Rapport n° 697 (2013-2014) de Mme Michelle MEUNIER , fait au nom de la commission spéciale, déposé le 8 juillet 2014

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N° 697

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 8 juillet 2014

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission spéciale (1) sur la proposition de loi , ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , renforçant la lutte contre le système prostitutionnel ,

Par Mme Michelle MEUNIER,

Sénatrice

Tome I : Rapport

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Godefroy , président ; Mme Michelle Meunier, rapporteure ; Mmes Esther Benbassa, Maryvonne Blondin, Laurence Cohen, Catherine Deroche, M. Alain Gournac, Mme Chantal Jouanno, MM. Jean-Pierre Michel, Jean-Claude Requier, Jean-Pierre Vial , vice-présidents ; M. Michel Bécot, Mmes Claudine Lepage, Hélène Masson-Maret , secrétaires ; Mme Delphine Bataille, M. Joël Billard, Mme Françoise Boog, MM. Jean-Pierre Chauveau, Christian Cointat, Roland Courteau, Jean-Patrick Courtois, Mme Cécile Cukierman, M. Philippe Darniche, Mme Muguette Dini, MM. Philippe Esnol, Alain Fauconnier, Bernard Fournier, Yann Gaillard, Mmes Marie-Françoise Gaouyer, Catherine Génisson, M . Philippe Kaltenbach, Mmes Christiane Kammermann, Virginie Klès, M. Alain Milon, Mme Gisèle Printz, MM. Gérard Roche, Richard Yung.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

1437 , 1558 et T.A. 252

Sénat :

207 , 590 et 698 (2013-2014)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION SPÉCIALE

Réunie le mardi 8 juillet 2014, sous la présidence de M. Jean-Pierre Godefroy, président , la commission spéciale a examiné le rapport de Mme Michelle Meunier sur la proposition de loi n° 207 (2013-2014).

La commission spéciale a adopté a adopté trente amendements , dont dix-huit présentés conjointement par sa rapporteure et son président.

Soucieuse de ne pas accroître la précarité sanitaire et sociale des personnes prostituées, la commission spéciale a confirmé l'abrogation du délit de racolage (article 13) et s'est prononcée contre la pénalisation des clients (en supprimant les articles 16 et 17) . La majorité des membres de la commission a en effet considéré qu'il existait un risque réel que l'incrimination des clients ne place les personnes prostituées dans un isolement plus grand et, par conséquent, dans des conditions plus dangereuses, tout en ne contribuant pas de manière significative à la lutte contre les réseaux de traite des êtres humains et de proxénétisme, qui doit rester une priorité pour les forces de l'ordre et pour la justice.

La commission a, par ailleurs, adopté les dispositions proposées par la rapporteure et le président visant à améliorer l'accompagnement des personnes prostituées et à faciliter leur sortie de la prostitution ainsi qu'à renforcer la lutte contre la traite des êtres humains et le proxénétisme.

Aux termes du texte adopté par la commission, le « parcours de sortie » prévu pour les personnes prostituées sera remplacé par un « projet d'insertion sociale et professionnelle » mieux financé et garantissant davantage de droits . L'intégralité des sommes confisquées aux réseaux de traite et de proxénétisme sera consacrée au fonds d'accompagnement pour les personnes prostituées. Les victimes de ces réseaux engagées dans un projet d'insertion bénéficieront plus facilement d'une autorisation de séjour dont la durée sera, en outre, portée à un an. L'agrément des associations pouvant accompagner les personnes prostituées dans ce parcours sera élargi à l'ensemble de celles travaillant auprès des publics en difficulté.

Enfin, la commission a renforcé le volet de lutte contre la traite , notamment en élargissant la compétence des inspecteurs du travail au constat des infractions de traite des êtres humains, ce qui constitue la première traduction législative du plan d'action national de lutte contre la traite présenté par le Gouvernement.

La commission spéciale a adopté la proposition de loi ainsi modifiée .

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Saisi le 4 décembre 2013 de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionel 1 ( * ) , le Sénat a créé pour l'examiner une commission spéciale composée de 37 sénateurs appartenant à l'ensemble des commissions permanentes, qui a tenu sa réunion constitutive le 5 février 2014 2 ( * ) .

Ce texte a suscité de nombreuses prises de positions : associations féministes, intellectuels, mais aussi médecins, magistrats et personnalités du monde médiatique ont signé des tribunes ou des pétitions sur sa disposition la plus controversée : la pénalisation de l'achat d'un acte sexuel.

Le président de la commission spéciale et votre rapporteure ont souhaité qu'au-delà des débats parfois passionnels suscités par cette mesure, la commission puisse mener un travail approfondi sur toutes les dispositions de la proposition de loi, qui visent, de manière inédite, à apporter une réponse d'ensemble aux problèmes soulevés par la prostitution.

Pendant un peu plus de cinq mois, les membres de votre commission spéciale ont participé à près de cinquante auditions , entendant des représentants institutionnels et associatifs aux convictions diverses, parfois opposées, sur le texte qui était soumis à leur examen. Ils ont souhaité également s'inspirer des exemples européens en auditionnant M. Simon Häggström, chef de la brigade antiprostitution de Stockholm et, par visioconférence, M. Giusto Schiacchitano, adjoint au procureur national anti-mafia à Rome. Plusieurs d'entre eux ont également pu participer aux déplacements organisés à l'hôpital Ambroise Paré à Boulogne-Billancourt et dans les locaux de la Brigade de répression du proxénétisme à Paris.

Votre commission spéciale a souhaité également pouvoir entendre directement le point de vue des personnes prostituées. L'association « Les amis du bus des femmes » a ainsi associé les commissaires à certaines des maraudes qu'elle organise dans l'agglomération parisienne auprès de ces personnes. En outre, un « espace participatif », ouvert sur la page internet de la commission spéciale, a permis de recueillir de nombreux témoignages individuels.

Enfin, Mmes Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice, Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, et Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports, ont répondu aux interrogations des membres de votre commission spéciale lors de leur audition respective.

Réunie le mardi 8 juillet 2014, votre commission a établi un texte qui confirme l'ensemble des dispositions de la proposition de loi - dont l'abrogation du délit de racolage - à l'exclusion de l'article 16 relatif à la pénalisation du recours à la prostitution . À l'issue d'un long débat, elle a en effet estimé que le risque d'accroître l'isolement et l'insécurité des personnes prostituées était trop grand au regard des bénéfices qui pouvaient être attendus de la création de cette infraction pour lutter contre les réseaux de traite des êtres humains et de proxénétisme. Or, l'ensemble des membres de votre commission spéciale s'accordent sur ce point : cette lutte doit constituer une priorité pour les forces de l'ordre, pour la justice et, au-delà, pour le Gouvernement, auquel incombe la responsabilité de faire progresser la coopération européenne et internationale sur le sujet.

La position de votre commission spéciale concernant la pénalisation du recours à la prostitution ne reflète pas celle de votre rapporteure, soutenue en cela par plusieurs commissaires. Votre rapporteure estime en effet que, si la création de cette infraction ne constitue qu'un élément d'une politique plus globale, il est indispensable d'agir aussi sur la demande d'actes sexuels tarifés pour rendre moins lucratif un marché qui repose sur l'exploitation sexuelle du corps des femmes le plus souvent. Elle juge également que la responsabilité des clients (presqu'exclusivement des hommes) ne peut plus être indéfiniment éludée et qu'il est temps d'affirmer dans la loi le principe fort selon lequel l'achat d'actes sexuels n'est aujourd'hui plus acceptable. Cette position permettrait à la France de rejoindre d'autres pays et les principales institutions européennes, et ainsi de réaffirmer l'engagement abolitionniste qu'elle porte depuis plus de cinquante ans.

Les oppositions qui se sont exprimées, au sein de votre commission spéciale, sur cette disposition, ne l'ont nullement empêchée de travailler dans un climat constructif, avec le souci constant et partagé d'apporter les solutions les plus justes et les plus efficaces en faveur des personnes prostituées .

Ainsi, les autres volets de la proposition de loi ont fait l'objet d'un quasi-consensus . L'ensemble des améliorations proposées par la rapporteure et le président de votre commission spéciale concernant l'accompagnement des personnes prostituées et la lutte contre la traite ont été adoptées. Il s'agit là d'un progrès substantiel par rapport au droit existant. En particulier, la création d'un « parcours de sortie » , renommé « projet d'insertion sociale et professionnelle » et doté de financements accrus, permettra d'offrir aux personnes qui le souhaitent des alternatives crédibles à la prostitution .

Ayant ainsi établi sa position, votre commission spéciale insiste sur la nécessité d'une inscription de la proposition de loi à l'ordre du jour du Sénat à l'automne, afin que puisse être discuté en séance plénière un texte qui constitue une étape essentielle vers un changement du regard que porte la société sur les réalités de la prostitution .

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. L'OBJECTIF DE LA PROPOSITION DE LOI : METTRE EN oeUVRE L'ENGAGEMENT ABOLITIONNISTE DE LA FRANCE

A. L'ENGAGEMENT ABOLITIONNISTE DE LA FRANCE

1. Les différents régimes juridiques relatifs à la prostitution adoptés par la France au cours de son histoire
a) Des hésitations récurrentes entre une plus ou moins grande tolérance vis-à-vis de la prostitution et son interdiction totale

La prostitution a de façon constante suscité un mélange de crainte, de réprobation morale et d'acceptation tacite au cours de l'histoire de France. Accusées de véhiculer toutes sortes de maux, notamment sanitaires, pour les clients, d'encourager certains vices et de porter atteinte à l'ordre public, les personnes prostituées étaient en même temps considérées comme l'un des éléments indispensables au bon fonctionnement du corps social. L'ambivalence des attitudes face à la prostitution explique la variabilité du cadre juridique dans lequel celle-ci a évolué. La France a ainsi connu des hésitations entre une tolérance plus ou moins grande et une volonté d'éradiquer un phénomène considéré comme dangereux et source de désordres.

Des raisons religieuses ont parfois conduit à vouloir interdire la prostitution. C'est ce que tente Louis IX en 1254. Face aux difficultés d'application de cette mesure, il fait le choix, en 1256, de la tolérer tout en édictant un certain nombre de règles visant notamment à l'éloigner hors des murs de la cité. Les tentatives d'éradication de la prostitution ont également pu avoir des justifications sanitaires . La syphilis est identifiée en tant que maladie à la fin du XV e siècle. En 1561, l'ordonnance d'Orléans fait de la prostitution une activité illicite. Enfin, le souci de maintenir l'ordre et d'assurer le respect des bonnes moeurs dans l'espace public conduit par la suite Louis XIV à ordonner l'enfermement des personnes prostituées à la Salpétrière. En 1778 est mise en place la police des moeurs avant que ne soit établi, à Paris, en 1796, un registre de la prostitution.

b) L'échec du régime réglementariste mis en place au XIXème siècle

Le Consulat pose en 1802 les bases d'un système réglementariste fondé sur l'autorisation des maisons closes, le fichage et la visite médicale obligatoire pour les personnes prostituées. Qu'elles se prostituent dans la rue ou dans des maisons closes, les femmes font l'objet d'un contrôle policier, administratif et médical étroit, destiné à éviter les troubles à l'ordre public ainsi qu'à endiguer la propagation des maladies vénériennes.

Le modèle réglementariste est théorisé par un médecin hygiéniste Alexandre Parent-Duchâtelet, membre du conseil de salubrité de la ville de Paris, qui mène une longue étude sur la prostitution dans les années 1830 3 ( * ) . S'inscrivant dans le droit fil de la pensée augustinienne du « mal nécessaire » , Parent-Duchâtelet estime que « les prostituées sont aussi inévitables, dans une agglomération d'hommes, que les égouts, les voiries et les dépôts d'immondices » . Selon lui, « elles contribuent au maintien de l'ordre et de la tranquillité dans la société » . Comme le souligne Alain Corbin dans l'étude qu'il a consacrée à la prostitution, « en accord avec l'organicisme régnant, Parent-Duchâtelet considère que la prostitution est un phénomène excrémentiel indispensable qui protège le corps social de la maladie » 4 ( * ) .

