B. LES POLITIQUES PUBLIQUES : L'IRRUPTION DU CRÉDIT D'IMPÔT POUR LA COMPÉTITIVITÉ ET L'EMPLOI

Cette action regroupe les remboursements et dégrèvements liés à la mise en oeuvre de politiques publiques, principalement sous la forme de crédits d'impôt. Suite à la création du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), les crédits prévus pour cette action seront plus que doublés , passant de 6,5 milliards d'euros en exécution prévisionnelle pour 2013 à 13,8 milliards d'euros en PLF pour 2014, soit une hausse de 112 % . Cette hausse massive dissimule toutefois des explications contrastées pour l'impôt sur les sociétés et pour l'impôt sur le revenu.

Cette action comprend aussi les restitutions liées à la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), à la taxe intérieure de consommation de gaz naturel (TICGN) et à la contribution à l'audiovisuel public. Les montants prévus pour 2014 sont stables par rapport à l'exécution constatée en 2013, à environ 1,2 milliards d'euros au total. On signalera toutefois une baisse tendancielle (- 2,7 %) des restitutions au titre de la TICPE, en raison de la fin progressive des avantages liés aux biocarburants.

1. Le CICE : un bouleversement pour l'impôt sur les sociétés...

Les remboursements et dégrèvements en matière d'impôt sur les sociétés devraient s'élever à 1,9 milliards d'euros en 2013, alors que 2,4 milliards d'euros étaient prévus en LFI, soit une sous-exécution de 20,5 %.

Surtout, les remboursements et dégrèvements en matière d'impôt sur les sociétés devraient être portés à 8,9 milliards d'euros en 2014, contre 1,9 milliards d'euros prévus en exécution pour 2013 : cette hausse de près de 7 milliards d'euros - soit 369 % - est essentiellement imputable à la création du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) , dont la part restituée est estimée à 5,3 milliards d'euros (sur un coût total d'environ 10 milliards en 2014).

Deux remarques s'imposent.

D'une part, votre rapporteure spéciale souhaiterait rappeler les réserves qu'elle a déjà pu exprimer quant à la pertinence du CICE . En effet, ce dispositif instauré en 2012 5 ( * ) et financé notamment par une hausse de la TVA est censé renforcer la compétitivité de nos entreprises exposées à la concurrence internationale... mais il ne bénéficie qu'à hauteur de 18,3 % à l'industrie manufacturière qui est pourtant la première concernée 6 ( * ) . De plus, si le bénéfice du CICE est théoriquement subordonné à des efforts en matière d'investissement, de recherche, de formation, d'emploi ou d'écologie, le ministre de l'économie et des finances s'est engagé, lors des universités d'été 2013 du Medef 7 ( * ) , « à ce que le CICE soit exclu du champ du contrôle fiscal », c'est-à-dire que le respect de ces critères ne pourra pas, en lui-même, constituer un motif de déclenchement du contrôle. On peut donc légitimement s'interroger sur le coût d'un dispositif qui présente si peu de garanties.

D'autre part , les 5,3 milliards de restitutions au titre du CICE n'expliquent pas la totalité des 7 milliards d'euros de hausse des dépenses au titre de l'impôt sur les sociétés : le reste est principalement imputable au crédit impôt recherche (CIR) qui, à partir de 2014, ne fait plus l'objet de restitutions anticipées.

Une fois de plus, votre rapporteure spéciale regrette que la documentation budgétaire ne fasse pas apparaître, pour chaque impôt, la part imputable aux différentes dépenses fiscales . La remarque vaut également pour l'impôt sur le revenu.

2. ...mais aussi pour l'impôt sur le revenu

Les remboursements et dégrèvements en matière d'impôt sur le revenu devraient s'élever à 3,7 milliards d'euros en 2013 , soit 1,7 milliards d'euros au titre de la prime pour l'emploi (PPE) et 1,9 milliards d'euros au titre des autres restitutions.

Les montants prévus au titre de la PPE pour 2014 connaissent une baisse de 8 % (150 millions d'euros) par rapport à l'exécution prévue pour 2013 (1,9 milliards d'euros). Cette baisse tendancielle résulte, depuis 2009, du gel du barème de la PPE et de l'imputation des sommes versées au titre du RSA « activité » qui vient en réduire le montant, ces prestations poursuivant la même finalité 8 ( * ) .

En revanche, les montants prévus pour 2014 au titre des autres restitutions d'impôt sur le revenu affichent une forte hausse de 29 % (438 millions d'euros) par rapport à l'exécution prévue pour 2013 (1,5 milliards d'euros). C'est là aussi la conséquence de la création du CICE , dont peuvent bénéficier les contribuables assujettis à l'impôt sur le revenu.

Cependant, le CICE ne saurait tout expliquer. Votre rapporteure spéciale a donc cherché à savoir si la hausse des restitutions au titre de l'impôt sur le revenu ne pouvait pas, aussi, s'expliquer par la hausse du nombre de foyers fiscaux imposables à l'impôt sur le revenu .

Le PLF pour 2014 prévoit en effet plusieurs mesures pouvant avoir pour conséquence de faire « entrer » dans l'impôt sur le revenu des foyers fiscaux qui étaient auparavant non imposables, dont :

- l'abaissement du plafond du quotient familial , qui passera de 2 000 à 1 500 euros par demi-part fiscale et devrait toucher 13 % des foyers fiscaux. D'après Bercy, seulement 6 404 foyers fiscaux (8 sur 10 000) devraient « entrer » dans l'impôt sur le revenu suite à cette mesure.

- la suppression de l'exonération d'impôt sur le revenu des majorations de pensions ou retraites pour les personnes ayant élevé au moins trois enfants, pour une recette estimée à 1,2 milliards d'euros.

