Rapport n° 13 (2011-2012) de Mme Nicole BRICQ , fait au nom de la commission des finances, déposé le 11 octobre 2011

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N° 13

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012

Enregistré à la Présidence du Sénat le 11 octobre 2011

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE après engagement de la procédure accélérée, autorisant l' approbation du protocole d' amendement à la convention du Conseil de l' Europe concernant l' assistance administrative mutuelle en matière fiscale ,

Par Mme Nicole BRICQ,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Marini , président ; M. François Marc, Mmes Michèle André, Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, Aymeri de Montesquiou, Roland du Luart , vice-présidents ; M. Philippe Dallier, Mme Frédérique Espagnac, MM. Claude Haut, François Trucy , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Jean Arthuis, Claude Belot, Michel Berson, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Joël Bourdin, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Pierre Caffet, Serge Dassault, Vincent Delahaye, Francis Delattre, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Jean-Paul Emorine, André Ferrand, François Fortassin, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Jean Germain, Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Yves Krattinger, Dominique de Legge, Marc Massion, Georges Patient, François Patriat, Jean-Vincent Placé, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Richard Yung.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

3703 , 3770 et T.A. 740

Sénat :

2 et 14 (2011-2012)

PREMIÈRE PARTIE : EXPOSÉ GÉNÉRAL

Le Sénat est saisi du projet de loi n° 2 (2011-2012), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l' approbation du protocole d'amendement à la Convention du Conseil de l'Europe concernant l' assistance administrative mutuelle en matière fiscale (la suite du présent rapport : la « Convention »).

Cette Convention constitue un instrument multilatéral élaboré conjointement par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ainsi que par le Conseil de l'Europe. Ouverte à la signature le 25 janvier 1988 aux pays membres de l'Organisation et du Conseil, la France l'a paraphée le 17 septembre 2003, puis ratifiée le 1 er mars 2005.

La Convention n'a fait l'objet que d'un seul protocole d'amendement (dans la suite du présent rapport : le « Protocole »). Approuvé par le Conseil de l'OCDE le 18 février 2010, puis par le Comité des ministres du Conseil de l'Europe le 24 mars 2010, le protocole a été ensuite ouvert à la signature le 27 mai 2010.

La ratification de ce protocole s'inscrit dans la politique conventionnelle française de promotion des outils de coopération fiscale. En effet, la Convention ainsi amendée prescrit les bonnes pratiques fiscales fixées par l'OCDE et garanties par le Forum mondial sur la transparence fiscale et l'échange de renseignements à des fins fiscales (« Forum mondial »).

De surcroît, elle devrait constituer un précieux outil d'assistance pour les Etats ne disposant pas des ressources nécessaires à la conduite de multiples cycles de négociation préalables à la conclusion de traités bilatéraux d'échange de renseignements.

Par ailleurs, la participation des Etats plus modestes au processus de transparence fiscale devrait être abordée au sommet de Cannes, qui se tiendra sous présidence française, les 3 et 4 novembre 2011.

En effet, dans le cadre de la réflexion sur les enjeux de développement, conduite notamment lors du Sommet de Séoul en novembre 2010, un plan d'action constitué de neuf priorités, ou piliers, avait alors été adopté par l'ensemble des pays du G 20. Le huitième pilier de ce plan porte sur la mobilisation des ressources fiscales dans les pays en développement. Ces derniers doivent, en effet, améliorer leurs administrations fiscales et leur capacité de prélever l'impôt afin de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales.

Ce pilier est divisé en deux actions visant d'une part, à « améliorer les capacités fiscales des pays en développement » et, d'autre part, à « lutter contre l'érosion des bases fiscales dans les pays en développement ». S'agissant de cette seconde action, qui revient à lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, le Forum mondial a été mandaté pour produire un rapport recensant des mesures à mettre en oeuvre sur ce sujet. Ce rapport sera transmis au G 20 de Cannes.

En outre, il est prévu qu' une cérémonie de signatures de ce protocole soit organisée à l'occasion du prochain sommet afin de permettre au plus grand nombre possible de partenaires du G 20 d'adhérer à la Convention ainsi modifiée. C'est pourquoi la ratification du présent protocole se présente à votre approbation avant ledit sommet.

Enfin, sera également remis au G 20 de Cannes , le rapport adopté les 25 et 26 ctobre 2011 . Ce document destiné à répondre à la demande du G 20, lors de la réunion des ministres des finances des 18 et 19 février 2011, portera sur les progrès accomplis dans le cadre de l'OCDE.

I. LA CONVENTION D'ASSISTANCE ADMINISTRATIVE MUTUELLE : UNE RÉPONSE MULTILATÉRALE À LA LUTTE CONTRE LES PARADIS FISCAUX

La signature du Protocole s'inscrit dans le cadre de la volonté politique de la Partie française de lutter contre l'évasion fiscale vers des Etats et territoires non coopératifs (« ETNC ») manifestée dès 2008 dans un contexte plus ancien de promotion de l'assistance fiscale en matière administrative mise en oeuvre à la fin des années quatre-vingt.

A. 1988, UNE CONVENTION MULTILATÉRALE EN MATIÈRE DE COOPÉRATION ADMINISTRATIVE FISCALE

L'OCDE et le Conseil de l'Europe ont conjointement lancé, il y a plus de vingt-cinq ans, une réflexion sur les modalités de lutte contre la fraude fiscale internationale. Ces travaux ont conduit en 1988 à l'élaboration d'une convention multilatérale 1 ( * ) composée de trente-deux articles relatifs à l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale. Cette dernière tend à offrir aux Etats un cadre juridique de coopération transfrontalière dans le respect de la souveraineté des autres Etats ainsi que des droits des contribuables.

Ouverte à la signature le 25 janvier 1988 aux cinquante-quatre membres, soit du Conseil, soit de l'Organisation, la Convention est entrée en vigueur en 1995 et est appliquée à ce jour par dix-sept Etats 2 ( * ) .

1. Un outil d'assistance destiné au renforcement de l'efficacité des administrations fiscales

La Convention constitue un instrument complet en matière d'assistance administrative fiscale . Son champ d'application recouvre toutes les formes d'échange de renseignements , sur demande, spontané ou automatique. Cette troisième forme d'assistance nécessite cependant un accord préliminaire des parties prêtes à échanger automatiquement des renseignements entre elles.

Elle autorise également les autorités compétentes à effectuer des vérifications simultanées et des contrôles fiscaux à l'étranger ou à recourir à une coopération administrative en matière de recouvrement de créances fiscales.

Enfin, la Convention facilite également le partage d'informations afin de réprimer certains délits financiers tels que le blanchiment ou la corruption.

2. Une portée étendue de la Convention quant aux personnes et impôts visés

La portée de la Convention est étendue tant en ce qui concerne les personnes que les impôts visés .

Tout d'abord, la coopération n'est pas limitée par le lieu de résidence ou la nationalité du contribuable 3 ( * ) . Ainsi, une personne assujettie à l'impôt dans un Etat ne peut empêcher cet Etat de formuler une demande de renseignements auprès d'un autre Etat, sous prétexte qu'il n'est pas un ressortissant ou un résident de cet autre Etat.

Les modalités de coopération sont accompagnées des garanties nécessaires au respect des droits des contribuables , notamment en matière de confidentialité des renseignements partagés. Les dispositions prises par les administrations fiscales doivent être, par exemple, compatibles avec la législation nationale protectrice des droits fondamentaux des contribuables. La Convention n'a pas, en effet, pour objet d'accroître les pouvoirs des administrations fiscales mais plutôt d'en renforcer l'efficacité, en élargissant le champ d'application territorial de leur action.

S'agissant des catégories d'impôts visées 4 ( * ) , leur énumération est exhaustive. Conçue pour favoriser l'échange de renseignements, elle couvre l'ensemble des prélèvements obligatoires des administrations publiques 5 ( * ) , à l'exception néanmoins des droits de douane, couverts par une autre convention 6 ( * ) . Il s'agit principalement des impôts sur le revenu, sur les bénéfices, sur les gains en capital, sur l'actif net, sur les successions, sur les donations, sur la propriété immobilière et mobilière, sur les biens et services ainsi que les cotisations de sécurité sociale obligatoires payées aux organismes de sécurité sociale de droit public. Cette énumération offre néanmoins la possibilité aux Etats d'émettre des réserves quant au champ d'application de la Convention.

3. Un contrôle à « géométrie variable »...

La capacité à se conformer aux standards de l'échange de renseignements ainsi que leur respect effectif peuvent donner lieu à un contrôle.

Tout d'abord, les pays non-membres de l'OCDE et du Conseil de l'Europe doivent, préalablement à l'adhésion à la Convention, se soumettre à un contrôle réalisé par l'organe de coordination, formé des Parties à la Convention. S'agissant de la mise en oeuvre de l'accord, les problèmes éventuels d'interprétation sont résolus par cet organe.

Enfin, compte-tenu du caractère modeste du dispositif de contrôle, il convient de souligner que toute partie à la Convention peut notifier au Forum mondial les difficultés rencontrées avec un partenaire, quel que soit le traité de coopération en cause. Cette information est prise en compte au cours de l'examen par les Pairs.

B. 2000, LA LUTTE CONTRE LES PARADIS FISCAUX PAR LA VOIE DU BILATÉRALISME

1. La prise de conscience internationale face à l'évasion fiscale transfrontalière

La révision de la Convention s'inscrit dans le contexte de lutte contre les paradis fiscaux, initiée dès 1998 par l'OCDE.

Dans un rapport intitulé « Concurrence fiscale dommageable : un problème mondial », l'Organisation a analysé les pratiques anticoncurrentielles visant à favoriser l'évasion fiscale transfrontalière. Quatre critères tendant à définir la notion de « paradis fiscal » ont alors été fixés :

- des impôts directs insignifiants ou inexistants ;

- l'absence de transparence sur le régime fiscal ;

- la rareté d'activités économiques substantielles ;

- enfin, l'absence de transmission d'informations de nature fiscale aux autorités fiscales des autres pays.

2. La concrétisation : un Forum, deux accords, trois listes sous surveillance
a) Le Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements en matière fiscale

La définition des critères ci-dessus a conduit dans un premier temps l'OCDE à publier en 2000 une liste de trente-cinq Etats ou territoires qualifiés d'Etats et territoires non coopératifs.

Afin de favoriser la mise en oeuvre des recommandations de l'Organisation en matière de transparence, cette dernière a mis en place la même année en son sein un « Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales ». Ce dernier constitue le coeur du dispositif multilatéral des réflexions et des cycles de négociation des accords. Il réunit actuellement 102 membres , considérés sur un pied d'égalité. On compte parmi eux les Etats du G 20, les Etats membres de l'OCDE et l'ensemble des « juridictions » extraterritoriales.

b) Deux accords

Le cadre bilatéral d'échange de renseignements sur demande établi par l'OCDE connaît une double déclinaison : le modèle de convention de double imposition concernant le revenu et la fortune , d'une part, et l'« accord sur l'échange de renseignements en matière fiscale » ( Tax information exchange agreement ou TIEA) , d'autre part.

