ARTICLE 28 ter (nouveau) : Octroi de la garantie de l'Etat aux emprunts de l'Union des Entreprises et des Salariés pour le Logement (UESL) auprès de la Caisse des dépôts

Commentaire : le présent article autorise le ministre chargé de l'économie à accorder la garantie de l'Etat aux emprunts contractés en 2013, 2014 et 2015 par l'UESL auprès du fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations.

I. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A. LE CONTEXTE ET LES ENGAGEMENTS RESPECTIFS DE L'ETAT ET DE L'UESL

L'UESL, société anonyme à capital variable à conseil de surveillance et directoire, est chargée, au sein d'Action logement (anciennement « 1 % Logement »), de représenter les intérêts communs de ses associés collecteurs - les comités interprofessionnels du logement (CIL) et les chambres de commerce et d'industrie (CCI) - et de mettre en oeuvre les politiques nationales d'emploi des fonds d'Action logement.

A ce titre, elle a conclu le 12 novembre 2012 avec l'Etat, représenté par la ministre de l'égalité des territoires et du logement, une lettre d'engagement mutuel fixant le cadre d'une participation exceptionnelle d'Action Logement à la politique du logement pour les années 2013, 2014 et 2015 , en cohérence avec les orientations du Gouvernement et celles retenues par les partenaires sociaux dans l'accord national interprofessionnel du 18 avril 2012.

Les engagements pris par chacun des signataires sont détaillés ci-dessous.

Engagements réciproques de l'Etat et d'UESL-Action Logement (novembre 2012)

Etat

Action logement

1. Revoir le dispositif législatif encadrant Action Logement pour en accroître l'efficacité et renforcer le rôle de tête de réseau de l'UESL. En particulier, modifier dès 2013 le mode de fixation des emplois des fonds issus de la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC) pour revenir à un mode contractuel de gestion entre l'Etat et les partenaires sociaux

1. Optimiser les ressources financières d'Action Logement en faveur du logement des salariés, en visant un montant annuel en 2013 de 4,2 Md€, correspondant à 1,6 Md€ de collecte, à 1,6 Md€ de retour de prêts et à 1 Md€ d'emprunt contracté auprès des fonds d'épargne

2. Ouvrir à Action Logement l'accès aux ressources du fonds d'épargne gérés par la Caisse des dépôts et consignations, à hauteur de 1 milliard d'euros par an sur les trois prochaines années, ces ressources devant concourir à l'atteinte de l'objectif de production de 150 000 logements sociaux par an

2. À l'aide de ces ressources, financer chaque année les emplois suivants sur la période triennale 2013-2015 :

- 1,5 Md€ par an en faveur du logement locatif social, représentant 950 millions d'euros par an d'équivalent subvention ;

- 1,2 Md€ par an pour financer les politiques publiques du logement (ANRU et FNAL) ;

- 1,3 Md€ par an pour les dispositifs de mobilité et de sécurisation, pour le développement de l'accession très sociale des salariés pour la production d'une offre en meublés-colocation destinés prioritairement aux jeunes salariés ;

- 200 M€ par an pour financer l'association Foncière logement, qui réalise des opérations de diversification de l'habitat dans les quartiers en rénovation urbaine.

3. Fixer la contribution de la PEEC aux politiques de l'Etat pour 2013, 2014 et 2015 à 1,2 Mds€, en vue de financer le programme national de rénovation urbaine pour un montant minimum de 800 M€ et exceptionnellement les aides personnelles au logement pour un montant maximum de 400 M€. Ce prélèvement sera réduit à partir de 2016 pour garantir la soutenabilité du modèle financier d'Action logement.

3. Renforcer les liens d'Action Logement avec les territoires : en concertant avec les collectivités locales, en lien avec les services de l'Etat, en vue d'une contractualisation territorialisée des objectifs; en mobilisant activement l'ensemble du réseau des CIL et de leurs filiales sur les objectifs définis dans la présente lettre d'engagement.

Source : UESL

En outre, l'Etat et l'UESL-Action Logement sont convenus de faire un point sur l'avancement de la mise en oeuvre de la présente lettre d'engagement dans un délai maximum de six mois suivant sa signature et d'engager dans un délai de deux mois un dialogue pour garantir la soutenabilité du modèle financier de l'UESL.

