonné à l'Etat cocontractant le droit de procéder à l'imposition des gains en capital réalisés par ses résidents devrait être évitée. Il est à noter que ces conventions constituent la majeure partie de celles auxquelles la France est partie.

5. Le présent dispositif s'attache à éviter les doubles-impositions de fait et la taxation des moins-values

Le dispositif proposé s'attache à prévenir les cas de double-imposition et les taxations de moins-values. Ainsi, le 5 du VII de l'article 167 ter du CGI ( alinéa 35 ) prévoit que l'impôt éventuellement acquitté par le contribuable dans son Etat de résidence en cas de rachat, de remboursement ou d'annulation des droits sociaux ou valeurs mobilières prises en compte pour le calcul des plus values latentes est imputable sur l'imposition définitive exigible en France . Cependant, l'impôt acquitté dans l'Etat de résidence n'est imputable qu'à proportion du rapport entre l'assiette de l'imposition en France et celle de ce dernier. En outre, il ne peut être procédé à cette imputation que dans la limite de l'impôt dû en France. Ainsi, afin d'éviter les doubles-impositions de fait, seule la différence entre l'impôt dû en France et l'imposition payée dans l'Etat de résidence, dans les conditions décrites, est effectivement acquittée au titre du présent dispositif .

Imputation de l'impôt payé à l'étranger sur l'imposition exigible en France

L'impôt acquitté dans l'Etat de résidence n'est imputable sur l'impôt dû en France qu'à proportion du rapport entre l'assiette de l'imposition française et celle de la taxe étrangère.

Cela signifie que, dans un premier temps, est calculé le rapport (R) entre de l'imposition française et celle de la taxe étrangère ; à titre d'exemple, si l'assiette de l'imposition française est de 100 et celle de l'imposition étrangère est de 80, alors :

R = 100/80 = 1,25

Ce rapport permet, dans un second temps de déterminer le montant de l'impôt étranger imputable (E) sur l'imposition due en France. Ainsi, si la taxe exigible en France est 20 et celle acquittée à l'étranger est de 15 :

E = 15*R=15*1,25 = 18,75

De ce fait, l'impôt imputable sur l'imposition française due est de 18,75 et le contribuable doit par conséquent payer une taxer en France de 1,25 (soit 20-1,25).

De surcroît, à la survenance d'une transmission à titre onéreux ou d'une donation, si le montant de la plus-value retirée est inférieur au montant de la plus-value latente constatée lors du transfert du domicile, l'imposition due au titre du présent article est recalculée sur la base de la différence entre le prix ou la valeur des titres lors de leur transmission et leur prix ou valeur d'acquisition. C'est donc la plus-value retirée lors de la transmission des titres qui sert, dans ce cas, de base au calcul de l'imposition proposée ( alinéa 28 ). Le surplus d'impôt est dégrevé d'office, ou restitué s'il avait fait l'objet d'un paiement immédiat lors du transfert de domicile hors de France ( alinéa 29 ).

Par ailleurs, le 2 du VII de l'article 167 ter du CGI ( alinéa 30 ) prévoit que si, à la survenance d'une transmission à titre onéreux ou d'une donation, le contribuable réalise une perte ou constate que les titres ont une valeur moindre que leur valeur d'entrée dans son patrimoine , l'impôt est dégrevé ou, restitué s'il avait été acquitté lors du transfert du domicile. L'imposition des moins-values est donc évitée .

Dans le cadre d'une cession à titre onéreux des droits sociaux ou valeurs mobilières, si l'abattement prévu aux articles 150-0 D bis et 150-0 D ter du CGI est supérieur à celui prévu par le présent dispositif, il est fait application de ce premier régime pour la détermination de l'assiette de l'imposition ( alinéa 31 ).

La moins-value réalisée lors d'une transmission à titre onéreux ou d'une donation de ces titres et également réduite, le cas échéant, du montant de l'abattement prévu aux articles 150-0 D bis et 150-0 D ter du CGI ( alinéa 32 ). Cette moins-value est imputable , au cours de la même année ou des dix années suivantes, sur les plus-values de même nature imposables en application de l'article 244 bis B du CGI ou sur celles réalisées sur les mutations à titre onéreux de droits sociaux ou de valeurs mobilières taxées au titre de l'article 150-0 A du même code ( alinéa 34 ).

L' article 244 bis B du CGI prévoit l'imposition, sous réserve des conventions fiscales, des plus-values résultant de la cession ou du rachat de droits sociaux réalisés par des non-résidents détenant des participations substantielles dans une société installée sur le territoire français. Sont redevables de cette taxe les personnes physiques qui ne sont pas domiciliées en France ou par les personnes morales ou organismes, quelle qu'en soit la forme, ayant leur siège social hors de France , lorsque les droits dans les bénéfices de la société détenus par le cédant ou l'actionnaire ou l'associé, avec son conjoint, leurs ascendants et leurs descendants, ont dépassé ensemble 25 % de ces bénéfices à un moment quelconque au cours des cinq dernières années.

Au titre de cet article, les plus-values réalisées sont imposées conformément au droit commun ; cependant, lorsque les contribuables concernés sont établis dans un Etat ou territoire non coopératif 272 ( * ) , ces plus-values sont taxées au taux forfaitaire de 50 % . Par conséquent, de manière à assurer l'efficacité de ce dispositif, l'article 167 ter du CGI prévoit que lorsqu'une plus-value est imposable sur le fondement de l'article 244 bis B précité, celui-ci trouve à s'appliquer en priorité ; c'est pourquoi il est par ailleurs précisé que l'impôt sur les plus-values latentes est dégrevé quand le contribuable réalise une plus-value imposée en application de l'article 244 bis B ( alinéa 33 ).

Lorsque le contribuable n'a pas bénéficié d'un sursis de paiement en application du présent dispositif, il peut demander la restitution de l'imposition sur les plus-values latentes payée en cas de transmission à titre onéreux ou de donation des titres concernés si le montant de la plus-value retirée est inférieur au montant de la plus-value latente constatée lors du transfert du domicile, ou si le contribuable réalise une perte ou constate que les titres ont une valeur moindre que leur valeur d'entrée dans son patrimoine ( alinéa 39 ).

A l'expiration d'un délai de huit ans suivant le transfert du domicile fiscal hors de France ou lorsque le contribuable transfère de nouveau son domicile sur le territoire français, celui-ci déclare la nature et la date de ces évènements et peut demander le dégrèvement ou la restitution de l'impôt sur les plus-values latentes acquitté ( alinéa 40 ).

6. Les dégrèvements et restitutions d'imposition limitent strictement le présent dispositif à sa finalité dissuasive

Dès lors que le présent dispositif n'a pour seule vocation que de dissuader l'évasion fiscale, le 2 du VI de l'article 167 ter ( alinéa 24 ) prévoit qu' à l'expiration d'un délai de huit ans suivant le transfert du domicile hors de France, l'impôt sur les plus-values latentes est dégrevé d'office ou restitué s'il avait fait l'objet d'un paiement immédiat lors de ce transfert. Le dégrèvement ou la restitution ne concerne que la fraction des droits sociaux et valeurs mobilières qui demeurent dans le patrimoine du contribuable à cette date. Toutefois, il n'est fait application du dégrèvement ou de la restitution à l'expiration de ce délai qu'à l'impôt sur le revenu et non aux prélèvements sociaux , conformément à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale tel que modifié par le présent article ( alinéas 47 et 48 ).

De même, l'imposition due au titre du présent article est dégrevée, ou restituée si elle avait fait l'objet d'un paiement immédiat lors du transfert du domicile, en cas de décès du contribuable ou de donation , si le donateur démontre que cette opération n'est pas faite à seule fin d'éluder cette imposition ( alinéa 25 ). Cette précision permet de garantir l'égalité fiscale et de maintenir le dispositif dans le cadre de sa finalité dissuasive , en permettant que les contribuables qui ne cherchent pas à éviter l'impôt n'acquittent pas de taxe sur les plus-values lorsqu'ils transmettent leurs droits sociaux ou valeurs mobilières à titre gratuit, à l'instar des contribuables domiciliés en France.

Enfin, lorsque le contribuable transmet des droits sociaux ou valeurs mobilières sur lesquels sont constatées les plus-values latentes taxées au titre du présent dispositif, à titre gratuit alors qu'il est domicilié hors de France, est restitué ou dégrevé l'impôt se rapportant aux plus-values mentionnées au II de l'article 92 B et au premier alinéa du 1 et au 4 du I ter de l'article 160 dans leur rédaction en vigueur avant le 1 er janvier 2000 273 ( * ) ( alinéa 27 ).

7. Le dispositif proposé précise les obligations déclaratives auxquelles sont soumis les contribuables

Le VIII du nouvel article 167 ter du CGI précise les différentes obligations déclaratives auxquelles sont soumis les contribuables redevables de l'imposition. Ainsi, le contribuable qui transfère son domicile fiscal hors de France doit déclarer les plus-values latentes entrant dans le champ de la présente taxe sur la déclaration prévue pour l'impôt sur le revenu l'année suivant celle du transfert dans le délai prévu par l'article 175 du même code soit, en principe, avant le 1 er mars ( alinéa 36 ).

Dans les cas où le contribuable bénéficie d'un sursis de paiement , celui-ci est tenu de déclarer chaque année le montant cumulé des impôts en sursis de paiement et d'indiquer, sur un formulaire établi par l'administration fiscale, le montant des plus-values latentes constatées lors du transfert du domicile et l'impôt y afférent pour lesquels le sursis de paiement n'est pas expiré ( alinéa 37 ). Le défaut de production de cette déclaration et de ce formulaire ou l'omission de tout ou partie des renseignements qui doivent y figurer entraînent l'exigibilité immédiate de l'impôt en sursis de paiement ( alinéa 41 ).

Lorsque le sursis de paiement arrive à expiration 274 ( * ) , l'année suivant celle-ci, le contribuable déclare, sur un formulaire établi par l'administration et joint à la déclaration prévue pour l'impôt sur le revenu, la nature et la date de l'évènement entraînant l'expiration du sursis de paiement, ainsi que le montant de l'impôt exigible, dégrevé le cas échéant, afférent aux plus-values latentes constatées au moment du transfert du domicile. La déclaration doit être envoyée à l'administration fiscale dans le délai prévu par l'article 175 du CGI. L'impôt définitif est dû au moment du dépôt de ce formulaire ( alinéa 38 ).

Dans les deux mois suivant chaque transfert de domicile fiscal, les contribuables sont tenus d'informer l'administration fiscale de l'adresse du nouveau domicile fiscal ( alinéa 42 ).

L'application effective de ces obligations déclaratives est assurée par les clauses d'assistance administrative ou d'assistance mutuelle prévues, le cas échéant, par les conventions fiscales auxquelles la France est partie ; en outre, le recouvrement des impositions dues est garanti lorsque les actifs constituant l'assiette de la taxe sont localisés en France. L'hypothèse où le contribuable, ayant un obtenu un sursis de paiement sans constitution de garanties à la suite d'un transfert de son domicile dans un Etat membre de l'Espace économique européen ou pour raisons professionnelles, transfère à nouveau son domicile fiscal dans un pays tiers ne relevant pas de telles conventions sans, de ce fait, que puisse être contrôlé le respect des obligations déclaratives, ne peut être écartée.

Enfin, le IX de l'article 167 ter ( alinéa 43 ) prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article, notamment les obligations déclaratives des contribuables.

8. La date d'entrée en vigueur du dispositif doit permettre son effectivité

Afin de garantir la pleine effectivité du dispositif, le IV du présent article ( alinéa 49 ) prévoit que celui-ci est applicable aux transferts de domicile hors de France intervenus à compter du 3 mars 2011 , afin que soient concernés par l'imposition les contribuables ayant transféré leur domicile à la suite de l'annonce de la création de la taxe.

C. UN DISPOSITIF COMPATIBLE AVEC LE DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE

La compatibilité du présent dispositif avec le droit de l'Union européenne repose principalement sur le mécanisme de sursis de paiement qu'il institue ; les conditions dans lesquelles celui-ci est accordé et dans lesquelles il expire ont été conçues pour répondre aux exigences résultant des libertés de circulation consacrées par le droit de l'Union européenne . A ce titre, le dispositif proposé tend à éviter toute différence de traitement discriminatoire entre les contribuables qui transfèrent leur domicile dans un Etat membre de l'Union européenne et ceux demeurant en France.

1. Le sursis de paiement prévu par le dispositif vise à préserver la liberté de circulation des personnes

Dans sa décision précitée, la CJCE avait déclaré l'article 167 bis du CGI incompatible avec la liberté d'établissement parce que la taxe qu'il instituait une « restriction typique ½à la sortie du territoire½ » et ajoutait que la possibilité d'obtenir un sursis de paiement n'était pas de nature à exclure un tel effet restrictif, « car l'octroi dudit sursis de paiement [n'était] pas automatique et [était] soumis à la condition de désigner un représentant fiscal établi en France », à quoi venait s'ajouter l'obligation de constituer des garanties, coûteuses pour le contribuable.

Par conséquent, le III du nouvel article 167 ter du CGI ( alinéa 13 ) prévoit que lorsqu'un contribuable transfère son domicile fiscal hors de France dans un Etat membre de l'Union européenne , ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscale ainsi qu'une convention d'assistance mutuelle en matière de recouvrement, celui-ci bénéficie d'office d'un sursis de paiement .

En outre, au titre du 1 du IV de l'article 167 ter ( alinéas 14 à 16 ), un sursis de paiement peut aussi être accordé, sur demande expresse du contribuable, lorsque ce dernier transfère son domicile fiscal dans un Etat n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen. Il en va de même lorsque le contribuable, après avoir transféré son domicile fiscal dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen , procède à un nouveau transfert dans un pays tiers. Toutefois, dans ces conditions, le contribuable doit désigner un représentant établi en France, constituer des garanties propres à assurer le recouvrement de la créance au Trésor afin de bénéficier d'un sursis de paiement et déclarer les plus values-latentes constatées lors de son départ ( alinéa 17 ). Ainsi, dans ce cas, le sursis d'imposition est accordé dans les mêmes conditions que celles prévues par l'ancien article 167 bis du CGI.

Enfin, dans la perspective de ne pas entraver la mobilité professionnelle des contribuables, le 2 du IV de l'article 167 ter ( alinéa 18 ) prévoit que, pour bénéficier d'un sursis de paiement, ces derniers sont dispensés de la constitution de garanties s'ils justifient que le transfert de leur domicile, dans un Etat n'étant pas partie à l'accord sur l'Espace économique européen, obéit à des raisons professionnelles . Pour autant, pour que cette exception trouve à s'appliquer, l'Etat de transfert doit avoir conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscale ainsi qu'une convention d'assistance mutuelle en matière de recouvrement.

Le V de l'article 167 ter ( alinéa 19 ) dispose que les sursis de paiement prévus dans le présent article ont pour effet de suspendre la prescription de l'action en recouvrement jusqu'à la date de l'évènement entraînant leur expiration.

2. Le présent dispositif distingue les transmissions à titre onéreux et les mutations à titre gratuit lorsqu'il s'agit de définir les évènements entraînant l'expiration du sursis de paiement

L'imposition est exigible dès le transfert du domicile du contribuable hors de France . Cependant, celle-ci n'est effectivement recouvrée au moment de ce transfert que s'il n'a pas été accordé de sursis de paiement au contribuable. Dans les cas où il a été sursis au paiement de l'imposition, la mise en recouvrement intervient lorsqu'expirent les sursis de paiement, c'est-à-dire au moment où survient l'un des évènements prévus par le V de l'article 167 ter ( alinéa 20 ).

Parmi ces évènements entraînant l'expiration du sursis de paiement, le présent article distingue les transmissions à titre onéreux et les mutations à titre gratuit. En effet, les transmissions à titre gratuit ne font pas, en France, l'objet d'une imposition au titre des plus-values . C'est la raison pour laquelle cette distinction est essentielle dans la mesure où elle permet d' éviter une différence de traitement entre les contribuables qui transfèrent leur domicile dans un Etat membre de l'Union européenne et ceux demeurant en France, qui impliquerait l'incompatibilité du dispositif avec les libertés de circulation.

a) Les transmissions à titre onéreux

Le sursis de paiement expire en cas de cession, de rachat, de remboursement ou d'annulation des droits sociaux ou valeurs mobilières sur lesquels ont été constatées les plus values latentes ( alinéa 21 ).

Néanmoins, ne sont pas entendues comme cession au sens de l'article proposé les opérations d'échange réalisées dans le cadre d'une opération d'offre publique, de fusion, de scission, d'absorption d'un fonds commun de placement par une société d'investissement à capital variable, de conversion, de division, ou de regroupement 275 ( * ) . Ainsi, lorsqu'il est procédé à de telles opérations, dites intercalaires , le sursis de paiement n'expire pas et le paiement de l'imposition n'est pas exigé. Cet élément revêt une importance particulière dès lors qu'il concourt à la compatibilité du dispositif avec le droit de l'Union européenne ; en effet, une taxation représentant un obstacle à des opérations de restructuration ou de regroupement de la société dont le contribuable résidant à l'étranger est l'actionnaire aurait pour conséquence de restreindre la liberté de circulation .

b) Les transmissions à titre gratuit

Le sursis de paiement arrive à expiration en cas de donation de titres pour lesquelles des plus-values latentes ont été constatées ( alinéa 22 ) ; toutefois, le sursis de paiement n'expire pas et l'imposition n'est pas due si le donateur démontre que la donation n'est pas faite à seule fin d'éluder l'imposition sur les plus-values latentes . Ainsi, ce dispositif prévoit un traitement discriminatoire à l'égard des contribuables cherchant à éviter l'impôt qui n'est cependant pas incompatible avec les libertés de circulation consacrées par le droit de l'Union européenne puisqu'il est justifié par une raison impérieuse d'intérêt général : la lutte contre l'évasion fiscale .

Entraîne aussi l'expiration du sursis de paiement la donation de titres pour lesquels des plus-values de cession ou d'échange ont été reportées en application de l'article 92 B decies , du troisième alinéa du 1 du I ter et du II de l'article 160 dans leur rédaction en vigueur avant le 1 er janvier 2000, de l'article 150-0 C dans sa rédaction en vigueur avant le 1 er janvier 2006 ou de l'article 150-0 B bis du CGI 276 ( * ) .

Enfin, le décès du contribuable fait expirer le sursis de paiement ( alinéa 23 ), mais seulement pour ce qui concerne les plus-values mentionnées à l'article 92 B decies , au troisième alinéa du 1 du I ter et au II de l'article 160 dans leur rédaction en vigueur avant le 1 er janvier 2000, à l'article 150-0 C dans sa rédaction en vigueur avant le 1 er janvier 2006 ou à l'article 150-0 B bis du CGI 277 ( * ) .

En excluant l'expiration du sursis de paiement à la suite d'une donation ou d'un décès, à l'exception des plus-values et de reports prévus aux articles 92 B decies , 160 dans leur rédaction en vigueur avant le 1 er janvier 2000, 150-0 C dans sa rédaction en vigueur avant le 1 er janvier 2006 et 150-0 B bis précités, le dispositif garantit un traitement identique, du point de vue de l'imposition des plus-values, des résidents et des non-résidents .

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Outre vingt-deux amendements rédactionnels, de coordination ou de précision qui n'appellent pas de commentaire particulier de votre rapporteur général, l'Assemblée nationale a apporté plusieurs modifications substantielles au présent article.

A. UNE EXTENSION DE L'ASSIETTE DE L'IMPOSITION PROPOSÉE

L'alinéa 2 du présent article prévoyait que n'entraient dans l'assiette de l'imposition sur les plus-values latentes que les droits sociaux et valeurs mobilières détenus dans des sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés ou d'un impôt équivalent . Cette précision a été supprimée par un amendement adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Gilles Carrez, rapporteur général du budget, avec l'avis favorable du Gouvernement ; ainsi, sont intégrés à l'assiette de la taxe les titres détenus dans les sociétés de capitaux ayant opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes - telles que les SARL de famille - et dans celles exonérées de l'impôt sur les sociétés - à l'instar de certaines jeunes entreprises innovantes (JEI).

B. L'ÉLARGISSEMENT DU CHAMP DES CONTRIBUABLES

L'article proposé, à son alinéa 2, disposait qu'étaient assujettis à la taxe les contribuables fiscalement domiciliés en France pendant les six années précédant le transfert de leur domicile hors de France . Afin d'éviter les éventuels comportements d'optimisation fiscale consistant à quitter le territoire français à plusieurs reprises avant que le délai de six ne soit échu, un amendement a été adopté par l'Assemblée national à l'initiative de notre collègue député Gilles Carrez, rapporteur général au nom de la commission des finances, avec l'avis favorable du gouvernement ; celui-ci modifie le 1 du I de l'article 167 ter du CGI et précise que sont assujettis à l'imposition proposée les contribuables domiciliés en France au moins six des dix années précédant le transfert du domicile .

En outre, un amendement adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue Gilles Carrez, avec l'avis défavorable du Gouvernement , vise à soumettre à la présente taxe l'ensemble des contribuables bénéficiant d'un report d'imposition - et pas seulement ceux répondant aux critères de participation posés à l'alinéa 2 de l'article proposé - et transférant leur domicile fiscal hors de France. Pour ce faire, le II de l'article 167 ter du CGI est modifié. Le Gouvernement s'est prononcé défavorablement sur cet amendement par ce que celui-ci modifierait « la nature de l' exit tax en la faisant passer d'une taxe anti-abus, qui est le sens de la mesure, à une taxe sur la totalité des plus-values latentes ».

C. LA DÉTERMINATION DE L'IMPUTATION DES MOINS-VALUES RÉALISÉES À L'ÉTRANGER SUR LES PLUS-VALUES IMPOSABLES EN FRANCE

A l'initiative de notre collègue député Gilles Carrez, avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement a été adopté par l'Assemblée nationale, tendant à limiter les possibilités d'imputation des moins-values réalisées à l'étranger sur les plus-values imposables en France. Ainsi, ces moins-values ne sont imputables sur ces dernières qu'à proportion du rapport entre, d'une part, la différence entre le taux d'imposition prévu en France sur les plus-values au titre de l'impôt sur le revenu et le taux applicable aux plus-values dans l'Etat où elles sont réalisées et, d'autre part, le taux d'imposition prévu en France sur les plus-values au titre de l'impôt sur le revenu.

L'imputation des moins-values réalisées à l'étranger
sur les plus-values imposables en France

Les plus-values effectivement imposées en France (PV i ) résultent de la différence entre, d'une part, les plus-values imposables en France (PV F ) et, d'autre part, les moins-values réalisées à l'étranger (MV E ) affecté d'un coefficient (C) :

PV i = PV F - MV E *C

Le coefficient C correspond au rapport entre, d'une part, la différence entre le taux d'imposition prévu en France sur les plus-values au titre de l'impôt sur le revenu (T F ) et le taux applicable aux plus-values dans l'Etat où elles sont réalisées (T E ) et, d'autre part, le taux d'imposition prévu en France sur les plus-values au titre de l'impôt sur le revenu (T F ) :

C = (T F - T E )/ T F

D. L'INCLUSION DES CRÉANCES DE COMPLÉMENT DE PRIX DANS LE CHAMP DE LA TAXE

Un amendement a été adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, avec l'avis favorable de la commission des finances, qui prévoit l'inclusion dans le champ de l'imposition proposée des créances de complément de prix à recevoir en exécution d'une clause d'indexation .

E. DES RÈGLES APPLICABLES AUX OPÉRATIONS INTERCALAIRES PRÉCISÉES

Un amendement a été adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, avec l'avis favorable de la commission des finances, qui précise les règles applicables, dans le cadre du présent dispositif, en cas d'échange de titres entrant dans le champ d'application de l'article 150-0 B du CGI intervenu après le transfert du domicile fiscale hors de France . Il s'agit donc des titres échangés lors d'une opération d'offre publique, de fusion, de scission, d'absorption d'un fonds commun de placement par une société d'investissement à capital variable, de conversion, de division, ou de regroupement. Cet amendement vise à maintenir un traitement identique des résidents et des non-résidents au regard des plus-values qui pourraient résulter de telles opérations intercalaires. Ainsi :

- le sursis de paiement n'expire pas lors de l'échange mais seulement du rachat, du remboursement ou de l'annulation des titres reçus lors de l'échange ;

- lorsque la plus-value de cession est inférieure à la plus value-latente, l'imposition des plus-values latentes est diminuée en conséquence. Si un échange de titres a lieu après le transfert du domicile fiscal hors de France, le prix ou la valeur d'acquisition est corrigée de la soulte de la même manière que pour les opérations d'échange intervenant en France ;

- les dégrèvements et restitutions interviennent à l'expiration du délai de huit ans ou lors du retour en France lorsque les titres reçus au moment de l'échange demeurent dans le patrimoine du contribuable.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. UN DISPOSITIF EFFICACE DE LUTTE CONTRE L'EVASION FISCALE PARTICIPANT AU FINANCEMENT DE LA RÉFORME DE LA FISCALITÉ DU PATRIMOINE

Du fait de son large périmètre d'application, puisqu'elle concerne l'ensemble des plus-values latentes constatées, au moment du transfert du domicile hors de France, sur les droits sociaux ou valeurs mobilières détenues dans les sociétés dans lesquelles l'ensemble des membres du foyer fiscal du contribuable disposent d'une participation directe ou indirecte aux bénéfices sociaux d'au moins 1 % ou dont la valeur excède 1,3 million d'euros lors de ce transfert , l'imposition dont il est proposé la création par le présent article est de nature à lutter efficacement, de par son effet dissuasif, contre l'évasion fiscale .

Par ailleurs, les plus-values latentes sont taxées au titre de l'impôt sur les revenu mais aussi des prélèvements sociaux , ce qui n'était pas le cas dans le cadre du régime prévu par l'ancien article 167 bis du CGI, permettant de renforcer le caractère dissuasif du présent dispositif.

Ces nouvelles caractéristiques paraissent bienvenues ; en effet, dans son rapport sur le projet de loi pour 2005 et son commentaire sur l'article 9 bis nouveau abrogeant l'article 167 bis précité, votre rapporteur général avait souligné l'inefficacité du mécanisme de « herse fiscale » créé par ce dernier article ; celui-ci n'avait aucunement empêché les délocalisations de contribuables pour des raisons fiscales.

Enfin, les recettes dégagées par ce dispositif participent au financement de la réforme de la fiscalité du patrimoine . Son rendement est estimé à 87 millions d'euros pour l'année 2012, et à 189 millions d'euros à compter de 2013.

B. UNE APPRÉHENSION EXTENSIVE DE L'ASSIETTE DE LA TAXE

Ainsi, l'imposition proposée comporte une assiette étendue ; toutefois, afin que celle-ci soit conforme à sa vocation de lutte contre l'évasion fiscale, il est nécessaire que cette assiette intègre l'ensemble des valeurs mobilières dont disposent les contribuables, et non pas seulement celles détenues dans des sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés ou d'un impôt équivalent. C'est la raison pour laquelle votre rapporteur général se déclare favorable à la modification apportée par l'Assemblée nationale supprimant la référence à l'impôt sur les sociétés permettant d'intégrer au champ de la taxe les titres détenus dans les sociétés de capitaux ayant opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes et dans celles exonérées de l'impôt sur les sociétés.

Néanmoins, le dispositif ne saurait être complet s'il n'intègre pas à l'assiette de la taxe les actions et parts détenues dans les sociétés d'investissement à capital variable (SICAV) et dans les fonds communs de placement (FCP). C'est pourquoi, il vous est proposé un amendement tendant à inclure dans le champ de la taxe les participations détenues dans les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM).

C. UNE ATTENTION SCRUPULEUSE PORTÉE À LA COMPATIBILITÉ DU DISPOSITIF PROPOSÉ AVEC LES LIBERTÉS DE CIRCULATION CONSACRÉES PAR LE DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE

Une attention scrupuleuse a été portée à la compatibilité de la nouvelle imposition avec l'ensemble des libertés de circulation consacrées par le droit de l'Union européenne.

En effet, l'ancien article 167 bis du CGI avait été déclaré incompatible avec la seule liberté d'établissement ; c'est la raison pour laquelle la compatibilité du nouvel impôt avec cette liberté a fait l'objet d'un examen particulier. Toutefois, en droit de l'Union européenne, les libertés de circulation ne se résument pas à la liberté d'établissement.

Les impositions discriminatoires peuvent aussi être sanctionnées sur le fondement de la liberté de circulation des citoyens de l'Union européenne 278 ( * ) consacrée par l'article 21 du traité de fonctionnement de l'Union européenne, ce qui a pour effet d' étendre à l'ensemble des contribuables concernés la possibilité de contester la compatibilité du dispositif proposé avec le droit de l'Union européenne , et non pas seulement à ceux disposant d'une participation substantielle dans la société dans laquelle ils détiennent des titres 279 ( * ) .

Ainsi, afin de garantir la pérennité du dispositif, tous les effets discriminatoires possibles ont été envisagés , même ceux pouvant concerner des situations rencontrées à titre principal par de simples particuliers, et particulièrement les cas de donation et de succession. C'est pourquoi, notamment, le sursis de paiement prévu par le présent article est octroyé automatiquement, sans conditions, aux contribuables transférant leur domicile fiscal vers un Etat membre de l'Union européenne ou encore que ce sursis n'expire en cas d'opération de restructuration ou de regroupement de sociétés ou, dans certaines conditions, de transmission à titre gratuit de droits sociaux ou de valeurs mobilières. De ce point de vue, les différentes libertés de circulation consacrées par le droit de l'Union européenne sont respectées .

Néanmoins, pour parvenir à établir un dispositif peu susceptible d'être contesté du point de vue des libertés de circulation, le Gouvernement a dû renoncer à la simplicité .

D. UN DISPOSITIF COMPATIBLE AVEC LES CONVENTIONS FISCALES INTERNATIONALES, SELON LE GOUVERNEMENT

Les conventions fiscales visant à éviter les doubles-impositions auxquelles la France est partie sont généralement rédigées sur le modèle de convention de l'OCDE dont l'article 13 stipule notamment que « les gains en capital provenant de l'aliénation de tous biens autres que ceux visés aux paragraphes 1,2 et 3 [biens immobiliers situés dans l'autre Etat contractant, biens immobiliers faisant partie de l'actif d'un établissement stable qu'une entreprise d'un Etat contractant a dans l'autre Etat contractant, navires et aéronefs, etc.] ne sont imposables que dans l'Etat contractant dont le cédant est un résident ». Il en ressort que les plus-values sont, en principe, imposées à titre exclusif dans l'Etat de résidence.

Or, il importe de s'interroger sur la possibilité que le dispositif prévu à l'article 167 ter du CGI puisse entraîner un risque de double-imposition . En effet, lorsqu'il y a eu transfert du domicile fiscal, les plus-values réalisées en cas de cession dans l'Etat de résidence intègrent, par définition, celles constituées dans le pays d'origine. De ce fait, une taxe sur les gains en capital acquittée dans le pays de résidence et une imposition sur les plus-values latentes due dans l'Etat d'origine sont assises, en partie, sur la même base économique 280 ( * ) . Selon la doctrine, il y a dualité d'imposition lorsqu'un impôt est établi et payé dans un premier Etat et qu'un autre est prélevé sur la même matière imposable dans un second Etat 281 ( * ) .

Certains Etats, tels que la Suède ou la Finlande, ont appréhendé la question de la conventionnalité de l'imposition en prenant la précaution de faire insérer dans de nombreuses conventions fiscales conclues avec des pays tiers une stipulation leur reconnaissant le droit de continuer à appliquer à leurs expatriés pendant quelques années après leur départ, des impositions spécifiques 282 ( * ) .

Cependant, le Gouvernement traite cette question en considérant que le fait générateur de l'imposition sur les plus-values latentes intervient au moment du transfert du domicile du contribuable hors de France ; par conséquent, l'imposition est exigible avant même que le contribuable ait effectivement transféré son domicile dans un autre Etat. Il en résulterait que la taxe sur les plus-values latentes acquittée en France et celle sur les plus-values réalisées en cas de cession n'auraient pas la même assiette , évitant par suite les situations de double-imposition.

E. DES PRÉCISIONS RÉDACTIONNELLES À APPORTER

Il vous est enfin proposé un autre amendement rédactionnel précisant l'alinéa 25 de cet article.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLES ADDITIONNELS APRÈS L'ARTICLE 18 (Art. 77 et 78 de la loi n° 2009-1673 de finances pour 2010 et art. 1647 C quinquies C [nouveau] du code général des impôts) - Ajustements consécutifs à la réforme de la taxe professionnelle

Commentaire : les présents articles additionnels procèdent à des ajustements rendus nécessaires par la mise en oeuvre de la réforme de la taxe professionnelle.

Le remplacement de la taxe professionnelle (TP) par la contribution économique territoriale (CET) a constitué une réforme d'une ampleur telle qu'elle nécessite d'être mise en oeuvre sur plusieurs années. Inévitablement, des effets pervers non prévus et non désirés ne manquent pas d'être découverts.

Votre commission des finances s'attache depuis le vote de la loi de finances pour 2010 à suivre les modalités de mise en oeuvre de la réforme 283 ( * ) . Les présents articles additionnels s'inscrivent dans cette démarche. Ils pourront être complétés par d'autres dispositifs au cours de l'examen du présent projet de loi de finances rectificative.

I. LE SORT DES COMPENSATIONS DE LA RÉFORME DE LA TAXE PROFESSIONNELLE EN CAS DE MODIFICATIONS D'EPCI AU 1 ER JANVIER 2011

A. LE DROIT EXISTANT

La réforme de la taxe professionnelle est compensée, pour les collectivités territoriales, en deux temps :

- d'abord, un versement aux collectivités les plus perdantes à la réforme d'une dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) , qui équilibre les pertes et les gains au sein de chacune des trois catégories de collectivités territoriales ;

- puis l'intervention des trois fonds nationaux de garantie individuelle des ressources (FNGIR) qui viennent, au sein de chaque catégorie, prélever les gains des collectivités gagnantes pour les affecter aux collectivités perdantes et parvenir ainsi à une compensation à l'euro près de la réforme .

Lors du vote de la réforme, un cas de figure a été oublié : le cas où une commune isolée ou appartenant antérieurement à un établissement public à fiscalité additionnelle adhère à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre unique (FPU) au 1 er janvier 2011 . Alors, en l'état actuel du droit, la commune conserve le bénéfice de sa DCRTP et de son FNGIR, alors même que l'attribution de compensation dont elle bénéficie en provenance de l'EPCI est calculée sur la base de la compensation relais qu'elle a perçue en 2010. Il en résulte que la commune bénéficie deux fois des compensations de la réforme de la taxe professionnelle : une fois à travers l'attribution de compensation, une autre fois en conservant le bénéficie de la DCRTP et du FNGIR .

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Afin de remédier au problème détaillé ci-dessus, votre commission des finances vous propose un amendement prévoyant que les communes isolées ou membres d'EPCI à fiscalité additionnelle qui rejoignent un EPCI à FPU au 1 er janvier 2011 transfèrent à cet EPCI, le cas échéant, le montant de DCRTP qu'elles percevaient et le prélèvement ou le reversement de FNGIR dont elles étaient l'objet .

Le dispositif prévoit toutefois que les reversements perçus au titre du fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) demeurent affectés aux communes membres de l'EPCI à FPU et ne sont pas transférés à celui-ci. En effet, le droit actuel ne dispose pas que lorsqu'elles adhèrent à un EPCI à FPU les communes lui transfèrent le bénéfice de ces reversements.

Ce dispositif préserve ainsi l'équilibre budgétaire entre les communes et les EPCI à FPU .

II. LA VALIDATION DES DÉLIBÉRATIONS TARDIVES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

En raison des délais nécessaires à la mise en place de la réforme de la taxe professionnelle et des incertitudes qui y étaient liées, les lois de finances pour 2010 et 2011 ont prévu de reporter la date limite que doivent respecter les collectivités territoriales pour voter les taux des impositions locales.

Ainsi, par dérogation aux dispositions du I de l'article 1639 A du code général des impôts et du premier alinéa de l'article L. 1612-2 du code général des collectivités territoriales, la date limite de vote des budgets et des taux des collectivités territoriales a été reportée du 31 mars au 15 avril pour l'exercice 2010 et au 30 avril pour l'exercice 2011.

Il apparaît, malgré cet assouplissement, que 220 cas de votes postérieurs à la date du 30 avril 2011 ont été recensés , dont deux cas concernant des conseils généraux.

C'est pour remédier à cette situation que le présent amendement propose, à titre exceptionnel, de valider les délibérations relatives aux taux et aux produits des impositions directes perçues par les collectivités territoriales et organismes compétents prises entre le 1 er mai 2011 et le 30 juin 2011 inclus .

Cette validation permettra notamment de garantir qu'aucun vice de procédure ne soit exploité par un contribuable devant les tribunaux administratifs pour faire annuler la délibération à l'origine de l'imposition.

III. COMPENSER LES PERTES SUBIES PAR LES SYNDICATS À CONTRIBUTION FISCALISÉE DU FAIT DE LA SUPPRESSION DE LA TP

A. LE DROIT EXISTANT

1. Les syndicats de communes peuvent être financés soit par contribution directe de leurs membres, soit par contribution fiscalisée

Le code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoit, en son article L. 5212-19, que les recettes des syndicats de communes comprennent « la contribution des communes associées » 284 ( * ) . L'article L. 5212-20 dispose que celle-ci est obligatoire. Les sommes dues sont alors votées avec le budget communal et constituent une dépense de fonctionnement. On parle alors de « contribution budgétaire ».

Mais « le comité du syndicat peut décider de remplacer en tout ou partie cette contribution par le produit » d'un ou plusieurs impôts locaux perçus par les communes membres du syndicat. On parle alors de « contribution fiscalisée » . Chaque conseil municipal peut cependant s'y opposer dans un délai de quarante jours « en affectant d'autres ressources au paiement de sa quote-part ».

Dans le cas de la « contribution fiscalisée », le syndicat vote un produit par commune et le contribuable acquitte un supplément de fiscalité au profit du groupement dont le taux apparaît distinctement sur l'avis d'imposition 285 ( * ) . Le calcul des contributions est effectué par les services fiscaux.

Le syndicat ne dispose d'aucun pouvoir fiscal propre : il ne vote pas de taux ; il n'a pas de pouvoir d'exonération de l'imposition .

Il en résulte que, pour un même syndicat de communes, les contributions de certaines communes peuvent être budgétaires, celles d'autres communes fiscalisées et, enfin, les communes peuvent associer une part de contribution budgétaire et une part de contribution fiscalisée.

2. La compensation de la réforme de la TP a traité de manière différenciée les contributions budgétaires et les contributions fiscalisées

Le mécanisme des dotations de compensation de la réforme de la TP (DCRTP) et des fonds nationaux de garantie individuelle des ressources (FNGIR), mis en oeuvre pour compenser à l'euro près les pertes résultant de la réforme de la TP, a traité de manière inégalitaire les contributions budgétaires et les contributions fiscalisées aux syndicats de communes .

En effet, les contributions budgétaires aux syndicats ont fait l'objet d'une compensation aux communes membres puisqu'elles transitaient par les budgets de ces communes. Les contributions fiscalisées n'ont, en revanche, pas fait l'objet de cette compensation car elles restaient distinctes des budgets communaux et que les syndicats de communes, n'étant pas des EPCI à fiscalité propre, n'ont pas été compensés via la DCRTP et le FNGIR.

Lors du vote de la réforme de la TP, le problème que pouvait poser cette absence de compensation n'avait pas été envisagé . En effet, la suppression de cet impôt ne modifiait par directement le mode de fonctionnement des contributions fiscalisées. Le syndicat continue de voter un produit par commune, la suppression de la TP impliquant uniquement que, parmi les impôts locaux subissant une hausse du taux pour financer les syndicats, la TP est remplacée par les nouveaux impôts créés par la réforme.

En réalité, la réforme de la TP a introduit une distorsion de la charge fiscale entre les entreprises selon qu'elles sont localisées sur un territoire où le syndicat est financé par une « contribution fiscalisée » ou non.

La situation peut s'illustrer facilement par un exemple. Ainsi, une commune fait valoir que, lorsqu'une entreprise verse 100 euros de TP au titre du budget communal, elle verse également 84 euros pour le syndicat de communes, soit une charge fiscale totale de 184 euros.

Nous prenons l'hypothèse que l'ensemble des bases représente 10 000 en 2009 avant réforme. Dans le cas 1, le syndicat est financé par « contribution budgétaire » et dans le cas 2 par une « contribution fiscalisée ».

Situation en 2009 / Base = 10 000

Cas 1 : contribution budgétaire

Cas 2 : contribution fiscalisée

- La commune vote un taux de 1,84 %.

- Elle perçoit 184 euros de recettes fiscales, dont 84 euros sont rétrocédés au syndicat.

- La commune vote un taux de 1 % et collecte 100 euros.

- Le syndicat fixe la contribution à 84 euros.

- Il convient d'ajouter 0,84 % au taux décidé par la commune.

Les deux situations sont rigoureusement équivalentes tant pour la commune et le syndicat en termes de ressources collectées que pour les entreprises en termes de charge fiscale .

Situation en 2010 / Base = 2 000

Avec la réforme de la TP, les « équipements et biens mobiliers » (EBM) sortent de l'assiette de la CFE. Ils représentaient 80 % de la base totale, celle-ci est donc maintenant égale à 2 000.

Cas 1 : contribution budgétaire

Cas 2 : contribution fiscalisée

- La commune n'augmente pas son taux (1,84 %).

- Elle perçoit 36,8 euros de recettes fiscales et 147,2 euros de compensation par l'Etat.

- Elle reverse 84 euros au syndicat.

- La commune n'augmente pas son taux (1 %). Elle perçoit 20 euros de recettes fiscales et 80 euros de compensation par l'Etat.

- Le syndicat ne modifie pas la contribution qu'il demande, soit 84 euros.

- En revanche, compte tenu de la diminution importante des bases, le taux s'établit désormais à 4,2 % (4,2 x 2000 /100 = 84).

On constate tout d'abord que la diminution de la charge fiscale pour les entreprises n'est pas la même dans le cas 1 et dans le cas 2.

Dans le cas 1, la recette de l'impôt diminue de 184 à 36,8 euros, soit une baisse de 80 % . Dans le cas 2, la recette de l'impôt diminue de 184 à 104 euros (20 + 84), soit une baisse de 43,5 %.

Encore ne s'agit-il là que d'une approche au niveau macro-économique. En effet, les entreprises, dont la base fiscale ne comprenait que peu d'EBM, connaissent une augmentation très importante de leur fiscalité.

Leur base n'a donc pas ou peu diminué entre 2009 et 2010 . L'augmentation du taux de la « contribution fiscalisée » n'est pas compensée par la diminution de la base . Ainsi, toutes les entreprises disposant de peu d'EBM et localisées sur le territoire d'un syndicat de communes à « contribution fiscalisée » verront leur charge fiscale augmenter .

Cette situation est particulièrement inéquitable. En effet, si le syndicat se finançait par le biais d'une contribution budgétaire, la charge fiscale de la même entreprise serait restée neutre ou aurait légèrement diminué, l'Etat prenant de facto en charge une partie de la contribution communale au syndicat. Le mode de financement du syndicat influe donc sur le montant de l'impôt acquitté .

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre commission des finances vous propose un amendement dont l'objet est double : son I traite définitivement le problème à compter de l'année 2012 tandis que son II permet, rétroactivement, de remédier aux suppléments d'imposition à la CFE subis par les entreprises en 2010 et 2011.

1. Compenser, à compter de 2012, les pertes subies par les syndicats à contribution fiscalisées du fait de la réforme de la TP

Afin de résoudre le problème soulevé par l'absence de compensation des pertes subies par les syndicats à contribution fiscalisée du fait de la réforme de la taxe professionnelle, votre commission des finances vous propose, à compter de 2012, de mettre en oeuvre cette compensation . En outre, votre rapporteur général relève que lors de la suppression de la part salaire de la taxe professionnelle, une telle compensation avait bien été prévue .

Le dispositif proposé prévoit ainsi de calculer, pour chaque commune dont une part au moins de sa contribution au syndicat était fiscalisée en 2009, la fraction de cette contribution ayant pesé sur les bases de TP supprimées par la réforme , c'est-à-dire sur les équipements et biens mobiliers (EBM) 286 ( * ) . Cette fraction fera, à compter de l'année 2012, l'objet d'un prélèvement sur les recettes de l'Etat au profit des communes se trouvant dans cette situation .

Il n'est pas opportun de prévoir une compensation directe au profit des syndicats de communes. En effet, ces structures ne sont pas des EPCI à fiscalité propre et, à ce titre, ils n'ont pas à recevoir directement de compensations fiscales. C'est pourquoi les communes membres bénéficieront de la compensation.

Le dispositif proposé prévoit par ailleurs que, pour bénéficier du versement de la dotation, les communes devront opter pour une contribution budgétaire au profit du syndicat. Cette mesure est seule à même de garantir que la compensation versée par l'Etat bénéficiera effectivement aux entreprises via une diminution des taux syndicaux de cotisation foncière des entreprises .

Ce dispositif permettra d'annuler, à compter de 2012, la hausse de la pression fiscale subie du fait de la non compensation des pertes des syndicats à contribution fiscalisée .

Votre rapporteur général rappelle que cette disposition est équivalente à celle qui avait été mise en oeuvre, en 1999, à l'occasion de la suppression de la part « salaires » de la TP .

Elle présente le mérite de résoudre définitivement les problèmes ayant émergé en raison de l'absence de compensation des syndicats à contribution fiscalisée et de traiter de manière équivalente les syndicats, quels que soient les modes de financement retenus par leurs communes membres. Elle applique l'engagement ferme, pris par le Gouvernement lors de la réforme de la taxe professionnelle, de compenser à l'euro près l'ensemble des pertes subies du fait de la réforme et de mettre en oeuvre, autant que possible, une réforme à droit constant pour les collectivités territoriales.

Enfin, d'après les informations recueillies par votre rapporteur général auprès de la direction de la législation fiscale, le coût de ce supplément de compensation serait relativement limité puisqu'il s'élèverait à environ 15 millions d'euros par an à compter de l'année 2012 .

Comme l'ensemble des dotations créées pour compenser les effets de la réforme de la taxe professionnelle, et conformément aux engagements pris par le Gouvernement sur ce point, le prélèvement sur recettes correspondant à la compensation au profit des communes au titre des syndicats à contribution fiscalisée sera sorti du périmètre de l'enveloppe normée des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales. Il ne revient pas, en effet, aux collectivités territoriales, de financer elles-mêmes par des redéploiements au sein de l'enveloppe normée les pertes qu'elles ont subies du fait de la réforme de la taxe professionnelle.

2. Dégrever les entreprises pour les impositions payées au titre de 2010 et de 2011 résultant de l'augmentation des taux syndicaux de CFE

Il convient de surcroît « d'effacer » l'imposition indûment acquittée par les entreprises au titre des années 2010 et 2011 du fait de l'augmentation des taux syndicaux de CFE .

Pour cela, la méthode la plus simple consiste à instituer un dégrèvement , limité aux impositions dues pour ces deux années, qui serait égal à la différence entre la CFE acquittée au titre de l'année n et la CFE qui aurait été acquittée si la réforme de la TP n'était pas entrée en vigueur .

Concrètement, les services fiscaux devront calculer le taux syndical des années 2010 et 2011 selon les règles en vigueur pour la taxe professionnelle au 31 décembre 2009. En particulier, une telle disposition permet de ne pas dégrever les hausses d'imposition qui résulteraient d'une décision du syndicat d'augmenter sa contribution en 2010 ou en 2011.

Exemple chiffré

Exemple 1 - En 2010, le syndicat maintient sa contribution égale

En 2009, l'entreprise A ne dispose que de peu d'EBM, sa valeur locative vaut 100 .

En 2010, suite à la réforme de la TP, sa valeur locative vaut 90 .

Comme dans l'exemple présenté plus haut, le taux syndical de CFE est passé de 0,84 % à 4,2 %.

L'imposition de A au titre des syndicats de communes a donc augmenté de 84 € à 378 €.

Avec le dispositif proposé, l'entreprise A pourrait bénéficier d'un dégrèvement égal à :

D = (Taux 2010 x Base 2010) - (Taux 2009 x Base 2010)

= (4,2 x 90) - (0,84 x 90)

= 302,4

Au total, l'entreprise A acquitte 75,6 € (378 - 302,4) de CFE au titre des syndicats de communes en 2010.

Exemple 2 - En 2011, le syndicat décide d'augmenter sa contribution

La valeur locative de l'entreprise vaut toujours 90.

Le taux syndical mentionné sur les avis d'imposition est plus élevé. Il passe, par exemple, à 4,5 %.

De même, le taux syndical, calculé selon les règles en vigueur au 31 décembre 2009, augmente. Il passe, par exemple, à 0,95 %.

Le dégrèvement sera alors égal à :

D = (Taux 2011 x Base 2011) - (Taux 2011 calculé en fonction des dispositions en vigueur en 2009 x Base 2011)

= (4,5 x 90) - (0,95 x 90)

= 405 - 85,5

= 319,5

L'entreprise acquitte 85,5 euros de CFE au titre des syndicats de communes en 2011.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter les présents articles additionnels.

ARTICLE 18 bis (nouveau) (Art. L.253-2 du code de l'action sociale et des familles) - Facturation des dépenses hospitalières des bénéficiaires de l'Aide médicale de l'Etat (AME)

Commentaire : le présent article, introduit par l'Assemblée nationale, propose un alignement des modalités de facturation des dépenses hospitalières des bénéficiaires de l'AME sur celles de droit commun.

I. LE DROIT EXISTANT : UN MODE DE FACTURATION DÉROGATOIRE QUI CONDUIT À UN SURCOÛT POUR L'ETAT DE 130 MILLIONS D'EUROS

L'Aide médicale de l'Etat, créée par la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle (CMU), est un dispositif destiné à assurer la protection de la santé des personnes étrangères résidant en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois , mais ne remplissant pas la condition de régularité de séjour exigée pour l'admission à la CMU et dont les revenus sont inférieurs au plafond de ressources de la CMU-complémentaire.

Ce dispositif, relevant de la solidarité nationale, est financé par une dotation budgétaire inscrite sur le programme 183 « Protection maladie » de la mission « Santé ».

L'AME offre une couverture sociale, avec dispense d'avance de frais, à près de 215 763 personnes.

Selon la récente mission commune d'inspection IGF-IGAS sur l'évolution des dépenses au titre de l'aide médicale de l'Etat 287 ( * ) , les dépenses hospitalières , qui font l'objet d'un dispositif de facturation spécifique ( cf. infra ), représentent 70 % des dépenses d'AME et expliquent les trois quarts de leur augmentation .

A. UNE FACTURATION DES DÉPENSES HOSPITALIÈRES DES BÉNÉFICIAIRES DE L'AME SUR LA BASE DE TARIFS JOURNALIERS DE PRESTATION

1. Un mode de facturation dérogatoire

a) La base de calcul des dépenses hospitalières dans le système de droit commun : les groupes homogènes de séjour (GHS)

Le financement des établissements de santé repose, pour sa majeure partie, sur une facturation à l'activité à partir de tarifs fixés au niveau national .

Grâce au programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI), les établissements de santé classent le séjour de chacun de leur patient au sein d'un groupe homogène de malades (GHM). Chacun de ces GHM est ensuite associé à son « pendant financier », un groupe homogène de séjour (GHS). Le tarif du GHS, identique pour tous les établissements de santé, est déterminé sur la base d'un coût moyen. C'est sur cette base forfaitaire nationale que l'établissement de santé est rémunéré par l'assurance maladie pour l'ensemble des prestations effectuées au cours du séjour du patient.

b) La base de calcul des dépenses hospitalières des bénéficiaires de l'AME : les tarifs journaliers de prestation (TJP)

Cependant, à titre dérogatoire et jusqu'au 31 décembre 2012 , l'article 33 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 tel que modifié par la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, prévoit que les GHS ne sont pas retenus pour :

- le calcul du ticket modérateur à la charge des patients assurés sociaux ;

- la facturation des dépenses de soins et d'hébergement des patients non couverts par un régime d'assurance maladie (dont font partie les bénéficiaires de l'AME) ;

- l'exercice des recours contre tiers ;

- la facturation des dépenses de soins et d'hébergement des patients européens ou relevant d'une convention internationale.

Dans ces quatre cas précis, la facturation des dépenses hospitalières est réalisée sur la base des tarifs journaliers de prestation (TJP).

Le TJP est un tarif qui varie en fonction du service d'hospitalisation, de la durée d'hospitalisation et du mode de prise en charge (hospitalisation complète, hôpital de jour,...). Il est obtenu en divisant les charges engagées par l'établissement de santé au cours des séjours des malades, par le nombre de journées de séjour prévisionnelles de ces derniers.

Les tarifs journaliers de prestation

Les tarifs journaliers de prestation

« En application du décret du 23 février 2009 portant diverses dispositions financières relatives aux établissements de santé, les TJP sont établis pour au moins chacune des catégories suivantes :


• l'hospitalisation complète en régime commun en distinguant :

- services spécialisés ou non ;

- services de spécialités coûteuses ;

- services de spécialités très coûteuses ;


• l'hospitalisation à temps partiel ;


• la chirurgie ambulatoire ;


• l'hospitalisation à domicile ;


• les interventions de la structure mobile d'urgence et de réanimation.

Les tarifs de prestations sont en effet obtenus, pour chaque catégorie tarifaire, en divisant les charges d'exploitation engagées par l'hôpital au cours des séjours des malades, par le nombre de journées prévisionnelles. Ces charges d'exploitation comprennent :


• Les dépenses de personnel ;


• Les dépenses médicales (médicaments, petit matériel, actes... ) ;


• Les dépenses hôtelières (alimentation, chauffage...) ;


• Les frais de gestion et autres charges d'exploitation du compte de résultat principal qui ne sont pas couvertes par des ressources propres
. »

Source : Rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) et de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), « Analyse de l'évolution des dépenses au titre de l'aide médicale d'Etat », novembre 2010.

2. Un mode de facturation source d'opacité

Deux principaux éléments distinguent les GHS et les TJP :

- d'une part, le champ des charges couvert par les GHS est beaucoup plus étroit que celui couvert par le TJP . Le TJP est donc mécaniquement plus élevé que le tarif du GHS ;

- d'autre part, si le tarif du GHS est le même pour tous les établissements de santé, le TJP est calculé par chaque établissement hospitalier après approbation de l'agence régionale de santé.

Or, comme le souligne la récente mission d'inspection IGF-IGAS précitée, il résulte de ce mode de détermination des TJP :

- d'une part, de fortes disparités entre établissements : une séance de dialyse, par exemple, est facturée 990 euros à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) contre 1 815 euros à l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille ;

- d'autre part, l'absence de politique de maîtrise de l'évolution des TJP . Selon la mission d'inspection IGF-IGAS, les taux d'évolution de ces tarifs sont « sans proportion raisonnable avec les choix retenus pour les GHS ».

Au final, le TJP apparaît, pour la mission d'inspection, « comme une variable d'ajustement des recettes de l'hôpital dans des conditions manquant parfois de transparence ». Cette conclusion rejoint la position de la Cour des comptes qui estimait, dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2009, que « les TJP, fixés par les établissements, sont devenus pour eux une variable d'ajustement des recettes, mal connue par le ministère [de la santé] ».

B. UN SURCOÛT ÉVALUÉ À 130 MILLIONS D'EUROS

A la demande de la mission commune d'inspection IGF-IGAS, la caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) a calculé l'écart de coût entre une facturation reposant sur les TJP et une facturation reposant sur les tarifs des GHS. Cet écart de coût a été évalué à 130 millions d'euros .

Rapporté aux dépenses totales de l'Etat au titre de l'AME (634 millions d'euros en 2010), cela signifie qu'environ 20 % des dépenses financées par l'Etat sont indus et résultent d'une surfacturation de ces dépenses.

Les travaux d'évaluation demandés à l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH), bien que reposant sur des méthodologies différentes, aboutissent au même résultat.

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UN ALIGNEMENT SUR LE MODE DE TARIFICATION DE DROIT COMMUN

A l'initiative de nos collègues députés Dominique Tian et Claude Bodin, avec l'avis favorable de la commission des finances et défavorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement portant article additionnel prévoyant que les dépenses d'aide médicale de l'Etat sont prises en charge sur la base des GHS .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. UN CONSTAT LARGEMENT PARTAGÉ

La question de la surfacturation des dépenses hospitalières des bénéficiaires de l'AME a été mise en évidence à plusieurs reprises, notamment par :

- Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la caisse nationale de l'assurance maladie , lors d'une audition devant la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) de l'Assemblée nationale, le 4 novembre 2010 ;

- notre collègue Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales , lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. Alain Vasselle avait alors proposé un amendement tendant, comme nos collègues députés mais selon un autre dispositif juridique, à aligner le mode de facturation des dépenses hospitalières des bénéficiaires de l'AME sur le droit commun. L'amendement a finalement été retiré à la demande du Gouvernement, celui-ci souhaitant attendre les conclusions de la mission commune d'inspection IGF-IGAS 288 ( * ) ;

- ladite mission commune d'inspection IGF-IGAS sur l'évolution des dépenses au titre de l'aide médicale de l'Etat qui a confirmé ce mécanisme de surfacturation supportée in fine par l'Etat.

B. LA NÉCESSITÉ D'UN ALIGNEMENT VERS LE MODE DE FACTURATION DE DROIT COMMUN

Comme le souligne la mission commune d'inspection IGF-IGAS, il n'apparaît pas justifié de faire supporter à l'Etat la surfacturation à laquelle conduit la facturation en TJP .

Cette facturation en TJP semble d'autant moins justifiée que les établissements de santé reçoivent, depuis deux ans, une dotation spécifique, au sein des Missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC), destinée à compenser le surcoût résultant de l'accueil des publics précaires.

Par ailleurs, une évolution vers une tarification en GHS se justifierait compte tenu des importants dérapages qu'ont connus ces dernières années les dépenses d'AME en dépit des efforts du Gouvernement pour éviter des sous-budgétisations.

L'évolution importante des TJP dans certains établissements de santé, souvent concernés par l'accueil des bénéficiaires de l'AME, contribue en effet au fort dynamisme des dépenses d'AME , comme l'a rappelé Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé, devant la commission des finances à l'occasion de l'examen du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour 2010 289 ( * ) .

Enfin, le passage à une facturation en GHS permettrait une meilleure transparence du dispositif et contribuerait à améliorer la sincérité des inscriptions budgétaires au sein de la mission « Santé » .

C. UN ACCOMPAGNEMENT NÉCESSAIRE DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ CONCERNÉS

Néanmoins, il convient de ne pas minimiser l'impact d'un passage immédiat d'un mode de tarification à un autre pour certains établissements de santé . En effet, en la matière, les économies réalisées par l'Etat ont pour pendant un transfert à due concurrence sur les comptes des hôpitaux.

Selon les données de la mission commune d'inspection IGF-IGAS précitée 290 ( * ) , parmi les dix-sept établissements facturant plus de 2 millions d'euros de TJP, quinze enregistreraient un manque à gagner de plus de 1 million d'euros en cas de passage à une facturation sur la base des GHS. Pour l'AP-HP, particulièrement concernée par l'accueil des bénéficiaires de l'AME, ce manque à gagner s'élèverait à plus de 46 millions d'euros et constituerait ainsi une aggravation de moitié de son déficit.

C'est pourquoi, afin d'éviter tout effet déstabilisant du secteur hospitalier, il serait souhaitable que des mesures transitoires soient mises en place par le ministère de la santé pour accompagner les établissements de santé dans ce changement de mode de facturation.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 18 ter (nouveau) (Art. 88 A [nouveau] et 89 A du code général des impôts, art. L. 112-6 du code monétaire et financier) - Contrôle de l'achat au détail de métaux

Commentaire : le présent article vise à faciliter le contrôle de l'achat au détail de métaux ferreux ou non-ferreux afin de renforcer la lutte contre les trafics.

I. LE DROIT EXISTANT

A. L'INSCRIPTION DES ACHATS ET VENTES DE MÉTAUX ET NON-FERREUX AU REGISTRE DE POLICE

Les personnes physiques ou morales spécialisées dans l'achat et la vente de métaux ferreux et non-ferreux doivent reporter leurs opérations dans un registre de police devant être présenté, le cas échéant, à l' autorité compétente à des fins de contrôle . Deux régimes doivent alors être distingués selon qu'il s'agit :

- de métaux précieux (or, argent, platine ou alliage de ces métaux) ;

- de métaux non précieux .

Pour ce qui est des métaux précieux, l'article 537 du code général des impôts (CGI) précise que les fabricants et les marchands d'or, d'argent et de platine ou d'ouvrages contenant ces métaux, ainsi que les personnes qui détiennent ces matières pour l'exercice de leur profession, doivent tenir un registre de leurs achats, ventes, réceptions et livraisons . L'article 56 J quindecies de l'annexe 4 au CGI précise que ce registre comprend, sur justification de leur identité, les noms, prénoms et adresses des personnes ayant vendu ou confié de tels métaux précieux.

Les transactions au détail portant sur les métaux non-précieux sont, quant à elles, contrôlées au titre de la police du commerce de certains objets mobiliers. En effet, l'article 1 er de la loi du 30 novembre 1987 291 ( * ) prévoit que toute personne dont l'activité professionnelle comporte la vente ou l'échange d'objets mobiliers usagers ou acquis de personnes autres que celles qui les fabriquent ou qui en font le commerce doit tenir un registre qui contient une description des objets acquis ou détenus en vue de la vente ou de l'échange ainsi que celle des personnes qui les ont venus ou apporté à l'échange . De ce fait, les achats ou ventes au détail portant sur des métaux non-précieux, à l'instar du cuivre, sont inscrits par les professionnels dans les registres de police.

B. LE PAIEMENT PAR CHÈQUE BARRÉ DES ACHATS AU DÉTAIL DE MÉTAUX FERREUX ET NON-FERREUX EXCÉDANT CINQ CENTS EUROS

Afin de faciliter le contrôle par l'autorité compétente des opérations d'achat et de vente de métaux ferreux et non-ferreux, la loi du 12 juillet 2010 292 ( * ) a inséré un nouvel alinéa 3 à l' article L. 112-6 du code monétaire et financier (CMF), disposant que toute transaction relative à l'achat au détail de métaux ferreux et non-ferreux qui excède un montant fixé par décret doit être effectué par chèque barré, virement bancaire ou par carte de paiement . L'article D. 112-4 du même code précise que ce montant est fixé à 500 euros .

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de nos collègues députés Gilles Carrez, rapporteur général au nom de la commission des finances, Michel Bouvard et Marc Le Fur, avec l'avis favorable de la commission des finances et du gouvernement, vise à faciliter le contrôle de l'achat au détail de métaux ferreux ou non-ferreux afin de renforcer la lutte contre les trafics.

A. UNE NOUVELLE OBLIGATION DÉCLARATIVE SUR LES ACHATS DE MÉTAUX FERREUX OU NON-FERREUX

Le présent article prévoit l'instauration d'une nouvelle obligation déclarative portant sur les personnes physiques ou morales qui se livrent à titre habituel à l'achat au détail de métaux ferreux ou non-ferreux ( alinéa 2 ) et, pour ce faire, insère un nouvel article 88 A dans le CGI ( alinéa 1 ). Ainsi, ces personnes sont tenues de remettre avant le 31 janvier de chaque année à la direction des services fiscaux du lieu de son domicile ou du siège de l'établissement une déclaration dont le contenu est fixé par décret, qui fait notamment apparaître l'identité et l'adresse des vendeurs, de même que le cumul annuel des achats effectués auprès de chacun de ces derniers ( alinéa 2 ). Par suite, les acheteurs deviennent tiers-déclarants auprès de l'administration fiscale.

En outre, l' article 89 A du CGI est modifié afin d'y faire figurer une référence à l'article 88 A précité ( alinéa 3 ) ; il en résulte que les déclarations mentionnées au nouvel article 88 A sont transmises à l'administration selon un procédé informatique par le déclarant qui a souscrit au cours de l'année précédente une déclaration comportant au moins deux cents bénéficiaires .

B. LE PAIEMENT PAR CHÈQUE BARRÉ DE L'ENSEMBLE DES ACHATS AU DÉTAIL DE MÉTAUX FERREUX ET NON-FERREUX

Enfin, le présent article modifie l'article L. 112-6 du CMF afin de supprimer le montant minimal au-delà duquel l'achat de métaux ferreux ou non-ferreux doit se faire par chèque barré, virement bancaire ou par carte de paiement ( alinéa 4 ). Dès lors, ce sont l'ensemble des achats au détail portant sur des métaux ferreux et non-ferreux qui doivent passer par ces instruments de paiement et non plus seulement ceux excédant 500 euros.

C. L'ENTRÉE EN VIGUEUR DU DISPOSITIF

Le dispositif prévu par cet article entre en vigueur le 30 juin 2012 ( alinéa 5 ).

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. LE RENFORCEMENT DES MOYENS DE CONTRÔLE DES TRAFICS DE MÉTAUX FERREUX ET NON-FERREUX

Le présent dispositif prévoit l'instauration de nouveaux instruments de nature à renforcer l'efficacité du contrôle du trafic de métaux ferreux et non-ferreux. En effet, l'institution d'une nouvelle obligation déclarative portant sur les personnes physiques ou morales qui se livrent à titre habituel à l'achat au détail de métaux ferreux et non-ferreux, ainsi que du paiement obligatoire des achats de ces métaux par chèque barré , virement bancaire ou par carte de paiement, est de nature à accroître l'information dont disposent les autorités compétentes et donc leur capacité à lutter contre les trafics de métaux.

B. UN DISPOSITIF EFFICACE DE LUTTE CONTRE LES VOLS DE MÉTAUX ET LA FRAUDE FISCALE

Il s'agit là d'une initiative bienvenue car ces dernières années ont été marquées par une forte recrudescence des trafics de métaux , précieux et non-précieux, et ce notamment depuis le début de la crise économique. Par ailleurs, il est à noter que ces trafics se font au détriment tant des recettes fiscales que de nombre de professionnels du secteur , confrontés à une concurrence déloyale et des vols de métaux ferreux et non-ferreux en constante augmentation .

Les transactions portant sur les métaux précieux, et notamment sur l'or, font actuellement l'objet d'une importante fraude fiscale ; c'est ce que paraît révéler la constance des recettes dégagées par taxe sur les objets et métaux précieux au cours des dix dernières années alors même que les prix de l'or ont été multipliés par quatre au cours de cette période. Un tel constat semble devoir être étendu aux autres métaux . C'est pourquoi le renforcement des moyens mis à la disposition de l'administration fiscale pour contrôler les transactions métalliques ne peut qu'être encouragé.

De surcroît, l'augmentation des trafics nuit à de nombreux professionnels du secteur . Tout d'abord, ces derniers sont soumis à une concurrence déloyale dès lors que certains détaillants de métaux n'acquittent pas les impositions exigibles lors de la vente de biens métalliques. Ensuite, l'augmentation des prix des métaux, qu'ils soient précieux ou non, a conduit à encourager les vols chez certains professionnels , à l'instar des horlogers-bijoutiers. En conséquence, les obligations posées par le présent dispositif se révèlent d'autant plus louables qu'elles permettent de faciliter l'identification des personnes vendant le produit de leurs vols ainsi que des éventuels receleurs.

S'agissant du commerce de l'or, votre rapporteur général souhaite en outre interroger le Gouvernement sur les moyens dont il dispose effectivement pour contrôler les opérations réalisées hors du circuit bancaire, par les commerces spécialisés.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

II. AUTRES MESURES

ARTICLE 19 (Art. 1609 quatertricies [nouveau] du code général des impôts, art. 33-4 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983) - Contribution perçue sur les activités privées de sécurité

I. LE DROIT EXISTANT

A. LA SÉCURITÉ PRIVÉE EN FRANCE, UN MARCHÉ RELATIVEMENT ATOMISÉ MAIS EN DÉVELOPPEMENT

Actuellement, les activités privées de sécurité en France sont multiples . Elles consistent à :

- fournir des services ayant pour objet la surveillance humaine ou la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou le gardiennage de biens meubles ou immeubles, ainsi que la sécurité des personnes se trouvant dans ces immeubles ;

- transporter et surveiller jusqu'à leur livraison effective des bijoux, des fonds ou des métaux précieux, ainsi qu'assurer le traitement des fonds transportés ;

- protéger l'intégrité physique des personnes ;

- recueillir, en qualité d'agent de recherche privé, des informations ou renseignements destinés à des tiers, en vue de la défense de leurs intérêts.

Au total, l'économie de la sécurité privée en France repose sur environ 170 000 agents privés de sécurité , dont :

- 120 000 agents dans les entreprises de surveillance humaine et de gardiennage ;

- 10 000 agents dans la sûreté aéroportuaire ;

- 10 000 agents dans le transport de fonds ;

- environ 7 000 agents dans la protection rapprochée ;

- environ 6 000 agents dans l'exploitation de vidéosurveillance ;

- 2 000 agents dans la recherche privée ;

- le restant étant des agents de sécurité internalisés au sein des entreprises.

