CHAPITRE II Lutter contre la précarité dans l'emploi et dans l'accès à l'emploi

Article 6 (art. L. 5422-2-1 [nouveau] du code du travail ; art. 43 de la loi n° 2011-893 du 28 juillet 2011 relative au développement de l'alternance et à la sécurisation des parcours professionnels) Sauvegarde des droits à l'indemnisation du chômage des salariés et soutien au développement du contrat de sécurisation professionnelle

Objet : Cet article institue le principe des droits rechargeables à l'assurance chômage et permet de mettre en place des incitations financières en faveur des bénéficiaires potentiels de l'expérimentation du contrat de sécurisation professionnelle en faveur des personnes en fin de contrat court.

I - Le dispositif proposé

1) L'indemnisation du chômage en France

A l'heure actuelle, tout salarié qui se retrouve privé d'emploi à la suite d'un licenciement, de la fin d'un CDD ou d'une rupture conventionnelle et qui justifie d'une période d'activité de quatre mois minimum au cours des vingt-huit derniers mois bénéficie d'une allocation versée par le régime d'assurance chômage, pendant une durée égale à celle de son affiliation au régime, dans la limite d'un plafond de vingt-quatre mois 30 ( * ) . Financée par une cotisation qui pèse sur les différentes formes de rémunération du salarié (notamment son salaire, des indemnités, des primes) dont le taux de 6,4 % est réparti entre ce dernier (2,4 %) et l'employeur (4 %), l'allocation d'aide au retour à l'emploi (ARE) offre un taux de remplacement moyen de 69 % du salaire antérieur 31 ( * ) .

Le calcul du montant de l'allocation d'aide au retour à l'emploi

Deux formules de calcul ont été définies. C'est le montant le plus élevé qui prévaut entre :

- 57,4 % du salaire journalier de référence (salaire moyen perçu par le salarié au cours des douze derniers mois) ;

- 40,4 % du salaire journalier de référence auquel s'ajoute une partie fixe, revalorisée annuellement, dont le montant est à ce jour de 11,57 euros.

L'article L. 5422-20 du code du travail dispose que les partenaires sociaux gèrent ce régime et concluent des conventions qui en déterminent les paramètres et les conditions d'accès aux prestations. L'article L. 5422-12 du même code pose le principe général de son équilibre financier, précisant que les taux des contributions et de l'allocation sont calculés de manière à garantir son équilibre. L'Unédic, qui a le statut d'association régie par la loi du 1 er juillet 1901, est l'organisme paritaire chargé de mettre en oeuvre cette politique.

2) L'introduction des droits rechargeables à l'assurance chômage

Lorsqu'un allocataire de l'assurance chômage retrouve un emploi avant l'épuisement de ses droits, le versement de l'ARE cesse, sauf exception (activité réduite ou occasionnelle). S'il vient à perdre cet emploi, deux cas de figure peuvent se présenter :

- soit sa dernière période d'activité n'a pas été suffisante pour lui ouvrir de nouveaux droits à l'assurance chômage ; il est alors procédé à une reprise du reliquat des droits issus de sa précédente période d'indemnisation ;

- soit il a travaillé plus de quatre mois ; dans le cadre de sa réadmission dans le régime, une double comparaison est effectuée : entre les droits restants et ceux acquis en conséquence de la dernière période de travail salarié et entre le montant de l'ancienne allocation journalière et celui de la nouvelle. La solution la plus favorable à l'intéressé est retenue. Toutefois, les droits issus de ces deux périodes ne sont pas cumulés.

C'est ce que propose de modifier le paragraphe I de cet article. Il crée un article L. 5422-2-1 nouveau au sein du code du travail, dans la sous-section consacrée aux conditions d'attribution de l'allocation d'assurance chômage. Celui-ci prévoit que les droits non épuisés, issus d'une période antérieure d'indemnisation, sont pris en compte en tout ou partie dans le calcul de la durée et du montant des droits lors de l'ouverture d'une nouvelle période d'indemnisation. La définition des conditions d'application de cette règle est renvoyée, conformément au principe de gestion paritaire du régime, à la convention d'assurance chômage négociée par les partenaires sociaux. Ce paragraphe donne donc à l'acquisition des droits à l'assurance chômage un caractère « rechargeable ».

3) La mise en place d'une incitation financière dans le cadre de l'expérimentation du contrat de sécurisation professionnelle pour les salariés en fin de contrat court

Issu de l'Ani du 31 mai 2011, transposé par l'article 41 de la loi 32 ( * ) du 28 juillet 2011, le contrat de sécurisation professionnelle (CSP) a remplacé le contrat de transition professionnelle (CTP) et la convention de reclassement personnalisé (CRP) pour unifier les modalités d'accompagnement renforcé des salariés des entreprises de moins de mille salariés victimes d'un licenciement économique. Chaque salarié concerné peut en bénéficier : son employeur doit le lui proposer. Dans les entreprises qui dépassent ce seuil, l'employeur est tenu de proposer à chaque salarié dont il envisage de prononcer le licenciement pour motif économique un congé de reclassement 33 ( * ) .

D'une durée maximale de douze mois, le CSP prend la forme d'un parcours de retour à l'emploi, qui peut comporter des périodes de formation ou d'activité en entreprise, et d'un suivi personnalisé de son titulaire par Pôle emploi. Il ouvre droit au versement d'un revenu de remplacement, l'allocation de sécurisation professionnelle (ASP), équivalent à 80 % du salaire précédemment perçu, soit un montant supérieur à celui de l'ARE. La convention du 19 juillet 2011 relative au CSP, signée par tous les partenaires sociaux, précise dans quelles conditions il s'applique.

