II. EXAMEN DU RAPPORT

Au cours de sa réunion du mercredi 6 février 2013, la commission a examiné le rapport et le texte de la commission sur le projet de loi n° 260 (2012-2013) portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports (procédure accélérée engagée).

Mme Laurence Rossignol , présidente. - Je voudrais excuser le président Vall, sévèrement grippé. Nous examinons le projet de loi portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports.

M. Roland Ries , rapporteur. - Comme l'a souligné devant nous Frédéric Cuvillier, le projet de loi portant « diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports » comporte, dans ses vingt-cinq articles, des mesures « diverses », mais qui n'en sont pas moins importantes.

C'est vrai pour la majoration des tarifs du transport routier prévue à l'article 7 pour accompagner l'écotaxe poids lourds. C'est vrai, encore, pour l'application des conditions sociales de travail françaises sur les navires effectuant des services dans les eaux territoriales nationales : le Gouvernement va aux limites « eurocompatibles » de ce qu'il lui est possible de faire pour protéger les marins français et l'emploi maritime dans son ensemble.

Ces « diverses dispositions », également, apportent des solutions pratiques à des problèmes identifiés de longue date et qui trouvent parfois leur source dans le génie administratif consistant - trop souvent - à compliquer la gestion des choses. Incohérences ou contradictions entre les textes, applications incomplètes, transpositions imparfaites, procédures brillant par leur complexité, tel est le bréviaire trop commun des tracasseries qu'il faut régulièrement lever, par des textes eux-mêmes peu digestes mais fort utiles en pratique.

Dans leur ensemble, les mesures présentées ici servent l'objectif général de rendre nos transports plus « propres » et plus efficaces, au service de la transition écologique de notre économie. Je les présenterai par grand thème et dans l'ordre des articles.

Les mesures relatives au ferroviaire, soit les articles 1 er à 4, sont techniques et n'empiètent pas sur la grande réforme annoncée pour la fin du premier semestre. Elles précisent les textes pour mieux protéger le domaine public ferroviaire, assurer plus de transparence des comptes de la SNCF et faciliter la coopération transfrontalière en matière de transport de voyageurs. Je vous proposerai de les adopter conformes, en y ajoutant un amendement accentuant la transparence des comptes de la SNCF sur les lignes ferroviaires régionales.

Les mesures relatives aux transports routiers concernent les articles 5 à 12. L'article 5 prévoit le reclassement dans la voirie départementale et communale de 250 kilomètres de courtes sections de routes nationales, contre compensation financière.

La mesure principale est le mécanisme de majoration des prix du transport lié à l'écotaxe poids lourds. Engagement du Grenelle de l'environnement, l'écotaxe a été adoptée dans la loi de finances pour 2009, mais son mécanisme a été revu à plusieurs reprises, à l'occasion des lois de finances pour 2011 et pour 2013.

Comme Francis Grignon l'a rappelé lors de l'audition du ministre, l'idée d'une taxe poids lourds est d'abord venue d'Alsace, région qui a subi les reports de poids lourds liés à l'instauration d'une taxe kilométrique en Allemagne. Pour cette raison on a envisagé, par la suite, qu'une « expérimentation » alsacienne devrait précéder la mise en place de la taxe sur l'ensemble du territoire national.

La collecte de ces deux taxes - alsacienne et nationale - a fait l'objet d'un partenariat public privé remporté par le prestataire Ecomouv', non sans quelques péripéties juridiques qui ont fait perdre du temps. L'écotaxe devrait être opérationnelle le 20 juillet 2013 et la taxe alsacienne seulement trois mois avant, le 20 avril. Dans ce cadre, il n'est plus possible de considérer cette taxe alsacienne comme une expérimentation préalable à la taxe nationale, d'autant plus que leurs assiettes diffèrent. La taxe alsacienne ne concerne que les poids lourds de plus de douze tonnes, à l'instar de la taxe kilométrique allemande, alors que la taxe nationale concernera les poids lourds de plus de 3,5 tonnes. La taxe alsacienne ne se justifie plus et elle porte atteinte à l'égalité de nos territoires. Je suis donc plutôt favorable à son abrogation. Son maintien mettrait en difficulté les transporteurs bien au-delà du périmètre alsacien, puisqu'il les obligerait à équiper, par anticipation, tout leur parc, dans la mesure où ils ne savent pas toujours à l'avance lesquels de leurs véhicules traverseront la région Alsace pendant les trois mois où cette taxe sera en vigueur.

L'article 7 aborde le sujet de la prise en compte de cette écotaxe dans le tarif des transports, question d'autant plus aiguë que son entrée en vigueur est imminente. Il s'agit d'un engagement du Grenelle : l'écotaxe ne doit pas se faire au détriment des transporteurs routiers. L'application du principe de « l'utilisateur-payeur », permet de peser le moins possible sur l'équilibre économique déjà fragile du transport routier de marchandises. Les modalités de ce mécanisme de répercussion ont été précisées par le précédent Gouvernement dans un décret publié le 6 mai 2012 - date ô combien symbolique...

Ce décret a fait l'unanimité contre lui. Véritable « usine à gaz », le dispositif crée une surcharge administrative sans précédent et difficile à assumer pour les entreprises de transport, alors que 82 % d'entre elles ont moins de dix salariés ! Ensuite, il rend plus incertains les tarifs du transport, ce qui est une gêne pour les chargeurs. Les transporteurs ont, pour leur part, regretté que leurs frais de gestion liés à la taxe ne soient pas pris en compte.

Rejeté par tous, le décret a fait l'objet d'un recours devant le Conseil d'État. Le mécanisme de majoration forfaitaire automatique, instauré par cet article, a pour objet de le remplacer. Certes, ce dispositif comporte des limites. Il ne répercute pas directement, au réel, la taxe payée par le transporteur pour un transport de marchandises en particulier : figurant dans le dispositif antérieur, cette mesure est impossible à mettre en oeuvre dans les faits.

La majoration forfaitaire est, au fond, la seule modalité d'application qui « tient la route » : elle est simple et lisible, puisque la majoration s'applique à tous les tarifs de transport a priori ; elle est complète, puisqu'elle prend en compte les frais de gestion de l'écotaxe et, surtout, elle est directement opérationnelle. J'ai entendu les craintes des déménageurs, des grossistes, et encore des coopératives, si importantes pour l'activité dans les territoires ruraux. Une nouvelle taxe n'est jamais une bonne nouvelle pour celui qui la paie, mais il convient de ramener les choses à leur juste proportion. Je vous proposerai que le Gouvernement remette au Parlement un rapport détaillé sur les effets de ce dispositif, d'ici la fin 2014.

