TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 17 octobre 2012 , sous la présidence de Mme Annie David, présidente , puis de M. Jacky Le Menn, vice-président, la commission procède à l' examen du rapport de M. Gérard Roche relatif à la proposition de loi n° 391 (2011-2012 ) tendant à élargir la contribution de solidarité pour l'autonomie aux travailleurs non salariés et aux retraités et à compenser aux départements la moitié de leurs dépenses d'allocation personnalisée d'autonomie.

M. Gérard Roche , rapporteur . - Madame la Présidente, mes chers collègues, le texte que je rapporte devant vous aujourd'hui et dont j'ai été le premier signataire il y a maintenant plusieurs mois avec les membres du groupe Union centriste et républicaine (UCR) ainsi qu'avec plusieurs de mes collègues du groupe Union pour un mouvement populaire (UMP) a un objet simple : apporter une ressource pérenne au financement de l'allocation personnalisée d'autonomie (Apa) afin d'alléger la charge croissante que fait aujourd'hui peser le financement de cette prestation sur les budgets départementaux.

Avant de vous présenter plus en détail le dispositif de la proposition de loi, je vous rappellerai quelques éléments de contexte.

L'Apa a été créée par la loi du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie en remplacement de la prestation spécifique dépendance qui avait été introduite en 1997 à l'initiative de notre Haute Assemblée. Au 31 décembre 2011, 1 199 267 personnes bénéficiaient de l'Apa pour un coût total de près de 5,3 milliards d'euros, soit près de 20 % de l'ensemble des dépenses d'aide sociale des départements.

Destinée aux personnes âgées de soixante ans et plus en situation de perte d'autonomie, l'Apa est une prestation en nature attribuée sans conditions de ressources même si son montant varie en fonction du revenu du bénéficiaire ainsi que de son degré de dépendance défini à l'aide de la grille Aggir (autonomie gérontologie groupe iso-ressources).

Environ 60 % des bénéficiaires de l'Apa perçoivent l'aide à domicile, après définition d'un plan d'aide par une équipe médico-sociale du conseil général, les 40 % restants percevant l'aide en établissement. Les plans d'aide notifiés aux bénéficiaires de l'aide à domicile sont définis dans la limite de plafonds fixés au niveau national par voie réglementaire. Cela signifie en pratique que les départements ont en charge la gestion d'une prestation dont ils ne maîtrisent pas pleinement la définition des paramètres.

Contrairement à la prestation spécifique dépendance, l'Apa ne peut faire l'objet d'une récupération sur succession. Elle est en outre ouverte aux personnes relevant des Gir 1 à 4, le Gir 1 correspondant, je le rappelle, au degré le plus sévère de dépendance, tandis que la PSD n'était versée qu'aux demandeurs classés dans les Gir 1 à 3.

Depuis sa création, le financement de l'Apa est mixte, assuré à la fois par les départements et par une contribution dite de « solidarité nationale » versée jusqu'en 2004 par le fonds de financement de l'Apa (Ffapa) et depuis cette date par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).

Le Ffapa était alimenté par deux types de ressources : une participation des régimes obligatoires de base d'assurance vieillesse égale à une fraction des dépenses d'aide ménagère que ces régimes consacraient aux personnes âgées dépendantes en 2000 ; une part de 0,1 point de CSG, précédemment affectée au fonds de solidarité vieillesse (FSV).

La loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées est venue apporter une ressource supplémentaire au financement de l'Apa, la contribution de solidarité pour l'autonomie (CSA), en même temps qu'elle créait une nouvelle structure, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), chargée de centraliser l'ensemble des financements destinés au secteur médico-social.

La CSA est elle-même composée de deux types de prélèvements au taux identique de 0,3 % : le premier est acquitté par les employeurs publics et privés sur les revenus salariaux, en contrepartie de la « journée de solidarité » ; le second prend la forme d'une contribution additionnelle de 0,3 % au prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine et les produits de placement. En 2011, le rendement de la CSA s'est élevé à 2,3 milliards d'euros.

Notons cependant que la loi encadre très fortement l'utilisation de cette ressource au sein du budget de la CNSA. Seule une fraction, limitée à 20 %, est allouée spécifiquement au financement de l'Apa. Une autre partie, 26 %, est destinée au financement de la prestation de compensation du handicap (PCH) tandis que plus de la moitié du produit de la CSA est allouée aux établissements et services accueillant des personnes âgées ou handicapées. L'année dernière, notre collègue Ronan Kerdraon, rapporteur du secteur médico-social pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2012 n'a d'ailleurs pas manqué de s'interroger dans son rapport sur l'opportunité de détourner ainsi le produit de la CSA pour le financement des soins dans les établissements médico-sociaux alors que ce type de dépense relève naturellement des régimes d'assurance maladie.

La loi prévoit également un dispositif de péréquation pour la répartition du concours de la CNSA entre les départements, fonction de quatre critères : le nombre de personnes âgées de soixante-quinze ans et plus ; le montant des dépenses d'Apa ; le potentiel fiscal ; les nombre de foyers bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) « socle » non majoré. Ce dispositif est complété par un mécanisme de correction visant à ce que le rapport entre les dépenses des départements au titre de l'Apa et leur potentiel fiscal ne puisse excéder un taux fixé par voie réglementaire, actuellement de 30 %.

En tout état de cause, l'évolution des concours du Ffapa puis de la CNSA n'a pas permis de garantir une participation équilibrée et équitable de l'Etat au financement de l'Apa. La montée en charge du dispositif a en effet été à la fois plus rapide et plus forte qu'elle n'avait été anticipée au moment du vote de la loi du 20 juillet 2001.

