EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

ARTICLE 77 (Art. L. 6243-1 et L. 6243-4 du code du travail) - Suppression des indemnités compensatrices forfaitaires (ICF) et création d'une prime à l'apprentissage

Commentaire : le présent article vise à supprimer les indemnités compensatrices forfaitaires (ICF), à définir les modalités transitoires de financement des contrats en cours et à créer une nouvelle prime à l'apprentissage.

I. LE DROIT EXISTANT

L'article L. 6243-1 du code du travail permet à tous les employeurs ayant recours à des contrats d'apprentissage de bénéficier d'une aide versée par les régions, dénommée « indemnité compensatrice forfaitaire » (ICF).

Cette indemnité est versée par les régions sur la base d'une compensation versées par l'Etat au titre des compétences transférées en matière d'apprentissage pour un montant de 800 millions d'euros par an (répartis en 2013 entre 550 millions d'euros au titre du programme 103 et 250 millions du CAS FNDMA). Ce soutien à l'effort de formation représente 1 500 euros par année de formation.

Mais ce montant peut être abondé par les régions en fonction de leur propre politique de développement de l'apprentissage et de soutien aux employeurs d'apprentis. En conséquence, ces indemnités sont variables d'une région à l'autre.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Sur ces 800 millions d'euros, le Gouvernement évalue à 550 millions d'euros le montant affecté par les régions à l'ICF. C'est pourquoi le présent article prévoit qu'à partir du 1 er janvier 2014, l'indemnité compensatrice forfaitaire est remplacée par la nouvelle aide ciblée sur les très petites entreprises de moins de 10 salariés et dénommée « prime d'apprentissage ».

Parallèlement, un dispositif transitoire est mis en place pour les contrats d'apprentissage conclus avant le 31 décembre 2013 :

- toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, qui auront embauché un jeune apprenti avant le 31 décembre 2013, bénéficieront, pour la première année de formation, d'une prime à l'apprentissage, pour l'année scolaire 2013-2014, selon les mêmes modalités que les indemnités compensatrices forfaitaires versées actuellement par les régions ;

- les entreprises de 11 salariés ou plus seront aidées à hauteur de 500 euros par apprenti en deuxième année de formation et 200 euros par apprenti en troisième année de formation ;

- les entreprises de moins de 11 salariés qui ont des apprentis en deuxième ou troisième année de formation seront aidées à hauteur de 1 000 euros par apprenti.

Le présent article emporte les conséquences suivantes en matière de compensation de l'Etat aux régions, car ce sont elles qui versent les indemnités et primes aux entreprises.

Compensation de la suppression de l'ICF pour les contrats signés
avant le 1 er janvier 2014

(en euros)

1 ère année
de formation

2 ème année
de formation

3 ème année
de formation

Entreprise de
moins de 11 salariés

1 360

1 000

1 000

Entreprises de
11 salariés et plus

1 360

500

200

Compensation de la nouvelle prime apprentissage à partir de 2014

1 ère année
de formation

2 ème année
de formation

3 ème année
de formation

Entreprise de moins de 10 salariés

1 000

1 000

1 000

Source : délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle

Le coût du dispositif en 2014 s'élèverait 431 millions d'euros, soit 3,9 millions d'euros pour la montée en charge de la nouvelle prime d'apprentissage et 426 millions d'euros pour le financement des contrats continuant à bénéficier de l'ICF. Au terme de la période transitoire, en 2017, quand seules subsisteront les primes d'apprentissage, le coût du dispositif sera ramené à 231 millions d'euros, soit moins de la moitié du montant actuel de la compensation versée aux régions par l'Etat au titre de la compensation de l'ICF (550 millions d'euros).

Hypothèses de chiffrage de la mesure sur les primes d'apprentissage

2014

2015

2016

2017

Coût de la montée en charge du nouveau régime

3,9

137,5

220,6

231,0

Dont plus de 11 salariés
(rien n'est prévu pour ces entreprises)

0,0

0,0

0,0

0,0

Dont moins de 11 salariés

3,9

137,5

220,6

231,0

Coût de la diminution de l'ancien régime de primes (valable pour les contrats conclus avant le 1 er janvier 2014)

