B. UNE AGGRAVATION DE LA CRISE DE LA DETTE EN 2011 DANS LA ZONE EURO

1. Une brutale perte de confiance au mois d'août
a) Un début d'année qui pouvait laisser espérer une sortie de crise

Au début de l'année 2011, les taux d'intérêt à dix ans du Portugal sur le marché secondaire étaient de l'ordre de 7 %, ceux de l'Irlande de 9 %, ceux de la Grèce de 13 %. Ceux de l'Espagne et de l'Italie étaient quant à eux de l'ordre de 5 %, et demeuraient donc soutenables, même si une tendance à la hausse était déjà perceptible.

Des avancées significatives ont alors été réalisées au premier semestre 2011 :

- premiers prêts du Fonds européen de stabilité financière (FESF) à l'Irlande et au Portugal ;

- annonce successive de deux réformes du FESF, tendant respectivement à porter sa capacité effective de prêt (avec la notation « triple A ») à 440 milliards d'euros, à autoriser ses interventions sur le marché primaire, et à réduire ses taux ; puis à lui permettre de réaliser des prêts à titre de précaution, de recapitaliser les établissements financiers par des prêts aux gouvernements et d'intervenir sur le marché secondaire.

Dans le cas de la France, la croissance de 1 % au premier trimestre rendait plus crédible l'hypothèse de croissance du Gouvernement, alors de 2 % 10 ( * ) . Le séisme au Japon et la lutte contre l'inflation dans les pays émergents ont certes réduit la croissance au deuxième trimestre, mais on pouvait attendre un rebond au second semestre.

b) Une brutale aggravation de la crise provoquée par la décision de faire faire défaut à la Grèce sans définir un cadre rassurant les marchés

Un enchaînement de mauvaises nouvelles s'est alors produit.

• Tout d'abord, les chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro ont décidé, lors de leur sommet du 21 juillet 2011, d'organiser un défaut 11 ( * ) de la Grèce (au sens des agences de notation, sinon au sens des credit-default swaps , ou CDS), impliquant des pertes pour le secteur privé (de 21 % en valeur actualisée, puis, le 26 octobre 2011, 50 % en valeur nominale).

Comme la commission des finances l'écrivait dans son rapport sur le premier projet de loi de finances rectificative pour 2011, un défaut devait « absolument être évité à court terme », afin d'éviter une déstabilisation du système bancaire européen. Ainsi, comme elle le soulignait dans son rapport 12 ( * ) du 8 septembre 2011 sur le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2011, ce défaut arrivait « trop tôt », alors qu'aucun cadre susceptible de rassurer les marchés sur les banques et les Etats n'avait été mis en place .

Le défaut grec inquiétait d'autant plus que l'Allemagne persistait à déclarer que l'intervention des divers dispositifs d'aide était conditionnée à ce que les créanciers privés des Etats concernés connaissent des pertes (ce que l'on appelle la « participation du secteur privé »). Cette position, officialisée par l'Eurogroupe le 28 novembre 2010, n'a été abandonnée que lors du sommet franco-allemand du 5 décembre 2011.

Par ailleurs, après la réunion des chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro du 26 octobre 2011, lors de laquelle il a été décidé de doter le FESF d'un « effet de levier » et de remplacer le plan d'aide à la Grèce du 21 juillet 2011 par un nouveau dispositif, le premier ministre grec a annoncé l'organisation prochaine d'un référendum en Grèce (projet ensuite abandonné), ce qui a aggravé les craintes d'un défaut incontrôlable, voire d'une sortie de la zone euro, pour la première fois évoquée publiquement par des dirigeants européens.

• Ensuite, les perspectives économiques des Etats-Unis sont apparues plus dégradées qu'on ne l'imaginait.

La note de la dette publique américaine a en outre été dégradée par Standard & Poor's le 5 août, passant de AAA à AA+.

• En conséquence de la décision de défaut grec et de la dégradation de la conjoncture aux Etats-Unis, les indices boursiers, tirés vers le bas par les valeurs bancaires, ont commencé à fléchir au début du mois d'août. Le CAC 40, alors de 3 600 points, est passé sous les 3 000 points le 11 août.

Un cercle vicieux s'est ensuite instauré, les craintes sur la solvabilité des Etats accentuant celles sur la solvabilité des banques, et réciproquement.

c) La lenteur de la mise en oeuvre des décisions prises

Les Etats de la zone euro ont été extrêmement lents à mettre en oeuvre les décisions prises, donnant l'impression que les « sommets de la dernière chance » successifs se limitaient pour l'essentiel à de simples communiqués.

La première réforme du FESF, décidée en son principe le 11 mars 2011, consistant à porter effectivement sa capacité de prêt à 440 milliards d'euros (avec la notation « triple A »), n'est entrée en vigueur - tout comme la deuxième, décidée le 21 juillet - qu'à la suite du vote du parlement slovaque le 13 octobre, soit sept mois plus tard. En particulier, l'ensemble des Etats n'ont signé l'amendement à l'accord-cadre que le 13 juillet 2011 13 ( * ) .

Le deuxième plan d'aide à la Grèce, décidé le 21 juillet 2011, et prévoyant un défaut partiel (au sens des agences de notation), ne sera jamais mis en oeuvre. Il a en effet été remplacé par celui du 26 octobre 2011, dont les modalités d'application n'ont été arrêtées par l'Eurogroupe que le 20 février 2012.

La décision, annoncée le 26 octobre 2011 par les chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro, de doter le FESF d'un effet de levier permettant de multiplier sa capacité de financement résiduelle, de l'ordre de 250 milliards d'euros, par un coefficient alors évalué à 4 ou 5, n'est toujours pas effective. Pourtant, les modalités concrètes de mise en oeuvre de ce double dispositif ont été arrêtées par le Conseil Ecofin du 30 novembre 2011, et dans son communiqué précité du 30 novembre 2011, le FESF a déclaré que ces deux dispositifs seraient opérationnels « tôt en 2012 ».


* 10 Le consensus des conjoncturistes ( Consensus Forecasts ) prévoyait toutefois en avril 2011 une croissance du PIB de seulement 1,7 % en 2011.

* 11 Ce plan s'élevait à 182 milliards d'euros jusqu'en 2021, dont 89 milliards pour le secteur public. Il prévoyait une diminution de la dette publique de 26,1 milliards d'euros et des pertes pour les banques évaluées de manière conventionnelle à environ 28,4 milliards d'euros (sur la base d'un taux d'actualisation de 9 %).

* 12 Rapport n° 787 (2010-2011) de M. Philippe Marini.

* 13 La France a signé cet amendement le 28 juin 2011.

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