Pourtant, dès cette époque, notre collègue Alain Vasselle, rapporteur du projet de loi au nom de la commission des affaires sociales, pointait dans son rapport la fragilité des estimations de progression des dépenses et du dispositif de financement envisagé, estimant ce dernier « source de graves menaces pour les finances locales et les finances sociales ».

Or sur la période 2003-2009, les dépenses brutes d'Apa ont augmenté de 5,9 % en moyenne annuelle tandis que la participation du Ffapa puis de la CNSA à partir de 2004 ne progressait que de 0,9 % en moyenne par an. De ce fait, les dépenses restant à la charge des départements ont augmenté en moyenne de 8,8 % par an entre 2003 et 2009.

Dès lors, le taux de couverture des dépenses d'Apa par le Ffapa puis par la CNSA, qui était de 43 % en 2002, est descendu sous la barre des 30 % en 2010, avant de remonter très légèrement à 30,8 % en 2011. Les départements supportaient cette même année une charge nette de 3,7 milliards d'euros, un chiffre en augmentation continue depuis 2002.

Comment expliquer cette dégradation de la participation de l'Etat au financement de l'Apa ? Avant tout par le fait qu'aucune disposition législative ne permet aujourd'hui de répartir de façon satisfaisante le financement de l'Apa entre l'Etat et les départements.

Notre Haute Assemblée avait bien conscience des risques liés à une montée en charge insuffisamment contrôlée de l'Apa lorsqu'elle examinait le projet de loi créant cette prestation puisqu'elle avait adopté en première lecture un amendement du rapporteur pour avis de la commission des finances Michel Mercier, prévoyant explicitement un financement à parité de la prestation par l'Etat et les départements. Cette disposition a cependant été supprimée par l'Assemblée nationale en cours de lecture et l'idée d'un financement 50/50 est restée à l'état d'engagement informel, rapidement contredit par les faits.

Or la situation financière des départements exige aujourd'hui de parvenir à un nouvel équilibre dans le financement de l'Apa. Un premier cri d'alarme a été lancé en décembre 2010 lorsque trois propositions de loi identiques déposées par les groupes Socialiste, du Rassemblement démocratique et social européen (RDSE) et Communiste, républicain et citoyen (CRC), relatives à la compensation des allocations individuelles de solidarité versées par les départements, ont été examinées au Sénat. Ces textes, qui visaient à ce que l'Etat compense intégralement le coût supporté par les départements au titre du RSA et de la PCH et à 90 % celui résultant de l'Apa, a cependant été rejeté par la Haute Assemblée. En juin 2011, le Conseil constitutionnel, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité par les départements de Seine-Saint-Denis et de l'Hérault, a jugé que le mécanisme de compensation financière prévu pour le financement de l'Apa ne portait pas atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales. Il a cependant émis deux réserves d'interprétation appelant les pouvoirs publics à prendre leurs responsabilités dans le cas où les concours apportés par la CNSA et les mécanismes de péréquation entre départements ne permettraient plus d'assurer le respect du ratio de 30 % entre leurs charges nettes et leur potentiel fiscal. Cette décision du Conseil constitutionnel ouvre à mon sens la voie à une évolution législative destinée à sécuriser le financement de l'Apa telle que celle que je vous propose aujourd'hui.

J'en viens donc maintenant au dispositif de la proposition de loi.

Son article 1 er étend l'assiette de la CSA aux revenus des travailleurs indépendants ainsi qu'aux pensions de retraite afin de les soumettre, tout comme les revenus salariaux, à une contribution de 0,3 %. Certains m'objecteront que le prélèvement pesant actuellement sur les revenus salariaux ne vient pas obérer le pouvoir d'achat des salariés dans la mesure où il est acquitté par les employeurs en contrepartie d'une journée de travail supplémentaire non rémunérée effectuée par les salariés. Mais s'il n'y a pas perte de pouvoir d'achat pour les salariés, ces derniers participent bien à l'effort de solidarité nationale en acceptant de travailler gratuitement une journée supplémentaire.

Obliger les travailleurs indépendants et les retraités à effectuer une journée de travail non rémunérée n'aurait bien évidemment aucun sens. Est-ce une raison pour les dispenser de toute forme de participation à l'effort de solidarité nationale envers les personnes âgées dépendantes ? Je ne le crois pas et mon avis rejoint celui d'une personne concernée au premier chef par l'article 1 er de la proposition de loi puisqu'il s'agit du président du Régime social des indépendants (RSI). Lors de son audition, ce dernier m'a en effet officiellement déclaré qu'il soutenait le dispositif de la proposition de loi, nonobstant l'effort substantiel de près d'un milliard d'euros qui est déjà demandé aux travailleurs indépendants sur leurs cotisations maladie dans le PLFSS pour 2013. Je tiens à saluer avec force cette position responsable et courageuse, traduction d'une prise de conscience de l'effort de solidarité que nous devons tous consentir envers nos aînés.

Il est vrai que le président de la Confédération française des retraités, avec qui j'ai également souhaité échanger sur le texte, s'est montré moins enthousiaste sur la proposition de loi. Selon lui, une telle contribution ferait peser une charge discriminatoire sur les retraités, alors même que ces personnes ne sont pas les nantis ou les privilégiés en matière de cotisations sociales que l'on se plairait parfois trop facilement à décrire. C'est oublier que, dans l'esprit du texte, les pensions les plus modestes ne seront pas soumises à la contribution.