L'article 43 de la loi du 28 juillet 2011 a rendu possible l'expérimentation du CSP, dans certains bassins d'emploi spécifiques, pour les personnes achevant un CDD, une mission d'intérim ou un contrat de chantier. Ceux-ci ne peuvent toutefois pas percevoir l'ASP ; ils sont donc indemnisés au titre de l'ARE pendant la durée de leurs droits à l'assurance chômage, conformément au droit commun. Dans ce cadre, un nombre important d'entre eux voient leurs droits s'épuiser avant le terme du CSP, soit douze mois.

Alors que l'expérimentation, dotée d'un budget de 6 millions d'euros, concerne 10 000 bénéficiaires potentiels, le taux d'adhésion au dispositif, selon les données communiquées à votre rapporteur par l'Unédic, n'est que de 35 %. Dans ce contexte, il faut permettre aux partenaires sociaux, qui pilotent en coordination avec l'Etat cette expérimentation, de développer les incitations financières afin que les demandeurs d'emploi aient intérêt à utiliser cet outil dans le cadre d'un projet de réorientation de leur parcours professionnel.

C'est pourquoi le paragraphe II de cet article modifie l'article 43 de la loi du 28 juillet 2011 afin d'autoriser les partenaires sociaux à prévoir des modalités particulières d'incitation financière en faveur des bénéficiaires de l'expérimentation du CSP. L'objectif est bien d'améliorer l'attractivité du dispositif.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale


• La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale n'a adopté, à cet article, que des amendements visant à en améliorer la rédaction.


• En séance publique, il a été précisé que ce sont, potentiellement, les droits issus de plusieurs périodes antérieures d'indemnisation qui seront préservés et non plus d'une seule période antérieure, comme dans le texte initial.

III - Le texte adopté par la commission

L'article 3 de l'Ani rappelle que le régime d'assurance chômage « contribue à la sécurisation des parcours des salariés, tant en leur assurant un revenu de remplacement qu'en leur permettant de bénéficier des dispositifs d'accompagnement destinés à accéder à des emplois durables ». La création des droits rechargeables, par l'addition de droits acquis au cours de périodes d'activité non consécutives, et non simplement, comme le principe de la réadmission le permet déjà, la simple sélection de la situation la plus favorable à l'allocataire, constitue donc une avancée non négligeable pour tous ceux qui subissent une succession de contrats courts, entrecoupés de périodes de chômage.

De manière complémentaire, l'article 8 de l'Ani, qui prévoit le versement par l'Unédic d'une prime de 1 000 euros aux demandeurs d'emploi susceptibles de bénéficier du CSP expérimental, vise le même public, qui est également celui dont la trajectoire professionnelle est la moins rectiligne. L'accumulation de CDD ou de missions d'intérim est en effet un facteur de fragilisation des parcours professionnels. Si le public visé à titre habituel par le CSP, c'est-à-dire les licenciés économiques, n'est pas le même que celui de cette expérimentation, cela ne veut pas dire que leurs besoins en matière d'accompagnement vers l'emploi sont différents. Parmi les personnes plutôt jeunes concernées, certaines ne souhaitent sans doute pas s'engager dans un processus de reconversion et d'acquisition de compétences nouvelles. Pour d'autres, en revanche, le CSP et les mesures actives de formation et d'aide au retour à l'emploi qu'il comporte peuvent être le moyen de sortir de l'emploi précaire.

Cet article pose le principe et le fondement juridique de ces deux mesures. Il développe les incitations à la reprise d'un emploi pour les personnes indemnisées par l'Unédic. Dès lors que celles-ci auront l'assurance que les droits accumulés au titre de leur précédente période d'activité seront préservés en tout ou partie si, après avoir temporairement retrouvé un emploi, elles sont à nouveau au chômage, elles n'auront plus intérêt à prolonger de manière artificielle leur inactivité pour continuer à percevoir l'ARE jusqu'à l'extinction de leurs droits. C'est un outil de lutte contre l'éloignement du marché du travail. Contrairement à ce qui a pu être affirmé par certaines des personnes auditionnées par votre rapporteur, il s'agit bien là d'une avancée par rapport aux mécanismes actuels de la reprise de droits et de la réadmission .

D'après les chiffres communiqués à votre rapporteur par l'Unédic ainsi que ceux figurant dans l'étude d'impact annexée au projet de loi, sur les 270 000 entrées en indemnisation survenues en moyenne, chaque mois, en 2010, 22 % se faisaient sous le régime de la réadmission. Parmi celles-ci, 32 % avaient un reliquat de droits supérieur au nouveau capital, avec un total moyen de 16 mois au titre d'une activité antérieure contre 9 mois travaillés. Ceux dont la réadmission était prononcée sur la base des nouveaux droits avaient un reliquat de 7 mois pour une période d'affiliation nouvelle de 14 mois.

Le cumul de ces droits représentera donc un coût pour le régime d'assurance chômage, même si une partie de celui-ci sera théorique car en 2011 les chômeurs indemnisés sortis du régime d'assurance chômage ont utilisé, en moyenne, 61 % de leurs droits. Il est également impossible d'occulter la situation financière préoccupante de l'Unédic, avec un déficit prévisionnel de près de 5 milliards d'euros pour 2013 et une dette cumulée qui atteindra 18,6 milliards d'euros en fin d'année.

