2. Quelles conséquences pour la révision à la baisse des perspectives de croissance pour 2012 ?
a) Selon le Gouvernement, le solde 2011 meilleur que prévu permettrait de se contenter des mesures proposées par le présent projet de loi de finances

La prévision de croissance du Gouvernement pour 2012 associée au présent projet de loi de finances est de 0,5 % (contre une prévision de 1,75 % associée au projet de loi de finances pour 2012, ramenée à 1 % au cours de la discussion).

Le Gouvernement estime que cette moindre croissance devrait, toutes choses égales par ailleurs, accroître le déficit de 5 milliards d'euros 3 ( * ) .

Toutefois, le solde public meilleur que prévu en 2011 devrait contribuer à améliorer le solde public de 2012. Si le déficit public de 2011 était effectivement de 5,3 points de PIB (au lieu de 5,7 points de PIB), cela correspondrait à une amélioration de l'ordre de 8 milliards d'euros. Une partie de ces 8 milliards d'euros correspondrait à des phénomènes pérennes, améliorant à due concurrence la « base 2011 », et donc le solde de 2012.

Le Gouvernement ne prend actuellement en compte, sur ces 8 milliards d'euros virtuels, que 3,6 milliards d'euros , correspondant à la part de l'amélioration du solde budgétaire (concernant donc le seul Etat) de 2011 (+ 4,5 milliards d'euros par rapport aux prévisions) qu'il juge pérenne . Après prise en compte « de l'ensemble des éléments nouveaux connus depuis le vote de la loi de finances » 4 ( * ) , la répercussion de l'amélioration du solde de 2011 (par rapport à la prévision) sur celui de 2012 ne serait plus que de 3 milliards d'euros .

Il demeurerait donc 2 milliards d'euros de mesures à prendre pour compenser totalement les 5 milliards d'euros d'augmentation du déficit public résultant de la moindre croissance en 2012.

Aussi, le Gouvernement prévoit :

- d'annuler 1,2 milliard d'euros , principalement sur la réserve de précaution de 6 milliards d'euros ;

- d'instaurer une taxe sur les transactions financières ( 500 millions d'euros en 2012 5 ( * ) ) ;

- de renforcer la lutte contre la fraude fiscale ( 300 millions d'euros en 2012).

Par ailleurs, 430 millions d'euros doivent être redéployés au sein de la mission « Travail et emploi » pour financer les mesures annoncées lors du sommet pour l'emploi.

Pourquoi un nouveau « plan de rigueur » n'est pas nécessaire,
selon le Gouvernement

(en milliards d'euros)

Impact 2012

Impact de la moindre croissance

-5,0

Part de l'amélioration du solde 2011 (par rapport à la prévision) considérée comme pérenne

3,0

Mesures du présent PLFR

2,0

Dont :

Annulations de crédits

1,2

Taxe sur les transactions financières

0,5*

Lutte contre la fraude fiscale

0,3

Total

0,0

* 1,1 milliard d'euros en année pleine.

Source : d'après l'exposé des motifs du présent projet de loi

b) Une estimation plutôt optimiste

En ce début d'année, il n'est bien entendu pas possible de déterminer ce que sera la croissance, ni, a fortiori , ce que serait le solde public à politiques inchangées. Les estimations du Gouvernement semblent cependant, à ce stade, plutôt optimistes .

(1) Une certaine prudence pour l'intégration en « base » des « bonnes surprises » de 2011

• Certes, le Gouvernement fait preuve d'une certaine prudence en considérant que, sur le 0,4 point de PIB (soit 8 milliards d'euros) d'amélioration du solde public de 2011 par rapport à la prévision, seulement 3,6 milliards seraient pérennes.

Ce montant de 3,6 milliards d'euros ne prend en effet en compte que l'Etat .

Or, il semblerait on l'a vu que les organismes divers d'administration centrale (ODAC) et les administrations de sécurité sociale aient un solde 2011 meilleur que prévu, pour un montant global qui pourrait être de l'ordre de 0,2 point de PIB, soit 4 milliards d'euros . Il n'est pas impossible qu'une partie de ces 4 milliards d'euros soient pérennes , et améliorent d'autant le solde de 2012.

• Par ailleurs, le Gouvernement ne prend en compte la réduction prévisible de la charge de la dette , de 1,3 milliard d'euros , que pour 0,7 milliard d'euros , et surestime donc vraisemblablement cette dépense de 0,6 milliard d'euros.

(2) D'importants aléas à la baisse

Il existe toutefois d'importants aléas à la baisse .

• Tout d'abord, le Gouvernement retient une estimation a minima de l'impact de la moindre croissance.

Le Gouvernement considère que la révision à la baisse de la prévision de croissance pour 2012, passée de 1 % à 0,5 % (ce qui correspond à une diminution de 0,5 point), accroît le déficit public de 5 milliards d'euros, soit 0,25 point de PIB.

Cette estimation est vraisemblable. Toutefois, elle se situe plutôt dans le bas de l'intervalle des estimations que l'on peut retenir, qui se situe entre 0,25 et 0,5 point de PIB 6 ( * ) , soit entre 5 et 10 milliards d'euros.

La révision à la baisse de la prévision de croissance devrait donc se traduire par une aggravation du déficit comprise entre 5 et 10 milliards d'euros. Une estimation de, par exemple, 7,5 milliards d'euros (au lieu de 5 milliards d'euros), aurait été plus prudente . La prévision de solde pour 2012 s'en trouverait alors dégradée de 2,5 milliards d'euros par rapport au présent projet de loi de finances rectificative.