C'est également refuser d'effectuer un calcul très simple. Prenons l'exemple d'un retraité gagnant 1 000 euros par mois, sachant que le montant moyen des pensions de retraite s'établit aujourd'hui à 1 216 euros par personne. Acquitter la CSA représentera pour lui un effort de 36 euros par an. S'il a un niveau de dépendance Gir 4, le montant de l'Apa mensuelle, une fois acquitté le ticket modérateur, s'élève au maximum à environ 550 euros par mois. Cela signifie que le paiement de la CSA représentera pour lui chaque année un peu plus de 6 % de l'aide mensuelle dont il bénéficie au titre de l'Apa. S'agit-il réellement d'un effort démesuré alors même que l'enjeu essentiel est de maintenir la capacité des départements à continuer de verser cette prestation dont nous savons qu'elle a permis de reculer considérablement l'âge moyen d'entrée en établissement pour les personnes âgées dépendantes ?

L'article 3 de la proposition de loi affecte l'ensemble de la contribution nouvellement créée à la section II du budget de la CNSA, c'est-à-dire au financement de l'Apa. D'après les chiffrages que nous avons pu recueillir, le produit de cette ressource supplémentaire serait compris entre 884 et 910 millions d'euros : 700 millions d'euros seraient recueillis auprès des personnes retraitées, entre 166 et 180 millions d'euros auprès des travailleurs indépendants non agricoles et de 18 à 30 millions d'euros auprès des travailleurs indépendants agricoles. Un tel montant permettra de rapprocher fortement de la barre des 50 % le taux de couverture des dépenses d'Apa par la CNSA.

La proposition de loi que je vous présente aujourd'hui est bien évidemment imparfaite. Outre la nécessité de lui apporter des améliorations rédactionnelles, il serait souhaitable, dans un souci d'équité, d'étendre son article 1 er aux travailleurs indépendants agricoles, ce qui n'est pas prévu pour le moment.

La rédaction adoptée à l'article 1 er pour élargir l'assiette de la CSA aux retraités est en outre trop imprécise. Il conviendrait de l'améliorer en excluant explicitement les retraités les plus modestes du paiement de la contribution.

L'article 2 effectue une coordination avec les dispositions du code du travail relatives à la journée de solidarité qui n'est pas nécessaire. Il faudrait donc le supprimer.

D'autres améliorations rédactionnelles doivent être apportées à l'article 3. En particulier l'article L. 14-10-5 du code de l'action sociale et des familles, que modifie l'article 3, dispose jusqu'à présent que la part de CSA destinée aux personnes handicapées doit représenter 40 % de l'ensemble du produit de la contribution. La proposition de loi élargit l'assiette de la CSA en affectant entièrement la recette nouvellement créée aux personnes âgées. Il conviendrait donc de ramener cette part à 30 %.

Je vous l'ai dit au début de mon intervention, la proposition de loi que je présente devant vous aujourd'hui a été enregistrée à la présidence du Sénat il y a maintenant plusieurs mois, le 21 février 2012. Le hasard du calendrier parlementaire veut qu'elle soit inscrite à l'ordre du jour quelques semaines à peine avant l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013.

Or, l'article 16 de ce texte crée une contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie sur les pensions de retraite, c'est-à-dire un dispositif exactement équivalent à ce que propose le texte que nous examinons aujourd'hui pour les retraités. Sans doute faudrait-il se réjouir de cette convergence de vue. Il convient cependant de noter que la ressource nouvellement créée connaîtra une montée en charge progressive avec un taux de 0,15 % en 2013 et de 0,30 % les années suivantes et sera affectée dans un premier temps au fonds de solidarité vieillesse (FSV) avant d'être mise en réserve à partir de 2014 au sein d'une nouvelle section du budget de la CNSA « au profit de l'amélioration de la prise en charge de la perte d'autonomie ».

Le Gouvernement y voit là une façon de prouver dès à présent sa volonté de mobiliser les ressources nécessaires au financement de la réforme de la dépendance, certes promise et attendue, mais dont le calendrier demeure encore incertain. Je reste personnellement perplexe quant à l'option choisie. Pourquoi mettre ces recettes nouvelles en réserve alors même qu'elles pourraient trouver une utilité évidente dès à présent ? Les départements ne peuvent pas attendre 2014 ou 2015 pour obtenir un hypothétique rééquilibrage du financement de l'Apa. Ils ont besoin dès à présent que l'Etat s'engage à leurs côtés et de façon équitable dans le financement de la perte d'autonomie.

Je suis cependant conscient que ce « télescopage » entre la proposition de loi et l'article 16 du PLFSS pour 2013 risque de singulièrement compliquer l'examen du texte. Il me semble malgré tout important de vous le présenter dans sa forme initiale et non réduite aux seuls travailleurs indépendants.

L'ambition de cette proposition de loi est nécessairement limitée et il ne s'agit en aucun cas d'empiéter sur les mesures qui pourraient être envisagées dans le cadre de la future réforme de la dépendance dont nous savons tous qu'elle nécessitera une réflexion bien plus large et approfondie. Mais ce texte forme un tout cohérent, qui présente à mon sens trois avantages principaux.

Il apporte une réponse pragmatique et immédiate à un problème simple et précis : la difficulté dans laquelle se trouvent un nombre croissant de départements pour assurer le financement de l'Apa.

Il permet de dépasser les mesures d'urgence mises en oeuvre depuis 2010 pour soutenir les départements les plus en difficulté en leur allouant une ressource pérenne.

Enfin, il contribue à faire participer de façon plus équitable les Français à l'effort de solidarité nationale envers nos aînés dépendants.

Sans anticiper sur notre débat et compte tenu des échos que j'ai pu recueillir auprès des différents groupes, je pense qu'il serait sage de ne pas adopter aujourd'hui un texte de la commission.

Conformément à l'accord politique passé entre les présidents de groupe du Sénat pour l'examen des propositions de loi émanant des groupes d'opposition ou minoritaires, je propose que la commission laisse aller en séance la proposition de loi initiale. C'est à ce moment-là que je vous soumettrai les amendements permettant d'apporter au texte les améliorations que j'ai brièvement évoquées dans mon intervention.