Il faut néanmoins dépasser ces considérations financières de court terme, qui sont le résultat des difficultés persistantes de l'emploi depuis la crise et du rôle contracyclique de l'indemnisation des demandeurs d'emploi, pour apprécier les effets potentiels de cette mesure sur les comportements des chômeurs et la sécurisation des parcours professionnels des plus fragiles, en particulier en début de carrière. Développer l'incitation à reprendre un emploi et diminuer l'incertitude concernant le versement d'une allocation pour traverser les interruptions subies de carrière et les transitions professionnelles sont deux mesures de nature à améliorer le fonctionnement du marché du travail français, à réduire le chômage et donc à diminuer les charges financières de l'Unédic.

Les partenaires sociaux, qui ont la compétence pleine et entière de la gestion du régime d'assurance chômage, sont convenus dans l'Ani de veiller à ne pas aggraver le déséquilibre financier de l'assurance chômage. Votre rapporteur comprend cette préoccupation et ne partage pas l'avis de ceux pour qui cet article de loi est incomplet ou insuffisamment détaillé quant aux modalités d'application des droits rechargeables. La gestion paritaire de l'Unédic est un principe fondamental qu'il est hors de question de remettre en cause ; c'est aux organisations représentatives des salariés et des employeurs de parvenir à un accord sur ce sujet. Le législateur n'a aucune raison, aujourd'hui, de s'arroger cette compétence.

Alors que l'actuelle convention d'assurance chômage arrive à échéance le 31 décembre 2013, les négociations pour celle qui couvrira la période 2014-2017 s'ouvriront à l'automne prochain. C'est à cette occasion que les syndicats et le patronat se retrouveront pour définir précisément la portée des droits rechargeables. Dans leur négociation, il leur appartiendra de mesurer aussi l'impact positif attendu d'une telle disposition sur le plan financier, car le demandeur d'emploi qui pourra retrouver l'intégralité de ses droits à l'assurance chômage ne sera plus incité à rester dans cette situation ; son retour à l'emploi générera des cotisations supplémentaires.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 7 (art. L. 5422-12 du code du travail) Modulation des cotisations d'assurance chômage

Objet : Cet article prévoit que le taux des cotisations d'assurance chômage pourra être majoré ou minoré en fonction de facteurs liés au contrat de travail du salarié, à son âge ou à son entreprise.

I - Le dispositif proposé

1) Les principaux motifs de recours au CDD

Un contrat de travail à durée déterminée (CDD) ne peut, selon le principe énoncé à l'article L. 1242-8 du code du travail, excéder dix-huit mois. Selon l'article L. 1242-1 du même code, il ne peut avoir « ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ».

L'article L. 1242-2 précise qu'un CDD ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et uniquement dans les cas dont il dresse la liste. Outre le remplacement d'un salarié absent, dont le contrat de travail est suspendu ou d'un chef d'entreprise, il est autorisé en cas accroissement temporaire de l'activité de la société.

A ces trois cas de recours s'ajoute un quatrième tenant compte des spécificités de certaines activités. En effet, des personnes peuvent être recrutés en CDD sur des emplois « à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au CDI en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ». C'est la définition des CDD saisonniers et des CDD d'usage. Le CDD peut également être utilisé comme outil de la politique de l'emploi, dans le cadre de contrats aidés.

Les secteurs d'activité pouvant bénéficier du CDD d'usage

L'article D. 1242-1 du code du travail dresse une liste de quinze secteurs d'activité qui peuvent recourir au CDD du fait de « l'usage constant » en la matière. Ce sont :

- les exploitations forestières ;

- la réparation navale ;

- le déménagement ;

- l'hôtellerie et la restauration, les centres de loisirs et de vacances ;

- le sport professionnel ;

- les spectacles, l'action culturelle, l'audiovisuel, la production cinématographique, l'édition phonographique ;

- l'enseignement ;

- l'information, les activités d'enquête et de sondage ;

- l'entreposage et le stockage de la viande ;

- le bâtiment et les travaux publics pour les chantiers à l'étranger ;

- les activités de coopération, d'assistance technique, d'ingénierie et de recherche à l'étranger ;

- les activités d'insertion par l'activité économique exercées par les associations intermédiaires prévues à l'article L. 5132-7 du code du travail ;

- le recrutement de travailleurs dans le secteur des services à la personne ;

- la recherche scientifique réalisée dans le cadre d'une convention internationale, d'un arrangement administratif international pris en application d'une telle convention, ou par des chercheurs étrangers résidant temporairement en France ;

- les activités foraines.

2) L'article 4 de l'Ani : majoration de la cotisation d'assurance chômage de certains CDD et exonération accordée en cas d'embauche d'un jeune en CDI

Dans cet article, les partenaires sociaux renvoient à la négociation d'un avenant pour modifier, d'ici au 1 er juillet 2013, la convention d'assurance chômage et moduler de deux façons le taux de la cotisation patronale d'assurance chômage applicable à certains contrats de travail. Selon les règles actuellement en vigueur, ce taux est de 4 %, à l'exception des intermittents du spectacle pour lesquels il est de 7 %.

Tout d'abord, la cotisation pour les CDD courts sera majorée de la façon suivante :

- un taux de 7 % pour les contrats de moins d'un mois ;

- un taux de 5,5 % pour les contrats compris entre un et trois mois ;

- un taux de 4,5 % pour les CDD d'usage de moins de trois mois.

Des exceptions sont prévues : cette majoration ne concernera ni les CDD conclus afin de remplacer un salarié absent ou un chef d'entreprise, ni les CDD saisonniers. De même, tout CDD qui donnera lieu à une embauche en CDI à son terme restera soumis au droit commun.