S'agissant du secteur de la sécurité privée, l'INSEE avance un chiffre de 9 425 entreprises, dont 2 400 individuelles . Ce secteur se caractérise par un très fort éparpillement entre très petites entreprises, souvent peu viables : 1 000 entreprises disparaissent chaque année et autant se créent.

La sécurité privée dégage un chiffre d'affaires d'environ 5 milliards d'euros par an, dont 28,5 % est réalisé par les dix plus grandes entreprises . Le taux de rentabilité de cette activité est faible.

Selon les informations communiquées à votre rapporteur général par le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, les projections de croissance sont de 3 % par an .

B. UNE ACTIVITÉ DE PLUS EN PLUS ENCADRÉE

Parce que ces activités sont en fort développement depuis quelques années et qu'elles concourent au respect de l'ordre public, l'Etat tend à les réguler de manière croissante .

La loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité visait ainsi à encadrer le secteur, en poursuivant trois objectifs principaux :

- définir les activités concernées et interdire leur dévoiement ;

- encadrer l'accès à la profession ;

- soumettre à une autorisation administrative préalable la création de toute entreprise privée de sécurité.

Au cours des dernières années, les évolutions de la réglementation ont reflété la volonté de l'Etat d'encadrer encore davantage cette profession .

La loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a modifié la loi précitée de 1983 afin d'instaurer une carte professionnelle pour les agents de sécurité privée. Cette carte doit être détenue par tout salarié exerçant la ou les activités suivantes : surveillance et gardiennage, sûreté aéroportuaire, agent cynophile, transport de fonds et protection physique des personnes.

Le décret n° 2009-137 du 9 février 2009 relatif à la carte professionnelle a rendu applicable le nouveau dispositif de carte professionnelle dématérialisée (délivrance d'un numéro de carte) à compter du 9 mars 2009. Une application nationale dénommée DRACAR (délivrance réglementaire des autorisations et cartes) a été mise en place à partir de cette date dans le cadre de l'instruction par les préfectures des dossiers de demande de carte professionnelle et d'autorisations préalables et provisoires.

Enfin, la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (dite « LOPPSI 2 ») a généralisé le dispositif de la carte professionnelle et de l'autorisation préalable et provisoire à toutes les activités de sécurité privée.

Elle a, en outre, créé le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) . La volonté ainsi concrétisée de confier à un établissement public administratif le contrôle de ce secteur s'inscrit dans le prolongement des dispositions législatives et réglementaires récentes tendant à professionnaliser et à moraliser les activités privées de sécurité .

L'article 31 de la LOPPSI 2 prévoit que le « financement du conseil est assuré par une cotisation dont le taux et l'assiette sont fixés par la loi de finances » .

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article instaure une contribution perçue sur les activités privées de sécurité .

Le I fixe le principe de cette taxe.

Le II du présent article précise les redevables de cette taxe :

- les personnes morales et les personnes physiques qui effectuent en France à titre onéreux des activités privées de sécurité ;

- les personnes morales qui, agissant pour leur propre compte, font exécuter en France par certains de leurs salariés une ou plusieurs de ces activités. Dans ce cas, le lieu des prestations concernées est réputé se situer en France lorsque le preneur de l'opération est établi ou domicilié en France.

Le III du présent article précise le mode de calcul de cette taxe pour les personnes morales et les personnes physiques qui effectuent en France à titre onéreux des activités privées de sécurité. En l'occurrence, cette taxe correspond à l'application d'un taux de 0,5 % sur le montant hors taxe (HT) des ventes de prestations de service assurées par ces personnes. Le fait générateur et l'exigibilité de la contribution interviennent dans les mêmes conditions que celles applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

Le IV dispose que, pour les personnes morales qui, agissant pour leur propre compte, font exécuter en France par certains de leurs salariés une ou plusieurs de ces activités, la contribution est assise sur les sommes payées à ces salariés à titre de rémunération. Le taux de la contribution est dans ce cas fixé à 0,7 % du montant de ces rémunérations . Le fait générateur et l'exigibilité de la contribution interviennent au moment des versements des rémunérations.

Le V détermine les éléments déclaratifs nécessaires à l'établissement de la contribution auprès du service des impôts chargé du recouvrement dont les personnes redevables dépendent. Il précise les conditions spécifiques s'appliquant aux personnes, agissant pour leur propre compte ou étant assujetties et non redevables de la TVA, ainsi que la date limite de paiement de la contribution.

Le VI concerne le cas des personnes non établies dans un Etat membre de l'Union européenne (UE) ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen et ayant conclu une convention fiscale qui contient une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale . Lorsque cette personne est redevable de la contribution, elle est alors tenue de faire accréditer auprès de l'administration fiscale un représentant établi en France, qui s'engage à remplir les formalités lui incombant et à acquitter la contribution à sa place. Il tient à la disposition de l'administration fiscale la comptabilité afférente aux prestations de services rendus et les données relatives aux rémunérations. A défaut de désignation de représentant, la contribution et, le cas échéant, les pénalités qui s'y rapportent, sont dues par le destinataire de la prestation imposable.

Le VII dispose que « le montant de la contribution s'ajoute au prix acquitté par le client. Il est signalé par une mention particulière figurant au bas de la facture relative à la prestation servie ».

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Avec l'avis favorable de sa commission des finances et un avis de sagesse du Gouvernement , l'Assemblée nationale a adopté un amendement de notre collègue député Michel Bouvard visant à supprimer l'affectation de la contribution au CNAPS .

Par ailleurs, à l'initiative de sa commission des finances et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté huit amendements rédactionnels .

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. LES OBJECTIFS DE LA CRÉATION DU CNAPS

Prenant effet à compter du 1 er janvier 2012, la création du CNAPS dans la LOPPSI 2 s'inscrit dans la volonté du Gouvernement de renforcer l'encadrement du secteur de la sécurité privée ainsi que sa professionnalisation .

Le CNAPS sera ainsi chargé, par le biais d'une commission nationale relayée localement par des commissions régionales, de trois missions principales :

- une mission de police administrative : il délivrera, suspendra et retirera les titres-agréments, les autorisations et les cartes professionnelles ;

- une mission disciplinaire : en cas de manquement aux lois, aux règlements et aux obligations professionnelles, il pourra prononcer des sanctions disciplinaires. En outre, il préparera un code de déontologie qui s'imposera à la profession ;

- une mission de conseil et d'assistance à la profession.

Il sera compétent à l'égard de l'ensemble des activités de surveillance et de gardiennage, de transports de fonds, de protection physique des personnes, de sécurité cynophile et de sûreté aéroportuaire, ainsi que de celles des agences de recherche privées.

Personne morale de droit public, le CNAPS a vocation à constituer l'autorité de contrôle et de régulation de la profession . Actuellement, cette fonction est en effet insuffisamment exercée au sein de ce secteur d'activité.

Ainsi, l'évaluation préalable du présent article souligne que « certaines pratiques observées sur le marché de la sécurité privée doivent être proscrites, comme celle consistant à pratiquer une politique de « prix cassés » au détriment de la qualité des prestations et du professionnalisme des agents. De même, il s'agit de sanctionner le recours à des salariés qui ne sont pas titulaires de cartes professionnelles, qui ne sont pas déclarés ou qui ne bénéficient pas d'une autorisation de travail » .

Pour ce faire, le CNAPS sera administré par un collège composé à majorité de représentants de l'Etat , mais aussi de personnes issues des activités de sécurité et de personnalités qualifiées.

B. LE FINANCEMENT PAR UNE TAXE INITIALEMENT AFFECTÉE PAR LE PRÉSENT PROJET DE LOI

1. Une contribution assise sur le chiffre d'affaires et sur les rémunérations versées aux agents

Afin d'assurer le financement du CNAPS, plusieurs hypothèses ont été envisagées : une cotisation annuelle des entreprises à l'instar des ordres professionnels ou un droit de timbre sur les demandes de cartes professionnelles, notamment.

Toutefois, ces dispositifs ne donnaient pas pleinement satisfaction. D'une part, ils se heurtaient à certaines spécificités de la profession , en particulier l'existence à côté des entreprises privées de sécurité de « services internes de sécurité ». D'autre part, il convenait d'éviter de faire supporter toute la charge de financement du CNAPS aux seuls agents privés de sécurité.

La solution qui avait finalement été privilégiée par le Gouvernement consistait à instituer une contribution assise sur le chiffre d'affaires due par toutes les entreprises exerçant une activité privée de sécurité et, pour les entreprises disposant d'un service interne de sécurité, une contribution assise sur les rémunérations versées aux agents de ce service .

Ce mode de financement apparaissait plutôt équitable puisqu'il était lié au chiffre d'affaires des entreprises de sécurité ou au niveau des effectifs des services internes de sécurité.

Pour les sociétés de sécurité , la répercussion (prévue par le VII du présent article) de cette taxe sur la facture (sur le modèle de la TVA) permettait de faire supporter la dépense par le bénéficiaire des prestations.

Pour les entreprises disposant d'un service interne de sécurité , le coût engendré par cette nouvelle contribution était limité, dans la mesure où il était assis à hauteur de 0,7 % sur la seule rémunération des agents de ce service.

Compte tenu de la structure de coût de ces activités (la dépense de personnel représente environ 70 % du coût d'une prestation de sécurité privée), le choix effectué de l'assiette et du taux n'est pas de nature à créer un avantage comparatif entre l'externalisation et l'internalisation de ces prestations .

Globalement, le montant de la contribution envisagée apparaît suffisamment faible pour ne pas constituer une entrave au développement de ce secteur .

Dans un courrier adressé à votre rapporteur général, en date du 30 mai 2011, M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, indique qu' « associées à toutes les étapes de la préparation du CNAPS, les organisations professionnelles se sont toujours montrées très favorable à la création d'un tel outil de régulation et de moralisation du secteur de la sécurité privée ». Il ajoute que « le principe de la taxe a été accepté par les organisations professionnelles , qui ont demandé de faire figurer la mention de la taxe sur leurs factures. Cette mention leur permet, en effet, de faire supporter cette charge par leurs clients, même ceux avec qui ils sont déjà en contrat ».

Il faut, en outre, souligner que le coût de gestion de la contribution sera relativement limité puisqu'elle donne lieu à recouvrement selon le droit commun en matière fiscale.

2. Une taxe dont l'affectation au CNAPS a été supprimée par l'Assemblée nationale

Dans la rédaction initiale du présent article, la contribution créée était initialement affectée au CNAPS .

Malgré ses avantages, il n'en restait pas moins qu'un tel dispositif participait de l'« agencisation » de l'Etat et conduisait à la création d'une nouvelle taxe affectée. Or, votre commission des finances est traditionnellement réservée à ce sujet car si ce mécanisme est conforme à l'article 2 de la LOLF dans la mesure où l'organisme remplit, comme c'est le cas du CNAPS, des missions de service public, il peut contribuer à rigidifier la dépense sur le moyen et long terme.

C'est d'ailleurs pour cette raison que votre commission des finances avait donné un avis défavorable , lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2010 (le 17 décembre 2010) , à un amendement de nos collègues Jean-Patrick Courtois et Jacques Gautier. Tendant déjà à créer une taxe afin de financer le CNAPS, cet amendement répondait à une logique similaire à celle du présent article (le taux de la cotisation s'appliquant aux personnes morales qui, agissant pour leur propre compte, font exécuter en France par certains de leurs salariés une ou plusieurs activités de sécurité se montait toutefois à 1 %, contre 0,7 % dans le présent article). Votre commission n'avait pas été suivie par le Sénat, l'amendement en question ayant finalement été adopté avec l'avis favorable du Gouvernement. Ce nouvel article avait cependant été supprimé par la commission mixte paritaire (CMP).

Il faut cependant relever que, par rapport à d'autres taxes affectées, dont le produit évolue de manière plus dynamique que les dépenses de l'organisme bénéficiaire, engendrant ainsi des trésoreries excessives ou des dépenses inutiles, le dispositif initialement proposé par le présent article présentait un garde fou puisqu'il plafonnait à 16,8 millions d'euros la fraction du produit revenant au CNAPS, l'excédent étant affecté au budget général.

Un tel dispositif conduisait cependant à se demander, à l'inverse, si cette taxe affectée ne constituait en réalité pas l'équivalent d'une subvention budgétaire, mais qui ne serait pas prise en compte dans la norme de dépense , desserrant ainsi d'autant la contrainte.

Dans ces conditions, l'amendement adopté par l'Assemblée nationale visant à supprimer l'affectation de cette taxe au CNAPS permet de renouer avec une stricte orthodoxie budgétaire . La taxe viendra abonder le budget de l'Etat, à charge ensuite à celui-ci de subventionner le CNAPS des crédits nécessaires à son bon fonctionnement.

3. Un rendement permettant d'assurer la montée en charge progressive du CNAPS

L'instauration, dès à présent et par une disposition de loi de finances rectificative, de la contribution pour le financement du CNAPS permet de sécuriser le financement de ce conseil et de garantir l'installation opérationnelle de cet établissement dès le 1 er janvier 2012 .

Compte tenu des dispositions proposées par le présent article, la première contribution sera acquittée par les entreprises à la fin du premier trimestre 2012 , sur le fondement de l'assiette constatée à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi (soit le second semestre de l'année 2011).

D'ici là , il est prévu que la mise en place du CNAPS soit précédée par l'installation d'une mission de préfiguration, dont la charge (0,7 million d'euros au total, hors dépenses de personnel) sera supportée par le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, jusqu'à la perception par le CNAPS du produit de la taxe. Les dépenses de fonctionnement courant, relativement limitées dans la mesure où elles portent sur les quatre derniers mois de l'année (environ 0,2 million d'euros), seront imputées sur le programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat ». Ce programme prend en effet en charge les services centraux du ministère, au sein desquels la mission de préfiguration sera provisoirement installée. S'agissant des dépenses de personnels, elles feront l'objet d'une répartition entre plusieurs programmes.

A compter de 2012 , le principal poste de dépense au sein du budget du CNAPS correspondra aux dépenses de personnel avec une masse salariale estimée à 11 millions d'euros . Aux termes de l'article 33-10 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983, issu de l'article 31 de la LOPPSI 2, le CNAPS a la possibilité de recruter des salariés soumis aux dispositions du code du travail, des agents contractuels de droit public ou des fonctionnaires détachés.

Le tableau ci-dessous présente les dépenses prévisionnelles du CNAPS en 2012.

Source : ministère de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Dans la mesure où le format du CNAPS n'a pas vocation à être modifié, il est possible de présupposer que la dépense sera stable pour les années à venir, modulo l'augmentation tendancielle des coûts de structure (masse salariale, loyer et fluide...). Ces coûts de structure ont toutefois vocation à être compensés par les gains réguliers de productivité, comme pour les dépenses courantes de l'Etat qui doivent évoluer à « zéro valeur ». Au total, l'ensemble des dépenses du CNAPS sont des dépenses qui peuvent être relativement bien maîtrisées.

Dans les faits, le conseil s'appuiera en régime de croisière sur 214 emplois équivalent temps plein travaillé (ETPT) . Ces emplois seront alloués à partir des ETPT vacants au sein du ministère de l'intérieur de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. La masse salariale sera en revanche financée sur le produit de la contribution.

D'après les informations communiquées à votre rapporteur général par le ministère, ces emplois se décomposeront de la manière suivante :

- 14 agents affectés à des fonctions d'état-major ;

- 100 agents affectés à des fonctions administratives (conseil, instruction des dossiers, délivrance des agréments, discipline...) ;

- 100 agents chargés du contrôle, sur le terrain, des entreprises du secteur, tant auprès des employeurs que des clients .

D'après les informations communiquées par le ministère à votre rapporteur général, ces effectifs paraissent en adéquation avec la charge de travail qui pèsera sur le CNAPS.

Les fonctions administratives sont en effet assurées actuellement de façon très insuffisante par 32 ETPT dans les préfectures et 8 ETPT à la préfecture de police de Paris. Or, ces missions seront approfondies par les agents du CNAPS :

- 10 ETPT supplémentaires résultent du doublement prévu du temps de saisine informatique pour prendre en compte les informations supplémentaires ainsi que l'intégration dans l'application des dirigeants et des associés (personnes physiques supplémentaires à contrôler) des 4500 entreprises, des entreprises elles-mêmes, des agents de recherche privés et de tous les services internes de sécurité privée qui ne sont pas pris compte actuellement ;

- la vérification des titres de formation allongera la procédure de traitement des demandes, avec pour conséquence un besoin de 15 ETPT ;

- le suivi des sanctions disciplinaires, instaurées par la LOPPSI 2, nécessitera 10 ETPT de plus ;

- la vérification dans l'application AGDREF, pour les titres de séjour des étrangers, mobilisera 5 ETPT ;

- le traitement de tâches nouvelles (suivi des contrôles des entreprises, traitement des recours hiérarchiques, statistiques mensuelles, accueil et conseil aux entreprises) impliquera 20 ETPT supplémentaires.

Par ailleurs, s'agissant du contrôle sur le terrain , L'effectif de 100 agents de contrôle est calibré pour couvrir chaque entreprise de sécurité privée au moins une fois par an (soit 4 500 contrôles par an).

4. Un organisme qui doit être considéré comme un opérateur de l'Etat

Le CNAPS présente les caractéristiques d'un opérateur de l'Etat, telles qu'elles sont décrites par l'annexe « jaune » au projet de loi de finances pour 2011 qui leur est consacrée :

« Une entité dotée de la personnalité morale , quel que soit son statut juridique (EPN, GIP, association,...), est présumée appartenir au périmètre des opérateurs de l'État dès lors qu'elle répond cumulativement à trois critères :

« - une activité de service public , qui puisse explicitement se rattacher à la mise en oeuvre d'une politique définie par l'État et se présenter dans la nomenclature par destination selon le découpage en mission-programme-action ;

« - un financement assuré majoritairement par l'État, directement sous forme de subventions ou indirectement via des ressources affectées , notamment fiscales. Ceci n'exclut pas la possibilité pour l'opérateur d'exercer des activités marchandes à titre subsidiaire ;

« - un contrôle direct par l'État , qui ne se limite pas à un contrôle économique ou financier mais doit relever de l'exercice d'une tutelle ayant capacité à orienter les décisions stratégiques, que cette faculté s'accompagne ou non de la participation au conseil d'administration ».

La qualification d'opérateur de l'Etat emporte certaines conséquences, également précisées dans le même document :

« - de participer aux objectifs de finances publiques (maîtrise de l'emploi public et de la dépense publique, maîtrise de la dette publique) définis avec les tutelles ministérielles ;

« - de s'inscrire dans le cadre budgétaire et comptable de la LOLF et de répondre à l'exigence d'information et de contrôle sur leurs emplois (notamment le respect du plafond d'emplois fixé par le PLF 2011 en application de l'article 64 de la LFI 2008), leurs financements et leurs résultats en termes de performance ».

En termes de gouvernance, l'appartenance à la catégorie des opérateurs entraîne notamment l'obligation de conclure un contrat d'objectifs et de performance, l'envoi d'une lettre de mission à la direction de l'opérateur identifiant les indicateurs du contrat de performance à partir desquels sera calculée la part variable de la rémunération du dirigeant et des membres de l'équipe de direction de l'opérateur, la production d'un rapport annuel normé , la mise en place de tableaux de bord permettant le suivi des activités et des résultats de l'opérateur et renforcement de la gouvernance interne (et notamment la mise en place d'un règlement intérieur pour le fonctionnement du conseil d'administration et de comités complémentaires pour les opérateurs dont la situation le justifie) ou encore l'application d'un taux d'effort s'élevant à -1,5 % sur leur plafond d'emplois .

Le CNAPS ne devra pas échapper à l'ensemble de ces obligations.

Décision de la commission : sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 20 (Art. 1635 bis Q [nouveau] du code général des impôts, art. 64-1-1 [nouveau] de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991) - Réforme du financement de l'aide juridictionnelle

Commentaire : le présent article vise à instituer une contribution à la charge du justiciable afin de financer les conséquences de la réforme de la garde à vue sur le budget de l'aide juridique.

I. LE DROIT EXISTANT : LES TROIS VOLETS DE L'AIDE JURIDIQUE

Aux termes de l'article 1 er de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique modifié par l'article 5 de la loi n° 99-515 du 23 juin 1999 renforçant l'efficacité de la procédure pénale, l'aide juridique comprend trois volets : l'aide juridictionnelle (AJ), l'aide à l'accès au droit et l'aide à l'intervention de l'avocat.

A. L'AIDE JURIDICTIONNELLE (AJ)

L'AJ constitue le principal dispositif de la politique publique d'accès au droit et à la justice. Destinée aux personnes physiques et, exceptionnellement, aux personnes morales à but non lucratif, dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits en justice, elle s'applique à l'ensemble des procédures juridictionnelles, actes ou mesures d'exécution des peines pour lesquelles une admission a été prononcée.

Les prestations d'AJ sont versées aux auxiliaires de justice soit directement (frais de procédure), soit par l'intermédiaire des caisses des règlements pécuniaires des avocats (CARPA). Il s'agit donc d'un dispositif par lequel l'Etat fait l'avance des frais de procès au profit des bénéficiaires. Cette avance couvre le coût de la contribution de l'Etat à la rétribution des auxiliaires de justice qui prêtent leur concours au bénéficiaire de l'aide, ainsi que les frais afférents aux instances, procédures ou actes pour lesquels elle a été accordée et notamment les droits de plaidoirie dus à l'avocat désigné d'office.

Le montant des sommes avancées par l'Etat au titre de l'AJ peut être recouvré contre la partie condamnée aux dépens , non bénéficiaire de cette aide, et contre le bénéficiaire de l'aide, dans le cas où cette aide lui a été retirée.

B. L'AIDE À L'ACCÈS AU DROIT

L'aide à l'accès au droit recouvre l'ensemble des dispositifs qui visent à développer, au plus près des usagers, l'accès à l'information juridique, en particulier pour les personnes démunies confrontées à des difficultés juridiques et sociales. Cette aide est notamment dispensée par les conseils départementaux d'accès au droit (CDAD) et par les maisons de justice et du droit (MJD) .

C. L'AIDE À L'INTERVENTION DE L'AVOCAT

Instaurée par la loi n° 93-1013 du 24 août 1993 modifiant la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale , l'aide à l'intervention de l'avocat constitue le troisième volet de l'aide juridique après l'AJ et l'aide à l'accès au droit.

Cette aide garantit l'assistance d'une personne gardée à vue par un avocat désigné d'office . Elle a vu son domaine d'intervention étendu :

- aux mesures alternatives aux poursuites (médiation pénale, mesures de réparation mineurs et composition pénale), par la loi n° 98-1163 du 18 décembre 1998 relative à l'accès au droit et à la résolution amiable des conflits ;

- aux procédures disciplinaires en milieu pénitentiaire, par la loi n° 2001-1275 du 28 décembre 2001 de finances pour 2002 ;

- aux mesures d'isolement en milieu pénitentiaire, par la loi n° 2007-210 du 19 février 2007 portant réforme de l'assurance de protection juridique ;

- à l'occasion des décisions prises à l'encontre d'une personne retenue dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté par la loi n° 2010-242 du 10 mars 2010 tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale.

Bien que distincte du dispositif d'AJ, l'aide à l'intervention de l'avocat emprunte à ce dernier une part importante de ses règles, en particulier celles relatives à la gestion des dotations versées aux barreaux .

Plusieurs caractéristiques lui sont néanmoins propres. En effet, la contribution de l'Etat à la rétribution des avocats intervenant au cours de la garde à vue, des mesures disciplinaires et d'isolement en milieu pénitentiaire et à l'occasion des décisions prises à l'encontre d'une personne retenue dans un centre socio-médico-judiciaire s'applique aux seuls avocats désignés d'office . Dans ce cas, le bureau d'aide juridictionnelle (BAJ) n'intervient pas et il n'est pas procédé à un quelconque examen des ressources des personnes assistées . En revanche, il convient de souligner que le bénéfice de l'aide à l'intervention d'un avocat au cours de mesures alternatives aux poursuites est soumis aux mêmes conditions de ressources que l'AJ.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA CRÉATION D'UNE CONTRIBUTION AU FINANCEMENT DE L'AIDE JURIDIQUE

A. UNE CONTRIBUTION DE 35 EUROS À LA CHARGE DU JUSTICIABLE

Le I du présent article vise à créer une contribution pour l'aide juridique d'un montant de 35 euros .

Cette contribution est perçue pour chaque instance introduite en matière civile, commerciale, prud'homale, sociale ou rurale devant une juridiction judiciaire, ou par instance introduite devant une juridiction administrative .

Cette contribution est exigible lors de l'introduction de l'instance. Elle est due par la partie qui introduit cette instance .

B. DES CAS D'ÉXONÉRATION PRÉVUS

Le I du présent article prévoit toutefois un certain nombre de cas dans lesquels cette contribution n'est pas due :

- pour les personnes bénéficiaires de l'AJ ;

- pour l'Etat ;

- pour les procédures introduites devant la commission d'indemnisation des victimes d'infraction (CIVI) , devant le juge des enfants , devant le juge des libertés et de la détention et devant le juge des tutelles ;

- pour les procédures de traitement des situations de surendettement des particuliers et les procédures de redressement et de liquidation judiciaire ;

- pour les recours introduits devant une juridiction administrative à l'encontre de toute décision individuelle relative à l'entrée, au séjour et à l'éloignement d'un étranger sur le territoire français , ainsi qu'au droit d'asile ;

- pour les procédures de référé-liberté.

Par ailleurs, lorsqu'une même instance donne lieu à plusieurs procédures successives devant la même juridiction , la contribution n'est due qu'au titre de la première des procédures intentées.

C. LA POSSIBILITÉ DE S'ACQUITTER DE LA CONTRIBUTION PAR VOIE ÉLECTRONIQUE

Le I du présent article prévoit en outre que, lorsque la procédure est introduite par un auxiliaire de justice, ce dernier acquitte pour le compte de son client la contribution par voie électronique .

Lorsque la procédure est introduite sans auxiliaire de justice , la partie acquitte cette contribution par voie de timbre mobile ou par voie électronique .

D. UNE GESTION CONFIÉE À L'UNION NATIONALE DES CAISSES DES RÈGLEMENTS PÉCUNIAIRES DES AVOCATS (UNCA)

Le I du présent article prévoit que la contribution pour l'aide juridique est affectée à l'Union nationale des caisses des règlements pécuniaires des avocats (UNCA) , association de la loi 1901 fédérant l'ensemble des caisses des règlements pécuniaires des avocats (CARPA).

Cette contribution est répartie entre les CARPA par l'UNCA. Elle est intégralement affectée au paiement des avocats effectuant des missions d'aide juridique, par l'intermédiaire des CARPA.

Le I du présent article consacre le rôle de l'UNCA et des CARPA qui « participent à la bonne exécution du service public de l'aide juridique ». Il précise qu'« à ce titre, l'UNCA assiste le ministre de la justice pour veiller à ce que les CARPA, dans le respect des dispositions législatives et réglementaires qui leur sont applicables, notamment en matière de rétribution des avocats qui prêtent leur concours aux bénéficiaires de l'aide juridique, utilisent à juste titre les fonds qui leur sont alloués ».

E. UNE ENTRÉE EN APPLICATION À PARTIR DU 1 ER OCTOBRE 2011

Le II du présent article précise la contribution s'applique aux instances introduites à compter du 1 er octobre 2011 .

F. LE RECOUVREMENT DES SOMMES DUES À L'ÉTAT PAR LES JUSTICIABLES

Le III du présent article précise que la personne qui a bénéficié de l'intervention d'un avocat commis d'office dans les conditions prévues à l'article 63-4 du code de procédure pénale (garde à vue) et qui n'est pas éligible à l'AJ est tenue de rembourser au Trésor public les sommes exposées par l'Etat .

Dans ce cas, le recouvrement des sommes dues a lieu comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine .

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de sa commission des finances et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté sept amendements rédactionnels .

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. LE FINANCEMENT NÉCESSAIRE DE LA RÉFORME DE LA GARDE À VUE

1. La garde à vue : une réforme rendue nécessaire par la décision du 30 juillet 2010 du Conseil constitutionnelle

La réforme de la garde à vue est intervenue très récemment par la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue . Elle a pour objectif de mettre le droit en conformité avec la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 30 juillet 2010 . Dans cette décision, le Conseil constitutionnel avait en effet estimé que les dispositions alors en vigueur concernant les conditions de placement en garde à vue n'étaient pas conformes à la Constitution, au motif qu'elles ne prévoyaient pas de garanties suffisantes pour l'exercice des libertés constitutionnellement garanties.

La loi du 14 avril 2011 précitée vise ainsi à remplir un double objectif : la maîtrise du nombre de gardes à vue d'une part, et la protection des droits des personnes gardées à vue d'autre part. Elle donne une définition précise à la garde à vue et, en matière délictuelle, prévoit de limiter désormais la garde à vue aux cas dans lesquels une peine d'emprisonnement est encourue. En outre, le principe fondamental du respect de la dignité de la personne gardée à vue y est expressément énoncé.

La notification du droit au silence de la personne gardée à vue, supprimée en 2003, y est par ailleurs rétablie, tandis qu'est également prévu le droit de s'entretenir avec un avocat pendant trente minutes au début de la garde à vue (articles 6 et 7 de la loi du 14 avril 2011 précitée).

2. Une réforme anticipée du fait des arrêts rendus par la Cour de cassation le 15 avril 2011

La loi du 14 avril 2011 précitée prévoyait l'entrée en application de ces nouvelles dispositions à compter du 1 er juin 2011 .

Toutefois, par quatre arrêts rendus le 15 avril 2011 (n° P 10- 17.049, F 10-30.313, J 10-30.316 et D 10-30.242), l'assemblée plénière de la Cour de cassation a eu à statuer sur la régularité des mesures de garde à vue au regard de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui consacre le droit à l'assistance effective d'un avocat. Elle a ainsi jugé que les dispositions prévues par la loi du 14 avril 2011 précitée devaient présenter une application immédiate . Elle a en effet estimé que « les droits garantis par la Convention devant être effectifs et concrets, le principe de sécurité juridique et les nécessités d'une bonne administration de la justice ne peuvent être invoqués pour priver un justiciable de son droit à un procès équitable ».

3. Le bilan des premières semaines d'entrée en vigueur des nouvelles mesures en matière de garde à vue

A ce stade, il est assurément difficile d'avoir une idée exacte de l'impact des nouvelles mesures en matière de garde à vue .

Toutefois, un comité de suivi de la réforme de la garde à vue a été mis en place conjointement, le 19 mai 2011, par la Chancellerie et le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration afin d'effectuer un suivi des modifications que ces mesures entraîneront sur le travail au quotidien des services d'enquête et des juridictions.

Lors de sa première réunion, ce comité a examiné les premières données consolidées communiquées par le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration portant sur la période allant du 15 avril 2011 (date d'entrée en vigueur de la réforme) au 15 mai 2011 . Il apparaît ainsi que le nombre de gardes à vue est en baisse de 4 % par rapport au mois précédent et que, dans environ 40 % des cas, le gardé à vue a demandé l'assistance d'un avocat .

4. Une réforme coûteuse pour les finances publiques : 104 millions d'euros en année pleine

Même s'il est attendu une baisse globale du nombre de gardes à vue, l'une des principales conséquences de la réforme de la garde à vue consiste en une intervention plus importante des avocats commis d'office au cours de la garde à vue . En effet, la loi du 14 avril 2011 précitée prévoit le droit (nouveau) pour toute personne gardée à vue de s'entretenir avec un avocat pendant trente minutes au début de la garde à vue. Par ailleurs, la victime d'une infraction pourra désormais également être assistée par un avocat, si elle est confrontée avec une personne gardée à vue qui est elle-même assistée. Ces nouvelles dispositions auront naturellement une répercussion sur le budget de l'aide à l'intervention de l'avocat.

Sur la base des hypothèses liées à la réforme de la garde à vue (400 000 gardes à vue de 24 heures, 100 000 prolongations et 90 000 confrontations entre victimes et gardés à vue), le coût potentiel de la réforme de la garde à vue pourrait s'élever à 158 millions d'euros selon l'évaluation préalable de cette mesure.

Après concertation avec les représentants de la profession d'avocats , le ministre de la justice et des libertés souhaite en effet que la mission de garde à vue soit rémunérée de la manière suivante :

- sur la base d'un forfait de 61 euros hors taxe (HT), lorsque la mission d'assistance se traduit par un simple entretien préalable d'une demi-heure au début de la garde à vue, sans assistance de l'avocat aux auditions ;

- sur une base forfaitaire de 300 euros HT , dès lors que la personne est assistée par un avocat commis d'office au-delà de l'entretien de début de garde à vue qui dure une demi-heure. En cas de prolongation, la rémunération complémentaire sera de 150 euros HT . De même, en cas de confrontation entre la victime et la personne gardée à vue, la rétribution de l'avocat commis d'office à la victime sera de 150 euros HT .

A cet égard, le ministère de la justice a indiqué à votre rapporteur général qu'un projet de décret fixant le nouveau barème de rétribution de l'avocat est en cours d'examen devant le Conseil d'Etat. Ce projet comporte une clause d'application rétroactive qui permettra de rémunérer tous les avocats intervenus depuis le 15 avril 2011 sur la base du nouveau barème.

Par ailleurs, pour s'assurer que cette dépense reste maîtrisée, il est prévu que le remboursement des sommes exposées par l'Etat puisse être demandé aux personnes qui auront bénéficié lors de leur garde à vue d'un avocat commis d'office alors qu'elles ne sont pas éligibles à l'AJ. Cette disposition permet d'escompter une recette budgétaire d'environ 12 millions d'euros .

Enfin, il est probable que certains gardés à vue ne demanderont pas l'aide d'un avocat commis d'office. Le Gouvernement estime ainsi que 25 % des personnes ne solliciteront pas l'aide d'un avocat commis d'office et utiliseront les services d'un avocat qu'ils connaissent.

Au final, il est cependant certain que la dépense au titre de l'aide à l'intervention de l'avocat au cours de la garde à vue progressera. En fonction des hypothèses précédemment énoncées, son coût est évalué à 104 millions d'euros en année pleine.

5. Un coût restant par ailleurs dépendant du résultat de la concertation avec la profession d'avocat

L'une des variables clefs dans le calcul du coût estimatif de la réforme réside dans le nouveau barème de rétribution de l'avocat.

Or, ainsi que l'a indiqué le ministère de la justice à votre rapporteur général, la concertation avec la profession d'avocat n'est pas encore parvenue à un terrain d'accord . Ce ministère a fondé ses hypothèses de travail sur un forfait de 61 euros HT lorsque la mission d'assistance se traduit par un simple entretien préalable d'une demi-heure au début de la garde à vue, sans assistance de l'avocat aux auditions, et de 300 euros HT puis de 150 euros lorsque l'intervention se prolonge ( Cf. supra ).

Or, selon les informations communiquées à votre rapporteur général, les représentants de la profession d'avocat estiment cette indemnisation insuffisante .

Afin de connaître plus précisément le coût de la mise en oeuvre de la réforme, il conviendra donc de suivre attentivement le résultat de cet échange, l'établissement du barème de rétribution de l'avocat relevant du pouvoir réglementaire .

B. UN NOUVEAU « TICKET MODÉRATEUR JUSTICE » DE 35 EUROS

1. Le contexte de crise de l'AJ

Afin de bien cerner la portée de l'instauration par le présent article d'une contribution pour l'aide juridique, il convient de replacer cette disposition dans le cadre plus général des difficultés rencontrées depuis plusieurs années par le système de l'aide juridique dans son ensemble et, en particulier, par l'AJ .

Dans un contexte budgétaire tendu, le système de l'AJ est en effet victime de son succès . Ce diagnostic a, en particulier, été dressé par notre collègue Roland du Luart, rapporteur des crédits de la mission « Justice ».

Dans son rapport d'information « L'aide juridictionnelle : réformer un système à bout de souffle » 293 ( * ) , il mettait ainsi en lumière l'accroissement considérable du nombre des admissions à l'AJ depuis 1991 (+ 208,6 %) et même l'emballement des dépenses budgétaires consacrées à cette aide entre 1991 et 2006 (+ 391,3 %). Sur la période 1998-2008, la dépense a cru de 62,2 % en euros courants et de 36 % en euros constants. Le rapporteur spécial insistait sur la double crise de l'AJ : « une crise financière doublée d'une crise morale ».

Alors qu'en 1991 on dénombrait 348 587 admissions à l'AJ, l'année 2009 en a enregistré 900 704 et ce niveau devrait être le même en 2010 et 2011 , selon le projet annuel de performance de la mission « Justice » annexée au projet de loi de finances pour 2011.

Pour 2011, le budget consacré à l'AJ s'établit à 284,9 millions d'euros (contre 78,4 millions d'euros en 1991).

2. L'instauration d'un « ticket modérateur justice » : une demande de votre commission des finances

Dans son rapport précité, Roland du Luart soulignait qu' « au cours des auditions qu'il (avait) menées, (il avait) pu constater que l'AJ n'était pas épargnée par des abus de justiciables particulièrement procéduriers. Chaque président de BAJ semble être en mesure de livrer quelques anecdotes concernant des bénéficiaires de l'AJ multipliant les actions en justice d'autant plus aisément qu'ils finissent par acquérir une parfaite connaissance de l'appareil judiciaire et disposent d' un « droit de tirage » illimité en matière d'AJ ».

Aussi estimait-il nécessaire d'endiguer de tels comportements par une plus grande responsabilisation des bénéficiaires potentiels de l'AJ .

Dans cette perspective, il appelait à l'instauration d'un « ticket modérateur » au sein du dispositif de l'AJ .

3. La participation financière aux frais de plaidoirie instaurée en loi de finances initiale pour 2011

Répondant à cette demande, l'article 74 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 a mis à la charge du justiciable le droit de plaidoirie, qui s'élève à 8,84 euros .

Ce droit est dû pour chaque plaidoirie ou représentation de partie(s) aux audiences de jugement , y compris les audiences de référé, tant devant les juridictions de l'ordre judiciaire que celles de l'ordre administratif. La liste des audiences est fixée par un arrêté du garde des Sceaux, ministre de la justice, du 15 février 1995.

Toutefois, aucun droit n'est dû pour les affaires devant le conseil des prud'hommes, le tribunal de police pour les contraventions des quatre premières classes, le tribunal et la cour régionale des pensions militaires, et les juridictions statuant en matière de sécurité sociale et de contentieux électoral.

4. Une nouvelle contribution dont le rendement permet de couvrir le coût de la réforme de la garde à vue en année pleine

La contribution pour l'aide juridique instaurée par le présent article s'inscrit dans la même logique de responsabilisation du justiciable en lui faisant supporter une partie du coût du fonctionnement de la justice.

Pour autant, l'argument essentiel mis en avant par le Gouvernement pour expliquer cette mesure est plutôt de nature comptable et réside dans la nécessité de couvrir le coût de la réforme de la garde à vue.

A cet égard, le rendement attendu de cette nouvelle contribution (sous les hypothèses énoncées précédemment) se monte à 87,5 millions d'euros en année pleine.

Ce montant est à rapprocher du coût de la réforme en année pleine, qui s'élève à 104 millions d'euros (Cf. supra). Il convient toutefois de rappeler que la dotation budgétaire ouverte en loi de finances pour 2011 au titre de l'intervention de l'avocat en garde à vue correspond déjà à 18 millions d'euros. Dans ces conditions, il faut donc dégager des ressources à hauteur de 86 millions d'euros en année pleine pour financer la réforme.

Il apparaît donc une bonne adéquation entre le la recette attendue (87,5 millions d'euros) et le besoin de financement (86 millions d'euros).

Le surplus (1,5 millions d'euros) entre le rendement attendu et le besoin de financement permettra de couvrir une partie des coûts liés au recouvrement de la contribution. En effet, ces coûts sont estimés à 2,6 millions d'euros, dont 2,5 millions d'euros induits par les frais de gestion des timbres. Il faut cependant constater qu'au total 1,1 million d'euros restera à la charge du budget de l'Etat.

5. Un financement assuré pour 2011 grâce notamment à des mesures de redéploiement de crédits

Si la recette attendue de la nouvelle contribution permet de couvrir le coût en année pleine de la réforme de la garde à vue, qu'en est-il pour l'exercice 2011 ? Cette question est centrale dès lors qu'il existe un décalage dans le temps entre l'entrée en vigueur de la réforme (au 15 avril 2011) et la date d'entrée en application de la contribution pour l'aide juridique (le 1 er octobre 2011) .

Dans la mesure où le coût de la réforme s'élève à 104 millions d'euros (hors coûts liés au recouvrement) selon les hypothèses du ministère de la justice, on peut en déduire que le coût théorique de la réforme sur 2011 (soit du 15 avril au 31 décembre) se monte à 73,6 millions d'euros .

La combinaison de plusieurs mesures permet toutefois de répondre à ce besoin de financement .

Tout d'abord, pour 2011, compte tenu de l'entrée en vigueur de la contribution à compter du 1 er octobre 2011, son rendement attendu sera de l'ordre de 21 millions d'euros .

En outre, sur la période allant du 15 avril au 31 décembre 2011, l'apport de la fraction de la dotation budgétaire (qui s'élève au total à 18 millions d'euros) ouverte en loi de finances pour 2011 correspond à 12,75 millions d'euros .

Par ailleurs, le présent projet de loi de finances rectificative ouvre 23,34 millions d'euros sur le programme « Accès au droit et à la justice », cette ouverture étant gagée par des annulations sur d'autres programmes de la mission « Justice ».

Les ouvertures (+) et les annulations (-) de crédits touchant la mission « Justice »

en loi de finances rectificative

(en millions d'euros)

Programme

AE

CP

Justice judiciaire

- 8,78

- 8,78

Administration pénitentiaire

- 9,77

- 9,77

Protection judiciaire de la jeunesse

- 3,23

- 3,23

Conduite et pilotage de la politique de la justice

- 1,56

- 1,56

Sous-total

- 23,34

- 23,34

Accès au droit et à la justice

+ 23,34

+ 23,34

Source : commission des finances, d'après le projet de loi de finances rectificative

Enfin, la réserve de précaution du programme « Accès au droit et à la justice » est également annulée, ce qui permet d'ouvrir 16 millions d'euros supplémentaires.

Au total, la ressource dégagée s'élève donc à 73,09 millions d'euros, à comparer au besoin de financement théorique de 73,6 millions d'euros .

Pour autant, votre commission des finances rappelle, une fois encore, qu'en matière de justice aucune loi ne doit plus être envisagée sans qu'il n'ait été procédé à une évaluation précise et sérieuse de son impact financier . Trop de lois ont en effet été adoptées par le passé sans qu'une telle évaluation n'ait eu lieu, entraînant de ce fait des répercussions considérables sur les moyens déjà très contraints des juridictions. L'AJ constitue, de ce point de vue, un cas d'école .

C. UN IMPACT FINANCIER NON NÉGLIGEABLE SUR LE JUSTICIABLE

1. Un montant de contribution situé plutôt dans une fourchette haute

La création d'une contribution pour l'aide juridique amène naturellement à s'interroger sur le niveau de cette contribution . Le présent article la fixe à 35 euros .

Il aurait été intéressant de pouvoir comparer ce montant au coût moyen pour le justiciable d'une affaire en première instance et/ou en appel. Interrogée par votre rapporteur général sur ce point, le ministère de la justice n'a toutefois pas été en mesure de fournir des éléments de référence, les statistiques en la matière faisant défaut .

L'évaluation préalable du présent article ne passe pas totalement cet enjeu sous silence, mais elle reste relativement laconique sur l'appréciation à porter concernant le niveau envisagé de la contribution. Elle se contente ainsi d'indiquer que « ce montant ne devrait pas avoir d'incidences économiques importantes pour les opérateurs économiques et les ménages » . Elle précise que « la réforme proposée fera peser sur le justiciable un coût supplémentaire lorsqu'il introduit une instance ». Elle pondère cependant les craintes en ajoutant que « dans le cadre d'une procédure introduite par un avocat, le coût unitaire reste marginal au regard des frais généralement payés à l'avocat ».

Dans son rapport précité sur l'AJ, Roland du Luart avait présenté plusieurs scenarios en vue de l'instauration d'un « ticket modérateur justice ». Ceux-ci se fondaient sur des montants pour le ticket de 5 euros, 15 euros, 30 euros et 40 euros . Si votre rapporteur spécial n'exprimait pas de préférence pour l'un de ces scenarios plus particulièrement, il faut toutefois remarquer que le choix d'une contribution à 35 euros se trouve plutôt dans la fourchette haute qu'il avait étudiée .

2. Un contexte d'augmentation assez substantielle du coût de l'accès à la justice

Il serait par ailleurs trop limité de porter une appréciation sur le montant de la contribution proposé par le présent sans article sans la replacer dans un contexte plus général d'accroissement des charges pesant sur les justiciables depuis 2010.

Tout d'abord, ainsi qu'il a été rappelé supra , l'article 74 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 a mis à la charge du justiciable le droit de plaidoirie, qui s'élève à 8,84 euros . Le justiciable doit s'acquitter de ce droit quelle que soit l'instance, c'est-à-dire aussi bien en première instance qu'en appel.

S'agissant du seul appel, il faut également rappeler que l 'article 54 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009 a institué un droit d'un montant de 150 euros dû par les parties à l'instance d'appel lorsque la constitution d'avocat est obligatoire devant la cour d'appel. Ce droit est acquitté par l'avocat postulant pour le compte de son client. Il n'est pas dû si la partie est bénéficiaire de l'AJ. Le produit de ce droit est affecté au fonds d'indemnisation de la profession d'avoués près les cours d'appel, créé dans le cadre de la réforme de la représentation devant les cours d'appel.

Hors les cas d'exonération , il faut donc constater que, si la contribution à l'aide juridique était fixée à 35 euros, le justiciable aurait donc à s'acquitter d'un montant total de :

- 43,34 euros en première instance ;

- 193,34 euros en appel .

3. Un principe de solidarité entre les justiciables toutefois préservé

Selon l'évaluation préalable, la contribution concernerait potentiellement près de 3 millions de procédures , réparties comme suit.

La ventilation des procédures concernées
par la contribution à l'aide juridique

Affaires

Cour de cassation

19 617

Cours d'appel

233 622

Tribunal de grande instance

882 732

Conseil des Prud'hommes

217 128

Tribunal d'instance

1 187 048

Tribunal des affaires de sécurité sociale

94 339

Juridictions commerciales

149 368

Juridictions administratives

176 293

Total

2 960 147

Source : sous-direction de la statistique et des études, ministère de la justice et des libertés

Toutefois, compte tenu du nombre de requérants bénéficiant de l'AJ, la base taxable est estimée à plus de 2,5 millions d'affaires .

Dans un avis non motivé rendu le 28 avril 2011, le conseil national de l'aide juridique (CNAJ) s'est prononcé contre le dispositif qui lui était soumis et qui reprenait pour l'essentiel celui proposé par le présent article .

Pour autant, il convient de relever que la contribution envisagée présente bien un lien direct avec la dépense qu'elle permet de financer : l'aide juridique est ainsi financée par solidarité entre les justiciables usagers du service public de la justice .

En outre, les cas d'exonération de cette contribution décrits supra garantissent, notamment, un mécanisme qui ne serait pas pénalisant pour les justiciables les plus fragiles. Ainsi que le souligne l'étude préalable « les personnes bénéficiant de l'aide juridictionnelle étant exonérées, ce montant ne constituera pas un obstacle au droit au recours des personnes disposant de faibles revenus » .

L'étude ajoute que « pour les autres, le montant ne paraît pas susceptible de remettre en cause le droit au recours » .

D. UN DISPOSITIF OPÉRATIONNEL ADÉQUAT

1. La reconnaissance des missions de service public de l'UNCA

Le présent article consacre le rôle clef joué par l'UNCA et les CARPA dans le système de l'AJ en précisant qu'elles « participent à la bonne exécution du service public de l'aide juridique ».

Ce faisant, il reconnaît des missions de service public à l'UNCA .

En ce sens, il prolonge le jugement porté par Roland du Luart, dans son rapport « Vers un regroupement des caisses de règlements pécuniaires des avocats ? » 294 ( * ) remis à la suite d'une enquête réalisée par la Cour des comptes, à la demande de votre commission en application de l'article 58-2° de la LOLF. Dans ce rapport, le rapporteur spécial des crédits de la mission « Justice » indiquait en effet que « les CARPA se situent au coeur même de la chaîne de l'AJ entretenant des relations non seulement, et naturellement, avec les barreaux (il peut arriver que le bâtonnier de l'ordre soit également le président de la CARPA, comme c'est par exemple le cas à Paris), mais aussi avec l'administration centrale du ministère de la justice ainsi que le bureau d'aide juridictionnelle (BAJ) et le greffe de chaque juridiction ».

Roland du Luart se prononçait en outre pour un regroupement des CARPA en vue d'une plus grande efficacité encore. Il jugeait « souhaitable de travailler, dans chacun des ressorts d'appel, à l'émergence d'une CARPA réunissant les CARPA existantes aujourd'hui, sur la base du volontariat . Cette solution paraît, en effet, en mesure de concilier à la fois les avantages attendus du mouvement de concentration des caisses et les légitimes préoccupations de proximité exprimées par la profession d'avocat au regard de l'organisation des caisses ».

Par ailleurs, le présent article confie à l'UNCA, auprès du ministre de la justice, la mission de « veiller à ce que les CARPA, dans le respect des dispositions législatives et réglementaires qui leur sont applicables, notamment en matière de rétribution des avocats qui prêtent leur concours aux bénéficiaires de l'aide juridique, utilisent à juste titre les fonds qui leur sont alloués ».

Association de droit privé fédérant l'ensemble des CARPA, l'UNCA assure déjà la gestion des fonds des CARPA. L'UNCA paraît donc bien placée pour assurer la répartition la plus adéquate du produit de la taxe entre les CARPA, dont elle pilote l'activité. Désigner l'UNCA permet également d'affecter le produit de la contribution à une personne morale unique, tout en conservant les circuits de reversement actuels aux avocats via les CARPA. Lui confier cette mission permet également de diminuer la gestion du coût de la répartition de la contribution entre CARPA.

Par ailleurs, l'affectation directe de la contribution pour l'aide juridique à l'UNCA répond aux exigences de la LOLF en la matière, dès lors que les missions de service public de l'Union sont reconnues par le présent article. En effet, aux termes de l'article 2 de la LOLF « les impositions de toute nature ne peuvent être directement affectées à un tiers qu'à raison des missions de service public confiées à lui et sous les réserves prévues par les articles 34, 36 et 51 » .

2. Une gestion de la contribution facilitée par le développement du paiement par voie électronique

Le présent article associe le paiement de la contribution par voie de timbre électronique à celui par timbre mobile . Lorsque la procédure est introduite par un auxiliaire de justice, ce dernier acquitte pour le compte de son client la contribution par voie électronique. En revanche, lorsque la procédure est introduite sans auxiliaire de justice, la partie acquitte cette contribution par voie de timbre mobile ou par voie électronique.

Une telle liberté de choix est appréciable et va dans le sens d'une plus grande simplicité et d'une plus grande souplesse pour l'usager du service public de la justice .

Certes, le paiement par voie électronique nécessite certains développements informatiques. Mais il engendre un coût de gestion relativement faible (90 000 euros par an pour les timbres électroniques édités par l'Agence nationale des titres sécurisés, auxquels s'ajoute un coût de mise en place de 400 000 euros la première année).

Par rapport au paiement par voie de timbre mobile, il permet en outre d'éviter un coût de fabrication, d'acheminement de valeurs et de remise aux débitants de tabacs , chargés d'assurer leur distribution. Ainsi, pour un timbre de 35 euros (soit un timbre de 30 euros et un second de 5 euros), le coût annuel de gestion est estimé à environ 2,5 millions d'euros par an.

Enfin, le paiement par voie de timbre électronique est d'un fonctionnement relativement simple. Il permet un circuit direct de paiement vers l'organisme chargé de collecter le droit. La preuve du paiement de la contribution peut être apportée au greffe au moment de l'introduction de l'instance (la présence du timbre est la condition de recevabilité du dossier).

3. L'application du régime des créances étrangères à l'impôt et au domaine

Les recettes liées au recouvrement de l'aide juridique viennent abonder le programme « Accès au droit et à la justice » de la mission « Justice » par la procédure de rétablissement de crédits, prévue à l'article 17 de la LOLF.

Les sommes versées au titre de l'aide juridique sont juridiquement des avances faites par l'Etat et n'ont en aucun cas un caractère punitif. D'ailleurs, elles sont constatées, liquidées et ordonnancées par le premier président ou le procureur général près la cour d'appel, conjointement ordonnateurs secondaires des juridictions de leur ressort, alors que les contraventions et les amendes sont liquidées par le juge.

Il convient donc de ne pas introduire une trop grande complexité de la chaîne de recette , au risque de conduire les juridictions judiciaires à ne pas établir d'états de recouvrement.

Afin d'adapter la procédure de recouvrement et de la rendre la plus efficace possible, le présent article prévoit d'appliquer à la contribution pour l'aide juridique le régime de recouvrement des produits divers de l'Etat ou encore des créances « ordinaires ». Il s'agit là d'une catégorie résiduelle de créances qui ne sont ni fiscales, ni domaniales, ni celles résultant d'amendes ou d'autres condamnations pécuniaires, ni les créances soumises à des règles spécifiques.

Le recouvrement de ce type de créance nécessite l'émission d'un titre exécutoire. Pour ce qui est de la contribution pour l'aide juridique, l'ordonnateur secondaire sera seul compétent pour émettre un ordre de recette, qui sera ensuite notifié par le trésorier-payeur général (TPG) directement au redevable. La procédure sera donc plus simple, plus rapide et plus efficace .

Enfin, les dépenses d'aide juridique pourront ainsi être recouvrées, sous ce régime, par voie de saisie à tiers détenteur. Ce régime permet donc d'espérer un rendement satisfaisant des poursuites coercitives.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 21 (Art. L. 121-9, L. 121-13 et L. 134-11 du code de l'énergie) - Modification des règles régissant la contribution
au service public de l'électricité

Commentaire : le présent article vise à lisser l'augmentation de la contribution au service public de l'électricité (CSPE) et à adapter les règles d'évolution de cette contribution.

I. LA CSPE ET LA RÉCENTE MODIFICATION DES RÈGLES QUI ENCADRENT SON ÉVOLUTION

A. LA CSPE, UNE COMPENSATION ENCADRÉE PAR DES PRINCIPES CONTRADICTOIRES

1. La compensation des charges de service public

La contribution au service public de l'électricité (CSPE) a été créée par l'article 5 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité.

Celle-ci apparaît régie par des principes contradictoires , signes d'une certaine hésitation du législateur au moment de définir la nature même du service public de l'électricité et les conséquences financières qui doivent en découler.

Ainsi, le régime de la CSPE dispose :

- d'une part, que « les charges imputables aux missions de service public assignées aux opérateurs électriques sont intégralement compensées » ;

- d'autre part, que la CSPE est plafonnée , la contribution applicable à chaque kilowattheure ne peut dépasser « 7 % du tarif de vente du kilowattheure, hors abonnement et hors taxes, correspondant à une souscription d'une puissance de 6 kVA sans effacement ni horosaisonnalité ». En outre, le montant de la contribution ne peut excéder un plafond exprimé en euros (voir ci-après) par site de consommation 295 ( * ) . Enfin, le montant total dû au titre de la CSPE par toute société industrielle consommant plus de 7 gigawattheures d'électricité par an est plafonné à 0,5 % de sa valeur ajoutée 296 ( * ) .

Les charges de service public compensées par la CSPE

Aux termes de l'article 5 de la loi n° 2000-108 précitée, ces charges comprennent :

a) En matière de production d'électricité :

1° Les surcoûts qui résultent, le cas échéant, de la mise en oeuvre de la procédure d'appel d'offres en cas d'insuffisance d'investissements de production par les opérateurs ou des surcoûts résultant du rachat obligatoire à un tarif préférentiel de l'électricité produite par certaines filières (en particulier pour les filières liées au développement durable) par rapport aux coûts évités à Electricité de France (EDF) ou, le cas échéant, à ceux évités aux distributeurs non nationalisés (DNN) qui seraient concernés ;

2° Les surcoûts de production dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental qui, en raison des particularités du parc de production inhérentes à la nature de ces zones, ne sont pas couverts par la part relative à la production dans les tarifs réglementés de vente d'électricité ou par les éventuels plafonds de prix prévus par le I de l'article 4 de la présente loi ;

b) En matière de fourniture d'électricité :

1° Les pertes de recettes et les coûts supportés par les fournisseurs d'électricité en raison de la mise en oeuvre de la tarification spéciale « produit de première nécessité » ;

2° Les coûts supportés par les fournisseurs d'électricité en raison de leur participation au dispositif institué en faveur des personnes en situation de précarité énergétique.

La CSPE doit également couvrir le budget du médiateur de l'énergie et les frais de gestion engagés.

Source : loi n° 2000-108 du 10 février 2000

B. LA MODIFICATION DES RÈGLES ENCADRANT L'ÉVOLUTION DE LA CSPE

1. La carence régulière du ministre chargé de l'énergie...

Sur la base des principes définis ci-dessus, l'article 5 de la loi du 10 février 2000 précitée prévoit que les charges sont calculées sur la base d'une comptabilité appropriée 297 ( * ) tenue par les opérateurs qui les supportent, c'est-à-dire, en pratique, les opérateurs « historiques » (EDF et les DNN).

La compensation de ces charges, au profit des opérateurs qui les supportent, est assurée par la CSPE, due par les consommateurs finals d'électricité installés sur le territoire national, dont le montant est calculé au prorata de la quantité d'électricité consommée (dans la limite, le cas échéant, des plafonds susmentionnés).

Il était prévu que le ministre chargé de l'énergie arrête ce montant sur proposition de la CRE, effectuée annuellement . Le montant de la contribution annuelle, fixé pour une année donnée, s'appliquait également aux exercices suivants à défaut d'entrée en vigueur d'un nouvel arrêté pour l'année considérée.

Du fait de ce fonctionnement, un mécanisme de report de charges figure à l'article 5 de la loi du 10 février 2000. Ainsi, lorsque le montant des contributions collectées ne correspond pas au montant constaté des charges de l'année, la régularisation intervient l'année suivante au titre des charges dues pour cette année. De plus, si les sommes dues ne sont pas recouvrées au cours de l'année, elles sont ajoutées au montant des charges de l'année suivante.

C'est ainsi que le déficit s'est creusé d'année en année , le niveau de la CSPE et les plafonnements évoqués précédemment ne permettant pas de faire face aux charges de service public énumérés ci-dessus.

Il est à noter que ce déficit est supporté par le seul groupe EDF , les « petits » opérateurs étant servis en priorité 298 ( * ) .

Selon les éléments transmis à votre rapporteur général lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2011, le déficit subi par cette entreprise a évolué, dans la période récente, de la façon suivante :

Déficit de compensation cumulé

(en milliards d'euros)

Source : EDF

Ce déséquilibre ne s'est pas amélioré en 2010, le déficit à l'égard d'EDF s'étant élevé, pour cette seule année, à environ un milliard d'euros.

S'il n'y était pas porté remède, cette situation aurait probablement empiré dans les années à venir , sous l'effet de la très forte croissance prévisible des charges liées aux tarifs de rachat préférentiels dont bénéficie la filière de production d'électricité photovoltaïque . Ainsi, alors que la charge actuelle à compenser à ce titre est de l'ordre de 300 millions d'euros, ce chiffre devrait atteindre 2 milliards d'euros d'ici à 2014 .

2. ... à laquelle devaient remédier des dispositions adoptées en loi de finances pour 2011

a) Le traitement de la carence du ministre chargé de l'énergie

L'article 37 de la loi de finances pour 2011, adopté à l'initiative de notre collègue député Michel Diefenbacher, a révisé les règles de détermination de la CSPE.

Il a, tout d'abord, traité de l'hypothèse de la carence du ministre chargé de l'énergie relative à la prise de l'arrêté modifiant le niveau de la CSPE en fonction de l'évolution des charges constatées par la CRE. Ainsi, désormais, si le ministre chargé de l'énergie ne prend pas d'arrêté fixant le montant de la contribution due pour une année donnée avant le 31 décembre de l'année précédente, le montant proposé par la CRE entre en vigueur le 1 er janvier . Il s'agit donc d'un pouvoir administratif par défaut conféré au régulateur, dans une double limite :

- celle du pouvoir du ministre, dont les actes restent d'une force supérieure à celle de la CRE ;

- celle de l'augmentation, limitée à 0,003 euro par Kwh par rapport au montant applicable avant cette date.

b) La révision de deux plafonnements de la CSPE

L'article 37 de la loi de finances pour 2011 précité a également supprimé le plafonnement de la CSPE à 7 % du prix de vente de l'électricité.

De plus, à l'initiative de votre rapporteur général, le Sénat a augmenté de 500 000 à 550 000 euros le plafond par site (non revu depuis 2003), cet élargissement d'assiette devant notamment limiter la charge pesant sur les autres consommateurs.

En revanche, le plafonnement de 0,5 % de la valeur ajoutée, n'a pas été visé par le dispositif.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UN RETOUR PARTIEL EN ARRIÈRE

Dans sa délibération en date du 7 octobre 2010, la CRE a estimé que « la contribution unitaire nécessaire pour couvrir les charges de service public de l'électricité en 2011 est évaluée à 12,90 euros / MWh , dont 9,3 euros / MWh pour couvrir les charges de service public prévisionnelles au titre de 2011 et 3,6 euros / MWh pour couvrir la régularisation 2009 et les reliquats ».

Or, du fait de la carence des ministres chargés de l'énergie successifs, la CSPE n'a pas évolué entre 2004 et 2010 (à 4,5 euros / MWh) - son niveau actuel s'établissant à 7,5 euros / MWh .

Comme le relève le Gouvernement dans l'étude d'impact annexée au présent article, si le ministre ne prenait pas d'arrêté d'ici le 31 décembre 2011, la CSPE augmenterait donc automatiquement de 3 euros / MWh au 1 er janvier 2012, ce qui « augmenterait substantiellement le coût final de l'électricité » 299 ( * ) .

Le présent article comprend des mesures de deux types pour contenir cette augmentation prévisible dans les années à venir.

A. UN LISSAGE PONCTUEL DE L'AUGMENTATION PRÉVISIBLE DE LA CSPE POUR 2012

Le I du présent article propose de déroger aux dispositions de la loi de finances pour 2011 et de fixer directement par la loi des augmentations de la CSPE applicables d'ici à juillet 2012 , soit :

- 1,5 euro / MWh à partir de la publication de la présente loi, ce qui porterait la CSPE à 9 euros / MWh jusqu'au 30 juin 2012 ;

- 1,5 euro / MWh au 1 er juillet 2012, ce qui porterait la CSPE à 10,5 euros / MWh jusqu'au 31 décembre 2012.

Il s'agit de lisser l'augmentation prévisible de l'année prochaine en la scindant en deux , de manière à contenir l'augmentation du prix de l'électricité pour les consommateurs. S'agissant des ménages, celle-ci serait de l'ordre de 1,2 % à chaque fois 300 ( * ) . L'augmentation des ressources de la CSPE serait, quant à elle, de l'ordre de 560 millions d'euros par an sur la base de la consommation prévue en 2011.

B. LA FACULTÉ DONNÉE AU MINISTRE CHARGÉ DE L'ÉNERGIE DE MODÉRER LES RECOMMANDATIONS DE LA CRE

Le 1° du II du présent article propose une évolution de la procédure d'évaluation du montant des charges de service public de l'électricité . Actuellement, aux termes de l'article L. 121-9 du code de l'énergie, il revient au ministre chargé de l'énergie d'arrêter chaque année le montant de ces charges, sur proposition de la CRE 301 ( * ) . Désormais, à défaut d'arrêté ministériel, le montant proposé par la CRE entrerait automatiquement en vigueur. Il s'agit d'une mesure cohérente avec l'esprit de l'article 37 de la loi de finances pour 2011 précité.

En revanche, le 2° du II du présent article vise à revenir en partie sur le nouveau pouvoir alors octroyé à la CRE. En effet, il tend à revenir sur la rédaction de l'article L. 121-13 du code de l'énergie, de sorte que le ministre chargé de l'énergie ne fixe plus, chaque année, ce montant par un arrêté pris « sur proposition » de la CRE, mais « compte tenu » de cette proposition . Ainsi, le ministre qui, aujourd'hui, ne peut que suivre la proposition de la CRE ou de ne pas prendre d'arrêté (ce qui rendrait, de toute façon, exécutoire la proposition de la CRE si la hausse proposée est inférieure à 3 euros / MWh, ou qui la fixerait au montant plafonné de 3 euros / MWh), pourrait moduler la proposition de la CRE, notamment en arrêtant une augmentation de la CSPE inférieure à 3 euros / MWh .

Enfin, le 3° du II a pour objet d'adapter à ces nouvelles dispositions la rédaction de l'article L. 134-11 du code de l'énergie, qui traite de la motivation des avis et propositions de la CRE et de leur publication.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Outre un amendement rédactionnel, l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de nos collègues députés Gilles Carrez, au nom de la commission des finances, et Michel Diefenbacher, un amendement modifiant la répartition des rôles entre la CRE et le gouvernement prévue par le présent article .

La seule faculté du ministre chargé de l'énergie serait d'étaler l'augmentation préconisée par la CRE sur les douze mois de l'année . En revanche, comme cela est prévu dans le dispositif actuel, il ne pourrait pas s'affranchir de la proposition du régulateur.

Il s'agit donc d'un retour à l'esprit du dispositif voté en loi de finances pour 2011, tout en laissant au gouvernement la possibilité de faire un sorte que les consommateurs ne subissent pas d'un coup les effets annuels résultant de l'analyse de la CRE.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

L'évaluation du niveau auquel devrait se trouver « objectivement » la CSPE à ce jour, opérée par la CRE dans sa délibération du 7 octobre dernier, jette une lumière crue sur les conséquences :

- d'une part, de la « coupable » inaction des gouvernements successifs , qui ont laissé s'envoler la dette due à l'opérateur historique au titre des charges de service public de l'électricité;

- d'autre part - ce qui est sans doute lié à cette faculté de s'affranchir des coûts réels des charges à compenser -, de l'envolée des coûts que recèle l'encouragement démesuré que les pouvoirs publics ont accordé à la filière phovoltaïque . Le régulateur souligne ainsi que « le soutien [cette filière], qui connaît un développement très dynamique, représente, à lui seul, 2,7 euros / MWh au titre de 2011. Si la filière s'était développée de manière plus progressive , conduisant à atteindre les objectifs 2020 de la programmation pluriannuelle des investissements à cette échéance, la part de la CSPE au titre de 2011 aurait été limitée à 7,4 euros / MWh ».

Ces rappels conduisent votre rapporteur général à considérer qu'à l'heure où resurgit le débat sur l'évolution de la politique énergétique de la France, en particulier de la composition de son bouquet électrique, il n'est pas malsain que les conséquences de ces choix en termes de prix de l'électricité apparaissent clairement aux yeux de tous.

Or, les dispositions initiales du présent article recélaient la possibilité, pour le Gouvernement, de « cacher (provisoirement) la poussière sous le tapis », en fixant un niveau de CSPE qui ne permettrait pas de compenser les charges réelles de service public de l'électricité, faculté dont le passé montre qu'il peut user. La proposition de l'Assemblée nationale paraît donc raisonnable , en ce qu'elle oblige chacun à assumer les conséquences de ses choix en termes d'évolution des prix, tout en autorisant un étalement des éventuelles augmentations à venir de la CSPE au sein d'une année donnée.

Au-delà de ces considérations immédiates, la nature de la CSPE mériterait d'être, un jour, véritablement clarifiée . Après le Conseil d'Etat qui, dans deux décisions du 13 mars 2006, a qualifié cette contribution d' « imposition innommée », la Cour des comptes a estimé, dans son dernier rapport annuel, qu'il convenait de « remettre à plat le dispositif d'ensemble afin d'en rendre le fonctionnement plus lisible et d'en clarifier le statut fiscal ». Peut-être qu'au bout du compte, c'est au législateur qu'il reviendra un jour de fixer directement le niveau de la CSPE, ce que ne fait donc peut-être qu'anticiper le I du présent article, à titre, aujourd'hui, dérogatoire.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 22 (Art. L. 1142-22, L. 1142-23, L. 1142-24-1 à L. 1142-24-7 [nouveaux] du code de la santé publique) - Indemnisation des victimes du benfluorex (Médiator)

Commentaire : le présent article vise à instituer un dispositif spécifique d'indemnisation des dommages subis par les personnes qui ont été exposées au benfluorex.