Toujours selon Alain Corbin, le système prostitutionnel repose alors sur trois principes essentiels : la prostitution doit être cantonnée dans un milieu clos ; ce milieu clos, invisible au reste de la société, doit être placé sous la surveillance constante de l'administration ; il doit être enfin rigoureusement hiérarchisé et cloisonné , d'où le rôle essentiel de la « dame de maison ».

Le modèle réglementariste est imité par plusieurs autres pays européens sous le nom de « French system ». Ainsi, le Royaume-Uni l'adopte en 1866 dans les villes de garnison et les ports avant de l'étendre en 1869 à l'ensemble du territoire par les Contagious disease acts . Il est cependant rapidement contesté, notamment en raison de son inefficacité . L'existence des maisons closes n'empêche en aucun cas le développement de la prostitution de rue et les contrôles sanitaires exercés sur les personnes prostituées ne permettent pas d'endiguer l'extension de maladies vénériennes telles que la syphilis. Le mouvement abolitionniste, qui vise en premier lieu à mettre fin à la réglementation de la prostitution, se développe alors, notamment sous l'influence d'organisations féministes. Au Royaume-Uni, la féministe Joséphine Butler obtient ainsi l'abolition des Contagious disease acts en 1886. En France, des défenseurs des droits de l'homme tels que Victor Schoelcher et Victor Hugo, tous deux sénateurs, s'élèvent également contre le système réglementariste. Ce dernier écrit d'ailleurs dans « Les Misérables » : « on dit que l'esclavage a disparu de la civilisation européenne. C'est une erreur. Il existe toujours, mais il ne pèse plus que sur la femme et il s'appelle prostitution » .

Le 13 avril 1946, la loi dite « Marthe Richard » , du nom d'une ancienne prostituée devenue conseillère municipale de Paris, prévoit la fermeture des maisons closes sur l'ensemble du territoire métropolitain 5 ( * ) . Ce sont près de 1 500 structures qui sont concernées, dont 177 à Paris. La France n'en demeure pas moins un pays réglementariste, ce dont témoigne l'instauration par cette même loi d'un fichier sanitaire et social des personnes prostituées.

2. L'évolution du positionnement abolitionniste de la France
a) L'adoption d'un régime abolitionniste en 1960

C'est en 1960, lorsqu'elle ratifie la convention de l'Organisation des Nations unies (ONU) du 2 décembre 1949 pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui, que la France adopte définitivement un régime abolitionniste 6 ( * ) . Son article 6 stipule en effet que « chacune des Parties à la présente Convention convient de prendre toutes les mesures nécessaires pour abroger ou abolir toute loi, tout règlement et toute pratique administrative selon lesquels les personnes qui se livrent ou sont soupçonnées de se livrer à la prostitution doivent se faire inscrire sur des registres spéciaux, posséder des papiers spéciaux, ou se conformer à des conditions exceptionnelles de surveillance ou de déclaration ».

La convention établit un lien direct entre prostitution et traite des êtres humains puisque son préambule affirme que « la prostitution et le mal qui l'accompagne, à savoir la traite des êtres humains en vue de la prostitution, sont incompatibles avec la dignité et la valeur de la personne humaine et mettent en danger le bien-être de l'individu, de la famille et de la communauté » .

La France a tiré les conséquences en droit interne de la ratification de la convention en adoptant, le 25 novembre 1960, deux ordonnances qui renforcent les dispositions relatives à la lutte contre le proxénétisme, suppriment le fichage sanitaire et créent des services de prévention et de réinsertion sociale (SPRS), structures destinées à héberger et accompagner les personnes prostituées 7 ( * ) .

Dans ce cadre abolitionniste, la prostitution est une activité licite et informelle . Seuls son exploitation - à travers le proxénétisme - et les troubles qu'elle peut causer à l'ordre public - par le biais du racolage - sont punis par la loi. Celle-ci ne donne aucune définition de la prostitution, laissant à la jurisprudence le soin de déterminer ce qui en relève ou non. L'acception la plus couramment utilisée a ainsi été formulée par la Cour de cassation en 1996. Cette dernière a défini la prostitution comme le fait « de se prêter, moyennant une rémunération, à des contacts physiques de quelque nature qu'ils soient, afin de satisfaire les besoins sexuels d'autrui » 8 ( * ) .

Définition légale du proxénétisme

Art. 225-5 du code pénal : « Le proxénétisme est le fait, par quiconque, de quelque manière que ce soit :

1° D'aider, d'assister ou de protéger la prostitution d'autrui ;

2° De tirer profit de la prostitution d'autrui, d'en partager les produits ou de recevoir des subsides d'une personne se livrant habituellement à la prostitution ;

3° D'embaucher, d'entraîner ou de détourner une personne en vue de la prostitution ou d'exercer sur elle une pression pour qu'elle se prostitue ou continue à le faire.

Le proxénétisme est puni de sept ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende. »

Définition légale du racolage

Art. 225-10-1 du code pénal : « Le fait, par tout moyen, y compris par une attitude même passive, de procéder publiquement au racolage d'autrui en vue de l'inciter à des relations sexuelles en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération est puni de deux mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende. »

b) Les évolutions récentes : le renforcement de la lutte contre la traite des êtres humains et la réaffirmation de l'engagement abolitionniste de la France

Au début des années 2000, la France a renforcé son arsenal répressif en matière de prostitution et adopté des mesures propres à la lutte contre la traite des êtres humains .

La loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale 9 ( * ) pénalise le recours à la prostitution auprès de personnes mineures de moins de 18 ans et la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure étend cette disposition aux personnes vulnérables 10 ( * ) . Est désormais puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende « le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir, en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération, des relations de nature sexuelle » de la part d'un mineur ou d'une personne présentant une vulnérabilité particulière due à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse 11 ( * ) . La loi précitée du 18 mars 2003 fait par ailleurs du racolage, auparavant simple contravention, un délit , en y incluant expressément le racolage dit « passif ».

Elle introduit enfin dans le code pénal l'infraction de traite des êtres humains . Cette évolution fait suite à la ratification, en 2002, du Protocole de Palerme du 15 novembre 2000, qui enjoint les États parties à introduire l'incrimination de traite des êtres humains dans leur droit pénal. Enfin, la loi du 5 août 2013 12 ( * ) a transposé la directive du 5 avril 2011 qui vise à renforcer la lutte contre la traite des êtres humains ainsi qu'à mieux en protéger les victimes 13 ( * ) .

Définition légale de la traite des êtres humains

Art. 225-4-1 du code pénal : « I. - La traite des êtres humains est le fait de recruter une personne, de la transporter, de la transférer, de l'héberger ou de l'accueillir à des fins d'exploitation dans l'une des circonstances suivantes :

1° Soit avec l'emploi de menace, de contrainte, de violence ou de manoeuvre dolosive visant la victime, sa famille ou une personne en relation habituelle avec la victime ;

2° Soit par un ascendant légitime, naturel ou adoptif de cette personne ou par une personne qui a autorité sur elle ou abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ;

3° Soit par abus d'une situation de vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, apparente ou connue de son auteur ;

4° Soit en échange ou par l'octroi d'une rémunération ou de tout autre avantage ou d'une promesse de rémunération ou d'avantage.

L'exploitation mentionnée au premier alinéa du présent I est le fait de mettre la victime à sa disposition ou à la disposition d'un tiers, même non identifié, afin soit de permettre la commission contre la victime des infractions de proxénétisme, d'agression ou d'atteintes sexuelles, de réduction en esclavage, de soumission à du travail ou à des services forcés, de réduction en servitude, de prélèvement de l'un de ses organes, d'exploitation de la mendicité, de conditions de travail ou d'hébergement contraires à sa dignité, soit de contraindre la victime à commettre tout crime ou délit.

La traite des êtres humains est punie de sept ans d'emprisonnement et de 150 000 € d'amende.

II. - La traite des êtres humains à l'égard d'un mineur est constituée même si elle n'est commise dans aucune des circonstances prévues aux 1° à 4° du I.

Elle est punie de dix ans d'emprisonnement et de 1 500 000 € d'amende.

Entrée en vigueur en France en 2008, la convention du 16 mai 2005 du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, dite « convention de Varsovie » , attache une importance particulière à la protection des victimes et à la sauvegarde de leurs droits. Elle précise en particulier que les victimes de la traite doivent disposer d'un délai de trente jours pour prendre la décision, en dehors de l'influence de leur réseau, de coopérer ou non avec les autorités. Elle prévoit également que leur soit accordé un permis de séjour renouvelable lorsque leur situation personnelle ou leur participation à une enquête judiciaire l'exige et que leur droit à une indemnisation soit garanti.

Le suivi de la mise en oeuvre de cette convention est assuré par un groupe de quinze experts sur la lutte contre la traite des êtres humains, le Greta . Le rapport d'évaluation publié par ce groupe en janvier 2013 note les efforts réalisés par la France, notamment en matière de coopération internationale et de confiscation des biens des réseaux. Il salue également la création d'une structure interministérielle, la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains, la Miprof 14 ( * ) , tout en insistant sur la nécessité pour celle-ci de disposer de l'autorité et des ressources nécessaires à l'exercice de ses missions.

Le rapport souligne en outre la nécessité de renforcer les dispositifs d'identification et de prise en charge des victimes de la traite et de clarifier l'articulation entre l'infraction de traite et celle des autres types d'exploitation afin de respecter pleinement les droits des victimes et de sanctionner à leur juste niveau les trafiquants. Votre commission spéciale a été alertée à plusieurs reprises sur ce point, notamment par la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH). L'attention portée à ce que l'incrimination de traite soit plus systématiquement retenue par les parquets constitue d'ailleurs l'une des 23 mesures figurant dans le plan d'action national contre la traite des êtres humains pour les années 2014 à 2016 15 ( * ) , dont la mise en oeuvre repose en grande partie sur l'adoption de la présente proposition de loi.

Parallèlement à ces efforts accrus en matière de lutte contre la traite des êtres humains, la France a réaffirmé son engagement abolitionniste avec l'adoption par l'Assemblée nationale, en décembre 2011, d'une proposition de résolution 16 ( * ) . Ce texte fait suite à la publication d'un rapport parlementaire prenant explicitement position en faveur de la pénalisation des clients de la prostitution 17 ( * ) . Il traduit clairement l'évolution du sens donné au terme abolitionnisme : il ne s'agit plus d'abolir la réglementation mais de se fixer pour objectif, « à terme, une société sans prostitution ».