426,9

121,1

12,4

0,0

Dont plus de 11 salariés

156,9

27,6

2,0

0,0

Dont moins de 11 salariés

270,0

93,5

10,4

0,0

TOTAL du coût de la mesure nouvelle

430,8

258,6

233,0

231,0

Source : délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle

A l'initiative du Gouvernement, l'assemblée nationale a adopté trois amendements ayant pour objet :

- d'assurer une coordination rédactionnelle avec les dispositions de l'article 24 quater , adopté en première partie par l'Assemblée nationale, qui prévoit une affectation d'une fraction des produits de la TICPE au financement de la nouvelle prime d'apprentissage ;

- de fixer le montant de la compensation versée aux régions par référence au montant moyen des primes versées par chaque région en 2012 ;

- de clarifier les modalités de versement de la prime d'apprentissage, la région responsable du versement étant déterminée par le lieu où se trouve l'établissement de l'employeur ayant conclu le contrat avec l'apprenti.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur spécial estime que la politique de soutien à l'apprentissage est un levier essentiel pour encourager la formation des jeunes et leur accès à l'emploi 6 ( * ) .

C'est une compétence phare pour les régions, qui financent le fonctionnement des centres de formation d'apprentis, qui versent les primes aux employeurs d'apprentis et qui développent nombre d'actions innovantes de soutien à l'apprentissage, en particulier dans le cadre des contrats d'objectifs et de moyens conclus avec l'Etat. Le soutien à l'apprentissage concerne 440 000 jeunes aujourd'hui et un réseau d'entreprises, de structures associatives, d'entités publiques et de centres de formation, qui contribuent à l'emploi.

Votre rapporteur spécial regrette la décision de supprimer l'indemnité compensatrice forfaitaire (ICF), c'est-à-dire les primes aux employeurs d'apprentis, des entreprises de plus de 11 salariés.

Il souligne que si les petites entreprises représentent la majorité des contrats d'apprentissage, ce sont les embauches dans les entreprises de 10 à 50 salariés et de plus de 50 salariés qui ont assuré la progression des effectifs d'apprentis sur les deux dernières années 7 ( * ) .

Au-delà de ce choix, les régions devront baisser, dès le 1 er janvier 2014, les primes versées au titre des contrats en cours, signés antérieurement au 1 er janvier 2014. Cet élément de rétroactivité inquiète les régions. Il fragilisera la situation de certaines entreprises et de leurs apprentis, et il introduira un risque juridique pour les régions elles-mêmes, qui vont être amenées à rompre leurs engagements. De plus, le présent article prévoit notamment de limiter à 1 000 euros par apprenti le nouveau dispositif de primes en direction des petites entreprises. On ne peut que constater que ce niveau de primes est très inférieur au montant des primes aujourd'hui allouées par les régions, qui s'établit en moyenne à 1 500 euros .

Enfin, les crédits du CAS FNDMA aujourd'hui affectés par les régions à des actions de soutien de l'apprentissage autres que l'ICF (250 millions d'euros par an) ne présentent pas de caractère pérenne, d'autant que l'équilibre trouvé en dépenses et recettes pour 2014 repose sur l'utilisation d'un fonds de roulement qui sera épuisé fin 2014. Une garantie de maintien de ces financements devra être donnée aux régions.

Votre rapporteur spécial estime enfin indispensable d'ouvrir une réforme plus globale sur la structure de financement de l'apprentissage , et en particulier sur le mécanisme de collecte et de redistribution de la taxe d'apprentissage. Le rapport d'information précité sur la répartition du produit de la taxe d'apprentissage présente un certain nombre de propositions, pour rationaliser la collecte de la taxe, d'une part, et pour en orienter plus efficacement l'utilisation, d'autre part. Trois pistes principales paraissent devoir être suivies quant à la redistribution des fonds : augmenter la part de la taxe d'apprentissage réellement affectée à l'apprentissage, attribuer aux régions la gouvernance de la répartition des fonds libres non affectés par les entreprises et rééquilibrer le quota et le hors quota dans le cadre d'une fusion de la taxe d'apprentissage avec la contribution au développement de l'apprentissage.

Dans ce contexte, votre rapporteur spécial considère que le ciblage proposé par le présent article est trop restrictif et propose d'en élargir le périmètre aux entreprises de moins de 20 salariés.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 78 (Art. L. 161-1-2 du code de la sécurité sociale) - Recentrage de l'exonération des cotisations employeurs en faveur des organismes d'intérêt général et associations en zone de revitalisation rurale

Commentaire : le présent article vise à recentrer le champ des exonérations de cotisations sociales dont bénéficient les organismes d'intérêt général ayant leur siège social dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) sur les salariés rémunérés dans la limite de 1,5 SMIC.