I. LE DROIT EXISTANT : L'INDEMNISATION DES DOMMAGES SURVENUS A L'OCCASION DE L' ACTIVITÉ DE SANTÉ

A. UN DISPOSITIF GÉNÉRAL VISANT À GARANTIR L'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MÉDICAUX, INFECTIONS NOSOCOMIALES ET AFFECTIONS IATROGÈNES

La réparation des dommages survenus à l'occasion de l'activité de santé peut être sollicitée par les victimes ou leurs ayants droit directement auprès de l'auteur du dommage , qu'il soit professionnel de santé, établissement ou encore producteur de produits de santé. Cette réparation peut être obtenue soit par la voie d'une transaction directe, soit devant la juridiction compétente.

Afin de faciliter la réparation des dommages résultant de l'activité de santé , la loi du 4 mars 2002 302 ( * ) a créé une procédure de règlement amiable des contentieux médicaux par les Commissions régionales de conciliation et d'indemnisation (CRCI) . Cette réforme avait pour finalité de simplifier et d'accélérer les procédures d'indemnisation, ainsi que d'alléger les coûts supportés par les victimes dès lors que, devant les juridictions, le demandeur doit avancer les frais d'expertise.

Les CRCI peuvent être saisies, au titre de l'article L. 1142-7 du code de la santé publique (CSP), par les usagers dans leurs litiges avec les acteurs de santé (professionnels de santé, établissement, producteurs de produits de santé ) ; cependant, cette saisine implique que le dommage présente une certaine gravité, soit un taux d'incapacité permanente d'au moins 24 %, soit lorsque l'incapacité de travail résultant de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale est au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois. Dès lors que ce seuil n'est pas atteint, les CRCI se déclarent incompétentes.

Lorsque la CRCI est compétente, celle-ci désigne, à des fins d'expertise, un expert ou un collège d'experts habilités à effectuer toute investigation et demander la communication de tout document sans que puisse leur être opposé le secret médical. Les coûts d'expertise sont pris en charge par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des troubles iatrogènes et des maladies nosocomiales (ONIAM), créé par la loi du 4 mars 2002 précitée ; ce dernier peut en obtenir le remboursement auprès du professionnel de santé dont la responsabilité est, le cas échéant, retenue.

Dans les six mois de sa saisine, la CRCI concernée est chargée d'émettre un avis sur les circonstances, les causes, la nature et l'étendue des dommages ainsi que sur le régime d'indemnisation applicable ; cet avis est adressé à l'ONIAM ainsi qu'à toutes les personnes intéressées par le litige.

Lorsque la CRCI estime que le dommage engage la responsabilité d'un acteur de santé, l'assureur de ce dernier est tenu, dans un délai de quatre mois suivant réception de l'avis, d'adresser à la victime une offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis . Le montant de l'offre est fixé dans la limite des plafonds de garantie des contrats d'assurance 303 ( * ) . Si la victime accepte l'offre, cette acceptation vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil.

Toutefois, si l'assureur ne formule pas d'offre d'indemnisation, refuse d'indemniser ou encore si le responsable du dommage n'est pas assuré, l'ONIAM se substitue à l'assureur et indemnise la victime dans les mêmes conditions que ce dernier . L'ONIAM est alors subrogé dans les droits de la victime et peut recouvrir le montant des indemnités versées, par le biais d'une action récursoire, auprès du responsable du dommage ou de son assureur . Pour ce faire, l'ONIAM forme un recours devant la juridiction compétente qui est soit la juridiction civile si le responsable est une personne de droit privé (professionnel de santé libéral, producteur de produits de santé), soit la juridiction administrative si celui-ci est un organisme public.

En outre, lorsque la responsabilité de l'acteur de santé n'est pas engagée, l'ONIAM assure l'indemnisation de la victime au titre de la solidarité nationale .

Il convient enfin de préciser que les demandes d'indemnisation devant les CRCI sont recevables que seulement si le fait générateur est postérieur au 4 septembre 2001 .

B. LES RÉGIMES SPÉCIFIQUES PROPRES À CERTAINS DOMMAGES SURVENUS À L'OCCASION DE L'ACTIVITÉ DE SANTÉ

Afin de répondre aux spécificités de certains dommages survenus à l'activité de santé, des régimes particuliers d'indemnisation ont été institués . Ainsi, depuis la loi du 30 décembre 2002 304 ( * ) , l'ONIAM est directement chargé de l'indemnisation des personnes ayant subi un dommage résultant d'un traitement par l' hormone de croissance extractive entre 1973 et 1988.

Par ailleurs, l'ONIAM assure la réparation des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire 305 ( * ) , à une contamination par le VIH à la suite de transfusions de produits sanguins ou d'injections de produits dérivés du sang 306 ( * ) , à une activité de prévention, de diagnostic ou de soins réalisée en application de mesures d'urgence liées à une menace sanitaire grave 307 ( * ) . Les procédures d'indemnisation des victimes prévues par ces régimes sont similaires. Le directeur de l'ONIAM diligente une expertise et procède à toutes les investigations utiles sans que puisse lui être opposé le secret professionnel. Une commission d'indemnisation prononce un avis sur l'existence d'un lien de causalité entre le dommage subi et l'acte médical auquel il est imputé, puis évalue l'étendue du préjudice. Le directeur de l'ONIAM adresse une offre d'indemnisation à la victime ; si celle-ci est acceptée, l'acceptation de la victime vaut transaction et l'ONIAM est subrogé dans les droits de cette dernière contre les responsables du dommage ou son assureur.

En 2010, les dépenses de l'ONIAM au titre des indemnisations se sont élevées à 68 millions d'euros.

Évolution des dépenses et des recettes de l'ONIAM (2003-2010)

Tableau d'évolution des dépenses

(en millions d'euros)

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Indemnisations

0,4

5

24,6

45,3

76,4

89

83

68

Fonctionnement et investissement

3

4,3

4,7

5

5,5

6

6,8

8,4

Total

3,4

9,3

29,3

50,3

81,9

95

89,8

76,4

Source : ONIAM

Tableau d'évolution des recettes

(en millions d'euros)

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Assurance maladie

70

70

70

0

0

50

117

70

Etat

0

0

0

0,3

0,4

0,6

1,6

3,18

Autres

0

0,015

0,2

9,9

12,3

17,1

18,7

13,2

Total

70

70,015

70,2

10,2

12,7

67,7

137,3

86,4

Source : ONIAM

Les charges et recettes de l'ONIAM

L'article L. 1142-23 du CSP référence l'ensemble des charges et recettes de l'ONIAM.

Les charges :

- le versement d'indemnités aux victimes d'accidents médicaux, d'affections iatrogènes et d'infections nosocomiales ;

- le versement d'indemnités en réparation des dommages directement imputables à une vaccination obligatoire ;

- le versement d'indemnités aux victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus d'immunodéficience humaine (VIH) ;

- le versement d'indemnités aux victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C ;

- le versement d'indemnités en réparation des dommages résultant d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins ;

- les frais de gestion administrative de l'Office et des commissions régionales et interrégionales ;

- les frais résultant des expertises diligentées par les commissions régionales et interrégionales.

Les recettes :

- une dotation globale versée par les organismes d'assurance maladie ;

- le produit des pénalités prévues aux articles L. 1142-14 et L. 1142-15 ;

- le produit des recours subrogatoires menés par l'Office ;

- des dotations versées par l'Etat ;

- une dotation versée par l'Etablissement français du sang couvrant l'ensemble des dépenses résultant du versement d'indemnités aux victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UN RÉGIME PROPRE D'INDEMNISATION DES VICTIMES DU BENFLUOREX

A. UN DISPOSITIF SPÉCIFIQUE POUR L'ENSEMBLE DES VICTIMES DU BENFLUOREX

1. Un dispositif spécifique

L'institution du dispositif proposé par le présent article doit permettre une indemnisation juste et rapide de l' ensemble des victimes du benfluorex . La nécessité de celui-ci est apparue avec la mise en évidence du nombre important de personnes ayant subi des dommages du fait de l'administration du benfluorex, qui constitue le principe actif du MEDIATOR®, médicament commercialisé entre 1976 et 2009 par les Laboratoires Servier. Ces derniers avaient en effet obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) du MEDIATOR® en 1974 en tant que médicament efficace dans le traitement des hypertriglycéridémies et du diabète de type II (diabète dit « gras » car associé à une surcharge pondérale). Cependant, le benfluorex a été régulièrement prescrit en dehors de son autorisation de mise sur le marché, en tant qu'anorexigène coupe-faim », dans le langage courant).

La mise en évidence de nombreux cas de valvulopathies cardiaques (dysfonctionnement des vulves cardiaques) et d'hypertensions artérielles pulmonaires parmi les patients traités au MEDIATOR® a conduit au retrait de son AMM par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) le 30 novembre 2009 .

Selon l'AFSSAPS, le MEDIATOR® pourrait être à l'origine de 500 décès et 3 500 hospitalisations pour insuffisance valvulaire 308 ( * ) entre 1976 et 2009. Le rapport d'enquête sur le MEDIATOR® rendu par l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a notamment souligné la responsabilité des Laboratoires Servier dans l'utilisation détournée de ce médicament, à l'origine des dommages qu'il s'agit aujourd'hui d'indemniser.

Rapport d'enquête sur le MEDIATOR® de l'IGAS

L'enquête menée par l'IGAS sur le MEDIATOR® a conduit a mettre en évidence les principaux responsables des dommages causés par le benfluorex :

- les laboratoires Servier qui, dès l'origine du médicament, ont poursuivi un positionnement du MEDIATOR® en décalage avec sa réalité pharmacologique ;

- l'Agence chargée du médicament, inexplicablement tolérante à l'égard d'un médicament sans efficacité thérapeutique réelle ;

- le système de pharmacovigilance, incapable d'analyser les graves risques apparus en termes de cardiotoxicité du MEDIATOR® ;

- enfin, les ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé gérant avec lenteur les déremboursements de médicaments à service médical rendu insuffisant, aboutissant dans le cas du MEDIATOR® à des résultats inverses de ceux recherchés.

Source : IGAS, Enquête sur le MEDIATOR®, Janvier 2010

Pour plus de précisions sur ces questions, votre rapporteur général renvoie aux travaux menés actuellement par nos collègues, membres de la commission commune d'information « Médiator : évaluation et contrôle des médicaments » .

Ainsi, le présent article propose la création d'un dispositif spécifique d'indemnisation des dommages subis par les personnes exposées au benfluorex . Pour ce faire, le III de cet article ( alinéas 14 et 15 ) prévoit l'insertion d'une section 4 bis , intitulée « Indemnisation des victimes du benfluorex », au chapitre II du titre IV du livre premier de la première partie du code de la santé publique. Toutefois, comme cela est précisé au nouvel article L. 1142-24-1 du CSP ( alinéa 16 ), les victimes du benfluorex conservent la possibilité de demander l'indemnisation de leurs préjudices conformément aux actions prévues par le droit commun. Aussi, la saisine de l'ONIAM suspend les délais de prescription et de recours contentieux jusqu'au terme de la procédure devant celui-ci ( alinéa 19 ).

2. Une indemnisation de l'ensemble des victimes du benfluorex

Le dispositif proposé par le présent article vise à assurer une indemnisation juste et rapide de l' ensemble des victimes du benfluorex ou, le cas échéant, de leurs représentants légaux ou ayants droit. En effet, l' alinéa 17 prévoit la création d'un nouvel article L. 1142-24-2 du code de la santé publique (CSP) , disposant que toute personne qui estime avoir subi un dommage du fait du benfluorex peut saisir l'ONIAM en vue d'être indemnisée ; ainsi, contrairement au dispositif de droit commun, les victimes du benfluorex sont en droit de saisir l'ONIAM quelle que soit la date de survenance du dommage et sa gravité . C'est ce qui justifie la création d'une disposition spécifique d'indemnisation.

3. La place centrale de l'ONIAM dans le dispositif proposé

L'ONIAM occupe, dans ce dispositif d'indemnisation une place centrale, dès lors qu'il lui revient tout à la fois de faciliter le règlement amiable des litiges entre les victimes du benfluorex et les auteurs du dommage, voire de se substituer à ces derniers lorsqu'ils refusent d'indemniser ou ne réparent pas dans son intégralité le préjudice subi. A ce titre, le I du présent article ( alinéa 1 ) prévoit la modification de l'article L. 1142-22 du CSP et ajoute aux missions de l'ONIAM, décrites par ce dernier, celle de faciliter le règlement amiable des litiges relatifs aux dommages causés par l'administration du benfluorex ( alinéas 3 et 4 ). De même, l'Office est chargé de l'indemnisation, au titre de la solidarité nationale , des victimes du benfluorex ( alinéa 2 ).

B. UNE RÉPARATION INTÉGRALE ET RAPIDE DES DOMMAGES CAUSÉS PAR LE BENFLUOREX

1. Faciliter la réparation intégrale des victimes du benfluorex

Le nouvel article L. 1142-24-1 du CSP ( alinéa 16 ) prévoit une réparation intégrale des préjudices imputables au benfluorex . Néanmoins, les indemnités perçues par les victimes ne sauraient excéder le montant du préjudice effectivement subi ; de ce fait, lorsque la victime n'a pas informé l'ONIAM des prestations reçues ou à recevoir des tiers payeurs autres que les caisses de sécurité sociale, ces derniers peuvent former un recours contre la victime, à concurrence de l'indemnité qu'elle a perçue de l'assureur ou de l'ONIAM ( alinéa 31 ). De plus, l' article L. 1142-24-7 nouveau du CSP ( alinéa 33 ) dispose que les indemnisations accordées ne peuvent se cumuler avec celles accordées au titre du dispositif d'indemnisation des accidents médicaux de droit commun et, plus généralement, avec les indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du chef des mêmes préjudices.

Afin de réduire les coûts de procédure auxquels les victimes du benfluorex peuvent être soumises, le présent dispositif assure la prise en charge des frais d'expertise par l'ONIAM . En effet, un collège d'experts est placé auprès de l'Office, comme il est prévu au nouvel article L. 1142-24-3 du CSP ( alinéas 20 à 23 ) ; celui-ci procède à toute investigation utile à l'instruction et diligente, le cas échéant, une expertise sans que puisse lui être opposé le secret professionnel ( alinéa 20 ). Ce collège est présidé par un médecin est comprend notamment une personne compétente dans le domaine de la réparation du dommage corporel ainsi que des médecins proposés par des associations habilitées à représenter les usagers du système de santé dans les instances hospitalières ou de santé publique, par les exploitants du médicament concernés ou leurs assureurs et par l'ONIAM ( alinéa 21 ). La composition du collège d'experts, ses règles de fonctionnement et la procédure suivie devant lui sont déterminées par un décret en Conseil d'Etat ( alinéa 22 ). Il est à noter que les membres du collège et les personnes qui ont à connaître des documents et informations détenus par celui-ci sont tenus au secret professionnel, conformément aux dispositions du code pénal 309 ( * ) ( alinéa 23 ).

2. Favoriser une indemnisation rapide des dommages causés par le benfluorex par la médiation de l'ONIAM

Le principal objectif du présent dispositif consiste à garantir une indemnisation rapide des victimes du benfluorex . Ainsi, ces dernières peuvent saisir l'ONIAM à qui il revient de faciliter le règlement amiable des litiges entre les victimes du benfluorex et les auteurs du dommage, ou de se substituer à ces derniers lorsqu'ils refusent d'indemniser ou ne réparent pas dans son intégralité le préjudice subi. Pour ce faire, les victimes adressent une demande à l'Office ( alinéa 18 ) comprenant le nom du ou des médicaments qui ont été administrés et les éléments de nature à établir l'administration du benfluorex, les informations relatives à leur qualité d'assuré social, les organismes de sécurité sociale auxquels elles sont affiliées, ainsi que les prestations reçues ou à recevoir des autres tiers payeurs du chef du dommage qu'elle a subi, de même que les informations concernant les procédures juridictionnelles éventuellement en cours. En outre, la demande indique tous les éléments d'information utile sur les professionnels de santé ou établissements, de même que sur l'exploitant du médicament concerné, auxquels les victimes souhaitent rendre la procédure opposable .

Lorsque la demande est jugée recevable par l'ONIAM, il est procédé à une investigation par le collège d'experts. S'il constate l'existence d'un déficit fonctionnel 310 ( * ) - qui constitue la condition d'ouverture du dispositif d'indemnisation 311 ( * ) - imputable au benfluorex, le collège émet un avis sur les circonstances, les causes, la nature et l'étendue des dommages, ainsi que sur la responsabilité du ou des exploitants du médicament et, le cas échéant, des professionnels ou établissements de santé ( alinéa 24 ). Cet avis est rendu dans un délai de six mois puis transmis à la personne qui l'a saisi et à toutes les personnes intéressées par le litige ( alinéa 25 ) ; celui-ci ne peut être contesté que dans le cadre de l'action en indemnisation introduite devant la juridiction compétente par la victime ou dans le cadre des actions subrogatoires entreprises par l'ONIAM ( alinéa 26 ).

Les personnes considérées comme responsables des dommages résultant de l'administration du benfluorex par le collège d'experts ou leurs assureurs adressent aux victimes ou à leurs ayants droit, dans un délai de trois mois suivant la réception de l'avis , une offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale du préjudice subi dans la limite, pour les assureurs, des plafonds de garantie des contrats d'assurance ( alinéa 27 ).

Afin que les victimes puissent bénéficier d'une indemnisation rapide, le nouvel article L. 1142-24-6 du CSP ( alinéa 29 ) précise qu'en cas de silence ou de refus de la part de l'assureur ou de la personne responsable du dommage, ou en cas d'offre manifestement insuffisante, l'ONIAM est substitué à l'assureur ou à la personne responsable . Dès lors, l'Office adresse à la victime et à ses ayant droits une offre d'indemnisation à la réparation intégrale des préjudices subis, dans les mêmes conditions que celles prévues par le droit commun ( alinéa 30 ). Si l'ONIAM estime que la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement ou d'un producteur de produits de santé, il dispose d'une action subrogatoire contre celui-ci, conformément aux dispositions de l'article L. 1142-15 du CSP.

Enfin, à dessein d'inciter les responsables de dommages résultant de l'administration du benfluorex ou leurs assureurs à ne pas procéder à des démarches dilatoires, le présent article prévoit que le juge compétent, saisi par la victime qui refuse l'offre d'indemnisation, condamne la personne responsable ou l'assureur à verser à l'ONIAM une somme au plus égale à 30 % 312 ( * ) de l'indemnité qu'il alloue s'il estime que cette offre est manifestement insuffisante ( alinéa 28 ). Cette sanction est aussi appliquée lorsque le juge est saisi par l'Office subrogé dans les droits de la victime ( alinéa 32 ).

C. L'ADAPTATION DES CHARGES ET RECETTES DE L'ONIAM

Le présent article modifie l'article L. 1142-23 du CSP afin de compléter les charges et les recettes de l'ONIAM ( alinéas 5 à 13 ). L'ONIAM assure donc l'indemnisation des victimes du benfluorex lorsqu'il est substitué aux responsables des dommages subis ou à leurs assureurs ( alinéa 7 ) et le financement des expertises diligentés par le collège d'experts ( alinéa 8 ). D'autre part, l'Office bénéficie du produit des remboursements de frais d'expertise par les personnes responsables des dommages ou par leurs assureurs ( alinéa 9 ), de même que du produit des pénalités prévues aux alinéas 28 et 32 du présent article ( alinéa 10 ). Par ailleurs, les recettes de l'ONIAM sont abondées, le cas échéant, par le produit des actions récursoires engagées ( alinéa 11 ) et par une dotation versée par l'Etat ( alinéas 12 et 13 ).

D. LE COÛT DU DISPOSITIF

Le présent projet de loi de finances rectificative prévoit à ce titre l'ouverture d'une dotation de l'Etat de 5 millions d'euros pour l'année 2011 sur le programme « Protection maladie » de la mission « Santé », afin de financer la mise en place du dispositif et l'instruction des premiers dossiers. En outre, 10 ETP sont créés au profit de l'ONIAM.

Incidence budgétaire du présent dispositif pour l'année 2011

(en millions d'euros)

Etat

Dépenses de personnel (AE=CP) [1]

Dépenses hors personnel (AE) [2]

Dépenses hors personnel (CP) [3]

1

4

4

Total pour l'Etat : AE=[1]+[2]

Total pour l'Etat : CP [4]=[1]+[3]

5

5

Collectivités territoriales [5]

Sécurité sociale [6]

Autres administrations publiques [7]

0

0

0

Total pour l'ensemble des APU [4]+[5]+[6]+[7]

5

L'ENTRÉE EN VIGUEUR DU DISPOSITIF

Le présent article entre en vigueur au plus tard le 1 er septembre 2011 ( alinéa 34 ). A compter de cette entrée en vigueur, les CRCI saisies de demandes relatives à l'indemnisation de dommages résultant de l'administration de benfluorex renvoient celles-ci à l'ONIAM ( alinéa 35 ). Si, à la date d'entrée en vigueur du présent article, une personne ayant subi un dommage du fait du benfluorex a intenté une action en justice tendant à l'indemnisation de ce dommage, elle peut saisir l'Office en vue d'obtenir la réparation de ses préjudices, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat ; elle informe la juridiction de cette saisine ( alinéa 36 ).

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Outre dix-huit amendements rédactionnels, de coordination ou de précision, l'Assemblée nationale a modifié cet article sur plusieurs points.

A. L'INOPPOSABILITÉ DU SECRET INDUSTRIEL AU COLLÈGE D'EXPERTS PLACÉ AUPRÈS DE L'ONIAM

A l'initiative de nos collègues députés Gilles Carrez, rapporteur général au nom de la commission des finances, Jean-Pierre Door, rapporteur au nom de la commission des affaires sociales saisie pour avis, François de Rugy, Gérard Bapt et plusieurs autres, l'Assemblée nationale a adopté quatre amendements identiques, avec l'avis favorable du Gouvernement, prévoyant que le secret industriel, en plus du secret professionnel, ne peut être opposé au collège d'experts placé auprès de l'ONIAM lorsque celui-ci procède à toute investigation utile à l'instruction de la demande d'une victime ou diligente, le cas échéant, une expertise. Pour ce faire, ces amendements modifient l'article L. 1142-24-3 du CSP.

B. DÉFINITION DES MODALITÉS D'ASSOCIATION DES CAISSES D'ASSURANCE MALADIE À LA PROCÉDURE D'INDEMNISATION

A l'initiative de notre collègue député Jean-Pierre Door, trois amendements qui modifient les articles L. 1142-24-3 et L. 1142-24-4 du CSP afin de renvoyer à un décret en Conseil d'Etat le soin de définir les modalités d'association des caisses d'assurance maladie à la procédure d'indemnisation des victimes du benfluorex ont été adoptés par l'Assemblée nationale, avec l'avis favorable de la commission des finances et du Gouvernement. Il s'agit de faire en sorte que les caisses d'assurance maladie soient informées de toutes les demandes d'indemnisation de manière à récupérer auprès de la personne responsable du dommage, le cas échéant, les indemnités qu'elles auraient préalablement versées aux victimes.

C. LA COMPOSITION DU COLLÈGE D'EXPERTS PLACÉ AUPRÈS DE L'ONIAM

Deux amendements visant à préciser la composition du collège d'experts placé auprès de l'ONIAM ont été adoptés, à l'initiative de notre collègue député Jean-Pierre Door, par l'Assemblée nationale, avec l'avis favorable de la commission des finances et du Gouvernement. Le premier d'entre eux modifie l'article L. 1142-24-3 du CSP afin que le collège précité soit présidé par un magistrat de l'ordre administratif ou un magistrat de l'ordre judiciaire . Le second modifie lui-aussi l'article précité et précise ainsi que les médecins présents au sein du collège d'experts sont proposés par le conseil national de l'ordre des médecins .

D. L'ADAPTATION DE LA COMPOSITION DU CONSEIL D'ORIENTATION DE L'ONIAM

A l'initiative de notre collègue député Jean-Pierre Door, un amendement a été adopté par l'Assemblée nationale, avec l'avis favorable de la commission des finances et du Gouvernement, et insère dans le présent article trois alinéas et crée un nouvel article L. 1142-24-2-1 du CSP qui prévoit que la composition du conseil d'orientation de l'ONIAM est adaptée lorsqu'il délibère de la politique d'indemnisation des victimes du benfluorex. En outre, celui-ci tend à rendre publique la déclaration d'intérêts des membres du conseil d'orientation de l'ONIAM et des membres du collège d'experts.

E. LE RESPECT DU PRINCIPE DU CONTRADICTOIRE

Un amendement , adopté à l'initiative de notre collègue député Jean-Pierre Door par l'Assemblée nationale, avec l'avis favorable de la commission des finances et du Gouvernement, modifie l'article L. 1142-24-3 du CSP afin que les instructions menées par le collège d'experts placé auprès de l'ONIAM ainsi que les expertises qu'il diligente soient menées dans le respect du principe du contradictoire .

F. LES DÉLAIS D'INDEMNISATION DES VICTIMES PAR L'ONIAM

L'Assemblée nationale a adopté avec l'avis favorable de la commission des finances et du Gouvernement, à l'initiative de notre collègue député Jean-Pierre Door, un amendement modifie l'article L. 1142-24-5 du CSP et prévoit de ce fait que lorsque l'ONIAM est substitué à la personne responsable du dommage, l'Office a trois mois pour présenter à la victime une offre d'indemnisation .

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. ASSURER UNE INDEMNISATION JUSTE ET RAPIDE DES VICTIMES DU BENFLUOREX

Le dispositif proposé par le présent projet de loi de finances rectificatives doit permettre l'indemnisation juste et rapide des nombreuses victimes du MEDIATOR® . Ainsi, celui-ci complète utilement le régime actuel de réparation des accidents médicaux impliquant l'intervention des Commissions régionales de conciliation et d'indemnisation (CRCI), dès lors que la saisine de celles-ci ne peut concerner que les dommages présentant un certain de gravité et survenus postérieurement au 4 septembre 2001 .

L'intervention de l'ONIAM garantit la rapidité de l'indemnisation des victimes . Dans un premier temps, il revient à l'Office de faciliter le règlement amiable des litiges entre les victimes du benfluorex et les auteurs du dommage, notamment en prenant en charge les frais d'expertise concernant les causes, la nature et l'étendue des dommages, ainsi que sur la responsabilité du ou des exploitants du médicament et, le cas échéant, des professionnels ou établissements de santé. Dans un second temps, lorsque les auteurs du dommage refusent d'indemniser ou ne réparent pas dans son intégralité le préjudice subi, l'ONIAM se substitue à ces derniers et assure l'indemnisation des victimes au titre de la solidarité nationale avant, le cas échéant, d'engager une action récursoire à l'encontre des responsables.

Le présent article prévoit en outre que les préjudices subis par les victimes du benfluorex sont réparés dans leur intégralité . Les offres d'indemnisation adressées aux victimes par le professionnel, l'établissement ou le producteur de produit de santé responsable du dommage résultant de l'administration du benfluorex doivent viser à la réparation intégrale du préjudice subi. Il en va de même des offres adressées par l'ONIAM lorsqu'il est substitué au responsable du dommage.

B. UN DISPOSITIF FINANCÉ, EN PRINCIPE, PAR LES RESPONSABLES DES DOMMAGES RÉSULTANT DU BENFLUOREX

L'indemnisation des victimes du benfluorex est, en principe, assurée par les responsables des préjudices subis . En effet, ces derniers sont supposés réparer directement les dommages dont ils sont les auteurs aux victimes ; dans le cas contraire, lorsque l'indemnisation est assurée par l'ONIAM, ce dernier est habilité à engager une action récursoire devant le juge compétent afin de procéder à la récupération des montants versés auprès des acteurs de santé responsables des dommages, soit les producteurs de produits de santé concernés et les professionnels ou établissements de santé en cas de prescription fautive de benfluorex, ou de leurs assureurs .

Par ailleurs, l'ONIAM peut obtenir le remboursement des frais d'expertise qu'il a engagés par les personnes responsables des dommages ou leurs assureurs .

Enfin, le budget de l'ONIAM est abondé par les pénalités versées par la personne responsable ou son assureur en cas de condamnation par le juge compétent à verser à l'Office une somme au plus égale à 30 % de l'indemnité qu'il alloue lorsque celui-ci estime que l'offre adressée à la victime est manifestement insuffisante.

C. UN DISPOSITIF POTENTIELLEMENT COÛTEUX POUR LES FINANCES PUBLIQUES

Bien que le dispositif proposé soit, en principe, financé par les responsables des dommages résultant de l'administration du benfluorex, il paraît potentiellement coûteux pour les finances publiques . L'incidence budgétaire de ce dispositif n'est évaluée qu'à 5 millions d'euros pour 2011, des crédits étant ouverts par le présent projet de loi de finances rectificative pour financer la mise en place de celui-ci et l'instruction des premiers dossiers, soit principalement pour assurer les frais d'expertise. Cette dotation initiale apparaît comme nécessaire afin de procéder, à hauteur d'un million d'euros, à des créations d'emplois au sein de l'ONIAM (10 ETP en 2011) alors même que ce dernier connaît actuellement des difficultés pour assurer la gestion des 4 000 dossiers traités chaque année.

Toutefois, l'indemnisation des victimes du benfluorex pourrait, à terme, représenter une charge substantielle pour les finances publiques . L'évaluation de cette charge reste incertaine dès lors que le nombre de victimes qui réclameront la réparation des préjudices subis demeure encore inconnu, de même que celui des réparations assurées directement par les producteurs de produits de santé et les personnels ou établissement de santé responsables des dommages résultant de l'administration du benfluorex. En outre, il est à noter que les actions récursoires éventuellement engagées par l'ONIAM concerneraient principalement les producteurs de produits de santé concernés, ce qui les distingue des actions similaires généralement entreprises contre des professionnels et établissements de santé.

L'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) a formulé une estimation basse du nombre de victimes du benfluorex ; ainsi, pourraient être attribués au benfluorex environ 500 décès et 3 500 hospitalisations pour insuffisance valvulaire 313 ( * ) entre 1976 et 2009. Par ailleurs, il est possible de se référer au coût moyen des dossiers médicaux avancé par l'ONIAM 314 ( * ) , soit 100 000 euros.

Les indemnisations proposées par l'ONIAM

(en euros)

2006

2007

2008

2009

2010

Montant moyen/dossier clos

61 547

86 924

98 688

75 173

79 392

Source : ONIAM

Par conséquent, si le nombre des victimes du benfluorex peut être estimé entre 3 500 et 4 000, le montant des indemnisations à verser serait compris entre 350 et 400 millions d'euros. Or, le taux de recouvrement des montants versés par l'Office à titre subrogatoire ne s'élevait qu'à 71 % en 2010 315 ( * ) . Ainsi, le coût pour les finances publiques de l'indemnisation des victimes du benfluorex pourrait se situer entre 101 et 116 millions d'euros , dépenses supportées principalement par l'assurance maladie et l'Etat. Ces coûts devraient s'échelonner sur plusieurs années et dépendent tout à la fois du délai dans lequel les victimes sont susceptibles de se déclarer et du temps requis pour la résolution des éventuelles actions subrogatoires formées devant les juridictions compétentes 316 ( * ) .

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 23 - Augmentation de la quote-part de la France au Fonds monétaire international (FMI)

Commentaire : le présent article tend à autoriser le Gouvernement à participer à la révision générale des quotes-parts des Etats membres du Fonds monétaire international (FMI) approuvée par le Conseil des gouverneurs de cette institution le 15 décembre 2010 et, dans ce cadre, à relever le montant de la quote-part de la France à hauteur de 20,155 milliards de droits de tirage spéciaux (DTS), soit environ 22 milliards d'euros, contre 10,738 milliards de DTS actuellement, soit environ 12 milliards d'euros.

I. LA SITUATION ACTUELLE

A. LES QUOTES-PARTS DU FMI, UN SYSTÈME EN COURS DE RÉVISION

1. Une ressource du FMI représentant actuellement 260 milliards d'euros environ

Aux termes de la section 1 de l'article III des statuts du Fonds monétaire international (FMI) adoptés lors de la Conférence monétaire et financière des Nations Unies tenue à Bretton Woods le 22 juillet 1944, entrés en vigueur le 27 décembre 1945 et plusieurs fois modifiés, « une quote-part, exprimée en droits de tirage spéciaux , est assignée à chaque Etat membre ». Il est notamment précisé que « les quotes-parts des Etats membres représentés à la Conférence monétaire et financière des Nations Unies et ayant adhéré [au Fonds] avant le 31 décembre 1945 sont celles qui figurent à l'annexe A [des statuts] . Les quotes-parts des autres Etats membres sont fixées par le Conseil des gouverneurs », organe suprême de l'institution.

Ces quotes-parts déterminent à la fois la contribution respective des pays participant au capital du FMI, le nombre de voix qui sont attribuées à chacun pour la gouvernance de l'institution, et le montant de l'aide financière qu'ils peuvent obtenir, le cas échéant, de cette dernière. Elles sont calculées en fonction de la taille des économies nationales considérées, elle-même mesurée par le produit national brut (PNB) et l'importance du commerce extérieur, afin de refléter leurs poids relatifs au sein de l'économie mondiale. Dès lors qu'il adhère au Fonds, un Etat est tenu verser le quart du montant de sa quote-part dans une monnaie étrangère largement acceptée à l'échelon international (dollar EU, euro, livre sterling ou yen, notamment) ou en droits de tirage spéciaux ( DTS ; cf . l'encadré ci-après) ; les trois quarts restants sont à verser dans la monnaie nationale .

Les quotes-parts constituent la première des ressources du FMI, permettant le financement de l'activité de celui-ci, à côté principalement des accords d'emprunt qu'il conclue avec certains de ses pays membres 317 ( * ) . Cette ressource est immédiatement et en permanence mobilisable par le Fonds. Actuellement, le montant cumulé de ces quotes-parts représente un capital de 237,4 milliards de DTS , soit environ 260 milliards d'euros .

Les droits de tirage spéciaux (DTS)

Les DTS constituent d'abord un avoir de réserve international créé par le FMI, en 1969, pour compléter les réserves officielles de ses Etats membres. Ils sont aussi l'unité de compte du Fonds, comme de plusieurs autres institutions internationales.

La valeur du DTS est déterminée en fonction d'un « panier » des devises les plus utilisées dans le commerce international et sur les marchés financiers, dont la composition est revue tous les cinq ans, par le conseil d'administration du FMI, afin de veiller à ce que la pondération des monnaies rende bien compte de leur importance relative dans les échanges et les systèmes financiers internationaux. La dernière révision en date est intervenue fin 2010.

Actuellement, un DTS correspond à la somme de : 0,66 dollar américain + 0,423 euro + 0,111 livre sterling + 12,1 yens, à leurs valeurs respectives au 1 er janvier 2011. Par conséquent, le cours du DTS suit l'évolution du cours de ces monnaies. La contre-valeur du DTS en dollars est indiquée quotidiennement sur le site Internet du FMI.

Les DTS peuvent être échangés contre des devises librement utilisables. Ils ne constituent donc pas une monnaie, ni une créance sur le FMI, mais représentent une créance sur les monnaies librement utilisables des pays membres du Fonds.

Source : FMI

2. Une révision tendant à doubler le montant de cette ressource et à actualiser les parts relatives des Etats membres

Le a) de la section 2 de l'article III précité des statuts du FMI prévoit que, « tous les cinq ans au moins, le Conseil des gouverneurs procède à un examen général des quotes-parts des Etats membres et, s'il le juge approprié, en propose la révision ».

Malgré cette possibilité d'actualisation quinquennale, les quotes-parts du Fonds, rapportées aux principales variables économiques internationales que sont la production mondiale, les échanges commerciaux et les flux de capitaux, ont subi une diminution relative continue depuis la fin des années 1990 . En effet, alors que la croissance du produit intérieur brut (PIB) mondial et les flux de marchandises, de services et de capitaux se sont avérés en augmentation, ces quotes-parts, lors des révisions intervenues en 2003 et en 2008, n'ont été relevées, en moyenne, que faiblement.

En outre, tandis que les économies des pays émergents et de certains pays en développement, sur la même période, ont enregistré une croissance importante, le réaménagement des écarts relatifs entre les quotes-parts des Etats membres du FMI, sur la base d'une nouvelle formule de calcul, n'a revêtu qu'une portée limitée. Certes, la révision précitée de 2008, entrée en vigueur en mars 2011, a conduit à l'augmentation des quotes-parts de 54 pays, pour un montant total de 20,8 milliards de DTS ; compte tenu d'ajustements pratiqués en 2006, cette augmentation correspondait à une croissance de 11,5 % du poids relatif des économies dynamiques au sein du Fonds. Mais cette réforme n'a pas entièrement corrigé les distorsions de représentativité d'un système pourtant supposé refléter l'état de l'économie du monde.

Dans ce contexte, à l'occasion du sommet du G 20 de Londres , le 2 avril 2009 , les chefs d'Etat et de gouvernement ont demandé qu'un accord sur la révision des quotes-parts du FMI soit obtenu avant janvier 2011.

D'une part, il s'agissait d' accroître les ressources de l'institution, appelée à jouer un rôle majeur dans le soutien des économies subissant la crise mondiale : les dirigeants des Etats du G 20 se sont engagés à tripler la capacité de prêt du FMI, qui passerait ainsi de 250 milliards de dollars EU à 750 milliards. Pour donner suite à cet engagement, en premier lieu, les participants au système des Nouveaux Accords d'emprunt (NAE), accords de crédit entre le Fonds et un groupe de pays ou banques centrales 318 ( * ) , ont décidé d'en porter le montant à environ 550 milliards de dollars EU, décision approuvée par le conseil d'administration du FMI le 12 avril 2010. En second lieu, le Conseil des gouverneurs, achevant la quatorzième révision générale des quotes-parts le 15 décembre 2010 , a décidé de doubler ces quotes-parts, pour les porter à un total de 476,8 milliards de DTS , soit environ 525 milliards d'euros, étant entendu que, lorsque cette augmentation de capital prendra effet, les ressources prêtées au Fonds au titre des NAE seront diminuées à due concurrence.

D'autre part, il s'agissait de rééquilibrer les participations des Etats membres du FMI dans le capital et, par voie de conséquence, dans la gouvernance de l'institution, en permettant à chacun d'y occuper une place conforme à celle de son économie au sein de l'économie mondiale. Les ministres des finances et les gouverneurs des banques centrales des Etats du G 20, se sont accordés, lors d'une réunion organisée à Gyeonju (Corée du Sud) le 23 octobre 2010, sur les principes de cette révision, destinée à compléter les effets de la précédente réforme en ce sens, susmentionnée, de 2008 ; cet accord a été formalisé par le Conseil des gouverneurs lors de sa réunion précitée du 15 décembre 2010, relative à la quatorzième révision générale des quotes-parts 319 ( * ) . Au total, un transfert de plus de 6 % du poids relatif des quotes-parts sera réalisé , des Etats surreprésentés vers les Etats sous-représentés et au profit des pays émergents et des pays en développement dynamiques. Compte tenu de la réforme de 2008, le report des parts de voix correspondantes vers les pays émergents et les pays en développement dans leur ensemble s'élèvera à 5,3 %, le pouvoir de vote relatif des pays pauvres 320 ( * ) étant préservé.

Il appartient désormais à chaque Etat concerné d'approuver l'augmentation ainsi décidée en ce qui concerne sa quote-part, suivant ses procédures de droit interne. Le FMI souhaite que ces procédures soient closes pour la fin de l'année 2011, de sorte que l' entrée en vigueur de la révision soit acquise avant l'Assemblée annuelle de l'organisation , en octobre 2012 . Les réformes subséquentes du conseil d'administration ont vocation à être mises en oeuvre au plus tard lors de l'élection des membres de celui-ci, prévue pour la fin de l'année de 2012.

À l'issue de ce processus, les dix contributeurs les plus importants au capital du FMI seront, dans l'ordre que fait apparaître le tableau ci-dessous, les Etats-Unis, le Japon, les quatre principales économies européennes que représentent l'Allemagne, la France, le Royaume-Uni et l'Italie, ainsi que le groupe des « BRIC » soient le Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine, laquelle se hissera au troisième rang dans le nouveau classement.

Les dix contributeurs les plus importants au capital du FMI

(en milliards de DTS)

Situation actuelle (révision de 2008)

Situation à venir (révision de 2010)

Etat membre

Quote-part

Etat membre

Quote-part

Etats-Unis

37,149

Etats-Unis

82,994 (+123 %)

Japon

13,312

Japon

30,820 (+ 132 %)

Allemagne

13,008

Chine

30,482 (+ 220 %)

France

Royaume-Uni

10,738

idem

Allemagne

26,634 (+ 105 %)

France

Royaume-Uni

20,155 (+ 88 %)

idem

Chine

9,525

Arabie saoudite

6,985

Italie

15,070

Canada

6,369

Inde

13,114 (+ 125 %)

Russie

5,945

Russie

12,904 (+ 117 %)

Inde

5,821

Brésil

11,042

Source : FMI

Dans ce cadre, en effet, notre pays s'est engagé à porter sa quote-part à hauteur de 20,155 milliards de DTS, soit environ 22 milliards d'euros et 4,23 % du total, contre 10,738 milliards de DTS actuellement, soit environ 12 milliards d'euros et 4,52 % du total. Cette augmentation de la quote-part nationale sera la première depuis 1998 , la France n'ayant pas accru sa participation au capital du FMI à l'occasion des révisions précitées de 2003 et de 2008.

B. L'ORGANISATION DES RELATIONS FINANCIÈRES ENTRE LA FRANCE ET LE FMI

1. Des relations encadrées par la loi

La loi n° 45-138 du 26 décembre 1945 relative à la création du Fonds monétaire international et de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) texte qui a autorisé l'adhésion de la France aux accords internationaux conclus, pour cette double création, lors de la conférence précitée de Bretton Woods régit les relations financières de notre pays avec ces institutions. En particulier, son article 2 dispose que le ministre chargé des finances est autorisé à verser au FMI, sur les ressources du Trésor et conformément à l'accord relatif au Fonds, le montant de la souscription du Gouvernement français , en d'autres termes la quote-part de la France.

Cette quote-part, comme indiqué précédemment, s'élève aujourd'hui à 10,738 milliards de DTS , soit environ 12 milliards d'euros , représentant 4,52 % du total. Elle fait de notre pays le quatrième contributeur du Fonds, à égalité avec le Royaume-Uni et après, dans l'ordre, les Etats-Unis, le Japon et l'Allemagne, et lui confère 4,3 % des droits de vote au sein de l'institution.

Pour mémoire, l'article 2 précité de la loi du 26 décembre 1945 vise également le versement :

- le cas échéant, des sommes qui seraient nécessaires pour compenser la réduction en valeur-or des avoirs en « monnaie française » (aujourd'hui, en euros) détenus par le Fonds ;

- des commissions dues au Fonds ;

- le cas échéant, des sommes qui seraient dues au Fonds en cas de retrait du Gouvernement français, en cas de liquidation du Fonds, ou en cas de faillite ou de manquement du « dépositaire des actifs du Fonds désigné par le Gouvernement français », c'est-à-dire la Banque de France ( cf . infra ) ;

- enfin, d'une somme correspondant à des prêts remboursables , dont le plafond rehaussé par l'article 4 de la loi de finances rectificative du 7 juin 2010 à la suite de l'approbation précitée, par le conseil d'administration du FMI, le 12 avril 2010 321 ( * ) , de la réforme des NAE est actuellement fixé à 18,658 milliards de DTS , soit environ 20 milliards d'euros .

2. Une « médiatisation » par la Banque de France qui assure au Trésor la neutralité des opérations

Le premier alinéa de l'article L. 141-2 du code monétaire et financier dispose que la Banque de France détient et gère les réserves de change de l'Etat en or et en devises et les inscrit à l'actif de son bilan, selon des modalités précisées dans une convention qu'elle conclut avec l'Etat. Cette convention, dont la dernière version a été signée le 2 février 2011, précise notamment que les créances de la France sur le FMI et les avoirs en DTS de notre pays se trouvent inscrits au bilan de la Banque de France . Celle-ci, en tant que banque centrale, est désignée comme dépositaire des avoirs du Fonds et mandatée pour les administrer.

Dès lors, bien que le Trésor soit le service de l'Etat chargé des relations avec le FMI, il ne joue en pratique qu'un rôle comptable, la Banque de France réalisant effectivement les opérations en cause, sur ses propres ressources. Cette « médiatisation » par la banque centrale des relations financières de notre pays avec le Fonds assure la neutralité des opérations pour la trésorerie et le budget de l'Etat .

Un régime comptable spécifique a été aménagé à cet effet. Les opérations, ci-dessus détaillées, que vise l'article 2 de la loi du 26 décembre 1945 en particulier, les versements au FMI des montants représentatifs de la quote-part nationale sont retracées sur le compte d'opérations monétaires intitulé « Opérations avec le Fonds monétaire international », compte spécial du Trésor (comme tel situé en dehors du budget général de l'Etat) créé par la loi de finances rectificative du 7 juin 1962 322 ( * ) .

Concrètement, dans l'hypothèse d'augmentation de la quote-part française au FMI ici en cause, étant rappelé que le versement au Fonds doit être réalisé, pour un quart, en monnaie étrangère ou en DTS et, pour le reste, en euros :

- en ce qui concerne les 25 % à régler en monnaie étrangère ou en DTS : les devises ou les DTS sont achetés par le Trésor à la Banque de France, puis versés par le Trésor au FMI (en dépenses du compte spécial), le Trésor obtenant ainsi une créance sur le Fonds . Cependant, en application de l'article L. 141-2 du code monétaire et financier et de la convention du 2 février 2011 précités, cette créance du Trésor sera immédiatement rachetée par la Banque de France (en recettes du compte spécial). L'opération, de fait, se ramène à un versement de trésorerie pratiqué par la Banque de France en faveur du FMI ;

- en ce qui concerne les 75 % à régler en euros : ces fonds sont versés par le Trésor au FMI mais, en contrepartie, ce dernier souscrit immédiatement une somme correspondante en bons du Trésor à vue, non négociables et ne portant pas intérêt ; ces bons, d'une nature particulière, n'ont pas d'échéance de remboursement. L'opération conduit à offrir au Fonds un « droit de tirage » de trésorerie sur l'Etat . Toutefois, lorsque ce droit s'avère effectivement exercé par l'institution, la somme requise est prélevée sur le Trésor (en dépenses du compte spécial), mais fait l'objet d'une compensation immédiate, à due concurrence, par la Banque de France (en recettes du compte).

Un mécanisme semblable se trouve mis en oeuvre dans le cas où le FMI appelle auprès de la France la participation à un prêt consenti par notre pays dans le cadre de ses accords d'emprunt avec l'institution 323 ( * ) . De la sorte, l'ensemble des opérations du Trésor avec le FMI ne donnent lieu à décaissements et encaissements réels que pour la Banque de France , et n'affectent que le bilan de cette dernière. Aussi n'ont-elles pas d'impact sur la trésorerie au jour le jour ni sur le solde budgétaire de l'Etat .

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article est composé de deux alinéas. Il tend ainsi :

- d'une part (premier alinéa), à autoriser expressément le Gouvernement à participer à la quatorzième révision générale des quotes-parts des Etats membres du FMI , présentée ci-dessus, telle qu'elle a été approuvée par le Conseil des gouverneurs du Fonds le 15 décembre 2010 ;

- d'autre part (second alinéa), à relever, comme prévu dans le cadre de ladite révision, le montant de la quote-part de la France à hauteur de 20,155 milliards de DTS , soit environ 22 milliards d'euros , contre 10,738 milliards de DTS actuellement, soit environ 12 milliards d'euros, ainsi qu'il a été exposé précédemment.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le présent article a été adopté sans modification par l'Assemblée nationale . Il vise avant tout à permettre à la France d'honorer les engagements qu'elle a pris devant la communauté internationale, notamment lors du sommet du G 20 de Londres, en avril 2009, pour participer à l'abondement des capacités financières du FMI. Il convient d'ailleurs de souligner que notre pays a assumé un rôle majeur dans la négociation qui a permis d'aboutir à la quatorzième révision générale des quotes-parts de l'institution, en particulier lors de la réunion de Gyeonju d'octobre 2010, citée plus haut, au cours de laquelle les ministres des finances et les gouverneurs des banques centrales des Etats du G 20 ont défini l'architecture de cette réforme.

Celle-ci tend à accroître significativement la capacité financière du FMI et, partant, son rôle de prévention des crises économiques et de soutien aux pays confrontés à des besoins de financement de leur balance des paiements. Elle constitue aussi la plus vaste réorganisation de la gouvernance du Fonds depuis sa création : le doublement du capital de l'institution, comme exposé ci-dessus, a été l'occasion d' actualiser les écarts relatifs entre les quotes-parts des Etats membres , afin de refléter plus justement leur importance économique respective. Le transfert d'influence qui se trouvera ainsi opéré en faveur des pays émergents et des pays en développement dynamique , en reconnaissance de leur rôle croissant dans l'économie mondiale, tandis que le pouvoir de vote relatif des pays pauvres sera maintenu, est de nature à renforcer la crédibilité et l'efficacité des efforts que le FMI déploie pour stabiliser la situation financière internationale.

Du reste, on doit noter que cette augmentation des quotes-parts, lorsqu'elle entrera en vigueur dans le courant de l'année 2012, en principe ( cf. supra ) devrait conduire mécaniquement, le cas échéant, à alléger les conditions d'emprunt au FMI des pays concernés . C'est ainsi qu'en mars dernier, lors de l'entrée en vigueur de la précédente révision des quotes-parts, conclue en 2008, le taux du prêt de 22,5 milliards d'euros accordé par le Fonds à l'Irlande en décembre 2010 a été réduit, de 0,13 % à 0,2 % selon les échéances de remboursement, le pays ayant alors vu sa quote-part augmenter de 50 %.

L'augmentation prévue pour la quote-part française, certes, n'est une augmentation qu'en valeur absolue : en termes relatifs, elle correspond à une légère baisse (6,5 %) du poids de notre pays au FMI , en induisant une rétrogradation, de la place de quatrième contributeur au Fonds ex æquo avec le Royaume-Uni, au cinquième rang , à égalité toujours avec le Royaume-Uni la Chine, comme on l'a signalé, prenant désormais la troisième position. Cette évolution, néanmoins, préserve à la France une situation, dans l'institution, conforme à sa place dans l'économie mondiale .

Par ailleurs, comme votre rapporteur général l'a expliqué ci-dessus, cet accroissement de la quote-part nationale, eu égard à l'organisation des relations financières de notre pays avec le FMI et, notamment, aux mécanismes de compensation entre le Trésor et la Banque de France en la matière, restera sans incidence sur l'équilibre budgétaire et le bilan de l'Etat . Sur ce point, l'évaluation préalable associée au présent article fait apparaître que les modalités techniques de l'opération ont été « étudiées en étroite collaboration avec la Banque de France, assurant que les mécanismes de gestion des réserves de la Banque permettaient d'absorber sans difficulté ce nouvel engagement ».

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 24 (nouveau) (Art. L. 300-2 [nouveau], L. 441-2-3-1 et L. 452-1 du code de la construction et de l'habitation) - Création d'un fonds d'accompagnement « vers et dans le logement »

Commentaire : le présent article, adopté à l'initiative du Gouvernement, tend à créer un fonds finançant des prestations d'accompagnement social de certaines personnes attributaires de logements sociaux ou adaptés.

I. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté le présent article, qui propose de créer un fonds d'accompagnement « vers et dans le logement » afin de financer les actions d'accompagnement social et de gestion locative adaptée en direction des ménages en difficulté ainsi que des actions d'amélioration du service aux demandeurs de logements locatifs sociaux.

Ce fonds spécifique serait financé par le produit des astreintes auxquelles l'Etat est condamné dans le cadre de la mise en oeuvre du droit au logement opposable (Dalo), et qui est actuellement versé aux fonds régionaux d'aménagement urbain (FAU), ainsi que par le produit des sanctions financières payées par les bailleurs en cas de non respect des règles d'attribution des logements, qui revient actuellement au budget général de l'Etat.

Le dispositif prévoit que la gestion de ce fonds est assurée par la caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) et qu'il est fait rapport une fois par an au ministre chargé du logement des actions financées par le fonds, en regard des moyens financiers engagés et des objectifs poursuivis.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le relogement , dans le parc public ou le parc privé, de ménages en difficulté se heurte à des obstacles tenant à l'absence ou à l'insuffisance de l'offre de logements disponibles, mais aussi à des difficultés d'adaptation sociale, comportementale et relationnelles auxquelles il est beaucoup plus difficile de répondre.

La solution passe donc par un accompagnement individualisé des ménages , particulièrement dans les premiers temps de leur installation dans le logement qui leur est attribué, qu'il s'agisse de relogement en application du droit au logement opposable ou en sortie de structures d'hébergement adapté.

Or les mesures d'accompagnement social ne disposent pas de financement spécifique . Ainsi, dans le cadre du Dalo , les produits des condamnations de l'Etat et des astreintes éventuellement prononcées par les juges, sont versés aux fonds d'aménagement urbain , constitués dans chaque région sous l'autorité du préfet, et destinés selon le code de la construction et de l'habitation « aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale pour des actions foncières et immobilières en faveur du logement social ».

Ces fonds sont également destinataires des pénalités de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (« loi SRU ») n° 2000-1208 du 13 décembre 2000. Ils reçoivent, enfin, les prélèvements effectués sur les ressources fiscales des communes pénalisées car elles n'auraient pas satisfait à leurs obligations en matière de création de places d'hébergement résultant des dispositions de la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion.

C'est dans ce contexte que le Gouvernement a envisagé d'utiliser ces ressources, ce qui revient à récupérer, au profit des actions de l'Etat, le produit des condamnations qu'il a dû lui-même acquitter .

Le Gouvernement avait déjà présenté ce mécanisme par amendement en loi de finances rectificative pour 2010 . A la demande de votre commission des finances, le Sénat l'avait repoussé, estimant que sa mise en place semblait prématurée et qu'il n'avait pu faire l'objet d'une expertise suffisante.

Au cours du premier semestre 2011, le ministère du logement a affiné l'objectif du projet - notamment par l'élaboration d'un « référentiel de l'accompagnement vers et dans le logement et de la gestion locative adaptée » et le secrétaire d'Etat chargé du logement, Benoist Apparu, est venu devant votre commission des finances le 4 mai 2011 en présenter l'économie.

La rédaction proposée a également été sensiblement améliorée. Dans sa première version, le dispositif se limitait à renvoyer les modalités de fonctionnement du fonds à un décret en Conseil d'Etat. Le dispositif voté par l'Assemblée nationale est nettement plus précis, même si quelques éléments restent à préciser. Votre commission des finances a ainsi pu entendre les arguments qui plaident en faveur de la création d'un tel fonds. Elle sera toutefois très attentive au suivi de sa gestion et de la performance des actions qui seront menées.

Décision de la commission : votre commission a décidé de réserver sa position sur cet article.

ARTICLE 25 (nouveau) (Art. L.452-2-1 et L. 452-3 du code de la construction et de l'habitation) - Rectifications techniques du code de la construction et de l'habitation

Commentaire : le présent article, adopté à l'initiative du Gouvernement, rectifie des coordinations techniques dans deux articles du code de la construction et de l'habitation modifiés par la loi de finances pour 2011.

Sur proposition du Gouvernement, l'Assemblée nationale a opportunément adopté deux rectifications d'ordre technique portant sur les articles L. 453-2-1 et L. 452-3 du code de la construction et de l'habitation (CCH).

La première modification rectifie un décompte d'alinéas et, de ce fait, rétablit les attributions de la commission dite de réorganisation (réorganisation des organismes d'habitations à loyer modéré) qui ont été modifiées, sans intention du législateur, du fait de l'ajout d'un alinéa à l'article L. 452-1 du CCH par l'article 210 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.

La seconde modification, de coordination , corrige l'article L. 452-3 du même code, qui énumère les ressources de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS), pour préciser que le produit du prélèvement instauré par la loi de finances pour 2011 et codifié à l'article L. 423-14, abonde un fonds géré par la Caisse, et non le budget de l'établissement.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 26 (nouveau) (Art L. 111-3-1 A [nouveau] du code des juridictions financières) - Définition des missions de la Cour des comptes

Commentaire : le présent article intègre dans le code des juridictions financières la définition des missions de la Cour des comptes.

Sur proposition de nos collègues députés Gilles Carrez, Michel Bouvard et Jean-Luc Warsmann, et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté le présent article qui a pour objet de tirer les conséquences, dans le code des juridictions financières, des nouvelles missions confiées à la Cour des comptes en application de l'article 47-2 de la Constitution, issu de la révision du 23 juillet 2008 et qui dispose que « les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière ».

Le texte proposé précise les modalités d'exercice de ces nouvelles missions, en prévoyant notamment que la Cour rend compte au Parlement « de la qualité des comptes des administrations publiques dont elle n'assure pas la certification ».

Si, dans les travaux préparatoires à l'examen du projet de loi portant réforme des juridictions financières, l'Assemblée nationale n'a pas retenu le principe d'une expérimentation de la certification des comptes des collectivités territoriales conduite par la Cour des comptes sur une durée de huit ans, le dispositif ainsi adopté constitue un progrès important vers la certification des comptes de l'ensemble des administrations publiques et la transparence de ces comptes .

Votre commission des finances est très favorable à cette modification du code des juridictions financières qui reprend l' une des dispositions du projet de loi portant réforme des juridictions financières , examiné en septembre dernier par la commission des finances et la commission des lois de l'Assemblée nationale et dont l'inscription en séance publique est toujours retardée .

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 27 (nouveau) (Art L. 132-6 [nouveau] du code des juridictions financières) - Transmission à la Cour des comptes des rapports de certification des comptes des administrations publiques

Commentaire : le présent article précise la nature des informations relatives à la certification des comptes des administrations publiques dont la Cour des comptes assure la transmission aux autorités publiques.

Sur proposition de nos collègues députés Gilles Carrez, Michel Bouvard et Jean-Luc Warsmann, et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté le présent article qui a pour objet de préciser la nature des informations transmises par la Cour des comptes aux autorités publiques - notamment au Parlement - à l'issue des travaux de certification des administrations publiques, travaux résultant des nouvelles missions confiées à la Cour des comptes par l'article 47-2 de la Constitution.

Le texte proposé reprend la rédaction adoptée par la commission des lois de l'Assemblée nationale lors de son examen du projet de loi portant réforme des juridictions financières.

Il prévoit la transmission obligatoire à la Cour des comptes des rapports établis par les administrations publiques dont le législateur a décidé qu'elles seraient soumises à l'obligation de faire certifier leurs comptes. La Cour des comptes est alors chargée d'établir une synthèse de ces rapports et d'émettre un avis qui est transmis au Premier ministre, au ministre chargé du budget et aux présidents des assemblées parlementaires.

Il s'agit de permettre à la Cour des comptes de remplir de façon effective sa mission nouvelle consistant à vérifier que les comptes des administrations publiques sont réguliers, sincères et fidèles, soit en certifiant elle-même les comptes, soit en rendant compte au Parlement de la qualité des comptes dont elle n'assure pas elle-même la certification.

Votre commission des finances est très favorable à cette modification du code des juridictions financières qui reprend l' une des dispositions du projet de loi portant réforme des juridictions financières , examiné en septembre dernier par la commission des finances et la commission des lois de l'Assemblée nationale et dont l'inscription en séance publique est toujours retardée .

Elle permettra à la Cour des comptes de procéder à l'examen des comptes de toutes les administrations publiques, en particulier les universités et les collectivités locales, assurant ainsi une sorte de « quasi-certification » complémentaire aux contrôles qu'elle n'exerce pas elle-même.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 28 (nouveau) (Art L. 136-6 [nouveau] du code des juridictions financières) - Saisine individuelle de la Cour des comptes

Commentaire : le présent article prévoit la possibilité pour un député ou un sénateur de saisir deux fois par an la Cour des comptes.

Sur proposition de sa commission des finances et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté, sans débat , le présent article qui a pour objet :

- de préciser dans le code des juridictions financières que le rapport public annuel de la Cour des comptes comporte un volet consacré aux suites données aux observations définitives des juridictions financières ;

- d'autoriser chaque député et chaque sénateur à saisir le premier président de la Cour des comptes d'une demande d'analyse des suites données à une recommandation figurant dans un rapport public paru depuis plus d'un an, dans la limite de deux demandes par an .

Le texte proposé précise toutefois que chaque observation ne peut faire l'objet que d'une seule demande.

Il renvoie à un décret en Conseil d'Etat les modalités d'application de ces dispositions.

Votre commission des finances est favorable à l'inscription dans le code des juridictions financières de l'existence d'un tome du rapport public annuel consacré au suivi des observations de la Cour des comptes. Elle observe que cette pratique a été initiée depuis plusieurs années .

Elle est beaucoup plus sceptique s'agissant de l'octroi à chaque député et sénateur d'un droit à saisir directement la Cour des comptes, qui reprend une initiative de Jean-Luc Warsmann , président de la commission des lois de l'Assemblée nationale.

Plusieurs objections peuvent en effet être soulevées :

- les parlementaires disposent du droit d' interroger le Gouvernement sur sa politique ce qui inclut la faculté de le questionner sur le suivi des observations formulées par la Cour des comptes ; cette procédure qui interpelle directement celui qui a reçu les observations paraît plus indiquée que celle qui consiste à demander à la Cour de les reformuler ;

- compte tenu de l'effectif des parlementaires (577 députés, 343 sénateurs) et du nombre souvent important de recommandations figurant dans le volet « suivi » des rapports publics annuels, la saisine directe individuelle risque d'aboutir rapidement à une charge de travail impossible à gérer par la Cour des comptes, dont on rappelle qu'elle doit se conformer aux principes de collégialité et de respect du contradictoire ;

- enfin, cette saisine directe fait concurrence aux procédures existantes qui résultent de la loi organique sur les lois de finances (contrôles budgétaires réalisés par le Président, le rapporteur général et les rapporteurs spéciaux de la commission des finances, enquêtes au titre des articles 58-1° et 58-2°), et de l'article L.O. 132-3-1 du code des juridictions financières s'agissant des enquêtes demandées à la Cour des comptes par la commission des affaires sociales. Elle est aussi en contradiction avec les nouvelles procédures de saisine prévues par la loi n° 2011-140 du 3 février 2011 tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques.

Cette loi, qui trouve son origine dans la proposition de loi déposée par le Président de l'Assemblée nationale et dont votre commission des finances s'était saisie pour avis, prévoit en particulier que les commissions parlementaires, par l'intermédiaire du Président de chaque assemblée, peuvent saisir la Cour des comptes d'une demande d'enquête.

Pour l'ensemble de ces raisons, votre commission vous propose par amendement de supprimer le second volet du texte adopté par l'Assemblée nationale .

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 29 (nouveau) - Recrutement complémentaire sur concours de conseillers de chambre régionale des comptes (CRC)

Commentaire : le présent article, adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, vise à instaurer un recrutement complémentaire sur concours de conseillers de chambre régionale des comptes (CRC).

I. LE DROIT EXISTANT

En application de l'article 31 de la loi n° 2001-1248 du 21 décembre 2001 relative aux chambres régionales des comptes (CRC) et à la Cour des comptes , il pouvait être procédé jusqu'au 31 décembre 2010 , sur proposition du premier président de la Cour des comptes, au recrutement complémentaire de conseillers de chambre régionale des comptes par la voie d'un ou plusieurs concours.

Le nombre de postes pourvus à ce titre ne pouvait excéder de plus de 50 % le nombre de postes offerts chaque année au titre du recrutement statutaire.

Le concours était ouvert :

- aux fonctionnaires et autres agents publics civils ou militaires appartenant à un corps de catégorie A ou assimilé et justifiant au 31 décembre de l'année du concours de sept ans de services publics effectifs dont trois ans effectifs dans la catégorie A ;

- aux magistrats de l'ordre judiciaire ;

- aux titulaires de l'un des diplômes exigés pour se présenter au premier concours d'entrée à l'Ecole nationale d'administration (ENA).

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté, avec un avis favorable de sa commission des finances, un amendement visant à instaurer un recrutement complémentaire de conseillers de CRC jusqu'en 2018 (1°) et à limiter le nombre de conseillers recrutés par ce biais (2°) . Le nombre de postes pourvus ne pourra pas dépasser :

- pour le premier concours organisé , le nombre de postes offerts à la sortie de l'ENA (recrutement en application de l'article L. 221-3 du code des juridictions financières) et au tour extérieur (recrutement en application de l'article L. 221-4 du code des juridictions financières), à compter de la promulgation de la présente loi de finances ;

- pour les concours suivants , le nombre de postes offerts à la sortie de l'ENA et au tour extérieur à compter des nominations au titre du précédent concours.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. LA NÉCESSITÉ DE FAIRE FACE AUX DIFFICULTÉS DÉMOGRAPHIQUES DU CORPS DES MAGISTRATS DE CRC

Le tableau ci-dessous présente la répartition des magistrats actuellement en poste dans les CRC par classe d'âge.

Il en ressort que 112 magistrats actuellement en poste dans les CRC ont 56 ans et plus et partiront donc en retraite dans les 10 ans à venir. Ce nombre est important puisqu'il représente 36,1 % des effectifs totaux des CRC .

Le présent article contribue donc à offrir une solution en vue de remédier aux difficultés démographiques du corps des magistrats de CRC, en permettant d'organiser des concours de recrutement spécifiques .

Les magistrats en CRC par classe d'âge (au 31 décembre 2010)

Age

Effectifs physiques

31

1

32

0

33

0

34

3

35

4

36

7

37

8

38

3

39

1

40

8

41

9

42

8

43

10

44

8

45

16

46

5

47

13

48

13

49

5

50

11

51

14

52

13

53

17

54

12

55

9

56

16

57

13

58

15

59

18

60

10

61

13

62

10

63

10

64

6

65

1

Total

310

Source : Cour des comptes

B. UN RECRUTEMENT COMPLÉMENTAIRE MIEUX « CALIBRÉ » QUE SOUS LE RÉGIME PRÉCÉDENT

Le présent article reprend une disposition similaire à celle prévue par l'article 31 de la loi du 21 décembre 2001 précitée relative aux CRC et à la Cour des comptes. Il en modifie toutefois la portée dans la mesure où le plafond de recrutement de ce concours complémentaire est plus élevé que le précédent : le nombre de postes offerts peut être égal à celui offerts via le recrutement à la sortie de l'ENA et au tour extérieur (contre seulement 50 % dans la loi du 21 décembre 2001 précitée).

Le tableau ci-dessous rend compte des recrutements effectués en CRC depuis 2006.

Bilan des recrutements effectués en CRC depuis 2006

CHAMBRES REGIONALES DES COMPTES

Grade

2006

2007

2008

2009

2010

Conseiller / Premier Conseiller

11

8

10

7

9

dont : issus de l'ENA

3

5

5

4

3

dont : officiers « 70.2 »

2

3

0

2

0

dont : tour extérieur

4

0

4

0

4

Total magistrats

20

16

19

13

16

Détachement dans le corps de magistrat de CRC

14

17

24

18

17

Source : Cour des comptes

La limitation du volume des recrutements par concours par la loi du 21 décembre 2001 précitée à 50 % en volume du recrutement statutaire (soit, sur la base des chiffres 2010, un maximum de trois recrutements) n'est ni en rapport avec l'enjeu des vacances de postes auxquelles les CRC doivent aujourd'hui répondre (en moyenne entre 20 et 30 postes par an), ni avec la charge que constitue l'organisation d'un recrutement sur concours.

Le présent article élève la limite de recrutement à un nombre égal au nombre de postes offerts à la sortie de l'ENA et au tour extérieur, ce qui paraît plus conforme aux impératifs actuels . Par comparaison, le code des juridictions administratives, à l'article L. 233-6, autorise un volume de recrutement équivalant au triple du recrutement statutaire.

C. LE RECRUTEMENT COMPLÉMENTAIRE PAR CONCOURS : UN MOYEN DE LIMITER LE RECOURS À DES PERSONNELS DÉTACHÉS

Afin de faire face à leurs futurs besoins, les CRC peuvent également avoir recours au recrutement de personnels détachés . Toutefois, ce type de recrutement présente deux types de difficultés :

- la rotation conséquente des effectifs concernés, qui se traduit par la nécessité de former les nouveaux entrants pour un temps d'activité opérationnelle limité ;

- une différence moyenne de traitement significative en raison de la nécessité de prendre en compte un indice moyen des personnels recrutés supérieur à celui à l'indice moyen des personnels recrutés à la sortie de l'ENA ou sur intégration des personnels militaires (procédure dite de « 70-2 »). En effet, les recrutements directs à la sortie de l'ENA dans les corps de magistrats de la Cour ou de CRC se font dans le premier grade du corps (auditeur de 2 ème classe ou conseiller de CRC) dans une grille indiciaire plafonnée à l'indice nouveau majoré (INM) 619. Comparativement, les accueils en détachement dans le statut d'emploi de rapporteurs ou dans le grade de 1 er conseiller sont réalisés à un indice nouveau majoré qui s'établit en moyenne à 734 (rapporteur) et 821 (1 er conseiller).