Ce texte, ensuite, comporte trois articles sur le transport fluvial, qui répondent, là encore, à ce génie « complicateur » de la codification, en réparant par exemple un oubli en matière de droit de ports pour le Port autonome de Paris. L'article 12 renouvelle la procédure de déplacement d'office des bateaux et autres engins flottants dont le stationnement compromet la sécurité ou gêne l'exercice de la navigation sur les voies d'eau. Ce sera très utile pour régler le problème des épaves fluviales et autres engins « ventouses », qui sont souvent habités. Je fais confiance au gestionnaire de la voie d'eau pour utiliser les nouvelles procédures à bon escient, dans l'intérêt de la voie d'eau et de ses usagers, y compris de ceux qui ont fait le choix d'habiter sur l'eau. De mauvaises habitudes ont été prises ici et là, à la faveur d'une certaine impunité. La voie d'eau doit servir davantage au transport, et être mieux valorisée. Je vous proposerai cependant deux amendements précisant que les frais de garde du bateau déplacé sont bien à la charge de son propriétaire.

Les neuf articles consacrés aux transports maritimes portent des réformes importantes. L'article 15 renouvelle les moyens d'actions envers les navires abandonnés, en accélérant la déchéance de propriété et en identifiant clairement les responsabilités et la répartition des charges entre autorités publiques. Chaque année, des navires retenus à quai, pour des motifs de sécurité ou économiques, sont abandonnés par leurs propriétaires, véritables « voyous des mers », souvent avec leur équipage et des arriérés de salaires. Les autorités locales sont confrontées à un véritable casse-tête ; le navire à quai se détériore jusqu'à devenir une source de pollution, un problème pour la vie de tous les jours. L'immobilisation représente un coût, la vente du navire pour démantèlement s'annonce parfois déficitaire, on ne sait pas bien qui doit payer : quand plusieurs centaines de milliers d'euros sont en jeu et que les responsabilités s'entrecroisent entre l'État et les collectivités locales, l'action publique devient elle-même une source de retard. A Brest, par exemple, un navire poubelle est à quai depuis quatre ans... L'article 15 précise utilement les responsabilités ; ces nouvelles règles sont très attendues dans les ports maritimes : je vous proposerai de les adopter sans modification.

Deuxième réforme attendue : l'application des grands principes de notre droit social aux navires qui viennent travailler dans nos eaux intérieures et territoriales. Le droit social applicable aux navires battant pavillon étranger relève d'une casuistique complexe, selon leur espèce, selon leur taille et selon le service maritime qu'ils effectuent, en particulier dans le cas du cabotage, selon que celui-ci est continental, national ou encore dit « avec les îles ». L'Europe y a consacré deux règlements, la France plusieurs lois et un décret important en 1999, la jurisprudence européenne et nationale est abondante. Les États européens ont libéralisé le transport maritime en 1986. En 1992, ils ont traité à part le cas du cabotage avec les îles, c'est-à-dire les ferries, mais, faute d'harmonisation sociale et d'un «pavillon européen », des conditions de concurrence parfaitement déloyales s'exercent, au profit de navires battant le pavillon d'États de l'Union européenne qui jouent sur l'ambiguïté, sinon l'ambivalence, des règles européennes. La matière ne nous est pas inconnue : souvenons-nous de la « directive Services », dite « Bolkestein », et du succès que « le plombier polonais » a eu dans l'opinion... La question est plus radicale, car le droit maritime est bien plus libéral et difficile à contrôler que le droit social sur le territoire national.

Nous avons déjà évoqué ce sujet lorsqu'Evelyne Didier nous a présenté, en novembre dernier, une proposition de loi de son groupe sur le cabotage maritime.

Avec l'article 23, le Gouvernement va aussi loin que les règles européennes l'y autorisent, pour protéger l'emploi marin français. Ces mesures sont attendues par les marins : « les conditions de l'État d'accueil », c'est-à-dire les règles sociales et de sécurité que la France peut imposer aux navires des pavillons étrangers, sont étendues à tout le personnel navigant, et pas seulement aux membres de l'équipage, c'est un progrès évident pour la compétitivité des services délivrés à bord. Ensuite, et c'est audacieux, l'article 23 impose ces règles à tous les navires « utilisés pour fournir dans les eaux territoriales ou intérieures françaises des prestations de services ». D'après le ministère, cette notion très large de « services » englobe le remorquage, le lamanage, les travaux portuaires, les travaux publics en mer, comme l'installation d'éoliennes, l'extraction de matériaux et, d'une manière générale, toutes les activités à caractère commercial. Les navires qui rendent un service de façon tout à fait occasionnelle seront-ils concernés ? J'interrogerai plus précisément le ministre sur ce point, mais je me félicite d'ores et déjà de ces progrès importants.

En complément, avec l'article 20, le Gouvernement renforce les outils de contrôle, avec une nouvelle enquête nautique de nature administrative, plus facile à mobiliser que l'enquête judiciaire, et avec des amendes plus élevées.

Enfin, ce texte vise le transport aérien par un article de précision qui sécurise juridiquement les vols d'hélicoptères au dessus des villes pour leurs missions de secours et d'urgence, c'est bienvenu.

Ces mesures renforcent l'efficacité de nos transports. Nous poursuivons le travail de longue haleine entrepris depuis le Grenelle de l'environnement pour faire changer nos modes de transports ; nous aménageons les modalités de l'écotaxe poids lourds pour qu'elle pèse le moins possible sur les transporteurs eux-mêmes ; nous prenons des mesures très attendues dans nos ports maritimes. Je vous proposerai d'adopter ce texte utile, ainsi que quelques amendements, la plupart de pure forme.

M. Michel Teston . - Je suis, comme le rapporteur, favorable à l'adoption de ce texte. L'article 1 er précise utilement que parmi les missions confiées par Réseau Ferré de France (RFF) à la Direction de la circulation ferroviaire seules les missions relatives à la gestion opérationnelle du trafic, et non les études techniques, seront obligatoirement subdéléguées pour des raisons de sécurité. La lutte contre les infractions du rail sera renforcée, avec l'élargissement des catégories d'agents assermentés pouvant intervenir. Les vols de cuivre représentent un coût de 30 millions par an et sont source de nombreux accidents.

Monsieur le rapporteur, serait-il possible d'obtenir la liste exhaustive des « délaissés routiers » que l'État a prévu de transférer aux communes ? Nous avons tous en mémoire la hausse des charges pour les collectivités qu'a entraînée le transfert de plusieurs milliers de kilomètres par le gouvernement Raffarin en 2004. Mais Frédéric Cuvillier a précisé que l'objectif ici est différent, les délaissés ne présentant pas d'intérêt pour la circulation. Je veux bien le croire, mais il nous faudrait cette liste exhaustive.

Concernant la mise en oeuvre de l'écotaxe poids lourds, le dispositif proposé est plus simple que celui présenté par le précédent gouvernement. Il importe de le soutenir, en dépit des difficultés, car les enjeux sont le financement de l'intermodalité et la rationalisation des transports sur de courtes et moyennes distances.

