6. Deux aléas importants : la notation « triple A » de la France et les conséquences du récent arrêt de la Cour constitutionnelle allemande

Indépendamment du risque d'une nouvelle récession de l'économie mondiale, divers aléas institutionnels sont possibles, qui pourraient empêcher le bon fonctionnement du mécanisme mis en place, et déstabiliser une nouvelle fois les marchés :

- en cas de perte par la France de sa notation « triple A », il faudrait alors soit réduire la capacité de prêt du FESF, soit accepter qu'il emprunte à un taux plus élevé - ce qui pourrait l'obliger à prêter à un taux insoutenable pour les Etats bénéficiaires -, soit trouver une solution technique 5 ( * ) dont la négociation et l'entrée en vigueur risquent d'être longues ;

- un arrêt de la Cour constitutionnelle allemande du 7 septembre 2011 (antérieur au vote du Bundestag et du Bundesrat sur la deuxième réforme du FESF, prévu les 29 et 30 septembre 6 ( * ) ) prévoit que les garanties de l'Allemagne ne peuvent être accordées qu'avec l'accord de la commission du budget du Bundestag, qui devra donc approuver préalablement toute émission du FESF 7 ( * ) .

La conformité à la Loi fondamentale allemande des dispositifs destinés à assurer la stabilité de la zone euro

1. Le droit communautaire

Selon l'article 125 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), parfois qualifié de « clause de no-bail out », « l'Union ne répond pas des engagements des administrations centrales, des autorités régionales ou locales, des autres autorités publiques ou d'autres organismes ou entreprises publics d'un État membre, ni ne les prend à sa charge, sans préjudice des garanties financières mutuelles pour la réalisation en commun d'un projet spécifique. Un État membre ne répond pas des engagements des administrations centrales, des autorités régionales ou locales, des autres autorités publiques ou d'autres organismes ou entreprises publics d'un autre État membre, ni ne les prend à sa charge, sans préjudice des garanties financières mutuelles pour la réalisation en commun d'un projet spécifique ».

Certes, il est prévu de modifier l'article 136 du TFUE, dans le cadre de la procédure de révision simplifiée prévue à l'article 48, paragraphe 6, du traité 8 ( * ) . Cependant, cette révision n'est pas encore en vigueur. Le Conseil européen estime désormais que la consultation des institutions concernées devrait s'achever à temps pour permettre l'accomplissement des procédures nationales d'approbation d'ici la fin de 2012 et l'entrée en vigueur du traité modifié le 1 er janvier 2013.

2. La jurisprudence de la Cour constitutionnelle allemande

Le 30 juin 2009, à l'occasion de la ratification du traité de Lisbonne par le Parlement allemand, la Cour constitutionnelle allemande a rendu un arrêt 9 ( * ) selon lequel elle se réserve le droit de décider de ne pas appliquer en Allemagne un acte communautaire qu'elle jugerait non conforme aux traités. Elle considère également dans cet arrêt que la construction européenne ne peut avoir pour conséquence de déposséder le Parlement allemand de ses prérogatives.

Le 8 mai 2010, la Cour constitutionnelle a refusé d'annuler par référé la participation allemande au dispositif de soutien à la Grèce. Son jugement portait toutefois sur la possibilité d'un référé, et non sur le fond. La requête a ainsi été rejetée parce que selon la Cour, pour les citoyens allemands, les inconvénients d'une annulation auraient été supérieurs à ses avantages 10 ( * ) .

La Cour constitutionnelle a statué le 7 septembre 2011 sur la conformité du FESF et du futur MES à la Loi fondamentale. Si elle n'a pas annulé la participation allemande à ces dispositifs, elle a renforcé le rôle du Parlement allemand dans leur mise en oeuvre. Ainsi, les garanties de l'Allemagne ne pourront être accordées qu'avec l'accord de la commission du budget du Bundestag.


* 5 Par exemple : contributions effectives des Etats (au lieu de simples garanties), comme dans le cas du futur MES ; ou nouvelle augmentation de la contribution des Etats « triple A » (qui seraient alors tous en Europe du nord).

* 6 Le Monde, 2 septembre 2011.

* 7 Source : communiqué de presse (en anglais) publié par la Cour constitutionnelle.

* 8 Selon les conclusions du Conseil européen des 24 et 25 mars 2011, « Le Conseil européen a décidé d'ajouter à l'article 136 du traité le paragraphe suivant : « Les Etats membres dont la monnaie est l'euro peuvent instituer un mécanisme de stabilité qui sera activé si cela est indispensable pour préserver la stabilité de la zone euro dans son ensemble. L'octroi, au titre du mécanisme, de toute assistance financière nécessaire, sera subordonné à une stricte conditionnalité. » ».

* 9 Le lecteur peut se reporter au sujet de cet arrêt au rapport d'information n° 119 (2009-2010) fait par notre collègue Hubert Haenel au nom de la commission des affaires européennes du Sénat, déposé le 26 novembre 2009.

* 10 Cf. le communiqué de presse (en anglais) publié par la Cour constitutionnelle sur cet arrêt.

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