C. LA DIFFICILE MISE EN oeUVRE DES SCHÉMAS

Les communes inscrites au schéma disposaient d'un délai de deux ans pour réaliser les aires d'accueil qu'elles ont ensuite la charge d'entretenir.

Les aménagements prévus par le législateur n'ont pas permis d'assurer le succès du dispositif qu'il a institué.

1. Les modalités de mise en oeuvre du schéma

Les communes inscrites au schéma peuvent soit exercer elles-mêmes cette compétence, soit la transférer à l'intercommunalité dont elles sont membres (elle l'est de plein droit pour les communautés urbaines et les métropoles), soit la mettre en oeuvre dans le cadre de conventions intercommunales en contribuant financièrement à l'aménagement et à l'entretien des aires d'accueil.

Les communes ou les EPCI peuvent gérer directement les aires ou en confier la gestion à une personne publique ou privée.

La Cour des comptes note que la gestion directe est plus répandue dans les communautés d'agglomération. Les communes, surtout celles dépourvues de l'expérience nécessaire, recourent à la gestion déléguée. Pour la Cour, cependant, ce choix ne détermine pas la qualité de l'accueil des gens du voyage : « les difficultés de fonctionnement constatées sur certaines aires sont largement indépendantes du mode de gestion retenu » 9 ( * ) .

Le délai initial de deux ans a été prorogé de deux ans au bénéfice d'une commune ou d'un établissement qui a manifesté la volonté de se conformer à ses obligations par la désignation auprès du préfet de la localisation de l'aire ou par l'acquisition des terrains ou le lancement d'une procédure d'acquisition des terrains nécessaires ou, enfin, par la réalisation d'une étude préalable.

Ces collectivités ont bénéficié d'un délai supplémentaire jusqu'au 31 décembre 2008 si, au terme du précédent délai, elles n'avaient pas pu s'acquitter de leur engagement.

2. Un bilan décevant malgré les moyens offerts par la loi

Malgré les facilités successives offertes aux collectivités, les schémas ne sont que partiellement mis en oeuvre avec de fortes disparités régionales.

a) Des résultats insuffisants en capacité et en attractivité des aires

Au 31 décembre 2010, seuls 52 % des places prévues en aires d'accueil (21 540 places réparties sur 919 aires) et 29,4 % des aires de grands passages (103 aires) avaient été réalisés. Les schémas départementaux, rappelons-le, avaient prescrit la création de 41 569 places réparties sur 1 867 aires d'accueil et la réalisation de 350 aires de grand passage.

En revanche, depuis, la situation s'est améliorée puisque le taux de réalisation des aires d'accueil est de 64 % au 31 décembre 2012. 1 056 aires d'accueil totalisant 24 877 places ont été réalisées, ainsi que 115 aires de grand passage représentant 10 758 places.

À ce jour, 70 schémas ont été révisés.

Les normes applicables aux aires d'accueil
(décret n° 2001-569 du 29 juin 2001)

La place de caravane doit permettre le stationnement d'une caravane, de son véhicule tracteur et, le cas échéant, de sa remorque.

La superficie d'une place est comprise entre 75 m 2 et 100 m 2 .

Elle est dotée d'un accès aisé aux équipements sanitaires (au moins une douche et deux WC pour cinq places), ainsi que d'un branchement à l'eau potable et à l'électricité.

Le décret ne prévoit pas de normes pour l'équipement des aires de grand passage. Cependant, la circulaire du 5 juillet 2001, prise pour l'application de la loi du 5 juillet 2000, indique que « l'équipement peut être sommaire mais doit comporter :

- soit une alimentation permanente en eau, en électricité et un assainissement ;

- soit la mise en place d'un dispositif permettant d'assurer l'alimentation en eau (citernes, etc.) ainsi que la collecte du contenu des WC chimiques des caravanes et des eaux usées, qui sera mobilisé lors de la présence des groupes.

Dans tous les cas, un dispositif de ramassage des ordures ménagères doit pouvoir être mobilisé lors de la présence des groupes ».

D'après les éléments communiqués à votre rapporteur, les taux de réalisation sont supérieurs à 70 % dans l'est de la France, en Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine, dans l'ouest, en Basse-Normandie, Bretagne, Pays de la Loire, dans le centre, en Auvergne et Limousin, ainsi que dans la région Centre, en Franche-Comté, en Rhône-Alpes et en Midi-Pyrénées. En revanche, cet indice chute à 28 % en Provence-Alpes-Côte d'Azur et à 31 % en Ile-de-France.

