2. Pouvoirs des agents de l'Autorité de régulation des jeux en ligne chargés de lutter contre les opérateurs illégaux (article 7 septies)

A côté de la police judiciaire, des douanes et des juridictions pénales, l'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) « participe » à la lutte contre les sites illégaux et la fraude, ainsi que le précise l'article 34 de la loi du 12 mai 2010 227 ( * ) .

D'une part, l'article 42 de la loi précitée dispose que, pour l'accomplissement de ses missions, l'ARJEL peut recueillir toutes les informations nécessaires et que les enquêtes administratives indispensables à l'exercice de ses missions sont réalisées par des fonctionnaires et agents habilités à cet effet par le directeur général de l'ARJEL et assermentés dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat 228 ( * ) .

D'autre part, afin de renforcer les moyens de recherche de preuves et de constatation des infractions commises à l'occasion de paris ou de jeux d'argent ou de hasard en ligne, l'article 59 de la même loi permet aux officiers et agents de police judiciaire ainsi qu'aux agents des douanes désignés à cet effet de participer sous pseudonyme à des échanges sur les site de jeux , sans être considérés comme pénalement responsables, et d'extraire, acquérir ou conserver par ce moyen des données sur les auteurs potentiels des infractions, afin de collecter des preuves 229 ( * ) . Cet article permet également la mise à disposition auprès de l'ARJEL d'officiers et agents de police judiciaire et d'agents des douanes, dans les conditions fixées par la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat. Cette faculté de recourir à des « agents de liaison » ou correspondants a pour objet de permettre une plus grande efficacité des enquêtes conduites en assurant une coordination effective entre les services régaliens et l'autorité administrative qu'est l'ARJEL .

Ce système d'« infiltration » anonyme des sites de jeux constitue un dispositif analogue à celui en vigueur pour la lutte contre les sites pédophiles , modernisé par l'article 35 de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, avec en particulier l'insertion dans le code pénal des articles 706-35-1 230 ( * ) et 706-47-3. Les officiers ou agents de police judiciaire peuvent ainsi se faire passer pour des mineurs sur divers sites Internet, tels que les forums, les sites de discussion ou les réseaux sociaux.

L'article 7 septies , adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue Jean-François Lamour , avec les avis favorables du Gouvernement et de la commission des Finances , modifie les articles 42 et 59 de la loi du 12 mai 2010, dans le but de préciser les pouvoirs des agents de l'ARJEL 231 ( * ) .

Les modifications apportées à l'article 42 consistent ainsi à lever les difficultés d'interprétation et d'application liées à la définition des agents susceptibles de mettre en oeuvre les prérogatives spécifiques en matière de recherches d'informations et d'enquêtes en précisant que certains agents de l'ARJEL sont spécialement habilités à mettre en oeuvre le dispositif précité, mais ce indépendamment de leur qualité d'officiers ou d'agents de police judiciaire, ou encore, d'agents des douanes . En effet, comme l'indique l'auteur de l'amendement à l'origine du présent article, les officiers et agents de police judiciaire ainsi que les agents des douanes mis à disposition de l'ARJEL perdent cette qualité du fait de leur affectation en dehors d'un service d'enquête. De même, les agents des douanes administratives n'ont pas la qualité d'officier police judiciaire ni dans leur service d'origine ni en cas de mise à disposition. Par conséquent, il est souhaitable de dissocier , s'agissant des agents de l'ARJEL, l'habilitation permettant la mise en oeuvre des prérogatives en matière de recherches d'informations et d'enquêtes et la qualité antérieure des agents concernés en prévoyant une procédure d'habilitation adaptée.

Par ailleurs, il est précisé que les informations recueillies font l'objet d'un procès-verbal adressé sans délai au procureur de la République aux fins de traitement judiciaire des infractions constatées

Enfin, les modifications apportées à l'article 59 visent surtout à assurer la coordination de la rédaction de l'article avec la nouvelle rédaction de l'article 42. Il s'agit également de permettre à l'ARJEL d' utiliser dans l'exercice de ses missions légales le procès-verbal adressé au procureur de la République, notamment pour la mise en oeuvre de la procédure administrative de blocage des comptes et aux fins de mise à disposition de l'administration fiscale, notamment dans le cadre de l'assujettissement des opérateurs de sites illégaux à l'acquittement des impositions légales 232 ( * ) .


* 227 Loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne.

* 228 Les pouvoirs d'enquête de l'ARJEL sont proches de ceux dont dispose l'Autorité des marchés financiers (AMF) en vertu des articles L. 621-9 à L. 621-12 du code monétaire et financier, notamment en ce qui concerne l'habilitation des enquêteurs (par le secrétaire général de l'AMF et dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat), l'accès aux locaux à usage professionnel, le droit de se faire communiquer tous documents, quel qu'en soit le support, et la non-opposabilité du secret professionnel.

* 229 Avant 2010, l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC) utilisait déjà des moyens de détection des sites de jeux prohibés, riche de l'expérience acquise en matière de fraude à la législation de l'Internet. Des procédures judiciaires avaient même été initiées mais n'avaient pu aboutir, l'autorité judiciaire estimant que la base légale était insuffisante pour une éventuelle incrimination. Les moyens traditionnels d'investigation et de constatation des infractions étaient insuffisants et il est donc apparu nécessaire de renforcer la base légale des nouvelles pratiques de la police, en particulier l'« infiltration » anonyme des sites de jeux.

* 230 Cet article précise que « dans le but de constater les infractions mentionnées aux articles 225-4-1 à 225-4-9, 225-5 à 225-12 et 225-12-1 à 225-12-4 du code pénal et, lorsque celles-ci sont commises par un moyen de communication électronique, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs, les officiers ou agents de police judiciaire agissant au cours de l'enquête ou sur commission rogatoire peuvent, s'ils sont affectés dans un service spécialisé et spécialement habilités à cette fin, dans des conditions précisées par arrêté, procéder aux actes suivants sans en être pénalement responsables :

« 1° Participer sous un pseudonyme aux échanges électroniques ;

« 2° Être en contact par ce moyen avec les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions ;

« 3° Extraire, transmettre en réponse à une demande expresse, acquérir ou conserver des contenus illicites dans des conditions fixées par décret.

« A peine de nullité, ces actes ne peuvent constituer une incitation à commettre ces infractions. »

* 231 Pour mémoire, le Gouvernement a fait adopter deux sous-amendements de précision.

* 232 Cf . les dispositions de l'article L. 84 B du livre des procédures fiscales.

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