La majoration est complétée par une exonération de ces mêmes cotisations en cas de recrutement par l'entreprise d'une personne de moins de vingt-six ans en CDI. Elle porte sur les trois mois qui suivent la fin de la période d'essai, un mois supplémentaire étant accordé aux structures de moins de cinquante salariés.

3) Sa transposition législative

Les partenaires sociaux sont chargés par la loi de définir les règles de cotisation et d'indemnisation relatives à l'assurance chômage et d'assurer la gestion financière du régime. Le code du travail autorise déjà, à son article L. 5422-6, l'instauration de règles spécifiques à une profession. La mise en place d'une modulation sur la base d'autres critères que ceux déjà existants nécessite l'intervention du législateur.

C'est la raison pour laquelle cet article 7 du projet de loi modifie l'article L. 5422-12 du code du travail, relatif à l'équilibre financier du régime d'assurance chômage. Il le complète d'un alinéa qui dispose que la convention d'assurance chômage peut majorer ou minorer le taux des contributions en fonction de cinq facteurs objectifs :

- la nature du contrat de travail ;

- sa durée ;

- le motif de recours à ce type de contrat ;

- l'âge du salarié ;

- la taille de l'entreprise.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale


• La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a adopté un amendement précisant la rédaction de l'article, sans en modifier la substance.


• Au final, le dispositif de l'article, tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale, a été encadré dans un souci de ne pas dégrader la situation financière de l'Unédic. Les taux de cotisation devront être fixés de telle sorte que le produit total des contributions ne soit pas diminué.

Par ailleurs, le Gouvernement devra réaliser, avant le 1 er juillet 2015, un rapport sur l'application de cet article et ses effets sur la diminution de l'emploi précaire pour permettre, le cas échéant, une amélioration de son efficacité.

III - Le texte adopté par la commission

L'article 4 de l'Ani est une réponse à un constat indiscutable : la part des formes particulières d'emploi (CDD, intérim, contrats aidés, alternance) a doublé en trente ans, passant de 6 % de l'emploi salarié en 1982 à 11 % en 2011. Bien qu'une faible part des salariés soit concernée par cette précarité accrue, celle-ci est un facteur déterminant de leur éloignement du marché de l'emploi, de leur accès très limité à la formation et des difficultés qu'ils peuvent rencontrer en matière d'insertion sociale.

Le recours au CDD d'usage a connu une croissance particulièrement marquée. Ainsi, selon l'étude d'impact annexée au projet de loi, un CDD sur cinq est signé dans un secteur où il est autorisé. La moitié des déclarations d'embauche en CDD enregistrées en 2011 concerne des secteurs éligibles au CDD d'usage. Cette même année, le nombre de salariés en CDD y était de 300 000, soit 16 % de l'emploi total. Enfin, entre 2000 et 2011, la quasi-totalité de la hausse du nombre de CDD correspond à des CDD de moins d'un mois, dont près de 60 % sont des CDD d'usage.

Au vu de ces éléments, il est nécessaire d'agir pour que les entreprises cessent de détourner le CDD de son objet initial et de le substituer, parfois, à une embauche en CDI. La voie choisie par les partenaires sociaux est double : renchérir le coût des CDD les plus précaires tout en incitant financièrement à recruter des jeunes dans un emploi stable. La prime de précarité, égale à 10 % de la rémunération versée au salarié (article L. 1243-8 du code du travail), est déjà précisément destinée à compenser la précarité de la situation d'une personne en fin de CDD. Elle n'est toutefois pas due pour les CDD d'usage.

Moduler le taux de la cotisation d'assurance chômage versée par l'employeur apparaît donc, aux yeux de votre rapporteur, comme un pas supplémentaire et inévitable dans ce sens. Les choix des partenaires sociaux, sur son paramétrage comme sur son champ d'application, doivent être respectés. Ils sont le résultat d'un compromis, le fruit de leur négociation et le taux sera augmenté par l'Unédic à un niveau acceptable par toutes les parties, malgré les réticences de certains représentants des employeurs. Il faut souligner que le taux pour les contrats de moins d'un mois augmentera de 75 % : la différence est notable.

De même, la différenciation opérée entre les motifs de recours au CDD permet de ne pas pénaliser les situations où le remplacement d'un salarié absent ne peut donner lieu à la conclusion d'un CDI, ou bien le cas particulier des activités saisonnières. Elle cible spécifiquement les contrats relevant de l'accroissement temporaire d'activité, motif dont la hausse a été la plus forte ces dernières années. Enfin, elle reconnait la spécificité du CDD d'usage, tout en admettant le besoin d'éviter les abus et de responsabiliser les chefs d'entreprise par une hausse de 12,5 % du taux de cotisation d'assurance chômage.

Symétriquement, l'exonération en cas d'embauche en CDI d'un jeune de moins de 26 ans constitue le second volet du cadre incitatif à la lutte contre la précarité de l'emploi établi par cet article. Comme l'ont souligné plusieurs des personnes auditionnées par votre rapporteur, les précédents en la matière sont très peu nombreux, à l'exception du plan « Exo-jeunes » lancé par Edith Cresson en 1991 et des règles relatives à l'emploi d'apprentis dans les entreprises de moins de onze salariés. Cette mesure vient en complément du contrat de génération, créé par la loi 34 ( * ) du 1 er mars 2013, et qui vise à développer l'emploi des jeunes en CDI et le maintien dans l'emploi des salariés âgés.