B. LES DISPOSITIONS DE MISE EN oeUVRE DES ENGAGEMENTS

L'article 30 du projet de loi de finances pour 2013 a mis en oeuvre une des mesures de la lettre d'engagement, en prévoyant un prélèvement exceptionnel de 400 millions d'euros par an , pour les années 2013, 2014 et 2015, sur les versements des employeurs au titre de la participation à l'effort de construction (PEEC).

On notera toutefois que les nouveaux décrets fixant les enveloppes minimales et maximales des emplois de la PEEC pour les mêmes années, qui constituaient le second volet du troisième engagement de l'Etat, n'ont toujours pas été rendus publics 394 ( * ) .

Le présent article, adopté à l' initiative du Gouvernement , s'inscrit dans la ligne du deuxième engagement du Gouvernement consistant à permettre à l'UESL d'accéder aux ressources du fonds d'épargne dans la limite de 1 milliard d'euros par an sur la période 2013-2015.

En l'espèce, le présent article prévoit que la garantie de l'Etat est accordée à ces emprunts par le ministre de l'économie et qu'elle l'est à titre gratuit.

Il répond ainsi à l'obligation fixée par l'article 34 (5° du II) de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), qui dispose que la loi de finances « autorise l'octroi des garanties de l'Etat et fixe leur régime » . L'encadrement juridique de la loi organique reste assez lâche et laisse une importante marge de manoeuvre pour écrire le régime des garanties 395 ( * ) .

Le présent article précise également que les emprunts garantis sont affectés au financement de la construction, la réhabilitation et l'acquisition de logements sociaux .

Ce nouveau mécanisme de financement du logement locatif social et de la rénovation urbaine est rendu possible par les dispositions de l'article L. 313-3 du code de la construction et de l'habitation créé par la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion (n° 2009-323 du 25 mars 2009).

Cet article prévoit que les emprunts contractés par l'UESL font, en effet, partie des ressources mobilisables au profit des emplois de la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC) tels qu'ils sont définis par période triennale « par un document de programmation établi pour une durée de trois ans par les ministres chargés du logement et du budget après concertation avec les représentants des organisations syndicales et patronales membres de l'Union d'économie sociale du logement ».

Le dispositif voté précise, enfin, les modalités de suivi du remboursement des emprunts et de la capacité de l'UESL à y faire face.

Il prévoit à cet égard que l'UESL présente chaque année un plan financier pluriannuel aux ministres chargés de l'économie, du budget et du logement et qu'au vu de ce plan, les ministres peuvent faire appel aux associés collecteurs dont ils fixeront le montant des contributions.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le présent article, à l'économie générale duquel votre rapporteur général est favorable, appelle plusieurs observations.

La première concerne la validité du montage proposé - très « original » mais pas vraiment orthodoxe - au regard de la sincérité des comptes. Il aboutit, en effet, à un double mouvement de débudgétisation et de report de la dette dans le hors-bilan , puisque l'on fait emprunter un organisme extérieur avec la garantie de l'Etat, pour que celui-ci se substitue à l'Etat dans le subventionnement de politiques publiques (logement locatif social, Anru, aides personnelles au logement).

La seconde interrogation porte sur le caractère obligatoire de la garantie des emprunts faits sur le fonds d'épargne. Selon le Gouvernement « la sécurisation du fonds d'épargne et les règles prudentielles qui lui sont applicables impliquent que les prêts accordés sur les ressources de l'épargne réglementée bénéficient d'une garantie publique ». Mais l'article L. 221-7 du code monétaire et financier précise que « Les emplois du fonds d'épargne sont fixés par le ministre chargé de l'économie. » Et ce recours systématique à une garantie ne relève pas d'un texte mais bien d'une « pratique » , comme le confirment des réponses récentes à des questions écrites : « La pratique actuelle est que tout prêt sur fonds d'épargne au logement social et à la politique de la ville doit faire l'objet d'une garantie couvrant 100 % du montant prêté. Dans la mesure du possible, une garantie publique doit être privilégiée. En particulier, le fonds d'épargne fait ses meilleurs efforts pour obtenir une garantie apportée par une collectivité territoriale ou par un regroupement exclusivement constitué de collectivités territoriales. Cette pratique est nécessaire, notamment pour les raisons suivantes : le fonds d'épargne gère et prête les sommes collectées et centralisées par les banques au titre du livret A, du livret de développement durable et du livret d'épargne populaire. Il ne serait pas concevable de prêter l'épargne des Français à des organismes sans exiger la sécurité d'une garantie en contrepartie ; les opérations immobilières de logement social ou d'aménagement urbain ont une forte composante territoriale et s'inscrivent dans les politiques voulues par les collectivités locales, c'est pourquoi il semble normal de demander à celles-ci de contribuer à la garantie des fonds mobilisés ; les prêts sur fonds d'épargne sont accordés dans les mêmes conditions de taux, quelle que soit la qualité de signature de l'emprunteur. Une telle égalité de traitement exige que les risques pris lors de l'octroi d'un prêt soient garantis par une contrepartie extérieure . » 396 ( * )