Eu égard à ces difficultés, il apparaît préférable de privilégier les autres voies de recrutement, en particulier le recrutement par concours complémentaire en application du présent article.

D. LA NÉCESSITÉ DE MIEUX ENCADRER LE DISPOSITIF

Il apparaît toutefois nécessaire à votre commission de réduire la période pendant laquelle la procédure dérogatoire de recrutement de magistrats des chambres régionales des comptes (CRC), en vigueur depuis 2001, sera prolongée en la renouvelant pour quatre ans au lieu de huit .

En effet, pour faire face aux besoins, le dispositif proposé par le présent article élargit les possibilités de recours à cette procédure, sans que toutes les conséquences aient été évaluées . En outre, il convient de ne pas préjuger des réformes en cours d'élaboration concernant ces juridictions et qui pourraient se concrétiser d'ici 2015. Ces réformes pourraient notamment permettre des mutualisations et une plus grande optimisation des moyens humains.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 30 (nouveau) (Art. 60 de la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002) - Participation des membres du contrôle général économique et financier aux contrôles de la commission interministérielle de coordination des contrôles (CICC) relatifs aux opérations cofinancées par les fonds structurels européens

Commentaire : le présent article a pour objet d'ajouter le contrôle général économique et financier à la liste des services d'inspection pouvant effectuer des contrôles pour le compte de la commission interministérielle de coordination des contrôles (CICC) sur les opérations cofinancées par les fonds structurels européens.

I. LE DROIT EXISTANT

Instituée par le décret n° 2002-633 du 26 avril 2002 la commission interministérielle de coordination des contrôles (CICC) est chargée de veiller au respect des obligations contractées par la France en matière de contrôle des opérations cofinancées par les fonds structurels européens 324 ( * ) .

Son existence a été consacrée sur un plan législatif par l'article 60 de la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002, modifié par l'article 99 de la loi n°2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007 325 ( * ) . L'article précité a surtout permis d'attribuer à partir de 2003 des pouvoirs de contrôle propres à la CICC, sur le modèle de ceux prévus pour les inspections générales représentées en son sein 326 ( * ) . Ces inspections générales disposent, en effet, de leurs pouvoirs de contrôle sur les services de l'Etat mais l'article 43 de la loi du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier étend les pouvoirs des inspections générales des finances et de l'administration aux organismes bénéficiaires de concours financiers provenant de l'Union européenne.

Les pouvoirs de contrôle de la CICC reprennent ainsi les caractéristiques de ceux définis par l'article précité de la loi du 12 avril 1996, qui dispose que « le contrôle (...) s'exerce de plein droit. Il est effectué sur pièces et sur place et porte sur l'ensemble des comptes et de la gestion de l'organisme vérifié. Toutefois, lorsque le concours (...) est affecté à une dépense déterminée et qu'il ne dépasse pas la moitié des ressources totales de l'organisme bénéficiaire, le contrôle se limite au compte d'emploi du concours financier que l'organisme doit produire en même temps que les pièces de dépenses afférentes. Si le compte d'emploi et les pièces de dépenses ne sont pas produites, le contrôle porte sur l'ensemble des comptes et de la gestion de l'organisme ».

En application des dispositions des règlements (CE) n° 2064/1997 du 15 octobre 1997, n° 1260/1999 du 21 juin 1999 et n° 438/2001 du 2 mars 2001, la CICC veille au respect, par l'ensemble des administrations concernées, des obligations de contrôle, et s'assure de l'efficacité des systèmes de gestion et de contrôle mis en place en application des règlements communautaires. Le contrôle de la gestion relève en effet de la responsabilité de l'Etat : l'article 38 du règlement général européen du 21 juin 1999 portant dispositions générales sur les fonds structurels indique en effet que « sans préjudice de la responsabilité de la Commission dans l'exécution du budget général de l'Union européenne, les Etats membres assument en premier ressort la responsabilité du contrôle financier de l'intervention ». Les contrôles de la CICC s'appliquent donc aux services de l'Etat mais également à toutes les personnes physiques et morales autres que l'Etat, telles que les collectivités territoriales, situées aux différents niveaux de mise en oeuvre des cofinancements communautaires : les autorités de paiement et de gestion, les bénéficiaires ultimes des fonds structurels, les maîtres d'oeuvre d'opérations inscrites dans les programmes bénéficiant de ces fonds et les organismes par lesquels ont transité les concours.

A ce titre, la CICC définit le cadre d'ensemble des contrôles, veille à leur exécution et émet des recommandations, est destinataire des synthèses des contrôles effectués par d'autres services, en évalue les résultats et établit un rapport annuel. L'ensemble de ces contrôles nationaux, destinés à donner une « assurance suffisante » que les demandes de concours communautaires correspondent à des dépenses « exactes », « régulières » et « éligibles » (article 2-1 du règlement communautaire n° 438/2001 précité), reposent sur les trois modalités suivantes :

- le contrôle du service fait , fondement de l'ensemble du système et exercé sur pièces et sur place, vérifie la conformité physique de l'opération, la réalité et l'exigibilité des dépenses encourues et le respect du plan de financement prévu (notamment le versement effectif des cofinancements). Il donne lieu à l'établissement d'un certificat ;

- les contrôles par sondage , dits « des 5 % », parce qu'ils portent sur au moins 5 % des dépenses éligibles totales et s'appliquent fonds par fonds et pour chaque programme. Ils ont pour objet de vérifier le fonctionnement du système de gestion et de contrôle pour en améliorer l'efficience, et d'examiner de manière sélective des opérations afin de s'assurer notamment de la fiabilité des déclarations de dépenses ;

- les contrôles de qualité , relevant de l'autorité de gestion ou de l'autorité de paiement, ont pour objet de tester régulièrement le bon fonctionnement du système mis en place.

En tant que contrôleur financier national au sens des règlements communautaires, la CICC établit également les rapports contradictoires devant donner lieu à la déclaration de validité de la demande de paiement du solde , présentée à la Commission européenne en fin de période de programmation pour chaque type d'intervention.

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article, adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement , avec l' avis favorable de la commission des finances , vise à ajouter le contrôle général économique et financier à la liste des services d'inspection pouvant effectuer des contrôles pour le compte de la CICC sur les opérations cofinancées par les fonds structurels européens.

Pour mémoire, les services de l'Etat ayant cette faculté sont aujourd'hui les suivants : l'inspection générale des finances, l'inspection générale de l'administration, l'inspection générale des affaires sociales et le conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux .

Comme l'indique l'objet de l'amendement qui a introduit le présent article, une telle mesure, par le renforcement des capacités de contrôle de la CICC qu'elle permettra , « répond à la fois à la charge croissante à laquelle doit répondre cet organisme ainsi qu'aux exigences accrues de la Commission européenne en matière de contrôle des fonds européens ».

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur général souscrit aux objectifs poursuivis par le présent article. La participation de membres du contrôle général économique et financier à la CICC est en effet souhaitable dans le contexte de l'accroissement des tâches de la commission et de la plus en plus grande rigueur exigée par l'Union européenne dans le contrôle de la gestion des fonds structurels.

En dépit de la légitimité de ces dispositions, votre rapporteur général s'est toutefois interrogé sur l'opportunité de préciser les modalités d'organisation du CICC par voie législative plutôt que réglementaire . Il lui est en effet apparu qu'un tel encadrement législatif pose le problème d'une souplesse insuffisante, notamment au regard des évolutions de la réglementation européenne et de la composition même des fonds structurels concernés par les contrôles. Nonobstant cette observation de principe, le choix du Gouvernement semble en l'espèce justifié puisque les dispositions proposées par le présent article viennent compléter un texte de niveau législatif et que, lors de son examen du décret du 26 avril 2002 portant création de la CICC, le Conseil d'Etat avait émis un avis dans lequel il recommandait que des dispositions législatives soient prises en vue d'étendre et de conforter l'étendue du champ de ses contrôles.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 31 (nouveau) (Art. 75 de la loi n°2009-258 du 5 mars 2009) - Clarification de la rédaction de l'article 75 de la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision

Commentaire : le présent article vise à clarifier la rédaction de l'article 75 de la loi du 5 mars relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LE FINANCEMENT MIXTE DE FRANCE TÉLÉVISIONS

1. La suppression de la publicité en soirée

Depuis janvier 2009, l'activité de France Télévisions est marquée par la mise en oeuvre de la réforme de la télévision publique , traduite par la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision. Ainsi, depuis janvier 2009, la publicité commerciale sur les services nationaux est supprimée en soirée (entre 20h00 et 6h00).

La loi de finances initiale pour 2011 du 30 décembre 2010 a en revanche reporté la seconde phase, à savoir la suppression en journée, au premier janvier 2016 au lieu de la date d'extinction de la diffusion analogique (30 novembre 2011).

Le financement de France Télévisions est aujourd'hui mixte . Dès la loi de finances pour 2009, France Télévisions a reçu, en plus de la dotation issue du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel » alimenté par la contribution à l'audiovisuel public, un complément de financement , issu du budget général, de ses missions de service public , à hauteur de 450 millions d'euros, correspondant aux pertes de recettes commerciales occasionnées par la disparition progressive de la publicité sur les chaînes de France Télévisions à partir de janvier 2009.

2. La création de deux taxes supplémentaires allouées au budget général

Parallèlement au choix d'allouer une dotation budgétaire à France Télévisions, le Parlement a souhaité créer deux taxes dont le produit cumulé devait atteindre 450 millions d'euros, et qui devaient être affectées au budget de l'Etat.

Les articles 32 et 33 de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision ont ainsi introduit deux articles 302 bis KG et 302 bis KH dans le code général des impôts. Ces derniers instituent respectivement une taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision et sur le chiffre d'affaires des opérateurs de télécommunication .

Le bilan de ces deux taxes est aujourd'hui décevant du point de vue de leur rendement. En effet, en 2009, les deux taxes ont rapporté au budget de l'Etat 214,7 millions d'euros, loin des 450 millions de la dotation budgétaire 327 ( * ) .

En outre, la taxe dite « télécoms » est contestée par la Commission européenne, ce qui fait peser un risque réel sur sa viabilité.

B. LA CRÉATION D'UN COMITÉ DE SUIVI

L'article 75 de la loi n° 200-258 précité a instauré un comité de suivi composé de parlementaires chargé d'évaluer l'application de cette loi , en particulier s'agissant des taxes prévues aux articles 302 bis KG et 302 bis KH du code général des impôts.

Cet article dispose :

« Un comité de suivi est chargé d'évaluer l'application de la présente loi, à l'exception de son titre IV 328 ( * ) , et de proposer, le cas échéant, une adaptation des taxes prévues aux articles 302 bis KG et 302 bis KH du code général des impôts, et une adaptation des modalités de financement de la société visée au I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée en fonction de l'évolution du produit de la contribution à l'audiovisuel public et de l'évolution du produit de ces taxes .

« Il vérifie l'adéquation des ressources attribuées à la société visée au même I avec celles nécessaires à la mise en oeuvre des missions de service public de cette société.

« Ce comité comprend quatre députés et quatre sénateurs, désignés par le président de leur assemblée respective.

« Il transmet chaque année au Parlement un rapport sur ses travaux avant la discussion du projet de loi de finances initiale.

« Un décret fixe les modalités d'application du présent article ».

La rédaction actuelle crée une ambiguïté, en suggérant qu'il existe un lien entre le produit de ces taxes et le financement de France Télévisions .

Or , tel n'est pas le cas, puisque les deux taxes ont été créées pour compenser au budget de l'Etat la dotation budgétaire attribuée à France Télévisions, du fait de la suppression de la publicité commerciale en soirée (entre 20h00 et 6h00) , et non pour être affectées au financement de France Télévisions .

II. LA CLARIFICATION DE LA RÉDACTION DE L'ARTICLE 75 DE LA LOI DU 5 MARS 2009

Le présent article, présenté par le Gouvernement, a pour objet de lever une ambiguïté de la rédaction actuelle de l'article 75 de la loi identifiée.

Pour cela, il modifie la fin de l'article 75. Il propose de remplacer la rédaction actuelle par la rédaction suivante : « un comité de suivi est chargé d'évaluer l'application de la présente loi (...), et de proposer, le cas échéant, une adaptation des taxes (...) et une adaptation des modalités de financement de la société (...) en fonction notamment de l'évolution du produit de la contribution à l'audiovisuel public ».

Compte tenu du caractère très détaillé de l'article 75, le décret mentionné à son dernier alinéa appelle peu de compléments, mais doit encore être adopté pour que ce comité puisse être instauré.

Dans le cadre de l'examen par la Commission européenne de la conformité au droit communautaire des aides d'Etat de la subvention budgétaire de France Télévisions, la France a soutenu l'absence de lien d'affectation au budget de France Télévisions du produit des taxes sur les messages publicitaires et sur les messages électroniques, créées par la loi du 5 mars 2009. Ce raisonnement a été admis par la décision de la Commission européenne du 1 er septembre 2009, dans ses paragraphes 55 à 57 .

Toutefois, le deuxième alinéa de l'article 75 précité contrarie cette analyse , en confiant au comité de suivi la mission de proposer une adaptation des taxes en cause en fonction des modalités de financement de France Télévisions. Dès lors, si le décret mentionné était adopté conformément à la rédaction actuelle de l'article 75, il serait susceptible de contredire la position défendue par la France devant les instances communautaires . Son adoption a donc été suspendue, le temps de modifier la rédaction de l'article 75, objet de cet article.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Cette mesure de clarification lève l'ambiguïté qui pouvait résulter du texte originel de l'article 75 de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

Elle permettra ainsi de prendre le décret nécessaire à l'instauration du comité prévu à l'article 75 précité.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 32 (nouveau) (Art. 1er de l'ordonnance n° 2006-433 du 13 avril 2006) - Prorogation au 15 août 2011 de l'expérimentation du contrat de transition professionnelle

Commentaire : le présent article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, vise à proroger du 31 mars au 15 août 2011 la durée d'expérimentation du contrat de transition professionnelle (CTP).

I. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'expérimentation du contrat de transition professionnelle, mis en place pour les salariés faisant l'objet d'une procédure de licenciement économique, arrivait à échéance le 1 er décembre 2010 et a été prorogée au 31 mars 2011 par l'article 205 de la loi de finances pour 2011, à l'initiative du Gouvernement et avec l'avis favorable de votre commission des finances.

Toujours à l'initiative du Gouvernement, le présent article a pour objet de proroger, une seconde fois, la possibilité d'adhérer au dispositif jusqu'au 15 août de cette année. Il s'agirait d'assurer la jonction entre la fin de ce dispositif et un nouveau contrat de sécurisation professionnelle (CSP) négocié entre l'Etat et les partenaires sociaux.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

La création d'un nouveau contrat de sécurisation professionnelle (CSP) s'incrit dans le cadre du plan en faveur de l'emploi annoncé par le Président de la République, à Bobigny le 1 er mars 2011. Pour sa mise en oeuvre, 350 millions d'euros de crédits supplémentaires sont ouverts dans le présent projet de loi de finances rectificative au titre de la mission « Travail et emploi » 329 ( * ) .

Ce nouveau dispositif d'accompagnement des restructurations économiques aura pour vocation de remplacer le contrat de transition professionnelle (CTP) et la convention de reclassement personnalisé (CRP). A cette fin, 52 millions d'euros , compris dans la dotation de 350 millions d'euros précitée, sont destinés à financer les CTP et CRP déjà contractés et l'ouverture à venir de 38 000 nouveaux CSP pour la fin de l'année 2011 .

Mis en place à titre expérimental, par l'ordonnance n° 2006-433 du 13 avril 2006, le contrat de transition professionnelle (CTP) s'adresse aux salariés dont le licenciement économique est envisagé dans les entreprises de moins de mille salariés. Le CTP a d'abord été créé dans sept bassins d'emplois (Charleville-Mézières, Montbéliard, Morlaix, Saint-Dié, Toulon, Valenciennes et Vitré). Filiale de l'AFPA, la société de gestion du CTP (SGCTP) dénommée « Transitio », est chargée de sa mise en oeuvre dans ces bassins d'emploi. L'article 19 de la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie a ensuite prolongé cette expérimentation jusqu'au 1 er décembre 2010 et l'a étendue à trente trois nouveaux bassins d'emplois gérés par Pôle Emploi. La possibilité d'adhérer au CTP a été prorogée, en loi de finances pour 2011, jusqu'au 31 mars 2011 afin d'aligner le terme de l'expérimentation sur la date d'extinction des CRP.

Parallèlement au CTP, la convention de reclassement personnalisé (CRP) permet, dans des conditions fixées par les partenaires sociaux, aux salariés d'entreprises de moins de mille salariés, licenciés pour motif économique, de bénéficier pendant douze mois d'un ensemble de mesures favorisant leur reclassement professionnel. Ce dispositif est financé par l'employeur, l'Unedic et l'Etat, ce dernier participant à hauteur de 915 euros par nouveau bénéficiaire.

Or, la Cour des comptes, dans un référé n° 59 697 transmis le 28 janvier 2011 à votre commission des finances, avait préconisé la fusion de ces dispositifs, arguant les points suivants :

- le CRP et le CTP sont des dispositifs concurrents qui se sont progressivement alignés sur les mêmes critères d'attribution et les mêmes bénéficiaires ;

- les résultats de ces dispositifs, qui ne concernent pourtant que 36 % des licenciés pour motif économique, seraient de moins en moins probants. Ils se sont très sensiblement dégradés depuis la fin de 2008, sans que se constate un écart décisif entre eux en matière d'efficacité pour le retour à l'emploi ;

- leurs coûts sont très inégalement répartis. Le CTP connaît une gestion rendue plus onéreuse du fait de la dualité de ses gestionnaires, une partie du dispositif étant gérée par « Transitio », et Pôle emploi pour le reste des bassins d'emplois concernés.

En réponse à ces observations, le ministre du travail, de l'emploi et de la santé avait indiqué, dans un courrier du 17 mai 2011 adressé au Premier président de la Cour des comptes, que le futur dispositif de reclassement garderait les caractéristiques principales du CTP en matière d'accès à la formation et de retour à l'emploi . En effet, depuis sa création, l'expérimentation du CTP a permis d'obtenir des taux de reclassement supérieurs à ceux mesurés à l'issue d'une CRP . A la fin 2010, 84 125 personnes ont bénéficié d'une CRP et 12 822 d'un CTP pour un taux de retour à l'emploi durable de 38 % pour le premier dispositif et de 45 % pour le second 330 ( * ) .

Le présent article répond ainsi à cette demande de rationalisation en prévoyant la mise en oeuvre d'un dispositif unique d'accompagnement.

Enfin, sans modifier le coût des mesures proposées en faveur de l'emploi et de l'alternance , il procède à un nouvel ajustement calendaire permettant d'assurer la continuité technique, sans rupture de droit, des dispositifs CTP et CRP actuels avec l'entrée en vigueur des futurs CSP, la date du 15 août 2011 choisie étant le terme probable avant lequel la loi issue de l'examen du présent projet de loi de finances rectificative sera promulguée.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 33 (nouveau) - Augmentation de l'autorisation de garantie de la France aux financements obtenus par le Fonds européen de stabilité financière

Commentaire : le présent article propose de porter de 111 milliards d'euros (y compris les intérêts) à 159 milliards d'euros (hors intérêts) le plafond de la garantie accordée par la France aux financements obtenus par le Fonds européen de stabilité financière (FESF).

I. LE DROIT ACTUEL

A. LE FONDS EUROPÉEN DE STABILITÉ FINANCIÈRE (FESF)

Le Fonds européen de stabilité financière (FESF) a été mis en place à l'issue du sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro du 7 mai 2010 et du Conseil Ecofin des 9 et 10 mai 2010.

L'architecture globale dans laquelle il s'insère et la problématique de la crise de la dette souveraine ont été présentées ci-avant dans l'exposé général.

1. Des garanties à la capacité d'emprunt et à la capacité de prêt

Le FESF est une société anonyme de droit luxembourgeois, régie par l'accord-cadre du 7 juin 2010 entre lui-même et chacun des seize Etats qui constituaient alors la zone euro (l'Estonie, qui a adopté l'euro le 1 er janvier 2011, n'y contribue pas 331 ( * ) ). Il prend ses décisions à l'unanimité.

Non doté en capital, il se finance sur les marchés, avec la garantie des Etats participants, pour prêter aux Etats de la zone euro en difficulté.

Lorsque sa création a été décidée, il était censé pouvoir prêter 440 milliards d'euros. Or, il s'est avéré que, pour émettre avec une notation « triple A », la capacité d'intervention du FESF a de fait été limitée par les garanties des pays « triple A », qui s'élèvent à 255 milliards d'euros , comme le montre le tableau ci-après. En effet, comme le souligne l'exposé des motifs de l'amendement du Gouvernement ayant inséré le présent article, « les trois principales agences de notation ont (...) fait savoir aux Etats membres que la note maximale, AAA, ne pourrait être obtenue qu'à la condition que chaque financement accordé par la 332 ( * ) FESF soit couvert par des garanties de pays disposant de cette note ». A noter également que ce montant porte sur le principal et les intérêts, ce qui réduit à nouveau le principal pouvant être déboursé.

Schéma général des capacités de prêt du FESF

(en milliards d'euros)

Garanties

Capacité d'emprunt = garanties / 1,2*

Capacité de prêt =
garanties des Etats « triple A »

Montant

En %

Tous les Etats

Hors Grèce**

Hors Grèce et Irlande**

Hors Grèce, Irlande, Portugal**

Hors Grèce, Irlande, Portugal et Espagne**

Belgique

15,29

3,48

12,74

12,74

12,74

12,74

12,74

Allemagne

119,39

27,13

99,49

99,49

99,49

99,49

99,49

119,39

Irlande

7,00

1,59

5,84

5,84

Espagne

52,35

11,90

43,63

43,63

43,63

43,63

France

89,66

20,38

74,71

74,71

74,71

74,71

74,71

89,66

Italie

78,78

17,91

65,65

65,65

65,65

65,65

65,65

Chypre

0,86

0,20

0,72

0,72

0,72

0,72

0,72

Luxembourg

1,10

0,25

0,92

0,92

0,92

0,92

0,92

1,10

Malte

0,40

0,09

0,33

0,33

0,33

0,33

0,33

Pays-Bas

25,14

5,71

20,95

20,95

20,95

20,95

20,95

25,14

Autriche

12,24

2,78

10,20

10,20

10,20

10,20

10,20

12,24

Portugal

11,04

2,51

9,20

9,20

9,20

Slovénie

2,07

0,47

1,73

1,73

1,73

1,73

1,73

Slovaquie

4,37

0,99

3,64

3,64

3,64

3,64

3,64

Finlande

7,91

1,80

6,59

6,59

6,59

6,59

6,59

7,91

Grèce

12,39

2,82

10,32

Total

440,00

100,00

366,67

356,34

350,51

341,31

297,69

255,44

Ratio émissions/prêts

1,40

1,37

1,34

1,17

Part de la France dans les émissions (en %)

20,97

21,32

21,89

25,10

* Les Etats se sont engagés à garantir une somme supérieure de 20 % aux émissions.

** Contrairement à la capacité de prêt, la capacité d'emprunt diminue en fonction de l'extension des programmes d'aide à de nouveaux Etats. On rappelle que l'aide à la Grèce est fournie non par le FESF, mais par des prêts bilatéraux des Etats de la zone euro.

Source : calculs de la commission des finances, d'après l'annexe 1 à l'accord-cadre du 7 juin 2010, et une note transmise par BNP Paribas à votre rapporteur général

Concrètement, cette limitation ne signifie pas que le FESF ne pourrait emprunter que 255 milliards d'euros pour en prêter 255, mais qu'il doit en emprunter davantage pour en prêter 255. Ainsi, lors de son unique prêt réalisé à ce jour, celui de 3,6 milliards d'euros à l'Irlande (le 1 er février 2011), il a dû emprunter 5 milliards d'euros, soit 40 % de plus, pour constituer une « réserve de liquidité ».

En effet, si les Etats non notés « triple A » ne permettent pas d'accroître la capacité de prêt, ils contribuent en revanche à la capacité d'emprunt.

En supposant que le FESF utilise au maximum sa capacité de prêt de 255 milliards d'euros, il devrait actuellement emprunter de l'ordre de 350 milliards d'euros 333 ( * ) , soit près de 40 % de plus. C'est pour cette raison que lors de son prêt à l'Irlande, le FESF a dû emprunter environ 40 % de plus que la somme prêtée.

2. L'activité du FESF

Le FESF doit octroyer des prêts à l'Irlande et au Portugal à hauteur de respectivement 17,7 et 26 milliards d'euros.

Les plans d'aide à l'Irlande et au Portugal

(en milliards d'euros)

Irlande

Portugal

Irlande (ressources de trésorerie et Fonds national de réserve pour les retraites)

17,5

Aide internationale

67,5

78

Mécanisme européen de stabilisation financière

22,5

26

Fonds européen de stabilité financière

17,7

26

Royaume-Uni

3,8

Suède

0,6

Danemark

0,4

FMI

22,5

26

Total

85

78

Source : d'après le Conseil de l'Union européenne

A ce jour, le FESF a réalisé un unique prêt, de 3,6 milliards d'euros, en faveur de l'Irlande (1 er février 2011). Son taux est de 5,9 %, et son échéance le 18 juillet 2016.

B. L'ARTICLE 3 DE LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE DU 7 JUIN 2010

L'accord-cadre du 7 juin 2010 régissant le FESF a été conclu le jour même de l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-606 du 7 juin 2010 de finances rectificative pour 2010.

L'article 3 de la loi précitée (dont le texte est reproduit ci-après au A du II) autorise le ministre chargé de l'économie à accorder la garantie de l'Etat au FESF, ainsi qu'aux financements obtenus par le FESF, pour un montant total (principal et intérêts) de 111 milliards d'euros.

Ce montant peut a priori sembler paradoxal. Il résulte en effet du fonctionnement du FESF décrit ci-avant que la garantie de la France est limitée à celle prévue par l'annexe 1 de l'accord-cadre, soit 89,66 milliards d'euros.

Cela vient du fait qu'il était alors envisagé que les Etats majorent leurs garanties de 20 % par rapport aux montants figurant dans l'annexe 1 de l'accord-cadre 334 ( * ) . Telle n'a pas été la solution finalement retenue : si les garanties sont bien supérieures de 20 % aux émissions du FESF, ce sont ces dernières qui s'en trouvent minorées, et non les garanties qui s'en trouvent majorées.

Lors de la première émission du FESF, en janvier 2011, la France a accordé sa garantie. Les commissions des finances des deux assemblées en ont été informées, conformément au IV de l'article 3 précité 335 ( * ) , par un courrier des ministres en charge de l'économie et des comptes publics en date du 17 janvier 2011.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

L'accord sur le FESF doit être modifié lors de la réunion du Conseil européen du 24 juin 2011 pour garantir une capacité de prêt effective de 440 milliards d'euros 336 ( * ) .

Le présent article a pour objet d'autoriser la contribution française au nouveau dispositif.

A. LE DISPOSITIF DU PRÉSENT ARTICLE

Inséré par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, il prévoit que « sous réserve de la signature par les chefs d'Etat ou de Gouvernement des Etats membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro des modifications de l'accord-cadre du 7 juin 2010 créant la Facilité européenne de stabilité financière », le I de l'article 3 précité de la loi n° 2010-606 du 7 juin 2010 de finances rectificative pour 2010 est modifié de manière à accroître les capacités de prêt du FESF.

Les modifications proposées sont synthétisées par le tableau ci-après.

On remarque que le présent article se réfère non au « Fonds européen de stabilité financière », mais à la « Facilité européenne de stabilité financière ». Cette désignation est un anglicisme que la commission des finances vous propose de corriger.

L'article 3 de la loi n° 2010-606 du 7 juin 2010 de finances rectificative pour 2010

Rédaction actuelle

Rédaction proposée par le présent article

I. Dans les conditions mentionnées au présent article, le ministre chargé de l'économie est autorisé à accorder la garantie de l'Etat, au titre de la quote-part de la France dans le dispositif de stabilisation dont la création a été décidée à l'occasion de la réunion du Conseil de l'Union européenne du 9 mai 2010 et dans la limite d'un plafond de 111 milliards d'euros, à une entité ad hoc ayant pour objet d'apporter un financement ou de consentir des prêts aux Etats membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro, ainsi qu'aux financements obtenus par cette entité.

I. - Au titre de la quote-part de la France et dans les conditions mentionnées au présent article, le ministre chargé de l'économie est autorisé à accorder la garantie de l'Etat, en principal et en intérêts, aux financements obtenus par l'entité dénommée Facilité européenne de stabilité financière (FESF) destinés à apporter des financements aux Etats membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro. Cette garantie s'exerce dans la limite d'un plafond en principal de 159 milliards d'euros qui comprend l'ensemble des financements déjà obtenus par la FESF.

II. La garantie de l'Etat mentionnée au I peut faire l'objet d'une rémunération.

III. La garantie de l'Etat mentionnée au I ne peut pas être octroyée après le 30 juin 2013.

IV. Lorsqu'il octroie la garantie de l'Etat en application du présent article et lorsque l'entité ad hoc mentionnée au I apporte un financement ou consent des prêts, le ministre chargé de l'économie informe les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances.

Il résulte de la rédaction proposée que la garantie ne serait plus accordée au FESF et à ses émissions, mais seulement à ces dernières. L'accord-cadre instituant le FESF a en effet précisé que les garanties des Etats s'appliquent aux moyens de financements du FESF.

B. L'EXPLICITATION DU MONTANT DE 159 MILLIARDS D'EUROS

1. Un montant qui a pour objet de permettre au FESF de prêter 440 milliards d'euros

Les modalités de la future réforme du FESF ne sont pas complètement explicitées dans l'objet de l'amendement insérant le présent article. Celui-ci se contente d'indiquer qu'« il est convenu d'augmenter à la fois le plafond global de garantie et les sur-garanties de chaque Etat membre de 120 % à 165 % ».

Dans le cas de la France, il précise que le nouveau plafond de garanties, de 159 milliards d'euros en principal, « est le produit de 21,88 %, quote-part de la France dans le capital de la BCE corrigée de la sortie des pays sous programme, par 440 milliards d'euros et par 165 % correspondant à la sur-garantie ».

Le total des garanties, actuellement de 440 milliards d'euros selon l'annexe 1 de l'accord-cadre, est ainsi porté à 65 % de plus, soit 726 milliards d'euros. Le calcul de la garantie de la France étant effectué en prenant en compte le retrait de la Grèce, de l'Irlande et du Portugal, cela suggère que ce total de 726 milliards d'euros serait atteint sans ces Etats.

Dans ces conditions, la prise en compte des seuls Etats « triple A » conduit à un total de garanties de 453 milliards d'euros (dernière colonne du tableau), légèrement supérieur à l'objectif de 440 milliards d'euros.

Le FESF ne pouvant pas prêter davantage qu'il n'emprunte, cela signifie que sa capacité effective de prêt serait bien de 440 milliards d'euros. Il ne serait plus obligé, contrairement à ce qui est actuellement le cas, d'emprunter plus qu'il ne prête, pour constituer une « réserve de liquidité ».

Par analogie avec les modalités actuelles de fonctionnement du FESF, on pourrait craindre a priori que si l'Espagne bénéficiait du dispositif, sans nouvelle augmentation des plafonds, la capacité d'emprunt du FESF, et donc sa capacité de prêt, ne serait plus que de 384 milliards d'euros 337 ( * ) . Le Gouvernement a toutefois indiqué à la commission des finances que « la capacité effective de prêt de 440 milliards d'euros sera maintenue tant qu'aucun des pays AAA n'est dégradé ».

La réforme du FESF et le présent article : principaux chiffres

(en milliards d'euros)

Garanties actuelles*

Situation après réforme

Tous les Etats

Hors Grèce, Irlande et Portugal

Garanties**

Garanties des Etats « triple A » = capacité de prêt

Montants

En %

Montants

En %

Belgique

15,29

3,48

15,29

3,73

27,11

Allemagne

119,39

27,13

119,39

29,15

211,63

211,63

Irlande

7

1,59

Espagne

52,35

11,9

52,35

12,78

92,8

France

89,66

20,38

89,66

21,89

158,92

158,92

Italie

78,78

17,91

78,78

19,24

139,65

Chypre

0,86

0,2

0,86

0,21

1,53

Luxembourg

1,1

0,25

1,1

0,27

1,95

1,95

Malte

0,4

0,09

0,4

0,1

0,71

Pays-Bas

25,14

5,71

25,14

6,14

44,57

44,57

Autriche

12,24

2,78

12,24

2,99

21,7

21,7

Portugal

11,04

2,51

Slovénie

2,07

0,47

2,07

0,51

3,67

Slovaquie

4,37

0,99

4,37

1,07

7,75

Finlande

7,91

1,8

7,91

1,93

14,01

14,01

Grèce

12,39

2,82

Total

440

100

409,57

100

726

452,78

* Montants y compris intérêts.

** Montants hors intérêts. Les montants sont ici calculés de manière à ce que le total soit égal à 440 milliards d'euros accrus de 65 %.

*** Garanties divisées par 1,65.

Source : calculs de la commission des finances, d'après l'annexe 1 à l'accord-cadre du 7 juin 2010, l'exposé des motifs de l'amendement insérant le présent article, et les informations transmises par le Gouvernement

2. Un montant qui s'entend désormais hors intérêts

a) Une nécessité pour rendre la capacité d'intervention du FESF indépendante des fluctuations des taux d'intérêt

Alors que le montant de 111 milliards d'euros actuellement prévu s'entend intérêts compris, celui de 159 milliards d'euros proposé par le présent article s'entend hors intérêts.

Autrement dit, la garantie effectivement accordée pourra être supérieure à 159 milliards d'euros. Par exemple, si le FESF se finance à un taux de 3 % sur une durée de 10 ans, remboursable en échéances de principal constantes, le montant de la garantie sera majoré d'environ 15 %.

Il s'agit de rendre la capacité d'intervention du FESF indépendante des fluctuations des taux d'intérêt de marché.

b) Des précédents nombreux

Dans ces conditions, on pourrait a priori se demander dans quelle mesure le présent article est conforme au 5° du II de l'article 34 de la LOLF, et donc à la Constitution. On rappelle que l'article 124 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008, qui laissait le soin à un acte administratif de fixer le plafond de la garantie relative aux frais de dépollution de certains terrains de la Société nationale des poudres et explosifs (SNPE), a été jugé pour ce motif contraire à la LOLF par le Conseil constitutionnel (cf. décision n° 2008-574 DC du 29 décembre 2008).

La jurisprudence du Conseil constitutionnel autorise toutefois la définition d'un plafond de garantie par référence à un principal précisément défini et à des intérêts non définis. Ainsi, l'article 126 de la loi n° 2008-1443 précitée prévoit : « La garantie de l'Etat est accordée à l'Agence française de développement au titre des prêts consentis par cet établissement au Fonds pour les technologies propres administré par la Banque internationale de reconstruction et de développement. Cette garantie porte sur le capital et les intérêts de ces prêts dans la limite de 203 millions d'euros en principal et s'exerce dans le cas où est constaté le non-règlement des sommes dues par le fonds aux échéances convenues ».

Le Conseil Constitutionnel avait examiné la loi mais pas censuré ces dispositions alors même qu'il s'était « auto-saisi » sur la problématique des garanties à travers l'article 124 précité du même texte, concernant la SNPE.

Les exemples de régimes de garantie portant à la fois sur le principal et les intérêts, mais comportant un plafond exprimé pour le seul montant en principal, sont relativement nombreux.

On peut notamment citer, dans le seul cas de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 :

- l'article 97, qui prévoit que « le ministre chargé de l'économie est autorisé à accorder la garantie de l'Etat aux emprunts contractés par l'UNEDIC au cours de l'année 2011, en principal et intérêts, dans la limite d'un plafond en principal de 7,5 milliards d'euros » ;

- l'article 99, qui autorise l'Etat à accorder sa garantie pour le financement du programme A400M, pour un montant de 417 millions d'euros, « auquel s'ajoutera une rémunération de la Caisse des dépôts et consignations au titre des coûts de financement supportés par l'établissement » ;

- l'article 102, qui prévoit : « La garantie de l'Etat peut être accordée en principal et en intérêt pour les prêts que pourrait octroyer la Caisse des dépôts et consignations sur fonds d'épargne au projet d'infrastructure de transport ferroviaire dénommé : « Autoroute ferroviaire atlantique ». Le plafond de cette garantie, qui est rémunérée, est fixé en principal à 25 millions d'euros ».

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. UNE INFORMATION TARDIVE DU PARLEMENT

Selon les conclusions du Conseil européen des 24 et 25 mars 2011, « la préparation du traité instituant le MES et les modifications apportées à l'accord sur le FESF, visant à assurer à ce dernier une capacité de prêt effective de 440 milliards d'euros, seront mises au point de manière à permettre la signature simultanée des deux accords avant la fin de juin 2011 ».

La réforme du FESF n'apparaît donc pas comme une surprise. Dans ces conditions, on pourrait s'étonner de ce que le Gouvernement n'ait pas inscrit le présent article dans le texte initial du présent projet de loi, déposé le 11 mai 2011, mais ait éprouvé le besoin d'attendre le 7 juin.

Le Gouvernement indique que l'amendement à l'accord-cadre du FESF n'a été stabilisé que le 1 er juin. En ce cas, il aurait été possible d'informer le Parlement « en amont ».

On peut rappeler le précédent récent de l'autorisation de garantie de 417 millions d'euros accordée, en application de l'article 99 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010, à la Caisse des dépôts et consignations au titre de la facilité financière mise à disposition d'EADS pour le financement du programme A400M. Cet article met en oeuvre un accord conclu le 5 mars 2010. Il aurait donc pu figurer dans le projet de loi de finances pour 2011. Or, le Gouvernement a choisi de l'inscrire dans le projet de loi de finances rectificative de fin d'année, soit à la toute fin du « marathon » budgétaire.

Cette pratique n'est pas respectueuse des prérogatives du Parlement, qui est ainsi une nouvelle fois placé devant le « fait accompli ». Elle contribue au sentiment selon lequel le Gouvernement est peu désireux de tenir le Parlement informé du contenu des discussions avec nos partenaires sur les sujets relatifs au fonctionnement de la zone euro, en amont des accords. Cette situation contraste avec celle que le bureau de votre commission des finances a pu constater lors de son déplacement en Allemagne des 11 et 12 avril 2011.

B. LA NÉCESSITÉ DE SUBORDONNER UNE ÉVENTUELLE RÉDUCTION DU TAUX DES PRÊTS À L'IRLANDE À UNE POLITIQUE FISCALE PLUS COOPÉRATIVE

Le taux des prêts consentis par le FESF ne résulte pas, comme ceux du FMI, de l'application mécanique d'une formule.

1. Le niveau des taux d'intérêt : un enjeu à relativiser

Le niveau de taux d'intérêt des prêts à l'Irlande peut conditionner en partie la plus ou moins grande soutenabilité de la dette publique de ce pays.

Ainsi, avec une croissance du PIB de 4 % en valeur, la dette publique peut être stabilisée à 100 points de PIB avec un excédent primaire de 2 points de PIB si le taux d'intérêt est de 6 %, mais un solde primaire « seulement » équilibré si le taux d'intérêt est de 4 %. Le fait, pour l'Irlande, de bénéficier de prêts de 5,9 %, comme celui qui lui a été accordé en février 2011, et non de 4,2 %, comme tel est désormais le cas de ceux à la Grèce, n'est donc pas neutre.

Pour autant, l'enjeu ne paraît pas, à ce stade, déterminant pour la soutenabilité de la dette publique irlandaise. Un excédent primaire de 2 points de PIB est réalisable, contrairement peut-être à celui de 6 points de PIB qui pourrait être nécessaire si elle continuait à se financer sur les marchés.

Dans ces conditions, l'avenir de la zone euro ne semble pas dépendre du taux des prêts du FESF à l'Irlande. L'enjeu est bien moindre que celui du taux des prêts à la Grèce.

2. Le taux d'impôt sur les sociétés : une condition de l'acceptabilité politique de l'aide à l'Irlande

En revanche, la crédibilité du FESF sera d'autant plus grande que les opinions publiques des pays du « coeur » de la zone euro jugeront politiquement acceptable l'aide aux pays de la « périphérie ».

De ce point de vue, il ne paraît pas souhaitable de réduire le taux des prêts à l'Irlande tant que ce pays n'aura pas adopté une attitude plus coopérative dans le domaine fiscal, concernant en particulier le relèvement de son taux de l'impôt sur les sociétés, de seulement 12,5 %.

C. DES IMPRÉCISIONS RÉDACTIONNELLES

1. Une référence très vague à la réforme concernée

La formule « sous réserve de la signature par les chefs d'Etat ou de Gouvernement des Etats membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro des modifications de l'Accord cadre du 7 juin 2010 créant la Facilité européenne de stabilité financière » est floue.

En effet, bien qu'elles soient désignées par un article défini (il est question « des » modifications, et non « de » modifications), il n'est pas précisé de quelles modifications il s'agit. Figurent-elles dans un document actuellement arrêté, dont il serait possible de donner la référence ? Faut-il au contraire se référer à des négociations en cours ?

Il faudrait au moins indiquer le moment prévu pour la signature, soit la réunion du Conseil européen du 24 juin 2011. Si la signature ne pouvait alors avoir lieu, ce serait vraisemblablement que la réforme ne serait pas celle actuellement prévue. Si tel devait être le cas, il serait alors nécessaire de revenir devant le Parlement.

Votre commission des finances vous soumet un amendement en ce sens.

2. Une référence à la « Facilité européenne de stabilité financière »

Le présent article mentionne la « Facilité européenne de stabilité financière », et non le « Fonds européen de stabilité financière ».

Le flou de la désignation en français de l'« entité ad hoc » à laquelle se réfère, sous sa rédaction actuelle, l'article 3 de la loi du 7 juin 2010 précitée, appelée en anglais European Financial Stability Facility , vient du fait que l'accord-cadre qui l'a instituée n'est pas un document relevant du droit communautaire, traduit dans les langues de l'Union, mais un traité international, dont seule existe une version en anglais.

a) Un anglicisme

Le Gouvernement choisit de traduire le mot facility par le mot « facilité », ce qui est un anglicisme . En effet, en français tout dispositif de financement ne constitue pas une « facilité ». Ainsi, le dictionnaire Le nouveau Petit Robert reconnaît au mot « facilité » la signification financière suivante :

« SPÉCIALT (1901) DR. COMM. Facilités de paiement, pour le paiement , et ABSOLT facilités : conditions spéciales, délais accordés à un acheteur, à un débiteur ; échelonnement des paiements. Maison qui accorde toutes les facilités à ses clients. Facilité de caisse : crédit à court terme, tolérance par un banquier d'un solde débiteur. » 338 ( * )

Les financements accordés par l'entité concernée ne relèvent pas de cette définition.

b) Selon le Gouvernement, un anglicisme justifié par le fait que le FESF ne serait pas un fonds

Selon le Gouvernement, « le terme de facilité permet d'accentuer le fait que (1) la FESF ne dispose pas de capitaux en propre, et (2) il s'agit de mesures d'assistance financière et non d'investissement ».

Ainsi, le FESF ne serait pas un fonds au sens strict.

c) La clarté doit cependant prévaloir

Au-delà de ces arguties, il faut se demander quel est l'objectif poursuivi. Il est nécessaire que le droit soit clair.

Or, le fait est que la pratique largement dominante est d'appeler le FESF « Fonds européen de stabilité financière ». On peut ou non le regretter, mais c'est ainsi.

Ainsi, une consultation du moteur de recherche Google indique environ 165 000 résultats pour cette traduction, contre environ 15 600 pour « Facilité européenne de stabilité financière ».

La traduction de facility par « facilité » risque donc d'être un facteur de confusion. La multiplicité actuelle de dispositifs au nom voisin (« Fonds européen de stabilité financière », « Mécanisme européen de stabilisation financière », « Mécanisme européen de stabilité », désignés par les sigles français FESF, MESF, MES et anglo-saxons EFSF, EFSM, ESM) est déjà suffisamment peu lisible par le citoyen.

On observe par ailleurs que le site Internet de l'organisme concerné comprend une occurrence de l'expression « Fonds européen de stabilité financière », contre aucune pour l'expression « Facilité européenne de stabilité financière ».

De même, dans leur version française les conclusions du Conseil européen des 24 et 25 mars 2011 parlent du « Fonds européen de stabilité financière (FESF) ».

Par conséquent, votre commission vous propose un amendement tendant à conserver ce qui est, de fait, l'intitulé actuel du fonds.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 34 (nouveau) - Substitution de l'Etat pour les garanties de passifs accordées par l'Entreprise minière et chimique

Commentaire : le présent article, adopté à l'initiative du Gouvernement, prévoit la substitution de l'Etat à l'Entreprise minière et chimique (EMC) pour les garanties de passifs accordées lors de la vente de la société « SCPA SIVEX International », pour un plafond maximal de 4 millions d'euros et ce jusqu'au 13 janvier 2012.

Créé en 1967 pour gérer les actifs des Mines de Potasse d'Alsace, l'Entreprise Minière et Chimique (EMC) était un établissement public à caractère industriel et commercial, entré en liquidation depuis le 1 er janvier 2006 339 ( * ) .

Le 22 décembre 2010, elle a cédé son dernier actif industriel , la société SCPA SIVEX International , pour un montant de 59,85 millions d'euros, à la société Louis Dreyfus Commodities Fertilizers Holding .

Dans le cadre de cette cession, l'EMC a accordé des garanties de passifs, principalement sur des aspects environnementaux , compte tenu de l'activité de l'entreprise cédée (fabrication et stockage d'engrais). Ces garanties, valables jusqu'au 13 janvier 2012, sont plafonnées à 4 millions d'euros .

Par ailleurs, le produit de la vente a été séquestré à hauteur de 2 millions d'euros afin de constituer une contre-garantie de ces garanties.

Aux termes de l'article 34 de la LOLF, la loi de finances « autorise l'octroi des garanties de l'Etat et fixe leur régime ». Afin de faire disparaître la structure liquidative de l'EMC, le Gouvernement propose que l'Etat s'y substitue et, par conséquent, qu'il prenne à sa charge les garanties qu'elle a accordées . S'agissant d'une simple substitution, la garantie de l'Etat est accordée dans le respect du plafond de 4 millions d'euros et de la date du 13 janvier 2012.

D'après les informations transmises par le Gouvernement à votre rapporteur général, aucune garantie n'a, à ce jour, été appelée et ni l'acquéreur, ni un tiers n'ont engagé une action visant à faire jouer les clauses contractuelles de garanties .

Du fait de l'existence de contre-garanties, à hauteur de 2 millions d'euros, le risque financier pour le budget de l'Etat apparaît limité et s'élèverait au maximum à 2 millions d'euros.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 35 (nouveau) - Création d'une annexe générale au projet de loi de finances consacrée aux autorités publiques indépendantes

Commentaire : le présent article, adopté à l'initiative de nos collègues députés René Dosière et Christian Vanneste, crée une annexe générale au projet de loi de finances de l'année, consacrée aux autorités publiques indépendantes (API).

I. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article résulte d'un amendement de nos collègues députés René Dosière et Christian Vanneste, adopté sur avis favorable de la commission et du Gouvernement.

Il prévoit, à compter du 1 er janvier 2012, la création d'une annexe générale au projet de loi de finances de l'année relative aux autorités publiques indépendantes récapitulant, pour le dernier exercice connu, l'exercice budgétaire en cours d'exécution et l'exercice suivant :

- le montant constaté ou prévu de leurs dépenses ;

- le montant constaté ou prévu des produits des impositions de toute nature, des subventions budgétaires et des autres ressources dont elles bénéficient ;

- ainsi que les autorisations d'emplois bénéficiant aux mêmes autorités et l'utilisation qu'elles en font.

A l'instar des projets annuels de performances associés aux missions du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux, cette annexe devra comporter une présentation stratégique, des objectifs et indicateurs de performance, une présentation des actions et une présentation des dépenses et des emplois justifiés au premier euro. Elle exposera, par catégorie, présentée par corps ou par métier, ou par type de contrat, la répartition prévisionnelle des emplois rémunérés par l'autorité et la justification des variations par rapport à la situation existante.

À compter du 1 er janvier 2013, ce rapport sera enrichi d'une analyse des écarts entre les données prévues et constatées pour les crédits, les ressources et les emplois, ainsi que pour les objectifs, les résultats attendus et obtenus, les indicateurs et les coûts associés.

Cette annexe générale devra être déposée sur le bureau des assemblées parlementaires et distribuée au moins cinq jours francs avant l'examen du projet de loi de finances de l'année qui autorise la perception des impôts, produits et revenus affectés aux organismes divers habilités à les percevoir.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

La présente initiative résulte des travaux menés par nos collègues René Dosière et Christian Vanneste dans le cadre du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale. Ces travaux ont donné lieu à la publication, au mois d'octobre 2010, d'un rapport d'information sur les autorités administratives indépendantes (AAI) 340 ( * ) .

A. UN « ANGLE MORT » DE L'INFORMATION PARLEMENTAIRE

Par rapport aux AAI, les autorités publiques indépendantes (API) se distinguent par le fait qu'elles sont dotées de la personnalité juridique de droit public . Selon le rapport de nos collègues députés, une dizaine d'organismes sont qualifiés par la loi d'autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale, ou se voient accorder cette personnalité morale par la loi sans être expressément qualifiés d'API. Il s'agit notamment de l'Autorité des marchés financiers (AMF), de l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP), de la Haute autorité de santé (HAS), de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF), du Médiateur national de l'énergie, du Haut Conseil du commissariat aux comptes (H3C) ou de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI).

Plusieurs facteurs concourent à ce que les API constituent, selon l'expression de nos collègues députés, un « angle mort du point de vue de l'information du Parlement » :

1) ces autorités ne sont pas incluses dans le champ des opérateurs de l'Etat , qui font l'objet d'un « jaune » budgétaire. En effet, les opérateurs se caractérisent par un contrôle direct de l'Etat, qui ne se limite pas à un contrôle économique ou financier mais doit relever de l'exercice d'une tutelle ayant capacité à orienter les décisions stratégiques, que cette faculté s'accompagne ou non de la participation au conseil d'administration. On comprend donc aisément que ce critère de la tutelle est en contradiction directe avec la notion d'autorité indépendante ;

2) les API sont parfois exclusivement affectataires de ressources fiscales propres 341 ( * ) ou de recettes de nature quasi-commerciale et ne perçoivent alors aucune subvention budgétaire . L'information du Parlement ne peut donc résulter de la justification au premier euro des projets annuels de performances dans lesquels sont retracées ces subventions.

Dès lors, le Parlement est contraint de se référer aux rapports d'activité publiés par les autorités publiques indépendantes. Le contenu de ces rapports n'est toutefois pas normé, et rien n'y garantit la présence d'une information aussi exhaustive que celle qui figure dans les projets annuels de performances (présentation stratégique, objectifs, indicateurs de performance, dépenses, ressources, emplois...). Le présent article remédie à ce défaut total ou partiel d'information.

B. LA NÉCESSITÉ DE RENFORCER LE SUIVI DES « POINTS DE FUITE » DE LA DÉPENSE PUBLIQUE

Au-delà de l'amélioration de l'information parlementaire, le présent article conditionne l'effectivité d'un encadrement plus strict du phénomène d'« agencisation » de l'Etat, depuis longtemps diagnostiqué par votre rapporteur général, et de la multiplication d'entités satellites qui constituent autant de « points de fuite » de la dépense publique .

Le danger est avéré que la mise sous norme des dépenses de l'Etat soit contournée par l'externalisation de ces dépenses vers des entités tierces, financées par des ressources affectées . Or les API, bien que leur indépendance doive être statutairement et financièrement assurée, ressortissent néanmoins de cette problématique :

1) les ressources fiscales qui alimentent en tout ou partie leur budget ne font l'objet d'une autorisation parlementaire que dans le cadre du vote de l'article 1 er des projets de loi de finances, qui autorisent la perception de toutes les ressources de l'Etat et des impositions affectées à d'autres personnes morales. Les ressources des API sont donc reconduites automatiquement au moment du vote de cet article « de principe », qui ne donne que rarement lieu à débat ;

2) le fait de bénéficier de ressources affectées plutôt que de subventions budgétaires affranchit de facto les API de toutes les règles de maîtrise de la dépense , telles que le gel en valeur des dotations au moment de la budgétisation initiale ou la régulation budgétaire au cours de la gestion, via la réserve de précaution ;

3) alors que le principe d'annualité budgétaire fait, sauf reports strictement encadrés par la LOLF, « tomber » les crédits non consommés au cours de l'exercice, les surplus éventuels engrangés par les API leur demeurent acquis et constituent un droit à report automatique.

Le présent article permettra donc au Parlement de bénéficier d'une information exhaustive et homogène sur la situation financière, les emplois et les performances des API, sur le fondement de laquelle il lui sera loisible de moduler l'effort que consent le contribuable pour assurer leur bon fonctionnement et garantir leur indépendance.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 36 (nouveau) - Instauration d'un plafond des autorisations d'emplois des autorités publiques indépendantes

Commentaire : le présent article, adopté à l'initiative de nos collègues députés René Dosière et Christian Vanneste, instaure un plafond des autorisations d'emplois des autorités publiques indépendantes voté annuellement en loi de finances.

I. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article résulte d'un amendement de nos collègues députés René Dosière et Christian Vanneste, adopté sur avis favorable de la commission et contre l'avis du Gouvernement .

Il dispose qu' « à compter du 1 er janvier 2012, le plafond des autorisations d'emplois des autorités publiques indépendantes dotées de la personnalité morale est fixé chaque année par la loi de finances ».

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. UNE INTENTION LOUABLE

Le présent article fait écho à l'article 35, créant une annexe budgétaire spécifique sur les API. De fait, les API ne sont pas soumises aux plafonds d'autorisation des emplois dont le principe est prévu par l'article 7 de la LOLF pour les services de l'État, et qui sont autorisés par chaque loi de finances initiale. Il n'en va pas de même :

1) des autorités administratives indépendantes , dont les effectifs sont intégrés dans les plafonds d'emplois ministériels ;

2) des opérateurs 342 ( * ) de l'Etat et des établissements à autonomie financière (EAF 343 ( * ) ), pour lesquels la loi de finances fixe annuellement un plafond d'emplois spécifique. Il convient, à cet égard, de rappeler que la mise sous plafond d'emplois des opérateurs et des établissements à autonomie financière a résulté d'initiatives sénatoriales émanant de notre ancien collègue Michel Charasse et de notre collègue Adrien Gouteyron.

Les auteurs de l'amendement justifient leur initiative par la nécessité d'encadrer des effectifs dont le volume est globalement limité 344 ( * ) , mais dont la croissance est vive : les effectifs de la Haute autorité de santé sont passés de 369 à 432 entre 2005 et 2009 (+ 17,1 %). Le Médiateur national de l'énergie a doublé ses effectifs en un an, de 26 en 2009 à près de 50 ETPT en 2010. Les effectifs de l'AMF sont passés de 342 en 2005 à 391 en 2009 (+ 14,3 % en quatre ans) et l'Autorité de contrôle prudentiel a été créée début 2010 avec 880 « équivalents agents temps plein » (EATP) et prévoit entre 950 et 1 000 EATP fin 2010 et 1 100 EATP en 2012.

Nos collègues députés considèrent, en outre, « qu'il n'y a pas lieu d'exonérer , sauf missions nouvelles, les autorités publiques indépendantes dotées de la personnalité morale de la discipline budgétaire qui s'applique aux services de l'État, à ses établissements publics et autres opérateurs, ainsi qu'aux autres autorités administratives indépendantes non dotées de la personnalité morale » .

B. UNE MISE EN oeUVRE DÉLICATE ?

L'initiative de nos collègue députés témoigne d'une intention louable de maîtrise la plus large possible des dépenses et des effectifs des entités composant la sphère publique.

Elle pourrait néanmoins susciter une première objection de fond, selon laquelle la mise sous plafond d'emplois des autorités publiques indépendantes porterait atteinte à leur indépendance . Les autorités administratives indépendantes dépourvues de personnalité morale sont certes soumises aux plafonds d'emplois des ministères dont elles relèvent , mais ce plafond est global et leur laisse potentiellement une marge de « négociation » avec le ministère pour assouplir la contrainte qui pèse sur elles, moyennant une maîtrise accrue des effectifs des services ministériels. Si un plafond d'emplois spécifique était assigné à chaque API, cette marge n'existerait pas .

Une seconde objection, de nature plus technique, tient à la portée réelle du plafond d'emplois que le Parlement serait amené à voter. S'agissant des plafonds d'emplois ministériels , la contrainte est claire et la norme votée par le Parlement a une répercussion directe sur le pilotage annuel des départs et des recrutements par le Gouvernement. Certes, les plafonds d'emplois ministériels sont sujets à des rebasages ou à des corrections « techniques » parfois surprenants, mais leur impact est incontestable sur la gestion des ressources humaines de l'Etat . Il en va de même des plafonds spécifiques aux opérateurs et aux établissements à autonomie financière , au conseil d'administration desquels siège un représentant de l'Etat chargé de veiller au respect de la trajectoire d'emploi assignée par le Parlement.

S'agissant des API, il n'est en revanche pas certain que l'exécutif dispose toujours des instruments de contrainte nécessaires pour faire respecter un plafond d'emplois voté par le Parlement. Nos collègues députés reconnaissent, dans leur rapport, que « les API bénéficient d'une grande liberté en matière de recrutement, dans les limites de leurs propres règles statutaires. En particulier, elles peuvent, en règle générale, procéder à des recrutements de contractuels pour des durées indéterminées » 345 ( * ) . On pourrait, dès lors, s'interroger sur les conditions concrètes dans lesquelles le Gouvernement serait amené :

1) à construire le plafond d'emplois soumis au vote du Parlement, cette construction impliquant une remontée d'informations soumise au bon vouloir d'organismes sur lesquels l'exécutif n'exerce aucune tutelle ;

2) à faire respecter en gestion ce plafond, la même absence de tutelle ne permettant pas aux ministres ou à leurs représentants d'exercer une réelle contrainte sur la gestion des ressources humaines des API. Ce respect - ou ce non-respect - ne seraient donc constatés qu' a posteriori par le Parlement, avec des conséquences qu'on imagine limitées.

Au total, le plafond d'emplois des API ne présenterait donc vraisemblablement pas le même caractère contraignant que ceux qui s'appliquent aux ministères et aux opérateurs et auraient toutes les apparences d'un plafond indicatif ou informatif . Or, si la bonne information du Parlement représente en soi une amélioration substantielle, elle sera déjà permise par la nouvelle annexe au projet de loi de finances créée à l'article 35.

Une dernière incertitude pèse sur les modalités d'application du plafond d'emplois. Sera-t-il décliné autorité par autorité, ou s'agira-t-il d'un plafond global ? Dans leur rapport, nos collègues députés évoquent un plafond « sous une forme individuelle ou éventuellement sous une forme collective pour l'ensemble des API qui négocieraient alors leurs recrutements entre elles ». Votre rapporteur général juge assez peu crédible la mise en place d'une telle « bourse aux emplois » sur laquelle l'AMF gagerait ses augmentations d'effectifs sur les efforts de productivité accomplis par la Haute autorité de santé, ou inversement...

Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.

TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. AUDITIONS PRÉPARATOIRES

A. AUDITION DE MM. JEFFREY OWENS, DIRECTEUR DU CENTRE DE POLITIQUE ET D'ADMINISTRATION FISCALES À L'OCDE, ET BERT BRYS, ÉCONOMISTE À LA DIVISION DES POLITIQUES FISCALES ET STATISTIQUES ET PROGRAMMES HORIZONTAUX DE POLITIQUE ET D'ADMINISTRATION FISCALES DE L'OCDE (2 FÉVRIER 2011)

La commission procède à l'audition de MM. Jeffrey Owens, directeur du centre de politique et d'administration fiscales à l'OCDE, et Bert Brys, économiste à la division des politiques fiscales et statistiques et programmes horizontaux au centre de politique et d'administration de l'OCDE, en vue de la préparation du projet de loi de finances rectificative sur la fiscalité du patrimoine.

M. Jean Arthuis, président . - L'audition qui inaugure nos travaux sur la réforme de la fiscalité du patrimoine annoncée par le président de la République pour ce printemps va être importante. Nous accueillons en effet M. Jeffrey Owens, directeur du centre de politique et d'administration fiscales à l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE), et M. Bert Brys, qui travaille à ses côtés.

Merci, monsieur le Directeur, d'avoir accepté notre invitation, vous qui accomplissez des tâches aussi importantes que le classement des pays selon qu'ils se montrent plus ou moins coopératifs en matière fiscale - nous venons d'ailleurs d'avoir une discussion sur une collectivité territoriale de la République qui ne veut plus être suspectée d'être un paradis fiscal...

Nous comptons sur vous pour nous donner un panorama de la fiscalité au sein des pays membres de l'OCDE. Le point de vue d'une organisation telle que la vôtre sera utile. Il serait vain et dangereux pour notre compétitivité d'en rester à une vision franco-française, alors que la mondialisation nous invite à regarder au-delà de nos frontières.

M. Jeffrey Owens, directeur du centre de politique et d'administration fiscales à l'OCDE . - La France n'est pas le seul pays à s'intéresser à ce sujet. Comme nous avons établi à votre intention une présentation comportant des statistiques, je soulignerai quelques idées-force avant de répondre à vos questions.

Vous voulez savoir où vous vous situez parmi les trente-trois pays de l'OCDE. Sachez donc que votre pays est celui qui a le plus d'impôts, la plus forte imposition, la plus forte progressivité et est celui où les taux nominaux sont les plus élevés tant pour l'imposition du revenu que pour celle du capital. En revanche, les bases d'imposition sont assez basses en raison des niches fiscales. Vous aimez les impôts : vous en avez tant qu'il nous faut chaque année six pages pour présenter les statistiques françaises quand il en faut trois pour les autres pays.

Il est nécessaire d'avoir une vision globale de l'imposition du patrimoine. Tout d'abord, les impôts périodiques sur la propriété immobilière correspondent aux taxes foncières, que l'on a parfois tendance à traiter comme des charges. La France se situe là à 2,2 % du produit intérieur brut (PIB) pour une moyenne de 1 % pour l'OCDE. Les impôts périodiques sur l'actif net, tels que l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) français, s'établissent à 0,2 % du PIB dans votre pays, mais sont proches de zéro dans le reste de l'OCDE. S'agissant des impôts sur les mutations à titre gratuit, que l'on trouve presque partout, ceux-ci représentent 0,4 % du PIB français contre 0,14 %, en moyenne, dans l'OCDE. En revanche, votre pays se situe dans la moyenne (environ 0,6 %) pour l'imposition sur les transactions immobilières et mobilières.

En termes d'imposition des revenus, le taux marginal maximal se situe à 46 % chez vous, à comparer à une moyenne de 42 % au sein de l'OCDE, ces chiffres s'établissant respectivement à 34 % contre 26 % pour l'impôt sur les sociétés et à 32,7 % contre 20,7 % pour l'imposition sur les revenus de l'épargne.

M. Jean Arthuis, président . - La France est aussi le pays qui a le plus de niches fiscales.

M. Jeffrey Owens . - J'essaierai de vous donner quelques éléments de comparaison à ce sujet. J'observe qu'on recourt plus facilement à la dépense fiscale qu'à la dépense budgétaire parce qu'elle est apparemment plus légère. Cependant, ce raisonnement est assez largement illusoire, une dépense restant une dépense...

Quand on réforme un impôt, il faut les réformer tous. Nous avons comparé les impôts sur le patrimoine et les impôts périodiques sur la propriété immobilière. Lorsque l'on mesure leur part dans les recettes fiscales, l'on constate qu'elle atteint 8% en France, dont la plus grande part, c'est intéressant, provient de l'imposition périodique.

Considérons maintenant les tendances. Nous observons d'abord une stabilité des recettes des impôts périodiques sur la propriété immobilière. Certains pays les ont supprimés, d'autres au contraire les ont augmentés. Un pays donné a parfois une politique qui varie au fil du temps. Ainsi, le Royaume-Uni, qui avait diminué cet impôt quand Margaret Thatcher était Premier ministre l'a relevé sous le gouvernement dirigé par Tony Blair.

S'agissant des impositions périodiques sur l'actif net, je relève que dix pays, dont la Suède, l'Allemagne, la Suisse ou les Pays-Bas, collectaient un tel impôt en 1976. Cinq pays se sont ajoutés à la liste jusqu'en 1995 et, depuis lors, on observe un véritable recul des taxes de ce type : actuellement, seules la France, la Norvège et la Suisse ont un système équivalent, ainsi que les Pays-Bas qui disposent d'un mécanisme particulier mais très proche d'un « ISF » dans ses effets concrets.

M. Jean Arthuis, président . - L'impôt notionnel...

M. Jeffrey Owens . - En outre, la tendance est à la réduction des taux ou à l'augmentation des niches pour l'imposition sur les mutations. Il est significatif qu'une société égalitaire comme le Japon débatte actuellement de sa suppression. Un débat similaire s'est ouvert en Allemagne mais aussi aux Etats-Unis, où des personnalités comme Warren Buffet et Bill Gates ont pris position contre la suppression d'un tel impôt, en raison de son caractère redistributif.

D'autre part, même si la plupart des économistes n'aiment pas l'impôt sur les transactions immobilières car il décourage la mobilité, cet impôt est généralisé au sein de l'OCDE, à un taux souvent significatif. En effet, les Etats le trouvent facile à gérer, d'un bon rapport et il limite la spéculation immobilière - on se rappelle, à cet égard, que la crise a débuté dans l'immobilier aux Etats-Unis.

J'en arrive à l'imposition des revenus. Les pays nordiques et les Pays-Bas sont, les premiers, allés vers des systèmes duaux, avec des taux progressifs frappant les revenus du travail, et un taux unique sur les autres revenus. Le changement, qui tend à se diffuser, est donc venu des pays du Nord, ce qui peut d'ailleurs paraître paradoxal au regard du tropisme égalitaire assez marqué dans ces sociétés.

Au final, une réforme fiscale doit se penser à l'aune de son efficacité. Chaque ministre des finances voudrait ainsi que son pays dispose du système le plus compétitif, même si tout le monde ne peut pas être le meilleur... Encore faut-il préciser que la compétitivité doit s'envisager de manière globale, et non impôt par impôt : a-t-on un système propice à l'activité et, sinon, comment résoudre le problème ? La France a beaucoup évolué à cet égard depuis trois ou quatre ans.

Le deuxième objectif de toute réforme fiscale devrait être de renforcer l'équité, ce qui nous ramène à la question des niches fiscales. La France n'est pas le seul pays à en avoir, et le président Barack Obama a lancé le débat sur ce sujet aux Etats-Unis, où prospèrent également de très nombreuses niches.

Le troisième objectif devrait être de protéger les recettes publiques. Là encore, les administrations fiscales disposent de systèmes très sophistiqués. L'on a déjà accompli des progrès dans la lutte contre les paradis fiscaux et l'on avancera encore sous la présidence française du G 20.

Nous devons enfin travailler sur l'impact de la politique fiscale : freine-t-elle la croissance ou la favorise-t-elle ?

S'agissant plus précisément du patrimoine, doit-on arriver à un taux progressif sur l'immobilier ? Le système de taxation des plus-values est assez léger, et vous auriez sans doute intérêt à regarder le système britannique pour les mutations  - et je ne le dis pas parce que je suis Gallois... Avec un taux unique de 40 % mais un seuil élevé, il s'est révélé stable et d'un bon rapport, tout en ayant l'avantage de la simplicité.

Je reviendrai en répondant aux questions sur le système néerlandais d'imposition de l'actif net. Quand on aborde ce type d'impôt, il faut se demander si l'on pousse à la fuite des capitaux. Je rencontre en Suisse de nombreux Français et Allemands qui ont décidé de s'expatrier.

Il faut aussi regarder comment fonctionne la taxe foncière, avec, en particulier, le problème de la réévaluation des bases.

M. Jean Arthuis, président . - Je vous remercie de ce tableau dont je retiens d'abord qu'il est délicat de traiter de la réforme de la fiscalité du patrimoine sans considérer l'ensemble des prélèvements obligatoires. La France, qui se situe plutôt en haut de la fourchette, doit pourtant protéger ses recettes.

M. Jeffrey Owens . - Vous n'avez pas beaucoup le choix.

M. Jean Arthuis, président . - Il serait formidable de pouvoir diminuer les dépenses...

M. Philippe Marini, rapporteur général . - L'exposé a été très riche et les documents que vous nous remettez aideront beaucoup à nos réflexions. J'observe que vous incluez dans la fiscalité du patrimoine la taxe d'habitation et la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, qui pèsent sur l'usager du logement et ne constituent donc pas des impôts sur la détention d'un bien. Compte tenu de l'importance de la taxe d'habitation, votre agrégat pourrait être légèrement modifié.

