EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LA POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT DOIT S'ADAPTER À UN MONDE EN MUTATION

A. LE MONDE CONNAÎT DES PROGRÈS INDÉNIABLES QUI DEMEURENT DISPARATES ET FRAGILES

1. Les objectifs du millénaire pour le développement : des résultats encourageants en vue de l'échéance de 2015

En 2000, les 189 chefs d'Etat et de Gouvernement des pays membres de l'ONU ont fixé, lors du Sommet du millénaire, huit objectifs pour réduire la pauvreté d'ici 2015 et faire « du droit au développement une réalité pour tous » : éliminer l'extrême pauvreté et la faim ; assurer l'éducation primaire pour tous ; promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes ; réduire la mortalité des enfants ; améliorer la santé maternelle ; combattre le sida, le paludisme et d'autres maladies ; assurer un environnement durable ; mettre en place un partenariat mondial pour le développement.

Dans son rapport annuel 2013 sur les OMD, l'ONU a souligné les avancées : « des progrès significatifs et substantiels ont été accomplis pour un grand nombre de cibles, y compris celles qui prévoient de réduire de moitié le nombre d'individus vivant dans l'extrême pauvreté et la proportion de personnes n'ayant pas un accès durable à une source d'eau potable améliorée ».

Ainsi, la pauvreté a diminué de manière spectaculaire et des progrès considérables ont été accomplis dans de nombreux secteurs :

- le taux de mortalité due au paludisme a baissé de plus de 25 % en dix ans, celui de la mortalité due à la tuberculose de moitié ;

- le nombre de nouveaux cas d'infections par le VIH baisse mais 34 millions de personnes vivent avec le virus en 2011. La cible des OMD relative à l'accès universel aux traitements antirétroviraux peut être atteinte en 2015 ;

- l'objectif de réduire de moitié, entre 1990 et 2015, la proportion de la population qui souffre de la faim devrait également être atteint ;

- sur les deux dernières décennies, le taux de mortalité des moins de cinq ans a chuté de 41 % et le taux de mortalité maternelle de 47 % ;

- entre 2000 et 2011, le nombre d'enfants non scolarisés a diminué de près de la moitié.

Pour autant, les progrès ont été inégaux et disparates entre régions du monde, entre pays et entre groupes de populations, les personnes vivant dans des zones rurales restant particulièrement désavantagées.

Les Etats membres de l'ONU ont réaffirmé leur engagement à atteindre les OMD et ont convenu de tenir un nouveau Sommet en septembre 2015 pour adopter un nouvel ensemble d'objectifs, en s'appuyant sur les réalisations effectives.

2. L'apparition de « très grands émergents » explique largement le constat global

A partir de la fin des années 1990, de nombreux pays ont connu une croissance particulièrement forte, nettement plus élevée que celles des pays européens ou d'Amérique du Nord.

Taux de croissance du produit intérieur brut

Source : Banque mondiale

En 1990, le produit intérieur brut de la Chine représentait en volume 29 % de celui de la France, il l'a rejoint en 2001-2002 et en représente aujourd'hui plus du triple. En 2012, le PIB chinois s'élevait ainsi à 8 227 milliards de dollars contre 2 613 milliards pour la France .

La situation chinoise est certes atypique mais le PIB brésilien représentait environ la moitié du PIB français en 2000 et 86 % en 2012. Le PIB brésilien a même atteint celui du Royaume-Uni en 2011. A des degrés moindres, le PIB indien atteignait 36 % du PIB français en 2000 et 70 % en 2012, le PIB indonésien 12 % en 2000 puis 34 % en 2012.

Produit intérieur brut, en milliards de dollars courants

Source : Banque mondiale

Pour autant, les comparaisons en dollars ou euros par habitant restent profondément favorables aux pays occidentaux : entre 39 000 et 40 000 dollars pour le PIB de la France ou duRoyaume-Uni en 2012 contre 11 340 dollars au Brésil, 6 091 en Chine ou 1 489 en Inde.