Si la convention de suppression de doubles impositions 7 ( * ) a pour objectif d'éviter toute perte financière liée au risque de doubles impositions, elle contient un article 26 qui prévoit l'échange de renseignements sur demande entre les parties à la convention.

Non contraignant, ce modèle a servi de cadre de référence à plus de 3 000 conventions fiscales dans le monde. Révisé régulièrement par le Comité des affaires fiscales, la modification de 2005 constitue une avancée primordiale en matière d'assistance fiscale. Au terme de l'ajout de deux nouveaux paragraphes 8 ( * ) , l'Etat requis doit répondre à la demande de renseignements sans pouvoir invoquer le secret bancaire, ni même l'absence d'un intérêt fiscal national.

S'agissant de l'accord cadre d'échange de renseignements de l'OCDE ( TIEA ), élaboré en 2002 dans l'enceinte du Forum mondial 9 ( * ) , il a pour objet la promotion de l'assistance fiscale internationale par la voie de l'échange de renseignements.

Cet instrument tend à combattre les comportements fiscaux dommageables issus de la disparité des pratiques, dans un contexte de concurrence financière exacerbée. Ainsi que le souligne l'Organisation dans l'introduction de l'accord cadre : « [...] il est essentiel que les centres financiers du monde entier se conforment aux normes d'échange de renseignements fixées dans le présent document. Il faudrait encourager autant d'économies que possible à coopérer à cette importante initiative ».

Ces standards qui sont dépourvus de force juridique contraignante, prévoient que :

L'échange est effectué sur la demande d'une partie à l'accord. Il concerne des informations de toute nature 10 ( * ) « vraisemblablement pertinentes pour l'application de la législation interne de l'Etat requérant » ;

Cet échange ne peut être restreint par le secret bancaire ou l'absence d'intérêt fiscal national ;

La transmission des informations doit être réalisée dans le respect des droits des contribuables afin de garantir un juste équilibre entre la protection de la vie privée, d'une part, et la nécessité pour les Etats de faire respecter leur législation fiscale, d'autre part.

L'enjeu de la conclusion d'un accord TIEA réside pour l'Etat signataire dans les conséquences qu'en tire l'OCDE sur le plan de la qualification de « paradis fiscal ».

c) Trois listes

En effet, un Etat est considéré comme « coopératif » s'il a signé au moins douze accords d'échange de renseignements . Il figure alors sur la « liste blanche ».

En revanche, la « liste noire », rassemble les Etats qui n'ont pris aucun engagement en termes d'échange de renseignements  alors qu'une liste dite « grise » regroupe ceux qui, tout en s'étant engagés à respecter les standards de l'OCDE, n'ont pas encore signé le nombre minimal de douze accords.

L'établissement des trois listes, le 2 avril 2009, a eu pour objet de donner un nouvel élan à l'échange de renseignements en l'absence, dans un premier temps, d'une volonté politique internationale suffisamment forte. Seuls vingt-trois accords d'échange de renseignements fiscaux avaient été conclus à la fin de l'année 2007.

La prise de conscience internationale de la nécessité de mettre fin à l'opacité fiscale s'est exprimée lors du sommet du G 20 de Washington (novembre 2008). Elle se manifesta plus concrètement lors du sommet du G 20 de Londres (avril 2009) et de Pittsburgh (septembre 2009) qui ont conçu le système d'identification des paradis ainsi que leur surveillance.

La publication de la liste noire a eu, pour conséquence immédiate, d'obtenir l'engagement des quatre Etats non coopératifs qui y figuraient, de conclure les douze accords nécessaires à leur retrait de la liste. Il s'agit du Costa Rica, des Philippines, de l'Uruguay et de la Malaisie.

Quant à la liste grise, trente-trois des trente-huit Etats initialement inscrits sont parvenus à signer au moins douze accords depuis 2009. Au total plus de 700 accords TIEAS ou amendements aux conventions de suppression de double imposition ont ainsi été signés depuis fin 2008.

Rapport d'étape sur la mise en oeuvre de la norme fiscale internationale par les juridictions examinées par le Forum mondial de l'OCDE au 14 septembre 2011

Juridictions qui ont effectivement appliqué la norme fiscale internationale

Andorre

Anguilla

Antigua et Barbuda

Argentine

Aruba

Australie

Autriche

Bahamas

Bahreïn

Barbade

Belgique

Belize

Bermudes

Brésil

Brunei

Iles Vierges britanniques

Canada

Iles Caïmans

Chili

Chine

Chypre

Iles Cook

Costa Rica

Curaçao

République tchèque

Danemark

Dominique

Estonie

Finlande

France

Allemagne

Gibraltar

Grèce

Grenade

Guernesey

Hong Kong

Hongrie

Islande

Inde

Indonésie

Irlande

Ile de Man

Israël

Italie

Japon

Jersey

Corée

Libéria

Liechtenstein

Luxembourg

Macao

Malaisie

Malte

Iles Marshall

Ile Maurice

Mexique

Monaco

Pays-Bas

Nouvelle-Zélande

Norvège

Panama

Philippines

Pologne

Portugal

Qatar

Russie

Saint-Christophe-et-Niévès

Sainte-Lucie

Saint-Vincent-et-les-Grenadines

Samoa

Saint-Marin

Seychelles

Singapour

Saint-Martin

République slovaque

Slovénie

Afrique du Sud

Espagne

Suède

Suisse

Turquie

Iles Turques et Caïques

Emirats Arabes Unis

Royaume-Uni

Etats-Unis

Iles Vierges américaines

Vanuatu

Source : OCDE

Juridictions qui ont pris l'engagement de respecter la norme fiscale internationale mais ne l'ont pas encore réellement mis en oeuvre

Juridiction

Année de l'engagement

Nombre d'accords

Juridiction

Année de l'engagement

Nombre d'accords

Paradis fiscaux 1

Montserrat

Nauru

2002

2003

(11)

(0)

Nioué

2002

(0)

Autres centres financiers

Guatemala

2009

(0)

Uruguay

2009

(10)

Juridictions qui ne se sont pas engagées à respecter la norme fiscale internationale

Juridiction

Nombre d'accords

Juridiction

Nombre d'accords

Toutes les juridictions examinées par le Forum mondial se sont désormais engagées à respecter la norme fiscale internationale

1. Ces juridictions ont été identifiées en 2000 comme répondant aux critères des paradis fiscaux tels qu'ils sont définis dans le rapport de 1998 de l'OCDE.

Source : OCDE

Afin de donner une pleine effectivité aux accords ainsi conclus, un mécanisme de contrôle a été mis en place dans le cadre du Forum mondial.

d) La mise en oeuvre de la surveillance des engagements des Etats en matière de transparence fiscale

Le Forum mondial a été restructuré et mandaté en 2009 afin de mettre en oeuvre un programme d'évaluation de la transparence et de l'échange de renseignements en matière fiscale sur trois ans .

Il convient de souligner que ce contrôle peut également porter sur des Etats ou territoires non membres du Forum mondial mais jugés comme nécessitant une attention particulière en matière de coopération fiscale.

L'évaluation de cent deux Etats qui se déroule en deux temps, est conduite par les Pairs ( Peer review ), c'est-à-dire deux Etats assistés d'un membre du secrétariat du Forum mondial.

Le contrôle de la première phase porte sur l'analyse du dispositif législatif et réglementaire de l'Etat ainsi que sur la pertinence du réseau conventionnel . Le Forum a ainsi souhaité prévenir toute stratégie qui aurait conduit des Etats non coopératifs à conclure douze accords d'échange entre eux.

Le bilan quantitatif et qualitatif de la mise en application concrète de la norme OCDE est , quant à lui, réalisé lors de la seconde phase. L'effectivité de l'échange est appréciée à l'aune de dix éléments permettant d'évaluer la disponibilité, l'accès et l'échange des renseignements 11 ( * ) .

Chaque examen donne lieu à la remise d'un rapport qui est adopté par les membres du Forum mondial. Il comporte éventuellement des recommandations indiquant les éléments devant être améliorés afin de se conformer aux standards définis par l'OCDE. Le groupe des Pairs a procédé à l'examen de quarante-six Etats et territoires au 12 septembre 2011.

Les huit premiers rapports publiés lors de la réunion du Forum mondial du 30 septembre 2010 ont concerné les Bermudes, le Botswana, les îles Caïmans, l'Inde, la Jamaïque, Monaco, le Panama et le Qatar. Seuls le Panama et le Botswana ont fait l'objet de recommandations conditionnant leur passage à la phase 2.

La deuxième réunion du Forum mondial s'est tenue le 28 janvier 2011 . Si les rapports consacrés à Guernesey, à l'Australie, au Danemark, à l'Irlande et à la Norvège ont été favorables, des recommandations ont été formulées à l'encontre de la Barbade, de Trinidad-et-Tobago, de Saint-Marin, des Seychelles et de l'Île Maurice.

De nombreux progrès ont été soulignés lors de la troisième réunion du Forum mondial le 14 avril 2011 . Ont été adoptés les rapports relatifs au Canada, à l'Allemagne ainsi que sous réserve de recommandations, ceux concernant Aruba, les Bahamas, le Ghana, l'Estonie et la Belgique.

Le Forum qui s'est tenu les 31 mai et 1 er juin 2011 a adopté les rapports concernant l'Italie, l'Île de Man, la Nouvelle Zélande, les Etats-Unis, la France, la Hongrie, les Philippines, Singapour et la Suisse. Sous réserve de délais jugés trop longs dans les réponses aux demandes adressées à la France, cette dernière a été jugée comme satisfaisant à l'ensemble des éléments de conformité à la norme OCDE. Le Forum a en outre salué l'étendue de son réseau conventionnel.

Votre rapporteure relève que s'agissant de la Suisse , certains des dix éléments permettant de qualifier l'effectivité de l'accès et de la disponibilité des échanges ne sont pas encore mis en oeuvre. Ainsi, les mécanismes d'identification d'actions au porteur ne sont pas totalement conformes aux standards. De surcroît, l'information bancaire n'est pas totalement disponible, s'agissant des demandes formulées dans le cadre d'accords entrés en vigueur avant le 1 er octobre 2010, sous réserve des cas de fraude.

Les conclusions sur Jersey n'ont pu être adoptées lors du Forum du 1 er juin , en raison d'une objection soulevée par la Norvège qui a été par la suite levée. Le rapport sera soumis pour approbation lors du prochain Forum qui se tiendra les 25 et 26 octobre 2011.

