G. UN RAPPROCHEMENT VERS LES EXEMPLES ITALIENS, PORTUGAIS ET ESPAGNOLS

Selon une étude de législation comparée du Sénat de février 2013 35 ( * ) , les États européennes assurent de manière très différente la représentation politique de leurs ressortissants installés à l'étranger.

Au niveau central, cette représentation peut être assurée par l'élection de parlementaires . Des pays tels que l'Autriche, la Belgique, l'Espagne, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède qui assurent le droit de vote à leurs citoyens expatriés mais sans leur réserver de circonscriptions électorales spécifiques tandis que d'autres États, à l'instar de l'Italie, de la Roumanie et du Portugal, ont prévu une ou plusieurs circonscriptions pour l'élection de représentants propres aux ressortissants établis à l'étranger. La France a opté pour cette seconde voie en prévoyant l'élection, depuis 1958, de douze sénateurs élus au sein d'une circonscription mondiale et celle, depuis 2012, de députés dans le cadre de onze circonscriptions électorales. Ces parlementaires n'en demeurent pas moins, au même titre que leurs collèges élus sur le territoire national, les représentants de l'ensemble de la Nation.

Certains des États assurant une représentation politique parlementaire de leurs ressortissants expatriés connaissent également une représentation politique ad hoc pour les communautés nationales installées à l'étranger.

En Europe, l'Espagne, l'Italie et le Portugal recourent ainsi à une instance spécifique au niveau central , présidée par le ministre des affaires étrangères, pour représenter les ressortissants établis à l'étranger. Au-delà des différences de désignation de ses membres élus ou nommés, ces instances sont consultatives pour un domaine de compétences limité et en lien avec les questions relatives à la situation des citoyens expatriés. En France, ce rôle revient à l'Assemblée des Français de l'étranger.

Ces mêmes trois pays européens, unis par une forte tradition d'émigration dans le monde, ont enfin institué des instances décentralisées de représentation politique de leurs ressortissants expatriés. Installées auprès des représentations diplomatiques et consulaires de ces États, ces instances comportent un nombre de membres variable selon l'importance de la communauté nationale résidente. Actuellement, les Français établis hors de France ne bénéficient pas d'une telle représentation décentralisée.

Longtemps dans une situation intermédiaire, la France admettait une représentation politique de ses ressortissants expatriés au sein d'une assemblée parlementaire - le Sénat - et d'une assemblée centrale spécifique - l'Assemblée des Français de l'étranger, ce qui la rapprochait du modèle des pays européens d'Europe méridionale. Elle s'en détachait cependant en ce qu'elle ne prévoyait pas de représentation locale de ses ressortissants à l'étranger.

Une réflexion complémentaire portait sur la représentation des Français établis hors de France mais au sein d'Etats membres de l'Union européen. Depuis le traité de Maastricht, d'aucuns s'interrogent sur le sens d'une représentation des ressortissants d'un pays hors de leur frontière, sans distinguer la situation hors de l'Union européenne et la situation au sein de l'Union européenne où ils disposent des droits reconnus par les Etats-membres de l'Union à l'ensemble des citoyens européens. La réalité montre toutefois que sur bien des domaines (état-civil, documents d'identité, passeport, suivi des droits reconnu par l'État d'origine) la coopération européenne n'existe pas ou est encore balbutiante, ce qui justifie le besoin de services consulaires dans l'Union européenne et légitime de ne pas faire de différence en fonction des pays de résidence, même si une partie des problèmes rencontrés par nos compatriotes sont de nature différente.

A la suite de l'élection de députés élus par les Français établis hors de France, permise par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 et effective depuis juin 2012, ce projet de loi parachèverait le système de représentation politique extraterritoriale de la France en créant des instances locales en parallèle du réseau diplomatique et consulaire. Outre leur participation à l'élection de membres du Parlement, les Français établis hors de France disposeraient, à un double niveau, d'élus spécifiques qui ne sont pas sans rappeler les élus locaux pour les Français établis en France.

La réforme des structures de représentation ne saurait constituer à elle seule une authentique réforme de la représentation politique et démocratique des Français établis hors de France, sans une réflexion sur le rôle des élus.

Au cours de ses auditions, votre rapporteur a pu constater le poids de l'argument budgétaire dans les différents choix opérés par le Gouvernement dans l'élaboration du projet de loi : nombre d'élus, modalités de composition et de fonctionnement des instances, conditions d'organisation des élections... Il apparaît même que certains choix, discutables dans leur principe ou dans leur mise en oeuvre supposée, ne s'expliquent que par l'argument budgétaire et le manque de moyens tant humains que financiers du réseau consulaire. A cet égard, l'exposé des motifs du projet de loi prend le soin d'indiquer que « l'ensemble de la réforme s'inscrit dans l'enveloppe budgétaire ouverte aujourd'hui pour l'AFE ». Sans ignorer l'importance de cet argument, votre commission considère qu'il ne saurait être l'unique critère à prendre en compte, l'unique boussole du législateur, a fortiori lorsque sont en cause les conditions de la représentation démocratique d'une partie de nos concitoyens.


* 35 Sénat - Étude de législation comparée n° 232 - février 2013 - La représentation institutionnelle des citoyens établis hors de leur pays : Les équivalents de la représentation des Français établis hors de France

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