Proposition de résolution
réaffirmant la position abolitionniste de la France en matière de prostitution adoptée le 6 décembre 2011 par l'Assemblée nationale

« L'Assemblée nationale, [...] considérant que la non-patrimonialité du corps humain est l'un des principes cardinaux de notre droit et qu'il fait obstacle à ce que le corps humain soit considéré, en tant que tel, comme une source de profit ;

Considérant que les agressions sexuelles, physiques et psychologiques qui accompagnent le plus souvent la prostitution portent une atteinte particulièrement grave à l'intégrité du corps des personnes prostituées ;

Considérant que la prostitution est exercée essentiellement par des femmes et que les clients sont en quasi-totalité des hommes, contrevenant ainsi au principe d'égalité entre les sexes ;

1. Réaffirme la position abolitionniste de la France, dont l'objectif est, à terme, une société sans prostitution ;

2. Proclame que la notion de besoins sexuels irrépressibles renvoie à une conception archaïque de la sexualité qui ne saurait légitimer la prostitution, pas plus qu'elle ne justifie le viol ;

3. Estime que, compte tenu de la contrainte qui est le plus souvent à l'origine de l'entrée dans la prostitution, de la violence inhérente à cette activité et des dommages physiques et psychologiques qui en résultent, la prostitution ne saurait en aucun cas être assimilée à une activité professionnelle ;

4. Juge primordial que les politiques publiques offrent des alternatives crédibles à la prostitution et garantissent les droits fondamentaux des personnes prostituées ;

5. Souhaite que la lutte contre la traite des êtres humains et le proxénétisme constitue une véritable priorité, les personnes prostituées étant dans leur grande majorité victimes d'exploitation sexuelle ;

6. Estime que la prostitution ne pourra régresser que grâce à un changement progressif des mentalités et un patient travail de prévention, d'éducation et de responsabilisation des clients et de la société tout entière. »

B. LA NÉCESSITÉ DE FAIRE ÉVOLUER LA LÉGISLATION

1. Le changement de visage de la prostitution : une prostitution exercée sous contrainte dans la plupart des cas
a) Le poids croissant des réseaux de traite des êtres humains

Il est très difficile d'évaluer précisément le nombre de personnes prostituées. Si les statistiques policières et celles recueillies par les associations intervenant auprès des personnes prostituées dans leurs rapports d'activité permettent malgré tout d'avoir un aperçu de la situation, celui-ci demeure imparfait en raison des difficultés à appréhender les formes les plus discrètes de prostitution, qu'elles s'exercent sur Internet ou dans des lieux fermés du type salons de massage.

Dans les réponses écrites qu'il a communiquées à votre commission spéciale, l'office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH) évalue à environ 30 000 le nombre de personnes prostituées exerçant sur le territoire français. En 2013, la proportion des Françaises ou Français incriminés pour racolage était de 5,4 %, sur un total de 1 129 personnes. Celle des personnes de nationalité française reconnues victimes dans le cadre de procédures diligentées pour proxénétisme ou traite des êtres humains à des fins d'exploitation sexuelle était de 22,6 % - soit 206 sur un total de 912. Les trois pays les plus représentés, que ce soit dans le cadre des procédures de racolage ou pour proxénétisme et traite, sont la Roumanie, le Nigéria et la Chine.

Au regard de ces statistiques, l'OCRTEH estime à 83 % la part des personnes prostituées de nationalité étrangère exerçant sur le territoire français. Sur ce point, les données chiffrées fournies par l'OCRTEH rejoignent celles fournies par des associations comme Grisélidis : dans son rapport d'activité pour l'année 2013, elle évalue à 88 % la part des femmes migrantes exerçant la prostitution de rue à Toulouse 18 ( * ) . Celles-ci seraient en provenance, pour l'essentiel, d'Afrique subsaharienne et d'Europe de l'est. Ces données traduisent un changement profond de la prostitution au cours des vingt dernières années : alors qu'au début années 1990, 80 % des personnes prostituées étaient Françaises, cette proportion s'est aujourd'hui plus qu'inversée. Cette inversion est corrélée à la forte diminution de la prostitution dite « traditionnelle » en France.

Si l'ensemble des acteurs s'accordent sur le constat que les personnes sous l'emprise de réseaux de traite ou de proxénétisme représentent une très large majorité des personnes prostituées, la question de la part exacte de celles-ci fait débat. L'absence de consensus s'explique par le fait qu'il n'existe pas de données consolidées permettant de dresser un profil précis des personnes prostituées en France, quel que soit leur mode d'exercice. Selon l'OCRTEH, dont l'analyse se fonde essentiellement sur la prostitution de rue, les personnes prostituées étrangères exerçant en France dépendent en quasi-totalité d'un réseau qui les exploite . Cette appréciation est jugée surévaluée par des associations comme Aides 19 ( * ) .

Votre rapporteure fait pour sa part sienne l'analyse de l'OCRTEH. Elle estime que la prostitution a connu en France un bouleversement profond en l'espace de deux décennies : à la prostitution « traditionnelle », de plus en plus minoritaire, s'est progressivement substituée une prostitution exercée sous l'influence de réseaux transnationaux de proxénétisme et de traite, devenue désormais très largement majoritaire.

Cette évolution se retrouve dans l'ensemble des pays d'Europe occidentale, aujourd'hui confrontés à une situation similaire d'augmentation de la prostitution d'origine étrangère et d'influence croissante des réseaux de traite, en provenant principalement d'Europe de l'est et d'Afrique subsaharienne. M. Robert Badinter l'a souligné lors de son audition : « le mal profond, dans le domaine de la prostitution, c'est le trafic honteux, ignoble, et extraordinairement lucratif que constitue la traite des êtres humains à laquelle se livrent les mafias. Ce trafic est un véritable fléau - et je n'ai pas de mots assez sévères pour le dénoncer - qui, aujourd'hui hélas, est en augmentation dans l'ensemble des pays d'Europe ! » 20 ( * ) .

Votre commission spéciale estime que la lutte contre les réseaux de traite et de proxénétisme doit constituer une priorité des pouvoirs publics, tant au niveau des forces de l'ordre et de la justice qu'au niveau du Gouvernement, afin de renforcer la coopération européenne et internationale en la matière .

b) La place de la contrainte économique

Au-delà de la question de l'influence des réseaux de traite ou de proxénétisme, votre rapporteure souligne que la contrainte, notamment économique, reste très présente. Ainsi, une étude de l'Amicale du Nid 93 publiée en 2014 sur la prostitution à Saint-Denis décrit le phénomène prostitutionnel de la façon suivante : « à l'échelon local, la prostitution concerne pour le principal, des femmes majeures en situation de vulnérabilité sociale ou de désaffiliation, elles subissent celle-ci dans une perspective de survie » 21 ( * ) . La référence aux concepts développés par Robert Castel de vulnérabilité et de désaffiliation , liés à l'éloignement du marché du travail et à l'isolement relationnel, apparaît particulièrement adaptée pour éclairer ce qui entraîne dans la plupart des cas l'entrée dans la prostitution. Une étudiante, éloignée de sa cellule familiale et disposant de ressources trop modestes pour parvenir à continuer ses études dans des conditions satisfaisantes, peut ainsi se prostituer 22 ( * ) . Une femme ayant charge de famille mais dépourvue de toute formation et des soutiens nécessaires pour trouver un emploi et subvenir à ses besoins, peut prendre la même décision. Dans les deux cas, le choix n'a pas été effectué sous la contrainte d'un tiers mais il résulte d'une situation particulière de fragilité et d'isolement. Pour votre rapporteure, ces personnes se trouvent alors placées dans une position de vulnérabilité qui peut les exposer à la violence des clients et les rend facilement repérables par les proxénètes ou les réseaux de traite des êtres humains.

A la pression économique et à l'isolement relationnel peuvent s'ajouter des contraintes liées à la réalisation d'un projet personnel . Pour les personnes transgenres, qui doivent financer des opérations dont le coût s'élève à plusieurs dizaines de milliers d'euros, le recours à la prostitution apparaît bien souvent comme le seul moyen de mobiliser rapidement les sommes nécessaires à leur changement d'identité. Si ce sujet ne pouvait être traité dans le cadre de la présente proposition de loi, le président de la commission et votre rapporteure appellent de leurs voeux la poursuite des réflexions déjà engagées, par différents sénateurs et sénatrices, sur le changement d'état civil des personnes transgenres . Il s'agit de trouver rapidement les voies d'amélioration d'une procédure qui demeure trop longue et douloureuse.

De plus, comme l'ont souligné Rosen Hicher et Laurence Noëlle, anciennes personnes prostituées, devant votre commission spéciale, il est difficile de « sortir » de la prostitution 23 ( * ) . Au-delà de difficultés très concrètes, notamment fiscales ou d'accès à un revenu de remplacement, le manque de confiance dans les institutions, le sentiment de culpabilité, les difficultés pour construire des relations apaisées avec les hommes - liées à la peur de leur regard ou à celle de rencontrer d'anciens clients - peuvent constituer de réels freins à l'engagement dans un parcours de réinsertion sociale et professionnelle. Lors de son audition, Claudine Legardinier, journaliste et auteure de plusieurs ouvrages sur la prostitution, a également souligné la nostalgie que peuvent paradoxalement ressentir certaines personnes prostituées pour une période où elles se posaient moins de questions 24 ( * ) .

Tous ces facteurs prennent une dimension particulièrement tragique lorsqu'ils conduisent des femmes âgées à continuer de se prostituer. Gabrielle Partenza, présidente de l'association Avec nos aînées, en a témoigné devant les membres de votre commission spéciale. Âgées de 70 à 92 ans, les femmes qu'accompagne l'association continuent de se prostituer malgré une dégradation de leur état de santé. Aux pathologies chroniques liées à l'avancée en âge peuvent s'ajouter des pathologies telles que la tuberculose - trois cas ont été détectés récemment par l'association en région parisienne. La santé mentale de ces femmes, souvent placées dans des situations d'isolement très fortes, est également dégradée. Ces personnes ignorent souvent leurs droits, notamment le fait qu'elles peuvent bénéficier de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA). Enfin, elles ont le sentiment que leurs demandes ne seront pas prises en compte du fait même qu'elles se prostituent et, dès lors, refusent d'entamer les démarches leur permettant d'exercer leurs droits.

2. Un accompagnement des personnes prostituées, victimes du proxénétisme et de la traite des êtres humains, qui doit encore être renforcé
a) Un engagement des pouvoirs publics qui souffre de certaines lacunes

Dès 2001, un rapport de la délégation aux droits des femmes du Sénat soulignait les lacunes de l'action publique auprès des personnes prostituées : « quarante ans plus tard [après la ratification de la Convention du 2 décembre 1949] un constat s'impose : si l'objectif répressif a été tenu - notre arsenal législatif est jugé l'un des meilleurs -, si la France apparaît sur la scène internationale comme un des pays leaders de la défense de l'abolitionnisme, le désengagement des pouvoirs publics est patent en matière de prévention de la prostitution et de réinsertion des personnes prostituées » 25 ( * ) .

Douze ans plus tard, le rapport du président de votre commission Jean-Pierre Godefroy et de Mme Chantal Jouanno sur la situation sanitaire et sociale des personnes prostituées dresse un constat similaire et souligne que les actions menées par la puissance publique depuis 1960 n'ont pas été à la hauteur des enjeux , notamment en raison des débats idéologiques entre les différents acteurs amenés à intervenir auprès des personnes prostituées, qui empêchent toute avancée significative sur la question 26 ( * ) .

Malgré les moyens limités dont elles disposent, les forces de police parviennent chaque année à démanteler plusieurs dizaines de réseaux de proxénétisme et de traite. En 2012, l'OCRTEH a ainsi démantelé 52 réseaux de prostitution et 751 victimes de la traite ont été identifiées dans le cadre de procédures judiciaires.

Mais les moyens alloués à la prise en charge des victimes du proxénétisme et des réseaux de traite demeurent largement insuffisants. Un seul dispositif de prise en charge des personnes victimes de la traite est actuellement actif sur l'ensemble du territoire français. Il s'agit du dispositif national d'accueil et de protection des victimes de la traite des êtres humains (Ac.Sé), créé en 2001 et géré par l'association Accompagnement, lieux d'accueil, carrefour éducatif et social (A.L.C), implantée à Nice. Ce dispositif permet d'assurer l'éloignement géographique des personnes victimes du proxénétisme et de la traite et de les orienter vers des solutions d'hébergement sécurisées. 47 centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), pouvant accueillir chacun entre une et trois personnes, sont partenaires d'Ac.Sé. En 2012, 66 personnes ont été prises en charge à ce titre, un chiffre qui apparaît limité au regard du nombre de victimes de la traite identifiées chaque année et tend à prouver l'insuffisance des moyens alloués à un dispositif dont l'efficacité est pourtant saluée par les acteurs de tous bords .