• Bien qu'il ne soit pas possible, à ce stade de l'année, de savoir ce que sera la croissance du PIB en 2012, la prévision du Gouvernement , de 0,5 %, se situe dans le « haut » de l'intervalle des prévisions .

Ce chiffre est en effet supérieur à l'estimation du consensus des conjoncturistes , de 0 % 7 ( * ) , dont les prévisions vont de - 0,8 % (UBS) à 0,7 % (BIPE).

Comme chaque année, la croissance en moyenne annuelle dépendra fortement de celle des deux premiers trimestres . En effet, l'acquis de croissance en 2012, c'est-à-dire la croissance que l'on observerait si l'activité économique stagnait chaque trimestre, est de 0,3 % . La Banque de France 8 ( * ) et le Crédit agricole 9 ( * ) prévoient, pour le premier trimestre 2012, une croissance de respectivement 0 % et - 0,1 %. Dans un scénario où la croissance serait de - 0,1 % chacun des deux premiers trimestres et nulle ensuite, la croissance ne serait que de 0,1 % .

Une croissance de 0 % en 2012 semble donc, à ce stade de l'année, aussi vraisemblable qu'une croissance de 0,5 %. Si la croissance était de 0 %, le déficit de 2012 s'en trouverait accru de 5 à 10 milliards d'euros supplémentaires.

• Enfin, comme cela est expliqué plus loin dans le présent rapport, le chiffrage à 3,6 milliards d'euros de la part des 4,5 milliards d'euros de moindre déficit de l'Etat en 2011 correspondant à des phénomènes pérennes pourrait être optimiste, de même que l'hypothèse implicite que les 1,2 milliard d'euros de crédits de paiement annulés ne devraient pas être rouverts d'ici la fin de l'année (éventuellement pour financer d'autres dépenses).

(3) Des aléas à la baisse qui semblent l'emporter sur les aléas à la hausse

Au total, les aléas à la baisse semblent l'emporter sur les aléas à la hausse :

- certes, il est possible que l'exécution 2011 conduise à revoir à la hausse le solde de 2012 pour quelques milliards d'euros, et le Gouvernement surestime vraisemblablement la charge de la dette en 2012 ;

- en sens inverse, le Gouvernement pourrait sous-évaluer l'impact de la moindre croissance d'un montant analogue ;

- par ailleurs, le chiffrage à 3,6 milliards d'euros de la part des 4,5 milliards d'euros de moindre déficit de l'Etat en 2011 correspondant à des phénomènes pérennes pourrait être légèrement optimiste, de même que l'hypothèse que les annulations nettes de crédits sur l'année seraient bien de 1,2 milliard d'euros ;

- en définitive, le facteur déterminant devrait être la croissance de 2012. Or, la prévision du Gouvernement se situe dans le haut de l'intervalle des prévisions. Une croissance de 0 % au lieu de 0,5 % dégraderait le solde public de 5 à 10 milliards d'euros.

Les principaux aléas sur le solde public de 2012

(en milliards d'euros)

Aléa à la hausse

Aléas à la baisse

Possibilité qu'une partie plus importante de l'amélioration du solde de 2011 (par rapport à la prévision) soit pérenne*

2,0

Probable surestimation de la charge de la dette en 2012

0,6

Possible surestimation de la part pérenne de l'amélioration du solde de l'Etat en 2011 + possible nécessité de réaliser des ouvertures de crédits compensant tout ou partie des 1,2 milliard d'euros annulés

-1,0

Possible sous-estimation de l'impact de la révision à la baisse de 0,5 point de la croissance de 2012

- 2,5

Croissance 2012 de 0 % au lieu de 0,5 %

- 7,5

Total

2,6

- 11,0

* Le Gouvernement considère à ce stade que sur l'amélioration attendue de 0,4 point de PIB (soit 8 milliards d'euros) de l'exécution 2011 par rapport à la prévision, seulement 3,6 milliards d'euros, concernant le seul Etat, seraient pérennes.

Source : commission des finances

Il n'est pas possible d'affirmer, à ce stade de l'année, qu'il sera nécessaire de prendre des mesures complémentaires à hauteur de 10 milliards d'euros pour tenir la trajectoire de déficit. Les chiffres ci-avant montrent en revanche qu'il faudra être vigilant au cours des prochains mois .


* 3 Cet impact se répartirait entre des moins-values de 1,8 milliard pour l'impôt sur les sociétés, 800 millions d'euros pour la TVA, 200 millions d'euros pour les recettes des collectivités territoriales et 1,8 milliard d'euros pour les recettes de la sécurité sociale. Les dépenses d'indemnisation du chômage augmenteraient quant à elles de 400 millions d'euros.

* 4 Selon les termes de l'exposé des motifs du présent projet de loi.

* 5 1,1 milliard d'euros en année pleine.

* 6 Une croissance inférieure de 0,5 point réduit le ratio dépenses/PIB d'environ 0,25 point, ce qui correspond bien à une augmentation du déficit de 5 milliards d'euros. Toutefois si l'élasticité des recettes au PIB était réduite par la moindre croissance, l'impact s'en trouverait accru.

* 7 Consensus Forecasts , 13 février 2012. L'estimation pour 2011 était alors de 1,7 %, ce qui correspond au résultat annoncé par l'Insee le 15 février 2012.

* 8 8 février 2012.

* 9 10 février 2012.

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