Cela ne doit cependant pas nous empêcher de débattre sur la proposition de loi et je m'empresse de laisser la parole à tous les commissaires qui souhaiteront s'exprimer.

Je vous remercie.

Mme Annie David , présidente. - Merci. Rien ne s'oppose à ce qu'un texte émanant d'un groupe politique de l'opposition, examiné en commission, arrive en séance publique. Ceci permet aux auteurs de la proposition de loi de s'exprimer, le texte subissant ensuite le sort qui doit être le sien.

M. Alain Néri . - Je salue l'initiative de Gérard Roche, qui soulève un vrai problème et nécessite une véritable réflexion. Nous avons été nombreux, dans nos conseils généraux, à attirer l'attention sur ce point.

Je voudrais rendre hommage à Paulette Guinchard-Kunstler, créatrice de l'Apa. Elle a vraiment mis en place un dispositif qui a apporté beaucoup d'améliorations à la situation des personnes âgées en perte d'autonomie. Depuis la mise en place de l'Apa, on s'est d'ailleurs aperçu que le maintien à domicile a connu des progrès remarquables. Il y a pratiquement, depuis la mise en place de l'Apa, une dizaine d'années de maintien à domicile supplémentaires. Les gens qui entraient autrefois en maison de retraite à 75-76 ans y entrent aujourd'hui à 85-86 ans, ce qui me paraît un progrès significatif !

Ce texte doit nous permettre d'affiner notre réflexion sur le problème fondamental de la prise en charge de la dépendance.

Durant la précédente législature, le Président de la République et le Gouvernement s'étaient engagés à tenir un large débat sur la dépendance qui n'a pas eu lieu. Pour ma part, je le regrette !

La dépendance est un véritable problème de société qui frappe toute la population à des degrés divers et qui impose un devoir de solidarité nationale ; on ne doit en aucun cas recourir à des sociétés d'assurance privées, qui mettraient en cause la solidarité nationale. Il en va donc de l'égalité de traitement entre ceux qui peuvent subvenir à leurs besoins et ceux qui ne sont pas en mesure de le faire.

Cette solidarité nationale doit être assurée par l'Etat, ainsi que cela figure au Journal officiel des débats, qui fait jurisprudence et qui précise bien que cette prise en charge doit atteindre 50 %. Il faut donc partir de cette réflexion.

Le fait que la proposition de loi de Gérard Roche risque de se télescoper avec le PLFSS pose question. Il serait intéressant que le texte dont nous allons débattre débouche sur la présentation d'amendements en séance publique, lors du débat sur le PLFSS. Je soutiens en particulier la proposition d'affecter dès cette année le montant de 0,15 % directement à la CNSA, dans un souci de clarté et de compréhension.

Sans vouloir contredire la pratique de notre assemblée, notre collègue Gérard Roche pourrait peut-être retirer sa proposition de loi afin que nous nous recentrions tous sur les amendements en séance publique !

Mme Annie David , présidente. - Hier, à une question posée par Christiane Demontès, rapporteur de la branche vieillesse, qui lui faisait remarquer qu'en 2013, la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (Casa) alimenterait le FSV et non la CNSA, Mme Marisol Touraine a répondu qu'elle considérerait avec bienveillance tout amendement parlementaire visant à modifier cette situation. Peut-être y aura-t-il des amendements parlementaires en ce sens. Je pense qu'il y en aura au moins un de M. Roche...

M. Alain Néri . - J'en déposerai également un !

M. Jean-Noël Cardoux . - Je partage l'analyse de notre collègue quant à l'efficacité de l'Apa et à son impact sur le maintien à domicile des personnes les plus âgées mais je ne suis, en revanche, pas d'accord sur certains autres points.

Le cri d'alarme du président du conseil général de la Haute-Loire est, je le pense, partagé par tous les présidents de conseils généraux. Je suis moi-même président de la commission des affaires sociales du conseil général du Loiret. N'oublions pas non plus que, même si la montée en charge de la PCH est moins rapide qu'envisagée à une certaine époque, le fossé se comble, les attributaires ayant préféré conserver l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP). Dans quelque temps, toutefois, on aura des taux de couverture de la PCH comparables à ceux de l'Apa. Le problème reste donc entier.

A l'origine - et je pense que cela a été l'erreur de ce texte -, la philosophie de cette journée de solidarité visait à considérer le lundi de Pentecôte comme un jour férié travaillé en faveur des plus anciens, suite à la vague de chaleur qui a entraîné beaucoup de morts dans notre pays. Face à la réticence des syndicats et des salariés, on a transformé peu à peu cette journée de solidarité en une cotisation supplémentaire de 0,3 % à la charge des employeurs qui, dans leur grande majorité, s'en acquittent.

Etendre cette mesure aux travailleurs indépendants, aux professions libérales ou aux agriculteurs me paraît constituer une simple justice sociale. Il n'y a pas de raison qu'une seule catégorie d'employeurs soit concernée ! Rappelons toutefois que cette proposition ne rapportera que 120 ou 130 millions - d'après le rapporteur -, l'essentiel provenant de la contribution sur les retraites également prévue par l'article 16 du PLFSS.

Contrairement à ce qu'a dit M. Néri, un débat extrêmement approfondi a bien eu lieu. A l'époque, Mme Montchamp s'était rendue dans la plupart des régions de France. J'avais moi-même participé à un débat à Blois. Un certain nombre de propositions avaient été faites ; elles devraient sinon être suivies, du moins être exploitées.