Du fait des multiples sources (Insee, Dares, Acoss) auxquelles le Gouvernement et l'Unédic ont dû faire appel pour estimer les enjeux financiers de ces mesures, leur évaluation reste imprécise. Il n'est en effet pas possible, avec les outils existants, de distinguer parmi les embauches en CDD celles liées à un emploi saisonnier ou au remplacement d'un salarié absent ni de chiffrer précisément le nombre de CDD d'usage conclus chaque année. Néanmoins, les simulations réalisées par l'Unédic conduisent à estimer les recettes supplémentaires à environ 140 millions d'euros, le Gouvernement dans son étude d'impact les plaçant dans la fourchette 150-200 millions d'euros. L'exonération pour l'embauche d'un jeune de moins de 26 ans en CDI aurait, quant à elle, un coût que l'Unédic voit au maximum atteindre 180 millions d'euros.

L'application de cet article n'aura donc pas d'incidence majeure sur l'équilibre financier du régime d'assurance chômage : votre rapporteur s'en félicite.

Il est par ailleurs nécessaire de dissiper certaines craintes qui pourraient être suscitées par le fait que l'intérim ne soit pas concerné par la majoration de la cotisation d'assurance chômage pour les employeurs. Les partenaires sociaux ont, selon les termes employés par l'article 4 de l'Ani, « pris acte de la décision de la profession d'approfondir la sécurisation des parcours professionnels de cette catégorie de salariés par la mise en place d'un CDI » spécifique. Ils donnent à la branche du travail temporaire six mois pour parvenir à un accord visant à définir les modalités de mise en oeuvre de ce CDI intermittent. Si celui-ci n'est pas intervenu dans ce délai, « les conditions dans lesquelles la sécurisation des parcours professionnels des intérimaires pourrait être améliorée » seront réexaminées par les signataires de l'accord.

Votre rapporteur convient qu'il est nécessaire de laisser l'opportunité au dialogue social de branche d'aboutir positivement , et ce d'autant plus qu'il est, sur ce point, déjà engagé. En revanche, en cas d'échec, il ne sera pas possible de laisser perdurer la situation actuelle et il appartiendra au législateur d'intervenir si les partenaires sociaux, au niveau national, ne prennent pas de mesures pour faire diminuer la précarité de l'emploi dans ce secteur .

Sur proposition de votre rapporteur, la commission a supprimé la disposition adoptée par l'Assemblée nationale et prévoyant que la modulation des taux ne doit pas avoir pour effet la baisse du produit des contributions de l'Unédic.

Il faut souligner que l'impact financier des mesures proposées par cet article reste modeste au regard des recettes de l'Unédic, puisqu'il est évalué à moins de 1 % de leur montant, qui s'élevait à 31,7 milliards d'euros en 2011.

Qui plus est, une telle disposition entrerait en contradiction avec la logique même du dispositif : le but est d'inciter les entreprises à diminuer leur recours aux contrats courts, avec donc à terme une baisse des recettes liées à la surcotisation, et de développer les embauches de jeunes en CDI, entraînant une hausse des exonérations accordées. L'effet sur l'emploi sera donc bénéfique, l'Unédic subissant une perte de recette qui sera compensée, à terme, par des charges d'indemnisation du chômage moindres et qui contribuera à une plus grande efficacité de la politique de l'emploi. La précision apportée par les députés, dont on perçoit aisément l'intention, aurait pour effet de restreindre de manière trop importante la marge de manoeuvre des partenaires sociaux qui, au sein de l'Unédic, vont définir précisément les contours et le contenu des droits rechargeables. Il leur appartiendra d'assurer le suivi de cette mesure et l'évaluation de son impact financier par rapport aux résultats obtenus en matière d'emploi durable.

La commission a adopté cet article dans la rédaction issue de ses travaux.

Article 8 (art. L. 2241-13 [nouveau], L. 3123-8, L. 3123-14, L. 3123-14-1 à L. 3123-14-5 [nouveaux], L. 3123-16, L. 3123-17, L. 3123-19 et L. 3123-25 [nouveau] du code du travail) Encadrement du travail à temps partiel

Objet : Cet article modifie plusieurs règles relatives au travail à temps partiel, instaurant notamment une durée minimale de travail de 24 heures hebdomadaires, une meilleure rémunération des premières heures complémentaires effectuées ainsi que la possibilité de réaliser pour le salarié, dans le cadre défini par un avenant au contrat de travail, des compléments d'heures au-delà de sa durée initiale de travail.

I - Le dispositif proposé

Le travail à temps partiel est défini par l'article L. 3123-1 du code du travail comme celui du salarié dont la durée du travail est inférieure à la durée légale du travail ou, si elle lui est inférieure, à la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l'entreprise, ou bien à la durée du travail applicable dans l'établissement. L'article 8 du projet de loi, qui transpose l'article 11 de l'Ani du 11 janvier 2013, réforme le droit applicable en la matière sur plusieurs points, en particulier la durée hebdomadaire minimale de travail, la rémunération des heures de travail effectuées au-delà de celles prévues au contrat de travail ainsi que l'articulation entre la négociation de branche et d'entreprise sur le sujet.

Le paragraphe I insère, dans le chapitre du code du travail relatif à la négociation de branche, une section 5 nouvelle dont l'article unique L. 2241-13 nouveau impose aux branches dont les effectifs sont constitués d'au moins un tiers de salariés à temps partiel d'ouvrir des négociations sur les modalités d'organisation du temps partiel.

Cette négociation doit notamment porter sur les thèmes suivants : la durée minimale d'activité hebdomadaire ou mensuelle, le nombre et la durée des périodes d'interruption d'activité (visées à l'article L. 3123-16), le délai de prévenance préalable à la modification des horaires (visé à l'article L. 3123-22) et la rémunération des heures complémentaires.