I. LE DROIT EXISTANT

Les zones de revitalisation rurale (ZRR), créées par la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, regroupent des territoires ruraux qui rencontrent des difficultés particulières : faible densité démographique et handicap structurel sur le plan socio-économique. Le classement de ces zones permet aux entreprises de bénéficier d'avantages fiscaux.

L'exonération de cotisations sociales patronales au bénéfice des organismes d'intérêt général installés en ZRR a été instituée par la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux. Ce dispositif permet d'exonérer de toute cotisation patronale assise sur les gains et rémunérations, au sens des articles L. 242-1 du code de la sécurité sociale ou L. 741-10 du code rural, les salaires, quel que soit leur montant, versés aux salariés employés dans une zone de revitalisation rurale. L'exonération est sans limitation de montant de rémunération ni de durée sur les contrats concernés.

Les bénéficiaires de cette exonération sont les organismes dont le siège social se trouve dans une commune classée en ZRR. Mais l'éligibilité au dispositif est plus large que les seuls organismes d'intérêt général 8 ( * ) : elle concerne également les fondations ou associations reconnues d'utilité publique, les établissements d'enseignement supérieur ou d'enseignement artistique, les organismes agréés pour le financement des petites et moyennes entreprises, ainsi que les associations cultuelles et de bienfaisance autorisées à recueillir des dons et des legs et les établissements publics des cultes reconnus en Alsace et en Moselle.

Cette exonération ciblée de cotisation sociale fait l'objet d'une compensation de l'Etat à la sécurité sociale inscrite sur les crédits du programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » pour un montant prévisionnel de 151 millions d'euros en projet de loi de finances pour 2013, et de 131 millions d'euros pour 2014 avant réforme.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article vise, à compter de 2014, à plafonner l'exonération, qui porte sur les cotisations patronales de sécurité sociale hors cotisations accident du travail - maladie professionnelle (ATMP), cotisations au fonds national d'aide au logement (FNAL) et versement transport, aux rémunérations inférieures ou égales à 1,5 fois le SMIC, et à instaurer un calcul dégressif qui s'annule pour les rémunérations égales à 2,4 fois le SMIC.

L'économie budgétaire escomptée pour 2014 est évaluée à 30 millions d'euros, cette action au sein du programme 103 étant budgétée à hauteur de 101 millions d'euros.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le présent article vise à aligner ces modalités d'exonération sur celles du dispositif ZRR de droit commun et permet ainsi d'engager une simplification de ce groupe d'exonérations. Il n'a pas été fait le choix de supprimer le dispositif mais de le plafonner : les rémunérations inférieures ou égales à 1,5 fois le SMIC resteront totalement exonérées, et l'exonération diminuera progressivement jusqu'à devenir nulle pour les rémunérations égales ou supérieures au seuil de 2,4 fois le SMIC.

On peut estimer que le plafonnement de l'exonération en fonction de la rémunération permettra d'opérer un recentrage du dispositif vers les structures initialement visées par le législateur associations présentes en milieu rural pour leur capacité à créer du lien social (clubs d'aînés, associations culturelles ou sportives) et non vers d'autres types d'établissements (centres hospitaliers, établissements psychiatriques, établissements privés d'enseignement dans le secteur agricole...), y compris de nombreuses structures ayant un statut d'établissement public administratif, auquel n'était pas destiné initialement ces exonérations. En effet, ces catégories d'établissements emploient des salariés dont le niveau de rémunération est en moyenne plus élevé que celui constaté dans les associations rurales .