Mme Odette Herviaux . - Ce texte constitue une réforme significative, notamment en matière de transport maritime. L'article 15 donne les moyens d'agir contre les navires abandonnés, qui deviennent dangereux, dont les collectivités doivent parfois prendre en charge l'équipage, sans parler de l'atteinte que portent à l'image des ports ces bateaux rouillés. Le texte comporte également des mesures précises de lutte contre les marées noires.

L'administration maritime, peu nombreuse, au champ de compétences large mais pas toujours reconnues, devait voir ses missions préservées et élargies. L'article 18 va dans ce sens.

Nous avions réfléchi, à l'initiative d'Evelyne Didier, sur le cabotage maritime. A Lorient, nul ne sait quel est le régime des personnels employés sur les deux barges hollandaises qui pompent la vase. Avec ce texte, le droit social français s'appliquera aux personnes employées dans les eaux territoriales.

M. Vincent Capo-Canellas . - Ce texte d'apparence technique se présente sous de bons auspices. Comme Roland Ries, je redoute le génie français de la complexité, qui s'étend parfois à des mesures de simplification !

Pourquoi déclasser d'office des routes maintenant ? Dispose-t-on d'une étude d'impact ? Quelle est la position des collectivités territoriales ? Où est la liste des délaissés ?

Concernant la taxe poids lourds, le rapporteur souhaite abroger l'expérimentation alsacienne. A-t-il un amendement ?

S'agissant de l'écotaxe, une évolution était indispensable ; sans doute son caractère forfaitaire est-il un mal nécessaire. Le problème des transporteurs est réglé, pas celui des autres professions. Comment y parvenir ?

Sur le cabotage fluvial la filiation avec la proposition de loi de Mme Didier est manifeste. Le rapporteur indique que l'article 23 va aussi loin que l'Union européenne le permet, mais estime « audacieux » d'élargir la règle à tous les navires. Existe-t-il donc un risque juridique d'élargir le dispositif à tous les navires qui effectuent une prestation de services ? Ce texte est-il euro-compatible ? Dispose-t-on d'une étude d'impact ?

Mme Évelyne Didier . - Ce texte met enfin en oeuvre la taxe poids lourds ; fort bien, mais il nous faudra être attentifs aux reports sur les autres axes routiers.

J'avais déjà émis des réserves sur Ecomouv' ; veillons à ce que cette société ne bénéficie pas de revenus disproportionnés.

Pour les délaissés, il est nécessaire que les élus disposent de la liste des tronçons concernés afin de savoir ce qui les attend.

Enfin, sur le transport maritime, je me réjouis de voir aboutir des mesures figurant dans la proposition de loi que j'avais retirée.

Nous voterons ce texte.

M. Jean-Jacques Filleul . - Globalement, ce texte est utile et important. L'article 3 résulte d'une obligation de se conformer à la directive n° 91-440. J'espère qu'il ne contrariera pas la nouvelle organisation du secteur ferroviaire que souhaite mettre en place le ministre. Il était nécessaire de protéger le domaine public ferroviaire : on note parfois des blocages sur les lignes TGV.

L'écotaxe repose sur l'application du principe utilisateur-payeur, principe excellent. Mais qui paiera lorsqu'un transporteur recourt à un affréteur pour éviter un retour à vide des camions ?

Les autoroutes bénéficieront de ressources supplémentaires grâce aux reports de trafic ; comment s'effectuera le partage de cette manne ?

M. Louis Nègre . - Le secteur routier traverse une période difficile avec une diminution des marchandises transportées, une forte concurrence européenne et une faible profitabilité. Pour autant faut-il supprimer la taxe poids lourds ? Non. Elle a des effets positifs dans d'autres pays : elle soutient le transfert modal et alimente le financement de l'AFITF. En Allemagne elle rapporte plusieurs milliards. Avec une entrée en vigueur le 20 juillet, elle ne rapportera que quelques centaines de millions et son impact sur les infrastructures sera plus faible. Mais les entreprises avaient réagi à son annonce. Le mode de calcul était complexe, il fallait le simplifier. De plus il semble que le transfert frappera les donneurs d'ordre, non les transporteurs, épargnant les entreprises du secteur.

Le déclassement ? Oui, mais soyons vigilants aux risques de transferts. La taxe poids lourds devra, d'ailleurs, s'accompagner non seulement d'une évaluation annuelle, mais aussi d'un suivi fin des flux de circulation. L'Alsace a été affectée quand l'Allemagne a créé sa taxe. Veillons à éviter les effets d'aubaine et les transferts de flux vers des secteurs fragiles.

En matière de transport maritime et fluvial, les pouvoirs de la puissance publique ont été accrus pour réduire les risques pour l'environnement. Mais n'en restons pas à des effets d'annonce. N'ayons aucun état d'âme à lutter contre les voyous des mers : les anglo-saxons sont plus sévères que nous ! Les dispositions de l'article 15 autorisant les pouvoirs publics à intervenir sur les navires, sont les bienvenues, de même que le pouvoir donné au capitaine de consigner une personne. La France applique une convention de l'Organisation maritime internationale de 1976 qui est beaucoup moins protectrice pour les victimes. Le regroupement des dispositions sur la responsabilité du propriétaire, est facteur de simplification et d'amélioration.

L'article 23 pose les garanties d'une concurrence équitable entre sociétés. Le dumping existe, c'est un fait. Je suis favorable à la concurrence, à condition qu'elle soit loyale.

Je proposerai un amendement à l'article 2 afin que toutes les collectivités, et non seulement les régions, puissent adhérer à un groupement européen de coopération territoriale ayant pour objet d'exercer une mission de service public de transport, prévue à l'article L. 1211-4 du code des transports. De même mon second amendement supprime la référence exclusive à la SNCF au troisième alinéa. Grâce à la concurrence en Allemagne, les autorités de transports paient 20 à 30 % de moins, ce qui est bénéfique aux deniers publics et aux voyageurs. J'en appelle à une concurrence ouverte dans un cadre maîtrisé ; allons dans le sens de l'histoire. De grâce, n'en revenons pas au XXème siècle !

M. Alain Fouché . - Michel Teston a parlé des transferts de compétences non suivis de transferts de financement : je suis dans la vie politique depuis la décentralisation, et je n'ai jamais vu que cela fonctionnait autrement...

Il serait bon, comme de nombreux sénateurs l'ont demandé ici même, que nous ayons rapidement la liste des délaissés routiers concernés par ce texte. L'État ne saurait se débarrasser des routes dont il ne veut plus sans en informer les collectivités à qui il en transfère la gestion.

M. Charles Revet . - Ce rapport traite de points essentiels mais passe rapidement sur d'autres qui ne le sont pas moins, par exemple sur la compétence limitée du commandant d'un navire naviguant sur la Seine, qui ne peut exercer dans l'estuaire d'un grand port maritime.