Votre commission des Finances sera particulièrement vigilante quant aux résultats de cet examen. Lors de l'audition du sénateur Terry le Sueur, Premier ministre de Jersey, devant votre commission le 1 er juin 2011, ce dernier a contesté la qualification de « paradis fiscal ». Il a illustré sa volonté de coopérer en matière fiscale en précisant que lors d'une demande de renseignement, « Si l'identification du compte bancaire n'est pas obligatoire, elle est, en pratique, bienvenue en raison du grand nombre de banques présentes sur l'île (plus d'une quarantaine). En l'absence d'une telle indication, les autorités de Jersey font face à des difficultés pour obtenir les informations requises dans les délais prévus. Le manque de précision, notamment, quant à l'identité de l'institution financière, ne conduit pas à un refus de notre part. Cependant, dans un tel cas, la recherche d'informations peut s'avérer longue. Nous n'exigeons pas d'avoir toutes les informations, contrairement à certains territoires. »

Douze rapports supplémentaires ont été adoptés dans le cadre d'une procédure écrite le 12 septembre 2009 . Deux Etats n'ont pas été admis en seconde phase, il s'agit des Îles Vierges britanniques et des îles Turques et Caïques. En dépit des progrès constatés, afin d'améliorer le cadre légal et règlementaire de l'échange de renseignements, la revue des Pairs a jugé que leur système d'information comptable ne permettait pas un échange effectif.

Dix autres Etats ont fait l'objet de conclusions favorables sous réserve d'apporter quelques modifications à leur législation. Ainsi, le Royaume-Uni, l'Autriche et le Liechtenstein doivent notamment accroître les mécanismes d'identification de propriété de certains titres. Quant au Luxembourg, la revue des Pairs relève que le cadre juridique ne permet pas de garantir, en « toutes circonstances », l'accès à l'information sur la propriété des sociétés. De surcroît, la disponibilité de ses informations bancaires doit être renforcée. L'Andorre, Anguilla, Antigua et Barbuda, Bahreïn, Curaçao, Saint-Christophe et Nieves doivent améliorer l'identification des bénéficiaires des trusts et de toutes sociétés internationales implantées sur leurs territoires.

C. 2010, LE PROTOCOLE D'AMENDEMENT À LA CONVENTION, « UN NOUVEL ÉLAN » DE L'ACTION MULTILATÉRALE ?

1. Un outil de mutualisation

Si l'approche bilatérale de la coopération fiscale s'est considérablement développée, la démarche multilatérale conserve toute sa pertinence. Les plus petits territoires, dépourvus des ressources nécessaires aux négociations d'accords d'échange de renseignements, se trouveraient exclus du cadre de la lutte contre les paradis fiscaux, en l'absence d'une telle convention multilatérale.

Or, la mobilisation des ressources fiscales de ces Etats modestes dans un cadre de transparence et d'assistance mutuelle constitue , non seulement, un enjeu financier lié à l'élimination de l'évasion fiscale pour les grandes puissances, mais également une opportunité de développement économique et démocratique pour les plus petits pays.

C'est pourquoi, les pays du G 20 sont invités à signer la Convention telle que modifiée lors du prochain sommet se tenant les 3 et 4 novembre à Cannes . Cette adhésion devrait produire un effet d'entraînement à l'égard des pays du Sud qui ne sont membres ni du Conseil de l'Europe, ni de l'OCDE.

Tableau récapitulatif des parties à la Convention

Convention

Protocole

Pays

Signature

(27 mai 2010)

Date entrée en vigueur

Signature
(27 mai 2010)

Dépôt de l'instrument de ratification, d'approbation

Date entrée en vigueur

Réserves

Azerbaïdjan

26.03.2003

01.10.2004

Belgique

07.02.1992

01.12.2000

04.04.2011

- réserve à l'article 2 §1 b. ii., iii. et iv., conformément à l'article 30 §1 a. (impôts visés)

- réserve conformément à l'article 30 §1 c. (assistance en rapport avec des créances fiscales existant à la date d'entrée en vigueur)

Canada

28.04.2004

Danemark

16.07.1992

01.04.1995

27.05.2010

28.01.2011

01.06.2011

Finlande

11.12.1989

01.04.1995

27.05.2010

21.12.2010

01.06.2011

France

17.09.2003

01.09.2005

27.05.2010

Réserve conformément à l'article 29 §1 (application territoriale de la Convention)

Géorgie

12.10.2010

01.06.2011

03.11.2010

28.02.2011

01.06.2011

Allemagne

17.04.2008

Islande

22.07.1996

01.11.1996

27.05.2010

Irlande

30.06.2011

30.06.2011

Italie

31.01.2006

01.05.2006

27.05.2010

- réserve à l'article 2 §1 b. ii., iii. et iv. conformément à l'article 30 §1 a. (impôts visés)

- réserve conformément à l'article 30 §1 b. (recouvrement des créances fiscales)

- réserve conformément à l'article 30 §1 c. (assistance en rapport avec des créances fiscales existant à la date d'entrée en vigueur)

- réserve conformément à l'article 30 §1 d. (notification de documents)

Convention

Protocole

Pays

Signature

(27 mai 2010)

Date entrée en vigueur

Signature
(27 mai 2010)

Dépôt de l'instrument de ratification, d'approbation

Date entrée en vigueur

Réserves

Corée

27.05.2010

27.05.2010

Mexique

27.05.2010

27.05.2010

Moldavie

27.01.2011

27.01.2011

Pays-Bas

25.09.1990

01.02.1997

27.05.2010

- réserve conformément à l'article 29 §1 (application territoriale)

- réserve à l'article 2 §1 b. ii., iii. et iv. conformément à l'article 30 §1 a. (impôts visés)

- réserve conformément à l'article 30 §1 b. (recouvrement des créances fiscales)

- réserve conformément à l'article 30 §1 c. (assistance en rapport avec des créances fiscales existant à la date d'entrée en vigueur)

- réserve conformément à l'article 30 §1 d. (notification de documents)

- réserve conformément à l'article 30 §1 e. (notification de document par voie postale)

Norvège

05.05.1989

01.04.1995

27.05.2010

18.02.2011

01.06.2011

Pologne

19.03.1996

01.10.1997

09.07.2010

22.06.2011

01.10.2011

Réserve à l'article 2 §1 b. i. et iv. conformément à l'article 30 §1 a. (impôts visés)

Portugal

27.05.2010

27.05.2010

Convention

Protocole

Pays

Signature

(27 mai 2010)

Date entrée en vigueur

Signature
(27 mai 2010)

Dépôt de l'instrument de ratification, d'approbation

Date entrée en vigueur

Réserves

Slovénie

27.05.2010

01.06.2011

27.05.2010

31.01.2011

01.06.2011

- réserve à l'article 2 §1 b. ii. iii. et iv. conformément à l'article 30 §1 a (impôts visés)

- réserve conformément à l'article 30 §1 b. (recouvrement des créances fiscales)

- réserve conformément à l'article 30 §1 c. (assistance en rapport avec des créances fiscales existant à la date d'entrée en vigueur)

- réserve conformément à l'article 30 §1 d. (notification de documents)

- réserve conformément à l'article 30 §1 f. (périodes d'imposition couvertes)

Espagne

12.11.2009

01.12.2010

18.02.2011

Suède

20.04.1989

01.04.1995

27.05.2010

27.05.2011

01.09.2011

Ukraine

30.12.2004

01.07.2009

27.05.2010

- réserve conformément à l'article 30 §1 a.

- réserve conformément à l'article 30 §1 c.

Royaume-Uni

24.05.2007

01.05.2008

27.05.2010

30.06.2011

01.10.2011

Réserve à l'article 2 §1 b. i., ii. et iv. conformément à l'article 30 §1 a. (impôts visés)

Etats-Unis

28.06.1989

01.04.1995

27.05.2010

- réserve à l'article 2 §1 b. i. et iv. conformément à l'article 30 §1 a. (impôts visés)

- réserve conformément à l'article 30 §1 b. (recouvrement des créances fiscales)

- réserve conformément à l'article 30 §1 d. (notification de documents)

Source : Direction de la législation fiscale - Ministère des affaires étrangères

2. Une mise à jour de la Convention articulée avec l'ensemble des instruments de coopération administrative

Le texte de la Convention ayant été élaboré en 1988, il est apparu nécessaire de l'amender afin de tenir compte des dernières avancées, en matière de lutte contre les Etats non coopératifs, intégrées dans le modèle d'accord d'échange de renseignements de 2002 ou à l'article 26 du modèle de convention de suppression des doubles impositions amendé en 2005.

Le projet d'actualiser la Convention est apparu dès les Sommets du G 20 de Pittsburgh et de Londres afin de bénéficier du consensus international en faveur de la transparence fiscale.

Les nouvelles normes introduites dans la Convention ( cf. ci-après) devraient créer les conditions favorables à une coopération effective en levant les obstacles à l'échange d'informations, tels que le secret bancaire. En effet, sont absents de la version initiale de la Convention les derniers standards internationaux élaborés par l'OCDE en 2005. Ils prévoient notamment qu'une partie ne peut pas refuser d'échanger des renseignements sous prétexte qu'elle n'a pas besoin des renseignements demandés pour l'application de sa législation ou que lesdits renseignements sont détenus par une banque. 12 ( * )

N'est pas couverte non plus par le texte d'origine l'assistance pour la préparation de procédures pénales dans le domaine fiscal dès lors que les poursuites étaient engagées à l'encontre d'un contribuable. Les parties devaient alors faire usage des accords internationaux d'entraide judiciaire. Ils pourront désormais recourir à la Convention.

Par ailleurs, votre rapporteure s'est interrogée sur l'articulation des dispositions de la Convention avec celles du modèle cadre d'échange de renseignements de l'OCDE datant de 2002 ( TIEAS ).

L'article 27 organise les relations entre la Convention et les autres accords internationaux , de façon à ce que le texte permettant la coopération la plus efficace soit appliqué. Il dispose 13 ( * ) que les modalités d'assistance prévues dans la Convention ne limiteront pas, ni ne seront limitées par celles découlant d'autres accords internationaux qui existeraient entre les parties concernées ou d'autres instruments qui se rapportent à la coopération en matière fiscale.

II. LA VOLONTÉ EUROPÉENNE DE MISE EN oeUVRE DE LA COOPÉRATION ADMINISTRATIVE À L'ÉPREUVE DES STRATÉGIES FISCALES NATIONALES

A. LE RENFORCEMENT DE LA DÉMARCHE FRANÇAISE ET EUROPÉENNE EN MATIÈRE D'ASSISTANCE FISCALE

1. Une impulsion française qui se prolonge dans le cadre multilatéral
a) Un dispositif français en attente de résultats

Le Gouvernement français a déclaré vouloir mettre fin à l'opacité dès 2008 , lors d'une réunion internationale consacrée à la transparence et à l'échange de renseignements en matière fiscale 14 ( * ) . A cette fin, il a entrepris d'étendre son réseau conventionnel par la conclusion d'accords bilatéraux d'échange de renseignements avec des Etats et territoires non coopératifs figurant sur la liste noire ou grise de l'OCDE 15 ( * ) .

De surcroît, la France a, parallèlement à l'action menée dans le cadre international de l'OCDE, souhaité disposer de sa propre liste de « paradis fiscaux » afin d'appliquer des sanctions fiscales en cas de non respect des engagements de coopération fiscale.

C'est ainsi que la troisième loi de finances rectificative pour 2009 16 ( * ) a introduit une définition des Etats ou territoires non coopératifs.