Je sais bien que nous ne serons jamais d'accord sur un éventuel financement privé mais il faut néanmoins mener une réflexion en ce sens, en assortissant cette mesure d'un recours sur succession, par exemple, qui n'existe pas actuellement. Si on laisse tout à la solidarité nationale, les personnes les plus aisées arriveront à se prémunir volontairement et à trouver une place dans des établissements haut de gamme lorsqu'elles seront dépendantes, les moins aisées bénéficiant d'un accueil de pauvres - pardonnez le terme. Contrairement à ce que chacun souhaite, on aura alors des hébergements à deux vitesses ! Il faut en être conscient et y réfléchir...

D'autres pistes avaient été envisagées, comme l'extension de la CSA aux professions non salariées. Cette suggestion a été reprise par le rapporteur. On avait également évoqué une seconde journée de solidarité, réelle celle-là, alors que les salariés peuvent aujourd'hui abandonner une journée au titre de la réduction du temps de travail (RTT), ce qui rapporterait environ 3 milliards d'euros supplémentaires.

La proposition de Gérard Roche va dans le bon sens mais, hier, Mme Marisol Touraine nous a affirmé qu'un texte sur le financement de la dépendance n'interviendrait pas avant la première moitié du quinquennat, soit dans deux ans et demi. Les conseils généraux vont donc continuer à souffrir et devront peut-être même totalement arrêter d'investir. M. Jeannerot a traduit hier ces charges supplémentaires en collèges.

Je souhaite que le débat qui suivra cette proposition de loi, au Sénat, contribue à accélérer la cadence afin de trouver, comme l'a dit le rapporteur, des solutions pérennes en faveur des personnes âgées. Ceci rassurera également les conseils généraux et les encouragera à poursuivre leur politique d'investissements qui, rappelons-le, dans la période de crise actuelle, constitue un moteur essentiel pour l'économie de chaque département, en particulier dans le domaine du bâtiment !

M. Dominique Watrin . - Le fait que l'on discute de cette proposition de loi offre au moins un intérêt, celui de poursuivre le débat. Je pense que celui-ci a bien été ouvert mais qu'il a été trop vite refermé. Il est urgent de le reprendre globalement.

On a fait l'éloge de l'Apa. Je partage l'idée que celle-ci constitue un progrès considérable mais qu'elle atteint aujourd'hui un certain nombre de limites. Dans mon département, par exemple, le montant de l'Apa diminue du fait des plafonds et des restes à charge des bénéficiaires, qui ont été considérablement augmentés par le décret Raffarin de 2003 - sans parler des restes à charge des personnes hébergées dans des établissements médicalisés, insupportables pour le citoyen lambda.

La proposition de loi a aussi le mérite de pointer les problèmes financiers spécifiques des départements. Parmi les collectivités territoriales, ce sont en effet les départements qui souffrent le plus des politiques menées ces dernières années et notamment de la suppression de la taxe professionnelle.

Le groupe CRC n'a pas changé de position depuis 2004. Nous étions déjà contre la mise en place de cette contribution dite de solidarité car nous pensons que les besoins de santé, y compris ceux liés à la perte d'autonomie, doivent être pris en charge par la sécurité sociale !

Le fait qu'on propose ici d'étendre cette contribution aux retraités et à certaines professions indépendantes, toutes ne semblant pas concernées par ce texte, ne rend pas le dispositif plus juste. Le mécanisme d'une journée de travail gratuite nous paraît injuste en soi car il élude la question du financement solidaire mettant tous les revenus à contribution, y compris les revenus financiers des entreprises. Le financement solidaire doit inciter au développement d'une politique favorable en matière d'emploi, de salaires et de formation au sein des entreprises, facteurs créateurs de richesses et de ressources pour la sécurité sociale.

J'ai bien noté qu'un amendement - qui n'était initialement pas prévu - serait présenté en séance au sujet des exploitants agricoles mais qu'en est-il des auto-entrepreneurs et des professions libérales non inscrites au RSI pour la branche maladie ? Nous pensons particulièrement aux médecins non conventionnés qui ne semblent pas assujettis à cette contribution...

Concernant la mesure prévue par l'article 16 du PLFSS, mon groupe ne considère pas que les retraités soient des nantis. Un débat doit véritablement avoir lieu sur ce sujet. La taxation à 0,15 % puis à 0,30 % va toucher 8 millions de retraités, qui gagnent en moyenne entre 1 100 et 1 200 euros par mois.

J'ai bien entendu le Premier président de la Cour des comptes dire ici même que les retraités étaient plus favorisés que les actifs. Je crois qu'il n'est pas allé au bout des comparaisons. Par exemple, le coût des mutuelles n'est pas au même niveau pour un retraité et pour un salarié ! Quant à l'affirmation selon laquelle il existe plus de propriétaires parmi les retraités que parmi les autres catégories de la population, tout le monde connaît les difficultés de nombre d'entre eux pour financer le chauffage, les impôts locaux et l'entretien de leur patrimoine. Cette cible ne me paraît donc pas devoir être privilégiée pour assurer le financement de la dépendance. Ce débat doit être traité globalement, en tenant compte de toutes les dimensions du problème.

Cela étant, je ne veux pas sous-estimer les difficultés financières des départements ni les besoins de financement des collectivités territoriales. Un chiffre pour illustrer ma proposition de mettre à contribution les actifs financiers des entreprises : taxer à 0,15 % les 5 000 milliards d'euros d'actifs financiers des entreprises rapporteraient 7,5 milliards d'euros, soit un peu plus que la part des trois allocations de solidarité à la charge des départements, ceux-ci ayant dépensé 6,4 milliards d'euros en 2011 pour le RSA, la PCH et l'Apa ! Voici donc une autre piste...

