2. Le renforcement des sanctions par le seul droit dérivé en novembre 2011

Afin de renforcer le pacte de stabilité par le seul droit dérivé, le législateur communautaire a recouru à trois règlements adoptés en novembre 2011.

• Dans le cas de l'ensemble des Etats de l'Union, deux nouveaux règlements s'appliquent, concernant respectivement les volets préventif (n° 1175/2011) et répressif (n° 1177/2011).

Dans le cas du volet préventif , la principale modification, qui ne constitue pas une véritable innovation, est l'inscription dans le droit du « semestre européen », défini comme comprenant non seulement les GOPE et la présentation et l'évaluation des programmes de stabilité ou de convergence, mais aussi les « lignes directrices pour l'emploi » prévues par l'article 148 du TFUE, la présentation et l'évaluation des « programmes de réforme nationaux » des États membres accompagnant la stratégie de l'Union pour la croissance et l'emploi, et la surveillance et la correction des déséquilibres macroéconomiques en vertu du règlement (UE) n° 1176/2011 du 16 novembre 2011.

La transmission des programmes de stabilité en avril

Depuis 2011, les programmes de stabilité sont transmis à la Commission européenne non en décembre-janvier, c'est-à-dire après la discussion budgétaire, mais au plus tard à la fin du mois d'avril .

Le régime des programmes de stabilité est défini par le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques.

Avant l'instauration du « semestre européen », l'article 4 du règlement précité prévoyait que « des programmes actualisés sont présentés annuellement ». Le code de conduite sur le format et le contenu des programmes de stabilité prévoyait que les Etats membres devaient présenter leurs programmes de stabilité avant le 1er décembre de chaque année.

Dans un premier temps, le Conseil Ecofin du 7 septembre 2010 a modifié le code de conduite de manière à ce que les programmes de stabilité soient transmis à la Commission européenne en amont de la discussion budgétaire, dès le mois d'avril. Cette initiative est issue des travaux du groupe de travail sur la gouvernance économique présidé par Herman Van Rompuy. Cette modification de calendrier est entrée en vigueur dès 2011.

Le code de conduite n'a toutefois pas de valeur contraignante. Ainsi, le règlement n° 1175/2011 précité a modifié l'article 4 précité du règlement n° 1466/97, qui prévoit désormais que « les programmes de stabilité sont présentés tous les ans au mois d'avril, de préférence pour la mi-avril et au plus tard le 30 de ce mois ».

Dans le cas du volet correctif , la principale modification est l'introduction d'un critère de dette publique . Il ne s'agit pas en tant que tel d'un véritable apport par rapport au droit antérieur, mais simplement d'une précision de la disposition de l'article 126 du TFUE selon laquelle la dette publique peut être supérieure à 60 points de PIB si elle « s'approche de la valeur de référence à un rythme satisfaisant ». Concrètement, selon le règlement ce critère est satisfait « si l'écart par rapport à la valeur de référence s'est réduit sur les trois années précédentes à un rythme moyen d'un vingtième par an , à titre de référence numérique fondée sur les changements survenus au cours des trois dernières années pour lesquelles les données sont disponibles ». Toutefois, dans le cas des Etats soumis à une procédure concernant les déficits excessifs à la date du 8 novembre 2011, il ne jouera pas tant qu'ils n'auront pas mis fin à leur déficit excessif (ce qui est généralement censé être le cas en 2013), et au cours des trois premières années le Conseil pourra fixer des objectifs moins contraignants 36 ( * ) .

• Les principales innovations concernent les dispositions prises sur la base de l'article 136 du TFUE 37 ( * ) , dans le cas des seuls Etats de la zone euro, par le règlement (UE) n° 1173/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011, avec la mise en place de nouvelles sanctions , qui seraient imposées dans le cadre d'une nouvelle procédure, dite de « majorité qualifiée inversée ».

Le principe de la majorité qualifiée inversée est que la proposition de sanction proposée par la Commission est adoptée, sauf si le Conseil décide du contraire à la majorité qualifiée. Comme on le verra plus loin, les Etats disposent en pratique de diverses possibilités de blocage à la majorité qualifiée « ordinaire » .

Le tableau ci-après synthétise les différentes étapes du processus de sanction. On observe que la phase ultime, celle d'une amende supérieure à 0,2 point de PIB (mais « plafonnée » à 0,5 point de PIB 38 ( * ) ), serait toujours décidée à la majorité qualifiée « ordinaire ». On verra toutefois ci-après que le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance en Europe (dit « traité SCG ») prévoit que les Etats de la zone euro qui le ratifieront s'engageront à appliquer le principe de majorité qualifiée inversée, dans le cas des propositions ou recommandations de la Commission relatives à un Etat en situation de déficit excessif.

Un Etat ne respectant pas le critère de dette, et donc en situation de déficit excessif, pourrait être sanctionné au même titre qu'un Etat ayant un déficit supérieur à 3 points de PIB.

Les Etats hors zone euro ne peuvent se voir infliger ces sanctions. Cependant, il est prévu que dans le cas des Etats bénéficiaires des fonds de cohésion, ne pas se conformer aux recommandations adressée dans le cadre de la procédure pour déficit excessif peut conduire à la suspension des financements de ces fonds.