Aux termes de l'article 238-0 A du code général des impôts (CGI), sont qualifiés de non coopératifs à la date du 1 er janvier 2010 les Etats ou territoires, « dont la situation au regard de la transparence et de l'échange d'informations en matière fiscale a fait l'objet d'un examen par l'[OCDE] et qui, à cette date, n'ont pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative permettant l'échange de tout renseignement nécessaire à l'application de la législation fiscale des parties, ni signé avec au moins douze Etats ou territoires une telle convention ».

Un arrêté 17 ( * ) pris en application de l'article 238-0 A du CGI, a dénombré dix-huit Etats et territoires non coopératifs le 12 février 2010. Il a été mis à jour le 14 avril 2011 afin, d'une part, de radier de la liste Saint-Christophe et Nieves et Sainte Lucie et, d'autre part, d'ajouter les Îles Turques et Caïques et Oman.

Liste des Etats et territoires non coopératifs au 14 avril 2011

Anguilla

Guatemala

Nauru

Belize

Iles Cook

Nioué

Brunei

Iles Marshall

Oman

Costa Rica

Iles Turques et Caïques

Panama

Dominique

Liberia

Philippines

Grenade

Montserrat

Saint-Vincent et Grenadines

Source : Ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi et ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat

Le retrait de la liste est effectué en raison de la conclusion d'un accord avec la France, ou en l'absence d'un tel accord, sur la base de l'évaluation satisfaisante du cadre de coopération fiscale de l'Etat par le Forum mondial.

L'ajout sur la liste est réalisé à la suite du constat de l'absence de mise en oeuvre de l'échange de renseignements prévu par l'accord ou d'une évaluation négative par le Forum mondial de l'Etat qui n'a pas conclu d'accord avec la France.

L'enjeu de cette liste réside dans l'application automatique de sanctions fiscales des flux à destination des ETNC , qui ont été définies dans le cadre de la loi de finances rectificative précitée.

Conformément à l'engagement des membres du G 20, sur le principe de la mise en oeuvre de mesures de rétorsion à l'encontre des Etats non coopératifs 18 ( * ) , la France s'est dotée d'un arsenal de « sanctions » . Il se décline en un dispositif anti-abus tendant à dissuader les sociétés françaises de localiser leurs bénéfices dans des Etats à fiscalité privilégiée 19 ( * ) ainsi qu'un mécanisme « anti-évasion » des revenus des personnes physiques 20 ( * ) .

En outre, les taux de retenue à la source sur les flux financiers à destination des paradis fiscaux ont été majorés en les fixant à 50 % 21 ( * ) .

S'il est encore trop tôt pour évaluer le processus de sanctions ainsi mis en oeuvre , votre rapporteure déplore néanmoins l'approche adoptée par le Gouvernement privilégiant la signature d'un accord plutôt que le constat d'une coopération effective pour « blanchir » un Etat.

En d'autres termes, la conclusion d'un accord permet l'année suivante la sortie de l'Etat signataire de la liste alors que sa réintégration éventuelle en cas d'absence de respect de ses engagements ne pourra intervenir que quelques années plus tard en raison du temps nécessaire pour procéder à la vérification des échanges de renseignements. Une telle approche tend donc à affaiblir le dispositif de sanctions.

b) La portée symbolique de la Convention

Les négociations de la Convention ont été menées par l'organe de coordination, qui réunit les Parties à la Convention, ainsi qu'un Comité ad hoc du Conseil de l'Europe. Le Protocole apparaît conforme aux pratiques de l'OCDE et aux intérêts de la politique conventionnelle française.

La volonté manifestée de certains Etats de ne procéder qu'à une révision partielle, voire une reprise minimale des standards de l'OCDE du Protocole a été surmontée. L'alignement sur la norme internationale de transparence et d'échange de renseignements est donc complet.

Le projet de Protocole d'amendement à la Convention a été approuvé par les organes ministériels de chacune des deux organisations - OCDE et Conseil de l'Europe - au premier trimestre de l'année 2010.

Votre rapporteure tient cependant à souligner la portée symbolique de la ratification de la Convention pour la France. Notre pays dispose , en effet, déjà d 'un large réseau conventionnel permettant l'échange de renseignements avec plus de cent vingt pays. Ainsi celle-ci est-elle liée avec l'ensemble des signataires de la Convention par une convention fiscale bilatérale, à l'exception de la Moldavie et du Danemark 22 ( * ) .

S'il convient donc de constater que la France recourt peu à la Convention en matière de coopération administrative , elle a souhaité promouvoir ce véhicule multilatéral dans le cadre de sa présidence du G 20 afin que de nouveaux Etats et territoires y adhérent d'ici à la fin de l'année. La Convention ainsi amendée tend à devenir un instrument global d'assistance mutuelle destiné principalement, d'une part, aux Etats privés des moyens nécessaires à l'établissement d'un réseau conventionnel dense et, d'autre part, aux pays qui ne sont membres ni de l'OCDE, ni du Conseil de l'Europe depuis l'entrée en vigueur du Protocole.

La France a également jugé essentielle son adhésion à la Convention ainsi complétée des normes les plus récentes en matière de coopération fiscale . Les restrictions résiduelles à l'échange de renseignements qui figuraient dans la Convention étant levées par le Protocole, la France pourra demander aux autorités des parties signataires toute information vraisemblablement pertinente pour l'administration ou l'application de sa législation interne relative aux impôts visés par la Convention. Les parties ne pourront pas opposer un éventuel secret bancaire, ni subordonner la délivrance de l'information à l'existence d'un intérêt pour l'application de leur propre législation fiscale. C'est pourquoi la Partie française a paraphé le Protocole dès le premier jour de son ouverture à la signature, soit le 27 mai 2010.

La condition préalable à l'entrée en vigueur du Protocole , c'est-à-dire la ratification par au moins cinq Etats, est aujourd'hui remplie . Les cinq premiers Etats ayant ratifié le protocole sont le Danemark, la Finlande, la Norvège, la Géorgie et la Slovénie. Le Protocole est donc entré en vigueur le 1 er juin 2011, selon les règles posées à son article IX, soit le premier jour du mois qui a suivi l'expiration d'une période de trois mois après la date à laquelle la cinquième partie à la Convention a exprimé son consentement à être liée par le Protocole.

S'agissant de la France, le texte entrera en vigueur selon les règles posées à l'article IX, c'est-à-dire le premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période de trois mois après la date du dépôt de l'instrument de ratification.

2. La réaffirmation de la volonté européenne de transparence fiscale dans le cadre de la nouvelle directive de 2011 sur l'assistance

Le Conseil de l'UE a adopté le 15 février 2011 une directive relative à la coopération administrative en matière de fiscalité directe 23 ( * ) qui prévoit une clause d'échange d'informations sur demande. Celle-ci abroge et remplace le mécanisme d'assistance mutuelle entre Etats membres en matière de fiscalité directe établi en 1977. La commission européenne a jugé nécessaire de procéder à une refonte de la directive en 2009, profitant ainsi de l'impulsion donnée à la lutte contre les paradis fiscaux dans le cadre du sommet du G 20.

Ses principales dispositions en termes d'échange de renseignements sur demande sont calquées sur les standards de l'OCDE . Ainsi, face à une demande de renseignement motivée, l'Etat membre requis ne peut pas refuser la transmission de l'information au motif du secret bancaire ou de l'absence d'intérêt fiscal domestique. Toute personne physique ou morale, quelle que soit la construction juridique, entre dans le champ d'application de la directive. Quant aux impôts visés, il s'agit de tout impôt ou taxe, exceptés les droits de douane, les droits d'accises et les cotisations sociales obligatoires déjà couvertes par d'autres dispositions communautaires. Ces dispositions devront être applicables au 1 er janvier 2013.

S'agissant de l'échange automatique de renseignements , celui-ci ne concerne que les « éléments disponibles » relatifs aux revenus professionnels, jetons de présence, produits d'assurance-vie non couverts par d'autres directives, pensions, propriétés et revenus de biens immobiliers. Cette transparence totale sera mise en oeuvre le 1 er janvier 2015 avec une possible évolution en 2018 puisque la Commission doit remettre un rapport avant le 1 er juillet 2017 pouvant éventuellement conduire à étendre cette liste aux dividendes, aux plus-values et aux redevances.

Votre rapporteure salue l'insertion dans le texte de la directive d'une clause comparable à celle de la « nation la plus favorisée ». Cette dernière impose à un Etat membre qui a organisé avec un Etat tiers une coopération plus étendue que celle prévue par la directive, de ne pas refuser cette assistance accrue aux Etats membres. De telles dispositions permettent de lutter efficacement contre l'évasion fiscale, en l'absence d'harmonisation de la fiscalité dans l'Union européenne.

C'est pourquoi, votre rapporteure s'oppose avec vigueur à toute stratégie fiscale nationale visant à fragiliser la mise en oeuvre d'une culture communautaire de la transparence fiscale.

B. UN PROCESSUS MENACÉ PAR LE MAINTIEN DE PRATIQUES FISCALES DOMMAGEABLES

1. La retenue à la source des accords « Rubik » : la résurgence d'une pratique dommageable

L'Allemagne et le Royaume-Uni ont respectivement conclu en août 2011 avec la Suisse des accords dits « Rubik » visant d'une part, à régulariser les avoirs non fiscalisés des résidents allemands et britanniques dans des banques suisses et, d'autre part, à appliquer des retenues à la source libératoires sur les revenus de la fortune et du capital en lieu et place de l'échange automatique de renseignements.

S'agissant du stock , une formule mathématique l'établirait à un taux compris entre 19 % et 34 % en fonction notamment de la durée de l'investissement et du montant. Quant au flux , le taux varierait selon la législation en vigueur dans chacun des pays. Il serait de 26,375 % pour l'Allemagne alors que le fisc britannique recouvrirait 48 % des intérêts, 40 % des dividendes et 27 % des gains en capital.

Cette taxation devrait être accompagnée d'un acompte versé aux deux Etats ainsi que d'une clause de loyauté de ne pas aider activement leurs clients à délocaliser leur fortune vers d'autres territoires défiscalisés.

Enfin, les accords permettraient à chaque Etat de formuler :

- d'une part, des échanges à la demande, sans restriction ;

- d'autre part, cinq cents demandes de renseignements annuellement dans des conditions très souples.

En contrepartie, les banques suisses pourraient accéder plus facilement aux marchés financiers allemands et britanniques.

Sur un plan strictement juridique, les accords « Rubik » concernent l'échange automatique et non l'échange sur demande . Certains font valoir qu'ils ne contredisent donc pas les accords bilatéraux d'échange de renseignements qui concernent les demandes d'information des Etats parties aux conventions.