La création de services de prévention et de réinsertion sociale (SPRS), prévue par l'ordonnance précitée du 25 novembre 1960, a été faiblement concluante et peu de structures permettent aujourd'hui d'assurer une prise en charge spécifique des personnes prostituées. La coordination des acteurs associatifs et institutionnels sur les territoires demeure par ailleurs lacunaire, notamment parce que les commissions départementales qui auraient dû permettre de les faire travailler ensemble ont été en pratique peu actives 27 ( * ) . Si quelques exemples de travail en commun réussi existent, ce dont témoigne le réseau d'intervention sociale auprès des personnes prostituées (Rispp) qui s'est développé dans la région bordelaise, ces expériences demeurent fragiles et isolées.

Comme l'a indiqué Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, lors de son audition, les crédits consacrés par l'État à l'accompagnement des personnes prostituées ont sensiblement augmenté en 2014 28 ( * ) . L'enveloppe globale, dont le montant devrait s'établir à 2,4 millions d'euros, doit permettre de soutenir plusieurs associations pilotes, dont A.L.C, ainsi que des projets menés dans les territoires 29 ( * ) . Malgré tout, elle ne permet pas encore d'envisager la mise en place de mesures d'envergure à destination d'un public pourtant très précarisé.

En outre, le renforcement de l'infraction de racolage par la loi pour la sécurité intérieure du 18 mars 2003 a, de l'avis des personnes auditionnées par votre commission spéciale, fragilisé encore un peu plus les personnes prostituées. Il a en particulier entraîné un déplacement des lieux d'exercice de la prostitution vers des zones plus difficiles d'accès pour les forces de police, mais également pour les associations intervenant auprès des personnes prostituées. Davantage isolées, les personnes prostituées se retrouvent exposées à un risque de violence accru. Le délit de racolage semble en outre avoir renforcé le sentiment de stigmatisation des personnes prostituées ainsi que leur méfiance vis-à-vis des institutions. Or, comme l'a souligné Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, lors de son audition, la pertinence du délit de racolage comme outil de détection puis de remontée des réseaux de proxénétisme et de traite n'apparaît pas avérée 30 ( * ) .

La faiblesse des moyens mis en oeuvre pour mieux connaître la situation des personnes qui se prostituent sur le territoire français constitue une dernière illustration des lacunes de l'action publique en la matière. La loi du 18 mars 2003 précitée prévoyait la publication annuelle d'un rapport sur la situation démographique, sanitaire et sociale des personnes prostituées. Or, ainsi que l'a indiqué le Conseil national du sida (CNS) en 2010 31 ( * ) , un seul rapport a été publié à ce jour qui n'a pu proposer qu'une analyse de portée limitée faute de pouvoir s'appuyer sur des données suffisamment étayées. La connaissance de la prostitution en France demeure dès lors fragmentaire, empêchant toute construction d'un diagnostic objectif et partagé entre les différents acteurs amenés à intervenir auprès des personnes prostituées.

b) Une fragilité particulière des personnes prostituées qui appelle la mise en oeuvre de réponses spécifiques

Comme l'a souligné un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) publié en décembre 2012, la prostitution est un phénomène complexe et pluriel 32 ( * ) . Elle concerne des personnes de tous âges. La prostitution des jeunes mineurs, largement sous-évaluée par les pouvoirs publics, constitue un phénomène particulièrement inquiétant. Les modes d'exercice de la prostitution sont variables - prostitution de rue ou discrète, dans les salons de massage ou via Internet, prostitution régulière ou occasionnelle. Si la très grande majorité des personnes qui se prostituent sont des femmes, 10 % à 15 % d'entre elles sont des hommes ou des transsexuels (pour l'essentiel d'homme à femme).

Toutefois, derrière la variabilité des profils et des pratiques, plusieurs facteurs de fragilité, communs à l'ensemble des personnes prostituées, peuvent être dégagés. Un premier facteur tient à l'éloignement des structures d'accès aux soins et aux droits . Celui-ci est accentué lorsque les personnes sont soumises aux pressions exercées par un proxénète ou par un réseau de traite. S'y ajoute alors la précarité de leur situation administrative sur le territoire français. Pour les personnes de nationalité étrangère, la mauvaise maîtrise de la langue française constitue un frein majeur à l'accès aux droits. De façon plus générale, l'isolement relationnel touche une grande partie des personnes qui se prostituent. Une étude de l'Institut de veille sanitaire (InVS) menée entre 2010 et 2011 indique que 42 % des personnes interrogées disaient ne pas pouvoir faire appel à un proche en cas de besoin 33 ( * ) .

Les personnes prostituées sont en outre exposées à des risques sanitaires plus importants que le reste de la population . Ces risques sont de deux ordres. Certains sont inhérents à l'activité prostitutionnelle - exposition aux infections et maladies sexuellement transmissibles, problèmes gynéco-obstétriques. La fréquence des infections et maladies sexuellement transmissibles (IST/MST) est plus élevée dans la population prostituée transgenre ou homosexuelle. Un quart des personnes interrogées dans le cadre de l'étude de l'InVS déclaraient avoir déjà eu une IST. 44 % des transgenres, 13 % des hommes et 2 % des femmes déclaraient être séropositifs. D'autres risques tiennent à la précarité des conditions de vie des personnes prostituées - maladies respiratoires, problèmes dermatologiques, troubles digestifs et musculo-squelettiques notamment. La consommation de produits psycho-actifs - alcool, tabac, drogue - et l'existence de troubles psychiques jouent également un rôle dans la fragilisation des personnes prostituées. La moitié des personnes interrogées dans le cadre de l'étude menée par l'InVS jugeaient leur état de santé moyen, mauvais ou très mauvais, contre 31 % en population générale. 29 % d'entre elles déclaraient avoir eu des pensées suicidaires contre 3 % à 4 % en population générale. Enfin, plus du tiers déclaraient une maladie chronique, pourcentage s'élevant à 70 % chez les personnes transgenres. Or, si des initiatives locales sont menées - plusieurs membres de votre commission spéciale se sont rendus au centre hospitalier Ambroise Paré qui a mis en place un dispositif spécifique d'accueil des personnes se prostituant dans le bois de Boulogne -, le suivi médical des personnes prostituées demeure largement lacunaire.

Enfin, l'exposition aux violences représente une constante de la prostitution. Ces violences sont principalement le fait des clients mais proviennent également des proxénètes, d'autres personnes prostituées - en raison du climat de concurrence qui peut régner pour l'occupation des territoires de prostitution - ou de passants qui se sentent autorisés à les humilier. Sans être toujours physiques, ces violences peuvent prendre une forme verbale ou psychologique. Une enquête de Médecins du monde publiée en 2012 sur la prostitution chinoise à Paris indique que 86 % des femmes interrogées avaient rencontré au moins une forme de violence depuis leur arrivée en France, la plus fréquente étant le retrait non consenti du préservatif. 61 % d'entre elles déclaraient avoir été confrontées à des violences autres que physiques, par exemple des vols, des insultes ou des brimades 34 ( * ) .

Le sentiment de stigmatisation est par ailleurs récurrent chez les personnes prostituées et alimente leur méfiance à l'égard des institutions. Beaucoup témoignent des traitements parfois humiliants infligés par certaines forces de police qui voient davantage en elles des délinquantes en puissance plutôt que les victimes potentielles de réseaux de traite. Ce phénomène est accentué par la multiplication des gardes à vue intervenue en application de la loi de sécurité intérieure de 2003. C'est pour contrer ce sentiment récurrent de stigmatisation que le rapport de votre président Jean-Pierre Godefroy et de Mme Chantal Jouanno appelait à une « inversion du regard » porté sur les personnes prostituées.

Votre rapporteure estime que l'accompagnement sanitaire et social des personnes prostituées, depuis longtemps négligé, constitue l'un des enjeux essentiels du nouveau souffle qui doit être donné à l'engagement abolitionniste de la France. Ces efforts doivent s'accompagner d'un changement du regard que porte la société sur ces personnes, encore trop souvent stigmatisant. Cette appréciation fait l'objet d'un consensus chez les membres de votre commission spéciale, qui ont salué le volet social du texte soumis à leur examen.

3. Les évolutions engagées au niveau européen

L'ensemble des voisins européens de la France ont mis en place des législations visant à lutter contre le proxénétisme et contre la traite des êtres humains. Ces dispositions sont généralement, comme pour la France, la traduction des engagements internationaux pris par ces pays ainsi que la transposition dans leur droit interne des règles fixées par le droit de l'Union européenne.

En revanche, l'encadrement juridique de la prostitution en elle-même diffère selon les pays, notamment sur les points majeurs que sont la pénalisation du client et celle du racolage. Sur ces deux sujets, le Parlement européen et l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, ont récemment adopté des positions convergentes.

a) Les positions du Parlement européen et de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe

Le Parlement européen a adopté le 26 février dernier une résolution non contraignante qui reconnaît notamment que « la prostitution, la prostitution forcée et l'exploitation sexuelle sont [...] contraires aux principes de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, notamment l'objectif et le principe de l'égalité entre les hommes et les femmes » . Le texte appelle les États membres à ne pas sanctionner les personnes prostituées et à développer des programmes permettant de les aider à arrêter leur activité. Pointant les effets positifs du modèle mis en oeuvre en Suède, en Islande et en Norvège, la résolution « considère que la réduction de la demande doit faire partie d'une stratégie intégrée de lutte contre la traite dans les États membres » et « estime que la demande peut être réduite grâce à une législation faisant peser la charge du délit sur ceux qui achètent des services sexuels et non sur les personnes qui les proposent » .

Un peu plus d'un mois plus tard, l' Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a adopté une position sensiblement équivalente dans une résolution qui appelle notamment les États membres et observateurs à « envisager la criminalisation de l'achat de services sexuels, fondée sur le modèle suédois, en tant qu'outil le plus efficace pour prévenir et lutter contre la traite des êtres humains » ainsi qu'à mettre en place des programmes de sortie pour les personnes souhaitant arrêter la prostitution 35 ( * ) .

b) Les évolutions du cadre juridique de la prostitution intervenues ou envisagées dans plusieurs pays européens

Précurseur dans l'évolution du cadre juridique applicable à la prostitution, la Suède a adopté le 4 juin 1998 une loi qui rend passible d'une amende et d'une peine de prison toute personne qui se procure des services sexuels en échange d'une rétribution ou d'une promesse de rétribution, quelle que soit la forme que prend celle-ci. La peine de prison, d'une durée initiale de six mois, a été portée à un an en 2011. Une peine identique s'applique lorsque la rétribution a été promise ou versée par une autre personne que le client. Comme l'a souligné Simon Häggström, chef de la brigade antiprostitution de Stockholm, lors de son audition 36 ( * ) , l'adoption de cette loi est le fruit d'un long et intense débat entamé dans les années 1970.

Votre commission spéciale a entendu des appréciations divergentes quant aux résultats obtenus en Suède.

Un rapport d'évaluation publié en novembre 2010 par les autorités suédoises dresse des constats positifs 37 ( * ) :

- la prostitution sur la voie publique en Suède aurait diminué de moitié depuis 1999 alors que dans le même temps, l'activité croissait dans les autres pays nordiques ; le nombre de personnes prostituées exerçant sur la voie publique en 2008 en Norvège et au Danemark était trois fois plus élevé qu'en Suède ; selon les chiffres fournis par Simon Häggström lors de son audition, le nombre de personnes se prostituant dans la rue à Stockholm serait passé de 80 avant l'adoption de la loi à 15 actuellement ;

- rien ne permet de conclure que la hausse de la prostitution sur Internet constatée dans la première décennie des années 2000 soit liée à la pénalisation du client, ni que celle-ci ait conduit à un report de la prostitution vers des lieux fermés ;

- la pénalisation a eu un impact sur les comportements individuels ; toujours selon Simon Häggström, la part des hommes déclarant avoir déjà acheté des services sexuels est passée de 13,6 % en 1996 à 7,9 % aujourd'hui ; alors que les deux-tiers de l'opinion publique étaient opposés à la pénalisation du client avant l'adoption de la loi, cette proportion est aujourd'hui inversée, en particulier chez les jeunes.

