N° 393

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 27 février 2013

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l' accord de coopération administrative entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Bulgarie relatif à la lutte contre l' emploi non déclaré et au respect du droit social en cas de circulation transfrontalière de travailleurs et de services ,

Par M. Raymond COUDERC,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Louis Carrère , président ; MM. Christian Cambon, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Mme Josette Durrieu, MM. Jacques Gautier, Robert Hue, Jean-Claude Peyronnet, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Daniel Reiner , vice-présidents ; Mmes Leila Aïchi, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Gilbert Roger, André Trillard , secrétaires ; M. Pierre André, Mme Kalliopi Ango Ela, MM. Bertrand Auban, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Pierre Bernard-Reymond, Jacques Berthou, Jean Besson, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Luc Carvounas, Pierre Charon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Jean-Pierre Demerliat, Mme Michelle Demessine, MM. André Dulait, Hubert Falco, Jean-Paul Fournier, Pierre Frogier, Jacques Gillot, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Gournac, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Gérard Larcher, Robert Laufoaulu, Jeanny Lorgeoux, Rachel Mazuir, Christian Namy, Alain Néri, Jean-Marc Pastor, Philippe Paul, Bernard Piras, Christian Poncelet, Roland Povinelli, Jean-Pierre Raffarin, Jean-Claude Requier, Richard Tuheiava, André Vallini, Paul Vergès .

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

465 (2010-2011) et 394 (2012-2013)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Pour préserver les droits des travailleurs étrangers au sein de l'Union européenne, un corpus de textes a été négocié et adopté autant au niveau communautaire que bilatéral.

Dès 1994, la France et la Bulgarie ont mis en place un programme de coopération dans le domaine de travail. Lors du programme biannuel 2005-2006, un renforcement de cette coopération a été souhaité par la volonté de signer un accord de coopération axé sur la protection des salariés et la lutte contre le travail non déclaré.

C'est cet accord de coopération administrative entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Bulgarie relatif à la lutte contre l'emploi non déclaré et au respect du droit social en cas de circulation transfrontalière de travailleurs et de services, signé à Sofia le 30 mai 2008, qui est soumis au Sénat aujourd'hui.

I. LE CADRE LÉGAL DU CONTRÔLE DES CONDITIONS DE TRAVAIL

A. LA LUTTE CONTRE LE TRAVAIL ILLÉGAL EST UNE PRÉOCCUPATION COMMUNAUTAIRE COMME NATIONALE

1 - La directive de 1996, texte communautaire de référence en matière de détachement des travailleurs

La directive 96/71/CE prévoit un ensemble de règles impératives de protection minimale que doivent respecter les employeurs qui détachent des salariés dans un Etat, en vue d'y exécuter, à titre temporaire, une prestation.

En particulier, l'article 4 encourage le développement de la coopération administrative des pays membres afin de garantir la bonne application de la directive, notamment en matière de surveillance des conditions de travail et d'emploi des salariés détachés.

Ainsi, des « règles impératives de protection minimale » sont prévues par la convention afin de prohiber d'éventuelles différences de traitement entre salariés présents sur un même lieu pour l'exécution d'un même travail. Lorsque les règles du pays d'accueil sont moins favorables que celles du pays d'origine, ce sont ces dernières qui s'appliquent.

Le travail détaché

La notion de détachement, au sens du code du travail, désigne toutes les situations où un employeur établi hors d'un Etat intervient dans un autre Etat avec ses propres salariés pour y effectuer une prestation de services, dans le cadre d'un contrat commercial avec un client établi dans ce pays.

Elle conduit à déterminer les dispositions de la législation du travail du pays où est exercé le travail (Etat de destination ou d'accueil) qui seront applicables, même si le contrat est régi par la loi d'un autre pays (le plus souvent le pays d'où est détaché le salarié ou Etat d'origine).

Elle se distingue en cela de la notion de détachement au sens de la sécurité sociale qui, dans la même situation, porte sur le maintien de l'application de la législation du régime de sécurité sociale de l'Etat d'origine pendant la période de détachement dans l'Etat d'accueil.

La France est à la fois un Etat de destination important de salariés détachés et un Etat d'origine de nombreux salariés détachés.