Certes, la suppression de la réduction d'impôt sur le revenu pour frais de scolarité, un temps envisagée, n'aura pas lieu. Le barème de l'impôt sur le revenu sera réindexé sur l'inflation, et la décote sera revalorisée (de 480 à 508 euros) - cette revalorisation devant bénéficier à 6,9 millions de contribuables et permettre à 192 000 foyers fiscaux de devenir non imposés.

Votre rapporteure spéciale se félicite d'ailleurs du dégel du barème de l'impôt sur le revenu, qu'elle avait réclamé lors de l'examen du PLF pour 2013 9 ( * ) - même si l'on peut regretter que les années de gel ne soient pas « rattrapées », et que la décote ne soit pas remplacée par un mécanisme plus lisible et plus équitable 10 ( * ) .

Toutefois, ces mesures de compensation n'empêcheront pas une hausse du nombre de nouveaux foyers fiscaux assujettis à l'impôt sur le revenu en 2014 . L'année dernière, déjà, 790 000 foyers fiscaux s'étaient retrouvés imposables pour la première fois (cf. encadré), sous l'effet notamment du maintien du gel du barème de l'impôt sur le revenu et de l'abaissement du quotient familial (de 2 336 à 2 000 euros).

L'évolution du nombre de foyers imposables à l'impôt sur le revenu en 2013

Dans la continuité de son contrôle budgétaire mené l'année dernière 11 ( * ) , votre rapporteure spéciale a souhaité connaître l'évolution du nombre de foyers imposables à l'impôt sur le revenu, sous l'influence notamment des nouvelles mesures fiscales.

D'après les éléments fournis par le ministère de l'économie et des finances, le nombre de foyers « entrants » dans l'impôt sur le revenu en 2013 est de 2,65 millions , soit un nombre légèrement inférieur à 2012 (2,9 millions) et comparable à ceux des années précédentes (cf. tableau). Il s'agit là de chiffres bruts, qui sont chaque année très importants, pour des raisons très largement sans rapport avec l'évolution de la fiscalité : naissance, scolarisation d'un enfant, divorce, nouvel emploi etc.

Le solde net peut être obtenu en retranchant le nombre de foyers « sortis » de l'impôt sur le revenu du nombre de foyers « entrés » dans l'impôt sur le revenu. On obtient alors les résultats suivants (cf. tableau) : le solde net de foyers fiscaux antérieurement non imposés et devenus imposables à l'impôt sur le revenu en 2013 est de 1,1 million , contre 1,3 million en 2012 et 374 000 en 2011.

Source : commission des finances d'après les données du ministère de l'économie et des finances

Cependant, ces chiffres concernent seulement les foyers fiscaux existants l'année précédente .

L'évolution du nombre total de foyers fiscaux imposés à l'impôt sur le revenu correspond à un calcul différent, qui prend en compte les apparitions et les disparitions de foyers fiscaux (décès, divorce, déménagement à l'étranger/retour en France, fin du rattachement au foyer fiscal des parents...). Ces chiffres sont les suivants :

- 18,94 millions de foyers fiscaux ont été imposés à l'impôt sur le revenu en 2013 , soit une hausse de 790 000 foyers fiscaux par rapport à 2012 (+ 4,35 %).

- 18,15 millions de foyers fiscaux ont été imposés à l'impôt sur le revenu en 2012 , soit une hausse de 393 000 foyers fiscaux par rapport à 2011 (+ 5,5 %).

Enfin, une remarque peut être faite sur les restitutions passées en matière d'impôt sur le revenu. Si une baisse était prévisible entre 2012 et 2013, en raison de plusieurs mesures telles que le passage de 10 % à 15 % du « rabot » sur les niches fiscales, votre rapporteure spéciale s'étonne qu'elle ait conduit à une telle sous-estimation des crédits prévus en LFI pour 2013 . La baisse effective entre 2012 et 2013 a été de 16,4 % (294 millions d'euros), les restitutions passant de 1,8 milliard d'euros en 2012 à 1,5 milliard d'euros en 2013. C'est bien loin de l'optimisme de la LFI pour 2013, qui prévoyait seulement un milliard d'euros de restitutions, soit un différentiel entre 2012 et 2013 de 41,3 % (741 millions d'euros).


* 5 Article 66 de la loi n°2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012.

* 6 Rapport 2013 du Comité de suivi du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi. Le CICE bénéficie en revanche à hauteur de 10 % aux « services administratifs », de 9 % à la construction, et de 8 % aux transports.

* 7 Les universités d'été du Medef se sont tenues du 28 au 30 août 2013 sur le campus d'HEC.

* 8 Le revenu de solidarité active (RSA) a été conçu comme déductible du montant de la PPE l'année suivant celle où il a été perçu, dans la limite du montant de la PPE. Le RSA a été créé par la loi n° 2008-1249 du 1 er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion.

* 9 Cf. rapport spécial de Marie-France Beaufils sur la mission « remboursements et dégrèvements », annexé au rapport fait par François Marc, rapporteur général, au nom de la commission des finances, sur le projet de loi de finances pour 2013.

* 10 Un contribuable imposable à l'IR est du même coup assujetti à une plusieurs autres taxes (redevance audiovisuelle, taxe d'habitation, taxe foncière) et perd le bénéfice de nombreuses prestations ou réductions (APA, aide au logement, transports publics, chèques restaurant, frais de cantine etc.). Le bénéfice de la décote, dont le calcul est peu lisible, ne permet pas de retrouver ces avantages. Pour compenser - partiellement - cet effet, l'Assemblée nationale a adopté une revalorisation de 4 % du revenu fiscal de référence, qui sert de base au déclenchement de certains d'entre eux.

* 11 Cf. rapport spécial de Marie-France Beaufils sur la mission « remboursements et dégrèvements », précité.

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