Simon Häggström a insisté devant votre commission spéciale sur l'utilité que pouvait représenter la pénalisation des clients pour remonter les réseaux de prostitution et de traite . Le mode opératoire adopté par les services de police, qui passe notamment par des enquêtes menées sur Internet, permet d'avoir accès, si ce n'est aux têtes de réseaux, du moins aux proxénètes présents sur le territoire suédois. La loi ne parait pas avoir conduit les personnes prostituées à refuser toute forme de coopération avec les services de police. À l'inverse, il semble que leur parole se soit libérée du fait du changement de regard que porte sur elles la société.

Enfin, Simon Häggström a souligné que deux travailleurs sociaux , chargés de proposer un accompagnement social et psychologique aux clients condamnés pour l'achat d'un service sexuel, avaient été intégrés dans son unité de police. Au-delà de son caractère répressif, la pénalisation de la prostitution vise donc à assurer une prise de conscience chez les clients de personnes prostituées.

Un certain nombre de personnes auditionnées par votre commission ont, à l'inverse, fait état d'études établissant un bilan mitigé de la législation suédoise 38 ( * ) , dont il serait difficile d'estimer l'impact sur la réduction de la prostitution et qui aurait entraîné une moindre confiance des personnes prostituées dans les autorités publiques, voire une augmentation des violences. Une sénatrice membre de la commission a ainsi relevé, lors de l'examen du présent texte par la commission : « le modèle suédois n'a pas que des vertus : si la prostitution visible a diminué, elle s'exerce désormais dans des conditions plus difficiles » 39 ( * ) .

Depuis 2009, des législations identiques à celle applicable en Suède sont entrées en vigueur en Norvège et en Islande . La Finlande a quant à elle fait le choix de pénaliser les clients dans les seuls cas où la personne prostituée est victime de la traite.

L' Angleterre et le Pays-de-Galles appliquent des règles similaires, puisque la loi ne pénalise que les clients des personnes prostituées soumises à la contrainte . Pour prononcer la sanction, le juge n'a pas à prouver que le client était ou aurait dû être conscient de l'exploitation de la personne prostituée par un tiers. Le racolage est également considéré comme un délit. Peut être pénalisée toute personne qui racole de façon persistante dans une rue ou un lieu public en vue d'offrir un service sexuel.

Enfin, le régime « réglementariste » soulève actuellement des interrogations dans les pays qui l'ont mis en place.

Depuis 2002, la loi allemande ne sanctionne pas les exploitants de maisons closes dès lors que les personnes qui y exercent la prostitution ne sont pas maintenues dans « un état de dépendance personnelle ou économique » . Elles doivent notamment avoir le droit de démissionner, de refuser un rapport sexuel ou un client. Le racolage n'est pas puni par la loi fédérale mais les Länder peuvent édicter des règlements visant à interdire la prostitution sur certaines zones de leurs territoires.

Les auditions de votre commission spéciale ont montré que le bilan de cette législation apparaît relativement contrasté dans la mesure où elle n'a pas permis d'améliorer substantiellement le degré de sécurité ni l'accès aux droits des personnes prostituées. Seule une très faible minorité d'entre elles seraient enregistrées auprès des services sociaux. Selon la résolution précitée adoptée par le Parlement européen le 26 février dernier, sur 400 000 personnes se prostituant en Allemagne, seules 44 se seraient officiellement enregistrées auprès des organismes sociaux suite à la loi de 2002 40 ( * ) . La question de la remise en cause du régime réglementariste a été récemment soulevée dans le débat public, notamment avec la diffusion d'une pétition réclamant l'interdiction de l'achat d'actes sexuels, soutenue par un grand nombre de personnalités du monde politique, culturel et scientifique 41 ( * ) .

Des réflexions identiques sont en cours aux Pays-Bas , qui ont supprimé en 1999 l'infraction générale de proxénétisme et confié aux communes le contrôle de la prostitution. En 2009, le Gouvernement a déposé un projet de loi visant à modifier le régime de la prostitution. Celui-ci a été examiné en première lecture par la chambre haute du Parlement néerlandais à l'automne 2012. Toute évolution rapide de la législation sur le sujet apparaît cependant difficile.

Aux yeux de votre rapporteure, ces exemples étrangers apportent un éclairage utile à l'examen de la présente proposition de loi. Si plusieurs pays s'engagent vers une responsabilisation accrue du client, l'efficacité du régime réglementariste est de plus en plus questionnée dans les pays qui l'ont mis en place.

L'appréciation relative à l'efficacité de la législation suédoise n'est pas partagée par l'ensemble des membres de votre commission spéciale. Une majorité d'entre eux estiment en effet, à la lumière notamment des auditions réalisées, que les rapports officiels publiés sur la question ne traduisent pas toute la réalité du phénomène prostitutionnel. Le déplacement de la prostitution vers des formes plus discrètes - indoor ou sur Internet - ainsi que vers d'autres pays continue de faire débat.

C. LES QUESTIONS DE PRINCIPE SOULEVÉES AU COURS DES TRAVAUX DE VOTRE COMMISSION SPÉCIALE

Si les auditions menées par votre commission spéciale ont conduit au constat partagé de la nécessité d'une évolution de la législation, afin de renforcer la lutte contre la traite des êtres humains et d'améliorer l'accompagnement social et sanitaire des personnes prostituées, d'autres questions soulevées par le texte de la proposition de loi ont fait débat.

1. Prostitution contrainte et prostitution choisie

Dans un arrêt de 2007, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a jugé que « la prostitution [est] incompatible avec la dignité humaine, dès lors qu'elle est contrainte » 42 ( * ) . Cette position la conduit à estimer que, lorsqu'elle n'est pas contrainte, la prostitution peut être une activité économique, soumise par conséquent à la perception d'impôts et de cotisations sociales.

La question de l'existence d'un libre choix a été présente durant l'ensemble des travaux de votre commission spéciale. Des associations et des personnes prostituées sont venues témoigner de l'existence d'une prostitution dite « traditionnelle » qui serait librement choisie. Elles ont pu exprimer leurs craintes sur les conséquences que pourrait entraîner la pénalisation du recours à la prostitution .

Tout en respectant pleinement la parole et le ressenti des personnes concernées, votre rapporteure relève pour sa part que la contrainte, au moins économique, reste en tout état de cause omniprésente dans l'exercice de la prostitution. Elle estime que, dans tous les cas, le recours à la prostitution constitue une violence et une atteinte à la personne humaine.

2. Le rôle du législateur

La disposition visant à incriminer les clients de personnes prostituées a soulevé au cours des travaux de votre commission la question du rôle du législateur.

Pour certains de ses membres, le législateur n'a pas à encadrer les relations sexuelles entre deux adultes consentants . C'est un point de vue défendu par la CEDH, qui a fixé des principes particulièrement clairs en la matière. Elle a ainsi estimé en 2005 que « le droit d'entretenir des relations sexuelles découle du droit fondamental de disposer de son corps, partie intégrante de la notion d'autonomie personnelle » 43 ( * ) .

Pour votre rapporteure, cette jurisprudence ne s'applique qu'à des relations relevant du domaine de l'intime, de la vie privée . Or il n'en est pas de même s'agissant de la prostitution. Comme l'a souligné Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, lors de son audition, celle-ci repose sur un acte tarifé, parfois défini comme un « service », qui traduit l'existence d'une relation contractuelle entre deux personnes aux intérêts très distincts 44 ( * ) .

3. La responsabilité du client

La majorité des membres de votre commission spéciale a considéré qu'il était préférable de concentrer les efforts des forces de l'ordre et de la justice pour poursuivre les personnes qui contraignent directement les prostituées - proxénètes, membres des réseaux - plutôt que de sanctionner les clients.

Votre rapporteure estime au contraire que, sans client, l'activité prostitutionnelle ne pourrait pas exister. Si la prostitution est bel et bien un marché, alors celui-ci se caractérise par la rencontre entre une offre et une demande, qui est celle du client. C'est bien parce que cette demande est présente que des proxénètes et des réseaux de traite jugent la prostitution lucrative et s'engagent dans ce commerce des êtres humains. Cela a été souligné à plusieurs reprises lors des auditions de votre commission spéciale : les réseaux mafieux conduisent généralement plusieurs activités parallèlement, dont le trafic de drogue et d'armes. Dans le cas où l'une d'entre elles s'avère moins lucrative, ils se tournent vers une autre.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

La proposition de loi initiale, présentée par M. Bruno le Roux, Mme Maud Olivier et les membres du groupe socialiste a été assez substantiellement modifiée lors de son examen par l'Assemblée nationale, en commission spéciale le 19 novembre 2013 puis en séance plénière le 29 novembre et le 4 décembre.

A. LA LUTTE CONTRE LE PROXÉNÉTISME ET LA TRAITE DES ÊTRES HUMAINS SUR INTERNET

L'article 1 er de la proposition de loi tend à instaurer, au sein de la loi relative à la confiance dans l'économie numérique du 21 juin 2004, de nouvelles obligations pour les fournisseurs d'accès à Internet et les hébergeurs. Désormais, outre les crimes contre l'humanité, les incitations à la haine raciale, la pornographie enfantine, l'incitation à la violence et les atteintes à la dignité humaine, les fournisseurs d'accès à Internet et les hébergeurs devront s'efforcer d'empêcher la diffusion de contenus liés à la traite des êtres humains et au proxénétisme. Seraient ainsi visés les sites internet proposant des services sexuels payants en lien avec l'activité des réseaux de traite et de proxénétisme.

En outre, l'article 1 er prévoyait, sur le modèle des dispositions introduites par la loi du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI) en matière de pédopornographie, que l'autorité administrative pourrait notifier aux fournisseurs d'accès à Internet (FAI) les adresses électroniques des sites internet fautifs en vue de leur blocage immédiat. Cette disposition a toutefois été supprimée en séance publique à l'instigation du Gouvernement, celui-ci ayant indiqué qu'une réflexion était en cours sur la faisabilité et l'efficacité d'une telle mesure dans un autre cadre légal.

B. L'ACCOMPAGNEMENT DES PERSONNES VICTIMES DE LA PROSTITUTION, DU PROXÉNÉTISME ET DE LA TRAITE DES ÊTRES HUMAINS

1. Des mesures de protection et d'accompagnement renforcées durant les procédures judiciaires

L'article 1 er ter , introduit par les députés en commission à l'initiative de la rapporteure, permet aux victimes de l'une des infractions de traite des êtres humains, de proxénétisme ou de recours à la prostitution, sur le modèle des dispositions du code de procédure pénale déjà existantes pour la protection des témoins (articles 706-57 et suivants du code de procédure pénale) :

- de déclarer comme domicile l'adresse du commissariat, de la brigade de gendarmerie de leur avocat ou d'une association qui aide ou qui accompagne les personnes prostituées ; l'Assemblée nationale a adopté en séance publique un amendement prévoyant que les personnes prostituées peuvent également déclarer comme domicile l'adresse de leur avocat ou d'une association qui les aide ou qui les accompagne ;

- de bénéficier des dispositions des articles 706-58 et suivantes relatives au témoignage anonyme ;

- de bénéficier de mesures destinées à assurer leur protection, leur insertion et leur sécurité, prévues à l'article 706-63-1 et fixées par la commission nationale de protection et de réinsertion. Elles pourraient également faire l'usage d'une identité d'emprunt.