Nous reviendrons sur l'article 7 et l'écotaxe lorsque nous débattrons des transports de proximité. L'article 23 est tout aussi important. Il ne s'agit pas que de « diverses dispositions ».

Je suis élu du Pas-de-Calais, département qui connaît le plus gros trafic maritime au monde, avec les risques que cela comporte : marées noires, accidents, navires poubelles. Notre législation les prend insuffisamment en compte, alors que la France a les côtes les plus exposées du monde au trafic maritime.

M. Francis Grignon . - En matière ferroviaire, Roland Ries a annoncé plus de transparence : j'attends de voir l'amendement en question. C'est un sujet majeur.

Le 4 e paquet ferroviaire maintiendra certainement la date de 2019 pour introduire la concurrence dans le marché des trains intérieurs (TER et TET) - concurrence qui existe déjà pour les trains internationaux. Pour ce faire, il va falloir abroger un article de l'acte dit loi promulgué sous le régime de Vichy, selon lequel le ministre des transports définit par décret les conditions de travail à la SNCF. Cela va poser de nombreux problèmes, notamment pour négocier une convention collective de branche qui puisse s'harmoniser avec ce qui se pratique ailleurs. Il faudra ensuite renouveler les contrats de plan État-régions ; sans compter que la préparation des opérateurs privés prendra une à deux années... La concurrence va s'imposer à nous : anticipons-la si nous voulons conserver un opérateur français de rang mondial.

Je n'ai pas compris toutes les subtilités de la taxe poids lourds. L'article 7 ne traite pas de son principe, mais bien de ses modalités d'application. Figurez-vous que ce sont les transporteurs étrangers qui justifient l'instauration d'un système satellitaire qui coûte les yeux de la tête. En effet, les services du gouvernement ont calculé ce que devrait rapporter une taxe sur les axes concernés, pour finalement simplifier le mécanisme en y assujettissant les entreprises en fonction de leur chiffre d'affaires. Elles seront donc taxées même si elles n'empruntent pas les axes taxés, à un taux moyen de 4,4 %, mais variable selon les régions : 6,5 % en Alsace, 3 % en région parisienne.

M. Roland Ries , rapporteur. - Ce n'est pas tout à fait exact ; j'y reviendrai.

M. Francis Grignon . - Par conséquent, report ou pas sur d'autres axes, les transporteurs français paieront la même chose. Les portiques ne sont pas conçus pour faire payer les gens, mais pour vérifier la présence des appareils de détection dans les camions. Si les transporteurs étrangers, imposés au nombre de kilomètres parcourus, se reportent effectivement, eux, sur les petits axes, les collectivités territoriales auront toujours la possibilité chaque année de redéfinir les axes payants.

Dans ma région, 80 % des transports se font dans un rayon inférieur à 150 km. Si l'on exonère de la taxe les transports effectués sous ce seuil, on se prive de 80% des recettes potentielles. Le coût de transport représente 2,5 % du prix global des marchandises. Le taux moyen national de la taxe est de 4,4 %, ce qui fait 0,1 % du prix acquitté par le consommateur. Je me suis livré à un petit calcul : pour un camion de 25 tonnes qui transporte 25 000 bouteilles de bière sur 200 km, le trajet coûterait 350 euros, soit 0,0006 euro supplémentaires par bouteille.

Le problème des transporteurs réside dans les conditions de travail et la fiscalité européenne. En Alsace, Geodis, filiale de la SNCF, traite la majorité de ses transports avec ce que l'on appelle des tracteurs. Il y a dix ans, 80 % étaient alsaciens. Aujourd'hui ces derniers ne représentent que 20 % des tracteurs. Autant que le contexte économique, cette législation les tue !

M. Jean Bizet . - Nous avons été nombreux à voter l'écotaxe poids lourds. L'idée était louable, mais sa mise en oeuvre est autrement plus problématique. Là où il n'y a guère de modes de transport alternatifs, la finalité de la taxe ne sera pas atteinte et elle ne parviendra qu'à renchérir le coût du transport de 4,4 %.

Certains autres pays se sont dotés d'un dispositif analogue. Il n'en demeure pas moins une forte distorsion de concurrence. Je partage l'inquiétude d'Evelyne Didier : nous accélérons la disparition de nos entreprises, déjà bien mal en point. Conséquences probables : le secteur va se concentrer au profit de groupes étrangers. J'ai cosigné un amendement d'appel sur l'article 7, un peu provocateur, qui exonère le transport de proximité du paiement de la taxe. Dans la détermination de la chaîne de valeur en effet, le distributeur arguera du prix en pied de facture pour renégocier sa part, et faire payer le transporteur.

L'entretien des routes pose un autre problème de taille. La taxe concerne 15 000 km aujourd'hui, mais à terme sans doute tout le réseau national. Disons-le clairement : il faut trouver des moyens de financer l'entretien des routes. Quant à l'impact environnemental, nous allons être déçus ! Le report vers d'autres modes de transport plus respectueux de l'environnement ne me semble possible qu'à un horizon lointain.

Comprenez-moi : je voudrais respecter ce que j'ai voté hier. Mais 2 000 à 3 000 emplois sont supprimés chaque trimestre dans le secteur du transport routier, et nous accélérons le mouvement. Selon mes informations, 80 % du transport est effectué dans un rayon de 300 km, plutôt que 150. Pour protéger nos TPE, exonérons le transport de proximité.

M. Rémy Pointereau . - Le dispositif crée un formidable effet d'aubaine pour les sociétés d'autoroutes. Captant un trafic plus important, elles seront largement bénéficiaires de la réforme. Comment récupérer une partie du produit de la taxe, notamment sur le transport international, plus concurrentiel que le nôtre ?

Je lis que les transporteurs d'intérêt public seront exonérés, tout comme les transporteurs de « biens » agricoles : s'agit-il du matériel ou des denrées ? Est-il possible d'exonérer également les transports infra-départementaux en période de récolte, faute de quoi nous pénaliserions grandement les coopératives et pousserions le prix des denrées à la hausse ?

Comment justifie-t-on la dégressivité des tarifs selon les régions ?

Enfin, j'ai lu que l'écotaxe poids lourds servait également à rémunérer le consortium de gestion du système, qui appartient à l'entreprise Autostrade per l'Italia , italienne par surcroît. Pourquoi Bercy ne gère-t-il pas lui-même le dispositif ?

M. Henri Tandonnet . - Je vous trouve d'abord bien frileux : vous avez remis en cause l'héritage du précédent gouvernement dans bien des domaines, mais conservé l'écotaxe poids lourds. Leurs auteurs même ne l'ayant pas défendue très chaudement, vous auriez pu être plus percutant !

