B. UN MODÈLE D'ENTREPRISE À DÉVELOPPER

L'économie sociale et solidaire se distingue non seulement par son approche des activités économiques, mais aussi par son mode d'organisation même. Elle propose de recentrer l'objet d'une entreprise sur son projet entrepreneurial, porté par des femmes et des hommes, plutôt que sur le seul capital ou patrimoine détenu par un individu.

A ce titre, les principes d'organisation propres aux entreprises de l'économie sociale et solidaire apparaissent comme un modèle certainement pas unique, mais qui peut, dans certaines situations, répondre aux insuffisances du modèle de l'entreprise capitalistique centrée sur le capital ou le patrimoine individuel.

1. Le gâchis des échecs de transmission d'entreprise

Votre rapporteur est tout particulièrement sensible au problème spécifique posé par la transmission des entreprises.

Chaque année, 60 000 entreprises sont reprises. Il s'agit surtout de très petites entreprises puisque 94 % des entreprises françaises ont moins de 10 salariés. Le temps moyen estimé par les Chambres de commerce et d'industrie pour reprendre une entreprise est de 6 à 18 mois. Il peut être parfois beaucoup plus long.

Une entreprise, tout au long de sa vie, accumule du capital, mais aussi du savoir-faire, une clientèle. Elle s'intègre dans un ou plusieurs territoires et participe à la dynamisation du tissu économique local par ses relations avec ses fournisseurs, ses sous-traitants ou ses clients.

Le créateur de l'entreprise, par une prise de risque et une implication constante dans la vie de sa structure, est légitimement fier de cette réussite.

Toutefois, votre rapporteur constate que, dans un trop grand nombre de cas, la transmission des entreprises est mal préparée. Le chef d'entreprise, immergé dans la gestion et le développement de sa société, ne se prépare pas toujours suffisamment à la transmission de celle-ci, alors même que des compétences pourraient émerger parmi ses salariés.

Presque du jour au lendemain, des entreprises saines disparaissent ainsi dans toute la France. C'est à une véritable déperdition d'emplois, mais aussi de compétences et de savoir-faire, que l'on assiste. La transmission des très petites entreprises est tout particulièrement difficile 4 ( * ) .

Les évolutions de la société et de l'économie devraient aggraver ce problème dans les années à venir.

D'une part, en raison du vieillissement général de la population, un nombre croissant d'entreprises sont dirigées par des patrons en âge de prendre leur retraite.

D'autre part, les réformes successives des retraites, mais aussi la crise économique qui rend plus difficile la recherche d'un repreneur, peuvent amener les patrons à conserver la direction de leur entreprise le plus longtemps possible, alors qu'une cession au moment le plus opportun aurait pu être plus bénéfique pour l'entreprise.

Il paraît donc nécessaire, sans se cantonner à un modèle unique, de rechercher tous les moyens susceptibles d'accroître les possibilités de succès de la transmission.

Il est vrai que les acteurs du monde économique, comme ils l'ont signalé à votre rapporteur, se sont soucié de cette question depuis longtemps et mettent en oeuvre des dispositifs pour accompagner la transmission d'entreprise. C'est le cas notamment des chambres consulaires qui conseillent les repreneurs potentiels comme les cédants en proposant des formations à la reprise d'entreprise. BPI-France (ex-Oséo) peut aider au montage d'une opération de reprise (garantie du financement bancaire, crédit en accompagnement d'un crédit bancaire, prêt pour la création d'entreprise).

Votre rapporteur considère toutefois qu'une solution est insuffisamment envisagée : la reprise par les salariés eux-mêmes, à laquelle eux-mêmes comme le chef d'entreprise comme les salariés eux-mêmes ne pensent pas assez souvent - et surtout pas assez tôt. Or une reprise par des salariés, notamment s'ils disposent de compétences variées (production, comptabilité, commercial...), est l'une des meilleures chances de pérennité de l'entreprise.

« La transmission aux salariés est parfois envisagée par le chef d'entreprise comme étant la meilleure solution pour assurer la transmission de son affaire. En effet, les salariés présentent l'avantage de bien connaître l'environnement de l'entreprise et de maîtriser le savoir-faire nécessaire à son activité.

« Il suffit que le dirigeant :

« - les accompagne quelques mois pour les présenter aux fournisseurs et aux clients de l'entreprise,

« - et les éclaire dans les tâches administratives à effectuer,
pour que la transmission se déroule sans heurt et que l'activité de l'entreprise se maintienne à un niveau de rentabilité suffisant pour assurer sa pérennité. »

Source : Agence pour la création d'entreprise (APCE) 5 ( * )

Votre rapporteur considère qu' une information devrait être apportée aux salariés tout au long de la vie de l'entreprise sur les possibilités de reprise d'une entreprise . En effet, les salariés ne connaissent bien souvent pas ces possibilités ou n'en ont qu'une vision abstraite. Une information sur la durée est susceptible de mieux les préparer à la perspective, un jour, de formuler une offre concrète.

2. La reprise d'entreprise sous forme de coopérative : un modèle à encourager

Le nombre annuel de cessions-transmissions d'entreprises de plus de 10 salariés serait de l'ordre de 13 000 en France. En incluant les micro-entreprises, le nombre de cessions-transmissions s'élève annuellement autour de 60 000. Ce serait ainsi plus de 6 % des PME qui « changent de mains » chaque année, affectant plus d'un million d'emplois salariés.

Or la reprise par les salariés, qui n'a pas la place qu'elle mérite, doit être encouragée dans notre pays.

La création d'une SCOP présente en effet plusieurs avantages, qui bénéficient aux trois types d'acteurs concernés :

- aux associés coopérateurs, qui sont intéressés aux performances de l'entreprise grâce à la « ristourne » coopérative ;

- à l'entreprise elle-même, qui peut réinvestir une grande partie des profits réalisés grâce au principe de mise en réserve prioritaire, et bénéficie souvent d'un surcroît d'implication de son personnel, ce qui accroît d'autant sa productivité et sa compétitivité ;

- aux territoires accueillant la société, enfin, qui voient leur taux d'emploi augmenter et leur attractivité améliorée.

Le projet de loi crée ainsi dans son article 15 le dispositif de la SCOP d'amorçage.

Pour aider à la reprise d'entreprises de taille plus importante que celles observées actuellement, l'apport de fonds extérieurs est indispensable, le temps de permettre aux salariés de renforcer d'année en année leur part au capital de la SCOP. Le texte propose donc de créer un statut transitoire de sept ans durant lesquels les apporteurs de capitaux peuvent être majoritaires avant que les associés ne le redeviennent, délai durant lequel la coopérative continue de bénéficier d'avantages fiscaux.


* 4 Il y aurait seulement un repreneur pour cinq cédants concernant les entreprises de moins de 10 salariés ou les commerces (« Trouver votre entreprise », site Internet des CCI).

* 5 « La transmission aux salariés », site Internet de l'APCE.

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