II. LES OUVERTURES DE CRÉDITS SUR LE BUDGET GÉNÉRAL

A. DES OUVERTURES GAGÉES ET SANS EFFET SUR LA NORME DE DÉPENSE

949,8 millions d'euros en crédits de paiement (CP) et 968,9 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) sont ouverts sur le budget général, dont 465,5 millions d'euros au titre de la mission « Remboursements et dégrèvements » 38 ( * ) . Hors remboursements et dégrèvements, ces ouvertures s'élèvent donc à 484,3 millions d'euros en CP et 503,3 millions d'euros en AE. Etant intégralement compensés par des annulations, ces mouvements sont sans effet sur l'évolution de la norme de dépenses .

1. Des ouvertures intégralement compensées

Hors mission « Remboursements et dégrèvements » et réimputations de crédits à caractère technique, six missions et neuf programmes font l'objet d'ouvertures de crédits , pour des montants parfois significatifs en comparaison des dotations votées en loi de finances initiale ( cf . tableaux).

Les missions et programmes porteurs d'ouvertures nettes en autorisations d'engagement (hors « Remboursements et dégrèvements » et réimputations de crédits)

(en millions d'euros)

Missions

Programmes

Ouvertures

% / LFI 2011

Culture

Création

62,1

8,24 %

Patrimoine

2,4

0,28 %

Immigration, asile et intégration

Immigration et asile

50,0

10,19 %

Justice

Accès au droit et à la justice

23,3

6,01 %

Santé

Protection maladie

5,0

0,78 %

Sécurité

Police nationale

10,5

0,11 %

Travail et emploi

Accès et retour à l'emploi

243,0

3,54 %

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

107,0

2,38 %

Source : commission des finances, d'après le projet de loi de finances rectificative

Les missions et programmes porteurs d'ouvertures nettes en crédits de paiement (hors « Remboursements et dégrèvements » et réimputations de crédits)

(en millions d'euros)

Missions

Programmes

Ouvertures

% / LFI 2011

Culture

Création

38,5

5,23 %

Patrimoine

2,4

0,28 %

Immigration, asile et intégration

Immigration et asile

50,0

10,23 %

Justice

Accès au droit et à la justice

23,3

7,04 %

Santé

Protection maladie

5,0

0,78 %

Sécurité

Police nationale

10,5

0,12 %

Gendarmerie nationale

4,5

0,06 %

Travail et emploi

Accès et retour à l'emploi

243,0

3,92 %

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

107,0

2,35 %

Source : commission des finances, d'après le projet de loi de finances rectificative

a) Aperçu global

En proportion des dotations initiales , les ouvertures de crédits les plus importantes 39 ( * ) intéressent :

1) le programme « Création » de la mission « Culture », qui voit ses crédits majorés de 8,24 % en AE (+ 62,1 millions d'euros) et 5,23 % en CP (+ 38,5 millions d'euros) pour le financement de l'auditorium de la Philharmonie de Paris ;

2) le programme « Immigration et asile » de la mission « Immigration, asile et intégration » voit ses crédits augmenter de 10 % (+ 50 millions d'euros) pour faire face aux besoins d'hébergement des demandeurs d'asile ;

3) la mise en oeuvre de la réforme de la garde à vue conduit à majorer les crédits du programme « Accès au droit et à la justice » de la mission « Justice » de 6 % en AE et 7 % en CP (+ 23,3 millions d'euros).

En valeur absolue , les ouvertures les plus significatives sont néanmoins opérées au bénéfice des programmes de la mission « Travail et emploi » (350 millions d'euros au total), dans le but de financer le plan en faveur de l'emploi et de l'alternance annoncé par le Président de la République en mars 2011. La politique de l'emploi constitue donc la mesure prioritaire, en dépenses, du présent collectif budgétaire, puisqu'elle mobilise plus de 72 % des ouvertures de crédits opérées sur le budget général.

b) Les principes ayant présidé aux annulations

Aux 484,3 millions d'euros de crédits de paiement ouverts sur le budget général répondent 487,3 millions d'euros d'annulations 40 ( * ) . Ces montants sont respectivement de 503,3 millions d'euros et 506,3 millions d'euros en autorisations d'engagement.

