EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

En de nombreuses occasions au cours des derniers mois, les élus locaux ont fait état des difficultés soulevées par la mise en oeuvre des dispositions de la loi de réforme des collectivités territoriales régissant l'achèvement et la rationalisation de la carte des intercommunalités. Délais trop courts, association insuffisante des élus locaux à l'élaboration du schéma dans certains départements, incertitude sur la continuité entre le schéma arrêté et les modifications de périmètres conduites ensuite par le préfet, risque de déstabilisation de la gouvernance des établissements publics de coopération intercommunale : tels sont les principaux griefs exprimés à l'égard du dispositif promulgué le 16 décembre dernier, et qui doit aboutir le 1 er juin 2013.

Il relève de la mission du Sénat de prendre l'exacte mesure des difficultés rencontrées et de leur apporter les correctifs adéquats, en sorte de donner un aboutissement rationnel et largement accepté à l'achèvement de la carte intercommunale, objectif partagé par tous.

Répondant à l'une des craintes exprimées par les associations d'élus locaux, notre Haute Assemblée est aujourd'hui saisie, à la demande du groupe socialiste, de la proposition de loi n° 793 (2010-2011). Déposée par le président Jean-Pierre Sueur quelques jours avant le renouvellement sénatorial du 25 septembre 2011, ce texte vise, pour reprendre son intitulé, à « préserver les mandats en cours des délégués des EPCI menacés par l'achèvement de la carte de l'intercommunalité » ; il s'agit, plus précisément, de repousser à mars 2014 l'application des règles de composition des conseils communautaires issues de la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010.

Ce texte s'inscrit dans un double contexte.

Une situation d'urgence, tout d'abord : pour atteindre son but, la proposition de loi doit en effet entrer dans le droit positif avant le 31 décembre 2011, c'est-à-dire avant la date à laquelle les schémas départementaux de coopération intercommunale seront arrêtés par les préfets.

Un contexte d'incertitudes sur le déroulement exact des prochaines étapes de la refonte de la carte intercommunale, ensuite : la demande d'un « moratoire » formulée, au début du mois d'octobre, par le président de notre Haute Assemblée, M. Jean-Pierre Bel, et la réponse ambigüe faite à cette demande par le Premier ministre, M. François Fillon, constituent l'une des démonstrations du « flou » qui nourrit aujourd'hui les préoccupations des maires et des délégués intercommunaux.

Votre commission a souhaité saisir l'occasion que constitue l'examen de la présente proposition de loi pour dégager des solutions efficaces et consensuelles aux problèmes concrets rencontrés, en replaçant la réalisation du schéma sous le contrôle collectif des élus de terrain conformément aux principes de la décentralisation.

I. LES BLOCAGES APPARUS DANS L'ÉLABORATION DU SCHÉMA DÉPARTEMENTAL DE COOPÉRATION INTERCOMMUNALE

Les schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI), prévoyant une couverture intégrale du territoire par des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, doivent être arrêtés avant le 31 décembre 2011.

Leur élaboration, engagée au printemps dernier avec la présentation des projets préfectoraux, a fait apparaître diverses difficultés liées à la fois aux principes fixés par la loi du 16 décembre 2010 et au calendrier prescrit pour leur adoption et leur mise en oeuvre.

A. L'ACHÈVEMENT PROGRAMMÉ DE LA CARTE INTERCOMMUNALE

Les règles régissant les schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI) résultent de l'article 35 de la loi du 16 décembre 2010 et sont codifiées à l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales.

• Un double impératif : compléter et rationaliser les intercommunalités

Établi sur la base d'une évaluation de la cohérence des périmètres et de l'exercice des compétences des groupements existants, le schéma prévoit :

- une couverture intégrale du territoire par les EPCI à fiscalité propre et la suppression des enclaves et des discontinuités territoriales ;

- les modalités de rationalisation des périmètres des EPCI et des syndicats mixtes existants par création, transformation ou fusion d'EPCI à fiscalité propre ou par modification de leurs périmètres ainsi que par suppression, transformation et fusion de syndicats.

Les propositions contenues à cette fin dans le schéma, « document destiné à servir de cadre de référence à l'évaluation de la carte intercommunale dans chaque département » 1 ( * ) , doivent être reportées dans une carte qui lui est annexée : y figurent notamment les périmètres des EPCI, des syndicats mixtes, des schémas de cohérence territoriale (SCOT) et des parcs naturels régionaux.

• Les orientations retenues

Six orientations sont fixées au schéma pour atteindre les objectifs poursuivis.

1/ La constitution d'EPCI à fiscalité propre regroupant au moins 5 000 habitants.

Les débats parlementaires sont permis de retenir deux tempéraments au respect du seuil démographique :

- son inapplicabilité aux établissements situés au moins partiellement en zone de montagne ;

- la faculté, pour le préfet, d'y déroger « pour tenir compte des caractéristiques géographiques particulières de certains espaces » comme l'insularité ou la faiblesse de la densité démographique du territoire considéré ainsi que l'avait souhaité le Sénat.

2/ L'amélioration de la cohérence spatiale des EPCI à fiscalité propre en tenant compte du périmètre des unités urbaines, des bassins de vie et des SCOT ;

3/ L'accroissement de la solidarité financière ;

4/ La réduction du nombre de syndicats de communes et de syndicats mixtes dans l'objectif, en particulier, de supprimer les « doubles emplois entre des EPCI ou entre ceux-ci et des syndicats mixtes » tel que prévu par le Sénat et défendu par notre collègue Jean-Claude Peyronnet pour dissoudre des syndicats devenus inutiles « dès lors qu'un autre rend le même service » 2 ( * ) ;

5/ Le transfert des compétences exercées par les syndicats à un EPCI à fiscalité propre ;

6/ La rationalisation des structures compétentes en matière d'aménagement de l'espace, de protection de l'environnement et de respect des principes du développement durable.

• L'élaboration des schémas départementaux : une initiative préfectorale qui peut être modifiée par la CDCI

Conformément à la procédure fixée par l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales, le projet de schéma élaboré par le préfet, puis présenté à la CDCI, a ensuite été adressé pour avis, en mai et juin, aux collectivités et établissements publics (communes, EPCI et syndicats mixtes) concernés par les propositions de modification de la situation existante : ceux-ci ont disposé pour se prononcer d'un délai de trois mois à compter de la notification.

Saisie du projet de schéma assorti de l'ensemble des avis rendus par les collectivités, la CDCI dispose maintenant de quatre mois pour statuer.

Son expression se présente sous deux formes : d'une part, elle doit rendre un avis global sur le projet de schéma, avis qui ne lie pas le préfet en vue de la décision finale. D'autre part, la commission départementale peut modifier le projet de schéma, à la majorité des deux tiers des membres la composant et sous réserve que la modification respecte les obligations de fond encadrant le schéma, notamment la couverture intégrale du territoire par les communautés.

La procédure devrait s'achever vers la mi-décembre pour que le schéma soit arrêté par le préfet avant le 31 décembre 2011, comme l'a prévu l'article 37 de la loi du 16 décembre 2010.


* 1 Cf. circulaire aux préfets de département du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration et du ministre chargé des collectivités territoriales en date du 27 décembre 2010.

* 2 Cf. débats Sénat, séance du 3 février 2010.

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