M. Marc Laménie . - Je m'associe à tout ce qui a été dit et félicite Gérard Roche. Je suis également conseiller général des Ardennes, département parmi les plus sinistrés. Mes collègues ont mis en évidence les charges importantes qui augmentent pour nos collectivités locales.

Ce texte a le mérite d'avancer des solutions mais quelle sera la position du Conseil constitutionnel à l'égard de cette proposition de loi ? La dépendance représente pour les départements des coûts de fonctionnement non négligeables mais aussi des emplois de service dans le maintien à domicile ou les établissements sociaux. D'un autre côté, les capacités d'investissement des conseils généraux sont de plus en plus limitées en matière de bâtiments et de travaux publics, secteur dont le marché connaît de fortes tensions. Il faut donc essayer de trouver un compromis - mais c'est fort difficile...

M. Georges Labazée . - J'apprends beaucoup depuis un an que je siège au Sénat. Le fait que ce dossier revienne devant la commission est une excellente chose.

Le Président de la République recevant les présidents de conseils généraux lundi prochain, l'Association des départements de France (ADF) a convoqué, hier après-midi, un bureau exceptionnel. Il convenait d'arriver à se mettre d'accord sur un texte. Chacun a estimé que les préoccupations devaient prioritairement porter sur le problème de la dépendance et des finances des départements, en particulier la dépense sociale. Les approches peuvent être différentes selon les sensibilités mais le but reste le même.

La question centrale évoquée par mes collègues ce matin a été de savoir si ces allocations de solidarité relèvent de l'effort départemental ou de la solidarité nationale. Cela représente des sommes telles qu'on n'est pas prêt de résoudre la situation ! Il n'empêche que c'est sans doute la question de fond...

Le problème évoqué ici depuis des mois sera très officiellement repris lors de la rencontre de lundi prochain. Le premier point qui sera abordé concernera la manière d'assumer les solidarités sociales et territoriales. Un des engagements consiste à mettre en place un fonds spécifique de 170 millions d'euros, reprenant les 150 millions d'euros accordés l'année dernière, majorés de 20 %, afin de soutenir le financement des missions de solidarité. Le second point porte sur la définition du cadre dans lequel l'Etat et les départements doivent travailler pour mettre en place un dispositif pérenne à partir de 2013, de façon à régler ce problème.

Les présidents de conseils généraux ont eu hier une réaction de recul lorsqu'a été évoquée la possibilité de transférer l'allocation adulte handicapé (AAH) aux départements, ne voulant pas renouveler l'expérience de l'Apa. Je l'ai fait savoir en aparté à la ministre, qui m'a dit avoir envoyé un ballon d'essai : le ballon est vite redescendu !

Les amendements au PLFSS déposés par Gérard Bapt, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général à l'Assemblée nationale, visent à porter le taux de la Casa de 0,15 % à 0,30 %, dès 2013, avec un départ au 1 er avril afin de lisser le dispositif. Un autre amendement vise à affecter à la CNSA le produit de la contribution additionnelle dès 2013. Beaucoup de choses vont donc se passer d'ici notre séance plénière de la semaine prochaine.

M. René-Paul Savary . - Selon l'ADF, ce sont 6 milliards d'euros de compensation qui manquent aux départements pour la PCH, l'Apa et le RSA. Cela devient insupportable ! En cumul, ce sont 22 milliards d'euros qui manquent au budget des départements ! Ceux-ci n'en peuvent plus ! Nos amis politiques, en leur temps, n'ont pas compris qu'il fallait s'appuyer sur les départements pour jouer la carte de la solidarité nationale à travers ces prestations, mais également la carte de la solidarité territoriale.

Pour parer à cet état de fait, nous prélevons sur nos capacités d'autofinancement et nous n'investissons plus. Si l'on veut de la relance, il existe un levier très simple : il suffit de donner un signe aux départements, même si ce n'est qu'un milliard sur les 6. Ce milliard, qui correspond à des subventions, va générer au moins 5 à 10 milliards d'investissements.

En affectant la Casa à la compensation de l'Apa, nous améliorerions le financement de la dépendance tout en soutenant la relance ! Qu'on le fasse grâce à la proposition de loi de Gérard Roche ou par le biais du PLFSS importe peu. Sans un signe aux départements - c'est ce que nous allons dire lundi prochain au Président de la République - les collectivités vont sombrer. Ma collectivité, qui est gérée au plus près et qui n'est pas pauvre, sans signe fort, sera en faillite dans deux ans - et ce n'est pas un cas unique !

M. Claude Jeannerot . - Je partage l'essentiel des interventions de mes collègues. En outre, Georges Labazée nous a apporté des informations importantes que certains d'entre nous ignoraient.

Je voudrais néanmoins saluer ici l'initiative de notre collègue Gérard Roche, qui tente d'apporter une solution et dont le discours, quels que soient les régimes en place, n'a jamais varié de ce point de vue. Cela mérite d'être souligné.

Je voudrais également m'associer à l'hommage rendu à l'initiatrice de cette disposition, Paulette Guinchard-Kunstler, élue de mon département dont je connais l'engagement sur ce terrain.

Le grand mérite de l'initiative de Gérard Roche est d'attirer l'attention du Gouvernement sur la situation dramatique et urgente des départements. Il qualifie lui-même sa réponse de pragmatique. Je la crois quelque peu empirique et d'une certaine manière partielle. Je pense qu'il convient aujourd'hui de demander au Gouvernement une réponse sur le champ de la dépendance, sous l'angle de l'Apa, qui soit pérenne pour les départements mais aussi globale et qui apparaît urgente.

