B. MALGRÉ LES RÉFORMES PASSÉES, LA PÉRENNITÉ FINANCIÈRE DU SYSTÈME N'EST TOUJOURS PAS GARANTIE, NI À COURT, NI À LONG TERME

La commission pour l'avenir des retraites souligne que les réformes des retraites intervenues depuis 1993 ont permis de limiter de plus de 6 points la progression de la part des retraites dans la richesse nationale à l'horizon 2040 (dont 4,4 points au titre de la réforme de 1993, environ 1,8 point au titre de la réforme de 2003 et près de 0,5 point au titre de la réforme de 2010 et de l'ajustement intervenu fin 2011).

Ces réformes n'ont cependant pas permis de garantir la pérennité du système de retraite.

A court terme, après une nette amélioration en 2013, le solde de la branche vieillesse, déficitaire depuis 2005, connaîtrait une nouvelle dégradation dès 2014 en l'absence de nouvelles mesures de redressement.

A plus long terme, les projections du COR montrent que l'objectif du retour à l'équilibre, envisagé à l'horizon 2020 par la réforme de 2003 puis à l'horizon 2018 par la réforme de 2010, ne sera pas atteint toutes choses égales par ailleurs. Le comité évalue à 20 milliards d'euros, soit un point de PIB, le besoin de financement du système à l'horizon 2020, dont 7,6 milliards d'euros pour le régime général, les régimes de base non équilibrés par subvention et le FSV.

1. Après une amélioration sensible en 2013, une nouvelle dégradation du solde de la branche vieillesse interviendrait dès 2014 à législation inchangée
a) Une réduction significative du déficit de la branche vieillesse en 2013 grâce à un apport substantiel de recettes

En 2013, les régimes de retraite de base et le fonds de solidarité vieillesse (FSV) ont bénéficié d'un apport total d'environ 7 milliards de recettes supplémentaires grâce aux mesures portées par la loi de finances rectificative du 16 août 2012 8 ( * ) , la lois financières pour 2013 9 ( * ) , et le décret « carrières longues » du 2 juillet 2012.

Ce dernier prévoit une hausse de 0,2 point du taux de cotisation salarié et employeur jusqu'en 2016 destinée à financer l'élargissement de la retraite anticipée pour carrière longue à compter du 1 er novembre 2012.

Cette importante hausse des produits a permis de réduire le déficit du régime général de 1,4 milliard d'euros entre 2012 et 2013 malgré la progression soutenue de ses charges. Ainsi, le dynamisme des charges (+ 4,0 %) a été plus que compensé par la forte croissance des produits (+ 5,6 %).

Les comptes du FSV, fortement déficitaires depuis 2009, se caractérisent également par une importante amélioration du solde entre 2012 et 2013, le déficit étant ramené de 4,1 milliards d'euros à 2,7 milliards d'euros essentiellement grâce à l'apport de recettes nouvelles (CSG, forfait social, C3S).

Au total, le déficit conjugué du régime général et du FSV est ramené de 8,9 milliards d'euros à 6 milliards d'euros entre 2012 et 2013, soit une réduction de plus de 36 %.

Le tableau ci-dessous récapitule l'évolution du solde effectif et prévisionnel de la branche vieillesse du régime général et du FSV entre 2010 et 2014, hors mesures nouvelles résultant de la présente réforme.

Tableau n° 3 : Evolution du solde de la branche vieillesse du régime général et du FSV entre 2010 et 2014

(en milliards d'euros)

2010

2011

2012

2013 (p)

2014 (p)

Branche vieillesse du régime général

-8,9

-6,0

-4,8

-3,3

-3,7

FSV

-4,1

-3,4

-4,1

-2,7

-3,7

Ensemble

-13,0

-9,5

-8,9

-6,0

-7,4

Source : C ommission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2013

En application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, les déficits 2013 de la branche vieillesse du régime général et du FSV seront automatiquement repris par la Cades en 2014.

En ce qui concerne le déficit des régimes de retraite autres que le régime général , il diminuerait de 700 millions d'euros entre 2012 et 2013 pour s'établir à 1,1 milliard d'euros cette année. Plusieurs de ces régimes ont en effet bénéficié en 2013 d'un surcroît de recettes consécutif aux mesures prises en 2012.

La caisse nationale de retraite des collectivités locales (CNRACL) a bénéficié de deux hausses successives des taux de cotisation vieillesse pour un rendement de 600 millions d'euros par hausse, ce qui lui permet de stabiliser son déficit à un peu moins de 400 millions d'euros en 2013.

La Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) voit son solde s'améliorer grâce notamment à une hausse des taux générant 200 millions de recettes supplémentaires. Déficitaire de 103 millions d'euros en 2012, le régime deviendrait excédentaire de 71 millions d'euros en 2013.