Les sanctions prévues par le « Six-Pack » de novembre 2011, dans le cas des seuls Etats de la zone euro (règlement (UE) n° 1173/2011)

Déclenchement de la sanction

Sanction

Adoption

Volet préventif

Décision du Conseil établissant l'absence d'action en réponse à une recommandation du Conseil sur la base de l'article 121(4) du TFUE 39 ( * )

Dépôt portant intérêt

(en principe 0,2% du PIB)

Vote à la majorité qualifiée inversée

Volet correctif

Décision du Conseil sur la base de l'article 126(6) du TFUE (existence d'un déficit excessif) 40 ( * ) , seulement si les Etats membres ont déjà versé un dépôt portant intérêt (en cas de non-conformité avec les dispositions du volet préventif) ou en cas de violation particulièrement grave des règles

Dépôt ne portant pas intérêt

(en principe 0,2% du PIB)

Vote à la majorité qualifiée inversée

Décision du Conseil sur la base de l'article 126(8) 41 ( * ) du TFUE (absence d'action suivie d'effet en réponse à la recommandation de corriger le déficit excessif sur la base de l'article 126(7) 42 ( * ) )

Amende

(en principe 0,2% du PIB)

Décision du Conseil sur la base de l'article 126(11) 43 ( * ) du TFUE (absence d'action effective en réponse à la mise en demeure de corriger le déficit excessif sur la base de l'article 126(9) 44 ( * ) )

Amende

(0,2% du PIB+composante variable)

Vote à la majorité qualifiée « ordinaire »

Source : d'après les textes indiqués

Les Etats en situation de déficit excessif sont donc désormais sous une « épée de Damoclès ». En effet, si le Conseil décide (à la majorité qualifiée « ordinaire ») qu'ils n'ont pas adopté d'« action suivie d'effet » pour se conformer à ses recommandations, ils se voient en principe imposer une amende de 0,2 point de PIB à la majorité qualifiée inversée.


* 36 « Pendant une période de trois ans à compter de la correction du déficit excessif, l'exigence relative au critère de la dette est considérée comme remplie si l'État membre concerné réalise des progrès suffisants vers la conformité, tels qu'évalués dans l'avis formulé par le Conseil sur son programme de stabilité ou de convergence ».

* 37 On rappelle que selon l'article 136 du TFUE, « afin de contribuer au bon fonctionnement de l'union économique et monétaire et conformément aux dispositions pertinentes des traités, le Conseil adopte (...) des mesures concernant les États membres dont la monnaie est l'euro pour (...) renforcer la coordination et la surveillance de leur discipline budgétaire (...) ».

* 38 Conformément au règlement (UE) n° 1175/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011.

* 39 « 4. Lorsqu'il est constaté, dans le cadre de la procédure visée au paragraphe 3, que les politiques économiques d'un État membre ne sont pas conformes aux grandes orientations visées au paragraphe 2 ou qu'elles risquent de compromettre le bon fonctionnement de l'Union économique et monétaire, la Commission peut adresser un avertissement à l'État membre concerné. Le Conseil, sur recommandation de la Commission, peut adresser les recommandations nécessaires à l'État membre concerné. Le Conseil, sur proposition de la Commission, peut décider de rendre publiques ses recommandations. »

* 40 « 6. Le Conseil, sur proposition de la Commission, et compte tenu des observations éventuelles de l'État membre concerné, décide, après une évaluation globale, s'il y a ou non un déficit excessif. »

* 41 « 8. Lorsque le Conseil constate qu'aucune action suivie d'effets n'a été prise en réponse à ses recommandations dans le délai prescrit, il peut rendre publiques ses recommandations. »

* 42 « 7. Lorsque le Conseil, conformément au paragraphe 6, décide qu'il y a un déficit excessif, il adopte, sans délai injustifié, sur recommandation de la Commission, les recommandations qu'il adresse à l'État membre concerné afin que celui-ci mette un terme à cette situation dans un délai donné. Sous réserve des dispositions du paragraphe 8, ces recommandations ne sont pas rendues publiques. »

* 43 « 11. Aussi longtemps qu'un État membre ne se conforme pas à une décision prise en vertu du paragraphe 9, le Conseil peut décider d'appliquer ou, le cas échéant, de renforcer une ou plusieurs des mesures suivantes : -- exiger de l'État membre concerné qu'il publie des informations supplémentaires, à préciser par le Conseil, avant d'émettre des obligations et des titres ; -- inviter la Banque européenne d'investissement à revoir sa politique de prêts à l'égard de l'État membre concerné ; -- exiger que l'État membre concerné fasse, auprès de l'Union, un dépôt ne portant pas intérêt, d'un montant approprié, jusqu'à ce que, de l'avis du Conseil, le déficit excessif ait été corrigé ; -- imposer des amendes d'un montant approprié. Le président du Conseil informe le Parlement européen des décisions prises. »

* 44 « 9. Si un État membre persiste à ne pas donner suite aux recommandations du Conseil, celui-ci

peut décider de mettre l'État membre concerné en demeure de prendre, dans un délai déterminé, des mesures visant à la réduction du déficit jugée nécessaire par le Conseil pour remédier à la situation. En pareil cas, le Conseil peut demander à l'État membre concerné de présenter des rapports selon un calendrier précis, afin de pouvoir examiner les efforts d'ajustement consentis par cet État membre. »

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