B. UNE DIVERGENCE CONFIRMÉE EN DEUXIÈME LECTURE

1. Le rétablissement du monopole des lois financières par l'Assemblée nationale

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a rétabli le monopole des lois de finances et de financement de la sécurité sociale tel que l'avait défini le Gouvernement dans son projet initial.

Dans son rapport de deuxième lecture, M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois, estime que « par rapport au monopole initialement conféré aux lois financières en matière de prélèvements obligatoires, le mécanisme d'approbation a posteriori introduit au Sénat aurait pour effet de laisser inchangées les règles actuelles de la procédure législative » 1 ( * ) .

Il souligne que « le pouvoir d'initiative des membres du Parlement pourrait continuer à s'exercer en matière de prélèvements obligatoires par le biais de propositions de loi ou d'amendements, y compris à des textes non financiers. Serait en outre préservée la possibilité de légiférer sur l'ensemble des facettes, y compris financières, d'une politique publique. La suppression du monopole éviterait également que les projets de loi de finances se trouvent systématiquement chargés de réformes fiscales techniques n'impactant pas le solde budgétaire, au détriment de la qualité de la discussion législative ».

Le rapporteur de l'Assemblée nationale considère que « le mécanisme d'approbation a posteriori introduit au Sénat n'est cependant pas sans inconvénient ».

Il se demande tout d'abord si l'approbation en loi de finances ou en loi de financement de la sécurité sociale sera une formalité ou une véritable contrainte, considérant que « dans le premier cas, la réforme voulue par le Gouvernement serait en quelque sorte vidée de son contenu ». Il juge toutefois le second plus probable, « ne serait-ce qu'en raison du plancher impératif de recettes qui sera fixé dans la loi-cadre d'équilibre des finances publiques », mais considère qu'« une hiérarchie de fait, sinon de droit, serait ainsi créée entre lois ordinaires et lois financières, au risque d'ailleurs d'alimenter les conflits politiques entre les membres d'un même gouvernement ou entre les commissions d'une même assemblée ».

Le rapporteur de l'Assemblée nationale relève en outre que « le mécanisme d'approbation a posteriori aurait des effets strictement identiques au monopole initialement proposé à chaque fois que les pouvoirs publics souhaiteront édicter une mesure fiscale à effet immédiat, dictée par exemple par l'urgence de la situation économique ».

Il estime, enfin, que le dispositif adopté par le Sénat serait source d'insécurité juridique « durant toute la période séparant l'adoption de la mesure législative ordinaire et la décision - explicite ou implicite - relative à son entrée en vigueur ».

Suivant son rapporteur, l'Assemblée nationale a donc rétabli le principe du monopole des lois de finances et de financement de la sécurité sociale en matière de prélèvements obligatoires.

Elle a, par coordination et toujours à l'initiative du président et rapporteur de sa commission des lois, rétabli l'article 2 bis , relatif au contrôle de la recevabilité des amendements et des propositions de loi au regard de ce monopole.

Enfin, elle a adopté un amendement du Gouvernement rétablissant, dans une nouvelle rédaction, l'article 9 bis .

Cet article prévoit ainsi que le Conseil constitutionnel, lorsqu'il est saisi d'une loi qui n'est ni une loi de finances ni une loi de financement de la sécurité sociale, vérifie que le monopole de ces lois financières a bien été respecté.

Le Gouvernement entend ainsi éviter que le Conseil constitutionnel n'applique au contrôle de la nouvelle irrecevabilité financière de l'article 41 la même jurisprudence qu'en matière d'irrecevabilité réglementaire, le juge constitutionnel n'exerçant dans ce cas son contrôle que si l'irrecevabilité a été soulevée au cours de la procédure législative 2 ( * ) .


* 1 Rapport fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale par M. Jean-Luc Warsmann, n° 3558, 22 juin 2011, p. 24 et 25.

* 2 Décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 1982 dite Blocage des prix et des revenus

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