La troisième question porte sur le pouvoir donné, par le présent article, aux ministres concernés de faire appel aux associés collecteurs pour rembourser des emprunts en lieu et place de l'UESL qui serait défaillant. Il convient de rappeler, à cet égard, que les Comités Interprofessionnels du Logement (CIL) sont des associations régies par la loi 1901, gérées de façon paritaire par les partenaires sociaux, dont l'objet statutaire exclusif est la collecte et l'utilisation de la participation des employeurs à l'effort de construction.

Interrogé par votre rapporteur général, le Gouvernement a donné la réponse suivante :

« L'article L.313-19 du code de la construction et de l'habitation dispose que l'UESL « 3° Assure la mise en oeuvre des politiques nationales d'emploi des ressources issues de la participation des employeurs à l'effort de construction, dans les conditions définies à l'article L. 313-3, par les associés collecteurs ou par elle à partir de ressources appelées auprès des associés collecteurs » et que pour cette mission l'UESL élabore des recommandations qui « s'imposent aux associés collecteurs ». De fait, l'UESL définit chaque année des mesures de cadrage financier dans lesquelles elle fixe les montants versés par chaque organisme collecteur. L'article L. 313-3 du code de la construction et de l'habitation prévoyant la possibilité pour l'UESL de contracter des emprunts, le remboursement de ces emprunts constitue donc un emploi de la PEEC pour lequel l'UESL a le pouvoir d'appeler des contributions des associés collecteurs. L'objet du b) du III de l'article de garantie en PLFR est de permettre aux ministres de tutelle, dans le cas où le remboursement serait compromis, de se substituer à l'UESL dans la fixation de ces contributions . »

Le Sénat s'était exprimé très fortement, en 2009, lorsque le processus des enveloppes triennales avait succédé au conventionnement, pour que le Parlement soit tenu informé, préalablement à la décision, sur les « ponctions » effectuées sur le 1 %. Il avait alors obtenu deux avancées qui figurent à l'article L. 313-3 du code de la construction et de l'habitation :

« Ce document de programmation (qui fixe les enveloppes pour 3 ans) ainsi que les prévisions de crédits correspondantes sont transmis au Parlement lors du dépôt des projets de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques . Les enveloppes minimales et maximales consacrées annuellement à chaque emploi ou catégorie d'emplois sont fixées pour une durée de trois ans par décret pris après concertation avec les représentants des organisations syndicales et patronales membres de l'Union d'économie sociale du logement. Le Parlement est saisi des répartitions annuelles lors du dépôt des projets de loi de finances . »

Il serait dès lors, normal de prévoir une information du Parlement par la voie de la communication du plan financier pluriannuel que doit présenter tous les ans l'UESL. C'est l'objet de l' amendement que vous présente votre commission.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.


* 394 Restent donc en vigueur à ce jour, le décret n° 2012-352 du 12 mars 2012 relatif aux emplois de la participation des employeurs à l'effort de construction pris pour l'application de l'article L. 313-3 du code de la construction et de l'habitation et le décret n° 2012-353 du 12 mars 2012 relatif aux enveloppes minimales et maximales des emplois de la participation des employeurs à l'effort de construction pour les années 2012 à 2014.

* 395 Le Conseil constitutionnel a censuré une disposition de la loi de finances rectificative pour 2008 au motif qu'en renvoyant la fixation du plafond d'une garantie de l'Etat à un acte administratif « sans évaluer cette charge ou en limiter le montant » l'autorisation donnée au ministre de l'économie méconnaissait le 5° du II de l'article 34 de la LOLF (DC, n° 2008-574 du 29 décembre 2008).

* 396 Réponse publiée au JO le 08/02/2011 page 1266.

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