Enfin, le régime de retraite des industries électriques et gazières (Cnieg) a bénéficié d'une hausse du rendement de la contribution tarifaire d'acheminement (CTA) lui permettant de redevenir excédentaire (à hauteur de 48 millions d'euros) en 2013 après un déficit de 91 millions d'euros en 2012. 10 ( * )

b) Un solde qui se creuserait toutefois à nouveau dès 2014 toutes choses égales par ailleurs

Les dernières prévisions de la commission des comptes de la sécurité sociale (septembre 2013) indiquent que le solde de la Cnav se dégraderait cependant à nouveau dès 2014 pour atteindre 3,7 milliards d'euros en l'absence de réforme.

Le déficit du FSV s'aggraverait également pour atteindre le même niveau (3,7 milliards d'euros). Cette détérioration est la conséquence du contrecoup produit en 2014 par les nouvelles affectations de ressources mises en place en 2013 et de la baisse du transfert de CSSS. Les mesures qui ont permis d'améliorer le solde du FSV en 2013 ne se retrouvent en effet pas en 2014. Dans l'ensemble, les produits du fonds diminueraient de 1,8 % tandis que ses charges augmenteraient de 2,4 % l'année prochaine.

Au total en 2014, le déficit conjoint de la Cnav et du FSV se creuserait pour atteindre 7,4 milliards d'euros en l'absence de mesures nouvelles.

2. A l'horizon 2020, le besoin de financement du FSV et des régimes de base non équilibrés par subvention est évalué à 7,6 milliards d'euros

Adopté le 19 décembre 2012, le 11 e rapport du COR consacré aux perspectives des régimes de retraite aux horizons 2020, 2040 et 2060 estime le besoin de financement du système de retraite à 1 point de PIB à l'horizon 2020, son montant dépendant, à plus long terme, des hypothèses économiques retenues.

Pour les seuls régimes de base non équilibrés par subvention, le besoin de financement est évalué à 7,6 milliards d'euros en 2020.

a) Les projections réalisées par le COR évaluent le besoin de financement du système à 20 milliards d'euros en 2020
(1) Les régimes de retraite pris en compte dans les projections du COR

Les projections réalisées par le COR prennent en compte trente-trois régimes de retraite de base et complémentaire ainsi que le FSV.

Les régimes de retraite concernés sont précisés dans le tableau ci-dessous.

Tableau n° 4 : Régimes de retraite participant à l'exercice de projections du COR en 2012

Source : COR

(2) Les hypothèses retenues

Les projections du COR reposent sur des hypothèses économiques et démographiques et sont établies à législation inchangée. Conformément au principe posé en 2003, la durée d'assurance est ainsi supposée être portée de 41 ans en 2012 à 41,75 ans en 2020 (à partir des générations nées en 1960).

Les hypothèses démographiques retenues sont quant à elles issues du scénario central des dernières projections de population réalisées par l'Insee en octobre 2010 : un indice de fécondité de 1,95 enfant par femme à partir de 2015, des gains d'espérance de vie à 60 ans de l'ordre d'un trimestre tous les deux ans et un solde migratoire de + 100 000 personnes par an.

Le COR estime que le nombre de retraités de droit direct devrait progresser sur toute la période de projection, pour passer de 15,1 en 2011 à 21,8 millions en 2060 . En raison de l'arrivée à l'âge de la retraite des générations nombreuses de l'après-guerre, cette évolution devrait être relativement rapide jusque vers 2035-2040 .

Comme l'illustre le graphique ci-dessous, les effectifs de retraités de droit direct augmentant davantage que les effectifs de cotisants, le ratio démographique (qui rapporte la population âgée de 20 à 59 ans à celle âgée de plus de 60 ans) passerait de 2,6 à 1,5 actif par retraité entre les années 2005 et 2035.

Il devrait rester à peu près stable par la suite (après la disparition des classes nombreuses de l'après-guerre).

Graphique n° 5 : Evolution du ratio démographique (20-59 ans/plus de 60 ans)

Source : Commission pour l'avenir des retraites (à partir des projections de population de l'Insee)

En ce qui concerne les hypothèses économiques, le COR a défini cinq scénarios (A, A', B, C et C') se distinguant par leur nature plus ou moins optimiste.

Le tableau ci-dessous récapitule les hypothèses du scénario « central » retenu par le Gouvernement, le scénario B (avec rendements des régimes Agirc-Arrco constants).

Tableau n° 6 : Hypothèses économiques du scénario B du COR

Source : Conseil d'orientation des retraites

(3) Un besoin de financement de l'ordre d'un point de PIB en 2020 tous régimes confondus

Les projections du COR à l'horizon 2020 mettent en évidence un besoin de financement du système de retraite à un niveau situé dans une fourchette allant de 19,8 à 21,9 milliards d'euros, soit 0,9 à 1 point de PIB selon le scénario retenu.

