(3) Des limites certaines

Un dispositif d'assurance présente d'importants inconvénients :

- le risque d'aggraver la dépréciation de la dette existante sur le marché secondaire, dès lors que seuls les titres nouvellement émis seraient assurés (bien que le FESF indique que les certificats de protection seraient détachables des obligations et pourraient être librement négociés) ;

- un endettement supplémentaire des Etats, qui devraient vraisemblablement emprunter davantage pour financer la garantie. En effet, il semble que l'on s'oriente vers un système où le FESF prêterait à l'Etat bénéficiaire les sommes lui permettant d'acheter les obligations de ce même FESF utilisées comme garantie ;

- un risque d'incompatibilité avec les « clauses de nantissement négatives » ( negative pledges ), susceptibles de garantir aux détenteurs de titres existants qu'aucun actif de l'Etat concerné ne sera gagé ou collatéralisé au profit d'un autre créancier, et dont le non respect pourrait être assimilé à un défaut.

Par ailleurs, il reste à confirmer que, pour les investisseurs, ces certificats de garantie présentent des avantages significatifs par rapport aux dispositifs de protection existants, comme les CDS :

- les marchés pourraient douter de la solidité de la notation « triple A » du FESF, notamment dans une situation où les certificats de garantie seraient activés ;

- ils pourraient en outre s'interroger sur l'intérêt d'une garantie des premiers 20 % ou 25 % de pertes, alors que l'expérience montre que les défauts d'Etats correspondent souvent à des pertes plus élevées. Comme l'écrit Daniel Gros, « imaginez que vous possédez une maison à côté d'un réacteur nucléaire et qu'on vous propose une assurance. Le contrat vous indemnise pour vos premiers 20 % de pertes en cas de fusion du réacteur. Dormiriez-vous beaucoup mieux avec une telle assurance ? » 28 ( * ) .

Ainsi, une hausse auto-entretenue des taux demeurerait possible . De fait, l'annonce du dispositif a été suivie d'une augmentation du cout de financement de l'Etat italien, dont le taux d'intérêt à dix ans s'établissait à environ 7 % à la mi-novembre 2011.

b) Le dispositif de type « CDO »
(1) Une forme de titrisation

La décision d'« optimiser les mécanismes de financement du FESF en combinant les ressources d'investisseurs et d'institutions financières publiques et privées, ce qui pourrait être réalisé au moyen d'entités ad hoc » correspond à la mise en place d'un dispositif de type « CDO » ( Collateralized Debt Obligations , obligations adossées à des actifs).

Les CDO : quelques rappels

Les CDO font partie des dispositifs d'ABS ( Asset Backed Securities , valeurs mobilières adossées à des actifs). Il s'agit d'une forme particulière de titrisation.

Concrètement, les CDO impliquent de mettre en place une entité dénommée SPV ( Special Purpose Vehicle , ou entité ad hoc , correspondant en droit français à la notion de « fonds commun de créances »), dans laquelle sont logées les créances que l'on souhaite titriser.

Le SPV acquiert des titres, de qualité variable.

Il se finance en émettant ses propres obligations, qui sont des CDO, par nature adossées aux titres qu'il possède, et correspondent à des degrés de « séniorité » différents selon la « tranche » à laquelle elles appartiennent. Les tranches les plus risquées, appelées « equity » et correspondant à son capital, supportent les premières pertes. Les tranches « senior » ou « super-senior » sont les moins risquées. Entre les deux se trouvent des tranches de risque intermédiaire, dites « mezzanine ». Ces différentes tranches sont acquises par des investisseurs de type différent, en fonction de leur attitude face au risque.

Les « CDO » correspondent à une forme de titrisation. Or, la titrisation, utilisée pour « sortir » certains risques du bilan des banques, a été l'un des facteurs de la récente crise des subprimes . On peut souligner le paradoxe d'une sortie de crise qui serait permise par le recours aux procédés qui l'auraient déclenchée.

Selon la presse économique 29 ( * ) , pourraient être mis en place une série de fonds, gérés par le FESF, de type « CDO ». Chacun de ces fonds, destiné à aider un Etat particulier, se financerait en émettant des obligations de type « CDO », divisées en plusieurs tranches de « séniorité » différente, les premières pertes étant intégralement supportées par le FESF.

Ce second dispositif présente un quadruple avantage par rapport au système d'assurance présenté ci-avant :

- il n'a pas pour objet d'influencer les taux, mais de permettre aux Etats concernés de bénéficier de financements au taux fixé par le FESF (dépendant du taux auquel celui-ci emprunte) ;

- il peut être « branché » sur toute source de financement, publique ou privée, externe à la zone euro (FMI, fonds souverains, investisseurs privés...) ;

- il n'implique pas d'endettement supplémentaire de la part des Etats (qui, dans le cas du dispositif d'assurance, devraient s'endetter auprès du FESF pour payer celle-ci) ;

- il permet de contourner la difficulté posée par les « clauses de nantissement négatives » ( negative pledges ).


* 28 Daniel Gros, « The pitfalls of official first-loss bond insurance », 27 octobre 2011 (traduction par la commission des finances).

* 29 Financial Times, 25 octobre 2011.

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