Quant au principe d'échange automatique posé par la directive « Epargne » ( cf . infra ), le commissaire européen à la fiscalité, Algirdas Semeta, a affirmé que « c'est la règle au sein de l'UE. L'application par l'Autriche et le Luxembourg du système de la retenue à la source n'a été autorisée que pendant une période transitoire. Pour les pays tiers, c'est différent : l'Union réclame d'eux qu'ils appliquent des mesures équivalentes aux siennes, pas des mesures identiques. Ce qui compte, c'est qu'ils respectent les standards de l'OCDE sur l'échange d'informations à la demande » 24 ( * ) . En d'autres termes, les accords « Rubik » ne modifieraient pas, en théorie, la démarche communautaire de mise en oeuvre de l'échange automatique dans la mesure où un Etat membre de l'Union peut prévoir des modalités d'échange de renseignements moins contraignantes avec un Etat tiers que dans le cadre de l'Union.

En réponse aux interrogations de votre rapporteure sur la portée des accords « Rubik », les services de la Direction de la législation fiscale ont fait valoir que « Ces accords sont conclus sur des bases purement bilatérales et ne remettent pas en cause les accords bilatéraux de la France avec ces trois Etats . La France considère que ces accords ne doivent pas remettre en cause les projets actuels de l'UE et en particulier la mise en oeuvre de l'échange automatique d'informations entre Etats-membres, comme à l'égard des Etats tiers. »

Pour autant un article 25 ( * ) a été introduit par voie d'amendement 26 ( * ) dans le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2011, prévoyant la remise d'un rapport au Parlement avant le 1 er décembre 2011 sur « les avantages et les inconvénients en matière de lutte contre la fraude fiscale de signer une convention entre la République française et la Confédération suisse portant création d'une taxe forfaitaire sur les revenus de placement financier en Suisse des résidents français n'ayant pas fait l'objet de déclarations. »

Votre rapporteure tient à souligner la menace qu'un tel dispositif peut représenter pour la promotion de la transparence fiscale.

En effet, nul ne saurait sous-estimer les conséquences politiques induites par la signature de tels accords, qui privilégient le mécanisme de retenue à la source par opposition à celui de l'échange automatique de renseignements. Or, une telle orientation s'oppose aux objectifs même de la directive « Epargne » qui est actuellement en cours de révision afin de renforcer la transparence fiscale au sein de l'Union.

2. ... qui ne doit pas entraver le processus de révision de la directive « Epargne »

La logique qui a présidé à la conclusion des accords « Rubik » tend à remettre en cause la cohésion européenne en matière de lutte contre l'opacité fiscale comme en témoigne les difficultés rencontrées pour faire aboutir avec succès le processus de révision de la directive « Epargne ».

Cette dernière pose le principe de l'échange automatique d'informations pour l'ensemble des Etats membres 27 ( * ) , à l'exception du Luxembourg et de l'Autriche 28 ( * ) qui bénéficient d'un mécanisme transitoire 29 ( * ) de retenue à la source en lieu et place de l'obligation de cet échange afin de préserver leur secret bancaire.

Or, le Luxembourg tend à s'opposer à toute modification de la directive en faisant référence aux accords « Rubik ». Le Ministère des finances luxembourgeois a ainsi constaté « que le modèle de la retenue à la source -  un modèle pour lequel le Luxembourg a toujours plaidé - est un élément clé des accords », qui devront « dans tous les cas avoir un impact sur les négociations qui sont en cours concernant la directive sur la fiscalité de l'épargne » 30 ( * ) .

Votre rapporteure déplore une telle position alors que la révision de la directive s'avère impérieuse en raison des nombreuses failles techniques constatées lors de sa mise en oeuvre. Force est, en effet, d'observer que l'objectif de lutte contre l'évasion fiscale de la directive « Epargne » n'est pas atteint. Cette dernière tend à garantir par un mécanisme d'échange automatique d'informations l'imposition effective des revenus de l'épargne, versés sous forme d'intérêts dans un Etat membre à un bénéficiaire ayant sa résidence fiscale dans un autre Etat membre.

Or, la fraude fiscale 31 ( * ) perdure en raison d'un champ d'application trop restreint quant aux produits et personnes visées. D'une part, l e texte ne couvre que les versements directs d'intérêts . Ainsi les produits non porteurs d'intérêts tels que les actions, les produits dérivés ou les produits d'assurance-vie ne relèvent donc pas du champ de l'échange automatique de renseignements de la directive.

D'autre part, la directive ne vise que les versements à des personnes physiques établies dans l'UE. Il est, en conséquence, possible d'en écarter l'application par la constitution de structures intermédiaires telles que les trusts , les fiducies, les fondations ou les sociétés offshores qui peuvent alors dissimuler une personne physique qui est, en fait, le bénéficiaire effectif.

De ce fait, il n'est pas étonnant que le mécanisme dérogatoire, prévu en faveur du Luxembourg et de l'Autriche de retenue à la source, ne se soit pas révélé profitable puisque le Luxembourg n'a reversé que 11,3 millions d'euros à la France en 2010.

Constatant que de nombreux travaux techniques ont permis l'élaboration de projets successifs par la Commission qui ne sont cependant pas parvenus à recueillir à ce jour l'approbation du Conseil 32 ( * ) , votre rapporteure appelle de ses voeux la conclusion du processus de révision dans les plus brefs délais.

Elle déplore toutefois que la dernière version ne porte que sur le bénéficiaire final, sur la nature des produits ainsi que sur celle des informations transmises, sans remettre en cause le mécanisme de retenue à la source dérogatoire.

La plus récente proposition de la Commission prévoit ainsi la mise en oeuvre d'un mécanisme dit de « l'approche par transparence » obligeant l'opérateur économique à identifier le bénéficiaire effectif dans le cas où cet opérateur verse des intérêts à une entité non taxée située hors des territoires d'application de la directive.

Elle porte également sur la mise en oeuvre du concept d'« agent payeur » à la réception lorsque les paiements d'intérêts sont effectués par un opérateur à une entité non taxable située dans un Etat appliquant la directive (société de personnes, partnership ). Elle oblige alors celui-ci à fournir les informations sur les bénéficiaires effectifs des paiements d'intérêts. La révision de la directive tendrait également à élargir son champ d'application à certains OPCVM non couverts initialement, aux parts de fonds d'investissement et surtout à l'assurance-vie.

3. Une alternative aux accords « Rubik » : un dispositif inspiré du modèle américain « FATCA »

Face aux divergences constatées entre la volonté politique manifestée dans le cadre du G 20 d'une part, et la résistance de certains Etats pratiquant le secret bancaire, il existe une voie alternative que votre rapporteure a proposé dans le cadre de l'examen du projet de loi de régulation bancaire et financière 33 ( * ) ainsi que du deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2011 34 ( * ) .

Elle tend à optimiser la perception des impôts dus en France par des citoyens ou résidents français investissant à l'étranger et ne déclarant pas les revenus ainsi générés, sans remettre en cause le principe de l'échange automatique inscrit dans la directive « Epargne ». Toute institution qui conserverait l'anonymat de ses clients serait tenue de prélever une retenue à la source dissuasive sur certains de leurs revenus.

Cette proposition s'inspire du dispositif américain intitulé Foreign account tax compliance Act ( FATCA ), adopté par le Congrès américain le 16 mars 2010, dont l'entrée en vigueur est prévue au 1 er janvier 2013.

Confrontés à l'évasion fiscale, les Etats-Unis ont renforcé leur législation en matière d'information sur les comptes étrangers. La réglementation « FATCA » vise à instaurer un mécanisme d'échange d'informations automatique entre l'administration fiscale américaine 35 ( * ) et les institutions financières étrangères (IFE) qui gèrent dans le monde entier des comptes appartenant à des contribuables américains.

Cet échange est sanctionné par une retenue 36 ( * ) « punitive » de 30 % sur l'ensemble des sommes de source américaine versées sur le compte après le 31 décembre 2012. L'objectif premier du « FATCA » est par conséquent d'inciter les institutions financières à coopérer et non pas de trouver une source de revenus supplémentaires.

Foreign account tax compliance Act (FATCA)

Le Foreign account tax compliance act (FATCA) 37 ( * ) instaure un nouveau système d'information portant sur les comptes détenus directement ou non par les contribuables américains auprès d'institutions financières étrangères.

La législation « FATCA » est l'aboutissement d'une première tentative de modifier le régime « qualifed intermediary (QI) » en décembre 2008. Une banque ayant le statut d'intermédiaire qualifié est tenue de transmettre au fisc américain des informations sur ses clients contribuables aux Etats-Unis. Ces obligations sont renforcées et sanctionnées au terme du dispositif « FATCA » qui ne se substitue pas au régime « QI » existant, mais constitue un régime additionnel. Si le mécanisme QI se déclenche à partir des titres américains, celui du « FATCA » vise les clients américains.

Son champ d'application est vaste puisqu'il tend à couvrir l'intégralité des institutions financières étrangères , au-delà des banques dépositaires pour atteindre les courtiers, les sociétés d'investissement, l'ensemble des véhicules collectifs d'investissement ainsi que les compagnies d'assurance.

Ces institutions doivent signer un accord avec le fisc américain aux termes duquel elles s'engagent à identifier et documenter tous les comptes de leurs clients ayant un « compte américain » ( US account). Aux termes de la réglementation « FATCA » un compte américain est un compte directement détenu par un contribuable américain ou encore s'il est détenu par une entité étrangère dans laquelle un contribuable américain a un intérêt (défini par une participation directe ou non de plus de 10 % des bénéfices ou du capital ou des droits de vote). Les comptes inférieurs à 50 000 dollars sont néanmoins considérés hors du champ de « FATCA », si l'institution le décide.

L'institution financière doit alors communiquer au fisc américain, concernant ce compte, tous les paiements effectués directement et indirectement à une « US Person ». Ces dernières sont les investisseurs individuels résidant hors du territoire national mais contribuables américains, soit essentiellement les citoyens américains, y compris les binationaux, ainsi que les détenteurs d'une carte verte. La portée de « FATCA » est donc plus large que celle du régime « QI » puisque des clients américains qui ne détenaient pas de titres américains échappaient au contrôle « QI » du fisc américain.

En conséquence, les institutions qui reçoivent un flux financier en provenance des Etats-Unis pour le compte de leurs clients doivent transmettre pour chaque client identifié comme un contribuable américain une déclaration annuelle mentionnant l'identification de la personne, le numéro et le solde du compte, ainsi que d'autres informations liées à l'activité du compte.

S'agissant des autres clients non qualifiés de « contribuables américains », l'institution devra être en mesure de communiquer la preuve qu'ils ne relèvent pas du champ de l'impôt américain . En effet, cette obligation documentaire fonctionne selon une présomption négative puisque tout compte est considéré comme étant détenu par un contribuable américain jusqu'à preuve du contraire.

En l'absence d'accord ou de documentation jugée suffisante, une retenue de 30 % sanctionnant l'absence de coopération est appliquée sur les paiements effectués sur ces comptes. Cette sanction frappe donc l'ensemble des revenus de source américaine , tels que les intérêts, dividendes, salaires, primes ainsi que les produits de cession des institutions financières étrangères et de leurs clients.