Je partage également ce qu'a dit hier Mme Delaunay. Il faut donc trouver la bonne ressource. Il me semble que nos concitoyens, malgré la difficulté des temps, comprennent qu'il y a lieu de financer la prise en charge de la dépendance, reconnue comme une priorité et une nécessité. C'est pourquoi j'appelle de mes voeux cette réponse pérenne, globale et urgente.

M. Jean-François Husson . - Je me joins à toutes les observations qui ont été faites et remercie Gérard Roche pour son initiative.

Je pense que nous sommes là dans un débat de société. J'ai entendu prononcer les mots de « solidarité nationale » et de « solidarité sociale ». On parle souvent, dans la perspective de l'acte III de la décentralisation, d'évaluation et d'expérimentation. Il faut avoir la lucidité de dire qu'en matière d'Apa ou de PCH, la décentralisation n'apporte rien de plus, si ce n'est qu'elle a mis en exergue une problématique qui n'avait pas été prise en compte lors de la création de la sécurité sociale en 1946. Le véritable enjeu, me semble-t-il, est de se demander si l'Etat est prêt à créer une cinquième branche de la sécurité sociale.

Dans cette hypothèse, une part reviendra au privé et aux complémentaires, comme en matière d'assurance maladie. C'est sur cet aspect que nous devons travailler. La décentralisation n'apporte rien. Il faut dire à l'Etat que nous nous sommes trompés et rediscuter. On nous donne dix-huit mois ; le débat a déjà eu lieu et nos concitoyens sont aujourd'hui dans cet état d'esprit. A l'Etat de jouer son rôle ! Je pense que le nôtre est plutôt de porter ce débat et non de nous abriter derrière un dispositif où ni la droite, ni la gauche, depuis 2001, n'ont jamais rien gagné, favorisant en outre le jeu des extrêmes.

Mme Catherine Procaccia . - Je remercie M. Labazée de nous avoir apporté des informations, d'autant que la proposition de loi va tomber de façon très opportune.

Ce texte m'a laissée très dubitative - mes collègues le savent - quant au fait d'accroître encore les charges de populations qui ne roulent déjà pas sur l'or, mais le rapporteur nous apprend que le président du RSI a déclaré qu'il soutenait la proposition de loi. Cela m'amène à modifier ma position, d'autant que je suis aussi conseiller général et que dans mon département, les dépenses d'aide sociale explosent. Il faut donc faire quelque chose sans attendre, un certain nombre de départements risquant à terme de ne plus être en mesure de financer l'Apa.

Notre collègue Gérard Roche va présenter des amendements. Il serait dommage de ne pas aller plus loin.

Par ailleurs, je trouve choquant de soutenir l'idée qu'un salarié ne serait pas capable de donner sept heures de travail à la solidarité nationale !

Je suivrai donc l'avis de Gérard Roche, nos débats m'amenant à une vision beaucoup plus positive de cette proposition de loi.

M. Guy Fischer . - J'ai entendu les présidents de conseils généraux ; le problème est évident. Dominique Watrin a fort bien formulé nos positions sur le fonds.

Pour ma part, ce qui me préoccupe avant tout - je l'ai constaté au cours de ma vie de conseiller général -, reste la montée des restes à charge et ce dans beaucoup de domaines. On sollicite de plus en plus les familles ; certes, il est naturel que l'on fasse des efforts pour ses parents, mais la réforme de l'Apa doit nous faire réfléchir. D'une manière générale, les restes à charge sont de plus en plus importants.

M. Jacky Le Menn . - Je remercie Gérard Roche de son excellent travail. Suite à ce qu'a dit notre collègue Alain Néri, je rappelle que beaucoup de choses ont été écrites sur la question de la dépendance. Quatre grandes commissions ont abondamment alimenté le débat national. Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a également rédigé un rapport, sans compter les rapports parlementaires, comme le rapport Rosso-Debord, qui préconisait de faire disparaître le groupe de ressources Gir 4, solution qui n'avait pas été retenue par le rapport d'Alain Vasselle, ancien rapporteur général. Le Gir 4 comporte 70 % des bénéficiaires de l'Apa.

Toutes les solutions ont été étudiées. Tout est sur la table. Il suffisait, en fonction des sensibilités politiques, de présenter soit un projet de loi, soit une proposition de loi. C'est à ce moment que la proposition de loi de Gérard Roche aurait dû être déposée. On aurait eu le temps de la discuter. On se trouve aujourd'hui devant des départements en difficulté, dont on voyait bien monter la situation, et l'on voit également qu'au-delà des personnes âgées, la perte d'autonomie concerne aussi les personnes handicapées.

On comprend la réaction des départements lorsque l'Etat leur propose de prendre l'AAH à leur charge. Chat échaudé craignant l'eau froide, ceux-ci sont en effet quelque peu réticents...

Il faut donc, comme le disait notre collègue René-Paul Savary, ainsi que d'autres, donner des signes clairs. Cela peut se faire à travers cette proposition de loi ; elle arrive un peu tard et aurait dû être discutée lorsque vous étiez aux responsabilités, mes chers collègues. S'il doit y avoir des torts, ils seront partagés !

Cela peut aussi se faire dans le cadre du PLFSS. C'est la stratégie qui semble se dessiner, des amendements pouvant être présentés pour donner satisfaction à des départements qui en ont bien besoin, leur situation financière étant, pour des raisons multiples, fort difficile.

Comme le rappelait notre collègue Jean-François Husson, il s'agit d'un grand débat de société. Celui-ci a déjà eu lieu entre des partenaires multiples, syndicaux, patronaux, associatifs, départementaux. Il faut maintenant trancher. La nouvelle majorité prend, semble-t-il, une autre orientation mais avec la même volonté d'assurer un financement le plus équitable possible, afin de faire en sorte qu'aucune personne âgée dépendante ne soit laissée sur le bord du chemin pour des raisons financières.