L'OCDE présente le périmètre pertinent pour une comparaison de la compétitivité relative des Etats. Pouvez-vous évaluer l'impact de la fiscalité du patrimoine sur la compétitivité ? Après tout, la fiscalité n'a pas seulement pour objet de combler les déficits, elle tend aussi à créer l'assiette fiscale de demain et d'après-demain. Les écarts de taxation ont-ils sur le développement économique des conséquences mesurables ?

Les effets des doctrines prometteuses que l'on va généralement chercher aux Pays-Bas ne sont pas toujours au rendez-vous. Toutefois, puisque leur imagination académique en fait une terre d'expérimentation, quelle est votre appréciation sur la réforme de 2001 qui consiste à taxer des revenus théoriques ?

La notion de foyer fiscal est directrice dans l'établissement de l'impôt sur le revenu. Avec la notion de résidence principale, qui est son corrélat en termes d'approche de la société, elle s'oppose à la tendance à l'individualisation des revenus. Là encore, disposez-vous d'éléments de comparaison et avez-vous des pistes, aussi bien sur la détention de la résidence principale que pour les plus-values résultant de sa cession ?

M. Jeffrey Owens . - S'agissant de la taxe d'habitation, elle s'analyse, certes, comme un impôt sur le loyer, mais certains pays évaluent précisément les immeubles d'après les loyers. C'est pourquoi, selon nous, il ne suffit pas de considérer les impôts sur le « stock » de capital que constituent les immeubles, mais aussi sur les flux, en l'occurrence les loyers, afin de disposer d'une vision globale et pertinente.

A partir de là, peut-on classer les pays en fonction de leur compétitivité fiscale ? Nous ne l'avons pas fait parce que ce n'est pas facile...

M. Philippe Marini, rapporteur général . - Et cela ne fait pas plaisir à tout le monde...

M. Jeffrey Owens . - Mais notre mission ne consiste pas à faire plaisir à nos membres. Tel n'est donc pas le problème. En revanche, en termes méthodologiques, nous ne savions pas si nous devions analyser chaque impôt séparément ou tous les impôts globalement, nous limiter aux impôts sur les ménages ou sur les entreprises...

M. Jean Arthuis, président . - Il existe plusieurs natures d'actifs : des actifs non délocalisables, comme le foncier, et des actifs volatils, pour lesquels se posent la problématique de la compétitivité fiscale.

M. Jeffrey Owens . - Vous avez raison. A cet égard, il faut être conscient du fait que les actifs incorporels représentent la partie la plus importante du patrimoine des entreprises : il atteint même 80 % du patrimoine des cent premières multinationales américaines. Or ces actifs peuvent aisément être logés dans des pays à fiscalité favorable - et ils le sont souvent.

J'en viens à votre question sur le foyer fiscal. Tout le monde appliquait ce système il y a trente ans. Actuellement, si la France, la Suisse et les Etats-Unis l'ont conservé, les autres pays y ont renoncé, généralement afin de reconnaître le travail des femmes et au nom de l'égalité hommes-femmes.

M. Philippe Marini, rapporteur général . - Le monde est devenu plus individualiste.

M. Jeffrey Owens . - A commencer par la fiscalité...

M. Jean Arthuis, président . - ... qui est au coeur du pacte républicain.

M. Bert Brys, économiste à la division des politiques fiscales et statistiques et programmes horizontaux au centre de politique et d'administration fiscales de l'OCDE . - Je voudrais juste revenir un instant sur la question de la classification de la taxe d'habitation. Comme vous l'avez souligné, elle constitue une charge dans la mesure où on vit dans un logement et où on reçoit des services de la municipalité. Toutefois, on peut la ranger parmi les impôts sur le patrimoine dans la mesure où elle vient en réalité en déduction du loyer. En d'autres termes, même si la répercussion n'est sans doute pas intégrale, sans taxe d'habitation, le propriétaire pratiquerait un loyer plus élevé et aurait donc un revenu supérieur.

M. Philippe Marini, rapporteur général . - Il faudrait alors ne prendre en compte qu'une partie de la taxe dans vos tableaux comparatifs, la moitié par exemple.

M. Bert Brys . - Ce serait sans doute réducteur...

Vous avez également demandé si la fiscalité sur le patrimoine influait sur la compétitivité. La réponse est positive, bien sûr. La mobilité du capital est liée à l'imposition sur la fortune : des riches ne viennent pas en France à cause de l'ISF. Il faut se poser la question non seulement du nombre de départs, mais aussi du nombre de personnes qui ne viennent pas du fait de l'ISF.

M. Philippe Marini, rapporteur général . - On peut recenser les contribuables qui partent, et l'administration le fait.

Mme Nicole Bricq . - Ce n'est pas facile.

M. Philippe Marini, rapporteur général . - Les ordres de grandeur ne sont pas douteux. Mais comment dénombrer les contribuables qui ne viennent pas à cause de cet impôt ? Voilà quinze ans que je m'y efforce sans y parvenir.

M. Jean Arthuis, président . - Il en est de même avec la croissance que l'on n'a pas.

Mme Nicole Bricq . - La croissance potentielle !

M. Jeffrey Owens . - Il est toujours possible d'interroger les contribuables qui quittent le territoire sur leurs motivations.

M. Philippe Marini, rapporteur général . - Ils ne nous disent pas la vérité quand il s'agit d'impôts.

M. Jeffrey Owens . - Nous n'avons pas les chiffres que vous souhaiteriez, mais l'on peut regarder l'expérience de certains pays. L'Allemagne a suspendu un impôt qui lui avait fait perdre beaucoup d'entreprises.

M. Jean Arthuis, président . - J'ai reçu une délégation de banquiers suisses. Ils comprennent, m'ont-ils expliqué, nos préoccupations, aussi proposent-ils de collecter un impôt forfaitaire sur les dépôts en Suisse. Les Allemands sont sur le point de conclure une telle convention.

M. Jeffrey Owens . - Le Royaume-Uni aussi. Le taux serait de 26 % sur les dépôts allemands mais, comme on ne peut taxer les capitaux qui sont derrière, n'est-ce pas le prix de la fraude fiscale ?

M. Jean Arthuis, président . - C'est la partie émergée de l'iceberg.

M. Jeffrey Owens . - En effet, cela peut être dangereux et en tout cas un peu frustrant intellectuellement. La convention entre l'Allemagne et la Suisse a toutefois de bonnes chances d'être conclue sur ces bases. Comme on estime que les dépôts des Allemands dans les banques suisses s'élèvent peut-être à 800 milliards d'euros, vous pouvez imaginer les conséquences financières d'un tel accord pour l'Allemagne.

M. Jean Arthuis, président . - Quel est le montant des actifs français dans les banques suisses ?

M. Jeffrey Owens . - Cela peut se savoir. L'opération devrait rapporter environ 10 milliards d'euros à l'Allemagne. Pour obtenir un produit équivalent, le Royaume-Uni devrait obtenir un taux de retenue de 50 %, ce que je ne puis imaginer.

M. Jean Arthuis, président . - Il faudra souvent s'inspirer de l'Allemagne... En attendant, pouvez-vous nous en dire plus sur le système néerlandais consistant à taxer le revenu notionnel du capital ?

M. Jeffrey Owens . - La réforme néerlandaise, qui date de 2001, était destinée à réduire l'évasion fiscale. Elle a consisté à diviser les revenus en trois catégories, ou « boîtes ». La première boîte inclut les revenus du travail, les pensions ou les droits d'auteurs. Ces revenus sont imposés selon un barème progressif, dont le taux marginal le plus élevé est de 52 %. La deuxième boîte contient les profits sur les entreprises ou les participations substantielles à leur capital, qui sont taxés au taux de 25 %. Enfin, la troisième boîte concerne les autres revenus du capital, dont l'administration fiscale considère qu'ils doivent rapporter 4 % de revenus, en moyenne, à leur propriétaire. Ce revenu théorique, indépendant du revenu réel desdits capitaux, est dès lors taxé à 30 %, ce qui équivaut à 1,2 % de la valeur vénale du capital.

M. Jean Arthuis, président . - C'est une sorte d'ISF à 1,2 % !

M. Jeffrey Owens . - Ce système est assez facile à gérer pour l'administration comme pour les contribuables, et il favorise l'égalité tout en étant neutre en termes économiques et d'allocation des actifs. Cependant, certains contribuables gagnent plus que le taux d'imposition avec le capital ainsi taxé, mais d'autres gagnent beaucoup moins...

M. Jean Arthuis, président . - Et cela se substitue au revenu effectif du capital.

M. Jeffrey Owens . - Le système, sur lequel nous ne disposons pas encore d'une étude, semble marcher assez bien.

M. François Marc . - Alors que vous avez dit que notre impôt est fortement progressif, j'ai le sentiment que cette progressivité a fortement diminué avec la montée de l'impôt indirect et la baisse de l'impôt sur le revenu. Comment justifiez-vous cette observation ?

Si les références envisagées dans les pays européens cherchent à favoriser la croissance, quel type de croissance veut-on et comment promouvoir un développement durable ? Doit-on jouer sur le taux ou sur les assiettes, et des tendances se dessinent-elles dans l'utilisation des différents leviers ?

M. Jean-Jacques Jégou . - Votre exposé et vos documents vont nourrir notre réflexion. Les niches fiscales sont partout, dites-vous. Certes, mais alors que nous en avons beaucoup, la France est en tête pour les prélèvements obligatoires.

Le pays, qui dépense beaucoup, manque de recettes. Selon le dogme présidentiel, il ne faut pas augmenter les prélèvements obligatoires, du moins jusqu'en 2012. Cela nécessite une baisse des dépenses bien difficile quand l'addiction est aussi grande qu'en France. Peut-on comparer les dépenses des pays de l'OCDE ?

M. Jean Arthuis, président . - L'écart avec l'Allemagne est de 8 points de PIB, soit 160 milliards d'euros !

Mme Nicole Bricq . - Une réforme de la fiscalité du patrimoine se conçoit en fonction de principes. Le nôtre est de rééquilibrer la fiscalité du capital et celle du travail. L'allocation d'actifs n'est pas bonne pour la compétitivité. Disposez-vous de chiffres sur la répartition entre capital et travail ?

Nous avons un système compliqué et illisible, et les taux faciaux des impôts ne correspondent pas à la réalité. Des pays ont mis en place une imposition globale du patrimoine tenant compte de la transmission et de la détention comme des flux de revenus. Nous réfléchissons à un grand impôt sur les revenus et un autre sur le patrimoine.

Ma dernière question est très franco-française. Certains se polarisent sur l'ISF, mais quand l'Allemagne a, comme l'Espagne, supprimé le sien, elle l'a fait par pragmatisme parce qu'elle n'a pas voulu faire la réforme des bases cadastrales - les Etats-Unis, eux, ont révisé les leurs. Le problème ne se pose évidemment pas dans les mêmes termes en France, l'ISF étant assis sur la valeur de marché du patrimoine des assujettis.

J'observe en outre que si l'on ne sait pas qui part de France pour des raisons fiscales (on n'a jamais eu de chiffres sérieux), plusieurs études dont une récente du Crédit suisse montrent que la France est l'un des pays comptant le plus grand nombre de millionnaires en dollars, ce qui relativise le propos...

M. Jeffrey Owens . - Il fait tellement bon vivre en France que vous arrivez toujours premiers ou seconds pour les investissements étrangers.

M. Jean Arthuis, président . - Il faut toujours prendre ces chiffres avec précaution. En effet, plus on a de déficit, et plus on a d'investisseurs étrangers parce qu'on y inclut les souscripteurs de bons du Trésor. Il conviendrait également de défalquer aussi les investissements dans l'immobilier de la Côte d'Azur. Dès lors, il ne restera guère que les acquisitions de PME par des fonds d'investissement... jusqu'à ce que leurs auditeurs leur expliquent qu'il faut délocaliser.

Mme Nicole Bricq . - Le patrimoine immobilier a explosé et pas seulement à cause des acquéreurs étrangers : on est revenus à la Belle Epoque.

M. Jean Arthuis, président . - Aymeri de Montesquiou, dont je me fais le porte-parole, voulait également vous interroger sur la flat tax , c'est-à-dire sur la pratique du taux unique d'imposition, qui tend à se développer .

M. Serge Dassault . - Vous nous avez soumis des tableaux fort intéressants. Les Etats-Unis, qui apparaissent dans un graphique comme les champions de l'imposition sur la propriété immobilière, sont-ils aussi les champions de l'impôt sur le patrimoine ?

Il arrive que l'imposition sur le patrimoine frappe des personnes sans revenu : c'est le cas de l'impôt sur les successions. Au-delà de la question de la taxe d'habitation, le problème de l'impôt sur le patrimoine est qu'il détruit la création de richesse, de sorte que les riches s'en vont ou qu'ils deviennent moins riches.

De manière générale, l'impôt pesant sur le développement économique, il faut diminuer la dépense. A-t-on une idée des dépenses des grands pays et de leur composition ?

M. Jean Arthuis, président . - J'ajouterai simplement une question : le bouclier fiscal a-t-il un équivalent dans les pays de l'OCDE ?

M. Jeffrey Owens . - Voilà des questions particulièrement intéressantes.

Non, le bouclier fiscal n'existe pas ailleurs, même s'il y a eu quelque chose de similaire au Danemark.

Au sujet de vos interrogations sur les dépenses publiques, nous pourrons vous envoyer cette semaine une étude que nous avons réalisée. Il s'agit, bien entendu, d'un sujet connexe à celui de la fiscalité.

D'autre part, comme je vous l'ai dit, il est important de prendre en considération de manière globale l'imposition sur le travail, sur le capital et sur la consommation afin d'établir une comparaison pertinente. Ainsi, en mettant en regard les taux implicites d'imposition de la France et de l'Allemagne, en 2008, le travail était imposé à 41,4 % en France et à 39 % en Allemagne, le capital à 38,8 % en France, et 23,1 % en Allemagne, et la consommation à 19 % dans les deux pays.

M. Jean Arthuis, président . - Or le capital est mobile...

M. Jeffrey Owens . - Les gens le sont aussi : ils n'hésitent plus à franchir la frontière pour certains achats. Tout est mobile, y compris la consommation.

Le cadastre est un problème clef pour tous les pays qui ont un impôt foncier. Les hommes politiques n'aiment pas les révisions : trente ans en Angleterre...

Mme Nicole Bricq . - Quarante ans en France...

M. Jeffrey Owens . - Cinquante ans en Allemagne ! Si l'on veut réellement disposer de bases à jour, il faut envisager de privatiser la gestion de ces bases, ce que fait un pays comme le Danemark.

M. Philippe Dallier . - Cela ne marcherait pas en France...

M. Jeffrey Owens . - On peut utiliser le GPS, grâce auquel les Etats-Unis ont des bases toujours à jour.

Sinon, aucun pays n'a trouvé la recette de l'impôt global sur le patrimoine. Peut-être la France...

M. Jean-Jacques Jégou . - Innovante...

Mme Nicole Bricq . - Nous allons nous en occuper !

M. Jeffrey Owens. - Pour en venir à votre question, Madame, même si vous avez raison de souligner que les taux effectifs sont plus bas que les taux nominaux, il reste pertinent de s'intéresser à ces derniers taux parce que ce sont ceux que regardent les entreprises. Les Japonais qui avaient un taux d'impôt sur les sociétés de 39 % l'ont ramené à 25 % pour cette raison. En outre, le taux affiché est celui en fonction duquel les sociétés adoptent, ou non, des comportements d'optimisation, au travers, par exemple, des prix de transfert.

M. Jean Arthuis, président . - De plus, en parlant d'affichage, il faudrait changer la présentation des comptes des entreprises, en regroupant tous les impôts, avec l'impôt sur les sociétés, en bas du compte de résultat. Ainsi, on évitera que certains impôts, comme auparavant la taxe professionnelle, apparaissent comme des charges pesant sur la production.

M. Jeffrey Owens . - En effet, une étude va dans le même sens. Il ne faut pas non plus oublier la façon dont les impôts sont gérés.

M. Charles Guené . - Vous avez évoqué l'affichage des taux d'imposition. A mon sens, il faudrait aussi savoir ce que représentent un point de consommation et un point sur le capital, ce qui nous renseignerait quant à nos marges de manoeuvre réelles et à nos capacités de redéploiement de la pression fiscale.

M. Jeffrey Owens . - Concernant l'impôt sur les sociétés, je tiens à souligner que, depuis une dizaine d'années, la tendance est, comme l'ont fait les Britanniques en 1984, de diminuer les taux, mais d'élargir les bases. L'expérience montre que cela tend à augmenter les recettes.

M. Jean Arthuis, président . - Pourriez-vous revenir sur les niches fiscales ?

M. Jeffrey Owens . - Il est intéressant, quand on les regarde, de se demander combien elles coûtent, en termes de recettes non perçues, et quelle est leur efficacité.

Mme Nicole Bricq . - Bonne question...

M. Jeffrey Owens . - Quand on en supprime une, on peut diminuer le taux nominal de l'impôt auquel elle s'appliquait à due proportion. On affiche ainsi un impôt plus présentable.

Un dernier point : en France, diminuer les dépenses publiques de manière significative serait difficile et, avec un déficit de plus de 6 %, vous n'avez pas tellement le choix. Vous avez besoin de recettes. Vous devriez donc, en premier lieu, vous assurer que chacun acquitte bien l'impôt qu'il doit. A cet égard, je vous indique que l'Allemagne a gagné 4 milliards d'euros de recettes grâce à son effort vigoureux de lutte contre l'évasion fiscale. La France n'est qu'à un milliard, tout comme l'Irlande. Il me semble qu'il vous reste donc une marge de progression.

M. Jean Arthuis, président . - L'OCDE a-t-elle défini les niches fiscales ?

M. Jeffrey Owens . - Nous avons essayé de le faire en 1986 mais, en pratique, nous avons abouti à une définition par pays, en fonction des normes de chacun.

M. Jean Arthuis, président . - Nous avons amorcé une réflexion sur ce concept. S'il y avait des lignes directrices de l'OCDE, elles nous seraient précieuses.

M. Jeffrey Owens . - Celles de 1986 restent d'actualité. Je vous les ferai parvenir.

M. Bert Brys . - Vous nous avez interrogés sur la progressivité de l'impôt sur les revenus du travail. La progressivité du système français tient en partie aux provisions spéciales pour les faibles revenus, comme la prime pour l'emploi. De ce fait, le taux effectif augmente plus vite qu'en Allemagne.

S'agissant des dépenses, il est nécessaire de comparer non seulement leur montant, mais aussi leur efficacité. En effet, s'intéresser au seul niveau des dépenses publiques des différents pays sans comparer aussi l'efficacité de ces dépenses serait réducteur.

M. Jean Arthuis, président . - C'est très lolfien !

M. François Marc . - Encore faut-il définir l'efficacité.

M. Bert Brys . - A propos des niches fiscales, je relève que la France en a aussi sur les revenus de l'épargne. Le livret A est un exemple significatif.

Mme Nicole Bricq . - La Commission européenne a accepté la fiscalité du livret A.

M. Bert Brys . - Je note en tout cas que tous ces systèmes n'augmentent pas le montant total d'épargne. En revanche, ils influencent sa composition.

M. Jeffrey Owens . - Comme un fromage suisse dont les trous ne changent pas le poids...

M. Jean Arthuis, président . - La bibliothèque de la commission va s'enrichir de plusieurs ouvrages à l'issue de cet exercice particulièrement intéressant. Soyez-en remerciés. Nous aurons l'occasion de nous revoir puisqu'il vous appartient de colorer de blanc, de gris ou de noir la liste des Etats selon leurs plus ou moins bonnes pratiques fiscales. Grâce à vous, nous avons une vision à la fois plus claire et plus large, sur les grandes tendances en matière de fiscalité.

B. AUDITION DE MM. JEAN-HERVÉ LORENZI, PROFESSEUR À L'UNIVERSITÉ DAUPHINE ET PRÉSIDENT DU CERCLE DES ÉCONOMISTES, CHRISTIAN SAINT-ETIENNE, PROFESSEUR AU CNAM ET MEMBRE DU CONSEIL D'ANALYSE ÉCONOMIQUE, THOMAS PIKETTY, ÉCONOMISTE ET PROFESSEUR À L'ÉCOLE D'ÉCONOMIE DE PARIS, ET DAVID THESMAR, ÉCONOMISTE ET PROFESSEUR À HEC (9 FÉVRIER 2011)

La commission procède à l'audition de MM. Jean-Hervé Lorenzi, professeur à l'Université Dauphine et président du cercle des économistes, Christian Saint-Etienne, professeur au CNAM et membre du conseil d'analyse économique, Thomas Piketty, économiste et professeur à l'école d'économie de Paris, et David Thesmar, économiste et professeur à HEC, en vue de la préparation du projet de loi de finances rectificative sur la fiscalité du patrimoine.

M. Jean Arthuis, président . - Mes chers collègues, nous poursuivons cette matinée par une audition, sous forme de table ronde, qui marque la deuxième étape de nos travaux sur la future réforme de la fiscalité du patrimoine.

Après avoir pris connaissance, la semaine dernière, du panorama des pratiques fiscales dressé par les responsables du centre de politique et d'administration fiscales de l'OCDE, nous allons aujourd'hui nous concentrer davantage sur les principes et les pistes envisageables.

Nous recevons donc Jean-Hervé Lorenzi, professeur à l'Université Dauphine et président du cercle des économistes, Christian Saint-Etienne, professeur au CNAM et membre du conseil d'analyse économique, Thomas Piketty, économiste et professeur à l'Ecole d'économie de Paris, et David Thesmar, économiste et professeur à HEC.

Nous comptons sur ces quatre spécialistes pour nous éclairer sur les enjeux économiques de la réforme. J'invite donc nos intervenants à effectuer, chacun à leur tour, une brève présentation liminaire en répondant plus spécifiquement aux questions suivantes : pourquoi faire cette réforme ? Quelle forme doit-elle prendre ? Quels impôts devraient être dans son champ et quels résultats peut-on en attendre ?

Je passerai ensuite la parole au rapporteur général puis, chacun d'entre vous, mes chers collègues, pourra interroger nos intervenants.

Je propose de commencer par M. Lorenzi, suivant l'ordre alphabétique.

M. Jean-Hervé Lorenzi . - Je voudrais pour commencer insister sur deux points. Tout d'abord, comme beaucoup d'économistes, je ne suis pas un spécialiste de la fiscalité, mais j'ai l'occasion de réfléchir à ces questions dans le cadre de plusieurs groupes de travail. Je suis notamment membre du groupe de la Cour des Comptes qui réalise le rapport sur la convergence entre la France et l'Allemagne. J'ai également lu avec grand intérêt l'ouvrage de M. Piketty et de ses deux collègues, Camille Landais et Emmanuel Saez.

Tout cela donne l'impression que toute approche de la réforme fiscale par la seule réforme de la fiscalité du patrimoine est une absurdité intellectuelle. J'ai pu, en particulier, le constater avec le groupe de la Cour des Comptes : le regard sur une fiscalité étrangère nous amène forcément à considérer l'ensemble des sujets. Si je suis convaincu qu'il n'y aura pas de grande réforme fiscale en 2011, je crois qu'il faut surtout éviter de traiter dans la précipitation un sujet aussi complexe et important pour notre économie.

Deuxièmement, en ce qui concerne la dimension comparative, je tiens à souligner que rien ne dit que l'Allemagne soit le modèle à suivre en matière de fiscalité du patrimoine. En effet, ce pays se distingue fortement des autres États membres de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) dans ce domaine. Il faut donc être prudent et comparer des cas semblables, et non pas des situations totalement différentes. Nous sommes en effet dans un rapport de 1 à 4 en ce qui concerne la taxation du patrimoine. La focalisation sur la convergence avec l'Allemagne n'a donc pas grand sens.

Troisièmement, pour les économistes, un débat existe depuis deux siècles sur la relation entre la croissance et la fiscalité d'un pays. En la matière, l'OCDE donne volontiers des recettes toutes faites. Par exemple, la fiscalité sur la consommation serait ce qu'il y a de mieux. C'est un vrai débat. Il n'existe pas de solution miracle, mais ce sujet mérite une réforme fiscale d'urgence.

En la matière, j'ai un point de vue personnel. Je ne suis pas un « déclinologue », et, sur le fond, j'estime que la société française est très dynamique, et que la fiscalité peut permettre de tirer fortement la croissance. Cependant, nous sommes confrontés à un problème macroéconomique complexe. En effet, d'un côté, nous devons réduire notre dette, ce qui implique une diminution de nos dépenses annuelles de l'ordre de 30 à 40 milliards d'euros. Cela risque d'être particulièrement compliqué dans le cadre des exercices 2012 et 2013. De l'autre côté, nous devons dégager parallèlement 30 à 40 milliards d'euros d'investissements complémentaires, de long terme, destinés à se substituer aux activités que nous avons perdues depuis quatre ou cinq ans sous la forme de transferts dans les pays émergents.

Ce constat m'amène à formuler deux observations.

Premièrement, la fiscalité du patrimoine ne m'intéresse pas au titre des débats sur la suppression ou non du bouclier fiscal et de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) - je relève d'ailleurs que les 4 milliards d'euros de l'ISF ne sont qu'une goutte d'eau parmi les 850 milliards de prélèvements obligatoires - mais sur la façon dont elle peut permettre d'allonger l'épargne afin que cette dernière puisse être disponible pour des investissements plus risqués de long terme. La question est donc de savoir quelle fiscalité pourrait résoudre ce problème crucial. Le deuxième problème est de savoir comment investir dans des activités risquées. A cet égard, je pense que l'un des handicaps majeurs de nos pays est l'aversion au risque, qui ne s'arrangera pas avec le vieillissement de la population. La clé de la réforme consiste donc, à mon avis, à se concentrer sur l'allongement de la fiscalité de l'épargne, à savoir les flux du patrimoine, et de faire en sorte que l'État prenne en charge une part du risque sur les investissements de long terme. C'est en effet de cela que nous aurons besoin pour investir dans les années à venir.

Deuxièmement, une large partie de notre croissance insuffisante provient de la difficulté que nous avons à fournir des emplois aux jeunes. Il y a urgence à résoudre ce problème. Au-delà de la question du marché du travail et du contrat de travail unique, j'estime qu'il faut fluidifier les transferts intergénérationnels. Une dizaine de milliards d'euros descendent de la génération N à la génération N+2 aujourd'hui, chiffre très insuffisant. Cela signifie que la réforme de la fiscalité du patrimoine devrait se focaliser sur les différences de taxation entre les successions et les donations. Si l'on ne résout pas ce problème, les gens continueront à toucher leur héritage à un âge relativement avancé. Pour cela, deux logiques peuvent se mettre en place : favoriser le viager et rééquilibrer la taxation des successions par rapport aux donations, afin de faire en sorte que de l'argent revienne vers les générations plus jeunes, au moment où elles en ont le plus besoin.

M. Thomas Piketty . - Je partage le point de vue de M. Lorenzi selon lequel la fiscalité du patrimoine, l'ISF et la taxe foncière ne constituent pas le coeur du sujet en ce qui concerne la réforme du système fiscal français. La vraie problématique consiste à mon avis à simplifier et à moderniser notre système d'imposition des revenus, qui est beaucoup trop complexe et morcelé, notamment au regard des revenus de l'épargne. En outre, il ne pratique toujours pas la retenue à la source, contrairement à nos voisins. Enfin, notre système de protection sociale repose trop fortement sur les cotisations. Ces questions seront davantage traitées en 2012. Néanmoins, puisque l'ISF est un thème qui semble être au coeur des discussions actuelles, je vous présenterai mon point de vue à son sujet.

Il existe différentes formes d'imposition du stock de patrimoine en France. Nous disposons en effet de l'ISF et de la taxe foncière. Cette dernière est une taxe sur le patrimoine immobilier, assise sur des valeurs cadastrales obsolètes, dont la réforme présente de nombreuses difficultés. Cela explique notre incapacité à les actualiser depuis quarante ans. Si l'on considère les choses de façon objective, il apparaît que l'ISF est, du point de vue technique, un impôt beaucoup plus moderne que la vieille taxe foncière, et que le supprimer serait une grave erreur. Certes, l'ISF est imparfait, les gens doivent le déclarer, et l'on peut discuter du niveau du seuil d'imposition comme des taux de son barème. Néanmoins, il a le mérite de considérer les valeurs de marché au 1 er janvier de l'année concernée, ce qui constitue un critère objectif et efficace et empêche les redevables de contester l'atteinte du seuil.

En outre, je tiens à souligner que l'ISF français n'a strictement rien à voir avec les anciens impôts sur le patrimoine en Allemagne, Espagne et Suède, où ils ont été supprimés pour des raisons totalement distinctes de celles qu'on reproche, en France, à l'ISF. En effet, les impôts étrangers étaient basés sur des valeurs cadastrales très anciennes, aux variations extrêmement arbitraires d'une commune à l'autre, pour décider qui se situait en dessous ou au-dessus du seuil d'imposition. La justice a tranché, en dénonçant des problèmes d'équité des contribuables devant l'impôt. L'impôt sur le patrimoine a donc été supprimé dans les trois pays précités. Il n'était pas question de délocalisation mais de rupture d'égalité devant les charges publiques. Les impôts sur le patrimoine de l'Allemagne, de l'Espagne et de la Suède nous venaient directement du XIX ème siècle, comme notre taxe foncière. La création de notre ISF dans les années 1990 a répondu au constat que l'inflation était un phénomène durable, que l'inflation sur les prix des actifs était un problème sérieux, et que si l'on voulait un impôt sur le patrimoine il fallait avoir des valeurs de marché, peut-être imparfaites, mais fournissant une base objective.

De plus, l'ISF a l'avantage de déduire les emprunts immobiliers de son assiette, ce qui n'est pas le cas de la taxe foncière, pour le paiement de laquelle on ne fait aucune distinction entre le contribuable endetté au titre d'un emprunt immobilier, et le contribuable non endetté. Or, quand on déduit l'emprunt et le passif financier, il est logique d'ajouter les actifs financiers. On aboutit alors à un impôt sur le patrimoine global dont le fonctionnement est beaucoup plus intelligent que notre taxe foncière.

Cette comparaison doit être centrale dans notre réflexion. En termes de masse, de quoi parle-t-on ? La taxe foncière rapporte plus de 15 milliards d'euros par an, soit plus de trois fois le produit de l'ISF, estimé à 4,5 milliards d'euros. Dans beaucoup de pays du monde, comme aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, la taxe foncière est beaucoup plus élevée qu'en France. En proportion de la capitalisation immobilière, on serait à 25 milliards d'euros environ. La question est de savoir s'il vaut la peine de supprimer un ISF qui rapporte 5 milliards, pour se retrouver avec une taxe foncière qui rapportera 5 ou 10 milliards de plus. Pour ma part, j'estime que ce serait une absurdité d'un point de vue technique. Il conviendrait plutôt de rapprocher l'assiette de la taxe foncière de celle de l'ISF, en envisageant des déductions d'emprunts immobiliers et en essayant de recourir aux valeurs de marché.

Enfin, comme M. Lorenzi, j'estime que la comparaison avec l'Allemagne est faussée. Ses impôts sur le patrimoine, notamment fonciers, sont plus faibles que dans les autres pays, notamment parce qu'elle a une capitalisation immobilière plus faible. Si l'on tient compte de ce paramètre, en proportion de la capitalisation immobilière, la taxation du patrimoine dans nos deux pays se rapproche. Du point de vue du marché immobilier, la comparaison avec le Royaume-Uni est au moins aussi pertinente pour nous que celle avec l'Allemagne.

M. Christian Saint-Etienne . - Je partage certains points de vue de mes collègues, mais j'ai également des points de divergence. Sur les points communs, je voudrais dire tout d'abord qu'aborder la réforme fiscale sous le seul angle de la taxation du patrimoine est évidemment réducteur. On peut néanmoins procéder à une première étape d'une réforme globale dès 2011, à condition de l'inscrire dans une direction d'ensemble cohérente.

Cette première remarque établie, je voudrais insister sur les nécessités et l'urgence d'une réforme globale de notre système fiscal. Je pense en effet que nous sommes à la veille d'une crise historique des finances publiques françaises, comparable à celle qui secoua la fin de l'Ancien régime. Je rappelle au passage que les révolutions politiques ont bien souvent comme origine une crise des finances publiques... Notre déficit structurel atteint 6 % du produit intérieur brut (PIB), soit 120 milliards d'euros. C'est dire l'ampleur de l'effort qui nous attend.

Deuxièmement, un point qui n'a été que peu évoqué, et qui est pour moi central, est que nous sommes membres d'une Union européenne qui est un champ clos de concurrence fiscale et sociale. D'un point de vue économique et stratégique, je considère que l'avenir de la France est menacé à court terme, ce qui ne signifie pas que nous n'ayons pas beaucoup de potentiel. Cette menace vient pour une minorité de la compétition en provenance de la Chine. Mais la grande majorité de notre problème de compétitivité globale provient de la concurrence interne à l'Union européenne, qui vide notre pays de sa substance productive. En conséquence, toute réforme fiscale d'ensemble devra avoir pour objectif prioritaire de refonder un système productif français fonctionnant dans un contexte européen, en gardant à l'esprit que le point clé de l'équité est que chacun ait un emploi.

Troisièmement, je voudrais dire que lorsqu'on se lance dans une réforme fiscale, il faut bien sûr prendre en compte le contexte. Nous ne sommes plus dans l'économie agricole de la fin du XVIII ème siècle ou dans l'économie industrielle fermée des années 1980. Je rappelle à cet égard que le contrôle des changes n'a été supprimé qu'en 1990 ! Aujourd'hui, nous évoluons dans ce que j'appellerais l'économie entrepreneuriale de la connaissance. D'après une étude du Conservatoire nationale des arts et métiers (CNAM), sur l'ensemble des outils technologiques que nous utilisons quotidiennement, aucun n'est fabriqué en France. Nous avons raté, sur le plan de la production, la révolution technologique du numérique, nous sommes en train de rater celle des biotechnologies, et l'on s'affaiblit dans les nanotechnologies. Comment peut-on espérer rester une grande puissance industrielle si l'on ne se dote pas des moyens de remettre l'entrepreneur au coeur de la reconstruction de notre système productif ?

Ces éléments sont cruciaux, parce que si l'on aborde de façon étroite la réforme fiscale, avec notamment un biais moral, en proclamant que l'on va faire payer telle catégorie sociale, notamment les riches, on court à l'échec. Il faut donc rétablir une plus grande équité dans notre système, car celui-ci est devenu un « gruyère » et il est vrai que les plus hauts revenus, ceux du premier centile, ont un taux de fiscalité plus faible que le deuxième centile supérieur, qui a lui-même une fiscalité inférieure au troisième centile. Ensuite, la tendance s'inverse, et les taux de fiscalité baissent. Il faut donc corriger le fait que les premier et second centiles ont des taux de fiscalité plus faibles. Cela peut se faire dans le cadre d'une réforme globale qui doit concerner simultanément l'impôt sur les sociétés (IS), la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), l'impôt sur le revenu (IR), l'ISF, la contribution sociale généralisée (CSG) et la cotisation famille de 5,4 % sur les salaires.

De mon point de vue, sur le plan de la compétitivité économique, il faut donc sonner l'alarme et agir dès aujourd'hui, sans attendre 2013.

La réforme de la fiscalité du patrimoine ne peut donc constituer que la première étape d'une réforme d'ensemble de la fiscalité française. Si elle est bien abordée comme telle, plusieurs remarques et pistes peuvent être formulées.  S'agissant de la suppression du bouclier fiscal, je souligne le risque de délocalisation d'une partie du patrimoine national, en tout cas de certains entrepreneurs qui sont des acteurs clés pour la reconstruction du système productif français. Cette éventualité doit nous conduire à réfléchir à la nature de l'impôt de solidarité sur la fortune, qui, au vu des débats actuels, ne devrait pas être supprimé à court terme. Parallèlement, il convient de redéfinir les taux de cet impôt qui a été créé dans un contexte de forte inflation, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Or le taux de rendement du capital doit être pris en compte dans la définition de la fiscalité du patrimoine. Les trois principaux éléments du capital en France et dans le monde aujourd'hui sont les actions, les obligations et l'immobilier. L'immobilier parisien a un rendement net compris entre 2 % et 2,5 %, le capital obligataire et les dividendes représentent un revenu après impôt de 2,5 % et 3 %. Dans cette perspective, si l'ISF devait être maintenu, sa nouvelle structure pourrait être la suivante :

- d'une part, un impôt qui ne s'applique qu'aux patrimoines d'une valeur supérieure à trois millions d'euros. Ce seuil permet d'éviter les débats récurrents sur les modalités de prise en compte de la résidence principale ou sur l'imposition des classes moyennes qui résident dans les grandes villes en France ;

- d'autre part, un impôt organisé autour de deux tranches d'imposition : la première au taux de 0,5 % pour les patrimoines dont la valeur est comprise entre 2 et 20 millions d'euros (ou entre 3 et 30 millions d'euros), une seconde tranche au taux de 0,75 % pour les patrimoines évalués à plus de 20 ou 30 millions d'euros.

Cette architecture permettrait de ramener la fiscalité du patrimoine à un tiers ou un quart du rendement moyen du capital, ce qui semble correct. La question réside dans le financement de ce dispositif dont le coût peut être évalué entre 1,2 et 1,5 milliard d'euros par rapport au produit net de l'ISF, qui est actuellement de 3,2 milliards d'euros.

Deux mesures centrées sur les détenteurs de très hauts patrimoines me semblent pouvoir compenser le différentiel. La première concernerait le relèvement de deux points du taux marginal d'imposition de l'impôt sur le revenu qui passerait de 41 % à 43 %. Cette hausse serait applicable aux foyers fiscaux dont le revenu net global est supérieur à 100 000 euros par part. La seconde mesure consisterait à revoir les droits de mutation à titre onéreux lorsque la valeur de la transaction immobilière est supérieure à 600 millions d'euros.

Dans le cadre d'une réforme fiscale globale, j'estime que les principaux leviers de réforme sont la contribution sociale généralisée et la taxe sur la valeur ajoutée. Au niveau européen, on constate, depuis les premières mesures prises par l'Allemagne, un mouvement d'augmentation de la TVA pour financer une diminution du taux de l'impôt sur les sociétés. Le pays qui représentera le mieux à court terme le système fiscal européen sera la Finlande, avec un taux de la TVA relevé à 23 %, afin de permettre une baisse de l'impôt sur les sociétés, baisse éventuellement ciblée sur les bénéfices mis en réserve. En effet, n'oublions pas, comme le rappelait précédemment Christian Noyer, que le niveau des prêts octroyés aux petites et moyennes entreprises (PME) constitue un réel problème économique en France, qui peut en partie être résolu par l'augmentation de fonds propres de ces entreprises afin de réduire l'aversion des banques particulièrement attentives au ratio d'endettement sur fonds propres.

En conclusion, ma préférence n'est pas une réforme partielle de l'ISF. Toutefois, si celle-ci doit être faite, il conviendrait de supprimer les principaux défauts de cet impôt. Dans le cadre d'une réforme plus globale qui s'impose à notre pays, l'ISF à vocation à être supprimé au profit d'une tranche supérieure de l'IR. Ce remplacement n'interdit pas de maintenir sous une forme différente le principe de l'ISF-PME qui permet d'apporter un financement à certaines entreprises, en le liant à la nouvelle tranche supérieure de l'IR.

M. David Thesmar . - Contrairement à mes collègues, mon étude n'a pas concerné la fiscalité dans son ensemble mais uniquement celle associée au patrimoine des ménages. La fiscalité française du patrimoine se caractérise par sa complexité et par la multiplicité des dispositifs dont les finalités peuvent être contradictoires entre elles. On cherche aussi bien à favoriser l'épargne risquée (un tiers de l'épargne des ménages avec incitation fiscale) que non risquée (40 % de l'épargne des ménages avec incitation fiscale), l'épargne liquide que l'épargne bloquée. Au total, le résultat de l'ensemble de ces incitations fiscales est neutre, voire légèrement défavorable à l'épargne risquée selon une étude récente du Trésor. Par ailleurs, cette complexité a pour conséquence un effet de redistribution à l'envers puisque pour pouvoir bénéficier des dispositifs dégressifs, il est nécessaire initialement de disposer de revenus relativement importants. La poursuite simultanée des logiques progressive et dégressive est un exemple supplémentaire de conflit d'objectifs. Au total, l'accumulation de priorités traduit le manque de priorités globales.

En outre, en ce qui concerne l'épargne réglementée, les évaluations sont insuffisantes. Un certain nombre de questions ne sont pas tranchées. A-t-on besoin de l'argent du livret A pour financer le logement social ? Le rationnement du crédit aux PME est-il pathologiquement plus important qu'à l'étranger ? Le dispositif ISF en faveur des PME est-il efficace ?

Outre cette complexité, il convient de souligner que certains problèmes ne sont pas résolus, notamment celui de l'épargne retraite. L'intervention de l'Etat via la fiscalité se justifie par une volonté paternaliste d'inciter les personnes à se constituer une épargne retraite. Toutefois, l'encours de cette épargne à long terme, c'est-à-dire essentiellement le plan d'épargne pour la retraite collectif (PERCO), aujourd'hui très faible, ne permet pas d'avoir un impact sur le financement des entreprises au travers d'un effet volume comme on pourrait l'imaginer. En effet, alors qu'à l'étranger le patrimoine des ménages représente environ cinq fois le PIB, le patrimoine des ménages français équivaut à trois fois le PIB, ce qui souligne un manque de capitalisation du système par des dispositifs collectifs ou individuels. Les expériences étrangères montrent également que les incitations fiscales ne permettent pas de modifier la part d'épargne allouée au long terme mais seulement le volume d'épargne, l'accroissement de ce volume permettant alors une augmentation homothétique du compartiment à long terme.

Au regard de ce constat, deux types de propositions peuvent être envisagés autour d'un objectif de simplification du système fiscal sans augmentation de la pression fiscale :

- une première version, que je qualifierais de timide mais qui peut paraitre relever à vos yeux de la science fiction, serait de créer, sur les revenus du patrimoine, un taxe unique de 15 % dont l'assiette pourrait faire l'objet d'un abattement, par exemple 500 euros, pour introduire un élément redistributif. En contrepartie, les impôts actuels sur les revenus du patrimoine ainsi que les niches afférentes seraient supprimés. Afin d'obtenir un dispositif à revenu constant, la définition du taux prendrait en compte, d'une part, les revenus du patrimoine, soit 150 milliards d'euros selon le dernier rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, et d'autre part, le produit actuel des impôts sur les revenus du patrimoine, soit 24 milliards d'euros. Ce taux pourrait éventuellement être modulé pour financer des incitations fiscales à l'épargne de long terme ;

- la seconde version, plus ambitieuse, serait de remplacer l'ensemble de la fiscalité patrimoniale par un impôt unique de type ISF, assis sur la totalité du patrimoine des ménages auquel s'appliquerait un taux de 0,65 %. Ce chiffre correspondrait au calcul du poids actuel des impôts liés au patrimoine (ISF, taxe foncière, droits de mutation, imposition des revenus), soit 65 milliards d'euros, par rapport à la valeur du patrimoine des ménages français, soit 10 000 milliards d'euros dont 5 000 milliards d'euros au titre de la résidence principale. La mise en place de cette taxe unique entrainerait la suppression des autres dispositifs d'imposition actuels en lien avec le patrimoine.

M. Jean Arthuis, président . - Je retiens deux grands enseignements de l'ensemble de vos interventions : d'une part, notre système fiscal est perfectible, d'autre part, la fiscalité du patrimoine n'est qu'un aspect de la réforme fiscale d'ensemble qui s'impose à vos yeux.

M. Philippe Marini, rapporteur général . - Ma première question s'adresse à l'ensemble des participants, mais peut-être plus encore à M. Piketty.

Le président Arthuis a évoqué, en introduction de cette table-ronde, la réunion de la semaine dernière avec des responsables du centre de politique et d'administration fiscales de l'OCDE. Il est ressorti de cette intéressante comparaison que, selon l'OCDE, la France est le pays qui a le plus d'impôts, la plus forte imposition, la plus forte progressivité et est celui où les taux nominaux sont les plus élevés tant pour l'imposition du revenu que pour celle du capital. En revanche, les bases d'imposition y sont assez basses en raison des niches fiscales.

Selon Jeffrey Owens, en mettant en regard les taux implicites d'imposition de la France et de l'Allemagne, en 2008, le travail était imposé à 41,4 % en France et à 39 % en Allemagne, le capital à 38,8 % en France, et 23,1 % en Allemagne, et la consommation à 19 % dans les deux pays. A partir de constat et au vu de vos propositions, vos travaux prennent-ils en compte le fait que la France n'est pas seule au monde et que la compétitivité fiscale existe ? Et pouvez-vous citer des pays disposant d'un système fiscal « idéal » selon vos critères et en dresser le bilan économique ?

Ma deuxième question concerne l'ensemble des auditionnés : considérez-vous que l'ISF, tel qu'il fonctionne actuellement, frappe bel et bien la « fortune » ainsi qu'il est censé le faire ? Et que pensez-vous du niveau du taux applicable à la tranche supérieure, soit 1,8 % ?

Par ailleurs, la résidence principale est-elle, selon vous, un élément devant figurer dans l'assiette d'un impôt sur le patrimoine ou d'un impôt sur les revenus du patrimoine ? Si l'imposition est un reflet de la vision de la société que se forge un peuple, considérez-vous possible et souhaitable de familialiser l'impôt progressif sur le patrimoine, selon les principes qui prévalent déjà en matière d'impôt progressif sur le revenu ?

Enfin, pourriez-vous nous livrer votre vision de la manière dont devraient être taxés les revenus patrimoniaux, dans un double souci d'équité et de compétitivité ? En particulier, cette fiscalité devrait-elle poursuivre notamment un objectif d'orientation de l'épargne des Français, alors que les changements de règles prudentielles dans les secteurs de la banque et de l'assurance font peser des menaces sur le financement des entreprises ? Au contraire, peut-on envisager, dans un objectif « anti-niches » de simplicité et de lisibilité, d'harmoniser le régime fiscal des différents revenus du patrimoine et de les intégrer dans le barème ?

M. Thomas Piketty . - Je crois que l'objectif de simplification de la fiscalité doit être prioritaire, notamment en matière d'imposition sur les revenus du patrimoine. Compte tenu de son degré de mitage, l'IR rapporte environ deux fois moins que la CSG. Le produit de l'impôt sur le revenu représente aujourd'hui 2,5 % du PIB, soit un niveau divisé par deux depuis le début des années 1990 et un niveau trois à quatre fois inférieur à celui constaté actuellement dans d'autres pays européens. Le diagnostic que nous faisons est qu'il est impossible de réformer cet impôt et qu'il convient de le remplacer par un élargissement de la CSG dont l'assiette et les modalités de recouvrement sont satisfaisantes à plusieurs égards. Cette extension s'accompagnerait de la mise en place d'un barème progressif.

Cette proposition permet de simplifier le système d'imposition et de mettre fin aujourd'hui au niveau de mitage et d'absurdité de l'impôt sur le revenu dont le rendement total pourrait être obtenu par 4,5 points de CSG supplémentaires ! Elle se distingue du dispositif présentée par M. Thesmar dans la mesure où elle ne sort pas l'imposition des revenus du patrimoine du champ d'application du barème progressif. En effet, en ne soumettant que les revenus du travail à une fiscalité progressive, la proposition de David Thesmar favorise, comme cela a été constaté à l'étranger, une optimisation fiscale entre revenus du travail et revenus du capital. Pour des raisons d'équité et d'efficacité, il me semble que la minimisation des distorsions implique l'application d'un barème progressif à l'ensemble des revenus et ce, quelle que soit leur dénomination juridique.

Par ailleurs, je souligne que débattre des taux du barème progressif que nous proposons n'est pas problématique, bien au contraire. Ce qui me semble important est de recueillir un consensus sur une nouvelle architecture fiscale simplifiée.

Enfin, je conviens du fait que la France affiche des taux d'imposition élevés, qu'il faudrait réduire en augmentant les assiettes, et, en fait, une faible progressivité. Pour autant, s'agissant de la taxation du capital, les chiffres qui auraient été communiqués par M. Owens ne me semblent pas, en l'absence de précisions méthodologiques, témoigner de la réalité. Les enquêtes d'Eurostat, dont les conventions statistiques sont publiques, sont en effet sensiblement différentes.

M. Jean-Hervé Lorenzi . - Je ne crois pas, moi non plus, à un tel écart entre les taux d'impositions implicites du patrimoine entre la France et l'Allemagne. Les chiffres que vous a donnés l'OCDE comportent sans doute des biais.

D'autre part, je considère, moi aussi, que la question de l'ISF est, somme toute, mineure au vu du faible poids de cet impôt dans la fiscalité globale. Une véritable réforme fiscale se résume, à mes yeux, essentiellement à trois sujets : le rapprochement de l'IR et de la CSG, l'évolution de la TVA et la fiscalité des produits de l'épargne.

Dans le débat actuel, on s'obstine à ne parler que du stock de patrimoine, mais ni des successions ni de l'épargne. Or je rejoins David Thesmar pour considérer que la vraie question, c'est bien celle de l'épargne et de l'investissement. Il conviendrait donc de rénover la fiscalité de l'épargne et de la moduler en fonction de l'engagement de durée qu'est prêt à consentir l'épargnant ainsi que du type d'investissement à réaliser.

M. Thomas Piketty . - L'expérience montre que cela ne marche pas...

M. Christian Saint-Etienne . - Il est vraiment nécessaire de simplifier les impôts.

De ce point de vue, les bases de la CSG sont bonnes et, à partir d'elles, on pourrait envisager un taux d'imposition global de 15 %, tant pour les revenus du capital que pour les revenus du travail. En revanche, je trouve très risqué de fusionner la CSG et l'IR afin d'en faire un impôt ultra-progressif : le risque d'un rejet massif de ce nouvel impôt par un grand nombre de contribuables et, partant, d'un « choc » sur les recettes publiques effectives, ne saurait être écarté. Il est vrai, toutefois, que, dans le système actuel, l'abaissement du taux marginal d'imposition des deux premiers centiles de nos concitoyens les plus aisés grâce aux différentes « niches » est insupportable.

S'agissant des revenus du patrimoine, faut-il accepter la dualité capital-travail ou parvenir à un barème unique ? En réalité, en réalisant, au préalable, la réforme des bases d'imposition, on aboutira à des taux d'imposition très proches, ce qui relativisera l'enjeu.

Enfin, il faudra bien traiter le sujet de la protection sociale. Dans le livre que je publierai en avril, je montrerai qu'il n'est pas pertinent de traiter de la même façon les mécanismes de protection sociale individuelle (retraite et accidents du travail) et les mécanismes de protection sociale collective (santé et famille). Quoi que nous fassions, les cotisations individuelles resteront importantes, notamment pour ce qui concerne la retraite. A cet égard, si on veut développer l'épargne longue dans les fonds de pension, un mécanisme simple et puissant devrait être mis en oeuvre : détaxer de cotisation sociale les versements dans les fonds de pension, dans la limite d'un certain plafond, pour ne pas recréer une « niche fiscale majeure ». On traiterait ainsi de la même façon la retraite par répartition et la retraite par capitalisation. En contrepartie d'un tel avantage, on pourrait se montrer, à bon droit, très exigeants quant aux contraintes d'investissements de ces fonds de pensions, notamment en actions.

M. Jean-Hervé Lorenzi . - Certes, mais il faudra s'intéresser également à la possibilité même pour les gestionnaires d'investir en actions, sous l'effet des nouvelles normes prudentielles dans les domaines de la banque et de l'assurance.

M. Jean Arthuis, président . - M. Piketty, peut-être pourriez-vous vous exprimer sur la question de la familialisation de l'ISF.

M. Thomas Piketty . - Aujourd'hui, cet impôt n'est pas vraiment familial. Il est d'ailleurs incohérent de prendre le patrimoine du foyer tout entier pour la détermination des seuils sans instaurer de quotient familial. Il vaudrait mieux choisir franchement l'une de ces deux voies.

M. Jean Arthuis, président . - Il y a là une entrave à la nuptialité...

M. David Thesmar . - Pour revenir sur les débats précédents, j'ai bien noté le scepticisme de Thomas Piketty au sujet de l'incitation fiscale à l'épargne longue. S'il est vrai que les produits aidés individuels n'ont pas toujours donné des résultats probants, des mécanismes collectifs, au niveau de l'entreprise, pourraient être utilement mobilisés à cette fin. En un mot, il faudrait que l'épargne salariale serve à l'épargne longue, alors qu'actuellement, elle n'est qu'un pur produit de défiscalisation.

S'agissant de la question de la progressivité de l'impôt, je vous invite à examiner l'exemple néerlandais, qui mêle l'imposition du patrimoine, des revenus du patrimoine et des revenus du travail, à partir d'un rendement théorique de 4 % des revenus du capital, en en excluant la résidence principale - ce que je n'approuve d'ailleurs pas.

M. Jean Arthuis, président . - Une délégation de la commission se rendra aux Pays-Bas dans les prochaines semaines.

Mme Nicole Bricq . - MM. Lorenzi et Saint-Etienne, vous nous proposez un modèle fiscal favorable à l'offre. Mais quand on interpelle le Gouvernement sur ce sujet, il répond que la fiscalité actuelle est déjà orientée dans ce sens, en s'appuyant sur des mécanismes comme le crédit d'impôt recherche (CIR), la réduction d'ISF pour investissement dans les PME ou encore la fiscalité privilégiée de l'assurance-vie.

Que pensez-vous donc de l'efficacité de ces dispositifs, et que proposez-vous concrètement ?

M. Jean-Hervé Lorenzi . - Les dispositifs que vous évoquez « pèsent », tous ensemble, de 5 à 6 milliards d'euros alors que notre besoin de transfert d'épargne vers l'investissement est beaucoup plus élevé, de l'ordre de 30 milliards d'euros. Ils ne sont donc pas proportionnés aux enjeux. Or nous risquons, partout en Europe, d'avoir de très sérieux problèmes de croissance dès 2012.

Il faudra donc canaliser l'épargne. A cet égard, je ne trouve « pas très malin » le débat actuel autour de l'assurance-vie. Il semble que le ministère du budget veuille à tout prix récupérer de l'argent sur les aides fiscales actuellement consenties à ce type d'épargne. Mais nous ne devrions pas oublier que la moitié des sommes qu'elle draine sont investies en actions ou en obligations émises par des entreprises. Dans la conjoncture actuelle, mieux vaudrait donc ne pas commettre d'imprudence.

M. Christian Saint-Etienne . - Le CIR, qui coûte un peu plus de 4 milliards d'euros par an, est principalement capté par les grandes entreprises multinationales, qui n'ont pas toujours une stratégie de production orientée vers la France, à l'inverse d'ailleurs de leurs homologues allemandes.

J'observe d'ailleurs que, sur ces 25 dernières années, l'économie française a créé 2,5 millions d'emplois : 500 000 ont été détruits par les entreprises comptant plus de 250 employés tandis que les entreprises en-dessous de ce seuil en ont créé 3 millions. Or, comme je vous l'ai dit, ce ne sont pas elles qui sont les premières bénéficiaires du CIR.

Si nous voulons avoir un taux d'emploi satisfaisant, ce qui implique la création de 3 millions d'emplois d'ici sept à huit ans, ce sont donc les entreprises comptant actuellement une cinquantaine d'employés que nous devons inciter à croître. Pour cela, elles devront pouvoir disposer de quelque 20 milliards d'euros de fonds propres, ce qui leur permettra de souscrire de 30 à 40 milliards d'euros de crédits. A la fin, ces fonds ne peuvent provenir que d'un mécanisme de très long terme, du type fonds de pension ou « assurance-vie allongée » qui favorise la dérivation de l'épargne vers l'investissement productif. En outre, l'instauration d'un taux d'impôt sur les sociétés réduit de moitié pour les bénéfices mis en réserve serait une autre mesure-clé afin de parvenir à cet objectif.

M. Joël Bourdin . - J'observe que nous avons, en France, un taux d'épargne élevé mais que cette épargne est trop orientée vers des supports non risqués, qui peuvent, malgré tout, être subventionnés par l'Etat. Que pouvons-nous faire pour remédier à cette anomalie ?

D'autre part, pensez-vous que nous avons une assiette adéquate de la fiscalité du patrimoine ? Je prendrai simplement l'exemple des oeuvres d'art, qui ne figurent pas dans cette assiette alors même qu'elles font partie du patrimoine et que, de surcroît, leur valeur s'est beaucoup appréciée.

M. François Fortassin . - Bien que cette audition nous ait appris beaucoup de choses, elle n'a, pour l'heure, pas abordé des questions essentielles.

L'éventail des revenus s'est beaucoup élargi ces dernières années ; est-ce normal et que pouvons-nous faire ? Le concept de progressivité de l'impôt est-il bon ou mauvais d'un point de vue économique ? Que doit devenir la fiscalité des entreprises ? A cet égard, les mésaventures de l'ancien « eldorado irlandais » devrait atténuer les charmes de certains modèles... Enfin, de manière générale, j'ai l'impression qu'on peut distinguer, parmi les contribuables, ceux qui pourraient payer l'impôt mais ne veulent pas le faire, et ceux qui voudraient le payer mais ne peuvent pas le faire !

M. François Marc . - Pour employer une métaphore rapide, je souhaiterais que vous nous éclairiez sur la réalité du « grand méchant loup » des délocalisations qui, selon certains, va croquer le « petit chaperon rouge fiscal » si nous engageons des réformes tendant vers davantage d'équité. L'un d'entre vous peut-il décrire ce « loup » alors que les véritables exils fiscaux paraissent bien difficiles à distinguer entre les allées des uns, les venues des autres et les retours de certains ?

M. Serge Dassault . - Je n'ai pas vraiment de question mais je voudrais simplement rappeler que l'impôt sur le patrimoine est un impôt « imbécile », anti-économique, qui tue la croissance de notre pays. Vouloir « faire payer les riches » permet de faire de beaux discours, mais les riches pourront toujours quitter la France... De plus, nous manquons cruellement d'une véritable politique industrielle et notre formation des jeunes est déficiente. Là se situent les véritables enjeux pour l'avenir de notre économie, même si, par ailleurs, les interventions des personnes auditionnées sont intéressantes.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Tout d'abord, je vous ai trouvés sévères quant à l'opportunité de nous comparer avec l'Allemagne. Pour ma part, j'estime qu'une convergence fiscale entre les pays européens est à la fois utile et nécessaire.

M. Piketty, vous abordez l'ISF en termes d'équité. Permettez-moi de douter de l'équité réelle d'un impôt qui taxe des personnes sur la valeur virtuelle d'un bien, comme leur résidence principale, qu'elles ne céderont jamais.

MM. Lorenzi et Thesmar, je partage votre souci de développer l'épargne longue. Mais comment pouvons-nous procéder alors même que nos marges de manoeuvre sont faibles et notre taux d'épargne déjà élevé ?

M. Jean-Paul Alduy . - M. Piketty, dans votre ouvrage, vous vous attaquez à la taxe d'habitation. Je rappelle simplement que cet impôt constitue le fondement de l'autonomie fiscale des collectivités territoriales. Je vous invite donc à écrire un nouveau livre, propre à engager l'autonomie financière, et non plus fiscale, de ces collectivités, sur le modèle de ce qui se fait en Allemagne...

Mme Nicole Bricq . - M. Piketty, votre projet de réforme est séduisant, notamment pour les femmes car, derrière l'individualisation de l'impôt que vous proposez, on trouve une vision différente de la société. Simplement, le parti socialiste a reculé sur ce débat il y a une dizaine d'années car les intérêts en jeu sont tels qu'une réforme fiscale d'ensemble pourrait achopper sur ce seul point.

M. Philippe Marini, rapporteur général . - Il y a là, en effet, un vrai sujet de clivage entre nous.

M. Thomas Piketty . - L'individualisation de l'impôt bouleverse nos repères traditionnels et permettra d'ailleurs de sortir définitivement de débats récurrents comme l'extension de tel ou tel dispositif aux pacsés, la double ou triple déclaration pour l'année du mariage, etc. De nombreux gouvernements étrangers, de toute coloration politique, ont mené cette réforme à son terme. L'Allemagne y viendra. Nous pouvons, bien sûr, attendre d'être les derniers pour agir...

D'autre part, le contexte économique général est propice au développement des inégalités. Certes, on ne peut pas tout faire en France, la question de l'impôt sur les sociétés gagnant ainsi à être traitée au niveau communautaire. Là-dessus, une harmonisation est indispensable, les écarts actuels incitant les entreprises à opacifier leurs comptes à des fins d'évasion fiscale. Mais les choses bougent, comme le montrent les pressions exercées sur l'Irlande et je ne crois pas que le sens de l'histoire nous conduise vers un taux d'IS toujours plus bas et un taux de TVA toujours plus élevé. Cela étant, la France peut agir seule sur de nombreux impôts, ce que s'attache à montrer le dernier ouvrage que j'ai coécrit.

J'appelle M. Dassault à davantage de nuance, en lui rappelant qu'un économiste comme Maurice Allais plaidait pour l'impôt patrimonial au nom de l'efficacité économique. Il est vrai, toutefois, qu'une telle évolution n'apporterait pas toutes les garanties nécessaires à la stabilité du budget de l'Etat. Il faut donc un certain équilibre. Mais, dans le contexte actuel et au vu de la bonne santé du patrimoine en France, cet équilibre suppose une augmentation relative de la fiscalité patrimoniale.

M. Philippe Marini, rapporteur général . - A un certain niveau de revenu, considérez-vous que c'est toujours le travail qui est rémunéré, ou bien le capital des individus ?

M. Thomas Piketty . - Le monde est à deux dimensions ! Toutes les situations existent et certains effectuent des arbitrages, à la frontière de ces deux univers. Toutefois, pour faire court, en remplaçant un milliard d'euros d'ISF par un milliard d'euros d'IR, on ne touchera pas les mêmes contribuables.

M. Jean-Hervé Lorenzi . - Je voudrais simplement indiquer que les délocalisations fiscales existent. Entre 5 000 et 10 000 ménages représentant des dizaines de milliards d'euros de patrimoine ont quitté la France.

Toute réforme fiscale devra prendre en compte cet élément et essayer de soumettre à l'impôt ces personnes qui, bien souvent, vivent au moins en partie en France et utilisent nos services publics. A cet égard, l'assiette de la taxe foncière présente au moins le mérite de ne pas pouvoir sortir du territoire, mais il faudra aller au-delà pour « rattraper » ces compatriotes faussement exilés, comme les Américains savent déjà le faire. J'aborderai cette question, à laquelle l'Allemagne réfléchit également, dans mon prochain ouvrage qui sortira début avril.

M. Jean Arthuis, président . - Il ne me reste qu'à vous remercier pour la qualité de vos interventions, qui ont éclairé les commissaires.

C. TABLE RONDE DES FISCALISTES : MM. PIERRE FERNOUX, MAÎTRE DE CONFÉRENCE À LA FACULTÉ DE DROIT DE CLERMONT-FERRAND, BERNARD MONASSIER, NOTAIRE, VICE-PRÉSIDENT DU CERCLE DES FISCALISTES, GERVAIS MOREL, FISCALISTE, EXPERT COMPTABLE, ET MICHEL TALY, AVOCAT, PRÉSIDENT-FONDATEUR DE L'INSTITUT DE POLITIQUE FISCALE (2 MARS 2011)

La commission procède à l'audition de MM. Pierre Fernoux, maître de conférence à la faculté de droit de Clermont-Ferrand, Bernard Monassier, notaire, vice-président du cercle des fiscalistes, Gervais Morel, fiscaliste, expert comptable, et Michel Taly, avocat, président-fondateur de l'institut de politique fiscale, en vue de la préparation du projet de loi de finances rectificative sur la fiscalité du patrimoine.

M. Jean Arthuis, président . - Mes chers collègues, nous allons à présent poursuivre nos travaux sur la future réforme de la fiscalité du patrimoine, avec une table ronde réunissant des professionnels experts de la matière fiscale et qui peuvent être appelés à conseiller leurs clients dans ce domaine.

Il s'agit d'un point de vue que le législateur ne saurait ignorer, tant le système actuel, dans sa complexité, nécessite l'intervention de conseils - pour le meilleur ou pour le pire.

Nous recevons ce matin :

- Pierre Fernoux, maître de conférences à la faculté de droit de Clermont-Ferrand et auteur d'un ouvrage de référence intitulé « La gestion fiscale du patrimoine » ;

- Bernard Monassier, notaire, et vice-président du cercle des fiscalistes ;

- Gervais Morel, fiscaliste, expert comptable, et collaborateur de « la boîte à outils du contribuable » au Figaro économie ;

- et Michel Taly, avocat, président-fondateur de l'institut de politique fiscale, dont les anciennes fonctions à la direction de la législation fiscale lui permettent d'aborder le problème sous plusieurs angles.

Messieurs, nous comptons sur vous pour nous indiquer comment vous appréhendez la réforme de la fiscalité patrimoniale dont le principe a été annoncé par le Président de la République.

Je vous invite à effectuer, l'un après l'autre, une brève présentation liminaire de la façon dont vous concevez cette réforme, en répondant plus spécifiquement aux questions suivantes : pourquoi faire cette réforme ? Quelle forme doit-elle prendre ? Quels impôts devraient être dans son champ et quels résultats peut-on en attendre ?

Je passerai ensuite la parole au rapporteur général et, bien entendu, mes chers collègues, chacun de vous pourra ensuite interroger nos intervenants.

M. Fernoux, vous avez la parole.

M. Pierre Fernoux, maître de conférences à la faculté de droit de Clermont-Ferrand . - L'article XIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 prévoit que la « contribution commune (...) doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». La fiscalité actuelle du patrimoine - correspondant à l'impôt sur le revenu, aux droits d'enregistrement et à l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) - ne se conforme pas à ce principe. Initialement l'impôt sur le revenu, tel qu'il résultait des lois du 15 juillet 1914 et du 31 juillet 1917, consistait en un impôt général et progressif sur l'ensemble du revenu, auquel s'ajoutaient des impôts cédulaires à taux fixe, taxant davantage les revenus du patrimoine (12 %) que ceux du travail (6 %). Le système favorisait donc le travail. Actuellement c'est l'inverse, en raison des prélèvements libératoires sur les revenus et plus-values mobiliers et sur les plus-values immobilières (19 %, soit 31,3 % après prélèvements sociaux). Les agents économiques sont incités à faire des placements plutôt qu'à créer des emplois. Il faudrait, au contraire, inclure l'ensemble des catégories de revenus dans le revenu global, et supprimer les impositions à taux fixe. Selon une étude de 1995, le taux maximal d'un impôt sur le revenu ainsi modifié pourrait être de 38 %.

La fiscalité du patrimoine manque également de cohérence. L'amortissement et les frais d'acquisition peuvent être déduits dans le cas de l'acquisition d'un local en location meublée, mais pas dans celle d'un local nu. Pourquoi, dans ce dernier cas, le contribuable ne peut-il pas déduire l'amortissement, comme le législateur l'avait prévu en 1933 ? La déclaration de revenus fonciers est aujourd'hui trop complexe pour pouvoir être remplie sans faire appel à un spécialiste.

Dans le cas de l'ISF se pose un problème de « confiance légitime ». Le bouclier fiscal vise à inciter certains contribuables à revenir en France ; sa suppression les inciterait à repartir. Supprimer le bouclier fiscal impliquerait, en toute logique, de supprimer l'ISF.

Enfin, les régimes des droits d'enregistrement sont trop nombreux et complexes. On peut transmettre une entreprise de 30 millions d'euros en douze ans en franchise de droits, en recourant au démembrement de propriété : est-ce normal ?

M. Jean Arthuis, président . - Si je synthétise votre intervention, il faut moins taxer le travail, imposer l'ensemble des revenus selon le barème, et, si l'on supprime le bouclier fiscal, également supprimer l'ISF.

M. Bernard Monassier, notaire, vice-président du cercle des fiscalistes . - Le problème concerne l'ensemble de la fiscalité du patrimoine, et non le seul ISF. En France, celle-ci, exprimée en points de produit intérieur brut (PIB), est nettement plus lourde que la moyenne des pays membres de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) ou de l'Union européenne, et que celle de l'Allemagne, le rapport étant de l'ordre de un à trois en moyenne. Je rappelle qu'un bien est imposé lors de son acquisition (droits d'enregistrement), de sa détention (ISF, impôts fonciers) et de sa sortie du patrimoine (plus-values, droits de succession ou de donation). Ceux qui sont les plus habiles peuvent échapper en grande partie à ces impositions, ce qui suscite un rejet de la fiscalité du patrimoine par de nombreux contribuables, et est dangereux pour la démocratie.