Le paragraphe II complète l'article L. 3123-8, qui porte sur la priorité reconnue aux salariés à temps partiel pour obtenir un emploi à temps plein ressortissant à leur catégorie professionnelle ou équivalent ainsi que, à l'inverse, celle dont bénéficient les salariés à temps plein qui souhaitent occuper un emploi à temps partiel.

Il prévoit qu'une convention collective ou un accord de branche peut autoriser l'employeur à proposer au salarié à temps partiel un emploi à temps plein ne correspondant pas à sa catégorie professionnelle ou non équivalent à son emploi actuel.

Le paragraphe III porte sur la durée minimale hebdomadaire de travail à temps partiel. L'article L. 3123-14-1 nouveau la fixe à 24 heures, ou son équivalent mensuel. Pour les entreprises où la durée du travail est répartie sur une plus longue période par un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par un accord de branche, elle est calculée sur la base de celle-ci. La seule exception générale à ce principe concerne les salariés âgés de moins de vingt-six ans poursuivant leurs études : les 24 heures ne leur sont pas applicables.

L'article L. 3123-14-2 nouveau permet néanmoins de déroger à ce plancher, à la demande du salarié. Cela doit lui permettre de répondre à des contraintes personnelles ou de cumuler plusieurs activités et atteindre une durée du travail d'au moins 24 heures et, si possible, un temps plein. Cette demande doit être écrite et motivée.

L'article L. 3123-14-3 nouveau autorise un accord de branche à prévoir une durée du travail inférieure à 24 heures à condition d'offrir des garanties sur la mise en oeuvre d'horaires réguliers ou permettant le cumul de plusieurs emplois.

L'article L. 3123-14-4 nouveau encadre les dérogations accordées par les deux précédents articles. Elles ne seront possibles qu'à la condition que soient regroupés les horaires de travail du salarié sur des journées ou des demi-journées régulières ou complètes, selon des modalités qui pourront être précisées par accord d'entreprise ou de branche.

Le paragraphe IV concerne la répartition de l'horaire de travail du salarié à temps partiel sur une même journée. A l'heure actuelle, selon l'article L. 3123-16, il ne peut comporter plus d'une interruption d'activité ou une interruption supérieure à deux heures sauf si un accord de branche étendu ou un accord d'entreprise ou d'établissement en a décidé autrement. Cet article du code du travail est modifié pour supprimer l'extension obligatoire de l'accord de branche conclu dans ce domaine.

Le paragraphe V modifie les règles relatives à la rémunération des heures complémentaires, c'est-à-dire des heures effectuées par le salarié à temps partiel au-delà de la durée prévue à son contrat de travail.

Dans le régime actuellement en vigueur, elles ne peuvent avoir pour effet d'aboutir à un temps plein et sont plafonnées à 10 % de la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail (article L. 3123-17). Toutefois, un accord de branche étendu ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut porter ce plafond jusqu'au tiers de la durée stipulée au contrat (article L. 3123-19). Dans ce cas, une majoration de salaire de 25 % est appliquée aux heures comprises entre ces deux seuils (article L. 3123-19).

L'article L. 3123-17 est tout d'abord complété d'un alinéa qui prévoit que les heures complémentaires réalisées dans la limite de 10 % du temps de travail du salarié, pour lesquelles aujourd'hui la rémunération est identique à celle des heures effectuées dans le cadre du contrat de travail, seront majorées de 10 %. Ensuite, l'article L. 3123-19 est modifié afin qu'un accord de branche puisse retenir, pour les heures jusqu'à présent majorées à 25 %, un taux différent, sans pouvoir être inférieur à 10 %.

Le paragraphe VI institue une nouvelle procédure d'augmentation temporaire d'activité pour les salariés à temps partiel : les compléments d'heures, qui se traduisent par un avenant à leur contrat de travail. Il crée un article L. 3123-25 nouveau qui en présente les modalités de mise en oeuvre. Soumis, pour s'appliquer en entreprise, à la conclusion d'un accord de branche étendu, ces compléments d'heures s'accomplissent dans le cadre qu'il détermine. L'accord doit déterminer le nombre maximum d'avenants qu'un salarié peut signer chaque année, dans la limite de huit par an, hors remplacement d'un salarié absent. Il peut également fixer un taux de majoration pour les heures effectuées pour son application et doit déterminer dans quelles conditions la priorité reconnue aux salariés à temps partiel pour bénéficier d'un accroissement d'activité doit s'exercer. Par dérogation, les heures complémentaires au-delà de l'avenant bénéficieront d'une majoration de 25 %. S'agissant d'une modification du contrat de travail, ces compléments d'heures ne pourront être imposés sans l'accord du salarié.

Le paragraphe VII constitue une mesure de coordination qui tire les conséquences de la création des compléments d'heures par avenant pour les mentions obligatoires qui doivent figurer au contrat de travail d'un salarié à temps partiel.

Le paragraphe VIII définit le calendrier d'entrée en vigueur de certaines des mesures introduites par cet article. La durée hebdomadaire minimale de 24 heures ainsi que la majoration de 10 % des premières heures complémentaires seront applicables à partir du 1 er janvier 2014. En revanche, pour les contrats en cours à cette date, une période transitoire jusqu'au 1 er janvier 2016 est mise en place. Sauf si un accord de branche est conclu d'ici là, le salarié pourra demander à ce que la durée de 24 heures lui soit appliquée, mais l'employeur pourra refuser si l'activité économique de l'entreprise ne le permet pas.