Par ailleurs, l'article 9 bis , adopté par les députés en séance publique, tend à ajouter à la liste des personnes vulnérables prévue par le code pénal les personnes prostituées. Ainsi, les peines sanctionnant les personnes qui se rendront coupables à leur encontre de violences, d'agressions sexuelles ou de viols seront aggravées. Les députés ont également adopté un sous-amendement du Gouvernement précisant que seules seraient concernées les violences commises dans l'exercice de l'activité de prostitution, afin d'écarter celles commises sur une personne prostituée en raison d'un contentieux personnel, sans lien avec son activité de prostitution.

En outre, l'article 10 aligne le régime juridique applicable à l'indemnisation des victimes de proxénétisme sur celui des victimes de la traite. Il leur permet ainsi d'obtenir réparation intégrale auprès de la commission d'indemnisation des victimes d'infraction (CIVI) sans avoir à prouver d'incapacité de travail.

L'article 11 reprend quant à lui, au sein du code de procédure pénale, les dispositions de la loi du 9 avril 1975, qui permet aux associations de lutte contre le proxénétisme ou d'aide aux personnes prostituées de se constituer partie civile, et en étend le champ aux associations dont l'objet statutaire est la lutte contre la traite des êtres humains. Il prévoit également que si l'association concernée est reconnue d'utilité publique, son action sera recevable y compris sans l'accord de la victime.

Enfin, l'article 12 prévoit que le huis clos est de droit en cour d'assises ou au tribunal correctionnel, à la demande de la victime ou de l'une des victimes, dans les procès pour traite ou proxénétisme aggravé.

2. La création d'un dispositif d'accompagnement vers la sortie de la prostitution

L' article 3 de la proposition de loi, dans sa version initiale, reprend les dispositions de l'article 42 de la loi pour la sécurité intérieure du 18 mars 2003 relatives au droit pour les personnes prostituées de bénéficier d'un système de protection et d'assistance et crée un parcours de sortie de la prostitution. Il a été entièrement réécrit par l'Assemblée nationale qui a précisé les contours et le déroulement des mesures d'accompagnement qui pourront être mises en oeuvre.

Les principaux points du dispositif sont les suivants :

- une instance départementale doit être chargée d'organiser et de coordonner l'action en faveur des victimes de la prostitution, du proxénétisme et de la traite des êtres humains ; elle a en particulier pour mission d'assurer le suivi du parcours de sortie de la prostitution ;

- l'entrée dans le parcours de sortie de la prostitution doit permettre aux personnes de bénéficier d'une autorisation provisoire de séjour, créée à l'article 6, d'une aide financière à l'insertion sociale et professionnelle et de remises fiscales gracieuses ;

- le projet d'insertion sociale et professionnelle défini dans le cadre du parcours de sortie doit être proposé et mis en oeuvre par une association agréée dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État.

La durée du parcours, ses conditions de renouvellement, les actions qui seront mises en oeuvre ainsi que les conditions de suivi de ces actions ont également vocation à être définies par décret en Conseil d'État.

Le financement du parcours de sortie de la prostitution doit être assuré par un fonds destiné à la prévention de la prostitution et à l'accompagnement social et professionnel des personnes prostituées, créé à l' article 4 . Ce fonds a un objet plus large puisqu'il doit également soutenir des mesures de sensibilisation des populations, de réduction des risques sanitaires et de prévention de l'entrée dans la prostitution.

Trois types de ressources doivent l'alimenter :

- des crédits de l'État adoptés en loi de finances ;

- des recettes provenant de la confiscation des biens ayant servi à commettre l'infraction de proxénétisme ainsi que des produits issus de cette infraction ;

- un montant, défini chaque année par arrêté ministériel, prélevé sur le produit des amendes acquittées par les personnes ayant eu recours à la prostitution.

Deux articles portent plus spécifiquement sur les conditions d'hébergement des personnes prostituées. L' article 8 vise à permettre aux associations qui auront été agréées dans le cadre du parcours de sortie prévu à l'article 3 de bénéficier de l'allocation de logement temporaire (ALT). Cette aide est versée aux organismes qui sont chargés de loger, à titre transitoire, des personnes défavorisées. L' article 9 a quant à lui pour objet de permettre aux personnes victimes de la prostitution et du proxénétisme d'accéder, dans des conditions sécurisantes, à des places d'hébergement en centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS). Cette possibilité n'est jusqu'à présent ouverte qu'aux victimes de la traite des êtres humains.

Une autre disposition porte de façon plus indirecte sur l'accompagnement des personnes prostituées. Il s'agit de l'article 1 er bis qui vise à compléter les formations délivrées aux travailleurs sociaux en y intégrant les questions relatives à la prévention de la prostitution.

3. Des mesures en faveur du droit au séjour des personnes prostituées

L'article 6 prévoit que la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale », délivrée en vertu de l'article 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers à l'étranger qui dépose plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre les infractions de traite des êtres humains ou de proxénétisme ou qui témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions, sera désormais renouvelée de plein droit pendant toute la durée de la procédure pénale.

Cet article prévoit également qu'une autorisation provisoire de séjour d'une durée de six mois pourra être délivrée à l'étranger victime des mêmes infractions qui, sans être engagé dans une procédure pénale, est pris en charge par une association agréée ayant pour objet statutaire l'aide et l'accompagnement des personnes soumises à la prostitution.

La commission spéciale de l'Assemblée nationale a adopté des amendements substituant à la condition de prise en charge par une association agréée celle d'un engagement dans le parcours de sortie de la prostitution instauré par l'article 3 du présent projet de loi. Elle a également prévu que l'autorisation provisoire de séjour serait renouvelable pendant toute la durée du parcours de sortie de la prostitution .

4. L'accompagnement sanitaire des personnes prostituées

La proposition de loi ne prévoyait à l'origine aucune disposition relative à l'accompagnement sanitaire des personnes prostituées. Un article 14 ter a été adopté par l'Assemblée nationale, qui assigne à l'État la mission de mettre en oeuvre la politique de réduction des risques en direction des personnes prostituées. Cette politique est définie comme devant permettre la prévention des infections sexuellement transmissibles, et des dommages sanitaires, sociaux et psychologiques liés à l'activité prostitutionnelle.

Il est prévu que les orientations de cette politique soient définies par un document national de référence approuvé par décret. Comme l'a indiqué la ministre des affaires sociales et de la santé lors de son audition, l'élaboration de ce document a été confiée à la Haute autorité de santé (HAS).

C. LES MESURES DE PRÉVENTION

Trois articles portent spécifiquement sur la prévention des pratiques prostitutionnelles et du recours à la prostitution.

Les articles 15 et 15 bis A visent à compléter l'information dispensée dans les écoles, collèges et lycées sur l'égalité entre les hommes et les femmes par une information relative à « la lutte contre la marchandisation des corps » ainsi qu'aux « réalités de la prostitution ».

L' article 15 bis a quant à lui pour objet de prévoir que l'éducation à la sexualité délivrée à tous les stades de la scolarité doit être « égalitaire » et porter également sur « l'estime de soi et de l'autre » ainsi que sur le « respect du corps » .

D. LA SUPPRESSION DU DÉLIT DE RACOLAGE ET LA CRÉATION D'UNE INFRACTION DE RECOURS À LA PROSTITUTION

1. La suppression du délit de racolage

L'article 13 tend à abroger le délit de racolage public créé par la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure. Selon l'exposé des motifs des auteurs de la proposition de loi, il s'agit ainsi de transposer certaines dispositions de la directive 2011/36/UE du Parlement européen relative à la traite qui auraient pour conséquence d'interdire de poursuivre en justice les victimes de la traite et de la prostitution. Le dispositif du présent article est également identique à celui de la proposition de loi de Mme Esther Benbassa adoptée par le Sénat le 28 mars 2013. Cette proposition de loi d'abrogation du délit de racolage se fondait sur le double constat de l'absence de contribution significative de ce délit à la lutte contre les réseaux de proxénétisme et de la stigmatisation et de la précarisation des personnes prostituées que sa création avait entraînées.

L'article 14 tend à effectuer les coordinations nécessaires dans le code pénal et le code de procédure pénale afin de tirer les conséquences de l'abrogation, par l'article 13 précité, de l'article 225-10-1 du code pénal relatif au délit de racolage.

2. La responsabilisation des clients des personnes prostituées

L'article 16 prévoit que les clients des personnes prostituées seront passibles d'une contravention de cinquième classe (1 500 euros d'amende). La rédaction proposée pour cette nouvelle infraction est similaire à celle qui figure déjà dans le code pénal pour incriminer les clients des personnes prostituées mineures ou particulièrement vulnérables. Serait ainsi désormais puni « le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir des relations de nature sexuelle d'une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, en échange d'une rémunération, d'une promesse de rémunération, de l'utilisation d'un bien immobilier, de l'acquisition ou de l'utilisation d'un bien mobilier, ou de la promesse d'un tel avantage ». La récidive de cette contravention constituait dans le texte initial une nouvelle contravention punie de 3 000 euros d'amende.

Afin de faciliter la constatation de cette nouvelle infraction, la commission spéciale de l'Assemblée nationale a adopté un amendement de son rapporteur substituant, dans la définition de la contrepartie de la prestation sexuelle, les mots « de la fourniture d'un avantage en nature ou de la promesse d'un tel avantage » aux mots « de l'utilisation d'un bien immobilier, de l'acquisition ou de l'utilisation d'un bien mobilier ». Elle a également prévu qu'une personne condamnée pour recours à la prostitution pourra encourir une ou plusieurs des peines complémentaires prévues par le code pénal, dont le stage de sensibilisation à la lutte contre l'achat d'actes sexuels créé par l'article 17 de la présente proposition de loi. Enfin, en séance publique, les députés ont prévu que la récidive de la contravention de recours à la prostitution constituerait non pas une contravention mais un délit, puni de 3 750 euros d'amende.

L'article 17 tend à créer une peine complémentaire consistant en un stage de « sensibilisation aux conditions d'exercice de la prostitution ». Ce stage permettrait notamment d'informer les clients, au-delà des représentations faussées et complaisantes parfois véhiculées par les médias, sur la réalité des conditions de vie et d'exercice des personnes prostituées et sur les liens étroits entre prostitution, proxénétisme et traite des êtres humains. La commission spéciale de l'Assemblée nationale a adopté deux amendements modifiant la dénomination de ce stage en « stage de sensibilisation à la lutte contre l'achat d'actes sexuels » .

E. L'ÉVALUATION ET L'ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA LOI

La proposition de loi prévoit la publication de deux rapports. Le premier, mentionné à l' article 18 , doit permettre de dresser un premier bilan deux ans après la publication de la loi. Le second, prévu à l' article 1 er quater inséré par la commission spéciale de l'Assemblée nationale, vise à ce que le Gouvernement dresse chaque année un bilan des actions de coopération européenne et internationale engagées par la France en matière de traite des êtres humains et évalue l'impact de la proposition de loi sur la prostitution dans les zones transfrontalières.

L'article 19 prévoyait une entrée en vigueur différée de six mois des articles de la proposition de loi ayant pour objet d'abroger le délit de racolage public (articles 13 et 14), d'instituer une contravention de recours à la prostitution (article 16) et de créer l'obligation d'effectuer un stage de sensibilisation aux conditions d'exercice de la prostitution (article 17). Il s'agissait notamment de pouvoir mener un travail de sensibilisation auprès des clients avérés ou potentiels avant de commencer à les sanctionner.