Au final, il faut souligner que ce recentrage sur les bas salaires de l'exonération dont bénéficient les organismes d'intérêt général ne concernera que les contrats conclus avant le 1 er novembre 2007 qui seuls continuaient à bénéficier de ce régime dérogatoire au droit commun des ZRR. Cette exonération spécifique ne constituait déjà plus une incitation à la création d'emplois nouveaux dans ces territoires et la réforme proposée ne vise donc qu'un nombre limité de situations. Selon les données établies par l'Acoss relatives aux bénéficiaires :

- 64 % des effectifs bénéficiaires de cette exonération ont une rémunération inférieure ou égale à 1,5 SMIC et continueront à bénéficier de l'exonération dans les mêmes conditions qu'actuellement (pas d'impact) ;

- 95 % des effectifs ont une rémunération inférieure à 2,4 SMIC, donc continueront à bénéficier intégralement (jusqu'à 1,5 SMIC) et, au-delà, de manière dégressive de cette exonération jusqu'à 2,4 SMIC.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 79 (nouveau) (Art. L. 5132-2, L. 5132-3-1 et L. 5134-19-4 du code du travail) - Modalités de cofinancement des structures de l'insertion par l'activité économique

Commentaire : le présent article vise à définir les modalités de cofinancement par les départements des aides de l'Etat en faveur des structures de l'insertion par l'activité économique (IAE).

I. LE DROIT EXISTANT

Le financement des structures d'insertion par l'activité (IAE) par les conseils généraux repose dans le système actuel sur deux modalités :

- le cofinancement des contrats aidés pour les bénéficiaires du RSA en ateliers et chantiers d'insertion (ACI), dans le cadre de la convention annuelle d'objectifs et de moyens (CAOM), prévue par l'article L. 5134?19?4 du code du travail. Ce cofinancement représente environ 80 millions d'euros par an ;

- les autres aides financières que les départements peuvent choisir librement de verser aux ACI, ainsi qu'aux autres structures de l'IAE, selon des modalités propres à chaque département.

De son côté, l'Etat consacre, dans le cadre du programme 102, 222 millions d'euros pour 2014 (197 millions en 2013) pour le soutien à l'IAE et la réforme en cours visant à instaurer la généralisation de l'aide au poste à toutes les structures de l'IAE, avec un montant socle et une partie modulable en fonction de trois critères (profil des publics accueillis, efforts d'insertion mis en oeuvre et résultats obtenus), et l'indexation de cette aide au poste à partir de 2015.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Dans le cadre de cette réforme, le présent article vise à définir les modalités de cofinancement par les départements des aides de l'Etat en faveur des structures de l'insertion par l'activité économique (IAE).

Il prévoit notamment :

- la conclusion d'une convention entre le département et la structure concernée par le financement ;

- l'insertion dans la convention annuelle d'objectifs et de moyens signée avec l'État d'un volet relatif au cofinancement par le département des aides financières.

Le présent article a été adopté en coordination avec un amendement de crédit, également à l'initiative du Gouvernement, abondant de 15 millions d'euros les crédits de l'action relative à l'insertion par l'activité économique (IAE) afin d'en sécuriser le financement et prendre le relais des crédits qui étaient jusqu'alors mobilisés par le Fonds social européen pour cofinancer les opérations.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur spécial soutient cette réforme et souhaite rappeler que les entreprises d'insertion et entreprises de travail temporaire d'insertion effectuent un travail remarquable en faveur de l'insertion des personnes les plus éloignées de l'emploi. Elles représentent 1 260 entreprises conventionnées par l'Etat et 65 000 salariés, dont 55 000 en insertion agréés par Pôle emploi.

Les bénéficiaires sont 59 % à sortir des dispositifs d'entreprises d'insertion (EI) ou d'entreprises de travail temporaire d'insertion (ETTI) vers l'emploi et la formation et 80 % des ressources de ces structures proviennent de leur activité économique.

Aussi faut-il se féliciter du soutien renforcé que l'Etat accorde à l'insertion par l'activité économique tout en souhaitant que les modalités de répartition des fonds supplémentaires (222 millions d'euros, auxquels s'ajoutent les 15 millions d'euros votés par nos collègues députés, soit 237 millions d'euros au total) soient fixées en coordination avec les départements et les structures concernées 9 ( * ) .

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.


* 6 Cf. annexe 2 « Etat des lieux de l'alternance et des moyens mis en oeuvre pour atteindre l'objectif de 500 000 apprentis en 2017 »

* 7 Dares analyse n° 2012-080 - L'apprentissage en 2011 : hausse des entrées, surtout dans les entreprises d'au moins 50 salariés (novembre 2012).

* 8 Au sens de l'article 200 du code général des impôts, ces organismes présentent un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourent à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises.

* 9 En raison de la réforme en cours, cette ventilation habituellement faite dans le cadre du projet annuel de performances n'a pas été établie pour 2014.

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