La règlementation « FATCA » a également introduit le nouveau concept de passthru payments permettant de n'exclure aucun revenu, c'est-à-dire tout versement lié à un revenu de source américaine. Ainsi, les revenus distribués par un fonds habituellement qualifié d'étranger dont les ressources sont en parties générées par des investissements de source américaine ne seront plus considérés comme des revenus de source étrangère mais seront désormais soumis à la réglementation « FATCA ».

Enfin, l'institution devra cesser toute relation d'affaires avec les clients non coopératifs, souhaitant conserver l'anonymat.

Source : d'après des données recueillies par la Commission des finances du Sénat

Le dispositif « FATCA », s'il est a adapté à la situation des Etats-Unis, peut être source de difficultés techniques et d'investissements bancaires lourds. Toutefois, il démontre qu'une modification de droit national peut offrir une alternative à un accord de type « Rubik ».

En effet, rappelons que contrairement aux accords « Rubik » prévoyant la retenue à la source comme alternative à l'échange automatique de renseignements, un mécanisme du type « FATCA » tend à garantir un tel échange par une sanction, une retenue dissuasive.

De plus, il renforcerait utilement le dispositif en vigueur de sanctions fiscales à l'égard des paradis fiscaux créé dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative pour 2009 précitée. L'efficacité d'une telle législation serait accrue si cette dernière était accompagnée d'une obligation de transmission automatique de renseignements des comptes de résidents français détenus à l'étranger.

En conclusion, la prise de conscience internationale de la lutte contre l'opacité fiscale apparue dès les années 2000 pour connaître un nouvel élan en 2009, sous l'égide du G 20, doit être suivie d'effets .

Des avancées certaines ont été réalisées dans le cadre de l'action conventionnelle bilatérale française et de la démarche multilatérale, renforcées par le projet de loi soumis à votre approbation.

Cependant, il convient de souligner que, pour le moment, cette action porte essentiellement sur la transmission de renseignements sur demande qui se heurte à de nombreux obstacles .

En effet, ce mode d'échange, s'il a le mérite de faire peser une menace sur les évadés fiscaux, ne peut véritablement fonctionner que dans le cas où l'administration de l'Etat d'origine dispose d'assez d'éléments pour présenter une demande étayée à l'Etat de destination.

C'est pourquoi, tout en saluant le travail accompli en ce domaine, votre rapporteure tient cependant à insister sur la nécessité de poursuivre les efforts de mise en oeuvre de l'échange automatique de renseignements au sein de l'Union européenne, menacée par les tentations nationales de recourir à la retenue à la source, qui ne saurait valablement être considérée comme « durablement équivalente à l'échange automatique ».

DEUXIÈME PARTIE : UNE MISE EN CONFORMITÉ DE LA CONVENTION DE 1988 AVEC LES STANDARDS INTERNATIONAUX DE L'ÉCHANGE DE RENSEIGNEMENTS

La Convention constitue un instrument global complet en matière d'assistance administrative fiscale dont la révision s'est imposée tant pour des raisons techniques que politiques, ainsi que le précise l'article premier du Protocole. Ce dernier vise à adapter le texte du préambule relatif aux motifs d'adhésion à la Convention amendée.

D'une part, les dernières améliorations apportées aux dispositions cadre de l'OCDE en matière d'échange de renseignements ont conduit à actualiser ou clarifier certaines dispositions de la Convention.

Elles tendent ainsi à supprimer toute entrave à l'échange tout en préservant les droits du contribuable 38 ( * ) . D'autre part, il a été jugé nécessaire de ne pas réserver la signature de la Convention aux seuls membres de l'OCDE ou du Conseil de l'Europe . Le préambule 39 ( * ) tel que modifié par le Protocole mentionne ainsi la volonté des Etats de disposer d'un instrument multilatéral ouvert au plus grand nombre afin de bénéficier du nouveau cadre d'assistance et de l'application des normes internationales de coopération fiscale les plus élevées.

I. LA SUPPRESSION DES OBSTACLES À L'ÉCHANGE SUR DEMANDE

A. LE RENFORCEMENT DE L'OBLIGATION D'ÉCHANGER DES RENSEIGNEMENTS

1. L'utilisation des renseignements dans les affaires fiscales pénales

L'article II concerne le coeur de la Convention , c'est-à-dire l'échange de renseignements . Il modifie l'article 4 de la Convention afin de l'aligner sur les standards de l'OCDE, en précisant que sont échangés « les renseignements vraisemblablement pertinents pour l'administration ou l'application de leurs législations internes relatives aux impôts visés par la présente Convention ».

Aux termes de la nouvelle rédaction, les informations ainsi communiquées peuvent être utilisées dans les affaires fiscales pénales et qu'elles peuvent être librement divulguées devant les tribunaux.

En conséquence, les autorités compétentes peuvent solliciter des renseignements, même si des procédures fiscales de nature pénale sont engagées à l'encontre d'un contribuable, contrairement aux dispositions d'origine. En effet, la version de l'article 4 précédant le Protocole d'amendement n'autorisait que l'assistance pour la préparation de procédures pénales dans le domaine fiscal. Dès lors que des poursuites pénales étaient engagées, la Partie requise devait autoriser l'utilisation des renseignements ainsi obtenus devant une juridiction pénale.

2. La clarification des refus d'assistance et leurs limites
a) Une adaptation des cas de refus d'assistance

L'article V amende le texte de l'article 21 définissant les cas dans lesquels la Partie requise peut décliner une demande de coopération ainsi que les limites de ce rejet.

Tout d'abord, il précise 40 ( * ) que l'Etat requis peut refuser d'accorder son assistance administrative lorsque l'Etat requérant n'a pas utilisé l'ensemble des moyens raisonnables à sa disposition . Cette disposition figurait auparavant à l'article 19 de la Convention. Elle en a été supprimée par l'article IV du Protocole afin de regrouper l'ensemble des cas ouvrant droit au refus de communiquer les renseignements demandés.

Une telle mesure requiert cependant une application de la Convention en « toute bonne foi » afin de ne pas la détourner de son objectif. En réponse aux interrogations de votre rapporteure sur l'interprétation qu'en ont fait les Etats, la Direction de la législation fiscale a fait observer qu'il n'existait à ce jour aucun contentieux.

L'article V 41 ( * ) du Protocole prend également en compte le coût administratif résultant de la recherche de l'information. Si cette charge administrative pour l'Etat requis est disproportionnée par rapport aux avantages que peut en tirer l'Etat requérant, l'Etat requis peut refuser de répondre à la demande. Cette formulation reprend les termes de l'article 27 du modèle de convention OCDE.

S'agissant de la possibilité d'écarter l'application de la Convention en cas de conséquences discriminatoires sur les ressortissants des Etats requis et requérant, le Protocole modifie la Convention afin de renforcer la protection des contribuables. L'Etat requis peut décliner la demande d'assistance qui conduirait à exécuter une disposition de la législation fiscale de l'Etat requérant lorsque celle-ci est de nature discriminatoire à l'encontre d'un ressortissant de l'Etat requis par rapport à un ressortissant de l'Etat requérant. Ces ressortissants doivent se trouver dans les « mêmes circonstances » 42 ( * ) . La référence à la « situation identique » a été supprimée afin de reprendre la formulation de l'article 7, paragraphe 6 du modèle d'accord d'échange de renseignements de l'OCDE.

L'article 21 43 ( * ) tel que modifié par l'article V du Protocole prévoit également que l'échange de renseignements ne peut conduire l'Etat requis à prendre des mesures qui seraient contraires « au seul » ordre public . La référence aux « intérêts essentiels » a donc été supprimée de la version d'origine. En effet, cette notion n'avait pas été préalablement définie. De surcroît, elle ne figure pas dans le modèle OCDE.

b) La suppression des obstacles liés au secret bancaire ou à l'absence d'intérêt fiscal

Enfin, l'article V du Protocole garantit que le secret bancaire 44 ( * ) et l'absence d'intérêt fiscal national 45 ( * ) ne feront pas obstacle à l'échange de renseignements.

En effet, d'une part, l'Etat requis doit fournir les renseignements demandés même s'il n'en a pas besoin à ses propres fins fiscales . Cette clause absente de la précédente version a été ajoutée en 2010 afin d'harmoniser les stipulations de la Convention avec celles de l'article 26 du modèle de convention OCDE.

D'autre part, la détention des informations par une banque , un autre établissement financier, un mandataire ou une personne agissant en qualité d'agent ou de fiduciaire ne peut empêcher leur transmission à l'Etat requérant.

Cette actualisation, inspirée de l'article 26 du modèle de convention OCDE, traduit l'évolution internationale marquée dès 2000 par le rapport de l'OCDE intitulé « Améliorer l'accès aux renseignements bancaires à des fins fiscales ». En effet, cet outil multilatéral tend à obliger toute Partie à échanger tout type de renseignements. En d'autres termes, aucune des dispositions de la Convention, y compris les limitations énoncées précédemment 46 ( * ) ne peuvent empêcher la communication des informations détenues par les banques ou tout autre établissement financier.

B. LES MODALITÉS D'ÉCHANGE DE RENSEIGNEMENTS CONCERNANT LES PERSONNES

1. L'assouplissement de la nature des renseignements à fournir

S'agissant des renseignements à fournir par l'Etat requérant, l'article III procède à une mise en conformité aux standards internationaux. Ainsi l'identification de la personne, objet de la demande de renseignements est définie de façon plus large 47 ( * ) , sans pour autant permettre la « pêche » aux renseignements.

2. Le renforcement des modalités de protection du secret

L'article VI du Protocole vise à clarifier l'article 22 de la Convention en matière de secret et de confidentialité des données transmises . Ce texte a fait l'objet d'une attention particulière des autorités du Conseil de l'Europe en charge de la protection des données. En effet, la dépense des intérêts des contribuables constitue le corollaire indispensable des pouvoirs dont disposent les autorités fiscales.

En conséquence, l'article 22 ainsi modifié précise 48 ( * ) que la Partie requérante doit, non seulement, maintenir le secret des informations en conformité avec sa législation interne, mais également avec les garanties de la Partie requise en matière de protection des données à caractère personnel.

S'agissant de la communication de ces renseignements, l'article VI 49 ( * ) aligne les stipulations de la Convention sur les standards de l'OCDE. En effet, la Convention prévoit que les renseignements ne sont communiqués qu'aux personnes concernées, notamment pour l'établissement ou le recouvrement des impôts, pour les procédures civiles ou pénales relatives à ces impôts. En conséquence, des renseignements peuvent être révélés au cours d'audiences publiques de tribunaux ou dans des jugements ayant trait auxdits impôts.

Aux termes de la nouvelle rédaction, une telle divulgation en cours d'audience publique de tribunaux ou dans des jugements ne requiert plus d'autorisation préalable de la Partie requise.

II. L'EXTENSION DE LA PORTÉE DE LA CONVENTION

A. LA PROMESSE D'UN IMPACT PLUS IMPORTANT DE LA CONVENTION À L'EXTÉRIEUR DE L'ENCEINTE DE L'OCDE ET DU CONSEIL DE L'EUROPE

L'article VIII 50 ( * ) du Protocole complète l'article 28 de la Convention relatif à la « signature et l'entrée en vigueur de la Convention » afin d'autoriser son ouverture à des pays qui ne sont membres ni de l'OCDE, ni du Conseil de l'Europe.

