2. Une croissance de l'ordre de 1 % en 2012 ?

L'hypothèse de croissance pour 2012 associée au présent projet de loi de finances, revue à 1,75 % en septembre dernier (contre 2 % selon le programme de stabilité 2011-2012 et 2,5 % selon la loi de programmation des finances publiques 2011-2014), paraît en conséquence impossible à atteindre .

Le Président de la République a donc annoncé, le 27 octobre, la révision de cette hypothèse à 1 % .

Selon le consensus des conjoncturistes du mois d'octobre 3 ( * ) , la croissance du PIB serait de 0,9 % en 2012 (contre 1,2 % selon le consensus de septembre et 1,7 % selon celui d'août), comme le montre le graphique ci-après.

Evolution de la prévision de croissance du consensus des conjoncturistes
pour 2011 et 2012

(en %)

Source : Consensus Forecasts

De fait, on voit mal désormais comment la croissance pourrait être en 2012 nettement supérieure à 1 %.

Le rôle de la commission des finances n'est pas, par principe, de formuler des prévisions de croissance. Il est toutefois utile de distinguer différents scénarios, purement comptables, indiquant comment différentes chroniques de croissance de trimestre à trimestre en 2011 et en 2012 se traduisent en termes de croissance en moyenne annuelle. On rappelle en effet que la croissance du PIB une année donnée, généralement exprimée en moyenne annuelle, dépend comptablement du profil de la croissance de l'année précédente, ce qui permet de réduire le champ des scénarios possibles 4 ( * ) .

La croissance du PIB en 2011 et en 2012 :

quelques scénarios « non catastrophiques »

(ne supposant ni crise bancaire, ni aggravation de la crise de la dette)

(en %)

Croissance par rapport au trimestre précédent

Croissance par rapport à l'année précédente (moyenne annuelle)

2011

2012

2011

2012

T1

T2

T3

T4

T1

T2

T3

T4

Scénarios « neutres »

A

Prévisions Insee pour 2011*

0,9

0,0

0,3

0,0

0,5

0,5

0,5

0,5

1,7

1,4

B

Récession ponctuelle au dernier trimestre 2011

0,0

-0,5

1,4

0,9

Scénario de référence de la commission des finances

1,5

1,0

Scénarios pessimistes

C

Récession sur deux trimestres

0,9

0,0

0,0

-0,5

-0,5

0,5

0,5

0,5

1,4

-0,1

D

Stagnation prolongée

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

1,5

0,0

Scénario pessimiste de la commission des finances

1,5

0,0

Scénarios optimistes

E

Croissance légèrement positive d'ici la fin 2011

0,9

0,0

0,2

0,2

0,5

0,5

0,5

0,5

1,6

1,5

F

Croissance forte en 2012

0

0

0,7

0,7

0,7

0,7

1,5

1,75

* Point de conjoncture d'octobre 2011.

NB : la croissance des deux premiers trimestres 2011 retenue ici est celle actuellement indiquée par l'Insee.

Sources : Insee (premier et deuxièmes trimestres 2011), calculs de la commission des finances

Les deux scénarios « neutres » (A et B) supposent que la croissance est « normale » chacun des trimestres de 2012, c'est-à-dire égale à sa moyenne de longue période de 0,5 %. La différence entre ces deux scénarios concerne l'année 2011 :

- dans le cas du scénario A , on retient pour 2011 le profil de croissance prévu par l'Insee dans son point de conjoncture d'octobre 2011 (+ 0,3 % au troisième trimestre et 0 % au quatrième). Il en résulte une croissance en moyenne annuelle de 1,7 % en 2011 et 1,4 % en 2012 ;

- dans le cas du scénario B , on suppose, de manière plus pessimiste, que la croissance est nulle au troisième trimestre et de - 0,5 % au quatrième. Si elle serait historiquement significative 5 ( * ) , une telle « petite récession » demeurerait toutefois d'un ordre de grandeur bien plus faible que celle de 2008-2009 6 ( * ) . Il en résulterait une croissance en moyenne annuelle de 1,4 % en 2011 et 0,9 % en 2012, cette dernière correspondant à l'actuel consensus des conjoncturistes.