Les annulations ont obéi à plusieurs logiques. Les 350 millions d'euros d'ouvertures en faveur de la politique de l'emploi ont tout d'abord fait l'objet d'un gage spécifique, hors réserve de précaution, sur le fondement d'une taxation interministérielle au taux forfaitaire de 13 % de la mise en réserve initiale . Selon l'exposé des motifs du présent projet de loi, « il s'agit d'un effort supplémentaire demandé à l'ensemble des ministères, au titre de la priorité commune que constitue l'emploi. Cela permet dans le même temps de ne pas réduire excessivement la réserve de précaution et ainsi de ne pas obérer la capacité du Gouvernement à faire face à des imprévus en cours de gestion ».

Selon les réponses du Gouvernement au questionnaire de votre rapporteur général, la taxation « a cependant été modulée afin de tenir compte des capacités contributives de chacun des programmes. Certains programmes ont par ailleurs été exonérés , en totalité ou partiellement pour l'un des motifs suivants : 1) levée de la mise en réserve pouvant être considérée comme inéluctable , au sens de la définition de l'exposé général des motifs du PLF 2011 41 ( * ) ; 2) programme portant une ouverture de crédits dans le présent PLFR ; 3) risques en exécution 2011 déjà identifiés. Enfin, dans le contexte de la mise en oeuvre de la réforme de la garde à vue, le ministère de la justice et des libertés a été intégralement exonéré. »

Les effets de cette modulation sont puissants dans la mesure où, selon les calculs de votre rapporteur général, seuls 25 programmes ont subi le taux de taxation forfaitaire de 13 % . 34 programmes ont été totalement exonérés , 36 ont été « taxés » à un niveau inférieur aux 13 % forfaitaires et 13 ont été taxés à un niveau supérieur, voire très supérieur . Parmi les programmes « surtaxés » figure le programme « Epargne » de la mission « Engagements financiers de l'Etat », sur lequel les annulations aboutissent quasiment à doubler la mise en réserve initiale (+91 %, soit 51,1 millions d'euros) . Ces annulations portent sur les crédits destinés à servir les primes d'épargne-logement , dont le calibrage en LFI semble avoir été surévalué au regard des clôtures de PEL et CEL attendues en 2011. Il convient de rappeler, à la suite des travaux de contrôle menés par notre collègue Jean-Pierre Fourcade 42 ( * ) , que le service des primes d'épargne-logement avait occasionné, au cours des dernières années, l'accumulation d'une importante dette de l'Etat envers le Crédit foncier de France , chargé d'avancer ces primes. Le report de charge ainsi constitué a fait l'objet d'un apurement dans le cadre du quatrième collectif budgétaire pour 2010. Dans ces conditions, il serait regrettable qu'un niveau excessif d'annulations conduise à le reconstituer et votre commission des finances y sera attentive.

Les autres cas de surtaxation 43 ( * ) correspondent à des arbitrages internes aux ministères , qui pouvaient librement changer la répartition de la taxation globale de 13 % entre les programmes pour prendre en compte les tensions pressenties en gestion.

Hors plan emploi, le solde des annulations (soit 156,3 millions d'euros en AE et 137,3 millions d'euros en CP) a été réalisé « en partie » au sein de la réserve de précaution . En 2011, les taux de mise en réserve ont été fixés à 5 % des crédits hors titre 2 et 0,5 % des crédits de titre 2. Ils ont abouti à la mise en réserve de 6,2 milliards d'euros en AE et 6,1 milliards d'euros en CP. En conséquence des premiers dégels intervenus en début de gestion, le montant de la réserve de précaution, avant effets du présent collectif, était de 5,5 milliards d'euros en AE et 5,4 milliards d'euros en CP.