Dans le cas des droits d'enregistrement, l'acquisition d'un pavillon en banlieue est imposée au taux de 5,10 %, alors que celle de parts d'un groupement forestier ou agricole l'est au tarif de 125 euros. Il existe 75 régimes différents. C'est formidable pour les spécialistes de la défiscalisation, mais où est la logique ? On veut faciliter l'accès des citoyens à la propriété immobilière, mais les taux sont plus élevés que la moyenne européenne, et l'assiette réduite par de nombreux régimes dérogatoires. Si l'assiette était plus large et les taux plus bas, peut-être aurait-on des recettes plus élevées.

D'autre part, la détention est taxée par l'ISF, mais surtout par les impôts fonciers, qui ne posent pas de problèmes majeurs, si ce n'est l'obsolescence de leurs bases, établies en 1970.

En ce qui concerne la sortie du patrimoine, le régime des plus-values immobilières, dont la réforme est récente, fonctionne assez bien. Cet impôt est simple et prélevé à la source par les notaires. Ses recettes sont bien supérieures à celles antérieures à la réforme. Une simplification et une harmonisation des différents régimes de plus-values (mobilières, immobilières, sur les oeuvres d'art...) seraient cependant souhaitables. Quant aux droits de succession et de donation, ils se caractérisent par une assiette étroite, du fait de nombreux dispositifs dérogatoires, et des taux élevés, ce dont bénéficient les spécialistes de la défiscalisation, mais qui n'est pas économiquement optimal.

S'agissant de l'ISF, il est psychologiquement mal supporté par les contribuables, qui jugent illégitime de devoir acquitter un impôt en l'absence de flux financiers. De plus, il est également structurellement compliqué - ce dont profitent également les spécialistes de la défiscalisation , à cause du vice fondamental qu'est la nécessité d'exclure l'outil de travail de son assiette. L'ISF est la cause première de la délocalisation des contribuables. Le Gouvernement affirme que les délocalisations sont de l'ordre de 300 ou 400 par an. Mais ces chiffres concernent seulement les contribuables antérieurement assujettis à l'ISF et non ceux, absents des statistiques, qui se délocalisent avant de vendre leur entreprise, par exemple à Bruxelles, où ils ne paient ni plus-values, ni ISF. Selon une extrapolation réalisée à partir de mes clients, ce sont plus de 1 000 contribuables qui se délocaliseraient chaque année. Comme leurs enfants partent aussi, et s'installent à l'étranger, ils ne reviendront pas.

Depuis un mois, on assiste à un « concours Lépine de la fiscalité ». Comme certains de mes collègues, j'ai eu au cours de ces trois dernières semaines plus de demandes de délocalisation que lors des treize mois précédents. Mêmes des contribuables disposant d'un patrimoine de 800 000 euros veulent se délocaliser, ce qui est absurde mais est un beau symbole de l'état d'esprit ambiant.

Enfin, il faut simplifier la fiscalité. 7  % des Français jugent les impôts injustes et trop lourds. Pourtant, 50 % ne paient pas l'impôt sur le revenu, 98 % ne paient pas l'ISF, 95 % ne paient pas les droits de succession. Notre fiscalité est à bout de souffle et les Français ne la supportent plus. C'est la démocratie qui est en jeu.

M. Gervais Morel, fiscaliste, expert comptable . - J'aborderai mon propos par l'ISF et le bouclier fiscal avant de faire un parallèle avec l'impôt sur le revenu. D'un point de vue pragmatique, il convient de constater que nos voisins ont supprimé, ou n'ont jamais mis en place, d'impôt sur la fortune. Ils représentent ainsi autant de terres d'accueil à nos portes pour nos concitoyens qui souhaitent délocaliser leur patrimoine. Si cette délocalisation est compliquée pour les « smicards de l'ISF », c'est-à-dire les personnes dont le patrimoine, essentiellement immobilier, peut être estimé entre un et deux millions d'euros, elle est relativement aisée pour les gros patrimoines constitués à 80 % par des supports financiers. La France ne peut pas rester le « dernier des Mohicans ».

S'agissant de la mise en place, en 2006, du bouclier fiscal, il convient également d'être lucide sur la signification du plafonnement de l'impôt à 50 % des revenus : de quels revenus parle-t-on ? Du revenu effectivement perçu ? Du revenu déclaré ? Du revenu imposable ? Il y a quelques années, j'ai écrit un article qui s'intitulait : « la France, nouvel eldorado fiscal ». Je prenais l'exemple d'une personne de 70 ans ayant aliéné à titre onéreux son patrimoine pour encaisser une rente : sur un revenu réel de 100, cette personne a un revenu taxé à 30 et son bouclier est à 15, soit 15 % de son revenu réel !

Dans un autre article relatif à la stratégie patrimoniale, j'ai démontré qu'un contribuable, ancien chef d'entreprise qui avait vendu son activité pouvait diminuer considérablement son taux d'imposition : schématiquement, en percevant 300 000 euros, il pouvait réduire sa base imposable à hauteur de 76 000 euros et donc payer un montant d'impôt maximal de 38 000 euros, soit 12,7 % de ses revenus réels : on est loin des 50 % ! Pas un seul pays en Europe n'offre un mécanisme aussi efficace ! De surcroît, ces stratégies sont réservées à ceux qui ont d'importants patrimoines financiers et immobiliers, et donc à ceux qui n'ont pas d'activité. In fine , le bouclier fiscal est un mauvais mécanisme qui privilégie ceux qui ne travaillent pas.

Pour l'ensemble de ces raisons, l'ISF et le bouclier fiscal devraient être supprimés. Au demeurant, ne nous faisons pas d'illusions ; le détricotage du bouclier a déjà commencé. L'instabilité fiscale étant ce qu'elle est en France, les personnes qui ont su profiter du bouclier ont d'ores et déjà compris que sa pérennité était remise en cause et ont modifié leur stratégie patrimoniale.

La suppression de ces dispositifs pose la question des contreparties, même si le rendement de l'ISF n'est pas très important, à peine 3,5 milliards d'euros.

M. Jean Arthuis, président . - Quatre milliards si l'on tient compte des redressements opérés du fait des régularisations opérées après l'obtention de listes de clients de certaines banques suisses...

M. Philippe Marini, rapporteur général . - Aujourd'hui, nous parlons de 3,5 milliards d'euros, mais, compte tenu de la remonté de la bourse, nous pouvons nous attendre, d'ici la fin de l'année, à devoir identifier davantage de recettes pour pouvoir compenser la suppression de l'ISF

M. Gervais Morel . - S'agissant de la question des contreparties, je crois qu'il est nécessaire de revoir notre impôt sur le revenu. Le XXI e rapport du Conseil des impôts avait souligné avec dureté la complexité et l'iniquité de notre système fiscal. La déclaration de base des revenus représenterait quatre pages en 2012, et la complémentaire DOM-TOM six pages, c'est incompréhensible !

La remise à plat pourrait s'appuyer sur les propositions suivantes :

- une redéfinition des modalités du quotient familial qui permet de réduire sensiblement la progressivité de l'impôt sur le revenu : un couple marié avec deux enfants ayant un revenu fiscal annuel de 37 000 euros obtient un gain fiscal de 1 339 euros, alors qu'un foyer fiscal ayant la même composition familiale mais un revenu fiscal deux fois supérieur bénéficie d'un avantage fiscal de 6 695 euros, soit trois fois plus important ! Qu'est ce qui justifie cette différence ? Il conviendrait d'instaurer un crédit d'impôt identique pour tous ;

- une remise en cause des avantages acquis, notamment de l'abattement pour frais professionnels dont bénéficient les personnes retraités alors même qu'elles n'engagent plus ce type de frais, par définition ;

- un alignement de la taxation des revenus du capital immobilier et financier sur ceux du travail. Comment justifier qu'un contribuable qui travaille soit imposé jusqu'à la tranche marginale de 41 %, alors qu'un contribuable qui perçoit des revenus financiers n'est imposé qu'à hauteur de 19 %, soit 22 points d'écart ?

- la suppression de l'avantage fiscal au titre de l'amortissement des biens immobiliers. La France doit être le seul pays à constater la dépréciation d'un bien dont la valeur s'apprécie chaque année dans la majorité des cas !

M. Michel Taly . - Faut-il supprimer l'ISF ? Ou, dit autrement, est-ce que nous avons encore des finalités de politiques fiscales qui justifient que nous conservions un impôt sur la fortune ? Mon opinion a fortement évolué depuis les années 1970 :

- de 1975 à 1981, j'ai cru à cet impôt. Sa mise en place répondait aux objectifs qu'on assignait alors à un impôt sur la fortune, à savoir réduire les inégalités de patrimoine, optimiser l'allocation des actifs et corriger les imperfections de l'impôt sur le revenu. Par ailleurs, à cette époque, le contexte était profondément différent, la mondialisation économique comme l'emprise de l'Union européenne étant encore faibles ;

- à la fin de 1981, l'impôt sur les grandes fortunes (IGF) a été créé, la seule exonération décidée étant alors celle portant sur l'outil professionnel, les lignes de titres n'étant pas considérées comme tel ;

- au printemps 1982, par décision ministérielle, l'IGF sur les biens professionnels, définis comme la possession de plus de 25 % des lignes de titres et l'exercice d'activités dirigeantes, a été suspendue. Mes interrogations ont commencé à naître : qu'en était-il de la réduction des inégalités souhaitée ? Qu'en était-il d'une meilleure allocation des actifs alors que l'on mettait en place une série d'exonérations ou d'abattements ? Il ne restait qu'une correction à la marge des imperfections de l'impôt sur le revenu ;

- en 1988, dès le début de la législature, la question de la restauration d'un impôt sur la fortune a été débattue. J'étais alors conseiller fiscal du Premier ministre, Michel Rocard. Nous avions fait un sondage auprès des entreprises pour connaître le taux maximal supportable sans abattement ou exonération - en particulier des biens professionnels. Il est apparu que ce taux était de 0,3 % mais le Premier ministre n'a pas souhaité le retenir car, du fait même de sa faiblesse, il aurait vite été majoré. Compte tenu du caractère pluriel de la majorité à l'époque, le Gouvernement a concédé à la fois des taux élevés et un plafonnement de l'impôt en fonction des revenus - afin que personne ne paie les taux affichés. Ceci était un compromis pour le moins insatisfaisant car un impôt sur le stock plafonné en fonction du flux n'a pas de sens. Ce jour là, j'ai cessé de croire à l'utilité de l'ISF.

Quelle contrepartie faudrait-il trouver à une éventuelle suppression de cet impôt ? Ma première remarque est que cette compensation doit concerner les seuls contribuables auparavant soumis à cet impôt. Ma seconde remarque rejoint les débats actuels sur la création ou non d'une tranche marginale d'impôt sur le revenu. Le problème de l'impôt sur la fortune pour les plus riches n'est pas tant le taux que l'assiette. Par exemple, comment prendre en compte l'inflation s'agissant des coupons obligataires, ou, s'agissant des dividendes, le montant payé d'impôt sur les sociétés ?

Le vrai problème d'assiette concerne les revenus non distribués : contrairement à ceux qui militent pour une moindre taxation des revenus non distribués, je crois que le régime d'imposition de ces derniers devrait être revu à la hausse. Les patrimoines les plus importants comportent de nombreux dividendes qui ne sont pas versés à leurs détenteurs - qui n'en ont pas besoin - et qui sont laissés dans des structures intermédiaires. Il me semble qu'il devrait y avoir une taxation sur ce stock de capital financier, soit de manière forfaitaire comme le font les Néerlandais, soit au réel en fonction de l'accroissement de la valeur annuelle de ce stock. Dans cette hypothèse, l'imposition des plus riches serait effective.

Thomas Piketty pense avoir résolu le problème car il taxe des contribuables virtuels...

M. Philippe Marini, rapporteur général . - L'Homo economicus, construit par les professeurs...

M. Michel Taly . - Il fait l'hypothèse que chacun perçoit l'ensemble de ses revenus, ce qui est faux, tous les revenus n'étant pas distribués. Et, pour en revenir à l'ISF, si on avait été raisonnable sur le taux, nous n'aurions pas eu de problème d'assiette.

M. Jean Arthuis, président . - Je remercie nos intervenants pour les éclairages qu'ils nous ont apportés sur la fiscalité du patrimoine. Nous sommes conscients qu'il n'est pas simple de réformer un aspect seulement de la fiscalité, car celle-ci forme un tout et il est difficile d'isoler patrimoine, revenus et consommation.

Vous êtes tous des praticiens et vous pouvez nous confirmer que vous constatez des mouvements de délocalisation du patrimoine au quotidien, contrairement à ce que l'on entend parfois ici ou là. Avez-vous le sentiment que cette tendance s'accélère depuis quelques semaines ?

M. Pierre Fernoux . - Le rapport de la commission Fouquet, publié il y a quelques années, avait pointé l'un des problèmes principaux : celui de la confiance légitime dans le système. Le rapport concluait à cet égard que la norme fiscale, pour susciter la confiance, la compréhension et l'acceptation des contribuables, doit avoir une durée de vie moyenne de cinq années. Or cette préconisation n'est pas appliquée dans notre pays, qui se caractérise par une très grande instabilité fiscale. Cette dernière mine la confiance des contribuables qui ont du mal à s'y retrouver et qui craignent des retournements incessants de la législation fiscale. Par voie de conséquence, ces personnes préfèrent quitter la France et n'y reviendront pas tant qu'on continuera à leur promettre tout et son contraire. Ainsi que le disait M. Monassier, il faut prendre en compte, à cet égard, l'impact très significatif des départs dus à des anticipations des hausses d'impôts.

M. Philippe Marini, rapporteur général . - Comme l'a souligné le président Arthuis, nous avons été éclairés par vos observations. Cela dit, je ne suis pas certain que nous ayons avancé sur le chemin de la réforme.

Si l'on me permet un petit aparté, pour reprendre les propos de M. Taly, je dirais que je suis devenu « mitterrandien » sur un point. Dans la mesure où je pense que l'on ne pourra pas supprimer l'ISF dans le cadre de la réforme à venir, je suis très attaché à la conception d'une exonération totale des biens professionnels, avec la vision la plus large possible, et d'une exonération des oeuvres d'art, afin de ne pas favoriser l'hémorragie artistique de notre pays.

Je voudrais désormais poser une question à l'ensemble de nos intervenants. Pensez-vous vraiment que cela ait un sens d'effectuer une réforme de l'imposition du patrimoine sans exprimer une vision claire de la réforme fiscale globale ?

Il faut bien sûr se pencher très attentivement sur la contrepartie de la suppression de l'ISF ou de son aménagement, compte tenu de la situation catastrophique actuelle de nos finances publiques. On ne peut pas se permettre une deuxième « usine à gaz » telle que l'a été la réforme irresponsable de la taxe professionnelle, qui alourdit le déficit de quelque 5 milliards d'euros par an !

Peut-on réellement réaliser une véritable réforme de l'imposition du patrimoine sans la replacer dans le cadre cohérent d'une stratégie fiscale globale ? Peut-on traiter le sujet de la fiscalité des possédants sans se poser la question de la société dans laquelle on veut vivre et du modèle fiscal qui doit la représenter ? J'attends donc que vous nous apportiez votre vision sur ce point.

S'agissant des deux éventualités qui s'offrent à nous, soit nous décidons de supprimer l'ISF, le bouclier fiscal et nous relevons le rendement de l'impôt sur le revenu à due concurrence, avec en outre quelques aménagements éventuels. C'est la solution que nous avons préconisée au Parlement depuis trois ans. Cette réforme, qui serait une réforme fiscale majeure, je vous le demande à nouveau, a-t-elle un sens si elle est déconnectée d'une stratégie fiscale globale ?

Soit l'on cherche à être constructif tout en faisant preuve de pragmatisme, et nous recherchons alors un compromis. Pensez-vous qu'un tel compromis soit possible ? Le fait de sortir de l'ISF la première tranche actuelle, réglant ainsi la question sensible de la résidence principale pour un grand nombre de personnes, de supprimer le bouclier fiscal et ses dérives dans une période de hausse inévitable des taux de prélèvements obligatoires, avec pour seule contrepartie le retour au plafonnement de 1988 : un tel aménagement, financé par des ajustements reposant sur les mêmes types de contribuables, vous semble-t-il faisable ? Dans ce cadre, si nous devons trouver des recettes de l'ordre de 1,5 à 2 milliards d'euros, quelles seraient vos préconisations ?

Enfin, compte tenu de l'état d'esprit de vos clients et de l'instabilité fiscale que vous avez décrite, pensez-vous qu'il vaille vraiment la peine de faire quelque chose en 2011 ? L'action d'une majorité en fin de législature sera-t-elle susceptible d'inspirer suffisamment de confiance à vos clients pour les convaincre de ne pas se délocaliser ?

M. Michel Taly . - Sur la question de la réforme globale, je répondrai que tout est dans tout et réciproquement. Il faut bien avancer cependant. Il manque en France, de façon générale, un travail de pédagogie et d'explication des finalités de nos réformes. Cela nuit à la cohérence d'ensemble du système.

M. Jean Arthuis, président . - L'horizon fiscal gagnerait à être dessiné...

M. Michel Taly . - Dès lors, les contribuables éprouvent des difficultés à percevoir de la cohérence et de la stabilité, là où ils ne rencontrent qu'instabilité et complexité. Je regrette profondément que nous ne soyons pas capables, en France, d'établir des compromis bipartisans tels qu'on peut en trouver en Allemagne, par nécessité. Cela pourrait redonner de la confiance. La seule fois où nous y sommes parvenus fut pour la réduction des taux d'impôt sur les sociétés, réforme entamée par une majorité, poursuivie par une autre, et achevée par la nouvelle alternance. Dans le cas présent, il est indéniable que nous aurions besoin d'un compromis. Cela semble difficile avant les prochaines élections. En attendant, on peut procéder à travers des mesures limitées et espérer qu'elles soient cohérentes avec ce qui se fera après.

Sur la question des compensations de recettes, il convient de séparer totalement ce qui relève de l'immobilier et ce qui relève du domaine financier. Dans le domaine immobilier, le revenu est taxé comme les autres revenus, au barème. De plus, les plus-values connaissent une taxation atténuée pour tenir compte de l'inflation, de façon tellement forfaitaire qu'il y aurait sans doute des choses à changer.

Au contraire, avec les revenus financiers, il existe des difficultés liées aux taux, qui ont été précédemment soulignées par mes confrères. En outre, je maintiens qu'il existe un vrai problème au niveau des plus hauts revenus du fait de la non-redistribution. De ce point de vue, je ne dispose pas des bases de données suffisantes pour effectuer des simulations sur le rendement qu'une taxation accrue pourrait rapporter.

Une réforme d'une telle ampleur ne pourra en tout cas pas se faire d'ici la loi de finances rectificative. Nous aurons vraisemblablement du mal à réaliser une réforme globale dans le délai imparti avant la prochaine élection présidentielle. D'où la nécessité de procéder en deux temps.

M. Bernard Monassier . - Pour ma part, j'estime, tout d'abord, qu'une réforme globale est nécessaire mais qu'elle n'est pas envisageable actuellement. D'autre part, une réforme à quelques mois des élections prend le risque de déboucher sur un échec du point de vue psychologique, si nous aboutissons à une réforme a minima qui ne satisferait personne.

De plus, les contribuables resteront inquiets sur l'avenir, se demandant ce qui les attendra au-delà des élections. Comme Michel Taly, je pense que l'imposition sur le patrimoine est tellement importante et a tant de conséquences qu'elle justifierait un consensus politique sur les finalités de la réforme, précisant l'objectif recherché, notamment au niveau des trois assiettes à l'entrée, à la détention et à la sortie. Par exemple, par rapport à la concurrence internationale, nous devrions nous demander quel pourcentage du PIB doit représenter la taxation du patrimoine en France, à quel moment on le taxe et comment on le taxe.

Sans consensus, je pense que l'inquiétude des contribuables se renforcera, ce qui serait dramatique, car le départ des chefs d'entreprise s'accompagne du départ de leurs familles, autant de personnes qui consommeront et investiront ailleurs qu'en France. C'est un exil des forces vives du pays, sans retour. Je crois que nous avons besoin de simplification. Mais je ne pense pas qu'une telle réforme soit faisable avant les élections, à moins d'une union nationale...

M. Gervais Morel . - J'avoue ressentir un certain malaise. Ma vision est certainement moins macroéconomique ou macrofiscale que la vôtre. J'éprouve un certain découragement, car cela fait quarante ans que l'on attend la réforme fiscale, qui nous est régulièrement promise par le pouvoir politique à chaque nouvelle législature. Cependant, au bout du compte, aucune réforme structurelle n'est entreprise, tandis que le « millefeuille » continue à prospérer.

Les propos de M. Marini m'inquiètent. En effet, si l'on ne supprime pas l'ISF, je ne vois pas comment on pourrait supprimer le bouclier fiscal. Car on sait que le bouclier profite aux très gros patrimoines, que l'on veut garder en France. On a mis en place ce bouclier pour éviter l'exil fiscal. Dès lors, on en restera au système défaillant actuel, qui relève à mon avis de l'escroquerie. Je vous rappelle que, lorsque le bouclier a été créé en 2006, Bercy indiquait qu'il profiterait à 235 000 contribuables. On sait aujourd'hui que seuls 15 000 à 17 000 en bénéficient, et que 60 % de la restitution est absorbée par 6 % des contribuables, soit ceux qui possèdent au moins 100 millions d'euros de patrimoine.

De fait, la réforme à minima telle que vous la décrivez ne ferait que créer une tranche de millefeuille supplémentaire, c'est-à-dire de complexité. Je vous fais donc part de ma perplexité. Une fois de plus, comme le disait un économiste américain, les hommes politiques pensent davantage à la prochaine élection qu'à la prochaine génération, ce qui est franchement regrettable.

Nous parlions des dividendes tout à l'heure. Pour trouver des recettes, on pourrait s'inspirer d'une solution assez simple. Il y a quelques années, une réforme intelligente avait été mise en oeuvre. Celle-ci prévoyait que, lorsqu'une société faisait des bénéfices, elle payait l'impôt. Au contraire, lorsqu'une société distribuait des bénéfices, on lui permettait de réduire les dividendes distribués. Elle récupérait donc l'impôt qu'elle avait payé et on ne taxait que le bénéficiaire final dans le cadre de l'impôt sur le revenu. Cependant, cette réforme a été supprimée afin d'éviter la double imposition.

Pour trouver des recettes, on pourrait donc s'inspirer d'anciennes mesures. Il existait ainsi, autrefois, des mécanismes qui s'appliquent toujours dans un cas, à savoir la retenue à la source valant crédit d'impôt. Cela signifie que, pour les holdings intermédiaires dont mes confrères parlaient tout à l'heure, qui permettent de stocker les dividendes, on procède à une retenue à la source qui permet à l'État d'engranger des recettes fiscales provisoires. Ces dernières se réajustent au moment où le revenu est réellement encaissé. A ce moment-là, la mise en place d'une imposition globale est identique pour tous.

Ce système n'existe plus aujourd'hui que pour les bons de caisse nominatifs. Il existait auparavant sur les revenus d'obligation, où le fait de décaisser un tel revenu permettait à l'État de prélever à la source un certain pourcentage. Ensuite, quand le revenu passe dans le barème progressif de l'impôt sur le revenu, la taxation devient définitive et la retenue à la source est imputée sur l'impôt à payer.

C'est un mécanisme simple que l'on pourrait généraliser. Ainsi, les très gros patrimoines dispensés d'ISF ne seraient pas dispensés d'un minimum d'impôt sur les revenus de ce patrimoine. Par exemple, lorsque des dividendes distribués tomberaient dans une holding intermédiaire, ils éviteraient la taxation immédiate à l'impôt sur le revenu, mais on pourrait exiger de la société distributrice une retenue à la source qu'elle pourrait récupérer plus tard, quand elle appréhenderait ce revenu.

J'estime donc que trouver des recettes pour remplir les caisses de l'État est possible dès lors que l'on fournit l'effort d'initier une véritable réforme fiscale, que j'attends pour ma part depuis quarante ans.

M. Pierre Fernoux . - Obtenir un consensus n'est pas forcément impossible, sur la base de principes tels que l'imposition de tous les revenus au barème ou le traitement de l'argent « dormant ». Songez que le montant de l'épargne captée par l'assurance-vie est de l'ordre de 1 200 milliards d'euros et voyez donc ce que représenterait un prélèvement de 1 % seulement sur ces encours !

M. Michel Taly . - L'assurance-vie permet de financer les entreprises et les déficits publics !

M. Pierre Fernoux . - Certes, mais l'épargnant n'investit pas lui-même son argent dans l'économie. Et il y a quand même de réels abus. J'ai ainsi vu des assureurs solliciter des propriétaires de logements locatifs, en leur demandant de céder leurs biens afin de placer les fonds correspondants sur des contrats d'assurance-vie qu'ils avaient conçus à cet effet, avec un système de retraits programmés leur assurant le même revenu que les loyers qu'ils encaissaient, mais avec une fiscalité privilégiée, n'excédant pas 3 % de leurs gains. Ce n'est pas normal !

M. Jean Arthuis, président . - Nous devrons sans doute mettre un terme aux spécificités de l'épargne administrée et des plans d'épargne en actions (PEA).

M. Pierre Fernoux . - Le comité des abus de droit s'est récemment penché sur cette question...

M. Philippe Marini, rapporteur général . - Il faudra pourtant bien que des gens achètent des actions, surtout après l'entrée en vigueur de Bâle III et de la directive dite « Solvabilité II »...

M. Pierre Fernoux . - Vous avez raison, mais il faut traiter le sujet des abus de droit. En effet, l'objet de la législation relative au PEA est actuellement détourné par de nombreux montages.

D'autre part, les « niches fiscales » ont aujourd'hui mauvaise presse. Certes, certaines niches ont pu atteindre le but économique ou social qui leur a été assigné par le législateur mais il faut bien constater que les intermédiaires captent souvent une forte proportion de l'effort financier de l'Etat, en surfacturant leur prestation grâce à cette incitation. J'ai ainsi vu un prestataire prendre 400 000 euros de frais sur un investissement de 1 million d'euros...

J'en conclus que certains faits sont si parlants qu'une réforme « intelligente » pourrait recueillir un certain consensus politique.

M. Serge Dassault . - J'aimerais que M. Monassier nous détaille ses constats en matière d'exils fiscaux provoqués par l'ISF. Peut-il confirmer que ces départs ont provoqué des pertes économiques, et même fiscales, bien supérieures au produit de l'ISF ? Et quels actifs pourraient revenir en France en cas de suppression de l'ISF ?

En tout cas, si nous ne nous engageons pas dans cette voie, les capitaux productifs feront bientôt gravement défaut à la France.

M. François Marc . - Sans verser dans la nostalgie, quand je me souviens de Mai 68 et de l'esprit qui a guidé les réformes fiscales du début des années 1980, je trouve ces périodes plus constructives que celle que nous vivons...

Plus concrètement, il me semble sain de partir des principes fixés par l'article XIII de la Déclaration de 1789 : chacun doit participer au financement des charges communes à raison de ses capacités contributives. Dès lors, il est possible d'agir, en allant au-delà des slogans du type « tel impôt étant impopulaire, supprimons-le ».

La démarche tracée par les économistes Camille Landais, Thomas Piketty et Emmanuel Saez dans leur dernier ouvrage est bonne. Il faut rendre accessible à tous les moyens d'appréhender la matière fiscale afin d'enrichir le débat démocratique sur un sujet essentiel.

Au bout du compte, si la réforme à venir est juste, nous ne la combattrons pas. Nous pourrions peut-être même, d'ailleurs, dégager un consensus sur une évolution de l'impôt sur les sociétés, qui frappe actuellement beaucoup plus, en termes relatifs, les petites et moyennes entreprises que les grands groupes.

Mme Marie-France Beaufils . - J'ai apprécié les éléments de réflexion qu'ont apportés les différents intervenants. Pour ma part, je considère qu'une refonte globale de la fiscalité est nécessaire. Nous devons nous demander à quoi sert l'impôt, que nous contribuons à rendre impopulaire avec les réformes qui se succèdent.

D'autre part, je voudrais rappeler à Serge Dassault que les salariés les plus modestes sont, eux aussi, lourdement taxés par un impôt qui s'appelle la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Au-delà des taux apparents, nous devons nous intéresser à la manière dont les impôts, pris dans leur ensemble, pèsent réellement sur chaque catégorie de la population.

Enfin, l'impôt traduit une vision de la société et je doute qu'il soit possible de dégager un consensus entre nous sur cette question. Je souhaite, moi aussi, que soit respecté l'article XIII de la Déclaration de 1789 mais je n'en fais sans doute pas la même interprétation que vous. Je suis ainsi surtout frappée par la panoplie de moyens existants pour échapper à l'impôt, dont la presse du jour rend abondamment compte.

M. François Fortassin . - J'estime également que la fiscalité doit respecter pleinement les grands principes exposés par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Nous devons nous demander à quoi sert l'impôt, comment est assurée sa progressivité et comment sa construction répond au besoin d'équité de nos concitoyens. Ce n'est que sur ces bases que nous pourront calmer les craintes qui s'expriment.

Je suis quand même frappé par le fait que, bien souvent, ceux qui peuvent payer l'impôt souhaitent s'y soustraire alors même que ceux qui voudraient bien payer l'impôt ne le peuvent pas, faute de revenus suffisants... Et je me demande donc si notre problème majeur est vraiment l'exil fiscal de quelques-uns, ou bien plutôt le niveau des déficits que la collectivité devra bien financer.

M. Jean Arthuis, président . - Certes, mais nous devrions surtout dépenser moins...

M. François Fortassin . - ... ou bien remplir les caisses ! Personnellement, je suis content de payer des impôts.

M. Bernard Monassier . - Pour revenir à la question de M. Dassault, l'estimation d'un millier d'exilés fiscaux n'est qu'une extrapolation à partir des données de mon cabinet et de celui de quelques confrères. De plus, les personnes qui partent détiennent généralement un capital supérieur à 20 ou 30 millions d'euros et sont donc assujettis à la tranche supérieure du barème de l'ISF. Depuis 1996, c'est donc une masse fiscale très importante qui a quitté le territoire.

Au-delà, nous ne devons pas croire que les riches sont assez nombreux et assez riches pour anéantir le déficit. Même en les taxant à 100 %, ce qui, de toute façon, ne se peut pas dans un monde ouvert, nous n'y parviendrions pas.

Il faudrait donc revenir à la raison plutôt que construire des impôts à taux facial élevé assortis de multiples échappatoires, bref revenir à la vision d'un impôt destiné à financer les charges publiques plutôt qu'à remplir des fonctions multiples.

Je voudrais enfin ajouter que les départs de contribuables à l'étranger, loin d'être anodins, sont graves pour la France. Ils traduisent un état d'esprit décourageant et, à la longue, vident le pays de sa substance économique et créatrice. Les impôts sont nécessaires, certes, mais ils ne doivent jamais être insupportables pour les assujettis.

M. Michel Taly . - Il faut bien distinguer deux problématiques :

- d'une part, celle du financement des déficits dont l'ampleur exige des réponses sur les « grandes masses » des impôts - et des contribuables, ainsi qu'une action sur le niveau des dépenses ;

- d'autre part, celle de l'équité, qui relève d'une autre logique, que certains parlementaires ont soulevée au cours de ce débat.

Comme l'a dit M. Monassier, il y a trois manières de taxer le capital : la détention annuelle, sur laquelle la réflexion est engagée, les plus-values et les transmissions à titre gratuit. La France a fait le choix de frapper lourdement ces trois éléments puis, comme ce système était insupportable, de créer des niches permettant d'y échapper. Cela a surtout créé de l'inéquité et une taxation faible pour les contribuables ayant les moyens de rémunérer des conseils.

A l'avenir, la confiance ne pourra naître que de la clarté sur les intentions du législateur et surtout de la stabilité du droit fiscal.

M. Pierre Fernoux . - Une étude du centre d'études des revenus et des coûts avait montré, en 1996, que le taux de prélèvements obligatoires frappant le décile le plus favorisé de la population s'élevait à 40,8 %, contre plus de 43 % pour le dernier décile, ce qui pose quand même un réel problème d'équité.

Il faut donc changer cela, et, en outre, favoriser les professionnels, qui créent de la richesse pour la société, plutôt que l'argent « dormant ».

M. Philippe Marini, rapporteur général . - On taxera les personnes âgées...

M. Jean Arthuis, président . - Je pense aussi que la fiscalité est un tout et qu'en particulier, tout impôt est, in fine, payé par les ménages, ne serait-ce que par le prix des produits qu'ils consomment.

M. Michel Taly . - Absolument.

M. Jean Arthuis, président . - Espérons que nous pourrons déboucher sur un consensus, à partir de constats raisonnables.

Messieurs, je vous remercie pour votre éclairage.

D. TABLE RONDE SUR LES PRODUITS D'ÉPARGNE : L'AUDITION CONJOINTE DE MM. PIERRE BOLLON, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL DE L'ASSOCIATION FRANÇAISE DE GESTION FINANCIÈRE (AFG), BENOÎT MAËS, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE GROUPAMA GAN VIE, HERVÉ SCHRICKE, PRÉSIDENT DE L'ASSOCIATION FRANÇAISE DES INVESTISSEURS EN CAPITAL (AFIC), ET PATRICK SUET, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE (30 MARS 2011)

La commission procède à l'audition conjointe de MM. Pierre Bollon, délégué général de l'association française de gestion financière (AFG), Benoît Maës, directeur général de Groupama Gan Vie, Hervé Schricke, président de l'association française des investisseurs en capital (AFIC), et Patrick Suet, secrétaire général de la Société générale, en vue de la préparation du projet de loi de finances rectificative sur la fiscalité du patrimoine .

M. Jean Arthuis, président . - Pour cette table-ronde sur la réforme de la fiscalité du patrimoine, j'ai le plaisir d'accueillir MM. Pierre Bollon, délégué général de l'association française de gestion financière (AFG), Benoît Maës, directeur général de Groupama Gan Vie, Hervé Schricke, président de l'association française des investisseurs en capital (AFIC) et Patrick Suet, secrétaire général de la Société générale.

Messieurs, comment appréhendez-vous la réforme de la fiscalité du patrimoine, notamment à la lumière des premières pistes annoncées par le Gouvernement au cours du colloque organisé à Bercy le 3 mars ?

Quels doivent être les objectifs de la réforme, et son ampleur ? Quelles pistes retenir et quelles mesures écarter absolument ? Quel pourrait être 1'impact de cette réforme sur les produits d'épargne, et donc sur le financement de l'économie ?

M. Pierre Bollon, délégué général de l'association française de gestion financière (AFG) . - L'AFG regroupe environ 500 sociétés de gestion, dont 200 auprès des banques et des assurances et 300 entrepreneuriales, qui représentent environ 13 000 emplois directs et 70 000 emplois indirects, dont le seul métier est de gérer l'épargne des particuliers et des institutions.

A grands traits, nous faisons le constat suivant : en pratique, la fiscalité du patrimoine est déjà modifiée chaque année, ce qui est d'ailleurs une contrainte certaine dans notre métier et pour les épargnants. Cependant, les changements ne paraissent pas obéir à une stratégie politique visant à guider des choix de collecte et d'usage de l'épargne mais semblent plutôt répondre à des besoins ponctuels de trésorerie de l'Etat. Pour notre part, nous serions enclins à proposer deux critères pour apprécier une politique publique de l'épargne : l'objectif de collecter une épargne longue et l'apport direct au financement des entreprises. Certains produits d'épargne sont mieux à même de remplir ces objectifs, en particulier ceux qui s'attachent à l'épargne salariale et l'épargne retraite, comme le plan d'épargne pour la retraite collectif (Perco).

M. Philippe Marini, rapporteur général . - Vous êtes favorable à ce que la loi dise aux gens comment ils doivent épargner, et pour quoi faire...

M. Pierre Bollon . - De fait, je crois que la fiscalité peut orienter l'épargne vers des finalités plus utiles que d'autres - on a parlé à ce propos « d'épargne fertile » et je crois utile de mettre en place une sorte de « clause de l'épargne la plus favorisée ». Ainsi, les investissements les plus productifs ne devraient pas être discriminés par rapport à l'immobilier par exemple, comme c'est le cas actuellement.

M. Benoît Maës, directeur général de Groupama Gan Vie . - En tant que praticien, je m'attacherai à vous dire ce qui motive à souscrire un contrat d'assurance vie, et ce que nous faisons de l'épargne collectée. Je suis frappé de constater que, dans le débat public sur la fiscalité, l'assurance-vie apparaît bien souvent comme une variable d'ajustement. Or elle mérite mieux et les décisions fiscales peuvent avoir des effets très importants, qui peuvent s'éloigner de l'objectif poursuivi par les pouvoirs publics.

Le cadre fiscal de l'assurance-vie est stable depuis 1998, ce qui nous laisse suffisamment de recul pour porter un jugement sur son efficacité. Ce cadre est censé favoriser l'épargne longue, puisque le prélèvement passe progressivement de 35 % en deçà de quatre ans, à 15 %, entre quatre et huit ans, et à 7,5 % au-delà de huit ans. Les chiffres montrent le succès de cette politique : l'encours des contrats d'assurance-vie est passé de 500 milliards d'euros en 1998 à 1 300 milliard aujourd'hui ; 15 millions de nos compatriotes détiennent un contrat, dans toutes les catégories socioprofessionnelles - la moitié des agriculteurs ont souscrit une assurance vie -, pour un encours moyen de 14 000 euros par contrat. En outre, il s'agit bien d'une épargne longue puisque les deux tiers des contrats datent de plus de huit ans et qu'un sur cinq dépasse même vingt ans. Avec l'assurance-vie, nos compatriotes ont donc trouvé un outil d'épargne de précaution, mais aussi un moyen de préparer leur retraite et de transmettre leur patrimoine dans les meilleures conditions possibles. Les fonds collectés sont allés prioritairement vers les entreprises : ainsi, 56 % des actifs des compagnies vie sont investis en actions ou obligations émises par des entreprises, dont 17 % - soit 285 milliards d'euros - en actions. Le solde a été prioritairement investi vers des obligations d'Etat, ce qui permet de financer la dette publique. L'Etat, de son côté, collecte en moyenne cinq milliards d'euros de prélèvements fiscaux et sociaux par an sur l'assurance vie.

On peut donc dire que l'assurance-vie a bien mis en relation l'épargne des ménages et les besoins de financement de l'économie. Cependant, l'hypothèse, annoncée depuis maintenant quelques semaines, de prélever un milliard d'euros supplémentaire sur les contrats d'assurance-vie inquiète les épargnants, de sorte que, depuis trois mois, nous constatons que l'encours a cessé de croître, pour la première fois depuis 1998. Cette perspective de pression fiscale plus forte vient au moment où les rendements de contrats d'assurance vie ont diminué, ce qui ajoute au découragement des épargnants.

M. Jean Arthuis , président . - Il ne faudrait y toucher que d'une main tremblante...

M. Philippe Marini, rapporteur général . - De quelle alternative disposent les épargnants ?

M. Benoît Maës . - Sans même évoquer la délocalisation, ils peuvent être tentés par l'achat d'or, d'oeuvres d'art, ou encore par des placements immobiliers. Ce qui compte, c'est que, au-delà des assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) aujourd'hui visés, l'ensemble des souscripteurs à l'assurance-vie peuvent se décourager de fait de ce « message » d'instabilité, au détriment du financement de l'économie.

M. Hervé Schricke, président de l'association française des investisseurs en capital (AFIC) . - Mon point de vue sera orienté vers l'emploi, puisque l'investissement en capital va d'abord aux petites et moyennes entreprises (PME), qui sont, dans notre pays, la principale source de création d'emplois. Il faut prendre en compte la concurrence internationale, en particulier la situation de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis, qui ont autorisé le visa pour l'installation d'entrepreneurs accompagnés de « business angels » et où l'impôt sur les sociétés est moindre que chez nous.

M. Philippe Marini, rapporteur général . - Mais en Grande-Bretagne, les plus hauts revenus sont taxés à 50 %, jusqu'en 2013...

M. Hervé Schricke . - Les nouvelles règles prudentielles, ensuite, vont pénaliser l'apport direct de capital dans les entreprises par les banques et les compagnies d'assurance : elles apportaient traditionnellement la moitié du capital investissement, mais leur participation a chuté de 80 % entre 2008 et 2010. C'est un tournant majeur !

Le capital développement, par lequel un investisseur abonde directement les fonds propres d'une entreprise, est en constante augmentation, progressant de 20 % depuis 2006, alors que le capital risque est stable, à son niveau de 2007 et qu'il est abondé aux deux tiers par les particuliers, à travers notamment les fonds d'investissement de proximité (FIP) et les fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI), mais aussi la réduction d'impôt dite « ISF-PME ». Il est à noter que les capitaux drainés grâce à l'ISF-PME ont diminué dans notre activité, en raison de la différence de traitement fiscal entre nos fonds d'une part, et l'investissement direct ou au travers de holdings d'autre part.

M. Philippe Marini, rapporteur général . - L'ISF-PME, de votre point de vue, ne représente donc qu'un avantage marginal ?

M. Hervé Schricke . - Oui, mais pour la raison que je viens de vous exposer.

Notre métier consiste donc à orienter de l'épargne longue vers les fonds propres des entreprises, et d'abord des PME. Nous serions favorables, du reste, à ce que tout avantage fiscal sur l'épargne ait une contrepartie en matière d'emploi, via , par exemple, la participation aux fonds propres des entreprises.

Les nouvelles règles prudentielles, qu'il s'agisse des normes bancaires dites « Bâle III » ou de la directive n° 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice (dite « solvabilité II »), vont pénaliser durement l'investissement direct dans l'entreprise, il faut s'y préparer et nous faisons plusieurs propositions pour compenser cette restriction. En particulier, nous proposons de doter les contrats d'assurance-vie en unités de compte d'avantages nouveaux à l'entrée et de renforcer l'incitation Madelin pour les investissements orientés vers l'innovation.

M. Patrick Suet, secrétaire général de la Société générale . - Le banquier est un intermédiaire entre les dépôts des clients et les besoins des entreprises, sans avoir prise sur la réglementation fiscale. Le contexte nous rend cependant très inquiets dans la mesure où le déficit public est très élevé, où notre fiscalité de l'épargne est déjà quatre fois plus lourde que celle de l'Allemagne et où l'évolution des règles prudentielles va bouleverser les conditions de financement des entreprises. En effet, les banques et les compagnies d'assurance, obligées d'adosser davantage leur participation, seront moins enclines à investir en actions. Pour que les banques participent davantage, la solution est peut-être à chercher du côté de la hausse des dépôts : pourquoi ne pas revenir à un mécanisme de plan d'épargne populaire (PEP) bancaire, comme nous en avions il y a quelques années ?

La politique publique en direction de l'épargne, ensuite, gagnerait à simplifier les nombreux dispositifs qui s'enchevêtrent aujourd'hui et qui rendent plus difficile notre activité de conseil auprès des particuliers.

Enfin, s'agissant des pistes qui ont été évoquées pour la réforme elle-même, je me contenterai d'indiquer que nous sommes défavorables à toute taxation de revenus latents, c'est-à-dire de revenus qui n'ont pas été encaissés.

M. Philippe Marini, rapporteur général . - En vous écoutant les uns et les autres, j'ai d'abord eu le sentiment que vous nous demandiez de changer le moins possible la fiscalité de l'épargne, que vous étiez - ce qui est très rare - des professionnels heureux de l'environnement fiscal dans lequel ils évoluent ; mais vous nous dites aussi qu'il faudrait infléchir la structure de l'épargne, pour qu'elle soit plus longue, et qu'il faut l'orienter davantage vers les entreprises, en particulier vers les PME, ce que notre commission appelle de ses voeux depuis longtemps. Vous nous dites encore que les changements des règles prudentielles sont un véritable défi auquel nous devons nous adapter.

N'y a-t-il pas une contradiction entre votre souci de mieux orienter l'épargne vers les entreprises, et votre souhait de n'y faire participer ni l'épargne administrée ni l'assurance-vie ? Peut-on mieux servir les entreprises en fonds propres, sans rien toucher à la fiscalité de l'assurance-vie ? Nous devons réduire la dépense fiscale, d'au moins trois à quatre milliards par an si nous voulons respecter les dispositions de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, qui ne représentent d'ailleurs que le minimum des efforts à consentir. Pensez-vous raisonnablement qu'on y arriverait sans rien changer à la fiscalité de l'assurance-vie ?

M. Jean Arthuis, président . - La fiscalité est-elle déterminante dans le choix d'un contrat d'assurance-vie ?

M. Benoît Maës . - Certainement, avec les performances du produit lui-même.

M. Pierre Bollon . - La détermination du taux d'imposition relève naturellement du Parlement ; nous nous sommes contentés de dire que la fiscalité pourrait différencier l'épargne longue et l'épargne courte, ainsi que l'usage qui en est fait.

Ensuite, je souhaite préciser le propos de M. Schricke : la part de l'ISF-PME captée par les fonds d'investissement est passée de 320 millions d'euros à 259 millions d'euros de 2009 à 2010 parce que la fiscalité a mieux traité l'investissement direct dans l'entreprise, mais la différence de traitement a disparu dans la dernière loi de finances ; nous verrons cette année quelle est l'évolution de la répartition de ces capitaux.

M. Hervé Schricke . - Certains des dispositifs que nous proposons ne coûteraient rien à l'Etat puisqu'il s'agirait d'encourager l'orientation de l'épargne collectée vers les fonds propres des entreprises de manière réglementaire, sans toucher à la fiscalité.

M. Philippe Marini, rapporteur général . - M. le président, au sein du comité de suivi du plan de financement de l'économie française, nous avons constaté l'insuffisance du crédit octroyé aux entreprises. Nous avons réagi en faisant adopter, dans le cadre de la loi de régulation bancaire et financière, un dispositif imposant aux établissements de crédit de consacrer au moins les trois quarts de l'augmentation de leur encours sur livrets A ou sur livrets de développement durable (LDD) non centralisés auprès de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) à des prêts aux PME ou à des prêts d'économies d'énergie. Alors que cette initiative avait, à l'origine, suscité des réserves de la part du Gouvernement, ses mérites ont été soulignés, depuis lors, par le Président de la République.

Mais, s'agissant de l'investissement en fonds propres, on évoque de l'épargne collectée sur livrets par le système bancaire. Est-on certain que des contreparties sous forme de fonds propres ne tomberaient pas sous le coup de la nouvelle réglementation prudentielle ?

M. Patrick Suet . - Effectivement, les banques ne peuvent pas s'engager dans cette voie si un tel dispositif vient à modifier leur bilan, l'équilibre entre actif et passif.

Notre fiscalité, cela dit, est loin d'être incohérente puisqu'elle privilégie l'épargne longue en actions plutôt que l'épargne courte, à l'exception du livret A. En revanche, la Cour des comptes l'a souligné concernant le plan d'épargne en actions, pourquoi réunir des titres cotés, qui sont plus liquides, et des titres non cotés dans les mêmes catégories fiscales ? Il faudrait davantage inciter au risque ; prévoir plus d'incitations pour les titres non cotés.

M. Jean Arthuis, président . - Un vrai sujet ! De toute façon, le financement des PME ne dépend pas seulement de l'orientation de l'épargne ; il serait plus facile si les conditions de rentabilité des PME étaient mieux assurées.

M. Patrick Suet . - Aujourd'hui, vendre une action directement à un client est presque une mission impossible. Il faut réhabiliter la confiance dans l'action et accompagner cette reconquête ; cela peut passer par la fiscalité.

M. Hervé Schricke . - Permettez-moi d'avancer une proposition à laquelle nous réfléchissons avec Oseo : la mise en place d'un mécanisme de garantie mutuelle, adossé à un fonds de garantie qui pourrait être géré par Oseo. Dans un contexte où l'on demande aux banques et assurances de renforcer leur ratio de solvabilité et, donc, de disposer davantage de fonds propres et de répondre à des exigences de rentabilité plus fortes, ce serait un moyen significatif de réduire le risque, pourvu que les montants mobilisés dans un premier temps soient suffisants - il y aurait un effet levier entre le montant initialement mobilisé et les montants garantis. A long terme, cela conduirait l'Autorité de contrôle prudentiel à diminuer ses exigences en matière de fonds propres vis-à-vis des banques et des compagnies d'assurances.

M. Jean Arthuis, président . - En bref, un système analogue à celui de Sofaris qu'a repris Oseo. Dans ce cas, il faudrait renforcer les fonds propres d'Oseo.

M. Hervé Schricke . - En ce qui concerne l'innovation, la Banque européenne d'investissement est prête à mobiliser des capitaux.

M. Philippe Marini , rapporteur général . - Pour faire quelque chose de significatif, est-ce une affaire de centaines de millions d'euros ou plutôt de milliards ?

M. Hervé Schricke . - Pour la dotation initiale, je considère que nous parlons en centaine de millions d'euros ...

M. Philippe Marini , rapporteur général . - ... que la CDC pourrait trouver...

M. Hervé Schricke . - ... qui auront un impact économique se chiffrant, lui, en milliards d'euros.

M. Pierre Bollon . - C'est une très bonne piste qui, me semble-t-il, ne nécessitera pas une intervention législative.

M. Jean-Pierre Fourcade . - Nous tombons dans le surréalisme à la française : il faut adapter la fiscalité à la longévité du portage des titres, mais quid du livret A ? On doit supprimer l'ISF pour éviter une fuite des capitaux et le conserver afin de garder des capitaux disponibles pour les PME... Après ce commentaire, deux questions. A quoi correspond le chiffre de 17 % d'actions dans le bilan de l'assurance-vie ? Est-ce un ratio réglementaire, législatif, corporatif ? Pourquoi ne pas le porter à 25 % pour financer réellement l'économie ? Ensuite, pourquoi les banques ont-elles manifestement orienté l'épargne vers les comptes d'épargne bloqués plutôt que vers l'épargne à long terme ? Est-ce de la paresse ?

M. François Marc . - Nous abordons la réforme de la fiscalité du patrimoine avec deux préoccupations : le système actuel est injuste, l'État doit trouver de nouvelles recettes pour compenser une partie d'un déficit en constante augmentation. A vous entendre - je partage l'agacement du rapporteur général -, il faudrait ne rien changer... Et la crise ? N'a-t-elle pas montré qu'il y avait eu des excès bancaires ? Nous avons maintenant une coresponsabilité. J'aurais aimé vous entendre faire des préconisations plus offensives. Comment alimenter la croissance par les flux d'épargne ? Quelles incitations créer ?

M. Joël Bourdin . - Que pensez-vous d'une imposition complémentaire sur l'assurance-vie à partir d'un certain seuil de montant de contrat d'assurance-vie ? Actuellement, la courbe de l'imposition est en forme de cloche...

M. Benoît Maës . - Mon propos était de montrer que l'assurance-vie n'a pas à rougir de son bilan, non d'affirmer qu'il ne faut rien changer. La fiscalité devrait favoriser l'investissement à long terme et en actions. L'assurance-vie est en ligne avec ces objectifs généraux ; certes, on peut toujours améliorer un dispositif, mais la stabilité fiscale est importante pour les épargnants.

Monsieur Fourcade, concernant la part des actions dans nos bilans, nos clients ont deux façons d'acheter des actions dans le cadre de l'assurance-vie : soit directement via les unités de comptes, soit indirectement via les fonds en euros, lesquels sont composés d'actions, d'obligations et d'immobilier - de moins à moins, à vrai dire. Les futures règles de solvabilité pénalisent les actions dans les fonds en euros. Le mouvement n'est pas complètement engagé : actuellement, chez Groupama Gan Vie, la part des actions représente 16 %, à laquelle il faut ajouter 6 % d'unités de compte, soit 22 %. « Solvabilité II », même si tout n'est pas joué, risque de réduire la part en actions. C'est extrêmement regrettable pour notre économie, qui a besoin d'être financée, et pour nos assurés, pour lesquels la diversification des placements est essentielle. Nous incitons donc nos clients à détenir davantage d'actions directement via les unités de compte. Cela n'est pas simple, comme le rappelait M. Suet, car acheter une action, c'est prendre un risque.

Un prélèvement complémentaire sur l'assurance-vie pour les personnes qui resteront assujetties à l'ISF ? D'abord, pourquoi viser l'assurance-vie en particulier, et non toute l'épargne ? Ensuite, attention aux effets de seuil : prenons un taux de 0,25 % au titre du patrimoine, une personne qui aurait son patrimoine de 1,3 million d'euros placé en assurance-vie devrait payer 10 000 euros pour un euro de plus. Ce n'est pas très raisonnable...

M. Patrick Suet . - Monsieur Fourcade, les banques ont privilégié les comptes d'épargne bloqués, d'une part, en raison des taux d'intérêt à court terme qui ont rendu les placements sur les sociétés d'investissement à capital variable (Sicav) monétaires extrêmement peu rentables, d'autre part, à cause de la situation des liquidités et des prévisions qui ont conduit les banques à mieux rémunérer les dépôts. Cette tendance ne signifie pas que le reste ait été abandonné ; nous faisons des propositions en fonction du profil du client. Les placements en actions à long terme sont effectivement les plus rentables, mais encore faut-il en convaincre nos clients. Ne rien changer ? Non, nous devons accompagner l'évolution en gardant à l'esprit que les épargnants ont la mémoire longue - la stabilité est essentielle pour eux - et en évitant les effets de seuil.

M. Hervé Schricke . - Des préconisations offensives ? Il faut privilégier l'innovation, qui est la chance de la France dans la compétition mondiale, et bâtir un fonds de garantie mutuelle. A long terme, celui-ci serait relativement peu coûteux ; le risque étant mutualisé, il serait faible. Nous avons juste besoin d'une aide pour le créer ; on pourrait d'ailleurs imaginer un effort public, mais aussi un effort collectif du secteur.

M. Pierre Bollon . - Je soutiens la proposition d'Hervé Schricke : il faut créer un fonds de garantie et une clause de l'épargne la plus favorisée. Le principe de base serait que toute épargne est soumise à un prélèvement forfaitaire libératoire qui diminuerait en fonction de la durée de l'épargne - épargne à moyen terme et raisonnablement en actions ; épargne à long terme et fortement en actions via les plans d'épargne en actions, les plans d'épargne entreprise et les plans d'épargne pour la retraite collectif. Pour les petits épargnants, il faudrait prévoir une franchise. Voilà, me semble-t-il, le chemin sur lequel nous devons nous engager.

M. Jean-Jacques Jégou . - Envisagerions-nous la fiscalité du patrimoine sous le même angle si nous n'étions pas rongés par la dette et le déficit ? Dans un autre contexte, quelle fiscalité envisager ?

Enfin, le « marronnier » du financement des PME... Le problème est réel, je le sais pour avoir été à la tête d'une PME. Néanmoins, beaucoup de choses ont été faites. Y a-t-il une réelle appétence des PME pour se développer ? Les financeurs ne sont-ils pas, tel Soubise cherchant son armée à la lueur de sa lanterne, à la recherche d'entreprises candidates au développement à l'instar de leur homologues allemandes ?

M. Hervé Schricke . - Dans l'industrie, il y a encore des efforts à fournir pour expliquer le mérite des fonds propres. Le capital développement est en croissance forte, il y a un souhait de dynamisation. La vocation de notre métier est aussi d'aider à la croissance. Les entreprises en ont-elle envie ?, demandez-vous. Je répondrai : l'offre est-elle suffisamment attractive et abondante pour qu'elles en aient envie ?

M. Pierre Bollon . - Le monde nouveau vers lequel nous allons sera caractérisé par une économie de chocs, non plus par une croissance régulière de 3 % par an. Dans ce monde plus incertain, les entreprises devront être mieux capitalisées. Or les banques, avec « Bâle III », leur prêteront moins facilement de l'argent ; elles ne pourront plus utiliser leur pouvoir de transformation des dépôts. Le marché, plus que les banques et les assureurs, sera appelé à financer l'économie, sur le modèle américain. La logique serait donc de construire une fiscalité favorable à l'action. On ne peut pas continuer à s'en remettre aux fonds souverains chinois et aux pouvoirs publics. L'épargne française est abondante, sans être excessive - elle n'est pas supérieure à l'épargne allemande. Pour la rendre utile, la cohérence voudrait de « mettre le paquet » sur le financement direct par le marché, les actions.

M. Patrick Suet . - Relativisons : l'an dernier, sur un encours de crédits aux entreprises de 760 milliards d'euros, un tiers a été dirigé vers les PME, soit une augmentation de 4,5 %. A ce stade, le financement de l'économie ne pose pas de difficultés majeures. Nous avons besoin de 100 à 200 milliards d'euros en fonds propres pour basculer vers le monde nouveau quand l'assurance-vie représente 1 400 milliards d'euros. Il faut déplacer les flux de financement, mais les grands équilibres resteront inchangés.

E. AUDITION DE MME MARIE-CHRISTINE LEPETIT, DIRECTEUR DE LA LÉGISLATION FISCALE À LA DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES, ET M. MICHEL HOUDEBINE, CHEF DU SERVICE DES POLITIQUES PUBLIQUES À LA DIRECTION GÉNÉRALE DU TRÉSOR (13 AVRIL 2011)

La commission procède à l'audition conjointe de Mme Marie-Christine Lepetit, directeur de la législation fiscale à la direction générale des finances publiques, et M. Michel Houdebine, chef du service des politiques publiques à la direction générale du Trésor, en vue de la préparation du projet de loi de finances rectificative sur la fiscalité du patrimoine.

M. Jean Arthuis, président . - Mes chers collègues, nous achevons aujourd'hui nos travaux préparatoires sur la future réforme de la fiscalité du patrimoine.

Il nous a paru utile, pour clore cette phase de réflexion, de recevoir Mme Marie-Christine Lepetit, directeur de la législation fiscale à la direction générale des finances publiques, et M. Michel Houdebine, chef du service des politiques publiques à la direction générale du Trésor.

En effet, l'heure des choix a sonné. Le Gouvernement vient de rendre ses arbitrages. Il est donc temps d'entrer davantage dans la technique et d'interroger les administrations les plus concernées par les travaux en cours.

Madame Lepetit, vous pourriez commencer par indiquer à la commission les détails techniques de la réforme de la fiscalité patrimoniale, dont le président de la République a dessiné les contours hier après-midi lors d'une réunion qui s'est tenue à l'Élysée. Que doit-il advenir du bouclier fiscal et de l'impôt de solidarité sur la fortune ? Quel est le coût des mesures annoncées pour les finances publiques ? Et comment doit être compensé le coût net pour les finances publiques de ces différentes mesures ?

Monsieur Houdebine pourrait ensuite nous indiquer, toujours à titre liminaire, les principales conséquences économiques des différents éléments de la réforme qu'envisage la direction générale du Trésor.

Je passerai ensuite la parole au rapporteur général puis, mes chers collègues, chacun de vous pourra poser les questions qu'il souhaite.

Madame Lepetit, vous avez la parole.

Mme Marie-Christine Lepetit, directeur de la législation fiscale à la direction générale des finances publiques . - Je vous remercie. Tout d'abord, je voudrais préciser le contexte inhabituel de cette intervention. Je souhaite vous apporter tous les éclaircissements nécessaires, bien que nous soyons encore dans le cadre de la phase de construction de la réforme, qui a atteint un stade avancé mais non encore définitif.

Les propositions arrêtées par le président de la République, à la suite des différentes solutions qui lui ont été proposées par le Gouvernement, visent deux objectifs principaux.

D'une part, une plus grande équité du système fiscal. A cet égard, il faut se souvenir de la genèse de cette réforme, à partir du constat que le bouclier fiscal était perçu comme un dispositif injuste par nos concitoyens. Je tiens à préciser cependant que cette appréciation est discutable, du point de vue juridique, au vu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, comme du point de vue technique.

D'autre part, un objectif d'efficacité économique. En effet, les modalités de taxation du patrimoine doivent être envisagées en gardant à l'esprit les finalités de l'épargne et les contraintes de compétitivité liées au monde ouvert dans lequel nous vivons.

La réflexion qui a structuré l'architecture de la réforme s'est fondée sur ces deux axes. De ce point de vue, le système proposé semble efficace. Il repose en effet sur deux grands piliers.

Premièrement, la suppression du bouclier fiscal et de toute forme de plafonnement de l'imposition sur le stock de patrimoine.

Deuxièmement, une réforme de l'imposition sur le stock de patrimoine, à travers la modification du champ de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), qui touchera désormais les patrimoines supérieurs à 1,3 million d'euros, contre 800 000 euros aujourd'hui. Ainsi, 300 000 contribuables sortiront de l'ISF. Cette mesure répond donc à la question problématique des contribuables entrés dans l'ISF du seul fait de la hausse des prix de l'immobilier.

De plus, la réforme prévoit une modernisation du barème de l'ISF, qui était totalement déconnecté des réalités économiques et qui aboutissait à des taux discordants par rapport au rendement net des actifs, comme l'a notamment souligné la Cour des comptes dans son rapport sur la convergence franco-allemande. Désormais, le barème de l'ISF aura deux taux moyens. Le premier taxera à 0,25 % les patrimoines compris entre 1,3 et 3 millions d'euros, tandis que le second taxera à 0,5 % les patrimoines supérieurs à 3 millions d'euros.

J'ajoute que l'assiette actuelle de l'ISF ne sera pas modifiée. Les biens aujourd'hui taxés, tels que la résidence principale, le resteront, à la hauteur où ils le sont actuellement. Pour cette dernière, l'abattement de 30 % continuera à s'appliquer. De la même manière, les biens aujourd'hui exonérés, comme les biens professionnels et les oeuvres d'art, le resteront. Il y aura donc un statu quo sur les règles d'assiette de l'ISF.

Du point de vue budgétaire, d'après les projections que nous avons établies, le coût de la réforme en régime de croisière s'élève à environ 900 millions d'euros.

M. Jean Arthuis, président . - A quoi correspondent précisément ces 900 millions d'euros ?

Mme Marie-Christine Lepetit . - Cette estimation prend en compte la réduction du champ de l'ISF, son nouveau barème, ainsi que le souhait du Gouvernement de continuer à accompagner le financement des PME. Ce dernier dispositif n'est pas encore précisé techniquement. De plus, la simulation prévoit une sorte de provision pour éviter une transition trop brutale et inappropriée du point de vue économique, de l'ancien système au nouveau, pour ce qui concerne l'accompagnement des investisseurs financiers providentiels. Le montant de 900 millions d'euros tient également compte du gain issu de la suppression du bouclier fiscal et des plafonnements. C'est un chiffre en régime de croisière.

En ce qui concerne les recettes de substitution, le Gouvernement a privilégié à titre principal une logique d'imposition sur le flux de patrimoine plutôt que sur le stock, conformément à l'orientation définie par le président de la République, et de taxation des droits de mutation à titre gratuits, en ciblant les grosses successions et donations. Le financement de la réforme comporte donc trois volets.

Le premier consiste à relever de 5 points, à 40 % et 45 % au lieu de 35 % et 40 % actuellement, les deux dernières tranches du barème concernant les héritages de plus de 4 millions d'euros en ligne directe. On ne toucherait ni au barème des frères et soeurs, ni à celui des parents éloignés ou non parents.

En outre, en matière de donation, la réforme prévoit un retour à la situation qui prévalait avant 2006, en rallongeant de six à dix ans le délai donnant droit à un abattement pour les donations. Ces dernières mesures ont été évoquées avec les notaires, qui ont constaté que cet avantage est resté méconnu et fait parfois double emploi avec d'autres dispositions favorables aux transmissions. Il en résulte que, dès les prochaines mutations par décès, des donations ayant eu lieu depuis sept, huit, neuf ou dix ans, qui n'auraient pas été prises en compte pour appliquer le barème des droits de mutation liés au décès, le seront. Cela crée donc un accroissement d'assiette instantané par rapport au système actuel, source d'un rendement budgétaire assez significatif.

Enfin, le troisième volet vise à supprimer les réductions en fonction de l'âge auquel on peut faire les donations, qui pouvaient représenter des allègements de 50 %.

Au total, la réforme préserve en intégralité les mesures votées dans le cadre de la loi sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat, tout en ciblant les recettes de substitution sur les plus gros patrimoines, conformément aux annonces faites par le Premier ministre lors du colloque du 3 mars dernier.

Enfin, deux mesures complémentaires viendront financer la réforme. D'une part, une exit tax visant à dissuader les contribuables de réaliser leurs patrimoines à l'étranger. Le Gouvernement considère que la réforme de l'ISF aboutissant à un impôt économiquement supportable, il est légitime de dissuader des exils fiscaux. Il se propose donc, à l'instar de ce qu'on trouve déjà en Allemagne, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, de se mettre en position de pouvoir taxer les plus-values pour des personnes qui partiraient réaliser leur patrimoine à l'étranger.

D'autre part, la taxation des personnes non résidentes en France mais disposant de biens immobiliers en France. Il a paru normal au Gouvernement de taxer les résidences secondaires de ces non-résidents qui bénéficient des services publics lors de leurs séjours dans notre pays, sans contribuer à leur financement.

Telle est l'économie globale de la réforme. Enfin, j'indique que le Gouvernement a choisi de ne pas toucher aux règles actuelles de l'assurance vie.

M. Jean Arthuis, président . - Monsieur Houdebine, pourriez-vous compléter les propos de Mme Lepetit en nous indiquant quelle impulsion économique on peut attendre de cette réforme ?

M. Michel Houdebine, chef du service des politiques publiques à la direction générale du Trésor . - Au sens keynésien du terme, on ne peut pas dire que la réforme suscitera une impulsion économique. Elle se traduira davantage par des effets structurels sur l'activité. Elle poursuit la volonté d'améliorer l'efficacité économique du dispositif, tout en maintenant les avantages du système actuel. Le fil directeur de la réforme a bien été la réponse à ces deux questions : à quoi sert l'épargne et quelle doit être son orientation ? Quelle articulation de la France avec le reste du monde ?

Sur ce second point, la réforme proposée vise notamment à réduire le taux marginal de l'ISF sur les très hauts patrimoines, aujourd'hui de 1,8 %, en le transformant en un taux moyen à 0,5 %, ce qui représente une baisse sensible, qui devrait limiter les tentations d'expatriation.

Il est aujourd'hui difficile de disposer d'évaluations quantitatives sur la sensibilité des contribuables à ce genre de mécanisme, car les bases dont on dispose ne permettent pas de chiffrer l'impact potentiel de ce type de changements sur les comportements. Ceci dit, les anecdotes entendues avant la réforme illustraient bien, me semble-t-il, ce phénomène.

M. Jean Arthuis, président . - Concernant  l' exit tax , un mécanisme proche avait été instauré en 1999, mais condamné par la Cour de justice européenne (CJCE) comme contraire au principe de la libre circulation. Le dispositif proposé prend-il en compte cette menace ?

Mme Marie-Christine Lepetit . - Le dispositif que nous proposons aujourd'hui s'inspire fortement de mesures existant à l'étranger, qui n'ont pas subi les foudres de la Cour. Cette dernière estime que le déménagement dans l'espace économique européen, d'un pays à l'autre, ne doit pas être entravé par une contrainte. De ce point de vue, l'un des points les plus critiqués alors tenait au fait que, lorsqu'un contribuable quittait le territoire, il devait constituer des garanties en vue d'un paiement futur éventuel de l'impôt. Lorsque les patrimoines faisaient l'objet de plus-values latentes importantes, cela représentait une forte entrave à la mobilité.

Or, dans le nouveau dispositif, ces contraintes n'existent pas et nous nous proposons de rédiger les textes de façon à ce que les garanties ne soient pas exigées au moment du franchissement de la frontière. Nous demanderons seulement au contribuable d'effectuer un inventaire de son patrimoine, ce qui s'apparente à une sorte de report d'imposition, sans conséquence pratique pour lui. L'impôt serait dû si les contribuables réalisaient leur patrimoine, au même titre que ce qui se passe pour un contribuable qui reste sur le territoire et qui vend son patrimoine. Il nous semble que, sous le bénéfice de cette différence importante, le dispositif que nous proposons ne devrait pas être sanctionné par la CJCE.

M. Michel Houdebine . - Le deuxième point que je souhaitais aborder concerne le rôle de l'épargne. Du point de vue macroéconomique, elle doit permettre l'accumulation du capital dans le pays, qui constitue un élément fondamental, avec la productivité, pour accroître la richesse nationale. Du point de vue microéconomique, cette accumulation passe par le financement des entreprises, et donc de leur investissement.

C'est pourquoi, le Gouvernement a souhaité maintenir l'exonération au profit des biens professionnels, ainsi qu'un dispositif de soutien à destination des PME, qui reste encore à définir. A cet égard, je souhaiterais ajouter un point qui me semble important. En effet, cette question dépasse celle de l'incitation à l'accumulation du capital, puisque le dispositif pourrait également contribuer à lutter contre certaines défaillances de marché qui peuvent frapper une partie du financement des très petites et moyennes entreprises en phase de démarrage.

