II. LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE : UNE PROCÉDURE SUSCEPTIBLE DE GARANTIR UN ÉQUILIBRE SATISFAISANT ENTRE LE RESPECT DE LA FONCTION PRÉSIDENTIELLE ET LA SANCTION DE MANQUEMENTS GRAVES AUX DEVOIRS DU MANDAT

En l'état du droit comme le soulignait, lors de l'examen de la proposition de loi organique le 15 janvier 2010 au Sénat, M. François Patriat, l'« irresponsabilité du chef de l'Etat reste totale, ce qui constitue (...) une condition très exceptionnelle, voire anormale, dans le fonctionnement de nos institutions, qui porte atteinte à l'équilibre de ces dernières, voire à la sérénité nécessaire à leur bon fonctionnement ».

Le texte de la présente proposition de loi organique apporte les éléments complémentaires nécessaires à la mise en oeuvre de la procédure prévue par l'article 68. Il s'inspire pour une large part des suggestions formulées par le rapport de la commission Avril sur le contenu possible d'une loi organique.

Inscrite dans l'ordre du jour réservé au Sénat le 14 janvier 2010, la proposition de loi avait fait, à la demande de votre commission des lois, l'objet d'une motion de renvoi en commission. Tout en soulignant que le texte répondait à l'évidence à une lacune juridique, le rapporteur, M. Jean-Jacques Hyest, avait estimé que certains aspects de la procédure justifiaient un approfondissement de la réflexion.

Deux points importants retenaient l'attention :

- les conditions de recevabilité ;

- la faculté pour le Président de la République de se faire représenter tant devant la commission que devant la Haute Cour.

Il apparaît en effet essentiel de permettre de concilier la mise en oeuvre effective de la procédure de destitution dans le cas où elle s'avère nécessaire et la nécessité de protéger la fonction présidentielle contre des tentatives de déstabilisation inspirées par des considérations partisanes.

Plus de vingt deux mois après le renvoi en commission, la réflexion a muri. Elle est désormais éclairée, comme l'avait souhaité votre commission des lois, par le texte proposé par le Gouvernement à la fin de l'année 2010. La proposition de loi organique semble mieux en mesure de concilier les deux exigences rappelées précédemment même si elle peut utilement être complétée par certaines des précisions contenues dans le projet de loi organique.


• Les conditions de recevabilité

La proposition de loi prévoit deux conditions :

- la proposition de résolution tendant à la réunion de la Haute Cour doit être déposée par soixante députés ou soixante sénateurs ;

- elle doit être motivée.

Votre commission, s'inspirant d'une recommandation de la commission Avril, reprise également par le projet de loi organique déposé par le Gouvernement, a assoupli la première de ces exigences en fixant le nombre minimal de signatures nécessaires au dépôt d'une proposition de résolution au dixième des membres de chaque assemblée (soit cinquante huit députés ou trente cinq sénateurs).

Elle a néanmoins jugé utile d'ajouter une troisième condition également suggérée par le rapport Avril : un député ou un sénateur ne pourrait être signataire de plus d'une proposition de résolution au cours du même mandat présidentiel.


• Modalités d'examen de la proposition de résolution

La proposition de loi organique doit être examinée dans un délai de quinze jours par l'assemblée devant laquelle elle a été déposée. Votre commission a précisé que ce délai courait à compter du dépôt de la proposition de résolution.

Par ailleurs, si l'article 68 de la Constitution précise lui-même que la proposition est « aussitôt transmise à l'autre assemblée, qui se prononce dans les quinze jours » (article 2, troisième alinéa), il est apparu souhaitable à votre commission d'indiquer, à l'instar du projet de loi organique, que cette proposition est inscrite de droit au plus tard le treizième jour suivant cette transmission à l'ordre du jour de l'assemblée concernée.


L'institution du bureau et de la commission de la Haute Cour

La proposition de loi organique institue un bureau de la Haute Cour composé des membres des bureaux des deux assemblées chargé d'organiser les conditions du débat et du vote au sein de la Haute Cour. Elle crée également une commission dont le rôle, que votre commission a explicité par un amendement, est de recueillir les éléments d'information nécessaires pour permettre à la Haute Cour de se prononcer. Cette commission serait composée des vice-présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat. Elle s'inspire directement, sur ce chapitre, des préconisations du rapport Avril.

Cependant, la composition de ces deux organes appelle deux réserves. D'une part, ni le nombre des membres des bureaux de l'Assemblée nationale et du Sénat, ni celui des vice-présidents, en particulier, ne correspondent alors que le principe d'une parité entre les deux assemblées est évidemment souhaitable. D'autre part, tant l'effectif du bureau de la Haute Cour que celui de la commission paraissent excessifs au regard de la mission confiée à chacun de ces deux organes. Aussi votre commission a-t-elle retenu un dispositif différent :

- le bureau serait composé de vingt-deux membres désignés, en leur sein et en nombre égal, par le bureau de l'Assemblée nationale et par celui du Sénat ;

- la commission comprendrait douze membres élus selon la représentation proportionnelle des groupes au plus fort reste, en leur sein et en nombre égal, par l'Assemblée nationale et par le Sénat après chaque renouvellement total ou partiel des assemblées.


Les droits du Chef de l'Etat devant la commission et devant la Haute Cour

La proposition de loi prévoit que, devant la commission , le Président de la République peut être entendu à sa demande ou à la demande de la commission et, dans les deux cas, se faire assister d'un conseil de son choix.

Selon votre commission, cette formulation est équilibrée. En effet, il ne serait pas satisfaisant de laisser au seul Président de la République, comme le prévoit pourtant le projet de loi organique, l'initiative de se présenter devant la commission. Celle-ci doit pouvoir aussi demander à entendre le Chef de l'Etat. La faculté donnée à la commission d'exprimer cette demande n'implique pas cependant que le Président soit tenu d'y répondre. Les prérogatives du Chef de l'Etat sont ainsi préservées.

Devant la Haute Cour , la proposition de loi indique que le droit d'intervention est réservé exclusivement au Chef de l'Etat et à son conseil, au Gouvernement et aux membres de la Haute Cour. Elle prévoit que la parole est donnée en dernier, avant la clôture des débats, au Président de la République et à son conseil. Votre commission a précisé qu'il s'agit là d'un droit laissé à l'initiative du Chef de l'Etat. Elle n'a pas en revanche retenu la possibilité donnée au président de la République, par le projet de loi organique, de se faire représenter.

Elle a en outre indiqué que la Haute Cour serait dessaisie si elle n'avait pas statué dans le délai d'un mois fixé au troisième alinéa de l'article 68 de la Constitution. Cette précision figure aussi dans le texte du Gouvernement.

Enfin, afin d'éviter toute redondance, votre commission a supprimé la reproduction dans la proposition de loi organique de dispositions figurant déjà dans l'article 68 de la Constitution.

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Votre commission a adopté la proposition de loi organique ainsi modifiée .

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