La commission spéciale de l'Assemblée nationale a supprimé cet article. En effet, s'agissant d'une loi pénale plus douce, l'abrogation du délit de racolage ne pouvait, en vertu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, voir son application différée. Dès lors, il a paru préférable, afin de ne pas laisser les forces de l'ordre démunies, de ne pas différer non plus les dispositions de pénalisation des clients.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Le texte examiné par votre commission spéciale a été présenté comme étant organisé autour de quatre « piliers » : la lutte contre la traite , la responsabilisation du client , l'accompagnement des personnes prostituées , qu'il soit social, sanitaire ou lors des procédures judiciaires, et la prévention .

Si votre commission spéciale a souhaité à la quasi-unanimité, adopter en les améliorant trois des volets du texte, elle s'est divisée sur le quatrième élément. Elle a considéré, dans sa majorité, que la pénalisation du client pourrait entraîner une précarisation accrue pour les personnes prostituées tout en ne permettant pas une lutte plus efficace contre les réseaux de traite et le proxénétisme.

Votre rapporteure, comme plusieurs membres de la commission, regrettent la suppression de cette disposition, estimant que les quatre « piliers » de la proposition forment un tout cohérent et sont par conséquent indissociables les uns des autres.

A. LA CONFIRMATION DE NOMBREUSES DISPOSITIONS

1. L'adoption des mesures visant à lutter contre la traite sur Internet et à abroger le délit de racolage

Votre commission spéciale a approuvé les dispositions relatives aux nouvelles obligations mises à la charge des fournisseurs d'accès à Internet en matière de lutte contre la traite et contre le proxénétisme (article 1 er ) et confirmé l'abrogation du délit de racolage public (articles 13 et 14). Hormis un amendement rédactionnel, elle n'a pas non plus modifié les dispositions relatives à l'hébergement des personnes victimes de la prostitution, du proxénétisme ou de la traite des êtres humains (articles 8 et 9).

2. L'amélioration du suivi de la mise en application de la loi

Votre commission spéciale a regroupé à l' article 18 les demandes de rapport formulées dans le texte transmis par l'Assemblée nationale. Un seul document, publié dans les deux ans suivant la promulgation de la loi, sera donc chargé de dresser le bilan de sa mise en oeuvre. Les informations devant être contenues dans ce rapport ont été complétées. Seront ainsi traitées les questions relatives à la prostitution sur Internet ainsi qu'à celle des étudiants.

B. LE RENFORCEMENT DE LA LUTTE CONTRE LA TRAITE DES ÊTRES HUMAINS ET L'AMÉLIORATION DE L'ACCOMPAGNEMENT DES PERSONNES PROSTITUÉES

1. Le renforcement de la lutte contre la traite

Votre commission spéciale a adopté, à l'article 1 er bis , un amendement visant à ce que les formations dispensées aux travailleurs sociaux portent également sur « l'identification des situations de prostitution, de proxénétisme et de traite des êtres humains ».

En outre, elle a adopté un article 1 er quinquies afin d'élargir le champ de compétence des inspecteurs du travail à la constatation des infractions de traite des êtres humains. Cette mesure traduit en droit la mesure n° 13 du plan d'action national contre la traite des êtres humains 2014-2016.

2. La transformation du « parcours de sortie » en « projet d'insertion sociale et professionnelle »

Votre commission spéciale a adopté un amendement qui réécrit en grande partie l' article 3 relatif au « parcours de sortie » , désormais dénommé « projet d'insertion sociale et professionnelle » et ouvert à l'ensemble des victimes de la traite des êtres humains. Ce changement s'inscrit dans la droite ligne des orientations fixées par le plan d'action national contre la traite des êtres humains du 14 mai dernier et permet d'indiquer clairement qu'il ne s'agira pas d'établir un parcours prédéfini, fait d'étapes obligatoires et identiques pour tous, mais de proposer, sur le long terme, un projet personnalisé pour une réinsertion durable.

Votre commission spéciale a également précisé la composition de l'instance départementale qui sera chargée d'organiser et d'assurer le suivi de ce projet d'insertion sociale et professionnelle. Celle-ci sera présidée par le préfet et composée de quatre collèges de taille équivalente représentant les services de l'État, la justice, les collectivités territoriales et les associations.

Elle a par ailleurs expressément indiqué que l'agrément dont devraient disposer les associations souhaitant participer au projet d'insertion sociale et professionnelle serait ouvert à l'ensemble des structures ayant pour objet l'aide et l'accompagnement des publics en difficulté . Toutes les associations seront a priori éligibles à l'agrément.

Les financements dédiés à la mise en oeuvre de ce projet d'insertion sociale et professionnelle ont par ailleurs été renforcés grâce à l'adoption de deux amendements qui devraient permettre d'augmenter substantiellement la taille du fonds créé à l' article 4 :

- toutes les recettes provenant de la confiscation des biens et produits des proxénètes lui seront affectées ;

- une nouvelle recette est créée, constituée des produits et biens prélevés sur les personnes reconnues coupables de traite des êtres humains .

Enfin, votre commission spéciale a introduit un article 3 bis visant à faciliter l'accès au logement des personnes engagées dans un projet d'insertion sociale et professionnelle et de celles victimes du proxénétisme ou de la traite des êtres humains en les incluant dans la catégorie des publics prioritaires pour l'obtention d'un logement social.

3. Un accès au séjour facilité

À l'article 6 , votre commission a d'abord adopté un amendement présenté conjointement par sa rapporteure et par son président ayant pour objet de supprimer la condition de sortie de la prostitutio n pour pouvoir bénéficier de l'autorisation provisoire de séjour prévue pour les personnes engagées dans le projet d'insertion. Elle a également adopté quatre amendements de son président et plusieurs de ses collègues visant à prévoir que :

- le préfet aura compétence liée pour la délivrance du titre de séjour octroyé aux victimes de la traite ou du proxénétisme qui dénoncent les auteurs de ces infractions ;

- il aura également compétence liée pour la délivrance de l'autorisation provisoire de séjour octroyée aux victimes de la traite ou du proxénétisme qui sont engagées dans le projet d'insertion sociale et professionnelle créé par l'article 3 du présent texte ;

- cette autorisation provisoire de séjour aura une durée d'un an ;

- le renouvellement de cette autorisation sera automatique dès lors que les conditions de délivrance restent remplies.

4. L'amélioration des dispositions relatives à la réduction des risques et aux mesures de prévention

Votre commission spéciale a adopté un amendement réécrivant en partie l' article 14 ter relatif à l'accompagnement sanitaire des personnes prostituées. Une telle politique ayant vocation à impliquer un grand nombre d'acteurs différents, la référence au fait qu'elle « relève de l'État » a été supprimée. Le terme « risques » a été préféré à celui de « dommages » , dont le périmètre est plus difficile à interpréter.

Par ailleurs, les modifications apportées par les articles 15 et 15 bis A à l'article L. 312-17-1 du code de l'éducation ayant rendu celui-ci quasiment illisible, votre commission spéciale a adopté deux amendements . Le premier réécrit l'article 15 afin de créer un nouvel article L. 312-17-1-1 du code de l'éducation prévoyant la délivrance d'une information sur les réalités de la prostitution, pour les seuls élèves de collège et de lycée et par groupes d'âge homogène. Le second amendement supprime l'article 15 bis A.

C. LA SUPPRESSION DE L'INFRACTION DE RECOURS À LA PROSTITUTION

Après une longue discussion, votre commission spéciale a décidé de supprimer l'article 16 qui créait une contravention de 5 ème classe à l'encontre des clients des personnes prostituées.

En effet, les témoignages et les points de vue recueillis lors des travaux préparatoires ont convaincu la majorité de ses membres que l'instauration d'une telle infraction aurait probablement des conséquences dommageables pour les conditions de vie des personnes prostituées en accroissant la clandestinité de leur activité, sans pour autant apporter de contribution significative à la lutte contre le proxénétisme et la traite des êtres humains.

En outre, ils ont considéré que la mise en oeuvre d'une telle infraction soulèverait de grandes difficultés pratiques pour les forces de l'ordre, alors même que leurs effectifs actuels ne leur permettent pas de lutter de manière satisfaisante contre les réseaux criminels.

Sans méconnaître ces difficultés, votre rapporteure reste toutefois convaincue, comme plusieurs membres de la commission spéciale, que la création de cette incrimination constitue une mesure incontournable qui permettrait, à tout le moins, de peser sur la demande, de poser clairement le caractère violent du recours à la prostitution et ainsi de responsabiliser le client.

Par coordination avec la suppression de l'article 16, votre commission spéciale a également supprimé l'article 17 qui avait pour objet la création d'une peine complémentaire consistant en un stage de sensibilisation à la lutte contre l'achat d'actes sexuels.

D. DES MODIFICATIONS DESTINÉES À AMÉLIORER CERTAINS DISPOSITIFS JURIDIQUES

Votre commission spéciale a supprimé l'article 1 er ter A qui créait une procédure spécifique de domiciliation pour les personnes prostituées. Celle-ci était en effet inutile dans la mesure où rien ne s'oppose à ce que les personnes prostituées se domicilient dans le cadre des règles de droit commun fixées par le code de l'action sociale et des familles.

À l'article 1 er ter , la commission spéciale a adopté un amendement présenté conjointement par sa rapporteure et par son président supprimant l'extension, aux personnes prostituées victimes de l'infraction de recours à la prostitution définie par l'article 16, des dispositions permettant de témoigner anonymement. Cette extension est en effet apparue disproportionnée, cette dernière possibilité, dérogatoire de la procédure pénale ordinaire, ne devant s'appliquer qu'à des infractions lourdement punies. En tout état de cause, la suppression de l'infraction de recours à la prostitution par la commission spéciale rendait ces dispositions sans objet. En outre, certaines des dispositions prévues par l'article 1 er ter peuvent déjà, en vertu du droit en vigueur, bénéficier aux personnes prostituées victimes de la traite ou du proxénétisme : il en est ainsi de la possibilité de domiciliation auprès du commissariat ou de la brigade de gendarmerie et de la possibilité de témoigner de manière anonyme. L'amendement précité a donc également pour effet de supprimer ces dispositions.

Votre commission spéciale, à l'initiative de sa rapporteure et de son président, a supprimé l'article 9 bis qui ajoutait les personnes prostituées à la liste des personnes vulnérables, entraînant une aggravation des sanctions en cas de violences, d'agressions sexuelles ou de viols. En effet, elle a considéré que ces faits ne pouvaient pas être considérés par principe plus graves s'ils concernent une personne qui se prostitue.

À l'article 11 , elle a supprimé, à l'initiative de sa rapporteure et de son président, la possibilité pour les associations reconnues d'utilité publique de se porter partie civile sans l'accord des personnes prostituées. Elle a estimé qu'une telle possibilité pouvait, dans certaines hypothèses, s'avérer dangereuse pour celles-ci compte tenu de la violence des réseaux criminels.

*

* *

Au cours de sa réunion du mardi 8 juillet 2014, la commission spéciale a adopté l'ensemble de la proposition de loi dans la rédaction issue de ses travaux.

EXAMEN DES ARTICLES
CHAPITRE IER - RENFORCEMENT DES MOYENS DE LUTTE CONTRE LE PROXÉNÉTISME ET LA TRAITE DES ÊTRES HUMAINS AUX FINS D'EXPLOITATION SEXUELLE

Article 1er (article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN)) - Renforcement de la lutte contre les réseaux de traite et de proxénétisme agissant sur Internet

Objet : Le présent article tend à modifier l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique afin de renforcer la lutte contre les réseaux de traite des êtres humains et de proxénétisme qui utilisent le réseau internet dans le but d'organiser leur activité.