Au total, ces deux scénarios « neutres » suggèrent de retenir une hypothèse de croissance de référence de 1,5 % en 2011 et 1 % en 2012 (et non de 1,75 % chacune de ces deux années).

Il faut souligner que cette hypothèse de 1 % pour 2012 ne proviendrait pas d'une révision à la baisse des hypothèses de croissance trimestrielle de l'année 2012 (qui demeurerait à son niveau « normal » de 0,5 %), mais uniquement de celle des hypothèses relatives à l'année 2011, qui ferait que le « point de départ » se situerait à un niveau plus bas.

Toutefois, il faut aussi envisager des scénarios pessimistes , mais « non catastrophiques » (qui en particulier ne supposent pas de restriction massive du crédit ou d'aggravation de la crise de la dette), conduisant à une croissance en moyenne annuelle nettement plus faible. Par exemple, une récession de 0,5 % non seulement au dernier trimestre de 2011, mais aussi au premier trimestre de 2012, conduirait en moyenne annuelle à une croissance nulle en 2012, tout comme un scénario de stagnation prolongée.

En sens inverse, les scénarios « optimistes » paraissent nettement volontaristes. Au début du mois de septembre, on pouvait encore retenir un scénario de référence supposant une croissance du PIB de 0,2 % chacun des deux derniers trimestres de 2011, mais cette éventualité s'éloigne. Avec une croissance nulle chacun des deux derniers trimestres de 2011, pour atteindre l'objectif du texte initial du Gouvernement, de 1,75 %, il faudrait en 2012 une croissance de 0,7 % de trimestre à trimestre, soit près de 3 % en rythme annualisé, ce qui ne paraît pas possible, sauf en cas d'une action très volontariste à effet rapide.

Ainsi, depuis 1990, la croissance de trimestre à trimestre a été de 0,4 % en moyenne, et elle n'a été supérieure ou égale à 0,7 % qu'un trimestre sur quatre, comme le montre le graphique ci-après.

La croissance du PIB de trimestre à trimestre

(en %)

Source : Insee

La récente évolution à la baisse de la prévision de croissance pour 2012 du consensus des conjoncturistes, passée on l'a vu de 1,2 % en septembre à 0,9 % en octobre, recouvre un changement de nature de certains des scénarios retenus, plusieurs économistes prévoyant désormais une récession marquée ou une stagnation prolongée 7 ( * ) .


* 3 Idem.

* 4 La croissance du PIB une année donnée est généralement exprimée en « moyenne annuelle », définie comme l'évolution du PIB total d'une année donnée par rapport à celui de l'année précédente. La croissance en moyenne annuelle ne correspond donc pas à l'impact cumulé des taux de croissance de trimestre à trimestre, qui correspond à la croissance en glissement.

* 5 Depuis 1980, si l'on excepte les années 2008 et 2009, le PIB n'a reculé d'au moins 0,5 point qu'à trois reprises : au premier trimestre de 1980 (-0,6 %), au dernier trimestre de 1992 (-0,5 %) et au premier trimestre de 1993 (-0,7 %).

* 6 On rappelle que le PIB a reculé en volume de 1,5 % au quatrième trimestre 2008, et encore de 1,5 % au premier trimestre de 2009 (après avoir reculé de 0,7 % puis 0,3 % aux deux trimestres précédents).

* 7 Au mois de septembre 2011 les prévisions des conjoncturistes allaient, pour l'année 2012, de 0,8 % pour l'OFCE et Oddo Securities à 1,7 % pour le BIPE et Bank of America. Comme le montre le tableau ci-avant, il en résulte qu'aucun organisme ne retenait alors de scénario analogue aux C et D. Désormais, en revanche, certains économistes prévoient une croissance nulle (Economist Intelligence Unit) ou à peine positive (0,2 % pour Citigroup par exemple).

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