Sur la base de cette directive, les instances communautaires ont mis en oeuvre plusieurs outils visant à améliorer la coopération des services des Etats membres en la matière.

D'abord des communications, comme celles du 4 avril 2006 et du 13 juin 2007.

Ensuite une recommandation de la Commission en date du 31 mars 2008 1 ( * ) conseille aux Etats membres d'améliorer le système d'échange d'informations, d'accroître leurs efforts pour améliorer l'accès à l'information sur les conditions de travail et d'emploi que doivent appliquer les prestataires de services, et de participer activement à un processus formel et systématique d'identification et d'échange de bonnes pratiques dans le domaine du détachement de travailleurs.

Enfin, la Commission européenne a adopté en date du 21 mars dernier une proposition de directive visant à renforcer l'effectivité de la mise en oeuvre de la directive de 1996. Cette proposition de texte prévoit différentes mesures destinées à permettre une information plus précise et plus accessible des acteurs du détachement, à préciser les critères du détachement et à faciliter le contrôle et les sanctions des entreprises qui ne respectent pas les droits des salariés détachés et les règles encadrant la prestation de service transnationale.

2 - Les orientations du plan national de lutte contre le travail illégal

En ce qui concerne le détachement en France de travailleurs étrangers, le code du travail, en particulier son article L. 1262-4, veille à ce que l'employeur détachant des salariés sur le territoire national respecte les règles françaises.

Code du travail, article L. 1262-4

Les employeurs détachant temporairement des salariés sur le territoire national sont soumis aux dispositions légales et aux stipulations conventionnelles applicables aux salariés employés par les entreprises de la même branche d'activité établies en France, en matière de législation du travail, pour ce qui concerne les matières suivantes :

1° Libertés individuelles et collectives dans la relation de travail ;

2° Discriminations et égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;

3° Protection de la maternité, congés de maternité et de paternité et d'accueil de l'enfant, congés pour événements familiaux ;

4° Conditions de mise à disposition et garanties dues aux salariés par les entreprises exerçant une activité de travail temporaire ;

5° Exercice du droit de grève ;

6° Durée du travail, repos compensateurs, jours fériés, congés annuels payés, durée du travail et travail de nuit des jeunes travailleurs ;

7° Conditions d'assujettissement aux caisses de congés et intempéries ;

8° Salaire minimum et paiement du salaire, y compris les majorations pour les heures supplémentaires ;

9° Règles relatives à la santé et sécurité au travail, âge d'admission au travail, emploi des enfants ;

10° Travail illégal.

La lutte contre le travail dissimulé, et notamment dans les cas de détachement des travailleurs, est également un des objectifs de la commission nationale de lutte contre le travail illégal, réaffirmé depuis plusieurs années.

Déjà lors de la définition des orientations du plan 2010-2011, puis réaffirmé récemment, le plan national de lutte contre le travail illégal 2013-2015, dans son objectif 2, préconise de renforcer la lutte contre les fraudes aux détachements dans le cadre des prestations de service transnationales.

La commission de lutte contre le travail illégal relève, dans son document du 27 novembre 2012, qu'en matière de droit du travail, il existe des fraudes propres à la prestation de services transnationale, comme « le défaut de déclaration préalable de détachement ; le non-respect des règles du droit du travail français applicables ; la fraude à l'établissement caractéristique du travail dissimulé par dissimulation d'activité, lorsqu'une entreprise ne dispose pas d'une véritable activité dans le pays où elle a domicilié son siège social ; la fraude au détachement de travailleurs caractéristique du travail dissimulé par dissimulation de salariés, lorsqu'une entreprise détache en France des salariés qui ne sont pas occupés antérieurement dans le pays d'origine et/ou qui sont occupés en France de façon habituelle voire permanente ».

L'enquête relative aux prestations de services transnationales effectuées en France en 2011 souligne le développement sans précédent de celles-ci : 45 000 déclarations de détachement ont ainsi été effectuées en 2011 par des entreprises étrangères et concernent 145 000 salariés détachés. La progression des déclarations effectuées sur un an est de 17 %.


* 1 Recommandation de la commission du 31 mars 2008 relative à l'amélioration de la coopération administrative dans le contexte du détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services (2008/C 85/01)

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