Ce système me paraît monstrueux. Sur son mode de recouvrement d'abord : nous revenons au système du fermier général : Ecomouv', ce n'est rien d'autre. Regardons si les pénalités dont nous devrions nous acquitter pour revenir en arrière valent la peine d'être consenties... Ensuite, le transporteur sera facturé sur les kilomètres utilisés sur les 5 000 km ciblés comme circuit de report, ce qui ne semble pas très dissuasif. Puis la taxe sera répercutée forfaitairement sur ses clients. Mais il n'y a aucune relation entre les deux mécanismes. Les transporteurs pourront répercuter 4,4 % même là où ils n'ont pas acquitté la taxe ! Les distorsions de concurrence sont potentiellement considérables. Certains vont gagner, d'autres perdre. En tant qu'ancien avoué à la Cour, je connais bien le système forfaitaire selon lequel certains dossiers étaient rentables, d'autres non. Jugé obsolète et digne de l'Ancien régime, il a été supprimé à la Cour, et voilà que nous l'introduisons dans le transport routier... De plus, nous entachons de soupçon les relations entre transporteurs et clients. Enfin, le report sur des voies secondaires n'est pas accessible à toutes les entreprises : certaines n'auront pas d'autre choix, en raison de leur localisation, que de passer sous un portique, tandis que d'autres s'en affranchiront. Dans le Lot-et-Garonne, j'ai une grosse entreprise qui achète des containers dans des pays asiatiques et les revend : elle déménagera pour s'éloigner des portiques et ne rien payer !

Les effets pervers sont nombreux. Le syndicat des petits transporteurs craint les pertes, tandis que le syndicat des gros transporteurs se réjouit de voir le marché ainsi assaini. Vous auriez dû repartir de zéro et assujettir tous les transporteurs à une taxe fonction des kilomètres parcourus.

M. Francis Grignon . - Il n'est jamais trop tard !

M. Marcel Deneux . - J'attire votre attention sur les effets pervers des disparités régionales. J'ai déjà connaissance de délocalisations d'immatriculations et de création de filiales chez des transporteurs et des loueurs de camions pour échapper à la taxe. Rappelez-vous, nous avons connu un phénomène similaire pour les vignettes automobiles.

M. Roland Ries , rapporteur . - Ne pouvant répondre sur chaque élément précisément, je répondrai sur quelques points saillants du débat.

Soyons clairs sur le dispositif de l'écotaxe poids lourds. Lors du Grenelle de l'environnement, un large accord nous avait réunis sur son principe, sans distinction des sensibilités politiques. Une seule voix contre avait été recensée, ce qui est rare : ne repartons pas à zéro.

M. Francis Grignon . - C'était l'effet Borloo !

M. Jean Bizet . - Tout de même, il y a des regrets.

M. Roland Ries , rapporteur . - La mise en oeuvre de la taxe est plus délicate. Le dispositif initial était excessivement complexe, et les entreprises ne s'y retrouvaient pas. Le nouveau mécanisme a le mérite de la clarté, même s'il n'est pas totalement exempt d'inconvénients. Il faut distinguer deux choses : d'une part, l'écotaxe proprement dite, payée par les transporteurs français et étrangers au réel, en fonction des kilomètres parcourus sur les voies taxables, d'autre part, le mécanisme de répercussion de la taxe sur les donneurs d'ordre, de nature forfaitaire.

M. Francis Grignon . - Le système satellitaire et de portique ne permet pas de s'acquitter de la taxe : il enregistre les kilomètres. C'est important pour le report.

M. Roland Ries , rapporteur . - Certes, mais sur les voies taxables uniquement.

M. Francis Grignon . - Non, sur l'ensemble des voies.

M. Roland Ries , rapporteur . - En résumé : l'écotaxe poids lourds est payée par les transporteurs sur la base de leur itinéraire sur les voies taxables.

M. Louis Nègre . - L'itinéraire tel que repéré par le système satellite.

M. Roland Ries , rapporteur . - Tout à fait. Les poids lourds sont identifiés sur les routes qui figurent dans le cadre du schéma national des routes taxables, modifié plusieurs fois avec le concours des collectivités locales, y compris alsaciennes.

Puis intervient la grille des taux applicables que vous connaissez, de 6,3 % en Alsace à 0 % pour la Corse - car dépourvue de routes taxables, tout simplement. Il s'agit de neutraliser la taxe pour les transporteurs, qui répercutent celle-ci sur les chargeurs. Le premier système, calculé également au réel, s'est révélé ingérable. Il est désormais forfaitaire, ce qui tient compte de la fragilité du secteur des transports routiers. Le donneur d'ordre augmente alors ses prix ou réduit ses marges, à lui de choisir.

M. Francis Grignon . - C'est bien ça le drame.

M. Roland Ries , rapporteur . - Dans le fret ferroviaire, les coûts d'entretien des infrastructures sont internalisés, tandis qu'ils sont supportés par l'État et les collectivités locales dans le transport routier. L'écotaxe sert aussi à cela : donner aux pouvoirs publics les moyens d'entretenir son réseau. J'ai déposé un amendement pour réclamer une évaluation du dispositif au bout d'un an : ses impacts sur les coûts de transport, sur les reports d'itinéraires, le transfert en direction du fret ferroviaire, etc.

M. Francis Grignon . - L'article 7 dispose que « le prix de la prestation de transport routier de marchandises contractuellement défini fait l'objet de plein droit, pour la partie du transport effectué sur le territoire métropolitain, quel que soit l'itinéraire emprunté, d'une majoration ».

M. Roland Ries , rapporteur . - Il s'agit de la répercussion, non de la taxe !

M. Francis Grignon . - Ce n'est pas clair du tout.

M. Roland Ries , rapporteur . - La répercussion se faisant au forfait et non au réel, les transporteurs ne sont pas incités à rechercher un itinéraire de contournement.

M. Francis Grignon . - C'est ce que je disais pour arguer du fait que la réforme n'a aucun intérêt.

M. Jean Bizet . - Il y a une ambigüité. Il y a 5 000 km de routes taxables. Quel que soit son itinéraire, le transporteur est soumis à une taxe sur son chiffre d'affaires. Tous les transporteurs français auront donc une taxe à répercuter sur leur chargeur. Toute activité de transport sera donc taxée !

M. Roland Ries , rapporteur . - Ne confondez pas la taxe perçue au réel et la répercussion calculée au forfait, quel que soit l'itinéraire choisi, destinée à ne pas encourager le contournement de la taxe.

M. Henri Tandonnet . - Ecomouv' pourra-t-il récupérer, en Pologne par exemple, les 0,12 euro par kilomètre dont tout transporteur devra s'acquitter sur les 5 000 km taxés ? Les 4,4 % en revanche ne seront pas répercutés par les transporteurs étrangers. Celui enfin qui contournera les 5 000 km de routes taxées ne s'acquittera pas de l'écotaxe mais encaissera bel et bien les 4,4 % visibles sur sa facturation et qu'il devra répercuter.