Dans le cadre du scénario B, le déficit du système de retraite s'élèverait à 17,7 milliards d'euros dès l'année prochaine , contre 13,2 milliards d'euros en 2011, puis à 20,2 milliards d'euros en 2017 et 20,9 milliards d'euros en 2020 .

L'évolution du besoin de financement tous régimes d'ici 2020 est synthétisée dans le tableau ci-après.

Tableau n° 7 : Besoin de financement tous régimes d'ici 2020

Source : Commission pour l'avenir des retraites d'après les projections du COR

Deux éléments ont conduit le Gouvernement à ajuster ces projections.

D'une part, il convient de tenir compte de l'accord national interprofessionnel (Ani) conclu le 13 mars 2013 par les partenaires sociaux gestionnaires des régimes de retraite complémentaire des salariés et des cadres du secteur privé (Agirc-Arrco) qui prévoit les trois mesures suivantes :

- une augmentation des taux de cotisation de 0,1 point en 2014 et 0,1 point en 2015 ;

- une revalorisation des pensions limitée à 0,5 % pour l'Agirc et 0,8 % pour l'Arrco en 2013, et à l'inflation moins un point en 2014 et 2015 ;

- une moindre revalorisation du salaire de référence entre 2013 et 2015.

La prise en compte de cet accord conduit à réduire le besoin de financement de l'Agirc-Arrco de 3,9 milliards d'euros en 2017 et de 4,2 milliards d'euros en 2020. Les mesures de redressement devraient ainsi permettre de réduire de moitié les déficits projetés des régimes Agirc-Arrco à échéance 2020.

D'autre part, il faut tenir compte de la révision des hypothèses macroéconomiques (perspectives de croissance du PIB, évolution de la masse salariale et inflation) intervenue dans le cadre du programme de stabilité 2013-2017, les évolutions économiques observées étant moins favorables que prévu à court terme.

Compte tenu de ces deux éléments, le besoin de financement du système de retraite s'élèverait à 19,1 milliards d'euros en 2014, 20,7 milliards d'euros en 2020 et à 24,2 milliards d'euros en 2040.

b) Un déficit des régimes de base non équilibrés par subvention et du FSV évalué à 7,6 milliards d'euros en 2020

A l'horizon 2020, le besoin de financement se décompose comme suit :

- 7,6 milliards d'euros pour le régime général et les régimes de retraite de base non équilibrés par subvention ainsi que le FSV ;

- 4,4 milliards d'euros pour les régimes complémentaires gérés par les partenaires sociaux ;

- 8,7 milliards d'euros pour le régime de la fonction publique et les régimes spéciaux qui sont équilibrés par l'Etat.

Le tableau suivant récapitule le besoin de financement du système de retraite en 2014 et aux horizons 2020, 2030 et 2040.

Tableau n° 8 : Besoin de financement des régimes de retraite

2014

2020

2030

2040

Déficit selon les projections du COR

- 17,7

- 20,9

- 26,1

- 28,9

Déficit après prise en compte de l'Ani Agirc-Arrco de 2013 et révision des hypothèses économiques de court terme

- 19,1

- 20,7

- 24,2

- 26,6

dont régimes de base non équilibrés par subvention et FSV

- 8,8

- 7,6

- 8,7

- 13,0

dont régimes de la fonction publique et régimes spéciaux

- 5,9

- 8,7

- 7,7

- 4,4

dont régimes complémentaires

- 4,3

- 4,4

- 7,8

- 9,1

Source : Etude d'impact annexée au projet de loi


* 8 Hausse de deux points du taux de prélèvement social sur les revenus du capital pour un rendement de 2,2 milliards d'euros en 2013, affectation d'une fraction du forfait social pour un rendement de 1,1 milliard d'euros.

* 9 Harmonisation de l'assiette de C3S pour un rendement de 600 millions d'euros, produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie pour un rendement de 350 millions d'euros.

* 10 S'agissant de la CNRACL, la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2013 prévoit une hausse du taux de cotisation employeur de 1,35 point en 2013 et 2014 qui s'ajoute aux hausses de taux prévues par le décret du 2 juillet 2012 sur les carrières longues. Dans le régime des professions libérales (CNAVPL), les hausses de taux suivantes ont également été décidées : + 1,12 point en 2013 puis + 0,35 point en 2014 du taux applicable jusqu'à 85 % du plafond, et + 0,21 point en 2013 puis + 0,06 point en 2014 du taux applicable jusqu'à cinq plafonds.

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