A cet égard, je pense notamment au petit capital développement ainsi qu'au capital risque dans les secteurs technologiques, où l'on constate que les entreprises ont du mal à trouver un premier et second tour de table, notamment parce qu'il existe de fortes asymétries d'information entre le porteur du projet et les financeurs. De ce point de vue là, une incitation fiscale semble bienvenue.

Enfin, je voudrais dire un mot sur la fiscalité du logement des impatriés. Cette disposition aura sans doute des effets positifs, à la marge, sur l'offre de logement, notamment dans les grandes villes, où la hausse de la fiscalité pourrait aboutir à une meilleure utilisation de logements peu ou pas utilisés par les non-résidents. L'un des éléments de la hausse des prix de l'immobilier tient en effet à un problème d'offre, dont la faible utilisation de certains logements est un facteur.

M. Jean Arthuis, président . - Merci pour ces présentations synthétiques et précises. Je retiens deux bonnes nouvelles de vos exposés. D'une part, la piste de l'imposition des plus-values latentes est écartée. D'autre part, l'emblème qu'est devenu le bouclier fiscal, qui s'applique, je le rappelle, sur le seul revenu imposable des intéressés, va disparaître prochainement.

J'aurais peut-être une ou deux questions à poser dès à présent à Mme Lepetit. Tout d'abord, dans le système que vous nous avez décrit, l'imposition des assujettis à l'ISF dès le premier euro implique un redoutable effet de seuil. Je pense, en particulier, aux contribuables dont le patrimoine est valorisé juste au-dessus du seuil de 1,3 million d'euros, qui auront à acquitter un impôt supérieur à leur ISF actuel, alors que des personnes ayant un patrimoine proche, mais juste en-dessous du seuil, n'auront plus à payer cet impôt. Peut-être avez-vous prévu un mécanisme de neutralisation...

Mme Marie-Christine Lepetit . - Nous sommes en train de travailler sur des dispositifs évitant l'effet que vous venez de décrire, qui se manifeste aussi juste au-dessus du seuil de 3 millions d'euros puisque, dans ce cas de figure, le contribuable se verrait appliquer un taux de 0,5 % sur l'ensemble de son patrimoine. A cette fin, nous envisageons de procéder à des décotes. Il s'agit d'éviter les effets pervers, à commencer par l'éviction de l'impôt.

M. Jean Arthuis, président . - Ces dispositions pourraient effectivement favoriser l'optimisation fiscale...

Mme Marie-Christine Lepetit . - Certes. Il ne nous apparaît cependant pas pertinent de démarrer trop bas car l'exercice de déclaration d'ISF est fastidieux, notamment quand il s'agit d'actualiser la valorisation du patrimoine. Cet effort n'aurait aucun sens pour un impôt de 50 euros.

Le Gouvernement souhaite également préserver une structure de taux très lisible, avec une large plage à 0,25 %. C'est pourquoi nous pourrions procéder à partir d'un système de décote, un peu technique il est vrai mais qui « maîtrisera » l'effet de seuil.

M. Jean Arthuis, président . - Mon autre interrogation concerne la date d'entrée en vigueur de ces dispositions ? Seront-elles applicables dès 2011 ?

Mme Marie-Christine Lepetit . - Pas pour toutes les mesures annoncées car les conséquences financières seraient trop lourdes. Toutefois, il est possible que nous reportions la date d'encaissement de l'ISF pour 2011 et qu'une partie de la réforme, en particulier l'exonération des 300 000 foyers relevant de la première tranche de l'impôt, prenne effet dès cette année. Mais l'effet complet ne se fera sentir qu'en 2012.

Mme Nicole Bricq . - Tout cela ressemble quand même à du « bricolage » ! En l'absence de simulations, il est difficile d'estimer la portée réelle de la réforme, notamment sur l'exil fiscal. En outre, quelle est la différence entre votre proposition et l'abattement de 30 % sur la valeur de la résidence principale dont bénéficient actuellement les redevables de l'ISF ?

Si le Gouvernement avait vraiment voulu réformer, il se serait posé la question des objectifs poursuivis de manière à bâtir un système économiquement viable, socialement juste et efficace sur la durée. On ne retrouve rien de tout cela dans ce qui nous est annoncé !

Au bout du compte, il restera donc la suppression du bouclier fiscal mais la complexité de la fiscalité patrimoniale, source d'optimisation, demeurera. Et nous ne savons ni si la réforme entrera en vigueur dès 2011 ni quel sera son coût réel. Tout cela apparaît donc, avant tout, comme une opération de communication, complexe, et assez loin de la « trilogie » - devenue « tétralogie » - que le président et le rapporteur général ont défendue à l'automne.

M. Philippe Adnot . - Je reviens sur la question de l'entrée en vigueur de la réforme. Sur fond de rumeurs relatives à un report de la date limite de versement de l'ISF en 2011, les fonds éligibles à la réduction d'impôt dite « ISF-PME » n'arrivent plus à lever de capitaux, en particulier auprès de contribuables se demandant s'ils auront encore à acquitter l'impôt cette année. De plus, quand s'appliqueront les mesures annoncées sur les donations et les successions ?

M. Joël Bourdin . - Pour ma part, je me réjouis du dispositif qui nous a été présenté. Il s'agit d'une belle avancée pour une année pré-électorale. Notre majorité se plaignait du fait que trop de ménages soient entrés dans l'ISF « en dormant » et 300 000 ménages seront exonérés - sans même compter les 300 000 autres qui dormaient mal car ils risquaient de devoir acquitter l'ISF demain.

De plus, la fiscalisation des contrats d'assurance vie ne figure pas dans la réforme, ce qui est une très bonne chose au vu du rôle de ces placements dans le financement de l'économie.

Je souhaiterais néanmoins connaître les effets concrets de la réforme sur l'évolution des recettes publiques, année après année, en commençant par 2011.

D'autre part, alors que certains intervenants ont expliqué à notre commission qu'à partir d'un certain niveau de revenus, l'impôt sur le revenu devient dégressif du fait des comportements optimisateurs de certains redevables aisés, pourriez-vous nous préciser si ce constat se vérifie toujours lorsqu'on tient compte de l'ISF pour calculer le taux d'imposition total des intéressés ?

M. Jean-Pierre Fourcade . - Je trouve cette réforme « bien calculée ». En effet, dans le contexte économique et budgétaire actuel, il n'était pas possible de supprimer l'ISF. En revanche, il fallait faire disparaître le bouclier fiscal. Cependant, le coût de la réforme proposée de l'ISF excède le gain tiré de la suppression du bouclier, ce qui rend nécessaire la recherche de nouvelles recettes.

A cet égard, je suis réservé sur l'opportunité d'alourdir l'imposition des successions et des donations. Si nous avions relevé un peu moins le seuil d'entrée dans l'ISF - à un million d'euros par exemple, ce qui permettait de présenter le message clair selon lequel l'ISF vise à « taxer les millionnaires » - il n'y aurait peut-être pas eu besoin de rechercher de telles ressources. Si vous nous confirmiez que cette solution est équilibrée d'un point de vue budgétaire, je la préférerais à un impôt frappant les donations, qui participent au transfert de richesses entre les générations.

M. Serge Dassault . - Il aurait été plus simple de supprimer l'ISF ! La réforme que propose le Gouvernement n'aura pas d'impact sur les départs de France de contribuables aisés, d'autant qu'elle comprend un alourdissement des droits de mutations à titre gratuit. J'observe que, quand il a supprimé la taxe professionnelle ou quand il a réduit le taux de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) applicable à la restauration, le législateur ne s'est pas soucié d'équilibrer budgétairement sa réforme ! Pourquoi tiendrait-il donc tant à le faire dans le projet de loi de finances rectificative à venir ?

La France est désormais le seul pays d'Europe à conserver un ISF. Le supprimer n'aurait pas eu un coût politique supérieur à l'alléger, mais aurait été plus efficace. A ce rythme, notre pays n'aura bientôt plus de riches sur son sol...

M. François Fortassin . - Je crois qu'il faut en revenir à des choses simples. Demain, 300 000 contribuables sortiront de l'ISF. A quel prix pour les finances publiques ? Combien rapporteront les mesures de compensations financière ? Et, plus fondamentalement encore, la réforme à venir sera-t-elle comprise de nos concitoyens ?

Pour le reste, j'observe que l'opposition a longtemps été taxée d'archaïsme en raison de sa volonté de supprimer le bouclier fiscal. Il semble que, désormais, ce pays compte beaucoup d'archaïques...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - A mes yeux, la réforme annoncée par le Gouvernement est bonne, en ce sens qu'elle répond de manière efficace au problème de l'augmentation des prix de l'immobilier. Cette hausse continue ainsi que l'incertitude pesant sur la valorisation des biens immeubles font que ce sont d'ailleurs sans doute plus de 300 000 ménages qui seront, en pratique, exonérés.

Ceci dit, j'aurais besoin d'explications complémentaires à propos de l'évolution des obligations déclaratives pour les redevables de l'ISF dont le patrimoine est inférieur à 3 millions d'euros. En effet, je ne suis pas certaine qu'il y ait une véritable simplification pour ces personnes. Le cas échéant, l'administration pourrait-elle réaliser des économies sur la gestion de cet impôt ?

M. François Rebsamen . - Pour reprendre les termes de François Fortassin, je me félicite d'avoir toujours fait partie des « archaïques »... J'ai, pour ma part, une conception différente de la société que celle de la majorité. Ainsi, à mes yeux, il est juste de taxer les détenteurs de patrimoine, y compris sur la valeur de leur résidence principale.

Je souhaiterais que Mme Lepetit précise ce qu'elle entend quand elle dit que le coût de la réforme de l'ISF s'élève à 900 millions d'euros. Quelle est son année de référence en matière de produit de l'ISF et quel sera le rendement de cet impôt demain ? Sur l'autre plateau de la balance, que rapporteront vraiment les « bricolages » censés compenser ce coût ? En effet, si les règles changent, les comportements changent aussi - je pense, en particulier, aux contribuables devant effectuer une donation.

Au bout du compte, quel sera le niveau du déficit supplémentaire qu'engendrera votre réforme, d'abord en 2011 puis les années suivantes ?

M. Jean-Paul Alduy . - Une simple question : sait-on combien rapporterait l'inclusion des oeuvres d'art dans l'assiette de l'ISF ?

M. Jean Arthuis, président . - L'art n'a pas de prix...

M. Jean-Paul Alduy . - ... mais son exonération a un coût ! Cela permet d'évacuer des fortunes de la solidarité nationale. Je comprends bien la logique d'exclure les biens professionnels de l'ISF pour des raisons économiques évidentes, mais beaucoup moins ce qui a conduit le législateur à exonérer les oeuvres d'art.

M. Philippe Dominati . - Je comprends bien nos contraintes budgétaires mais je ne vois pas dans la réforme annoncée le symbole de dynamisme qu'aurait constitué la suppression de l'ISF alors même que la taxation du patrimoine est une « bêtise ». La pédagogie est longue en la matière dans notre pays... Le futur collectif budgétaire sera sans doute une étape mais la France continue de perdre du temps par rapport à ses concurrents.

M. François Marc . - Je m'interroge sur le sens que le Gouvernement et sa majorité donnent au mot « efficacité ». Dès 2002, on a voulu baisser les impôts au nom de l'efficacité. Puis on a instauré le bouclier fiscal, encore au nom de l'efficacité. Et aujourd'hui, on nous propose de le supprimer, toujours au nom de l'efficacité. J'aimerais donc bien savoir ce que cela signifie vraiment dans votre esprit...

M. Yann Gaillard . - Je m'étonne qu'il ne soit pas proposé d'exclure la résidence principale de l'assiette de l'ISF. Cela aurait été plus simple et plus clair que ce « bricolage ».

M. Philippe Marini, rapporteur général . - Tout d'abord, je voudrais indiquer que la réforme proposée par le Gouvernement me semble équilibrée et raisonnable. Elle mérite donc d'être soutenue. Pour répondre d'emblée à Yann Gaillard, l'exclusion de la résidence principale de l'assiette de l'ISF aurait comporté un risque important d'inconstitutionnalité, au nom de l'égalité devant l'impôt et de la liberté d'allocation de ses actifs par le contribuable, ce que la majorité ne saurait se permettre sur un tel texte.

J'approuve, en premier lieu, la diminution du barème de l'ISF. C'est le point le plus important tant, au fil des ans, les taux de l'ISF s'étaient déconnectés du rendement réel des actifs par rapport à la situation prévalant lors de sa création, en 1988.

J'approuve également la suppression du bouclier fiscal. A cet égard, je voudrais dire à François Marc qu'en 2007, nous étions dans une situation tendancielle de baisse des impôts et qu'il n'était dès lors pas choquant d'instaurer un tel mécanisme. Le contexte a radicalement changé depuis lors du fait de la crise. Nous devons faire des efforts. Cela a déjà été le cas pour financer le revenu de solidarité active (RSA), puis la réforme des retraites et cela sera encore le cas demain. Dès lors, il n'est pas possible d'exonérer les mieux pourvus de nos concitoyens de cet effort collectif, ce qui condamne le bouclier fiscal. Mais ce n'est pas parce que les choses ont changé entre 2007 et 2011 que la majorité doit nourrir des regrets d'avoir instauré puis renforcé ce mécanisme de plafonnement global des impôts directs.

M. Jean Arthuis, président . - Cela dit, il ne s'appliquait pas au revenu réel des bénéficiaires.

M. Edmond Hervé . - Même si je le respecte, je trouve les propos du rapporteur général indécents !

M. Philippe Marini, rapporteur général . - Je ne comprends pas cette remarque. Je disais simplement qu'on ne peut pas comparer les situations économiques de 2007 et de 2011...

M. Edmond Hervé . - J'essayais simplement de vous « sauver » alors que votre raisonnement est difficile à suivre.

M. Philippe Marini, rapporteur général . - Je vous remercie de votre sollicitude... J'en arrive à présent à mes questions.

Quand s'appliquera la réforme ? Selon le principe de simplicité cher à François Fortassin, je ne comprendrais pas qu'alors qu'une loi adoptée par le Parlement en juin 2011 exonère d'ISF 300 000 foyers, on demande à ces mêmes foyers d'acquitter cet impôt au 15 juin 2011. Il faut donc que cette mesure soit d'effet immédiat mais, naturellement, elle devra être compensée, dès cette année, par des recettes certaines.

Ensuite, s'agissant de l'équilibre budgétaire, je considère qu'il faudra calculer avec prudence les recettes attendues et que l'équilibre à trouver doit s'entendre par rapport aux recettes de l'ISF prévues pour 2011 - et non constatées en 2010. Il serait, en effet, inacceptable de creuser encore le déficit. Il faudra également tenir compte de la nécessité d'atténuer les effets de seuils.

Nous passerons donc « au crible » tous les chiffres que nous fournira le Gouvernement. In fine , nous examinerons tous les sujets, un par un et sans tabou, ce qui inclura la question légitime de la création d'une tranche supplémentaire d'impôt sur le revenu.

Je conclurai en vous livrant deux chiffres. En France, on estime le rendement d'une tranche supplémentaire d'impôt sur le revenu à un niveau allemand, soit environ 250 000 euros, à un montant de l'ordre de 200 à 300 millions d'euros. En revanche, au Royaume-Uni, où je me trouvais récemment, le rendement d'une tranche de 50 % à partir d'un seuil proche, en pratique, du seuil allemand, rapporte 2,5 milliards de livres ! Mesurons la différence considérable entre ces chiffres et demandons-nous donc s'il n'est pas utile de compter sur son sol un grand nombre de contribuables fortunés !

Un tout dernier mot : j'estime nécessaire de maintenir les oeuvres d'art sur le sol français, même si la définition de l'art peut parfois apparaître floue...

M. Jean Arthuis, président . - Je voudrais indiquer à Nicole Bricq qu'à titre personnel, je n'ai pas renoncé au « triptyque » car le dispositif proposé par le Gouvernement plaira sans doute aux cabinets d'optimisation fiscale.

Par ailleurs, je doute que l'évolution des règles déclaratives constitue un vrai progrès. Les contribuables qui se trompent de bonne foi ou qui se trouvent à la limite de tel ou tel seuil risquent de se trouver dans des situations difficiles.

De plus, même si j'en comprends la logique, je suis perplexe face à l'idée d'appliquer la réforme dès 2011 car la perte de recettes serait immédiate à l'inverse des gains pour l'Etat - notamment dans l'hypothèse de l'instauration d'une tranche supplémentaire d'impôt sur le revenu.

Je n'adhère pas non plus à l'alourdissement proposé de l'impôt sur les successions car celui-ci pouvait constituer un gage pour la future réforme de la dépendance. Prenons garde à ne pas hypothéquer l'avenir ! S'agissant des donations, la réforme risque de présenter un étrange effet rétroactif et de se révéler une vraie source de complexité.

En somme, si je soutiendrai la suppression du bouclier fiscal, j'ai encore besoin de précisions sur l'équilibre budgétaire du futur projet de loi.

Mme Marie-Christine Lepetit . - Sans porter un jugement d'opportunité politique, je vais tenter de compléter ma présentation liminaire, en fournissant un éclairage technique sur les fondamentaux justifiant la réforme, dans la perspective du débat parlementaire. En premier lieu, il convient d'insister sur le caractère réformateur et innovant du projet de texte qui vise à organiser différemment les prélèvements sur l'épargne. Une réflexion approfondie a porté sur la nature des impositions. Convient-il de taxer le flux ou le stock, le revenu ou le patrimoine, les mutations à titre onéreux ou celles à titre gratuit ?

En second lieu, trois choix structurent cette réforme. Ils concernent le champ d'application, l'assiette et le taux. Le premier choix consiste à maintenir l'existence d'un impôt sur le revenu et d'un impôt sur la détention du patrimoine afin de tenir compte correctement de la faculté contributive de chacun. Ce choix conduit à une logique de financement. La création d'une nouvelle tranche n'est ainsi pas apparue pertinente au regard du ciblage et des problèmes qu'elle soulèverait. En effet, le sens profond de la réforme consiste à imposer, d'une part, le flux, et de financer, d'autre part, les pertes de recettes par une modification des droits de succession.

Quant au choix de l'assiette, la théorie fiscale plaide pour son élargissement ainsi qu'une réduction du taux. Or, la réforme sur ces points précis n'est pas le fruit du hasard, mais celui d'une longue réflexion stratégique. Il a été procédé à un calibrage de cette assiette et du taux, de façon à trouver un équilibre tout en garantissant les deux objectifs primordiaux de la réforme que sont la simplification du dispositif et sa viabilité économique.

Ainsi, l'exonération d'ISF des oeuvres d'art est justifiée, comme l'a rappelé le rapporteur général. Quant à l'exemption des biens professionnels, elle obéit à des raisons économiques.

Enfin, en ce qui concerne le choix du barème, la réforme proposée repose sur un certain consensus puisqu'elle vise à établir ce barème à une valeur économiquement supportable. En réponse à la proposition de Jean-Pierre Fourcade de fixer le seuil d'entrée à un million d'euros, je souhaite indiquer que la réforme tend à simplifier de manière substantielle le dispositif en vigueur. Des six tranches existantes, il n'en sera conservé que deux. De surcroît, il est proposé de recourir à un taux moyen plutôt qu'à un taux marginal dont le fonctionnement est difficilement compréhensible.

Si le choix de n'avoir que deux taux avec un seuil d'imposition à 1,3 million d'euros peut être contesté, le caractère lisible et simple de la réforme n'est pas discutable. Elle témoigne d'une volonté affirmée d'équilibre et de « reprofilage » du taux et du barème. Les effets de seuil et les possibles décotes ne doivent pas détourner l'attention du coeur de la réforme.

Après le rappel des choix stratégiques opérés par le Gouvernement, je souhaite répondre maintenant aux interrogations plus précises des commissaires. S'agissant de la déclaration, ses modalités sont simplifiées ainsi que celles du paiement, pour le contribuable imposé au taux de 0,25 %. Ce dernier ne sera soumis qu'à une estimation de son patrimoine et non à une obligation de le détailler. Cette déclaration sera effectuée par le biais du renseignement d'une case supplémentaire dans la déclaration de l'impôt sur le revenu. Le paiement de l'ISF interviendra avec ce dernier. La gestion de l'impôt sur le revenu, qui concerne 36 millions de contribuables, exclut que soit transmis un chèque de paiement de l'ISF accompagnant la déclaration.

Quant aux patrimoines dont la valeur excède trois millions d'euros, il est proposé de maintenir la déclaration détaillée.

En réponse au président Arthuis, il est possible de résoudre les difficultés relatives aux contribuables situés à la limite des deux tranches grâce à la convergence des exercices déclaratifs de l'impôt sur le revenu et de l'ISF.

S'agissant des mesures de financement, dès lors que la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat dite « TEPA » a porté les abattements à 160 000 euros par parts, il convient de souligner que les donations qui profitent de ce dispositif concernent des patrimoines importants entrant dans le champ de l'ISF. La réforme doit donc être appréciée au regard de l'ensemble des dispositions globales qui concernent les successions et les donations. Elle est ciblée sur les patrimoines dont la valeur est importante en raison du jeu des abattements qui sont préservés à un niveau élevé et du délai de dix ans au-delà duquel on ne rapporte plus les donations antérieures.

Quant à l'équation budgétaire, le reste à financer estimé approximativement à 900 millions d'euros correspond au coût de l'ensemble de la réforme, en régime de croisière et apprécié en valeur 2011. L'équilibre proposé répond à vos préoccupations puisque le rendement de la mesure relative au retour à la période de dix ans au lieu de six ans est évalué à 450 millions d'euros en valeur 2011, celui concernant le barème à 200 millions d'euros et celui relatif aux droits de donation à 290 millions d'euros.

Ce chiffre est déjà supérieur à 900 millions. Il faut y ajouter les deux mesures relatives à l'exil fiscal et aux non-résidents, qui représentent des ressources supplémentaires par rapport à la seule compensation du coût de la réforme.

M. Jean Arthuis, président . - Pouvez-vous nous indiquer la date d'entrée en vigueur de celle-ci ?

Mme Marie-Christine Lepetit . - Dans l'hypothèse où aucun des deux volets de la réforme n'entre en vigueur en 2011, il n'y aura aucun impact sur la mise en oeuvre du bouclier fiscal et de l'ISF cette année. En revanche, la modification du barème jouera en 2012 alors que celle du bouclier n'interviendra en pratique qu'en 2013.

M. Philippe Marini, rapporteur général . - Quand cessera exactement le bénéfice du bouclier fiscal ?

Mme Marie-Christine Lepetit . - Les deux volets de la réforme devraient entrer en vigueur en même temps. Cependant, le bouclier concernant l'impôt dû en 2011 et le revenu perçu en 2010 continuera à produire des effets l'an prochain pour des raisons de sécurité juridique.

M. Philippe Marini, rapporteur général . - Permettez-moi de réitérer mon interrogation. Jusqu'à quand seront versés les chèques de remboursement au titre du bouclier fiscal ?

Mme Marie-Christine Lepetit . - Le droit au bouclier fiscal, à législation inchangée, s'ouvre au 1 er janvier de l'année n+1. Deux options sont alors offertes au contribuable pour mobiliser sa créance : la demande au Trésor public d'un virement sur son compte de la somme correspondante à son droit, ou l'imputation des créances sur l'impôt de l'année suivante, afin de limiter notamment l'impact de la contribution sociale généralisée (CSG) ou de la taxe foncière. En pratique, le recours à ces deux options est assez équilibré.

S'agissant de l'application des mesures de financement, les dispositions relatives aux droits de succession seront applicables dès la publication de la loi. Elles concerneront, en conséquence, les donations et les décès postérieurs au vote de la loi.

Quant à l'exit tax , celle-ci interviendrait dès l'adoption de la loi pour les déménagements et ventes ayant lieu à partir de cet été. En revanche, la taxation des résidences des non résidents devrait entrer en vigueur en 2012.

En conséquence, dès l'année prochaine, le rendement de l'ensemble de ces mesures devrait se situer à hauteur de 100 %, à l'exception de celui de l'exit tax, dont les effets seront logiquement différés, le temps que les déménagements et les ventes aient lieu et produisent leurs effets.

M. Jean Arthuis, président . - Le rendement est conditionné par l'effectivité des revenus ?

Mme Marie-Christine Lepetit . - Bien entendu. Vous m'avez interrogée sur l'application partielle de la réforme dès 2011. S'agissant du bouclier fiscal, une telle mesure soulève des problèmes juridiques. Quant à l'ISF, il nous est apparu irréalisable d'appliquer l'ensemble de la réforme en 2011, en raison d'une équation budgétaire impossible à résoudre pour l'année en cours. En revanche, il est envisageable d'appliquer dès 2011 la modification du champ de l'ISF au contribuable dont la valeur du patrimoine est inférieure à 1,3 million d'euros. Le coût de cette mesure est estimé à 300 millions d'euros en valeur 2008, soit approximativement 350 millions d'euros en valeur actuelle.

M. Philippe Marini, rapporteur général . - Avez-vous envisagé des pistes de réflexion quant aux mesures compensatoires de ce coût ?

Mme Marie-Christine Lepetit . - Les dispositions relatives aux donations produisent une recette de l'ordre de 100 à 150 millions d'euros. Elles constituent une première piste, sans pour autant compenser la totalité de la perte des recettes, s'il est envisagé d'appliquer la réforme du champ d'application de l'ISF dès 2011 au contribuable dont la valeur du patrimoine est inférieure à 1,3 million d'euros.

M. Philippe Marini, rapporteur général . - Avez-vous estimé le rendement de la mesure qui viserait à taxer « au fil de l'eau » les revenus et les plus values des contrats d'assurance sur la vie dont les montants sont les plus élevés ?

Mme Marie-Christine Lepetit . - La réponse dépend de la fixation du seuil. Le rendement serait, en tout état de cause, de l'ordre de plusieurs centaines de millions d'euros. J'attire, toutefois, votre attention sur la difficulté de mettre en oeuvre une telle disposition dès cette année car les produits de ces contrats sont déjà acquis.

Mme Nicole Bricq . - Quelle est la perte de recettes engendrée par l'abattement de 30 % sur la résidence principale ?

Mme Marie-Christine Lepetit . - L'exonération complète des résidences principales de l'ISF coûterait approximativement entre 700 à 800 millions d'euros.

M. Philippe Marini, rapporteur général . - Pour faire suite aux propos de notre collègue Philippe Adnot, avez-vous estimé le montant de l'investissement dans l'ISF-PME par les contribuables de la première tranche ?

Mme Marie-Christine Lepetit . - Ce montant est faible.

M. Philippe Marini, rapporteur général . - Je souhaite disposer de ce chiffre afin de vérifier que la réforme ne porte pas atteinte au régime de l'ISF-PME.

Mme Marie-Christine Lepetit . - Le ministre a indiqué à cet égard que le financement de la réforme prévoit un montant significatif pour continuer à accompagner les PME. De surcroît, nous étudions la possibilité d'améliorer le dispositif dit « Madelin », et éventuellement le modifier, selon l'approche formulée l'an dernier par Nicolas Forissier. Elle consiste à changer les paramètres du compartiment « Madelin » pour les petites entreprises communautaires.

M. Philippe Marini, rapporteur général . - Faisant écho au principe formulé par notre collègue François Fortassin, je tiens à souligner qu'élever le plafond d'une niche fiscale n'est pas pédagogique.

M. Jean Arthuis, président . - Si vraiment les niches avaient des vertus de stimulation de l'économie et d'équilibre budgétaire, nous n'en serions pas là. Donc, je pense qu'il faut très sérieusement s'interroger avant de créer une niche nouvelle ou d'en améliorer une existante.

M. Philippe Adnot . - En tant que co-auteur de la proposition de loi avec Nicolas Forissier, je souhaite insister sur le fait qu'il ne s'agit pas d'accroître une niche, mais de déplacer les arbitrages des contribuables. En l'espèce, la réforme du dispositif dit « Madelin » permettrait de réaliser des programmes de défiscalisation dans des entreprises plutôt que dans les îles.

M. Jean Arthuis, président . - Il est encore question d'optimisation fiscale qui alimente une véritable industrie en soi.

M. Jean-Pierre Fourcade . - Permettez-moi de résumer votre propos. Vous avez identifié trois tranches : la première rassemble 300 000 contribuables qui seraient exonérés d'ISF parce que la valeur de leur patrimoine est inférieure à 1 300 000 euros. La deuxième regroupe 225 000 contribuables pour lesquels la valeur de leur patrimoine est comprise entre 1,3 et 3 millions d'euros. Enfin, la troisième tranche est composée d'approximativement 35 000 assujettis pour un patrimoine estimé à plus de 3 millions d'euros. Peut-on envisager de dispenser de déclaration dès 2011 les 225 000 contribuables de la deuxième tranche ?

Mme Marie-Christine Lepetit . - La simplification de la déclaration, c'est-à-dire un chiffrage sans détail, est envisageable. En revanche, la déclaration dans le cadre de l'impôt sur le revenu ne l'est pas, puisque les déclarations d'impôt au titre de l'année 2011 sont actuellement en cours d'envoi aux contribuables.

M. Philippe Marini, rapporteur général . - Donner un chiffre de la valeur nette du patrimoine estimé par le contribuable suppose néanmoins de se référer à des éléments de calcul. Ainsi, même sous forme simplifiée, ne faudrait-il pas prévoir un intercalaire mentionnant les principaux éléments du patrimoine dans la déclaration à l'impôt sur le revenu ?

J'estime que ce serait une bonne chose que, pour l'avenir, concernant les petites cotisations, l'impôt sur la fortune devienne un élément de la déclaration d'impôt sur le revenu. Cela irait dans le sens du dépérissement de l'ISF.

M. Jean Arthuis, président . - Cette hyper simplification n'est-elle pas le signe de la disparition progressive de l'ISF ?

Mme Marie-Christine Lepetit . - Je tiens à rassurer Philippe Marini sur l'effectivité des contrôles. En effet, ce qui importe, c'est de permettre un dialogue entre le contribuable et les services fiscaux. Celui-ci est possible car ces derniers interrogent les foyers à la suite d'un calcul informatique de leur patrimoine théorique.

S'agissant de l'articulation des deux déclarations, il serait envisageable et utile de rassembler pour certaines catégories « en un seul lieu et un seul moment », l'impôt sur le revenu et l'ISF. Quant à savoir si ceux qui continueront à déclarer le détail de leurs patrimoine devront rester à part ou être intégrés, à terme, dans la même déclaration, cette question mérite d'être approfondie.

Quel que soit le choix final qui interviendra sur les modalités de simplification, il est essentiel de ne pas modifier les règles de procédure et de gestion et de l'ISF, qui relève du champ de la Cour de cassation et non de celui du Conseil d'État. Un tel changement pourrait être envisagé, mais dans le cadre d'une réflexion que l'on n'a pas encore, et qui mériterait alors d'être étudiée précisément.

M. Serge Dassault . - Tout en émettant de nombreuses réserves, cette réforme présente certains progrès, sans pour autant conduire à l'abrogation de l'ISF que j'appelle de mes voeux. Je souhaiterais connaître l'avis du rapporteur général sur la mesure visant les successions. Je déplore toute proposition visant à augmenter l'imposition sur les successions et les donations en raison principalement du manque de liquidité des bénéficiaires pour acquitter ces taxes. Une nouvelle tranche d'imposition de l'impôt sur le revenu me semble préférable.

M. Philippe Marini, rapporteur général . - La seule doctrine primordiale qui doit guider notre examen consiste à vérifier que la compensation des pertes de recettes anticipées par cette réforme soit non seulement suffisante, mais incorpore une marge de prudence. De surcroît, il me semble pertinent d'appliquer une partie de la réforme dès 2011 afin d'en renforcer la visibilité politique. Enfin, il n'est pas exclu que l'examen du texte nous conduise, en collaboration avec le rapporteur général de l'Assemblée nationale, à proposer des alternatives à chacune des mesures proposées.

M. Jean Arthuis, président . - Nul n'est jamais aussi fort que celui qui est rassemblé et uni. M. Michel Houdebine, pouvez-vous conclure ?

M. Michel Houdebine, chef du service des politiques publiques à la direction générale du Trésor . - Je pense que Mme Lepetit a d'ores et déjà répondu à l'ensemble de vos questions.

M. Jean Arthuis, président . - Il me reste donc à remercier Mme Lepetit et M. Houdebine pour les éclairages qu'ils nous ont apportés. Le débat ne fait que commencer pour nous.

F. AUDITION DE M. FRANÇOIS BAROIN, MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA RÉFORME DE L'ETAT (11 MAI 2011)

La commission procède à l'audition de M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, sur le projet de loi n° 3406 (XIII e législature) de finances rectificative pour 2011, en cours d'examen à l'Assemblée nationale.

M. Jean Arthuis , président . - Nous avons l'honneur et le plaisir de recevoir M. Baroin. Nous excuserons Mme Lagarde, retenue par des impératifs européens.

Le conseil des ministres vient d'adopter le projet de loi de finances rectificative pour 2011, qui porte notamment sur la réforme de la fiscalité patrimoniale dont le Président de la République avait annoncé le principe à l'automne.

Notre commission des finances a régulièrement dénoncé, par le passé, les défauts du dispositif actuel, et émis des propositions. Cette réforme intervient après trois mois de travaux très denses, au cours desquels nous avons mené des échanges avec un large panel de spécialistes. Nous vous écouterons donc avec intérêt.

M. François Baroin , ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat . - Ce collectif marque une étape significative dans la poursuite des engagements du Gouvernement. Il effectue en outre un certain nombre d'ajustements en matière de recettes et de redéploiements entre dépenses, notamment dans le cadre de la mise en oeuvre du plan de soutien à l'emploi et à l'alternance annoncé par le Président de la République. Ces mouvements sont globalement neutres sur le plafond de dépense autorisé et le solde budgétaire, qui reste inchangé par rapport à la loi de finances initiale, à 91,6 milliards d'euros.

Je concentrerai ma présentation sur la réforme de la fiscalité du patrimoine ainsi que sur les modalités de son financement. Je remercie la commission des finances et son président d'avoir participé, de longs mois durant, à nos travaux. Il était essentiel que tous disposent du même niveau d'information que le Gouvernement pour se déterminer en conscience. L'oeuvre finale résume les contraintes budgétaires qui sont les nôtres.

Nous voulons un impôt de solidarité sur la fortune (ISF) plus juste et mieux adapté aux réalités économiques. L'ISF, souvent considéré comme une « exception française », pénalise l'attractivité de notre pays, en raison :

- d'un seuil d'entrée décalé par rapport à l'évolution des prix de l'immobilier au cours des dix dernières années, qui a fait entrer artificiellement dans l'ISF des contribuables n'ayant jamais quitté leur résidence principale ;

- de taux d'imposition fixés à d'autres époques et aujourd'hui déconnectés du rendement réel des actifs, de sorte que l'impôt est devenu dans de nombreux cas confiscatoire ;

- enfin, des modalités déclaratives trop pesantes ou trop « inquisitoriales » pour les contribuables.

Nous entendons agir sur la structure de notre fiscalité, afin de la rendre plus simple, plus juste et plus compétitive. Après la réforme du crédit d'impôt recherche et celle de la taxe professionnelle, la réforme de la fiscalité du patrimoine s'inscrit logiquement dans cette ambition.

L'acte I de cette réforme, c'est la suppression du bouclier fiscal et, avec lui, de toute forme de plafonnement de l'ISF. Cette suppression répond à une exigence de justice. Il s'agissait, d'abord, de prendre en compte la situation des bénéficiaires actuels du bouclier fiscal de condition modeste, majoritaires : un dispositif de plafonnement de la taxe foncière en fonction des revenus serait maintenu à leur profit. Il s'agissait, ensuite, de s'attaquer aux raisons qui ont rendu le bouclier fiscal nécessaire : sa suppression ne pouvait s'envisager sans une profonde réforme du barème de l'ISF, sauf à redonner à cet impôt un caractère confiscatoire que pas même ceux qui l'ont instauré en 1989 n'avaient voulu lui conférer.

Nous prévoyons donc une simplification de l'ISF et son adaptation aux réalités économiques. Nous vous proposerons de supprimer, tout d'abord, la première tranche de cet impôt, qui concerne les ménages possédant un patrimoine net d'une valeur comprise entre 800 000 euros et 1,3 million d'euros. Dès 2011, le seuil d'entrée à l'imposition sur la fortune serait fixé à 1,3 million d'euros de patrimoine, ce qui permettrait à quelque 300 000 foyers qui sont devenus redevables de l'ISF du seul fait de la bulle immobilière de ne plus être assujettis à cet impôt. Cette mesure évitera également à 200 000 autres ménages d'entrer dans l'ISF dans les prochaines années. Au total, ce sont donc 500 000 ménages qui vont bénéficier de la suppression de la première tranche.

Nous vous proposerons ensuite de corriger le barème de l'ISF, devenu un véritable encouragement à l'expatriation : entre 1,3 et 3 millions d'euros de patrimoine, le taux d'imposition serait de 0,25 % et les redevables de cette tranche seraient exemptés de déclaration, la valeur totale de leur patrimoine étant désormais simplement portée sur la déclaration d'impôt sur le revenu, pour un paiement au même terme.

Au-delà de 3 millions d'euros de patrimoine - cela représente moins de 30 000 contribuables - le taux d'imposition serait de 0,5 %. Les assujettis auront toujours à remplir une déclaration d'ISF, comme c'est le cas aujourd'hui. Pour lisser les effets de seuil, un dispositif de décote serait instauré pour les patrimoines compris entre 1,3 et 1,4 million, ainsi que pour ceux compris entre 3 et 3,2 millions. Les modalités déclaratives seraient également simplifiées pour la majorité des redevables, à compter de 2012.

Enfin, nous avons été attentifs à corriger les effets économiques les plus néfastes de l'ISF : pour préserver le développement de nos PME, nous vous proposerons de redéfinir le régime d'exonération des biens professionnels pour les entrepreneurs qui dirigent plus d'une entreprise ou qui diluent leur participation à l'occasion d'une augmentation de capital ; nous voulons également encourager le développement d'un capitalisme familial par des assouplissements des « pactes Dutreil », dont nombre d'entre vous savent combien ils sont essentiels pour assurer la pérennité des entreprises sur plusieurs générations.

Suppression du bouclier fiscal, protection de la résidence principale avec le relèvement du seuil d'entrée dans l'ISF, retour à des taux cohérents avec le rendement des actifs et aménagement des régimes d'assiette pour tenir compte de la vie des entreprises : telles sont les grandes lignes d'une réforme qui porte la marque d'un juste équilibre entre équité et efficacité économique.

Mais la réforme ne peut se concevoir que dans sa globalité. Car nous entendons présenter un projet équilibré pour les finances publiques et faisant peser l'impôt sur la population même qui profite de l'allègement de l'ISF. Plusieurs mesures sont ainsi prévues pour le financer : taxation plus importante des donations et successions des hauts patrimoines, contribution des non-résidents et instauration de dispositifs de lutte contre l'évasion fiscale internationale.

Conformément au souhait du Président de la République, nous avons opté pour un financement simple, qui pèse sur les flux plutôt que sur le stock, sur la transmission du patrimoine plutôt que sur sa détention.

La taxation des donations et successions sera réévaluée pour les hauts patrimoines et eux seuls, j'y insiste : les acquis essentiels de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (Tepa), qui a permis d'exonérer 97 % des successions en ligne directe et qui a facilité les transmissions anticipées de patrimoine, seront intégralement préservés. En revanche, nous revenons sur des dispositions antérieures à la loi Tepa, qui, du fait notamment du triplement des abattements intervenu avec celle-ci, ont perdu de leur pertinence.

Cette stratégie se décline en trois axes. Tout d'abord, l'augmentation de cinq points des tarifs applicables aux deux dernières tranches du barème d'imposition applicable aux successions et aux donations consenties en ligne directe, ainsi qu'aux donations entre époux et titulaires d'un pacte civil de solidarité (PACS). En pratique, cette hausse ne frappera que 2 000 successions par an. Ce sont donc bien les très grosses successions qui sont visées.

Ensuite, la suppression des réductions de droits de donation accordés en fonction de l'âge du donateur. Je rappelle que ces droits ne sont dus qu'à hauteur des donations qui dépassent l'abattement de 159 000 euros. C'est bien plus déjà que la totalité du patrimoine de la majorité des Français. La mesure frappe donc là encore un nombre très limité de personnes fortunées.

Enfin, un délai de rappel des donations qui sera porté de six à dix ans. Le raccourcissement du délai de dix à six ans étant intervenu en 2006, toutes les donations qui pourraient profiter aujourd'hui du délai de six ans sont intervenues. On prive ainsi certains d'un effet d'aubaine, mais personne ne sera pris au dépourvu.

Réformer la fiscalité du patrimoine, c'est aussi taxer de nouvelles capacités contributives, adapter le droit pour limiter les possibilités d'optimisation et renforcer les outils permettant de lutter contre l'évasion fiscale. Trois mesures permettront d'améliorer l'efficacité de notre fiscalité sur ce point.

Les non-résidents participeront désormais au financement des services publics nationaux dont ils bénéficient, via une taxation des résidences secondaires. Ce dispositif ne concerne que les personnes dont les revenus de source française ne représentent qu'une faible part de leurs revenus totaux. Il institue une participation proportionnelle aux capacités contributives conférées par le patrimoine immobilier dont elles ont la jouissance sur le territoire français, et au titre duquel elles n'acquittent actuellement que des impositions à caractère local. Les personnes qui s'expatrient temporairement, notamment pour des raisons professionnelles, en seront exonérées.

Nous prévoyons, ensuite, l'introduction d'une « exit tax » sur les plus-values latentes. Ce dispositif a été conçu pour être parfaitement conforme au droit communautaire et aux engagements internationaux de la France. Il s'inspire de ceux adoptés par certains de nos partenaires européens tels que l'Allemagne, le Royaume-Uni ou les Pays-Bas. Cette taxe sera assise sur les plus-values sur titres constatées lors du transfert de la résidence fiscale hors de France et exigible en cas de cession des titres dans les huit années qui suivent.

Enfin, nous prévoyons plusieurs mesures pour mettre fin à des schémas d'optimisation et d'évasion fiscales. Nous vous proposerons ainsi de mettre fin au schéma par lequel des non-résidents échappent à l'ISF en plaçant leurs biens immobiliers dans une société civile immobilière (SCI) criblée de dettes. Nous entreprenons également de donner à l'administration la capacité d'appréhender fiscalement les biens et droits placés dans des trusts , institutions de droit anglo-saxon sans équivalent en droit français, dont le régime fiscal incertain facilite l'utilisation à des fins d'évasion fiscale.

Ces deux dernières mesures s'inscrivent dans le prolongement d'autres opérations fortes que nous menons pour lutter contre la localisation d'actifs ou de revenus sur des comptes bancaires offshore . La cellule de régularisation, l'exploitation de fichiers de comptes bancaires détenus à l'étranger ont ainsi permis de rapatrier des recettes importantes au cours des années 2010 puis 2011. D'autres initiatives suivront.

En régime de croisière, la réforme dégagera dans son ensemble et indépendamment de toute ressource exceptionnelle un surcroît de recettes de quelque 200 millions d'euros par an.

Au-delà de la réforme de la fiscalité du patrimoine, ce projet de loi de finances rectificative comprend un nombre limité de dispositions qui reflètent notamment la priorité donnée à l'emploi et au pouvoir d'achat, sans modifier ni le plafond de dépense autorisé, ni le solde budgétaire pour 2011.

En matière d'emploi, conformément à l'engagement du Président de la République, le Gouvernement souhaite orienter son action vers quatre priorités : l'emploi des jeunes, le soutien aux demandeurs d'emploi de longue durée, la formation des demandeurs d'emploi et la sécurisation des parcours professionnels. Ce texte procède ainsi à plusieurs ouvertures ciblées de crédits, dont les principales ont vocation à financer la formation en alternance, les contrats aidés du secteur marchand, diverses actions de formation pour les chômeurs de longue durée ainsi que la mise en oeuvre du nouveau contrat de sécurisation professionnelle.

En matière de pouvoir d'achat, au regard des fortes hausses du prix des carburants, le Gouvernement a revalorisé de 4,6 % les barèmes kilométriques utilisés par les salariés qui optent pour les frais réels et par certains non-salariés pour évaluer forfaitairement leurs frais de véhicules. Cette revalorisation entrera en vigueur dès cette année. Nous proposons de financer cette décision par une contribution exceptionnelle à la charge des entreprises du secteur pétrolier, dont le rendement, de 120 millions d'euros en 2011, permettra de couvrir le coût de la revalorisation du barème. En outre, afin de mieux maîtriser la hausse du coût de l'électricité et son impact sur les consommateurs, nous prévoyons de lisser la revalorisation de la contribution au service public de l'électricité.

Quelques mots sur les autres dispositions de ce texte. Les premières concernent le financement de la réforme de la garde à vue, via la création d'une contribution pour l'aide juridique et l'ouverture de moyens supplémentaires sur les programmes du ministère de la justice et de l'intérieur. Vient ensuite un dispositif d'indemnisation spécifique des victimes du médicament « Mediator » et de ses génériques. Il est également procédé, comme chaque année, à des ajustements de crédits ciblés, qui visent à couvrir les insuffisances en gestion anticipées sur certains programmes.

L'ensemble de ces mesures, je le répète, ne modifie pas le solde budgétaire, qui reste inchangé par rapport à la loi de finances initiale et s'établit à 91,6 milliards d'euros.

Comme vous pouvez le constater, le Gouvernement est déterminé à poursuivre l'adaptation de notre fiscalité pour la rendre plus simple, plus juste et plus efficace. Nous engageons ces réformes sans dévier du cap que nous nous sommes fixé : la réduction des déficits et la maîtrise accrue de nos finances publiques. Je souhaite à présent que nos travaux s'inscrivent dans ce même esprit de responsabilité.

M. Jean Arthuis , président . - Merci de ces informations délivrées sur le vif, qui devraient apaiser le débat sur la réforme de l'ISF - même si certains d'entre nous considèrent que vous demeurez à mi-chemin... Nous examinerons de près les évaluations, pour nous assurer que cette réforme ne dégrade pas le solde public. Il semble, notamment, que les bureaux de notaires soient très sollicités ces temps-ci pour anticiper les donations...

M. Philippe Marini , rapporteur général . - Je souscris aux grandes lignes de cette réforme et invite mes collègues de la majorité à me suivre : elle constitue l'aménagement raisonnable d'un impôt dont les effets pervers sont manifestes. En atténuant la ponction sur les valeurs immobilières, souvent concentrées sur la résidence principale, elle exonère 300 000 foyers. De plus, le barème de la taxation redevient cohérent avec l'échelle de rémunération des actifs financiers. Enfin, il est mis fin au bouclier fiscal, sans endommager le solde public, grâce à la compensation d'un surcroît de recettes dans le même domaine de la fiscalité du patrimoine. L'équation apparaît donc séduisante.

Mme Nicole Bricq . - Apparaît...

M. Philippe Marini , rapporteur général . - Ce n'est rien d'autre que le terme, madame Bricq, qu'exige, en bonne méthode cartésienne, l'exercice du doute méthodique.

Il nous faudra disposer, monsieur le ministre, de tous les éléments d'évaluation, pour comprendre comment se fait, exercice par exercice, la compensation, en distinguant les effets momentanés, comme les dépenses exceptionnelles liées à l'anticipation du dispositif, et permanents. Nous avons besoin d'une démonstration carrée, pour la mener ensemble avec conviction.

Le dispositif qui vise les non-résidents est bien ciblé, opportun, raisonnable. Il conviendra de mettre en valeur sa conformité aux principes généraux du droit et au droit communautaire. Mais j'avoue que si Bruxelles devait émettre une interprétation divergente, il y aurait lieu de douter plus encore des vertus de l'Union européenne...

Ce collectif ne touche pas à la fiscalité des revenus de l'épargne, puisque l'équilibre se fait sur la seule fiscalité relative à la détention et à la transmission du patrimoine. Ce qui ne signifie pas que le Président de la République n'ait pas bien fait de déclarer, à Saint-Nazaire, le 25 janvier dernier, que des initiatives devaient être prises pour que les 1 400 milliards d'euros d'encours des assurances s'orientent vers l'investissement en fonds propres des entreprises. Nous attendons des propositions dans le futur projet de loi de finances.

En matière d'ouverture de crédits, je suis surpris de ne rien trouver pour les opérations extérieures (Opex), alors que notre pays est engagé en Afghanistan, en Libye, en Côte-d'Ivoire. Est-ce à dire que les prévisions budgétaires étaient suffisantes ? Cette question pourrait vous être l'occasion, monsieur le ministre, de nous délivrer quelques informations sur les opérations aériennes et navales en Libye.

Un commentaire, enfin, sur les chiffres récents du déficit budgétaire : des effets techniques ont conduit à une présentation alarmiste sur son creusement. Vous comprendrez donc que nous soyons appelés à rester attentifs, mois par mois, aux évolutions.

M. François Baroin . - Le tableau de financement de la réforme est à votre disposition. L'équilibre est assuré, et, en régime de croisière, le rendement sera supérieur au coût. Au reste, les recettes de l'ISF sont dynamiques. La suppression de la réduction sur les droits de donation vaudra pour 290 millions d'euros, le passage de six à dix ans du délai de reprise sur les donations pour 450 millions, l'augmentation de cinq points des deux premières tranches du barème des droits de mutation à titre gratuit pour 85 millions, à quoi s'ajoutent d'autres éléments, comme l' exit tax , pour 75 millions, et surtout le produit de la lutte contre l'évasion fiscale, pour 400 millions, sachant que la cellule de régularisation a permis d'engranger 300 millions affectés à la réforme. L'équilibre financier est donc garanti. Les documents annexés au projet de loi explicitent les méthodes de chiffrage.

Je puis vous confirmer que l' exit tax est parfaitement compatible avec nos conventions fiscales. Pour ce qui concerne le droit communautaire, le Conseil d'État, sollicité, n'a émis aucune objection. A la différence des dispositions qui nous avaient valu une condamnation en 2004, l'impôt ne sera pas dû au départ, mais seulement lors d'une cession ultérieure de titres, comme cela est déjà le cas dans d'autres pays de l'Union. Nous sommes donc parfaitement confiants.

Si le Président de la République et le Premier ministre m'ont demandé de sortir l'assurance-vie du champ de cette réforme, c'est que même en retenant un seuil analogue à 1 ou 1,3 million d'euros, le débat aurait pu être mal interprété et détourné de son objet, ce qui aurait nui à la simplicité et à l'efficacité de la présente réforme. Le projet de loi de finances pour 2012 sera l'occasion d'aborder le problème : mobiliser l'épargne au service de l'activité économique est un souci que nous partageons.

Les prévisions sur les Opex sont par nature incertaines. La loi de finances pour 2011 ne pouvait anticiper les évènements de Libye. Cela étant, les nouvelles modalités retenues en loi de finances initiale permettent de réduire l'imprévu.

Il n'est pas utile de modifier le montant prévu dans la loi de finances initiale pour les Opex, fixé à 630 millions d'euros. C'est pourquoi nous n'avons pas déposé de texte pour réclamer des crédits supplémentaires.

M. François Marc . - Le délai entre les donations va passer de six à dix ans. Ceux qui se sont déjà engagés seront-ils concernées par cette mesure ? Si oui, ne seront-ils pas en droit de s'estimer floués par la modification des règles du jeu ?

Pour justifier la réforme de l'ISF, j'ai l'impression que vous forcez le trait selon le vieux principe : « qui veut noyer son chien l'accuse d'avoir la rage ». Vous parlez d'une « incongruité » en Europe, de « procédures inquisitoriales » à l'encontre des contribuables. Ne noircissez pas les choses à l'excès ! Nos collègues qui ont été aux Pays-Bas ont constaté que l'impôt sur la fortune y rapporte 4 milliards d'euros, soit le même montant que notre ISF, pour 16 millions d'habitants. Un impôt sur la fortune n'est donc pas d'une totale incongruité en Europe.

M. Philippe Marini, rapporteur général . - Il s'agit d'une taxe sur le rendement théorique du capital !

M. François Marc . - L'impôt sur la fortune n'a donc pas disparu.

M. Jean Arthuis, président . - Aux Pays-Bas, c'est un impôt sur une base forfaitaire.

M. François Marc . - Habillez-le comme vous voulez : il n'empêche que le dispositif existe.

M. Jean Arthuis, président . - Les revenus fonciers ne sont pas imposés comme tels.

M. François Marc . - Enfin, vous prétendez qu'avec la loi Tepa, ce sont 97% des successions en ligne directe qui sont désormais exonérées d'impôt. Mais vous oubliez de préciser qu'avant cette loi, plus de 90% des successions l'étaient déjà.

M. Philippe Marini, rapporteur général . - Finalement, cette loi Tepa n'a que peu réformé ...

M. André Ferrand . - Je vais m'exprimer au nom des Français de l'étranger dont je suis l'élu. La taxe sur les résidences secondaires des non-résidents les a vivement inquiétés, d'autant que diverses rumeurs circulent. Il est urgent de rassurer ceux qui n'ont pas de raison de s'angoisser. Certes, vous proposez une pilule dorée, mais la mesure va quand même avoir beaucoup de mal à passer.

D'autre part, sur un plan plus technique, pourquoi le projet de loi prévoit-il la rétroactivité de l' exit tax au 3 mars 2011 ?

Sait-on combien de nos compatriotes sont concernés par l'abrogation de l'article 164 C du code général des impôts ? Cette mesure ne s'applique que lorsqu'il n'existe pas de convention fiscale bilatérale.

Vous avez parlé d'expatriés temporaires pour raison professionnelle : quels seront les critères retenus ? S'agira-t-il exclusivement des expatriés pour le compte des grandes entreprises ?

Bref, comment nos deux millions de compatriotes résidant à l'étranger vont-ils être traités ?

Mme Nicole Bricq . - J'ai lu, monsieur le ministre, le communiqué du conseil des ministres et l'entretien que Christine Lagarde a donné au Figaro, et je viens de vous entendre. Il en ressort que vous allez supprimer le bouclier fiscal : mieux vaut tard que jamais ! En outre, vous allez réformer la fiscalité du patrimoine et notamment l'ISF. Dans son interview, Mme Lagarde cherche surtout à rassurer sa « clientèle électorale » puisqu'elle affirme que les plus « petits » contribuables encore concernés par l'ISF payeront 1 500 euros au lieu de 3 250 et que la niche ISF-PME perdurera. Donc, vous allez sortir 300 000 personnes de l'ISF tandis que les barèmes et les taux seront plus favorables : êtes-vous vraiment sûr, monsieur le ministre, de la neutralité du dispositif ? Le rapporteur général a l'air d'en douter et il n'a pas apporté la preuve que cette réforme était neutre pour les finances publiques. Nous y verrons plus clair lorsque nous examinerons votre projet de loi. Vous estimez que cette réforme est juste et raisonnable : je la qualifierais plutôt d'injuste et déraisonnable.

M. Philippe Marini, rapporteur général . - Quelle déception !

Mme Nicole Bricq . - Et puis, arrêtez de prétendre que l'ISF est une exception en Europe ! C'est faux. Cet impôt existe aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne. En outre, dans ce pays, la dernière tranche de l'impôt sur le revenu est à 50 %.

M. Jean Arthuis, président . - Aux Pays-Bas, il s'agit d'une imposition forfaitaire calculée sur ce que devrait être le revenu du patrimoine !

Mme Nicole Bricq . - L'ISF a l'immense intérêt d'être évolutif. Si vous aviez voulu une vraie réforme, vous vous seriez intéressé à l'assiette de l'ISF.

M. Jean Arthuis, président . - Les oeuvres d'art, par exemple...

Mme Nicole Bricq . - Pas seulement ! Il y a aussi l'outil professionnel. Ne faudrait-il pas regarder du côté des actionnaires non actifs ?

M. Jean Arthuis, président . - C'est le pacte Dutreil !

Mme Nicole Bricq . - Nous y reviendrons lors du débat fiscal.

M. Joël Bourdin . - J'adhère à la logique de cette réforme : 300 000 ménages sortent du périmètre de l'ISF, ce n'est pas rien. Il faut en outre ajouter à ce chiffre ceux qui allaient entrer dans le périmètre et qui craignaient de devoir payer l'ISF et ceux qui, à cause de l'immobilier, risquaient d'y entrer. Cela fait pas mal de monde. Ce dispositif est donc juste.

J'en viens à l'exonération de taxe afférente au foncier bâti que vous prévoyez en fonction des revenus. Vous mélangez là fiscalité nationale et fiscalité locale. Je croyais qu'on était sorti de cette confusion et que les systèmes étaient désormais simples avec des assiettes pour les impôts locaux et des assiettes pour les impôts nationaux. Avec ce dispositif, vous allez satisfaire des contribuables, mais au détriment des finances des collectivités locales, car je n'imagine pas que vous prévoyiez des compensations pour ces dernières. Je souhaite connaître le sort de cette exonération car je comprendrais mal que l'on prive les collectivités de 7 millions d'euros à partir de l'année prochaine. En outre, le gouvernement de M. Bérégovoy s'était essayé à cette réforme, sous la forme d'un plafonnement, mais il avait dû battre en retraite très vite, car elle s'était révélée difficilement applicable.

Je ne comprends pas bien le fonctionnement des trusts , mais je voudrais savoir si la disposition relative aux biens compris dans les trusts est réellement applicable. Comment appliquer le principe de traçabilité ?

M. Roland du Luart . - Je n'ai pas la même analyse que Mme Bricq.

Mme Nicole Bricq . - Voilà qui est étonnant !

M. Roland du Luart . - Comme l'ont dit plusieurs grands hommes politiques, l'ISF est un impôt imbécile et je vous remercie d'avoir le courage de le réformer, monsieur le ministre. Mieux aurait valu le faire en 2007 plutôt qu'aussi tardivement. Le nouveau barème que vous mettez en place n'est pas spoliateur par rapport au rendement d'un placement de l'argent. En revanche, il faut en finir avec l'instabilité fiscale qui pénalise notre pays. Nous perdons de la crédibilité et nuisons à la confiance des investisseurs, ce que je déplore. Ne serait-il pas judicieux d'inscrire cette réforme dans le marbre de la Constitution, comme l'ont fait les Allemands ?

A cet égard, le Premier président de la Cour des comptes est venu nous remettre un rapport sur les prélèvements obligatoires qui pèsent sur les ménages : page 305, il fait état de la suppression de l'ISF dans les autres pays européens. Je croyais que M. Migaud était crédible, mais Mme Bricq et M. Marc semblent penser le contraire.

Par ailleurs, en tant que rapporteur spécial des crédits de la justice, je me félicite de la mesure qui va permettre d'abonder les crédits destinés à l'aide juridictionnelle. Je ne suis pourtant pas certain qu'elle suffira, compte tenu de la récente réforme de la garde à vue. Les cours d'appel de métropole et d'outre-mer estiment déjà qu'elles ne pourront plus payer les frais de justice fin septembre : je souhaite donc attirer solennellement votre attention sur ce problème.

M. Albéric de Montgolfier . - J'adhère à cette réforme car l'augmentation des prix de l'immobilier avait des effets pervers sur l'ISF. De plus, l'abaissement des taux de l'impôt est une réponse adéquate du fait des taux des placements mobiliers.

Il y aura un sursis de paiement de l' exit tax lorsque le contribuable transfèrera son domicile dans un pays de l'Union qui est partie d'une convention fiscale. Peut-on voter cette réforme sans revoir les conventions fiscales qui nous lient ?

La mesure ISF-PME est maintenue, mais demeure-t-elle attractive ? Quel sera le coût fiscal du nouveau barème de l'ISF, qui va réduire le nombre de contribuables ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Les mesures proposées me semblent équilibrées : la suppression du bouclier fiscal était indispensable, les exonérations des petites et moyennes successions ne devaient pas être remises en cause et les contribuables ne pouvaient pas continuer à être taxés en raison de l'augmentation des prix de l'immobilier. Dans le bassin d'Arcachon, nous sommes, nous aussi, concernés par ce phénomène.

Comme l'a dit M. Bourdin, les collectivités locales vont être privées d'une part de leur taxe foncière : on confond valeur locative et valeur intrinsèque des biens. Or, nous savons bien que les valeurs locatives varient beaucoup d'une ville à une autre : entre la valeur locative moyenne d'Arcachon et celle qui est pratiquée chez moi, à Gujan-Mestras, à douze kilomètres, l'écart est immense.

Parmi les ouvertures de crédits, ce collectif prévoit un dispositif d'indemnisation des dommages subis par les patients exposés au Mediator. C'est surprenant : dispose-t-on de tous les éléments relatifs aux responsabilités des uns et des autres qui permettent d'ores et déjà de prendre une telle décision ?

M. Jean-Pierre Fourcade . - Sur l'ISF, le bon sens l'a emporté. J'ai toutefois quelques inquiétudes sur l'équilibre pour 2011 : dans le climat actuel de populisme, j'aurais fixé le seuil de l'exonération à un million d'euros, plutôt qu'à 1,3 million.

Vous révisez l'estimation des recettes de 500 millions que vous compensez par l'amélioration du solde des comptes spéciaux. Quel est le compte spécial concerné ?

Dans les rectifications de dépenses, tenez-vous compte du fait que l'inflation ayant dépassé 2 %, nous allons devoir acquitter une contribution supplémentaire pour les obligations assimilables du Trésor (OAT) indexées ?

M. Philippe Dallier . - Ma question concerne les Rmistes et les petits retraités de l'ile de Ré dont on avait beaucoup parlé lors de l'instauration du bouclier fiscal. Vous prévoyez de maintenir un dispositif en faveur des plus modestes pour un montant de 7 millions d'euros. N'aurait-on pas pu conserver l'ancien dispositif pour ces contribuables ? Y avait-il eu des abus de droits ?

M. Serge Dassault . - J'aurais préféré que l'ISF soit complètement supprimé, mais je me satisfais de cette réforme.

Y aura-t-il d'autres collectifs en cours d'année ?

En début d'exposé, vous avez parlé d'emplois, de formation en alternance et d'emplois aidés. Allez-vous augmenter les crédits qui leur sont consacrés ?

Avez-vous des informations sur le déficit prévisionnel total pour 2011 ?

M. Jean Arthuis, président . - Nous allons recevoir des informations nous permettant d'expertiser les prévisions de recettes qui viennent gager cette réforme en 2011. J'observe cependant que les 300 millions d'euros de recettes provenant de la lutte contre l'évasion fiscale internationale étaient déjà acquis : il ne s'agit donc pas d'un gage idéal. De mon point de vue, il manque donc 300 millions d'euros. Pour trouver cette somme, verriez-vous un inconvénient majeur à ce que puisse être ajoutée une tranche additionnelle à l'impôt sur le revenu ?

M. François Baroin . - M. Marc m'a interrogé sur l'allongement de la durée des donations, qui passe de six à dix ans. Lorsqu'on fait une donation, il est très difficile d'anticiper sur la date de son décès... La loi Tepa a permis de passer de 50 000 à 150 000 euros. Comme le dispositif a été indexé, le seuil est désormais proche de 160 000 euros.

Mme Nicole Bricq . - Vous aggravez votre cas !

M. François Baroin . - La fortune moyenne des Français s'établit à près de 130 000 euros : en une fois, la plupart des donations permettent donc de supprimer les droits de succession. Cela nous permet de dire que l'on a effacé 97 % des droits de succession. Je comprends que ceux qui ont entrepris une donation s'interrogent devant l'allongement de la durée : si un parlementaire me propose une mesure permettant de conserver les six ans tout en assurant la compensation fiscale à l'euro près, je serai ouvert au débat.

Les sénateurs socialistes ont une vision très partiale du « modèle hollandais » : il ne s'agit pas d'un impôt sur la fortune. Le modèle est notionnel : le patrimoine produit un revenu forfaitaire de 4 % sur lequel s'applique la taxe, et tout le monde est concerné. Il ne s'agit donc pas d'un impôt stigmatisant les patrimoines élevés. D'ailleurs, le bouclier, qui n'est que l'enfant du plafonnement Rocard, a été mis en place pour corriger l'ISF. Supprimant le bouclier, il était normal de corriger l'ISF.

A André Ferrand, je précise que ne sont dans le champ de la taxation sur les résidences secondaires et non-résidents que les personnes qui sont parties depuis plus de six ans. Ensuite, cette taxe équivaut à la taxe foncière, dont le montant est raisonnable. Il n'est pas illogique de demander à ceux qui bénéficient des services publics sans les financer d'apporter une contribution.

Vous savez par ailleurs que l'article 164 C du code général des impôts n'est jamais appliqué : il s'agit d'un dispositif selon lequel un non-résident qui détient un immeuble en France est imposable à l'impôt sur le revenu sur trois fois la valeur locative de l'immeuble.

M. André Ferrand . - Cela existe à Hong Kong !

M. François Baroin . - Je parle du 164 C chez nous ! Les expatriés pour raison professionnelle ne seront pas non plus concernés. Avec la taxe foncière sur les résidences secondaires, nous ciblons les exilés fiscaux ou les grands investisseurs qui ne déclarent aucune assiette fiscale dans notre pays malgré les conventions qui nous lient avec leur État d'origine et qui bénéficient, en France, d'un dispositif de santé publique très accueillant.

M. André Ferrand . - Il faudra l'expliquer clairement.

M. François Baroin . - Les documents sont très explicites. Peut être faudra-t-il attendre la fin du débat parlementaire avant d'informer plus avant nos compatriotes installés à l'étranger, mais vous pouvez d'ores et déjà les rassurer.

Madame Bricq m'a interrogé sur l'assiette de l'ISF. En ce qui concerne l'assouplissement du pacte Dutreil, nous souhaitons avant tout protéger les entreprises familiales. Un débat sur l'augmentation de l'abattement pourra avoir lieu. Nous voulons protéger le pacte d'actionnaires, lorsqu'un actionnaire se retire, afin de protéger le pacte et de ne pas créer d'obligations supplémentaires.

Le Parlement a diminué le taux d'abattement de l'ISF-PME de 75 % à 50 % dans le cadre de la dernière loi de finances. Nous aurions pu aligner l'ISF-PME sur le dispositif « Madelin » qui est applicable sur l'impôt sur le revenu : si nous étions passés de 50 % à 22 %, nous aurions augmenté le plafond pour permettre d'assurer le financement des PME. A propos du schéma finalement retenu, je vous fais observer que les 300 000 personnes qui sortent de l'ISF étaient les plus petits investisseurs. A l'inverse, ceux qui resteront assujettis à l'ISF après la réforme sont ceux-là mêmes qui finançaient déjà l'ISF-PME.

Nous voulons que les gens qui ont de l'argent restent en France mais contribuent, un peu plus que les autres, aux politiques publiques. Nous voulons également éviter toute injustice entre les entrepreneurs qui ont créé de la richesse et des emplois et qui ont choisi de rester en France au moment de la transmission et ceux qui, après un petit « tourisme fiscal » à Bruxelles, poursuivent leur activité en France sans avoir payé de plus-values de cession. L' exit tax est morale vis-à-vis de ceux qui ont choisi de rester en France.

Mme Nicole Bricq . - La loi Dutreil a été faite pour favoriser les transmissions d'entreprise. Or, l'obstacle principal demeure, notamment dans les entreprises familiales : les petites PME ont du mal à devenir de grosses PME. L'objectif n'a donc pas été atteint.

M. François Baroin . - Nous recherchons la même chose, madame Bricq : les dispositifs prévus pour préserver l'ISF-PME, pour augmenter le taux d'abattement et pour protéger le pacte d'actionnaires poursuivent un objectif identique au vôtre : la préservation du tissu des entreprises familiales.

Monsieur Bourdin, nous avons souhaité qu'il n'y ait pas de perdants avec cette réforme et c'est pourquoi nous avons lissé les effets de seuil. Par la suppression du bouclier et l'effacement de la première tranche d'ISF, à peu près la moitié des bénéficiaires du bouclier se retrouvaient perdants. Or il s'agissait de ménages défavorisés dont la plupart vivent à La Réunion, notamment à Saint-Denis. L'État prendra donc à sa charge la compensation prévue.

Pour les trusts , soit le patrimoine est déclaré à l'ISF par le constituant ou le bénéficiaire, soit le trust est taxé : il fallait sortir de l'ambiguïté actuelle.

Merci, monsieur du Luart, de soutenir ce projet de loi. S'agissant de la réforme de la garde à vue, le coût est estimé à 100 millions d'euros en année pleine. Nous pourrons répondre cette année à la montée en charge du nouveau dispositif.

M. de Montgolfier m'a interrogé sur l' exit tax : il n'est pas nécessaire de modifier les conventions fiscales pour la mettre en oeuvre.

Pour l'ISF-PME, le coût après réforme est évalué à 450 millions.

Le ministre de la santé défendra le dispositif Mediator qui se trouve dans ce véhicule législatif. J'ai entendu vos réserves mais Xavier Bertrand s'est expliqué cette après-midi.