Examen des articles

Article 1 er

L'article 1 er est adopté sans modification.

Article 2

L'article 2 est adopté sans modification.

Article 3

L'article 3 est adopté sans modification.

Article additionnel après l'article 3

M. Roland Ries , rapporteur . - L'article 3 précise l'obligation de séparation comptable entre les activités de transport et de gestion d'infrastructures ferroviaires par une même entreprise. Renforcer la transparence dans les relations entre la SNCF et les régions est souhaitable. Depuis dix ans, les régions sont les autorités organisatrices des TER et des trains intercité. Les régions souhaitent voir clair dans l'utilisation qui est faite de leur contribution et de leur subvention à l'équilibre d'exploitation, et que soit donc distingué clairement les comptes des différents segments du ferroviaire : TER, TET, TGV, etc. L'amendement n° 26 oblige la SNCF à fournir des comptes sur le périmètre de chaque contrat d'exploitation de TER selon un format défini par la région, alors que la comptabilité est prescrite par l'entreprise. L'article additionnel vise aussi à ce que la SNCF publie, comme c'était le cas il y a quelques années, les comptes propres à la partie de l'EPIC SNCF gérant des contrats de service public, c'est-à-dire les contrats pour les TET et TER. Cet article additionnel est peut-être perfectible, mais je crois utile de l'adopter en l'état, quitte à le modifier en séance. Les régions sont demanderesses, et ont besoin d'actes autant que d'engagements.

M. Louis Nègre . - Je suis favorable à cet amendement, pour nos régions ainsi que pour l'ensemble de notre système. Je le voterai.

L'amendement n° 26 est adopté et devient un article additionnel.

Article 4

L'article 4 est adopté sans modification.

Article 5

M. Roland Ries , rapporteur . - Certains ont souhaité obtenir la liste des délaissés routiers mentionnés dans le projet de loi. Nous interrogerons le ministre pour une réponse dans la semaine. La compensation est un autre point important. L'amendement n° 27 renforce les garanties pour ce reclassement dans la voirie communale ou départementale. Afin de garantir la compensation financière effective des collectivités, le terme « ouvre droit » est remplacé par celui de « donne droit ». La procédure contradictoire d'évaluation des coûts nécessaires à la remise en état est également clarifiée : à défaut d'accord avec la collectivité concernée, ces coûts seront fixés par décret en Conseil d'État. Cette précision semble utile au regard de la présentation - sensiblement différente -faite de cette procédure dans l'étude d'impact : « le représentant de l'État dans le département, après avoir déterminé, avec l'accord, dans la mesure du possible, de la collectivité concernée, le montant de ces travaux de remise en état, prendra un arrêté préfectoral fixant la somme ainsi due pour solde de tout compte à la collectivité ».

M. Vincent Capo-Canellas . - Je suis favorable à cet amendement. En revanche, je m'abstiendrai sur l'article, en l'absence des informations que le rapporteur lui-même a souhaité obtenir.

M. Henri Tandonnet . - Cet article est trop général. Je suis contre.

M. Michel Teston . - Peut-être faudrait-il préciser que notre commission elle-même souhaite obtenir la liste des délaissés concernés ?

L'amendement n° 27 est adopté, puis l'article 5 ainsi rédigé.

Article 6

M. Roland Ries , rapporteur . - Cet article ouvre la possibilité pour l'État d'indexer sur le niveau général des prix les rémunérations de ses cocontractants au titre des contrats de délégation de service public, des contrats de partenariat et des concessions de travaux publics conclus dans le domaine des infrastructures et des services de transport. Il se justifie par la durée de ces contrats - jusqu'à plusieurs décennies. L'amendement n° 28 élargit cette possibilité aux collectivités territoriales.

L'amendement n° 28 est adopté, puis l'article 6 ainsi rédigé.

Articles additionnels avant l'article 7

M. Jean Bizet . - L'amendement n° 2 protège la distribution de proximité. Près de 80 % des transports sont assurés dans un rayon de 150 km ? Pour ma part, j'avais le chiffre de 300 km. Je peux rectifier ce chiffre ; quoi qu'il en soit, on ne mesure pas assez l'effet que l'on va produire sur les petites entreprises de transport.

M. Charles Revet . - Mon amendement n° 9 est identique.

M. Roland Ries , rapporteur . - Cet amendement exonère les tournées de livraison de l'écotaxe poids lourds. J'y suis défavorable : d'abord car il rouvre le débat sur le mécanisme de la taxe, déjà abordé à l'occasion de l'examen de la loi de finances. Il ne s'agit pas de le réécrire. Ensuite, une telle exonération ouvrirait la boîte de Pandore : j'ai rencontré les différents lobbies, et tous sont d'accord avec la taxe pourvu qu'ils ne s'en acquittent pas ! Mais adopter cet amendement revient à se priver de 80 % des recettes potentielles de la taxe. Enfin, je doute qu'une telle mesure soit conforme au droit européen : la directive eurovignette autorise l'instauration de droits de péage à la condition que la concurrence soit préservée entre les acteurs.

Mme Évelyne Didier . - Rentrer dans cet engrenage revient en effet à signer l'arrêt de mort de la taxe. Certaines définitions de la proximité sont curieuses : un rayon de 150 km, c'est la taille d'un département ! A-t-on en outre des exemples concrets de l'impact de la taxe pour les transporteurs ? Quelques centimes ou quelques euros, ce n'est pas la même chose. En définitive, personne ne sait combien rapportera cette taxe. Peut-être se bat-on pour pas grand-chose. L'exemple cité de la bière permet de se faire une idée.

M. Francis Grignon . - Monsieur le rapporteur, si je comprends bien, le transport de proximité ne posera aucun problème puisque, selon votre interprétation, les transporteurs n'emprunteront pas les axes munis de portiques.

M. Jean Bizet . - Là réside la grande ambiguïté du dispositif.

M. Roland Ries , rapporteur . - Je répète qu'en principe, le transporteur paye l'écotaxe et seule sa répercussion est forfaitaire ; son calcul, qui dépend des régions, est fonction de la densité du réseau taxable et de l'utilisation qui en est faite.

Mme Laurence Rossignol , présidente . - Nous avons déjà eu une longue discussion : est-il nécessaire de la reprendre ? Nous disposons d'une liste consistante de questions pour le ministre.

M. Charles Revet . - Nous voulons voter en connaissance de cause !

L'objectif de la loi est aussi de faire supporter le poids de la taxe par les transporteurs étrangers. Nous savons bien que certains camions étrangers traversent la France sans rien débourser. Exonérer les petites entreprises du paiement de la taxe, c'est soutenir le tissu de TPE français.