La réserve de précaution début 2011

(en euros)

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire durapporteur général

Votre rapporteur général n'est pas en mesure d'évaluer précisément les effets des annulations prévues par le présent projet de loi de finances rectificative sur la réserve de précaution , faute de connaître la répartition exacte des annulations (hors « Plan emploi ») au sein et hors de cette réserve. Il est bon de rappeler, à cet égard, que le III de l'article 14 de la LOLF dispose explicitement que « tout acte, quelle qu'en soit la nature , ayant pour objet ou pour effet de rendre des crédits indisponibles, est communiqué aux commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances » . Comme le rappelait notre ancien collègue Alain Lambert au cours des travaux préparatoires de la LOLF, cette disposition était destinée à éviter « l'absence totale d'encadrement des pratiques informelles de gel de crédits » 44 ( * ) , alors même que des exigences fortes entouraient les annulations formelles. Une application plus littérale de ces dispositions serait donc souhaitable à l'avenir.

Certaines annulations ont enfin obéi à la logique d'auto-assurance , qui veut que les ouvertures au sein d'une mission soient en tout ou partie gagées au sein de cette même mission ou d'une mission relevant du même ministère. Il en est allé ainsi, pour un montant de 70,5 millions d'euros , des annulations gageant les ouvertures au bénéfice des recherches de l'épave de l'AF447, des dépenses d'aide juridique occasionnées par la réforme de la garde à vue, du financement de la Philharmonie de Paris et de l'indemnisation des victimes du benfluorex ( cf . tableau).

Les annulations de crédits obéissant à la logique d'auto-assurance

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après le projet de loi de finances rectificative

2. Un impact neutre sur la norme de dépense
a) Une norme en volume et en valeur

Les ouvertures au titre du budget général 45 ( * ) étant gagées par des annulations, ces mouvements sont sans effet sur la norme de dépense déterminée en LFI pour 2011 . Par ailleurs, le financement, à compter de 2012, du Conseil national des activités de sécurité privées (CNAPS) par le biais d'une taxe affectée 46 ( * ) permettra de faire échapper les dépenses de ce nouvel opérateur à l'application de la norme.

A compter de 2011, la progression annuelle des dépenses « élargies » 47 ( * ) de l'Etat doit être nulle en volume (c'est-à-dire égale, en valeur, à l'évolution prévisionnelle des prix à la consommation). De plus, au sein de cette enveloppe élargie, les dépenses hors pensions et charges de la dette doivent être stabilisées en valeur .

Selon les estimations de la LFI pour 2011, l'application combinée du zéro valeur et du zéro volume conduisait à faire mieux que la seule stabilisation en volume . Avec des dépenses hors dette et pensions estimées à 274,8 milliards d'euros et des dépenses totales de 356,9 milliards d'euros, l'évolution en norme élargie ressortissait à 1,3 % en valeur, et -0,2 % en volume sur la base d'une prévision d'inflation de 1,5 % ( cf . tableau).

Evolution des dépenses en valeur et en volume au sens de la norme élargie

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les annexes budgétaires

b) Les effets incertains de la révision de l'hypothèse d'inflation

Le Gouvernement a récemment révisé sa prévision d'inflation de 1,5 % à 1,8 % . L'impact d'une telle révision sur la norme de dépense est délicat à évaluer.

Par construction, et toutes choses égales par ailleurs, le relèvement de l'hypothèse d'inflation laisse une marge de manoeuvre supplémentaire de 0,3 % pour tenir la norme. Une augmentation des pensions et de la charge de la dette de l'ordre de + 1,7 milliard d'euros serait donc compatible avec le respect du zéro volume. La question est donc, en définitive, de savoir ce que seront les conséquences du ressaut d'inflation sur ces dépenses, qui sont elles-mêmes sensibles à l'évolution de l'indice des prix :

1) s'agissant des pensions , le Gouvernement fait valoir que la revalorisation d'avril 2011 (+ 2,1 %) a intégré la révision de l'hypothèse d'inflation et devrait se traduire par une dépense supplémentaire de l'ordre de 100 millions d'euros en 2011 ;

2) s'agissant du service de la dette , le ressaut d'inflation peut se traduire par une augmentation de la charge d'intérêts associée aux titres indexés . Selon les réponses du Gouvernement au questionnaire de votre rapporteur général, en 2011, « la charge d'indexation présente un aléa haussier de plusieurs centaines de millions d'euros , dont le résultat définitif sera connu prochainement » .

