B. UN PRINCIPE QUI A FAIT L'OBJET D'AMÉNAGEMENTS EN FAVEUR DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

La réglementation s'appliquant aux autoroutes concédées, qui s'appliquait par ailleurs jusqu'en 1985 aux infrastructures gérées par la SNCF, démontre que la gestion de l'ouvrage et la prise en charge financière n'incombent pas nécessairement au propriétaire de la voie interrompue 11 ( * ) .

1. L'exemple des autoroutes concédées

L'État a réglé le problème des ouvrages franchissant les autoroutes concédées en imposant, par directives ministérielles des 2 mai 1974 et 13 avril 1976, aux concessionnaires, d'être maîtres d'ouvrage des ouvrages de rétablissement au-dessus du domaine public autoroutier concédé.

Le cahier des charges de concession prévoit en effet que le concessionnaire assure la surveillance et la maintenance de la structure des ouvrages de rétablissement portant une voie gérée par une collectivité , celle-ci ayant la responsabilité de la maintenance de la chaussée, du revêtement des ponts, des garde-corps et autres accessoires. Une convention permet d'expliciter les modalités de gestion et les responsabilités de chacun.

Cette solution présente l'avantage, pour les gestionnaires ayant réalisé les ouvrages de rétablissement, de s'assurer que les ouvrages sont correctement entretenus et ne risquent pas de mettre en danger les usagers de l'infrastructure franchie.

La question des bretelles autoroutières a également été tranchée par le pouvoir réglementaire : celles-ci permettant de relier une autoroute à une autre voirie sont, elles-mêmes, autoroutières et font donc partie du domaine public routier national, constituant ainsi une exception aux jurisprudences citées précédemment.

2. Une jurisprudence ancienne de la SNCF remise en cause au profit de l'État en 1985
a) Une règle ancienne de dissociation de la gestion et de la propriété d'un ouvrage de rétablissement remise en cause en 1985

Le cas des voies ferrées est à cet égard particulièrement intéressant.

Sur la question de l'entretien des rétablissements de voies de communication, si les chemins déviés ont été mis à la charge des services gestionnaires de ces routes, une décision du Conseil d'État du 29 mars 1859 12 ( * ) estime que le tablier du pont reliant les deux tronçons de la rue de Stockholm à Paris relevait des dépendances du Chemin de Fer qui devait en assurer l'entretien, à l'exception de la chaussée . Cette décision a ensuite été confirmée par une décision ministérielle du 12 mai 1865.

Cette obligation d'entretien n'a pas été remise en cause malgré la nationalisation de la SNCF par le décret-loi du 31 août 1937. Elle a ensuite été confirmée par une circulaire du Ministre de l'Intérieur du 30 novembre 1948 13 ( * ) selon laquelle la SNCF a la gestion de tous les ouvrages d'art par lesquels les lignes de chemin de fer franchissent une voie départementale ou communale aussi bien en passage supérieur qu'inférieur. Il revenait ainsi à la SNCF d' assurer , à ses frais, l'entretien courant ainsi que les réparations des ouvrages d'art de rétablissement . En contrepartie, la collectivité propriétaire de la voie portée devait assurer, à sa charge, l'entretien des chaussées et des trottoirs.

Pourtant, une circulaire du 10 octobre 1985 14 ( * ) a abrogé la circulaire précitée de 1948 et ne fixe plus de principe de répartition de gestion, sauf pour le cas de croisement d'une voie ferrée et d'une route nationale . En d'autres termes, les collectivités territoriales, dont une voie est coupée ou interrompue par la réalisation d'une nouvelle infrastructure de transports, doivent gérer l'ouvrage d'art rétablissement la continuité de leur voie. Pour une voie nationale, l'ouvrage d'art doit être géré par le gestionnaire de l'infrastructure de transport nouvelle. Ainsi, l'État a maintenu une règle de répartition ancienne en sa faveur en matière de répartition des charges de gestion des ouvrages de rétablissement.

b) Les règles applicables par RFF

Réseau Ferré de France (RFF) opère toutefois une distinction suivant la taille et les moyens de la collectivité gestionnaire de la voirie portée.

A l'occasion de la création d'un nouvel ouvrage, s'il apparaît que la collectivité ne dispose pas des moyens humains, techniques et financiers suffisant pour assurer ses obligations d'entretien, RFF accepte, par convention tripartite avec la SCNF, gestionnaire d'infrastructures délégué, d'assurer la surveillance et l'entretien dudit ouvrage .

Les frais d'entretien et de surveillance des ponts-routes existant ou à construire peuvent également donner lieu à un versement libératoire au gestionnaire de l'ouvrage, destiné à couvrir les charges d'entretien de ces ouvrages, et représentant 8 % du coût de l'ouvrage.

De nombreux exemples impliquant des petites collectivités démontrent que le principe affiché par RFF est loin d'être généralisé . Il a été porté à la connaissance de votre rapporteur l'exemple d'une petite commune de 312 habitants, invitée par RFF à rénover les deux ponts situés sur son territoire pour des travaux estimés à 61 000 euros TTC, soit 66 % des dépenses d'équipement du budget d'investissement 2010 de cette collectivité. La commune, s'adressant à RFF afin de bénéficier d'une subvention, s'est vu répondre par l'établissement public que ce type de financement serait « une porte ouverte à une dérive dangereuse que RFF ne cautionnera pas ».


* 11 Par ailleurs, bien que cela constitue une exception pour les voies navigables, le législateur est intervenu pour régler la situation des ouvrages de franchissement du canal du Midi en imposant au concessionnaire de l'infrastructure nouvelle d'assurer la maîtrise d'ouvrage des ponts franchissant le canal.

* 12 CE, 29 mars 1859, Compagnie de Chemin de Fer et Paris à Saint-Germain.

* 13 Circulaire du ministère de l'intérieur n° 531/AD/6 du 30 novembre 1948, confirmée par l'article 30 du cahier des charges de la SNCF, approuvé par le décret n° 71-1024 du 23 décembre 1971, qui reprend les mêmes principes de répartition de gestion.

* 14 Circulaire n° 85-70 du 10 octobre 1985 relative aux règles de partage de financement en cas de croisement ou de juxtaposition d'une route nationale ou autoroute et d'une voie ferrée.

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