M. Henri Tandonnet . - Dans l'ancien dispositif, le transporteur ne pouvait saucissonner la taxe entre ses différents clients. C'est une des raisons de son abandon. Vous faites perdre 4 % aux transporteurs qu'ils vont pouvoir répercuter à leurs clients.

M. Francis Grignon . - Dans tous les cas de figure, le transporteur perdra 4% !

M. Jean Bizet . - A nouveau, le transporteur paie-t-il ou non l'écotaxe poids lourds sur les axes non taxables ?

M. Roland Ries , rapporteur . - Non. Mais il peut la répercuter sur ses donneurs d'ordres.

M. Jean Bizet . - La distribution de proximité utilise généralement des axes non taxables. Cet amendement n'a donc plus lieu d'être, sauf à considérer que la répercussion d'une taxe non acquittée constitue un enrichissement sans cause.

M. Roland Ries , rapporteur . - En effet, c'est ce que j'ai appelé l'effet d'aubaine.

M. Louis Nègre . - Le libellé de l'article n'est pas clair.

M. Vincent Capo-Canellas . - De ce que je comprends, il y a deux dispositifs de taxation bien étanches : d'une part, la taxe poids lourds payée par les transporteurs, d'autre part, la répercussion qu'ils peuvent faire peser sur leurs clients. Rien n'assure que ces deux mécanismes vont s'équilibrer.

M. Roland Ries , rapporteur . - Il n'y a pas deux taxes, mais une seule, répercutable.

L'amendement n° 2, identique à l'amendement n° 9, est adopté et devient un article additionnel.

M. Roland Ries , rapporteur . - L'amendement n° 29 aligne l'écotaxe poids lourds alsacienne, en principe applicable à compter du 20 avril, sur la taxe nationale. C'est d'autant plus justifié que son assiette est différente.

L'amendement n° 29 est adopté et devient un article additionnel.

Article 7

M. Roland Ries , rapporteur . - L'amendement n° 30 est un amendement de coordination avec le précédent.

L'amendement n° 30 est adopté.

M. Roland Ries , rapporteur . - L'amendement n° 31 est un amendement rédactionnel.

L'amendement n° 31 est adopté.

M. Roland Ries , rapporteur . - L'amendement n° 32 prévoit que le gouvernement remet au Parlement un rapport destiné à évaluer, au bout d'une année de fonctionnement, le dispositif de l'écotaxe poids lourds.

M. Louis Nègre . - Fixée au 31 décembre 2014, la remise du premier rapport interviendra au bout de 18 mois d'application du dispositif. Nous devrions pouvoir le suivre au jour le jour, quitte à ne pas disposer d'un rapport formel.

M. Roland Ries , rapporteur . - Un tel objectif n'empêche nullement d'évaluer le dispositif au fur et à mesure. Nous pourrions indiquer « au plus tard au 31 décembre 2014 ».

M. Charles Revet . - Au 31 décembre 2014, il sera trop tard pour en tenir compte dans la loi de finances pour 2015.

M. Louis Nègre . - Indiquons dès lors le 1 er septembre 2014 au plus tard. Cela fera 14 mois.

M. Roland Ries , rapporteur . - Entendu, fixons la date de remise du rapport au 1 er septembre 2014 pour en tenir compte en loi de finances.

M. Henri Tandonnet . - Quid des évaluations internationales ?

L'amendement n° 32 est adopté.

Les amendements n os 8 rectifié et 3 deviennent sans objet.

L'article 7 est adopté ainsi rédigé.

Articles additionnels après l'article 7

M. Jean Bizet . - L'amendement n° 7, en exonérant de la taxe poids lourds les transports routiers réalisés dans le cadre d'opérations combinées, vise à faciliter le transport multimodal.

M. Roland Ries , rapporteur . - Certes. Mais il rouvre le débat sur les mécanismes mêmes de la taxe alors qu'il importe désormais de la mettre en oeuvre. En outre le transport multimodal bénéficie déjà de mesures d'accompagnement. Nous pourrions les réexaminer à l'occasion de l'évaluation des effets de l'écotaxe sur le transport combiné. Enfin le transport combiné ayant pour objet de réduire la part du transport routier, celle-ci doit être faible, sans compter que tous les tronçons routiers d'acheminement ne sont pas concernés par la taxe. Avis défavorable.

L'amendement n° 7, identique à l'amendement n° 10, est adopté et devient un article additionnel.

M. Jean Bizet . - L'amendement n° 15 autorise à titre expérimental la circulation d'ensembles routiers d'une longueur maximale de 25,25 mètres. Il vise à remédier à la distorsion de concurrence avec d'autres pays de l'Union européenne, comme la Finlande, la Suède, la Norvège, le Danemark, ou certains Länder allemands qui les autorisent . Cette mesure s'inscrit dans la perspective de la directive sur l'harmonisation des transports routiers . Enfin l'empreinte écologique sera améliorée, et tel est le but de l'écotaxe.

Mme Évelyne Didier . - Je comprends que l'on puisse justifier cet amendement par des considérations d'ordre économique. Mais le justifier au nom de l'environnement, c'est le comble : elle est le contraire du transport multimodal ! De plus ces camions ne passeront pas partout, sans compter les dégâts occasionnés à la voirie. Voyez déjà ce qui se passe avec les engins agricoles surdimensionnés !

M. Roland Ries , rapporteur . - Avis défavorable. Cet amendement n'a rien à voir avec la taxe poids lourds qui est liée à la distance parcourue, non aux dimensions des camions. Je souscris aux arguments de Mme Didier : il est dangereux et anti-écologique de faire circuler de tels véhicules de taille disproportionnée.

M. Jean-François Mayet . - La France serait-elle le seul pays à se passer de camions ?

M. Roland Ries , rapporteur . - Les convois de taille exceptionnelle ne doivent pas devenir la norme. Le précédent gouvernement s'était posé les mêmes questions.

M. Jean Bizet . - Il ne s'agit que d'une expérimentation. Elle nous permettra d'en tirer les conséquences. La France ne doit pas rester dans une bulle.

M. Roland Ries , rapporteur . - Il s'agit d'un cavalier législatif. De plus, tous les pays européens ne sont pas du même avis.

M. Jean Bizet . - Si pour une fois la France pouvait être en avance...

L'amendement n° 15 est adopté et devient un article additionnel.

M. Roland Ries , rapporteur . - L'amendement n° 40 vise à garantir que la majoration du contrat de location de véhicule avec conducteur n'est effectuée que dans les cas où le loueur est effectivement redevable de l'écotaxe.

L'amendement n° 40 est adopté et devient un article additionnel.

Article 8

L'amendement n° 33 rédactionnel est adopté, puis l'article 8 ainsi rédigé.

Articles 9, 10 et 11

Les articles 9, 10 et 11 sont adoptés sans modification.