Nous allons en rediscuter dans le cadre du PLFSS. Faut-il le faire un an avant ou un an après ? On a déjà perdu beaucoup de temps ! Nous insisterons donc pour qu'on aille le plus vite possible. On a déjà tous les éléments en mains. Il s'agit de faire des choix clairs. Peut-être va-t-on encore passer quelques mois à tergiverser - terme que je prends à mon compte - mais il va bien falloir trancher.

Nous le redirons en séance. Je pense que le Gouvernement en est parfaitement conscient. Des réponses vont être apportées, des signes seront donnés aux départements. Dans le cas contraire, je pense que des amendements, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, tenteront d'accélérer le processus.

- Présidence de M. Jacky Le Menn, vice-président -

M. Louis Pinton . - Notre collègue Claude Jeannerot affirme que la proposition de loi de Gérard Roche a pour but d'attirer l'attention sur les difficultés des départements. Néanmoins, je crois savoir qu'au plus haut niveau de l'Etat et de l'exécutif national, certaines personnes ont exercé la fonction de président de conseil général et sont donc parfaitement au fait de la situation.

En second lieu, je me fais l'interprète de Gérard Longuet, qui votera cette proposition de loi et se déclare favorable au recours sur succession, tout comme moi. J'ai tenu cette ligne dans mon département depuis le début. La majorité des présidents d'associations, initialement d'accord, s'est ensuite, par faiblesse, montrée plus réticente mais je considère que l'on peut organiser sa moindre participation en cas d'exonération sur les droits de succession, suivant qu'il s'agit de retraites par capitalisation ou par répartition.

Enfin, notre commission serait bien inspirée d'élever Gérard Roche au titre de conseiller auprès du ministre, sa proposition de loi étant quasiment intégralement reprise par celui-ci dans le PLFSS ! Nous serons là pour aider le rapporteur, puisqu'il est notre porte-voix !

M. Gérard Roche , rapporteur . - Je suis heureux de constater le nombre de questions que cette proposition de loi a suscitées. Cela prouve que le sujet n'est pas anodin et qu'il méritait une tribune dans notre Haute Assemblée.

Tout d'abord, cette proposition est portée par le groupe de l'union centriste mais René-Paul Savary m'a accompagné dans toutes les auditions et a énormément travaillé sur l'élaboration de ce texte. Je voulais l'en remercier particulièrement.

Par ailleurs, M. Néri a souligné que la mise en place de l'Apa est une bonne mesure. En effet, la moyenne d'âge d'entrée en établissements est passée de soixante-quinze à quatre-vingt-cinq ans dans les départements ruraux où les gens sont isolés. Cependant, les établissements, dans l'avenir, ne seront plus des maisons de retraites classiques mais de véritables hôpitaux, destinés à accompagner dignement les derniers jours de la vie. Il faut donc les adapter à cette nouvelle mission. Or, le problème vient du reste à payer à la charge des familles. Là est le véritable défi. Actuellement, l'investissement pèse sur les résidents à travers le forfait d'hébergement. On réalise des piscines et des gymnases sur les fonds publics et on laisse les personnes âgées hébergées en maison de retraite payer seules le taudis dans lequel elles vivent. C'est insupportable !

Le forfait dépendance vient en déduction du reste à payer pour les familles soit, dans mon département, 45 % de l'Apa. C'est le second bénéfice de cette loi.

M. Néri considère qu'il faudrait retirer la proposition de loi. Non, car ce sera une tribune pour poser le problème !

Une enveloppe de 170 millions d'euros est proposée pour venir en aide aux départements. Si nous retirons les retraités du champ de la proposition de loi, les 200 millions d'euros par an provenant des travailleurs indépendants ne seront pas à négliger.

L'article 16 du PLFSS prévoit de créer une troisième section à la CNSA. Mais il n'y a aucune perméabilité entre les sections. Cette année, la CNSA dégage 300 millions d'euros d'excédents. Pourtant, elle a drastiquement réduit les aides à l'investissement allouées aux départements. Ce sont des choses qu'il conviendra de faire savoir !

Jean-Noël Cardoux et Catherine Procaccia ont évoqué leurs réticences à l'extension de la CSA. Je connais les arguments des travailleurs indépendants. Comment admettre que l'on demande un effort de solidarité aux salariés sans que le médecin, l'avocat, le notaire, le boucher ne soient assujettis ? C'est indéfendable ! Il faut que tout le monde participe ! Certains travailleurs indépendants connaissent, il est vrai, des difficultés mais une contribution de 0,3 % de leur revenu demeure toute symbolique.

Les syndicats se sont fortement opposés à la mise en place de la CSA, en particulier la CGT, estimant injuste que seuls les salariés acquittent cette contribution. Quel gouvernement reviendra sur la CSA, qui représente 2,5 milliards d'euros de recettes ? Aucun ! Je m'adresse ici aux membres du groupe CRC : en élargissant la CSA aux retraités et aux non-salariés, nous proposons de réparer cette injustice !

M. Guy Fischer . - Nous allons y réfléchir !

M. Gérard Roche , rapporteur. - En réponse à Jean-François Husson, j'estime que la décentralisation est une bonne chose. Toutefois, lorsque l'on décentralise les missions, il faut également décentraliser les moyens. Or, il y a toujours eu discordance entre les deux !

Conformément à l'accord politique passé entre les présidents de groupe pour ce qui concerne l'examen des textes inscrits à l'ordre du jour du Sénat sur proposition d'un groupe d'opposition ou minoritaire, la commission a décidé de ne pas adopter le texte de cette proposition de loi, afin qu'elle soit débattue, en séance publique, dans la rédaction initiale voulue par ses auteurs.

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