En outre, les aires effectivement aménagées sont diverses par la qualité de leur localisation, leur aménagement et leur tarif.

Dans son rapport de mission, remis au Premier ministre en juillet 2011, notre collègue Pierre Hérisson indique que les aires « sont trop souvent implantées à l'écart des équipements et des services publics, à proximité de voies rapides ou d'autoroutes ». Il propose en conséquence de tenir compte, dans le choix des lieux d'implantation, de la qualité de vie des gens du voyage 10 ( * ) .

Pourtant, la loi a prévu les moyens de réaliser ces aires d'accueil.

b) La prise en charge par l'État d'une partie des dépenses

L'État a contribué aux investissements nécessaires à l'aménagement et à la réhabilitation des aires dans la proportion de 70 % des dépenses engagées dans les délais fixés aux collectivités, sous la réserve d'un plafond fixé à 11 ( * ) :

- 15 245 € par place de caravane pour les nouvelles aires d'accueil ;

- 9 147 € par place pour la réhabilitation des aires existantes.

Pour les aires de grand passage, le taux subventionnable pouvait être porté, par le préfet, à 100 % de la dépense sans excéder un plafond de 114 336 € par opération, après consultation de la commission départementale. En outre, l'État avait la faculté d'assurer la maîtrise d'ouvrage de ces travaux.

Enfin, pour la réalisation de l'ensemble des aires inscrites au schéma, région, département et caisses d'allocations familiales peuvent verser des subventions complémentaires.

D'après la Cour des comptes, l'engagement financier de l'État s'est élevé à un montant total de 294,16 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 207,76 millions d'euros en crédits de paiement.

La Cour note, cependant, que ces financements ont bénéficié en majorité aux aires d'accueil alors qu'ils ont été plus limités pour les aires de grands passages, ce qui, pour elle, « reflète le faible niveau » de leur réalisation au plan national 12 ( * ) .

Il serait aussi légitime de se poser la question du coût réel de ces aires d'accueil pour les communes, au-delà de la participation de l'État. Cette dépense peut représenter des sommes importantes que la participation de l'État ne fait que partiellement compenser. L'entretien des aires est aussi une préoccupation récurrente.

De ce point de vue, il est important de mobiliser les crédits du fonds européen de développement régional (FEDER). D'après les éléments recueillis par votre rapporteur auprès du ministère de l'égalité des territoire et du logement, dans le cadre de la programmation 2014-2020 des fonds européens pour la  politique de cohésion, les préfets de région sont appelés à transmettre au ministère les demandes relatives aux besoins identifiés pour relever des aides de l'objectif n° 9 "Pauvreté et inclusion sociale" : ces crédits peuvent financer les dépenses d'investissement des aires d'accueil et des aires de grand passage dans la limite du montant des fonds nationaux correspondants.

c) L'attribution à l'État d'un pouvoir de substitution aux communes

L'État dispose du moyen d'assurer la réalisation effective des schémas.

À cette fin, si à l'expiration des délais légaux et après mise en demeure infructueuse par le préfet dans les trois mois, une commune ou un EPCI n'a pas satisfait à ses obligations, l'État peut acquérir les terrains nécessaires, réaliser les travaux d'aménagement et gérer les aires d'accueil au nom et pour le compte de la collectivité défaillante. En outre, les dépenses d'acquisition, d'aménagement et de fonctionnement de ces aires constituent pour celle-ci des dépenses obligatoires.

La commune ou l'EPCI devient de plein droit propriétaire de l'aire à la date de l'achèvement de son aménagement.

D'après les éléments recueillis par la mission d'information constituée par la commission des lois de l'Assemblée nationale en 2011 13 ( * ) , à cette date, la procédure de substitution n'avait jamais été mise en oeuvre. Cette abstention de l'État s'expliquerait par divers facteurs objectifs : disponibilité foncière, durée des procédures d'urbanisme, coût réel des aires de stationnement.

Pourtant, si l'on met à part la volonté délibérée de la commune de ne pas respecter ses engagements, les difficultés rencontrées localement par certains maires face à l'opposition de leurs administrés pourraient être surmontées par l'intervention de l'État.


* 9 Cf. rapport précité.

* 10 Cf. rapport de mission « Gens du voyage : pour un statut proche du droit commun » (juillet 2011).

* 11 Cf. décret n° 2001-541 du 25 juin 2001.

* 12 Cf. rapport 2012 précité.

* 13 Rapport d'information n° 3212 AN (XIIIè législ.) - Gens du voyage : le respect des droits et des devoirs comme condition du respect mutuel.

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