Article 12

M. Philippe Esnol . - L'amendement n° 12 et l'amendement de cohérence n° 14 étendent la possibilité de déchirage d'office des bateaux, après mise en demeure, en exonérant les bateaux d'habitation. Les fourrières sont souvent saturées.

M. Roland Ries , rapporteur . - Le déchirage n'est possible qu'après déchéance de propriété. Aussi cet amendement n'est pas recevable sous cette forme, même si je partage son esprit.

Les amendements n° s 14 et 12 sont retirés.

M. Roland Ries , rapporteur . - L'amendement de cohérence n° 24 applique le déplacement d'office à « tout engin flottant ». Il n'y a pas que les bateaux sur l'eau !

L'amendement n° 24 est adopté.

M. Roland Ries , rapporteur . - L'amendement n° 25 précise qu'une fois le bateau déplacé, le propriétaire en reste responsable, notamment pour l'entretien et la surveillance.

L'amendement n° 25 est adopté.

L'amendement n° 13 est retiré en cohérence avec le retrait des amendements n°s12 et 14.

L'article 12 est adopté ainsi rédigé.

Article 13

L'amendement rédactionnel n° 5 est adopté, puis l'article 13 ainsi rédigé.

Article 14

L'article 14 est adopté sans modification.

Article 15

L'amendement rédactionnel et de coordination n° 6 est adopté, puis l'article 15 ainsi rédigé.

Article 16

L'amendement rédactionnel n° 20 est adopté, puis l'article 16 ainsi rédigé.

M. Rémy Pointereau . - Nous nous abstenons.

Article 17

L'amendement rédactionnel de cohérence n° 16 est adopté, puis l'article 17 ainsi rédigé.

Article 18

L'amendement n° 17 est adopté, ainsi que les amendements n°s 19 et 18, puis l'article 18 ainsi rédigé.

Articles 19, 20 et 21

Les articles 19, 20 et 21 sont adoptés sans modification.

Article 22

M. Roland Ries , rapporteur . - Trois amendements sont relatifs à la consignation. L'amendement n° 23 établit une exception à l'interdiction de consigner un mineur, si le capitaine ne souhaite pas le séparer de ses parents ; la procédure, rare, se voit fondée juridiquement. L'amendement n° 22 prévoit que le procureur de la République peut s'entretenir avec la personne consignée ; enfin l'amendement n° 21 est un amendement de coordination pour que ces mesures s'appliquent dès l'adoption de la loi.

Mme Laurence Rossignol , présidente . - Ces mesures modifient une loi du 17 décembre 1926.

Les amendements n° s 23, 22 et 21 sont adoptés, puis l'article 22 ainsi rédigé.

Article 23

Mme Laurence Rossignol , présidente . - Il semble que l'amendement n° 4 de Mme Didier reprend une mesure qui figurait dans sa proposition de loi.

M. Roland Ries , rapporteur . - Sous une autre forme, en effet. Cette référence au code du travail est bienvenue : si le code du travail garantit à l'avenir plus de droits aux travailleurs détachés temporairement, ces droits bénéficieront aux gens de mer travaillant dans les eaux territoriales françaises. Avis favorable.

M. Francis Grignon . - Nous nous abstenons.

L'amendement n° 4 est adopté, puis l'article 23 ainsi rédigé.

Titre VI

L'amendement rédactionnel n° 34 sur l'intitulé du titre VI est adopté.

Article 25

M. Roland Ries , rapporteur . - L'amendement n° 35 et les amendements n° s 39, 36, 37, 41 et 38 coordonnent les dispositions concernant l'outre-mer.

L'amendement n° 35 est adopté, de même que les amendements s 39, 36, 37, 41 et 38, puis l'article 25 ainsi rédigé.

Mme Laurence Rossignol , présidente . - Je vais mettre aux voix l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.

Mme Évelyne Didier . - Notre groupe était favorable au texte initial, mais il conditionne son vote à la suppression des amendements proposés par le groupe UMP et adoptés au cours de cette séance.

M. Charles Revet . - Même remarque, mais le vote est conditionné à la suppression des amendements proposés par Mme Didier !

M. Michel Teston . - Des amendements ne nous convenant pas et modifiant l'esprit du projet de loi ont été adoptés. Étant cependant convaincus qu'il faut adopter ce texte, nous émettrons un avis favorable à l'adoption du rapport, mais ferons le nécessaire en séance pour revenir à une rédaction plus conforme à notre souhait.

Mme Laurence Rossignol , présidente . - Nous ne votons pas sur l'adoption du rapport, mais sur le texte modifié.

M. Francis Grignon . - Je vous présente mes excuses : après vérification, les transporteurs payent la taxe uniquement s'ils empruntent des axes taxables, mais tout le monde est facturé, ce qui pose un autre problème.

M. Roland Ries , rapporteur . - On peut facturer tout le monde, mais ce n'est pas une obligation.

M. Francis Grignon . - Le Conseil d'État se prononcera sur la question.

M. Michel Teston . - Puisque nous nous prononçons sur le projet de loi modifié, le groupe socialiste s'abstiendra mais fera le nécessaire en séance pour rendre le texte plus conforme à son souhait.

Mme Laurence Rossignol , présidente . - Je mets aux voix le projet de loi dans le texte adopté par la commission.

Tous les commissaires s'abstenant, le projet de loi n'est pas adopté.

Mme Laurence Rossignol , présidente . - Votons une seconde fois ? Si le texte n'est pas adopté au moins par une voix, nous discuterons en séance sur la base du texte du gouvernement, sans nos amendements. C'est comme si la commission n'avait rien adopté.

M. Rémy Pointereau . - Ce serait une première !

Mme Laurence Rossignol , présidente . - La commission n'a pas adopté le texte. Nous discuterons donc en séance sur le texte du gouvernement et chacun pourra redéposer ses amendements, qui seront amendements de leurs auteurs et non de la commission.

M. Jean Bizet . - Vous nous avez demandé de revoter ; j'ai levé la main mais vous ne m'avez pas regardé.

Mme Laurence Rossignol , présidente . - Il est trop tard.

M. Jean Bizet . - Vous nous avez invités à reconsidérer notre vote...

Mme Laurence Rossignol , présidente . - On ne peut pas revoter.

M. Jean Bizet . - Pourquoi l'avez-vous proposé ?

Mme Laurence Rossignol , présidente . - J'ai été surprise : vous n'aviez pas expliqué votre vote.

M. Jean Bizet . - Je signalerai en séance la façon dont cette réunion s'est déroulée.

Mme Évelyne Didier . - Je demande une brève suspension.

Mme Laurence Rossignol , présidente . - Soit.

La séance est suspendue quelques instants.

Mme Laurence Rossignol , présidente . - Je confirme que le texte n'est pas adopté. Il n'y a aucune raison de revoter : chacun s'expliquera en séance.

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