Enfin, le paragraphe IX donne aux branches concernées trois mois à compter de l'entrée en vigueur de la loi pour ouvrir la négociation sur le travail à temps partiel créée au paragraphe I.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale


• La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements précisant la rédaction de l'article. Elle a également, sur proposition du député Christophe Cavard et de ses collègues du groupe écologiste, renforcé les obligations d'information des IRP sur les dérogations au plancher de 24 heures en imposant à l'employeur d'informer annuellement le comité d'entreprise du nombre de demandes reçues.


• Plusieurs modifications destinées à mieux protéger les salariés ont été apportées en séance publique.

Les accords de branche permettant de déroger au cadre fixé par la loi, comme par exemple sur la durée minimale d'activité ou la rémunération des heures complémentaires, devront avoir fait l'objet d'un arrêté ministériel d'extension.

Un amendement a restreint le champ de l'article L. 3123-16 du code du travail, selon lequel un accord de branche étendu ou un accord d'entreprise peut déroger à la règle selon laquelle l'horaire de travail du salarié à temps partiel ne peut comporter, au cours d'une même journée, plus d'une interruption d'activité ou une interruption supérieure à deux heures. Cela ne sera désormais possible qu'à la condition que l'accord définisse les amplitudes horaires pendant lesquelles les salariés doivent exercer leur activité et leur répartition dans la journée de travail, moyennant des contreparties spécifiques et en tenant compte des exigences propres à l'activité exercée.

Enfin, dans le cadre des compléments d'heures par avenant, un amendement avait été adopté prévoyant que les heures effectuées en application des quatre derniers avenants autorisés (sur le total annuel maximal de huit) seraient majorées à hauteur de 25 %. Toutefois, le Gouvernement a demandé et obtenu, lors d'une seconde délibération, la suppression de cette disposition.

III - Le texte adopté par la commission

Selon l'étude d'impact annexée au projet de loi, 18,7 % des salariés travaillaient à temps partiel en 2011. Parmi ceux-ci, les femmes sont très majoritaires, puisqu'elles représentent 82 % des salariés à temps partiel . 31 % des femmes et moins de 7 % des hommes occupaient, cette même année, un emploi à temps partiel. Qui plus est, les formes d'emploi précaires représentent 17 % des contrats de travail à temps partiel, contre 11 % pour l'emploi en général. Enfin, il s'agit à plus de 30 % de temps partiel subi, pour une durée d'activité moyenne de 24,4 heures par semaine et un salaire de 996 euros par mois.

Ces chiffres soulignent la nécessité d'agir afin d'améliorer la situation de ces salariés trop souvent dans la précarité . A ce titre, votre rapporteur salue la décision d'Annie David, présidente de la commission des affaires sociales, d'avoir saisi la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes de ce projet de loi. Celle-ci a tout particulièrement examiné cet article. Il propose en effet un certain nombre d'avancées significatives en matière de temps de travail et de rémunération dont les femmes seront, de par leur surreprésentation parmi les salariés à temps partiel, les premières bénéficiaires.

Sans remettre en cause les besoins auxquels peut répondre le temps partiel, du point de vue des salariés comme de celui des secteurs d'activité où l'organisation du travail le rend incontournable, les mesures contenues dans l'article 8 du projet de loi traduisent l'esprit de l'article 11 de l'Ani et de ses signataires, syndicats de salariés et représentants patronaux, ainsi que sa lettre. Elles ont des effets à trois niveaux : celui de la branche, de l'entreprise et du salarié.

La nouvelle négociation obligatoire cible spécifiquement les branches où le temps partiel représente au moins un tiers des effectifs. Parmi le total des conventions collectives de branche, vingt-cinq comptant plus de 5 000 salariés sont concernées, soit environ 2,1 millions de personnes. Dans certaines, comme celle des entreprises de propreté et services associés, la part de salariés à temps partiel dépasse 60 %. Décider à l'échelle de la branche professionnelle de règles comme la durée minimale d'activité ou la rémunération des heures complémentaires permet aux TPE et PME, dans lesquelles le dialogue social est peu développé voire parfois, faute d'interlocuteurs, inexistant, de bénéficier d'adaptations en lien avec leur activité, dans le respect du cadre légal. Cela garantit un traitement égal de tous les acteurs concernés.

Pour les salariés et l'entreprise, l'instauration d'une durée minimale de travail hebdomadaire de vingt-quatre heures ainsi que les conditions qui l'entourent constituent une révolution. Ce n'est pas une règle absolue et intangible, qui par définition serait inadaptée à la réalité économique et aux motifs pour lesquels certains salariés choisissent de travailler à temps partiel. C'est, au contraire, un filet contre la précarité imposée à de trop nombreux autres salariés.

Des contraintes personnelles ou une polyactivité autoriseront le salarié à demander une dérogation. Il appartiendra à la branche de déterminer si une durée minimale inférieure est plus adaptée à son activité, en offrant en contrepartie aux salariés la possibilité de bénéficier d'horaires plus réguliers. A l'heure actuelle, l'article L. 3123-16 du code du travail permet à l'entreprise ou à la branche d'adopter une organisation comprenant plus d'une interruption d'activité par jour ou une interruption supérieure à deux heures. Par principe, si la durée de travail retenue est inférieure à vingt-quatre heures, les horaires de travail devront désormais être regroupés sur des journées ou demi-journées régulières ou complètes. La modification des rythmes de travail, vers plus de régularité et de prévisibilité, améliorera indéniablement les conditions de travail des salariés concernés.

De plus, la rémunération de certains salariés en temps partiel connaitra une augmentation grâce à deux aspects de cet article.