Monsieur Fourcade, l'État va recevoir le remboursement de 2 milliards d'euros de prêts. Si l'on défalque le 1,5 milliard d'euros des prêts à la Grèce, les comptes spéciaux vont s'améliorer de 500 millions.

J'ai répondu aux questions de Mme Des Esgaulx sur le dégrèvement et sur le Mediator.

M. Jean-Pierre Fourcade . - Vous n'avez rien dit sur les OAT indexés sur l'inflation.

M. François Baroin . - Nous n'avons pas prévu, à ce stade, un financement supplémentaire. Je saisis l'occasion pour répondre au rapporteur général qui m'a interrogé sur les déficits : le communiqué de mon ministère est clair. Nous avons le décaissement des prêts de soutien à la Grèce mais tous les autres indicateurs vont dans la bonne direction : nous serons en-dessous du niveau de déficit prévu pour 2011. Nous sommes à 5,7 % du PIB et si nous pouvons faire mieux, nous le ferons.

Nous aurons 350 millions d'euros supplémentaires pour l'emploi et l'alternance, monsieur Dassault. Je vous confirme que la prévision du déficit reste inchangée.

M. Dallier a cité l'ile de Ré. En réalité, il s'agit surtout de l'île Bourbon, devenue île de la Réunion...

Enfin, en réponse à votre question, monsieur Arthuis, je vous confirme que le Gouvernement ne souhaite ni créer une tranche supplémentaire, ni toucher au barème actuel de l'impôt sur le revenu d'ici la fin de la législature. En revanche, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2012, une taxation spécifique sur les très hauts salaires pourrait être évoquée afin d'aller vers plus de justice et de moralité dans la répartition de la richesse.

M. Jean Arthuis, président . - Ces nouvelles dispositions contribueront sans doute à la simplification et à la lisibilité de notre fiscalité...

Je remercie M. Baroin d'avoir répondu à nos questions.

II. EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une séance tenue le mercredi 15 juin 2011, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président , la commission a procédé à l'examen des articles du projet de loi n° 612 (2010-2011), adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2011 , sur le rapport de M. Philippe Marini, rapporteur général .

Sous réserve des amendements figurant dans le présent rapport, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat d'adopter, ainsi modifiés, les articles du projet de loi de finances rectificative pour 2011.

Le compte rendu détaillé sera disponible en ligne à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/commission/fin/travaux.html


* 1 Consensus Forecasts, avril 2011.

* 2 Rapport d'information n° 456 (2010-2011).

* 3 Devenu la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

* 4 Ainsi, le journal Les Echos écrivait le 1 er avril 2011 : « Il ne peut pas y avoir de débat politique sur une cagnotte », prévient François Baroin. Au contraire, explique-t-il à propos du budget 2012, il faudra réaliser « autour de 6 milliards » d'effort « en plus de ce que nous avions prévu ». Dès janvier, il avait préparé les esprits en expliquant qu'il faudrait aller au-delà des 3 milliards d'euros d'économies sur les niches fiscales et sociales que le gouvernement s'est déjà engagé à faire en 2012 (une bonne partie de cet objectif sera atteint avec la montée en charge des mesures déjà votées). Les 6 milliards évoqués par François Baroin vont s'y ajouter. Il s'agira de mesures portant aussi bien sur les recettes que sur la dépense, indique-t-on au sein du gouvernement.

« Ces économies supplémentaires vont être rendues nécessaires par la révision prochaine de la prévision de croissance : si l'objectif d'une hausse de 2 % du PIB en 2011 devrait être maintenu, celui d'une hausse de 2,5 % en 2012 devrait être revu à la baisse (à 2 % ou 2,25 %). Les économistes et les institutions internationales tablent sur un niveau inférieur à 2 %. « On ne prendra pas le risque d'afficher un tel décalage », confie un conseiller. D'autant que le programme de stabilité actualisé doit être soumis au Parlement, puis à la Commission européenne et aux ministres des Finances européens. »

* 5 Consensus Forecasts, avril 2011.

* 6 Rapport d'information n° 456 (2010-2011) du 26 avril 2011.

* 7 Le Figaro, 3 juin 2011.

* 8 Selon les conclusions du Conseil européen des 24 et 25 mars 2011, « les modifications apportées à l'accord sur le FESF, visant à assurer à ce dernier une capacité de prêt effective de 440 milliards d'euros, seront mises au point de manière à permettre la signature [de l'accord] avant la fin de juin 2011 ».

* 9 Willem Buiter, Ebrahim Rahbari, Jürgen Michels, Giada Giani, « The Debt of Nations », Citrigroup, 7 janvier 2011.

* 10 Qui prévoit que « lorsqu'il octroie la garantie de l'Etat (...) et lorsque [le FESF] apporte un financement ou consent des prêts, le ministre chargé de l'économie informe les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances ».

* 11 Lors du passage du FESF au MES, la capacité de prêt consolidée ne doit pas dépasser ce montant.

* 12 Selon les conclusions du Conseil européen des 24 et 25 mars 2011, « Le Conseil européen a décidé d'ajouter à l'article 136 du traité le paragraphe suivant : « Les Etats membres dont la monnaie est l'euro peuvent instituer un mécanisme de stabilité qui sera activé si cela est indispensable pour préserver la stabilité de la zone euro dans son ensemble. L'octroi, au titre du mécanisme, de toute assistance financière nécessaire, sera subordonné à une stricte conditionnalité. » ».

* 13 Le conseil des gouverneurs doit être composé des ministres des finances des Etats membres de la zone euro (en qualité de membres votants), le membre de la Commission européenne chargé des affaires économiques et monétaires et le président de la BCE ayant qualité d'observateurs.

* 14 On rappelle que dans une décision du 27 janvier 2011, Eurostat indique que tel est le traitement applicable aux émissions du FESF, qui selon lui n'est pas une « unité institutionnelle » indépendante, mais une émanation des Etats de la zone euro. La dette du FESF est ainsi considérée par Eurostat comme une dette des Etats contributeurs, répartie en fonction de leur part dans le total des garanties.

* 15 G10, « Report of the G-10 Working Group on Contractual Clauses », 26 septembre 2002.

* 16 Barry Eichengreen et Ashoka Mody, « Would Collective Action Clauses Raise Borrowing Costs ? », NBER Working Paper n° 7458, janvier 2000.

* 17 Cf . par exemple Zsolt Darvas, « Unsinkable like the Titanic », Bruegel, 6 avril 2011.

* 18 En février 2011 la Commission européenne écrivait : « Les projections révisées, basées sur les tendances actuelles, indiquent que le plafond de déficit budgétaire de 2011 serait dépassé de 0,75 point de PIB, si aucune action correctrice n'était menée. Cet écart provient essentiellement d'anticipations moins favorables en ce qui concerne les bases fiscales (demande intérieure plus faible), de révisions à la baisse du rendement des mesures budgétaires du budget de l'Etat, et de l'effet base de l'exécution plus défavorable que prévu en 2010 pour plusieurs catégories de recettes » (traduction par la commission des finances).

* 19 Dans son rapport de février 2011, la Commission européenne écrit : « L'atteinte des cibles budgétaires de 2011 est conditionnée à une augmentation des recettes fiscales totales de plus de 1,5 milliard d'euros, soit 0,75 point de PIB, par rapport à 2010. 1,6 milliard d'euros de recettes ont été spécifiquement projetées dans le budget pour 2011, correspondant à la lutte contre la fraude fiscale, à une augmentation de l'efficience du système de collecte de l'impôt et à d'autres mesures devant accélérer les contentieux fiscaux. La mission a encouragé le ministère des finances à accélérer et à renforcer les actions contre la fraude fiscale, ainsi que contre l'inertie et des intérêts particuliers à l'intérieur de l'administration fiscale » (traduction par la commission des finances).

* 20 « Staff-level agreement ».

* 21 Réparti entre une stabilisation en valeur en 2012 et en 2013 et une diminution de 3 % en valeur en 2014.

* 22 8,5 points de PIB dans le programme de mai 2010.

* 23 Ce qui est une hypothèse vraisemblable de taux d'intérêt moyen de la zone euro. Cf. Zsolt Darvas, Christophe Gouardo, Jean Pisani-Ferry et André Sapir, in « A Comprehensive Approach to the Euro-Area Debt Crisis », Bruegel, février 2011.

* 24 Patrick Artus, « Le coût et l'opportunité de s'assurer contre une catastrophe financière : le cas de la dette grecque », Flash marchés n°412, Natixis, 3 juin 2011.

* 25 Patrick Artus s'appuie sur les données alors disponibles (celles publiées par la BRI au mois de mars), relatives à la situation fin septembre 2010.

* 26 Certes, les actifs produisent généralement un revenu. Cependant dans le cas de la Grèce leur rendement est nécessairement beaucoup plus faible que le taux auquel elle emprunterait sur les marchés.

* 27 « New York : Economic Club », discours du Premier ministre, 23 septembre 2010 (disponible sur la page : http://www.primeminister.gov.gr/english/2010/09/23/new-york-economic-club-prime-ministers-speech/ ). Le fait que chiffre concerne bien l'ensemble des actifs a été confirmé par l'ambassade de Grèce en France ( http://www.amb-grece.fr/actualites/declarations_gouvernementales.htm ).

* 28 Ce montant doit être considéré avec précaution. En effet, les méthodes de valorisation auxquelles recourt un Etat (qui peuvent par exemple consister, pour les biens immobiliers, à appliquer un prix au mètre carré considéré comme correspondant à celui du marché) peuvent différer de celles d'un investisseur, qui cherche à évaluer la rentabilité d'un projet.

* 29 Cf. ministère des finances grec, « Medium Term Fiscal Strategy and Policies for Exiting the Crisis », 23 mai 2011.

* 30 Parmi lesquelles l'organisation des télécommunications grecques (OTE), la poste grecque, la banque postale grecque, les ports du Pirée et de Thessalonique, l'aéroport international d'Athènes, les compagnies de distribution d'eau et d'assainissement d'Athènes et de Thessalonique, les autoroutes...

* 31 Dans le cas contraire, la problématique ne serait pas la même, puisqu'il n'y aurait pas de pertes d'investisseurs privés.

* 32 Traduction par la commission des finances.

* 33 Une part évaluée à 0,2 milliard d'euros correspond au report sur 2011 d'une partie du contrecoup positif attendu en 2010 des mesures de relance 2009, le retour à la normale après les mesures de 2009 s'effectuant de façon un peu plus étalée dans le temps que prévu. Une autre part évaluée à 0,2 milliard d'euros correspond à la prorogation du remboursement anticipé des créances de crédit d'impôt recherche en 2010. Un surcoût de 0,2 milliard d'euros a été constaté en 2010 pour cette mesure, conduisant à un contrecoup en 2011 équivalent.

* 34 Voir le commentaire de cet article.

* 35 Cette revalorisation a été opérée par l'instruction fiscale 5-F-8-11 en date du 13 avril 2011. Elle bénéficiera aux salariés qui optent pour les frais réels et à certains non-salariés qui évaluent forfaitairement leurs frais de véhicules.

* 36 La prévision de versement 2011 du dividende CDC au titre de l'exercice 2010 a ainsi été calculée sur la base de 50 % du résultat net consolidé de la CDC, plafonné à 75 % du résultat social.

* 37 Plus-value de fusion liée au rapprochement entre Veolia Transport et Transdev notamment.

* 38 Ces ouvertures traduisent une augmentation de 485 millions d'euros des remboursements et dégrèvements de TVA, liée à la révision à la hausse de la prévision de produit net de TVA sur 2011, et explicitée dans les développements consacrés aux recettes. En sens inverse, les restitutions au titre de la prime pour l'emploi sont réévaluées à la baisse de 19,5 millions d'euros.

* 39 Ces ouvertures font l'objet d'une analyse détaillée infra .

* 40 Les annulations sont donc supérieures de 3 millions d'euros aux ouvertures. Ce surplus gage les ouvertures sur le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », qui sont supérieures de 3 millions d'euros aux annulations.

* 41 L'exposé des motifs du PLF 2011 disposait notamment que la réserve pourrait « être aménagée en cours de gestion pour tenir compte du caractère obligatoire de certaines dépenses. Pour les programmes d'intervention sur lesquels l'Etat ne dispose pas de pouvoir discrétionnaire d'attribution, les crédits mis en réserve seront libérés, sauf diminution du nombre des bénéficiaires des dispositifs ».

* 42 Voir les conclusions du contrôle de notre collègue Jean-Pierre Fourcade, rapporteur spécial de la mission « Engagements financiers de l'Etat », annexées au rapport général sur le projet de loi de finances pour 2011 (n° 111, 2010-2011 - Tome III, annexe 12).

* 43 Il s'agit notamment des programmes « Energie, climat et après-mines » (174), « Développement des entreprises et de l'emploi » (134), « Livre et industries culturelles » (334), « Recherche culturelle et culture scientifique », « Concours spécifiques et administration » (122) et « Concours financiers aux départements » (120).

* 44 Rapport de M. Alain Lambert sur la proposition de loi organique relative aux lois de finances (n° 343, 2000-2001).

* 45 Les ouvertures opérées sur les budgets annexes et les comptes spéciaux n'ont pas davantage d'impact sur la norme, car ces derniers en sont exclus.

* 46 Voir le commentaire de l'article 19.

* 47 Soit les dépenses nettes du budget général auxquelles sont additionnés les prélèvements sur recettes et les affectations de taxes en substitution de crédits budgétaires.

* 48 Aucune révision des prévisions de charge de la dette associées à la dernière loi de programmation des finances publiques n'est envisagée à ce stade, le Gouvernement estimant que le ressaut d'inflation de 2011 n'est pas durable.

* 49 Telles que les aides au logement ou le RSA par exemple.

* 50 Loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue.

* 51 Les 50 000 contrats aidés supplémentaires et la mise en place de la rémunération de fin de formation auront un impact sur deux ans.

* 52 Le taux d'insertion dans l'emploi durable six mois après la sortie d'un contrat unique d'insertion était pour 2009 de 26,7 % dans le cadre des CUI-CAE contre 54,80 % pour les CUI-CIE (source : projet annuel de performances de la mission « Travail et emploi » annexé au projet de loi de finances pour 2011).

* 53 Dans un référé transmis à votre commission des finances le 28 janvier 2011, la Cour des comptes avait préconisé la fusion de ces dispositifs, devenus très proches dans leurs objectifs. La gestion des CTP était néanmoins plus onéreuse compte tenu de la dualité de ses gestionnaires, une partie du dispositif étant gérée par une société filiale de l'AFPA, la société de gestion du contrat de transition professionnelle (SGCTP) dite « Transitio », et Pôle emploi pour le reste des bassins d'emplois concernés.

* 54 Le CTP a d'abord été créé dans sept bassins d'emplois (Charleville-Mézières, Montbéliard, Morlaix, Saint-Dié, Toulon, Valenciennes et Vitré). Une filiale de l'AFPA, la société de gestion du CTP (SGCTP) dénommée « TRANSITIO », est chargée de sa mise en oeuvre sur ces bassins d'emploi. L'article 19 de la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie a ensuite prolongé cette expérimentation jusqu'au 1 er décembre 2010 et l'a étendue à trente trois nouveaux bassins d'emplois gérés par Pôle Emploi. La possibilité d'adhérer au CTP a été prorogée, en loi de finances pour 2011, jusqu'au 31 mars 2011 afin d'aligner le terme de l'expérimentation sur la date d'extinction des CRP.

* 55 Portail internet simplifiant les formalités pour les employeurs et les apprentis.

* 56 En effet, un mouvement inverse s'était opéré en 2008. La loi de finances pour 2009 avait supprimé, à compter du 1 er janvier 2009, la prise en charge par l'État de l'allocation de fin de formation (AFF) pour en reporter le coût (169 millions d'euros) sur l'assurance chômage.

* 57 Les ouvertures brutes sont en réalité identiques en AE et CP pour la police comme pour la gendarmerie.

* 58 Voir le commentaire de cet article.

* 59 Soit 61 euros hors taxes lorsque la mission d'assistance se traduit par un simple entretien préalable d'une demi-heure, 300 euros hors taxes lorsque l'avocat assiste la personne au cours des auditions, 150 euros hors taxes complémentaires en cas de prolongation et 150 euros hors taxes en cas de confrontation entre la victime et la personne gardée à vue.

* 60 Dans le même temps, il est procédé à une annulation en AE de 15,5 millions d'euros sur le programme « Gendarmerie nationale », correspondant à des crédits initialement destinés à financer le partenariat public-privé Auvergne-Limousin. Ce projet ayant finalement été abandonné, une partie des AE correspondantes a été annulée. Le cumul de ces ouvertures et annulations conduit ainsi à une annulation nette en AE et une ouverture nette en CP sur le programme « Gendarmerie nationale ».

* 61 Evoquée depuis de nombreuses années, la construction d'un grand auditorium sur le site du Parc de La Villette, en collaboration avec la Ville de Paris et la Région Ile-de-France, a été confirmée par le ministre de la culture et de la communication en juin 2006, puis par le Président de la République en septembre 2007, lors de l'inauguration de la Cité de l'architecture et du patrimoine, et le 29 avril 2009, à l'occasion de son discours sur le Grand Paris. Ce « grand chantier » du quinquennat remédie enfin à l'absence, à Paris, d'un équipement de concert permettant de conjuguer l'accueil de grandes formations orchestrales et la mise en oeuvre d'actions culturelles et pédagogiques contribuant à élargir des publics. Situé entre le Zénith et la Cité de la musique, l'équipement s'étendra sur une superficie d'environ 20 000 mètres carrés utiles. Il comprendra une salle de concert de 2 300 places, des foyers et des espaces de répétition, des locaux administratifs, un pôle éducatif, des espaces d'exposition, un restaurant, ainsi que les infrastructures nécessaires à la logistique technique du bâtiment.

* 62 Réponses au questionnaire. Au cours de l'examen du projet de loi de finances pour 2011, il avait été indiqué à notre collègue Yann Gaillard, rapporteur spécial de la mission « Culture », que les modalités de financement du projet étaient « en cours de finalisation » . Interrogé à ce sujet, le ministre de la culture s'était borné à déclarer à nos collègues députés qu'il était « un fervent défenseur de ce remarquable projet » et qu'il espérait « pouvoir revenir (...) prochainement avec un plan de financement validé pour que les travaux démarrent enfin ».

* 63 Pompage de l'eau stagnante, nettoyage.

* 64 Ces postes sont inconnus de votre rapporteur général.

* 65 Le programme « Patrimoines » supportant des annulations de 5,6 millions d'euros, l'ouverture nette n'est que de 2,4 millions d'euros.

* 66 Le ministère de la culture et de la communication avait déjà versé pour 2010 des subventions exceptionnelles de 15 millions d'euros.

* 67 Composé de l'activité de diagnostics pour l'essentiel et de l'activité de recherche et de valorisation pour une part marginale.

* 68 Il ne s'agit pas d'une ouverture nette de crédits mais d'une moindre annulation. Les AE du programme baissent ainsi de 18,9 millions d'euros en AE et de seulement 10,9 millions d'euros en CP.

* 69 Audition de Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration (missions « Administration générale et territoriale de l'Etat », « Immigration, asile et intégration » et « Sécurité ») dans le cadre de la préparation de l'examen du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2010.

* 70 Au sein de cette enveloppe, 40 millions d'euros (AE = CP) sont consacrés à l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile et 54 millions d'euros (AE = CP) au financement de l'allocation temporaire d'attente (ATA), versée aux demandeurs d'asile pendant toute la durée de la procédure d'instruction de leur demande.

* 71 Rapport n° 111 (2010-2011) - Tome III - Annexe 15, projet de loi de finances pour 2011, mission « Immigration, asile et intégration », M. Pierre Bernard-Reymond, fait au nom de la commission des finances.

* 72 Par le décret n° 2008-1089 du 24 octobre 2008 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance

* 73 Note explicative de l'avis de la commission des finances du Sénat sur le projet de décret d'avance portant ouverture de 233 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 223,4 millions d'euros en crédits de paiement, 16 octobre 2008.

* 74 Par le décret n° 2009-1368 du 9 novembre 2009 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance

* 75 Note explicative de l'avis de la commission des finances du Sénat sur le projet de décret d'avance portant ouverture de 656,1 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 577,6 millions d'euros en crédits de paiement, 29 octobre 2009.

* 76 Par la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009.

* 77 Rapport n° 158 (2009-2010), projet de loi de finances rectificative pour 2009, M. Philippe Marini, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances.

* 78 Par le décret n° 2010-1147 du 29 septembre 2010 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance

* 79 Rapport n° 166 (2010-2011), projet de loi de finances rectificative pour 2010, M. Philippe Marini, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances.

* 80 Par la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010.

* 81 Note explicative de l'avis de la commission des finances du Sénat sur le projet de décret d'avance portant ouverture de 1 299,4 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 1 271,4 millions d'euros en crédits de paiement, 15 septembre 2010.

* 82 En incluant les 50 millions d'euros dont l'ouverture est proposée par le présent projet de loi de finances rectificative.

* 83 Rapport n° 9 (2010-2011), « La Cour nationale du droit d'asile (CNDA) : une juridiction neuve, confrontée à des problèmes récurrents », MM. Pierre Bernard-Reymond et Jean-Claude Frécon, fait au nom de la commission des finances.

* 84 Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.

* 85 Rapport n° 584 (2010-2011) du 8 juin 2011 sur l'hébergement des demandeurs d'asile et son financement, fait par MM. Pierre Bernard-Reymond et Philippe Dallier, rapporteurs spéciaux, au nom de la commission des finances..

* 86 L'ensemble du dispositif fait l'objet d'une analyse détaillée dans le cadre du commentaire de l'article 22.

* 87 Voir le commentaire de l'article 8.

* 88 Lorsque des fonctionnaires d'Etat ont opté pour le statut de fonctionnaire territorial, la CNRACL reverse à l'Etat le produit des cotisations des agents décentralisés et l'Etat verse à la CNRACL le montant des pensions et des dépenses de compensation démographique de ces agents. Ces mouvements étant déséquilibrés en faveur de l'Etat, la LFI pour 2011 avait opéré une contraction et inscrit une recette nette de 458 millions d'euros sur le CAS « Pensions », soit le solde de 627 millions d'euros de recettes versées par la CNRACL et 169 millions d'euros versés par l'Etat.

* 89 Elle est liée aux difficultés d'utilisation éprouvées par le ministère de la Défense lors du déploiement en 2010 du système d'information Chorus . Ces difficultés ont entraîné un ralentissement conjoncturel du rythme de la dépense au cours des premiers mois de l'année 2010, alors que l'année 2011 se caractérise par un retour à la normale.

* 90 En application d'un jugement du Tribunal de l'Union européenne relatif au régime fiscal dérogatoire de France Télécom entre 1994 et 2002.

* 91 Ce qui avait permis le lancement d'une OAT à 50 ans en mars 2010 (OAT 25 avril 2060).

* 92 La demande pour les titres indexés sur l'inflation est corrélée à l'inflation courante car les agents économiques sont plus enclins à se couvrir contre l'inflation lorsque cette dernière est forte. Néanmoins d'autres facteurs, plus structurels (besoins de couverture récurrents, diversification de portefeuille), constituent également un socle de demande stable pour les titres indexés.

* 93 Achats réalisés dans les deux premières semaines de l'année.

* 94 Le Portugal a par ailleurs tiré avantage de cette réduction des spreads pour exécuter le 7 février une opération qui était en attente depuis plusieurs mois, faute de conditions favorables : l'émission par syndication pour 3,5 milliards d'euros d'un nouveau titre à 5 ans au taux de 6,5 % au prix il est vrai d'une importante concession, de l'ordre de 20 points de base.

* 95 Fin mars, le spread contre Allemagne du Portugal s'établissait en moyenne à 456 points de base, en hausse de 128 points de base par rapport à son niveau début février. Les spreads irlandais s'établissaient en moyenne à 723 points de base à la fin du mois de mars contre 600 points de base à fin février et 587 points de base à fin décembre

* 96 Ces derniers ressortaient respectivement à 188 points de base et 149 points de base fin mars, soit une quasi stabilité au cours du mois de mars et une baisse de respectivement 60 points de base et 40 points de base par rapport aux niveaux atteints fin 2010.

* 97 Fitch ratings, Standard & Poor's et Moody's.

* 98 Les revenus et le patrimoine des ménages, INSEE, édition 2011.

* 99 Le compte-rendu de cette audition figure en annexe au présent rapport.

* 100 Voir par exemple le compte-rendu da la réunion de la commission des finances en date du 14 février 2007.

* 101 Se reporter, à cet égard, au compte-rendu de la table-ronde de la commission des finances ayant réuni des fiscalistes, le 2 mars 2011.

* 102 Ce taux a été porté à 85 % à compter de 1991.

* 103 L'exception concerne les dividendes, qui sont intégrés dans le revenu imposable après un abattement de 40 % - avec, toutefois, la possibilité d'opter pour un prélèvement forfaitaire libératoire au taux de 19 %.

* 104 « Les prélèvements obligatoires sur les ménages : progressivité et effets redistributifs », mai 2011.

* 105 Voir le rapport d'information n° 45 (2009-2010).

* 106 Rapport général n° 111 (2010-2011), Tome I.

* 107 Cass comm, 13 février 1996 .

* 108 Ces limites seraient, en outre, actualisées chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche de l'IR.

* 109 Il s'agit des articles 5 et 15.

* 110 Arrêt de la CJCE du 11 mars 2004, affaire C-9/02, Hughes de Lasteyrie du Saillant.

* 111 Le cas des bénéficiaires du bouclier fiscal non soumis à l'ISF est traité par l'article 14 du présent projet de loi de finances rectificative, relatif au plafonnement de la taxe foncière afférente à l'habitation principale en fonction du revenu.

* 112 Cette mesure ne concerne que le stock des donations de moins de dix ans à la date d'entrée en vigueur de la nouvelle règle de rapport fiscal.

* 113 Les montants affichés sur cette ligne tiennent compte des recettes associées à la suppression du bouclier fiscal, desquelles on déduit le coût, estimé à 7 millions d'euros, du dispositif de plafonnement prévu à l'article 14 du présent projet de loi de finances rectificative.

* 114 Les estimations de la direction de la législation fiscale citées par la Cour des comptes dans son rapport de mars 2011 sur la convergence franco-allemande indiquent qu'une tranche supplémentaire à 45 % en France rapporterait 179 millions d'euros si le seuil était fixé, comme en Allemagne, à 250 000 euros. Le rendement n'excèderait pas 190 millions d'euros pour un taux de 48 %. Ces estimations sont à mettre en regard du produit de la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu au Royaume-Uni, qui rapporte 2,5 milliards de livres, soit 2,8 milliards d'euros (au taux de change du 3 juin 2011).

* 115 Cf. http://www.elysee.fr/president/les-actualites/discours/2011/politique-industrielle-de-la-france-discours-du.10523.html?search=Saint&xtmc=&xcr=

* 116 Voir rapport général n° 111, Tome III, commentaire de l'article additionnel après l'article 58 bis .

* 117 Les contrats dits « DSK » (1998) et « NSK » (2004) imposent la détention d'actions non cotées, (« DSK » : 50 % d'actions dont 5 % non cotées et « NSK » : 30 % d'actions dont 10 % non cotées). L'Association Française des Investisseurs en Capital (AFIC) a récemment préconisé de « rénover » le dispositif « NSK » en proposant la « mise en place d'un avantage fiscal à l'entrée attractif sous la forme d'une réduction d'impôt sur le revenu, le maintien de l'avantage fiscal dévolu aux contrats d'assurance-vie classiques à la sortie (exonération de l'impôt sur le revenu) et la réduction du pourcentage global investi en actions à 25 %. » Cette proposition soulève plusieurs interrogations notamment en termes de coût.

* 118 En effet, la hausse d'intérêt rend moins attractifs les contrats en euros en diminuant leur rentabilité. Rappelons que les supports en euros ont connu une croissance considérable au cours des trente dernières années. Nonobstant les avantages fiscaux, la baisse des taux a probablement contribué significativement à leur essor. En effet, les taux servis par les assureurs ont pu être bien supérieurs aux taux obligataires. Inversement, en cas de hausse des taux d'intérêt, les supports en euros deviennent moins attractifs dès lors que le taux servi est inférieur aux taux obligataires (la gestion des portefeuilles ne permettant pas de renouveler l'ensemble des obligations sous-jacentes rapidement).

* 119 Plan d'épargne pour la retraite collectif (PERCO).

* 120 Contrats relevant des articles 39, 82 et 83 du code général des impôts.

* 121 Plan d'épargne retraite populaire (Perp), régimes dits « Madelin », dispositifs PREFON, FONPEL, CAREL, COREM, CRH, RMC (retraite mutualiste de combattant).

* 122 Loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.

* 123 L'amendement adopté en commission des finances n'a pas été voté en séance publique.

* 124 Cet article prévoit une faculté de rachat notamment en cas d'expiration des droits de l'assuré aux allocations chômage en cas de licenciement, d'invalidité de l'assuré, de décès du conjoint ou du partenaire lié par un pacte civil de solidarité, situation de surendettement de l'assuré.

* 125 « Le contrat peut également prévoir le paiement d'un capital à cette même date, à condition que la valeur de rachat de cette garantie n'excède pas 20 % de la valeur de rachat du contrat . »

* 126 Cf. rapport d'information n° 263 (2010-2011) de M. Alain Vasselle, fait au nom de la Mission commune d'information dépendance en date du 26 janvier 2011 et intitulé : « Dépendance des personnes âgées : le Sénat prépare le débat ».

* 127 Cf . article 75 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963.

* 128 Loi n°  88-1149 du 23 décembre 1988. Un impôt sur les grandes fortunes (IGF), créé par la loi de finances pour 1982, avait précédemment été aboli par la loi de finances rectificative du 11 juillet 1986.

* 129 Hormis les modifications mineures et les précisions qu'apportent les articles 5, 6, 15 et 16 du présent projet de loi de finances rectificative.

* 130 Il est précisé que ce rôle serait distinct du rôle et de l'avis de mise en recouvrement à l'IR.

* 131 Du fait des dispositions de l'article 885-0 V bis A du code général des impôts.

* 132 Le taux de cette réduction est actuellement de 50 %, qu'il s'agisse des investissements directs, au travers de holdings ou par l'intermédiaire de fonds.

* 133 Codifié au 9 de l'article 1649-0 A du code général des impôts.

* 134 Voir le rapport Sénat n° 404 (2006-2007), article additionnel après l'article 5.

* 135 Pièces de mobilier qui garnissent les habitations ou les bureaux des entreprises.

* 136 Somme d'argent avancée.

* 137 Acte par lequel les copropriétaires par indivis d'un bien qui ne peut être partagé sans dépréciation, le font mettre aux enchères.

* 138 En particulier, la prévision de recettes pour 2011, qui pouvait être sujette à caution lorsqu'elle ne concernait que la mesure relative aux donations, semble plus assurée maintenant qu'elle s'appuie aussi sur les partages de biens.

* 139 Cf. A du I de l'article 37 de la loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998 de finances pour 1999.

* 140 La loi n'a donc pas créé d'exception au principe selon lequel le capital décès ou la rente n'est pas compris dans l'actif successoral de l'assuré.

* 141 Sont également exclus du champ d'application de l'article 990 I du CGI, les contrats d'assurance-décès de groupe souscrits dans le cadre d'une activité professionnelle. Il s'agit des contrats dits « Madelin » visés à l'article 154 bis ainsi que les contrats non rachetables prévus à l'article 885 J. Les contrats mentionnés au 1° du I de l'article 199 septies notamment souscrits au profit de bénéficiaires atteints d'une infirmité échappent également au prélèvement de 20 %.

* 142 Cf . B du I de l'article 37 précité.

* 143 Cf . question n° 60024 de M. Nicolas Perruchot, député du Loir-et-Cher et question n° 50207 de M. Luc Chatel, alors député de la Haute-Marne.

* 144 Cf. réponses ministérielles au Journal officiel du Sénat le 25 aout 2005 puis le 7 mai 2009 en réponse aux questions 18740, 342 et 2652 de M. Serge Dassault.

* 145 Bulletin officiel des impôts 7 K-1-00 n°5 du 7 janvier 2000.

* 146 Ou adhérent d'un contrat de groupe.

* 147 Loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.

* 148 Cf. article 8 de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat codifié à l'article 796-0 bis du CGI.

* 149 Le décès de l'usufruitier ne fait que transformer la nue propriété en pleine propriété.

* 150 Les tarifs applicables respectivement aux transmissions réalisées en ligne directe ainsi qu'aux donations consenties entre époux ou partenaires pacsés, sont relevés pour la fraction de la part nette taxable comprise de 902 838 euros à 1 0805 677 euros, de 35 à 40 % et de 40 à 45 % pour la part au-delà de 1 0805 677 euros.

* 151 « Si le Président de la République et le Premier ministre m'ont demandé de sortir l'assurance-vie du champ de cette réforme, c'est que même en retenant un seuil analogue à 1 ou 1,3 million d'euros, le débat aurait pu être mal interprété et détourné de son objet, ce qui aurait nui à la simplicité et à l'efficacité de la présente réforme. Le projet de loi de finances pour 2012 sera l'occasion d'aborder le problème : mobiliser l'épargne au service de l'activité économique est un souci que nous partageons . »

* 152 Enquête de mai 2010 du Conseil sondages Analyses (CSA) transmise par la FFSA.

* 153 Acte par lequel les copropriétaires par indivis d'un bien qui ne peut être partagé sans dépréciation, le font mettre aux enchères.

* 154 Source : Jaune du projet de loi de finances pour 2011 relatif aux commissions et instances consultatives ou délibératives placées directement auprès du Premier ministre ou des ministres, cité par les auteurs du présent article additionnel.

* 155 Liés au transfert de certaines missions à un dépositaire, à l'élaboration du prospectus complet du FPI, à la réunion du conseil de surveillance de la SCPI, à la tenue d'une assemblée générale extraordinaire ou à l'instruction du dossier d'agrément par l'AMF.

* 156 Dont 13 SCPI « Scellier » représentant un encours de 1,3 milliard d'euros.

* 157 C'est-à-dire soit gérant nommé conformément aux statuts d'une société à responsabilité limitée ou en commandite par actions, soit associé en nom d'une société de personnes, soit président, directeur général, président du conseil de surveillance ou membre du directoire d'une société par actions.

* 158 Il s'agit, pour ce qui concerne l'ISF, de la reprise de dispositions déjà existantes.

* 159 Loi n° 2003-721 du 1 er août 2003 pour l'initiative économique.

* 160 Compte-rendu intégral du Sénat, séance du 18 juin 2003.

* 161 Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010.

* 162 En application de l'article 199 undecies B du code général des impôts.

* 163 En application de l'article 199 undecies A du code général des impôts.

* 164 En application de l'article 199 undecies C du code général des impôts.

* 165 Rapport général n° 111 (2010-2011) - Tome III, projet de loi de finances pour 2011, de M. Philippe Marini, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances.

* 166 Voir le texte Sénat n° 178 (2004-2005), le rapport n° 11 (2006-2007) de M. Henri de Richemont, fait au nom de la commission des lois ainsi que le compte-rendu des débats du Sénat du 17 octobre 2006. Le régime de la fiducie fait l'objet du titre XIV du livre III du code civil.

* 167 Arrêt n° 739 du 15 mai 2007.

* 168 Pour rappel, les DMTG s'appliquent, sous réserve des conventions fiscales  sur les biens français et étrangers des donateurs ou défunts domiciliés fiscalement en France,  sur les biens français des donateurs ou défunts non-résidents ainsi que sur les biens français et étrangers reçus par les héritiers, donataires ou légataires domiciliés fiscalement en France à la condition qu'ils l'aient été pendant au moins six des dix années précédant celle au cours de laquelle ils reçoivent les biens.

* 169 A l'exception des biens financiers, exonérés en vertu de l'article 885 L du code général des impôts.

* 170 François Baroin, ministre du budget et des comptes publics (séance du 15 décembre 2010).

* 171 Rapport d'information n° 398 (2009-2010) du 7 avril 2010 « Le développement du commerce électronique : quel impact sur les finances publiques ? ».

* 172 Alors que le produit de la taxe sur la publicité en ligne était estimé, au plus, à 20 millions d'euros (1 % d'un chiffre d'affaires de deux milliards d'euros), le rendement fiscal de la Tascoe pourrait potentiellement atteindre 500 millions d'euros (0,5 % d'un chiffre d'affaires de cent milliards d'euros dans le e-commerce B to B).

* 173 Georges Tron, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique : « Puisque nous sommes tous d'accord pour reconnaître l'intérêt de ce sujet et des questions posées, notamment en termes de concurrence européenne, et pour constater qu'une réflexion globale doit être engagée sur la fiscalité, je peux prendre l'engagement, au nom du Gouvernement, de constituer un groupe de travail regroupant des parlementaires, des experts, des entrepreneurs, afin de nourrir une réflexion globale. [ ...] Monsieur le rapporteur général, si vous en êtes d'accord, je vous propose donc de constituer ce groupe de travail, afin de développer notre réflexion et de voir si, en fin de compte, nous devons reprendre votre amendement dans sa forme actuelle ou si nous devons intervenir sous une autre forme ». (Séance du 23 novembre 2010).

* 174 Table ronde du 18 mai 2011 sur la fiscalité du commerce électronique (le compte rendu de la réunion est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20110516/fin.html ).

* 175 Table ronde du 18 mai 2011 sur la fiscalité du commerce électronique (le compte rendu de la réunion est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20110516/fin.html ).

* 176 Il convient de souligner que les signataires de l'amendement ayant conduit à l'adoption du présent article avaient également déposé, avec notre collègue député Charles de Courson, un amendement de repli tendant à reporter d'un an, soit au 1 er juillet 2012, l'application de la taxe sur la publicité en ligne.

* 177 Source : annexe au projet de loi de finances pour 2011 « Formation professionnelle ».

* 178 Selon les évaluations préalables des articles du présent projet de loi de finances rectificative, cette aide, dont les conditions de mise en oeuvre et le montant unitaire seront déterminés par voie réglementaire, prendrait la forme d'une prime versée aux contrats d'apprentissage conclus au-delà de l'obligation légale de 4 %, dans la limite d'un taux d'apprentis de 6 %.

* 179 Ce programme se subdivise en deux actions, l'action « Aide de l'État aux entreprises ayant un stock d'alternants dépassant le quota de 4 % étant dotée de cinq millions d'euros » et l'action « Actions nationales de communication et de promotion de l'apprentissage » de dix millions d'euros.

* 180 Cette prévision de recette est établie sur la base du solde du FNDMA constaté en fin d'année 2010. Celui-ci s'élevait à 66 millions d'euros, soit un montant supérieur au montant de 56 millions d'euros nécessaire à l'équilibre du CAS en recettes et en dépenses (source : délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle).

* 181 L'article 21 de la LOLF dispose que, « en cours d'année, le total des dépenses engagées ou ordonnancées au titre d'un compte d'affectation spéciale ne peut excéder le total des recettes constatées, sauf pendant les trois mois suivant sa création. Durant cette dernière période, le découvert ne peut être supérieur à un montant fixé par la loi de finances créant le compte. »

* 182 Le besoin de trésorerie, estimé à 320 millions d'euros, correspond donc à la fraction du montant total du programme « Contractualisation pour le développement et la modernisation de l'apprentissage », fixé à 386 millions d'euros, que l'Etat devra décaisser pendant les trois premiers mois de fonctionnement du CAS (source : direction du budget).

* 183 Il convient de préciser que le produit affecté au FNDMA a le statut de dotation : son montant n'est pas pris en compte dans le périmètre des ressources propres des régions servant, dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi organique n° 2004-758 du 29 juillet 2004 prise en application de l'article 72-2 de la Constitution relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales.

* 184 L'effort supplémentaire représente deux personnes pour une PME de 50 salariés, alors que les artisans, lorsqu'ils emploient un apprenti, peuvent considérer que ce taux est de 50 % ou 25 % s'ils n'emploient que deux ou quatre salariés.

* 185 Lors de la séance du 2 décembre 2009, Laurent Wauquiez, alors secrétaire d'Etat chargé de l'emploi, avait déclaré : « ... j'adhère complètement à votre volonté de développer l'apprentissage, qui constitue un sujet de fond, et c'est pourquoi je souhaite très sincèrement que vous vouliez bien accepter de participer aux ateliers de l'apprentissage et de l'alternance que nous allons mettre en place, pour nous aider à convaincre les entreprises d'évoluer en la matière... ».

* 186 L'abaissement de ce seuil à 50 salariés et plus aurait créé un nouvel effet de seuil préjudiciable à ces entreprises, alors même qu'elles sont plus performantes dans l'embauche d'apprentis que les entreprises de 250 salariés et plus.

* 187 Cette responsabilité est confiée au délégué général à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP).

* 188 Source : Bilan-évaluation du contrat d'objectifs et de moyens (COM) pour le développement et la modernisation de l'apprentissage (Inspection générale des affaires sociales - RM2009-093P - septembre 2009).

* 189 L'augmentation récente des effectifs d'apprentis a concerné surtout les niveaux supérieurs de qualification.

* 190 Loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005.

* 191 Auxquels s'ajoutent 113,7 millions d'euros d'amendes forfaitaires majorées, soit un produit total des amendes des radars de 582,1 millions d'euros encaissé en 2010 .

* 192 60 millions d'euros à compter de 2011, en application de l'article 62 de la loi de finances pour 2011.

* 193 L'AFITF, le Fonds interministériel pour la prévention de la délinquance (FIPD) constitué au sein de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSé), les collectivités territoriales (communes, établissements publics de coopération intercommunale, départements, régions Ile-de-France et d'outre-mer, collectivité territoriale de Corse), le Syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF) et l'Etat.

* 194 Le produit des amendes forfaitaires des radars transitait ainsi par le CAS, à l'exception des parts revenant à l'AFITF et aux collectivités territoriales, tandis que le produit des amendes forfaitaires hors radars et forfaitaires majorées (quel que soit le mode de détection) constituait une recette non fiscale de l'Etat et alimentait notamment le prélèvement sur recettes au profit des collectivités territoriales.

* 195 Le nombre de décès est ainsi pour la première fois passé sous le seuil de 4 000 (3 994 décès selon des données provisoires), soit une diminution de 6,5 % par rapport à 2009.

* 196 Dès le 15 juin, un appel d'offres devait être lancé pour l'installation d'environ 2 000 radars pédagogiques d'ici la fin 2011, après une première tranche de 200 radars installés en juin.

* 197 Soit :

« a) Les dépenses relatives à la conception, à l'entretien, à la maintenance, à l'exploitation et au développement de systèmes automatiques de contrôle et sanction, y compris les frais liés à l'envoi des avis de contravention et d'amende, pour lesquelles le ministre chargé des transports est l'ordonnateur principal ;

« b) Les dépenses effectuées au titre du système de gestion des points du permis de conduire et des frais d'impression, de personnalisation, de routage et d'expédition des lettres relatives à l'information des contrevenants sur les points dont ils disposent sur leur permis de conduire et des lettres relatives à la restitution de points y afférents, pour lesquelles le ministre de l'intérieur est l'ordonnateur principal. »

* 198 Conformément aux dispositions de l'article L. 2334-24 du code général des collectivités territoriales.

* 199 Soit :

- le ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement pour le programme 751 « Radars » ;

- le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration pour les programmes 752 « Fichier national du permis de conduire », 753 « Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers » et 754 « Contribution à l'équipement des collectivités territoriales pour l'amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières » ;

- et le ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat pour le programme 755 « Désendettement de l'Etat ».

* 200 Qui comprennent deux amendements purement rédactionnels.

* 201 Voir le commentaire de l'article 10.

* 202 Ibidem.

* 203 Les parties ont désigné chacune un arbitre n'appartenant pas à leur pays respectif et la Cour internationale d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale a désigné le troisième.

* 204 Cette somme correspond à la contre-valeur en euros de montants exprimés principalement en dollars, dont l'achat devra être effectué à la date de règlement de la sentence. Elle comprend l'ensemble des intérêts moratoires prévus par cette dernière.

* 205 Les 93 millions d'euros ouverts sur la mission « Remboursements et dégrèvements » n'impactent pas la norme de dépense, calculée sur la base des dépenses nettes. Il en va de même des crédits ouverts pour les baux du Conseil d'Etat et du ministère de l'intérieur, qui ne donnent pas lieu à ouverture de crédits de paiement, à ce stade.

* 206 La création de ce CAS fait l'objet de l'article 8 du présent projet de loi.

* 207 Ce dispositif est analysé dans le cadre du commentaire de l'article 8 bis .

* 208 Toutefois, aux termes de l'article 101 de la loi de finances pour 2010 et de l'article 56 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2009, les revenus de capitaux mobiliers imposés après application de l'abattement prévu au 2° du 3 de l'article 158 du code général des impôts sont retenus à concurrence d'une fraction de leur montant brut fixée à 70 % pour ceux perçus en 2009, 80 % pour ceux perçus en 2010, 90 % pour ceux perçus en 2011 et 100 % pour ceux perçus en 2012 et au-delà, alors qu'ils ne sont pris en compte qu'à hauteur de 60 % pour le calcul de l'impôt sur le revenu.

* 209 L'article 101 de la loi de finances pour 2010 a précisé que seuls les déficits catégoriels constatés l'année de réalisation des revenus peuvent être pris en compte.

* 210 Si l'on tient compte du maintien d'un dispositif de plafonnement des cotisations de taxes foncières en fonction du revenu, dans les conditions prévues à l'article 14 du présent projet de loi de finances rectificative, le montant des gains procurés par la suppression du bouclier fiscal doit être réduit de 7 millions d'euros.

* 211 Le revenu fiscal de référence correspond au montant net des revenus et plus-values retenus pour l'établissement de l'impôt sur le revenu de l'année précédant celle au titre de laquelle la TFPB est établie, majoré de certaines charges déductibles du revenu imposable constituant des dépenses d'ordre personnel, de certains revenus et bénéfices exonérés, et des revenus soumis aux prélèvements et versements libératoires.

* 212 Loi n° 81-1160 du 30 décembre 1981.

* 213 Loi n° 86-824 du 11 juillet 1986.

* 214 Dont la définition est parfois très précise, notamment en matière agricole.

* 215 DB 7 S 331.

* 216 Extrait de la décision n° 83-164 DC : « Considérant que les parts sociales ou actions, par le pouvoir qu'elles confèrent à leur propriétaire dans la société où il jouit de l'influence liée à une fonction de gestion de direction ou d'administration donnent à celui-ci une maîtrise telle de son instrument de travail qu'elles peuvent être considérées comme des biens professionnels dès lors qu'elles représentent une part substantielle du capital lors des votes sociaux ».

* 217 Bulletin officiel des impôts n° 226 du 20 décembre 2001.

* 218 Doctrine fiscale, DB 5 B 7112 n°7, 1 er août 2001.

* 219 Un contribuable qui dispose en France d'un appartement dont l'épouse est propriétaire est imposé au titre de l'article 164 C du code général des impôts (v. CE 13 novembre 1964, n°51615, 8e s.-s.).

* 220 Article 29 de la version consolidée de la convention franco-américaine du 31 août 1994 modifiée par les avenants du 8 décembre 2004 et du 13 janvier 2009.

* 221 Cf. Documentation fiscale, DB 5 B 7112 n°5, 1er août 2001, concernant l'art. 164 C CGI.

* 222 Cf. Documentation fiscale, DB 5 B 7112 n°7, 1er août 2001, concernant l'art. 164 C CGI.

* 223 Art. 1409 CGI : « La taxe d'habitation est calculée d'après la valeur locative des habitations et de leurs dépendances, telles que garages, jardins d'agrément, parcs et terrains de jeux./Cette valeur locative est déterminée selon les règles définies aux articles 1494 à 1508 et 1516 à 1518 A ter . »

* 224 Les sociétés à prépondérance immobilière concernées répondent à la définition donnée au 2 du I de l'article 726 du code général des impôts : « Est à prépondérance immobilière la personne morale, quelle que soit sa nationalité, dont les droits sociaux ne sont pas négociés sur un marché réglementé d'instruments financiers [...] ou sur un système multilatéral de négociation [...] et dont l'actif est, ou a été au cours de l'année précédant la cession des participations en cause, principalement constitué d'immeubles ou de droits immobiliers situés en France [...] ».

* 225 Art. 164 D du code général des impôts : « Les personnes physiques exerçant des activités en France ou y possédant des biens, sans y avoir leur domicile fiscal, ainsi que les personnes mentionnées au 2 de l'article 4 B, peuvent être invitées, par le service des impôts, à désigner dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la réception de cette demande, un représentant en France autorisé à recevoir les communications relatives à l'assiette, au recouvrement et au contentieux de l'impôt. »

* 226 Comme la lutte contre l'évasion fiscale et l'efficacité des contrôles fiscaux.

* 227 CJCE 14 février 1995 aff. 279/93 plén., Schumacker .

* 228 Recommandation de la Commission du 21décembre 1993 relative à l'imposition de certains revenus obtenus par des non-résidents dans un Etat membre autre que celui de leur résidence, 94/79 (JOCE 1994 L 39 p. 22)

* 229 Ce régime spécifique aux cessions immobilières des non résidents montre qu'il n'est pas possible d'assimiler leur résidence à une résidence principale. Pour les mêmes raisons, ces résidences ne peuvent pas non plus être assimilées à des résidences secondaires.

* 230 Art. 885 A du code général des impôts.

* 231 Art. 4 A du code général des impôts.

* 232 Le présent article établit les conditions dans lesquelles un résident et un non-résident peuvent être considérés comme placés dans une situation comparable du point de vue de leurs revenus (en retenant le critère du pourcentage de revenu de source française utilisé par la CJUE). Un tel élément de comparaison n'est pas fourni s'agissant de la localisation du patrimoine des non-résidents.

* 233 « Les résidences secondaires dont le propriétaire ne réside pas en France. Etat des lieux en 2005 », Etude de la direction du Tourisme, Novembre 2007.

* 234 Cf. article 59 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010.

* 235 Loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.

* 236 Cf. article 113 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.

* 237 Cf. article 115 de la loi précitée.

* 238 La ratification de cet avenant a été autorisée par la loi n° 2010-1198 du 12 octobre 2010.

* 239 Cf. article 20 de la convention précitée.

* 240 Cf . article 35 de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement et article L. 144-2 du code des assurances. Le régime fiscal appliqué aux sommes versées dans le cadre de la primo accession prévoyait aux termes de l'article 163 bis du CGI, une imposition fractionnée en parts égales sur l'année en cours du versement et sur les quatre années suivantes, sur demande expresse de l'adhérent.

* 241 20 % des droits individuels résultant de ces contrats ou de la valeur de rachat du contrat.

* 242 En revanche, il n'a pas modifié le régime fiscal spécifique à la sortie en capital d'un plan d'épargne pour la retraite collectif (PERCO).

* 243 Cf. article 144-2 du code des assurances.

* 244 Cf . I de l'article 163 bis .

* 245 Le montant de ce revenu exceptionnel doit dépasser la moyenne des revenus nets d'après lesquels ce contribuable a été soumis à l'impôt sur le revenu au titre des trois dernières années.

* 246 Dans le cas contraire, en l'absence de déduction en France ou dans le pays étranger, le 6 bis de l'article 120 du CGI prévoit que seuls les produits sont taxés à l'instar de l'assurance sur la vie.

* 247 Cf. exposé sommaire de l'amendement n° 1518.

* 248 Cf. Loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011 et article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale.

* 249 Avant application du « rabot » de 10 % sur les niches fiscales par la loi de finances pour 2011, qui a ramené, en pratique, ce taux à 22 %.

* 250 Sur ce point, se reporter au commentaire de l'article 14 du projet de loi de finances pour 2011, dans le tome II du rapport général n° 111 (2010-2011).

* 251 La réduction d'impôt prévue au profit des FIP corses est de 45 % depuis l'application du « rabot » de 10 % sur les niches fiscales auquel a procédé la loi de finances pour 2011.

* 252 L'article 217 undecies du code général des impôts prévoit le même dispositif de défiscalisation appliqué à l'impôt sur les sociétés.

* 253 Les secteurs exclus sont le commerce, la restauration (à l'exception des restaurants de tourisme classés), les cafés, débits de tabac et de boissons, le conseil, la recherche et développement, l'éducation, la santé et l'action sociale, la banque, finance et assurance, les activités immobilières, de navigation de croisière, les services fournis aux entreprises (à l'exception de la maintenance, des activités de nettoyage et des centres d'appels), les activités de loisirs, associatives et postales.

* 254 Avant application du « rabot » de 10 % sur les niches fiscales par la loi de finances pour 2011, qui a ramené, en pratique, ce taux à 22 %.

* 255 Ces entreprises sont mentionnées à l'article L. 3332-17-1 du code du travail.

* 256 Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010.

* 257 Résultant d'un amendement du Gouvernement, ce dispositif est un élément du « Plan pour une pêche durable » traduisant les engagements pris par le Président de la République, le 6 novembre 2007, au Guilvinec. La filière pêche fait face à la réduction des totaux admissibles de capture (TAC) définis pour préserver la ressource halieutique et à la montée en puissance de la concurrence internationale. Le Gouvernement a fait valoir lors de la présentation du dispositif que la « contribution pour une pêche durable » présentait un caractère temporaire, dans le seul but de financer ce plan.

* 258 Sont en effet placés hors champ d'application de la taxe les produits issus de la conchyliculture, qui étaient réputés ne pas connaître les mêmes problèmes structurels que le reste de la filière pêche.

* 259 Les produits conservés sont les produits ayant fait l'objet d'un traitement en vue de leur conservation (séchage, salage, surgélation, congélation, etc...). Les produits transformés désignent notamment les produits découpés, à l'exclusion des plats cuisinés à base de poisson.

* 260 Ce coefficient résulte de la formule mathématique suivante : il est égal au produit de 2 % par le rapport entre, d'une part, le chiffre d'affaires diminué du seuil de 766 000 euros et d'autre part, ce même seuil de 766 000 euros.

* 261 C'est-à-dire dans le cadre de l'activité qui la rend passible de la taxe sur la valeur ajoutée.

* 262 CJCE 11 mars 2004, aff. C-9/02, Lasteyrie du Saillant .

* 263 Art. 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ancien art. 43 CE).

* 264 Art. 19 de la loi 2004-1484 de finances pour 2005 du 30 décembre 2004.

* 265 Cf. Jean Groux, « L'exit tax de l'article 167 bis du CGI, mise à mal par la Cour de justice de Luxembourg, a-t-elle encore un avenir ? », Bulletin fiscal , 5/04, Editions Francis Lefebvre.

* 266 Source : document transmis à votre rapporteur général par le Gouvernement.

* 267 Déterminée selon les règles prévues aux articles 758 et 885 T bis du CGI.

* 268 Ce sursis d'imposition concerne les plus-values résultant des opérations d'offre publique, de fusion, de scission, d'absorption d'un fonds commun de placement par une société d'investissement à capital variable, de conversion, de division, ou de regroupement réalisées en France, dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou dans un Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales et des opérations, autres que les opérations d'apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés, pour lesquelles le dépositaire des titres échangés est établi en France, dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou dans un Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales (article 150-0 B du CGI).

* 269 Art. 150-0 D bis du CGI.

* 270 Art. 150-0 D bis et 150-0 D ter du CGI.

* 271 Cf. art. 150-0 A du CGI.

* 272 La notion d'Etat ou territoire non coopératif est précisée à l'article 238-0 A du CGI qui dispose que « Sont considérés comme non coopératifs, à la date du 1er janvier 2010, les Etats et territoires non membres de la Communauté européenne dont la situation au regard de la transparence et de l'échange d'informations en matière fiscale a fait l'objet d'un examen par l'Organisation de coopération et de développement économiques et qui, à cette date, n'ont pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative permettant l'échange de tout renseignement nécessaire à l'application de la législation fiscale des parties, ni signé avec au moins douze Etats ou territoires une telle convention./La liste des Etats et territoires non coopératifs est fixée par un arrêté des ministres chargés de l'économie et du budget après avis du ministre des affaires étrangères. »

* 273 Cf. en 3 du B du II.

* 274 Cf. infra.

* 275 Cf. Art. 150-0 B du CGI.

* 276 Cf. 3 du B DU II.

* 277 Ibid.

* 278 Cf . conclusions de l'avocat général Juliane Kokott, par. 58 et s., sur CJCE 7 septembre 2006, aff. C-470/04, N. contre Inspecteur van de Belastingdienst Oost/kantoor Almelo .

* 279 Selon la décision Baars du 13 juillet 2000 (C-251/98) de la CJCE, exerce « son droit d'établissement le ressortissant d'un Etat membre qui détient le capital d'une société établie dans un autre Etat membre une participation lui conférant une influence certaine sur les décisions de la société et lui permettant d'en déterminer les activités. »

* 280 Cette hypothèse ne peut toutefois survenir que si la cession intervient avant expiration du délai de huit ans après le transfert qui ouvre droit à un dégrèvement de l'imposition.

* 281 Cf. Patrick Dibout, « La compatibilité de l'article 209 B du CGI avec les conventions internationales en question », Dr. Fisc., 18/97, p. 600.

* 282 Cf. Jean Groux, « L'exit tax de l'article 167 bis du CGI, mise à mal par la Cour de justice de Luxembourg, a-t-elle encore un avenir ? », Bulletin fiscal , 5/04, Editions Francis Lefebvre.

* 283 Se reporter notamment au rapport d'information n° 588 (2009-2010) « Mise en oeuvre de la contribution économique territoriale : la trajectoire de la réforme », de Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances (2009-2010).

* 284 La contribution de chaque commune est fixée dans les statuts du syndicat ou par son comité si le statut en décide ainsi (ou reste muet sur la question).

* 285 Il s'agit donc d'un impôt de répartition.

* 286 La part foncière de la TP a été maintenue sous la forme de la contribution foncière des entreprises (CFE) et ne nécessite donc pas la mise en oeuvre d'une compensation.

* 287 Rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) et de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), « Analyse de l'évolution des dépenses au titre de l'aide médicale d'Etat », novembre 2010.

* 288 Séance publique du 13 novembre 2010.

* 289 Audition du 8 juin 2010.

* 290 Estimation sur la base des dépenses constatées entre mars et décembre 2009.

* 291 Loi n° 87-962 du 30 novembre 1987 relative à la prévention et à la répression du recel et organisant la vente ou l'échange d'objets mobiliers.

* 292 Loi n° 2010-788 du 17 juillet 2010 portant engagement national sur l'environnement.

* 293 Sénat, rapport d'information n° 23 (2007-2008).

* 294 Sénat, rapport d'information n° 63 (2008-2009).

* 295 Selon la modification de cet article opérée par l'article 37 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie.

* 296 Article 67 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique.

* 297 Cette comptabilité, établie selon des règles définies par la CRE, est contrôlée aux frais des opérateurs qui supportent ces charges par leur commissaire aux comptes ou, pour les régies, par leur comptable public

* 298 Article 15 du décret n° 2004-90 du 28 janvier 2004 relatif à la compensation des charges de service public de l'électricité.

* 299 A titre de comparaison, le tarif « bleu » actuellement applicable aux particuliers ayant souscrit un abonnement d'une puissance de 3 kVA s'élève à 114,6 euros / MWh.

* 300 En incluant l'augmentation des tarifs réglementés, applicable au 1 er juillet 2011, l'augmentation du prix de l'électricité serait de 2,9 % d'ici à fin juin 2012 (1,7 % du fait de l'évolution des tarifs réglementés et 1,2 % en raison de la hausse de la CSPE).

* 301 Pour 2011, ce montant s'élève à 4,8 milliards d'euros, dont 4,6 milliards d'euros supportés par EDF.

* 302 Loi n° 2002-303 du mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

* 303 Conformément à l'article R. 1142-4 du CSP, les plafonds d'assurance « ne peuvent être inférieurs à 3 millions d'euros par sinistre et à 10 millions d'euros par année d'assurance. »

* 304 Loi n° 2002-1577 du 30 décembre 2002 relative à la responsabilité civile médicale.

* 305 Loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative au droit des malades et à la qualité du système de santé, modifiée par la loi du 9 août 2004.

* 306 Loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique.

* 307 Id.

* 308 Compte rendu de la réunion du lundi 15 novembre 2010, Commission nationale de pharmacovigilance exceptionnelle (AFSSAPS).

* 309 Art. 226-13 et 226-14 du code pénal.

* 310 La notion de déficit fonctionnel renvoie à l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique. Elle correspond au « temps d'hospitalisation » qui peut en résulter, mais aussi aux « pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante » et aux « atteintes aux fonctions psychologiques, [...] et [aux] troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales » (v. Cass. 2e civ. 28 mai 2009, n° 08-16829).

* 311 Il convient de préciser que si le constat d'un déficit fonctionnel constitue la condition d'ouverture du dispositif d'indemnisation, l'intégralité des préjudices subis sont indemnisés et non pas seulement ceux afférents au déficit fonctionnel .

* 312 Cette sanction est plus élevée que celle prévue dans le cadre du régime d'indemnisation de droit commun, qui prévoit que « Si le juge compétent, saisi par la victime qui refuse l'offre de l'assureur, estime que cette offre était manifestement insuffisante, il condamne l'assureur à verser à l'office une somme au plus égale à 15 % de l'indemnité qu'il alloue » (art. L. 1142-14 du CSP). Il en va de même « En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n'est pas assuré » (art. L. 1142-15 du CSP).

* 313 Compte rendu de la réunion du lundi 15 novembre 2010, Commission nationale de pharmacovigilance exceptionnelle (AFSSAPS).

* 314 Audition de Dominique Martin, directeur de l'ONIAM, devant la Mission commune d'information sur le Médiator du Sénat, (Jeudi 10 mars 2011).

* 315 ONIAM, Rapport d'activité 2010, p. 25.

* 316 Ces estimations doivent être considérées comme un ordre de grandeur, dès lors que le nombre de victimes potentielles susceptibles de recourir au dispositif d'indemnisation reste inconnu (et notamment le nombre de personnes portant effectivement réclamation) ; des incertitudes entourent par ailleurs la part des pathologies imputable à l'exposition au benfluorex, le coût moyen des dossiers traités par l'ONIAM pour ce chef de préjudice ainsi que le taux de récupération des montant versés par l'Office.

* 317 Votre rapporteur général renvoie aux développements qu'il a consacrés aux accords d'emprunt du FMI dans son rapport n° 513 (2009-2010), à l'occasion du commentaire de l'article 4 du troisième projet de loi de finances rectificative pour 2010 (article 4 de la loi de finances rectificative du 7 juin 2010, cf . infra ).

* 318 Cf . la note précédente.

* 319 La traduction de la résolution du Conseil des gouverneurs du 15 décembre 2010 se trouve jointe en annexe au présent projet de loi de finances rectificative.

* 320 Les pays pauvres sont définis comme les pays admis à bénéficier de la Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (FRPC), fonds fiduciaire du FMI, et dont le revenu par habitant se situe en-deçà du seuil établi de l'Association internationale de développement (AID), soit 1.135 dollars EU en 2008, année de référence pour le calcul, ou deux fois ce montant dans le cas des petits pays.

* 321 Voir le commentaire, déjà mentionné, de l'article 4 du troisième projet de loi de finances rectificative pour 2010 établi par votre rapporteur général dans son rapport n° 513 (2009-2010).

* 322 Le régime des comptes d'opérations monétaires est fixé par l'article 23 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Ces comptes ne sont pas dotés de crédits mais d'autorisations de découvert ; ils ne constituent donc pas des missions au sens de la LOLF.

* 323 Votre rapporteur général renvoie à nouveau, sur ce sujet, au commentaire précité de l'article 4 du troisième projet de loi de finances rectificative pour 2010, dans le rapport n° 513 (2009-2010).

* 324 Il s'agit des fonds structurels européens au sens strict (Fonds européen de développement régional, Fonds social européen, Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, section « orientation », et instrument financier d'orientation de la pêche), mais aussi de l'instrument européen de voisinage et de partenariat, du Fonds européen pour la pêche, du Fonds européen agricole pour le développement rural, du Fonds européen pour les réfugiés, du Fonds pour les frontières extérieures, du Fonds européen pour le retour, du Fonds européen d'intégration des ressortissants de pays tiers, du Fonds européen d'ajustement à la mondialisation et du Fonds de solidarité de l'Union européenne.

* 325 Au niveau réglementaire, cette commission est aujourd'hui régie par le décret n° 2008-548 du 11 juin 2008 et par un arrêté du 7 janvier 2009 relatif au fonctionnement, aux moyens et à l'organisation interne de la CICC.

* 326 Pour mémoire, cet article a également précisé le régime des sanctions applicables en cas de manquement des acteurs aux obligations de gestion et de contrôle des fonds structurels en se référant aux sanctions prévues par le troisième alinéa de l'article 43 de la loi du 12 avril 1996, qui dispose que « le fait de faire obstacle, de quelque manière que ce soit, au contrôle de l'inspection générale des finances est passible d'une amende de 100.000 Francs [soit 15.244,9 euros] et entraîne la répétition des concours financiers dont l'utilisation n'aura pas été justifiée. Le ministre chargé de l'économie et des finances peut saisir le procureur de la République près la juridiction compétente en vue de déclencher l'action publique ».

* 327 Sur ce point, se reporter au rapport d'information sur les comptes de France Télévisions de Claude Belot et Catherine Morin-Desailly (n° 597, 2009-2010).

* 328 Dispositions relatives au cinéma et autres arts et industries de l'image animée

* 329 Ces ouvertures de crédits sont plus amplement décrites plus haut dans l'exposé général du présent rapport.

* 330 Source : rapport annuel de performance « Travail et emploi » annexé au projet de loi de règlement des comptes pour 2010.

* 331 Selon le Gouvernement, il est cependant prévu que l'Estonie contribue prochainement au FESF.

* 332 Comme on le verra ci-après, le Gouvernement choisit de traduire dans le cas présent le mot anglais « facility » par le mot «facilité», et évoque donc la FESF, contrairement à l'usage largement dominant.

* 333 356,34 milliards d'euros si seule la Grèce bénéficiait d'une aide, 350,51 milliards d'euros en prenant également en compte l'aide à l'Irlande, et 341,31 milliards d'euros en prenant également en compte l'aide au Portugal.

* 334 L'exposé des motifs du projet de loi de finances rectificative pour 2010 précité indiquait que le montant de 90 milliards d'euros était « un minorant : si le dispositif est activé au bénéfice d'un Etat, celui-ci pourrait ne pas participer à la garantie, que ce soit pour l'octroi d'un financement en sa faveur ou pour une mise en jeu ultérieure du fonds au bénéfice d'un autre Etat membre. Il convient donc de prévoir une marge de précaution. C'est pourquoi, dans le projet de loi relatif à la garantie apportée à l'entité ad hoc, adopté en conseil des ministres le 11 mai 2010, le gouvernement allemand a prévu d'emblée, d'une part, la possibilité que la Grèce, qui bénéficie déjà de l'aide européenne, ne participe pas au dispositif et a souhaité, d'autre part, majorer le plafond de la garantie consentie par l'Allemagne de 20 %. Le même raisonnement conduirait, à titre de précaution, à retenir pour la France un plafond de garantie de 111 milliards d'euros ».

* 335 Qui prévoit que « lorsqu'il octroie la garantie de l'Etat (...) et lorsque [le FESF] apporte un financement ou consent des prêts, le ministre chargé de l'économie informe les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances ».

* 336 Selon les conclusions du Conseil européen des 24 et 25 mars 2011, « les modifications apportées à l'accord sur le FESF, visant à assurer à ce dernier une capacité de prêt effective de 440 milliards d'euros, seront mises au point de manière à permettre la signature [de l'accord] avant la fin de juin 2011 ».

* 337 440 milliards d'euros de capacité d'emprunt, moins 56,24 milliards d'euros correspondant à la part de l'Espagne.

* 338 Le Nouveau Petit Robert, édition 2008.

* 339 Décret n° 2005-1559 du 14 décembre 2005 portant dissolution de l'Entreprise minière et chimique.

* 340 Rapport d'information n° 2925, Treizième législature.

* 341 Tel est le cas de l'AMF, par exemple.

* 342 Article 64 de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008.

* 343 C'est-à-dire aux établissements et organismes de diffusion culturelle ou de recherche situés à l'étranger et dépendant du ministère des affaires étrangères et européennes. Ces établissements, qui ne disposent pas de la personnalité morale, perçoivent des recettes propres (cours de langues, certifications de français, droits de participation aux activités culturelles, mécénat, ...) et, pour la part restante de leurs ressources, des subventions publiques. Leur plafond d'emplois résulte de l'article 76 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009.

* 344 1 141 effectifs physiques en 2009, selon les chiffres retracés dans le rapport de nos collègues députés.

* 345 Rapport d'information n° 2925, Treizième législature.

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