Une telle stipulation tend à permettre aux pays émergents et en développement d'adhérer aux normes reconnues sur le plan international en matière de transparence fiscale. La demande 51 ( * ) de l'Etat est transmise aux Parties qui décident « d'inviter  à signer et ratifier la Convention » par l'intermédiaire de l'organe de coordination . Ce dernier, qui rassemble l'ensemble des parties signataires, s'exprime par voie de consensus sur la nouvelle candidature à l'adhésion.

Votre rapporteure s'est interrogée sur les critères présidant à une telle décision. Il apparaît que sont particulièrement examinées les règles et pratiques en matière de confidentialité ainsi que les résultats de l'examen du Forum mondial, si l'Etat en est membre.

Cette invitation ne concerne que la Convention amendée par le Protocole puisque le texte d'origine n'était pas ouvert aux Etats non membres des organisations fondatrices.

En revanche, un choix est offert aux Etats membres de l'une ou l'autre des organisations qui adhérent à la Convention après l'entrée en vigueur du Protocole. Ils sont présumés 52 ( * ) partie à la Convention révisée « sauf s'il exprime une intention différente dans une notification écrite adressée à l'un des Dépositaires ».

En outre, l'article X du Protocole tire les conséquences de cette ouverture de la Convention aux membres extérieurs à l'OCDE et au Conseil de l'Europe. Il modifie l'article 32 de la Convention afin d'intégrer ces nouveaux membres dans la liste des destinataires des notifications adressées par les dépositaires 53 ( * ) .

B. ... AINSI QUE DANS LE CADRE DE L'UNION EUROPÉENNE

L'article VII du Protocole a pour objet de clarifier l'articulation des stipulations de la Convention avec le droit européen prévue à l'article 27 de la Convention. Ce dernier stipule en effet, que « les possibilités d'assistance prévues par la présente Convention ne limiteront pas, ni ne seront limitées par celles découlant de tous accords internationaux ».

A la demande des membres de l'Union européenne, l'article 27 a été amendé 54 ( * ) afin de permettre la mise en oeuvre de l'instrument le plus efficace en cas de concurrence de la Convention avec un instrument juridique communautaire en matière d'assistance fiscale.

Ainsi, le nouvel article 27 prévoit que les Parties à la Convention ne mettront en application dans leurs relations mutuelles ses dispositions que si celles-ci donnent lieu à une « coopération plus large » que celle résultant de l'application des instruments juridiques européens.

Aux termes de la version d'origine, les Etats membres de l'Union devaient appliquer « les règles communes en vigueur dans cette Communauté. »

III. UNE CLARIFICATION DU CHAMP D'APPLICATION TEMPOREL DE LA CONVENTION

L'article IX 55 ( * ) prévoit que le Protocole est ouvert à la signature sous réserve d'avoir préalablement approuvé la Convention.

Son entrée en vigueur est fixée à l'article IX 56 ( * ) au premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période de trois mois après la date à laquelle cinq Parties l'auront ratifié.

Pour toute adhésion ultérieure, elle est fixée 57 ( * ) à l'article VIII 58 ( * ) et au 2 de l'article IX 59 ( * ) au premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période de trois mois après la date du dépôt de l'instrument de ratification de tout Etat auprès de l'un des dépositaires. Cette condition a été remplie au 1 er juin 2011.

En outre, le champ d'application temporel des demandes de renseignements est strictement encadré . L'article VIII 60 ( * ) du Protocole précise que la Convention ainsi révisée s'applique à l'assistance administrative se rapportant aux périodes d'imposition débutant le 1 er janvier ou bien après le 1 er janvier de l'année qui suit l'adhésion 61 ( * ) .

Votre rapporteure relève que la règle est différente en matière pénale. En effet, une clause a été ajoutée par l'article VIII 62 ( * ) afin de tenir compte de la législation de certains pays nordiques qui autorise une « certaine rétroactivité » de la demande de renseignements lorsque la pénalisation d'une affaire fiscale intervient en amont de la procédure de vérification. Elle énonce ainsi que pour « toute affaire fiscale faisant intervenir un acte intentionnel passible de poursuites en vertu du droit pénal » de la Partie requérante, les dispositions de la Convention amendée porteront sur des périodes d'imposition ou obligations fiscales antérieures.

Cette stipulation ne s'applique toutefois pas à la Partie française en vertu de l'article 21 63 ( * ) qui prévoit que les dispositions de la Convention « ne peuvent être interprétées comme imposant à l'Etat requis l'obligation de prendre des mesures qui dérogent à sa législation ou à sa pratique administrative, ou à la législation ou à la pratique administrative de l'Etat requérant ... ».

En outre, une réserve quant à l'application de cette « rétroactivité » de la demande de renseignements a été prévue à l'article VIII 64 ( * ) . Elle limite le champ d'intervention de la demande aux trois dernières années précédant l'entrée en vigueur de la Convention amendée.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 11 octobre 2011, sous la présidence de M. François Marc, vice-président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de Mme Nicole Bricq sur le projet de loi n° 2 (2010-2011), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation du protocole d'amendement à la convention du Conseil de l'Europe concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale .

Mme Nicole Bricq , rapporteure générale . - A titre liminaire, je souhaite indiquer que nous avons l'accord de tous les groupes pour que ce projet de loi soit examiné en procédure simplifiée. Il s'agit ici d'une convention multilatérale qui s'inscrit dans le prolongement des trente-cinq projets de loi que le Parlement a approuvés ces deux dernières années, afin d'établir de manière bilatérale les règles d'échange de renseignements sur demande avec des Etats considérés comme non coopératifs.

Début novembre, au cours du G20 de Cannes, une cérémonie de signatures de ce protocole sera organisée. Nous sommes donc dans le cadre d'une opération de communication, après le G20 de Londres d'avril 2009 qui a fait de la lutte contre les paradis fiscaux une priorité absolue.

La convention a une portée symbolique, car la France dispose déjà d'un réseau conventionnel bilatéral étendu, dont la qualité a par ailleurs été saluée par la revue des Pairs du Forum mondial sur la transparence fiscale de l'OCDE, le 1 er juin dernier.

Il est cependant nécessaire de renforcer les outils multilatéraux en matière d'échange de renseignements sur demande. La prise de conscience, depuis le G20 de 2009, qu'il était nécessaire de développer la coopération fiscale, s'est traduite par un développement des accords bilatéraux. Ainsi, on comptait 712 accords d'échange bilatéraux de renseignements et avenants aux conventions de suppression des doubles impositions en août 2011, contre 44 en novembre 2008. En revanche, la convention multilatérale de l'OCDE et du Conseil de l'Europe qu'il nous est aujourd'hui proposé de modifier, bien qu'adoptée en 1988 et entrée en vigueur en 1995, n'a été ratifiée que par dix-sept Etats. Dans la mesure où l'ensemble des Etats n'ont pas forcément la volonté politique ou les moyens techniques de développer un réseau conventionnel bilatéral, il est important de disposer d'un outil multilatéral opérationnel.

Dans cette perspective, le présent protocole, soumis à votre approbation, signé à Paris le 27 mai 2010, tend à actualiser la convention en fonction des dernières normes de l'OCDE. Il permet également l'adhésion à la convention des Etats qui ne sont membres ni de l'OCDE ni du Conseil de l'Europe.

La commission des finances du Sénat a su, sous l'impulsion du président Arthuis et d'Adrien Gouteyron, se saisir des conventions fiscales afin, notamment, de lutter contre l'évasion fiscale, dans une approche différente de celle de l'Assemblée nationale où cet examen relève de la commission des affaires étrangères.

L'objectif de la présente convention est de parvenir à un échange obligatoire d'information afin de mettre un terme à l'évasion transfrontalière que permet, entre autres, le secret bancaire.

En Europe, nous sommes régis par la directive « Epargne » du 3 juin 2003 qui, bien qu'imparfaite, repose sur le principe d'un échange automatique d'information. La question est d'autant plus importante que l'Allemagne et la Grande-Bretagne ont négocié des conventions avec la Suisse. C'est ce qu'on appelle l'accord « Rubik »...

M. Jean Arthuis . - Accord scandaleux !

Mme Nicole Bricq , rapporteure générale . - ... fondé non pas sur l'échange automatique mais sur la préservation du secret bancaire et sur la retenue à la source. La Suisse conservera ainsi son secret bancaire. Les accords passés avec un pays tiers ont pour conséquence de conduire certains Etats de l'Union, comme le Luxembourg, à demander à être traités de la même façon que la Suisse. C'est donc le principe fondateur de la directive « Epargne » et sa révision qui sont menacés.

Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances rectificative en septembre dernier, nous avons interrogé le Gouvernement quant à sa position sur cette question, en lui demandant d'être clair et cohérent. Les efforts qu'il déploie dans le cadre du G20 pour promouvoir l'échange d'informations sur demande doivent être prolongés, dans l'Union, par une position tout aussi déterminée en matière d'échange automatique. Tant que ce problème ne sera pas réglé, nous serons confrontés à des « trous noirs » dans la finance mondiale. Nous reviendrons sur ce sujet en loi de finances, d'autant que Valérie Pécresse, ministre du Budget, des Comptes publics et de la Réforme de l'Etat, nous a indiqué en septembre dernier que le Gouvernement examinait la convention conclue entre l'Allemagne et la Suisse. Certes, un tel accord permet de recouvrer plusieurs milliards, ce qui n'est pas négligeable en temps de crise. Cependant, d'autres mécanismes sont possibles tel le Foreign Account Tax Compliance Act américain qui tend à pénaliser, par une retenue à la source très élevée, les établissements financiers qui maintiennent le secret bancaire des comptes de contribuables américains.

D'ici là, il faudra également être vigilants quant aux conclusions qui seront adoptées lors de la prochaine réunion du Forum mondial sur la transparence fiscale de l'OCDE les 25 et 26 octobre : 2012 sera une année test et le choix du courage devra l'emporter sur celui de la facilité.

Sous réserve de ces observations, je vous propose d'adopter ce projet de loi.

M. François Marc , vice-président . - Nous avons bien compris que les Allemands et les Anglais ont tiré les premiers, de façon d'ailleurs assez peu courtoise.

Mme Marie-France Beaufils . - Nous nous abstiendrons.

A l'issue de ce débat, la commission a adopté le projet de loi autorisant l'approbation du protocole d'amendement à la convention du Conseil de l'Europe concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale et le rapport de la rapporteure générale.

Elle a demandé que le projet de loi fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique, en application des dispositions de l'article 47 décies du règlement du Sénat .


* 1 La convention a été élaborée par un comité d'experts placé sous l'autorité du comité européen de coopération juridique (CDCJ) sur la base d'un projet établi par le Comité des affaires fiscales de l'OCDE.