La majoration de 10 % des heures complémentaires accomplies dès la première heure, dans la limite de 10 % de la durée de travail inscrite au contrat, y contribue. Selon l'étude d'impact, en 2010, 34 % des salariés à temps partiel des entreprises de dix salariés et plus ont effectué des heures complémentaires, soit trente-huit heures en moyenne pour ceux qui en ont effectué. 30,8 % des heures complémentaires ne sont aujourd'hui pas majorées ; elles le seront désormais.

La sécurisation juridique des compléments d'heures par avenant constitue l'autre pan de cette politique visant à permettre aux salariés à temps partiel qui sont volontaires d'augmenter leur temps de travail et, par conséquent, leur salaire. Pratique ancienne, elle avait donné lieu à de tels abus que la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt 35 ( * ) du 7 décembre 2010, que toutes les heures réalisées au-delà de la durée inscrite au contrat de travail, même prévues par un avenant à celui-ci, constituent des heures complémentaires. Les compléments d'heures sont néanmoins un outil efficace, lorsqu'ils sont bien encadrés et que le salarié est protégé, pour éviter qu'en cas de surcroit temporaire d'activité l'employeur ne recoure à des CDD.

A l'avenir, seules les entreprises couvertes par un accord de branche étendu pourront proposer à leurs salariés ces compléments d'heures par avenant. Toutes les heures complémentaires accomplies au-delà de sa durée seront automatiquement majorées de 25 %, tandis que le nombre d'avenants ne pourra pas dépasser huit par an et par salarié. L'accord de branche pourra également majorer la rémunération des heures accomplies.

Pour votre rapporteur, ces règles strictes permettront d'éviter les dérives qui ont pu être constatées par le passé . Elles laissent le salarié libre de refuser la proposition de l'employeur, puisqu'un avenant à son contrat de travail doit recueillir son approbation expresse. Elles sont fidèles à l'accord conclu par les partenaires sociaux.

On peut évidemment regretter que les heures comprises dans l'avenant perdent le caractère d'heures complémentaires et la majoration automatique qui l'accompagne. Néanmoins, les compléments d'heures par avenant sont, pour les salariés comme pour les entreprises, un outil de gestion anticipée du temps de travail et de l'activité qui, dans la situation économique actuelle, pourra se révéler bénéfique. Il appartiendra aux employeurs, pour éviter que le juge, saisi par le salarié, ne requalifie le contrat à temps partiel en contrat à temps plein, de veiller à ne pas utiliser ces avenants pour faire accomplir à leurs salariés la durée légale ou conventionnelle de travail.

A cet article, en plus de la correction d'une référence obsolète au sein du code du travail, votre rapporteur a déposé plusieurs amendements afin de remédier à certaines imprécisions.

Ainsi, une périodicité triennale a été fixée pour la négociation obligatoire sur le temps partiel dans les branches dont au moins un tiers de l'effectif travaille à temps partiel. C'est déjà avec une telle régularité qu'ont lieu les négociations sur l'égalité professionnelle, la GPEC, l'emploi des travailleurs handicapés ainsi que sur la formation professionnelle.

Par ailleurs, les branches qui dépasseront le seuil du tiers des effectifs à temps partiel après la promulgation de la loi auront un délai de trois mois pour se conformer à cette obligation de négociation.

La commission a adopté cet article dans la rédaction issue de ses travaux.

Article 8 bis Rapport d'évaluation sur le temps partiel

Objet : Cet article, qui ne figurait pas dans le projet de loi initial, demande au Gouvernement de réaliser avant 2015 un rapport sur l'évaluation des dispositifs relatifs au temps partiel.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Sur proposition des députés membres du groupe écologiste, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a inséré cet article additionnel afin de pouvoir mieux mesurer les effets du temps partiel, auquel l'article 8 apporte plusieurs modifications.

Il est donc demandé au Gouvernement de remettre au Parlement avant le 1 er janvier 2015 un rapport sur l'évaluation des dispositifs relatifs au temps partiel afin d'en mesurer « l'impact réel ». Du fait du caractère majoritairement féminin du travail à temps partiel, ce rapport devra particulièrement mesurer les conséquences de celui-ci en termes d'égalité professionnelle.

L'Assemblée nationale n'a pas, lors de l'examen du projet de loi en séance publique, modifié la rédaction de cet article.

II - Le texte adopté par la commission

Les effets du temps partiel, en particulier lorsqu'il est subi par le salarié, ainsi que les inégalités en fonction du sexe, de l'âge et du secteur d'activité qu'il engendre sont connus. Bien que votre commission n'ait pas pour habitude d'approuver les demandes de rapports, qui se sont faites de plus en plus fréquentes ces dernières années, le cas présent se prête bien à cet exercice. L'article 8 réforme en effet sur plusieurs points le régime du travail à temps partiel. Toutefois, l'évaluation des lois ne saurait être laissée à l'appréciation du Gouvernement seul, le Parlement tenant de l'article 24 de la Constitution une mission générale d'évaluation des politiques publiques.

La commission a adopté cet article sans modification.


* 30 Ou trente-six mois pour les personnes âgées de 50 ans et plus.

* 31 Source : Unédic, Les chiffres qui comptent - Assurance chômage, données au 31 décembre 2011.

* 32 Loi n° 2011-893 du 28 juillet 2011 pour le développement de l'alternance et à la sécurisation des parcours professionnels.

* 33 Article L. 1233-71 du code du travail.

* 34 Loi n° 2013-185 du 1 er mars 2013 portant création du contrat de génération.

* 35 Cour de cassation, chambre sociale, société Veolia propreté nettoyage et multiservices Sud-Est, 7 décembre 2010, n° 09-42315.

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