Cette montée en puissance des très grands émergents diminue, toutes choses égales par ailleurs, les besoins de l'aide en développement, en tout cas elle les transforme.

Mais parallèlement, on constate que ces pays mettent eux-mêmes en place des politiques de soutien à certains partenaires , souvent en lien avec leurs intérêts économiques, par exemple en ce qui concerne les matières premières. L'OCDE a estimé les apports concessionnels bruts au titre de la coopération pour le développement (assimilables à de l'APD) de certains de ces pays : en 2011, ils s'élevaient à 2,8 milliards de dollars pour la Chine et 790 millions pour l'Inde. La Chine serait ainsi le 12 ème contributeur mondial en volume, même si les statistiques doivent être prises avec précaution car le pays n'est pas membre du Comité d'aide au développement (CAD). On peut également citer quelques pays du Moyen-Orient qui versent dorénavant des sommes tout à fait conséquentes en faveur du développement : l'Arabie saoudite a ainsi versé 5 milliards de dollars en 2011 (mais 1,3 milliard en 2012) ; les Emirats arabes unis 1 milliard en 2012 et 5 milliards selon les données préliminaires pour 2013.

3. Le décollage de l'Afrique, inégal mais réel

Alors qu'une image d'Epinal veut que l'Afrique soit le continent des laissés-pour-compte, de la misère et de la pauvreté ou que son développement serait impossible, les réalités changent profondément depuis une dizaine d'années. Le récent rapport de notre commission 1 ( * ) , ainsi que celui remis au ministre de l'économie en décembre 2013 2 ( * ) font résolument le constat d'un rebond économique et d'une nouvelle dynamique du continent.

La croissance économique de l'Afrique a ainsi atteint 5,5 % en moyenne ces dix dernières années, soit le double de celle enregistrée dans les deux décennies précédentes et un niveau nettement supérieur à celui de la croissance mondiale (3,7 %). Si plusieurs pays asiatiques obtiennent des taux de croissance supérieurs, on peut toutefois noter que six des dix économies les plus dynamiques dans le monde appartenaient à l'Afrique sur la décennie écoulée.

Le secteur des ressources naturelles (pétrole, minerais ou produits agricoles) ne constitue pas le seul moteur de cette croissance, elle repose aussi sur le développement des transports, des infrastructures ou des télécommunications. En outre, on assiste à la création d'un véritable secteur privé, composé d'entreprises de toutes tailles dont certaines sont des holdings multinationaux et qui réussit à se financer sur les marchés ou grâce à la consolidation des réseaux bancaires. La croissance des importations, signe du développement d'un marché intérieur, est impressionnante (16 % en moyenne par an pour les pays au Sud du Sahara), comme celle des investissements directs étrangers ou de la capitalisation boursière.

Les changements semblent structurels , notamment du fait de l'émergence d'une classe moyenne, de la mise en place d'un environnement macro-économique et politique plus favorable à la croissance ou de l'amélioration de la situation sociale. Pour autant, cette croissance reste inégalement répartie , tant entre les différents pays qu'au sein de la population. Avec 400 millions de personnes vivant avec moins de 1,25 dollar par jour, l'Afrique est confrontée à un terrible paradoxe : la pauvreté recule globalement mais le nombre de personnes pauvres augmente .

Ainsi, des poches de fragilités ou d'instabilité persistent ou apparaissent, comme le montre naturellement la crise du Mali ou de la Centrafrique.


* 1 « L'Afrique est notre avenir », rapport d'information sénatorial de MM. Jeanny Lorgeoux et Jean-Marie Bockel, co-présidents du groupe de travail, et de Mme Kalliopi Ango Ela et MM. René Beaumont, Robert Hue et Jean-Claude Peyronnet, sénateurs, n° 104 (2013-2014), octobre 2013.

* 2 « Un partenariat pour l'avenir : quinze propositions pour une nouvelle dynamique économique entre l'Afrique et la France », rapport établi par M. Hubert Védrine, Lionel Zinsou, Tidjane Thiam, Jean-Michel Severino et Hakim El Karoui.

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