Ces postes de dépenses ne font l'objet d'aucune réévaluation dans le cadre du présent collectif budgétaire, en raison des fortes incertitudes qui entourent leur évolution. En effet, d'autres facteurs sont, aux dires du Gouvernement, susceptibles d'influer de manière importante sur les dépenses du CAS « Pensions », parmi lesquelles le rythme des départs en retraite. Il en va de même de la charge de la dette, dont il a été indiqué à votre rapporteur général qu'elle ferait l'objet, le cas échéant, d'une « actualisation d'ensemble (...) ultérieurement dans l'année » 48 ( * ) .

Une dernière question intéresse l'évolution des dépenses incluses dans le périmètre du zéro valeur et pour lesquelles, par définition, aucun « dérapage » n'est permis . Si, au sein de cette enveloppe, un certain nombre d'interventions à caractère social sont indexées sur l'inflation 49 ( * ) , les modalités de cette indexation font toutefois que l'impact de la hausse des prix ne se fera sentir qu'en 2012 . Le regain d'inflation n'aura donc pas d'impact direct sur l'exécution de ces dépenses pour l'année en cours, mais sera pris en compte lors de la construction du projet de loi de finances pour 2012.

Votre rapporteur général prend acte de ces éléments d'analyse et s'attachera à en vérifier la validité d'ici à la fin de l'exercice budgétaire.


* 38 Ces ouvertures traduisent une augmentation de 485 millions d'euros des remboursements et dégrèvements de TVA, liée à la révision à la hausse de la prévision de produit net de TVA sur 2011, et explicitée dans les développements consacrés aux recettes. En sens inverse, les restitutions au titre de la prime pour l'emploi sont réévaluées à la baisse de 19,5 millions d'euros.

* 39 Ces ouvertures font l'objet d'une analyse détaillée infra .

* 40 Les annulations sont donc supérieures de 3 millions d'euros aux ouvertures. Ce surplus gage les ouvertures sur le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », qui sont supérieures de 3 millions d'euros aux annulations.

* 41 L'exposé des motifs du PLF 2011 disposait notamment que la réserve pourrait « être aménagée en cours de gestion pour tenir compte du caractère obligatoire de certaines dépenses. Pour les programmes d'intervention sur lesquels l'Etat ne dispose pas de pouvoir discrétionnaire d'attribution, les crédits mis en réserve seront libérés, sauf diminution du nombre des bénéficiaires des dispositifs ».

* 42 Voir les conclusions du contrôle de notre collègue Jean-Pierre Fourcade, rapporteur spécial de la mission « Engagements financiers de l'Etat », annexées au rapport général sur le projet de loi de finances pour 2011 (n° 111, 2010-2011 - Tome III, annexe 12).

* 43 Il s'agit notamment des programmes « Energie, climat et après-mines » (174), « Développement des entreprises et de l'emploi » (134), « Livre et industries culturelles » (334), « Recherche culturelle et culture scientifique », « Concours spécifiques et administration » (122) et « Concours financiers aux départements » (120).

* 44 Rapport de M. Alain Lambert sur la proposition de loi organique relative aux lois de finances (n° 343, 2000-2001).

* 45 Les ouvertures opérées sur les budgets annexes et les comptes spéciaux n'ont pas davantage d'impact sur la norme, car ces derniers en sont exclus.

* 46 Voir le commentaire de l'article 19.

* 47 Soit les dépenses nettes du budget général auxquelles sont additionnés les prélèvements sur recettes et les affectations de taxes en substitution de crédits budgétaires.

* 48 Aucune révision des prévisions de charge de la dette associées à la dernière loi de programmation des finances publiques n'est envisagée à ce stade, le Gouvernement estimant que le ressaut d'inflation de 2011 n'est pas durable.

* 49 Telles que les aides au logement ou le RSA par exemple.

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