* 2 Azerbaïdjan, Belgique, Danemark, Etats-Unis, Finlande, France, Géorgie, Islande, Italie, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Royaume-Uni, Suède, Ukraine, Espagne et Slovénie.

* 3 Cf . article 1 de la Convention.

* 4 Cf . article 2 de la Convention.

* 5 Ces impôts figurent dans la publication annuelle de l'OCDE intitulée « Statistiques des recettes fiscales », qui fournit des données comparatives basées sur la classification des prélèvements établie par l'OCDE.

* 6 Convention internationale d'assistance mutuelle administrative en vue de prévenir et de réprimer les infractions douanières élaborée dans le cadre de l'organisation mondiale des douanes.

* 7 Une première version de cette convention a été élaborée en 1958. Le modèle final a été adopté en 1963, révisé en 1977, puis modifié sur une base annuelle depuis 1996 dans le cadre du Forum mondial réunissant les hauts fonctionnaires spécialisés dans le domaine des conventions fiscales.

* 8 Cf. paragraphes 4 et 5 du modèle de convention de suppression des doubles impositions de l'OCDE.

* 9 Le groupe de travail était composé de représentants des pays membres de l'OCDE ainsi que de délégués d'Aruba, des Bermudes, de Bahreïn, des Îles Caïmans, de Chypre, de l'Île de Man, de Malte, de l'Île Maurice, des Antilles néerlandaises, des Seychelles et de Saint-Marin.

* 10 Les renseignements peuvent être bancaires, fiduciaires, ou encore concerner la propriété de sociétés...

* 11 1. Les juridictions doivent s'assurer que leurs autorités compétentes ont à leur disposition des renseignements relatifs à la propriété et à l'identité pour l'ensemble des entités et arrangements pertinents.

2. Les juridictions doivent s'assurer que des registres comptables fiables sont tenus pour l'ensemble des entités et arrangements pertinents.

3. Les renseignements bancaires doivent être disponibles pour tous les titulaires de comptes.

4. Les autorités compétentes doivent avoir le pouvoir d'obtenir les informations faisant l'objet d'une demande au titre d'un accord d'échange de renseignements de toute personne relevant de leur compétence territoriale qui détient ou contrôle ces renseignements, et de communiquer ces mêmes renseignements.

5. Les droits et protections s'appliquant aux personnes relevant de la compétence territoriale doivent être compatibles avec un échange efficace de renseignements.

6. Les mécanismes d'échange de renseignements doivent permettre un échange efficace de renseignements.

7. Le réseau de mécanismes d'échange de renseignements des juridictions doit couvrir tous les partenaires concernés.

8. Les mécanismes d'échange de renseignements des juridictions doivent comporter des dispositions garantissant la confidentialité des renseignements reçus.

9. Les mécanismes d'échange de renseignements doivent respecter les droits et protections des contribuables et des tiers.

10. La juridiction doit fournir en temps opportun les renseignements demandés en vertu de son réseau de conventions.

* 12 Cf. paragraphes 4 et 5 de l'article 26 du modèle de convention de suppression des doubles impositions.

* 13 Cf . alinéa 1 de l'article 27.

* 14 Conférence du 21 octobre 2008 réunissant la Belgique, le Danemark, l'Espagne, la Finlande, l'Irlande, l'Italie, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suède, l'Islande, la Norvège, l'Australie, la Corée du sud, le Japon et le Mexique.

* 15 Dans le cas où la France est liée à un Etat par une convention fiscale, le Gouvernement a procédé par avenant à la convention plutôt que par la conclusion d'un nouvel accord portant exclusivement sur l'échange de renseignements.

* 16 Loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009.

* 17 Arrêté du 12 février 2010 pris en application du deuxième alinéa du 1 de l'article 238-0 A du code général des impôts publié au Journal officiel du 17 février 2010.

* 18 Engagement pris lors du sommet de Pittsburgh les 24 et 25 septembre 2009.

* 19 Cf. article 209 B du CGI qui permet d'imposer les entreprises établies en France sur les bénéfices réalisés par leurs filiales et soumis à un régime fiscal privilégié. Le régime des plus et moins values de cession est exclu lorsque la cession porte sur des titres de sociétés établies dans un ETNC (articles 39 duodecies , 39 terdecies et 219 du CGI). Le régime mère fille est exclu en cas de distributions de dividendes à des entités situées dans des ETNC (article 145 du CGI).

* 20 Le régime de l'article 123 bis du CGI est durci. Il introduit une présomption de détention minimale déclenchant l'imposition des revenus acquis au titre des droits financiers ou droits de vote représentant au moins 10 % sur les bénéfices non distribués par des entités établies dans un ETNC. La loi de finances rectificative prévoit également la « non déductibilité » des paiements réalisés par des résidents français au profit des personnes domiciliées dans un ETNC (article 238 A du CGI).

* 21 Cf. en matière de profits immobiliers des résidents des ETNC (article 244 bis du CGI), de revenus passifs à destination des ETNC (article 187 du CGI), d'intérêts (article 125 A du CGI), d'assurance-vie (article 125 0 A du CGI), de revenus salariaux (articles 182 A, 182 A bis , 182B du CGI).

* 22 Ce pays est soumis au droit européen en matière d'assistance administrative.

* 23 Directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/799/CEE.

* 24 In Europolitique du jeudi 8 septembre 2011 intitulé « Les accords « Rubik » risquent de semer la zizanie dans l'Union ».

* 25 Cf. article 11 de la loi n° 2011-1117 du 19 septembre 2011 de finances rectificative pour 2011.

* 26 Amendement n° 169 http://www.assemblee-nationale.fr/13/amendements/3713/371300169.asp

* 27 Un dispositif comparable est également applicable à cinq Etats tiers européens (Suisse, Andorre, Monaco, Liechtenstein et Saint-Marin) et dix territoires dépendant du Royaume-Uni et des Pays-Bas (Jersey, Guernesey, Île de Man et divers territoires des Caraïbes) par le biais d'accords bilatéraux conclus entre ces Etats et territoires et l'Union européenne.

* 28 La Belgique y a renoncé le 1 er janvier 2010.

* 29 La fin du régime transitoire est conditionnée par l'entrée en vigueur du dernier des cinq accords conclus par la Communauté européenne avec chacun des cinq Etats tiers européens garantissant un échange effectif d'informations sur demande, concernant les paiements d'intérêts. Cf . article 10.2 de la Directive.

* 30 In Europolitique du jeudi 8 septembre 2011 intitulé « Les accords « Rubik » risquent de semer la zizanie dans l'Union ».

* 31 Cf . paragraphes 5 et 6 de la directive Epargne qui disposent qu' « il est actuellement souvent possible aux résidents des Etats membres d'échapper à toute forme d'imposition sur les intérêts perçus dans un Etat membre différent de celui où ils résident. Cette situation entraîne, dans les mouvements de capitaux entre Etats membres, des distorsions qui sont incompatibles avec le marché intérieur.»

* 32 Plusieurs points étaient restés en suspens à l'issue de la présidence tchèque, tel que le périmètre du champ d'application de la directive (Fonds communs de placement, SICAV, ...) Bien qu'ayant finalisé les questions techniques, la présidence suédoise n'était pas parvenue à obtenir un accord du Conseil. La question était absente de la présidence belge. Enfin, sous la présidence hongroise, l'adoption de la directive amendée s'est heurtée à la position italienne jugeant que le dispositif proposé nécessitait d'être renforcé en termes de sanctions.

* 33 Cf . amendement n° 142 http://www.senat.fr/amendements/2009-2010/704/Amdt_142.html.

* 34 Cf . amendement n° 20 rect. http://www.senat.fr/amendements/2010-2011/786/Amdt_20.html.

* 35 Internal revenue service .

* 36 Withholdable payments et passthru payments.

* 37 Le FATCA constitue le sous titre A du titre V d'un programme pour l'emploi, la loi « Hiring incentives to restore employment Act ».

* 38 Le septième considérant du préambule est modifié par l'article premier afin de clarifier les modalités du respect du caractère confidentiel des renseignements. La nouvelle rédaction précise que les Etats doivent tenir compte, non seulement, du caractère confidentiel des renseignements mais surtout « de la nécessité de [le] protéger ».

* 39 Cf . huitième considérant du préambule.

* 40 Cf . g. 2 de l'article 21 de la Convention modifiée.

* 41 Cf . h. 2 de l'article 21 de la Convention modifiée.

* 42 Cf . f. 2 de l'article 21 de la Convention modifiée.

* 43 Cf . b. 2 de l'article 21 de la Convention modifiée.

* 44 Cf . 4 de l'article 21 de la Convention modifiée.

* 45 Cf . 3 de l'article 21 de la Convention modifiée.

* 46 Cf. 1 et 2 de l'article 21 de la Convention modifiée.

* 47 Cf. alinéa 1 de l'article III du Protocole. La demande d'assistance devait à l'origine préciser « le nom, l'adresse et tous autres détails permettant d'identifier la personne au sujet de laquelle la demande est présentée . ». Selon les nouvelles normes facilitant l'échange, il suffit de mentionner « le nom, l'adresse ou tous autres détails ». Le second alinéa de l'article procède à une coordination rédactionnelle.

* 48 Cf. 1 de l'article 22 de la Convention modifiée.

* 49 Cf. 2 de l'article 22 de la Convention modifiée.

* 50 Cf. 5 de l'article 28 de la Convention modifiée.

* 51 La clause est rédigée sur le modèle de l'article XI-3 de la Convention conjointe du Conseil de l'Europe et de l'UNESCO sur la reconnaissance des qualifications relatives à l'enseignement supérieur dans la région européenne.

* 52 Cf. 4 de l'article 28 de la Convention modifiée.

* 53 Les dépositaires sont les Secrétaires généraux respectifs du Conseil de l'Europe et de l'OCDE. Ils ont pour mission de recevoir les signatures et instruments de ratification, d'acceptation ou d'approbation, les réserves ou tout acte accompli au titre de la Convention. Le dépositaire doit alors les notifier avec les dates d'entrée en vigueur aux autres Parties à la Convention.

* 54 Cf. 2 de l'article 27 de la Convention modifiée.

* 55 Cf. 1 de l'article IX du Protocole.

* 56 Cf. 2 de l'article IX du Protocole.

* 57 Cf . 1 de l'article VIII du Protocole complétant l'article 28 de la Convention par un nouveau paragraphe 5 et le 3 de l'article IX du Protocole.

* 58 Cf. 5 de l'article 28 Convention modifiée.

* 59 Cf. 3 de l'article IX du Protocole.

* 60 Cf. 1 de l'article VIII complétant l'article 28 de la Convention par un paragraphe 6.

* 61 Les Parties peuvent toutefois convenir que la Convention s'appliquera à l'assistance administrative portant sur des périodes d'imposition ou des obligations fiscales antérieures.

* 62 Cf. 1 de l'article VIII complétant l'article 28 de la Convention par un paragraphe 7.

* 63 Cf. a du 2 de l'article 21 de la Convention modifiée.

* 64 Cf. 2 de l'article VIII complétant le 1 de l'article 30 de la Convention par un paragraphe f.

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