I - Le droit en vigueur

Le premier alinéa du 7 du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 prévoit que les fournisseurs d'accès à Internet (FAI) et les hébergeurs de sites internet ne sont pas soumis « à une obligation générale de surveiller les informations [qu'ils] transmettent ou stockent, ni à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites ». L'article 6 prévoit néanmoins deux procédures qui peuvent aboutir au retrait de contenus illicites sur des sites internet :

- la procédure de l'alinéa 5 du I de l'article 6

Les hébergeurs de sites ne peuvent pas voir leur responsabilité pénale engagée s'ils stockent des informations illicites sans en avoir connaissance. Toutefois, l'alinéa 5 du I de l'article 6 prévoit que, si un signalement précis est fait à un hébergeur, sa connaissance du caractère illicite du contenu illicite est présumée. Il doit alors retirer les données concernées ou en rendre l'accès impossible. Il s'agit d'une procédure assez lourde dans la mesure où le signalement justifiant que l'hébergeur est présumé avoir connaissance des données illégales doit être très complet. Ce signalement doit en effet comprendre :

- la date de la notification ;

- si le notifiant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ; si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement ;

- les nom et domicile du destinataire ou, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination et son siège social ;

- la description des faits litigieux et leur localisation précise ;

- les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré, comprenant la mention des dispositions légales et des justifications de faits ;

- la copie de la correspondance adressée à l'auteur ou à l'éditeur des informations ou activités litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou la justification de ce que l'auteur ou l'éditeur n'a pu être contacté.

- la procédure de l'alinéa 7 du I de l'article 6

Pour des infractions considérées comme particulièrement graves (crimes contre l'humanité, incitation à la haine raciale, pornographie enfantine, incitation à la violence, notamment l'incitation aux violences faites aux femmes, atteintes à la dignité humaine), le septième alinéa du même I de l'article 6 prévoit des obligations supplémentaires pour les FAI et les hébergeurs de sites internet. En effet, ils sont soumis à une obligation de vigilance vis-à-vis de ces infractions et doivent « concourir à la lutte contre la diffusion des infractions visées aux cinquième et huitième alinéas de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et aux articles 227-23 et 227-24 du code pénal [diffusion d'images pédopornographiques] ».

L'article 24 de la loi du 29 juillet 1881

« Seront punis de cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ceux qui, par l'un des moyens énoncés à l'article précédent, auront directement provoqué, dans le cas où cette provocation n'aurait pas été suivie d'effet, à commettre l'une des infractions suivantes :

1° Les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne et les agressions sexuelles, définies par le livre II du code pénal ;

2° Les vols, les extorsions et les destructions, dégradations et détériorations volontaires dangereuses pour les personnes, définis par le livre III du code pénal.

Ceux qui, par les mêmes moyens, auront directement provoqué à l'un des crimes et délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation prévus par le titre Ier du livre IV du code pénal, seront punis des mêmes peines.

Seront punis de la même peine ceux qui, par l'un des moyens énoncés en l'article 23, auront fait l'apologie des crimes visés au premier alinéa, des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité ou des crimes et délits de collaboration avec l'ennemi.

Seront punis des peines prévues par l'alinéa 1er ceux qui, par les mêmes moyens, auront provoqué directement aux actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal, ou qui en auront fait l'apologie.

Tous cris ou chants séditieux proférés dans les lieux ou réunions publics seront punis de l'amende prévue pour les contraventions de la 5° classe.

Ceux qui, par l'un des moyens énoncés à l'article 23, auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, seront punis d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ou de l'une de ces deux peines seulement.

Seront punis des peines prévues à l'alinéa précédent ceux qui, par ces mêmes moyens, auront provoqué à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle ou de leur handicap ou auront provoqué, à l'égard des mêmes personnes, aux discriminations prévues par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal.

En cas de condamnation pour l'un des faits prévus par les deux alinéas précédents, le tribunal pourra en outre ordonner :

1° Sauf lorsque la responsabilité de l'auteur de l'infraction est retenue sur le fondement de l'article 42 et du premier alinéa de l'article 43 de la présente loi ou des trois premiers alinéas de l'article 93-3 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, la privation des droits énumérés aux 2° et 3° de l'article 131-26 du code pénal pour une durée de cinq ans au plus ;

2° L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l'article 131-35 du code pénal. »

Ces obligations supplémentaires à la charge des FAI et des hébergeurs sont les suivantes :

- mettre en place un dispositif permettant à toute personne de signaler ces infractions ;

- informer promptement les autorités publiques compétentes des signalements qu'ils reçoivent ;

- rendre publics les moyens qu'ils consacrent à la lutte contre ces activités illicites.

En outre, en vertu de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI), les FAI doivent bloquer immédiatement l'accès aux sites pédopornographiques signalés par l'autorité administrative, ce qui constitue une technique différente du simple retrait de contenu par un hébergeur à la suite d'un signalement. Cette technique est notamment utilisable quand l'hébergeur du site internet incriminé se trouve à l'étranger, et que le FAI ne peut donc pas obtenir de cet hébergeur l'inactivation du site comme il le pourrait s'agissant d'un hébergeur français. Toutefois, le décret d'application de cette disposition n'a jamais paru 45 ( * ) . Elle n'a donc jamais été mise en oeuvre.

II - La proposition de loi initiale

Le a) du 1° de l'article 1 er de la proposition de loi concerne la procédure du 7 du I de l'article 6 de la LCEN telle que décrite ci-dessus (procédure renforcée) . Il tend à ajouter à la liste des infractions dont la diffusion doit être empêchée par les FAI et les hébergeurs de sites internet la traite des êtres humains (article 225-4-1 du code pénal) le proxénétisme (article 225-5 du même code) et les infractions qui lui sont assimilées .

Les obligations des FAI et des hébergeurs prévues au 7 du I de l'article 6 de la LCEN s'appliqueraient ainsi désormais aux sites internet proposant des services sexuels payants en lien avec l'activité des réseaux de traite des êtres humains et de proxénétisme .

En outre, le b) du 1° du texte initial prévoit, sur le modèle des dispositions inappliquées relatives à la pédopornographie, que l'autorité administrative peut notifier aux FAI les adresses électroniques de ces sites internet en vue du blocage immédiat de l'accès à ces sites. Il prévoit également que les décisions de l'autorité administrative pourront être contestées devant le juge administratif dans les conditions de droit commun.

III - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Les députés ont adopté en séance publique deux amendements identiques du Gouvernement et de M. Sergio Coronado supprimant les dispositions prévoyant la possibilité d'un blocage administratif des sites internet abritant des activités liées à la traite ou au proxénétisme . En effet, Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement, a indiqué qu'un groupe de travail réfléchissait à la question du blocage des sites internet, certaines difficultés techniques n'ayant pu être résolues à ce jour, difficultés qui expliquent également la non-adoption du décret d'application sur le blocage des sites pédopornographiques prévu par la LOPPSI.

IV - La position de votre commission spéciale

Le réseau internet constitue aujourd'hui l'un des principaux vecteurs de la prostitution organisée par les réseaux de traite et de proxénétisme, comme votre rapporteure en a acquis la conviction notamment à la suite des auditions des responsables de l'office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication et de l'office central pour la répression de la traite des êtres humains. Dès lors, les dispositions de l'article premier constituent une avancée indispensable pour lutter contre ce type de criminalité.

S'agissant des dispositions prévoyant le blocage de l'accès aux sites internet sur décision administrative, supprimées par l'Assemblée nationale, votre commission spéciale s'est ralliée à la position des députés. Elle a en effet considéré que ces dispositions soulevaient encore, à ce stade, des questions relatives à leur application concrète et à leur efficacité. Votre rapporteure examinera en vue de l'examen du texte en séance publique les conclusions rendues très récemment par le groupe de travail interministériel sur la cybercriminalité 46 ( * ) .

Votre commission spéciale a adopté l'article 1 er sans modification .

Article 1er bis (article L. 451-1 du code de l'action sociale et des familles) - Extension des formations sociales aux professionnels et personnels engagés dans la prévention de la prostitution

Objet : Cet article, inséré par l'Assemblée nationale, a pour objet d'ajouter à la liste des sujets abordés lors des formations des travailleurs sociaux les questions relatives à la prévention de la prostitution.

I - Le droit en vigueur

L'article L. 451-1 du code de l'action sociale et des familles fixe les règles générales applicables à la formation des travailleurs sociaux. Les diplômes et titres du travail social sont délivrés par l'État qui contrôle le respect des programmes, la qualification des formateurs et directeurs des établissements de formation ainsi que la qualité des enseignements délivrés.

Ces formations sont destinées aux personnels engagés dans :

- « la lutte contre les exclusions et contre la maltraitance » ;

- « la prévention et la compensation de la perte d'autonomie, des handicaps ou des inadaptations » ;

- « la promotion du droit au logement, de la cohésion sociale et du développement social » .

Depuis la loi de décentralisation du 13 août 2004 47 ( * ) , la définition et la mise en oeuvre de la politique de formation des travailleurs sociaux ont été transférées aux régions. À ce titre, elles sont chargées de recenser les besoins de formation dans le cadre de l'élaboration d'un schéma régional des formations sociales. Cette compétence s'exerce en association avec les départements. Elles ont également pour mission d'agréer les établissements dispensant les formations initiales et de les financer. La compétence d'agrément peut être déléguée par voie de convention aux départements qui en font la demande. La loi du 5 mars 2014 48 ( * ) a introduit un certain nombre d'ajustements et de clarifications, en lien avec la création du service public régional de la formation professionnelle. Ces dispositions entrent en vigueur au 1 er janvier 2015.

II - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Inséré en commission spéciale à l'initiative de M. Charles de Courson, le présent article vise à compléter l'article L. 451-1 du code de l'action sociale et des familles afin que les formations sociales bénéficient également aux professionnels engagés « dans la prévention de la prostitution » .

Cette disposition se fonde sur le constat du manque de formation des travailleurs sociaux pour prévenir les risques d'entrée des jeunes dans la prostitution . Or, comme le souligne le rapport de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale sur le renforcement de la lutte contre le système prostitutionnel, « s'il n'existe aucune donnée incontestable portant sur l'âge moyen d'entrée dans la prostitution, les acteurs associatifs impliqués constatent un nombre élevé de jeunes » . Le rapport recommande par conséquent de « former les acteurs éducatifs et sociaux aux réalités de la prostitution, à l'identification des pratiques prostitutionelles, à la prévention de celles-ci et au recours à la prostitution » (recommandation n° 38) 49 ( * ) .

Cette préconisation rejoint les préoccupations formulées par l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) en décembre 2012 50 ( * ) . Celle-ci soulignait en effet le manque d'investissement voire le relatif déni de la part des pouvoirs publics sur cette question de la prostitution des mineurs . Citant un rapport réalisé en 2006 par la protection judiciaire de la jeunesse sur la prostitution des mineurs à Paris - l'une des rares études disponibles sur le sujet - l'Igas indique que « la problématique de la prostitution demeure totalement inexplorée et désinvestie » par les services de l'aide sociale à l'enfance (ASE). Elle ne constituerait jamais un motif d'entrée dans la prise en charge par l'ASE. Au total, seuls quelques acteurs associatifs de terrain seraient véritablement mobilisés dans la lutte contre la prostitution des mineurs.

Dans l'avis qu'elle a émis sur la présente proposition de loi, la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) souligne également le besoin des formations des professionnels , notamment des travailleurs sociaux, en contact avec les mineurs victimes de prostitution. Elle estime en outre que doit être posée la question « de la prise en charge de ces mineurs qui doivent pouvoir bénéficier de structures adaptées et encadrées par des professionnels spécifiquement formés » 51 ( * ) .

III - La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale salue l'introduction du présent article qui permettra de sensibiliser les travailleurs sociaux à un sujet difficile à aborder pour les jeunes. Il constitue un complément utile aux dispositions des articles 15 à 15 bis relatives à la prévention des pratiques prostitutionnelles dans les établissements scolaires.

À l'initiative de sa rapporteure, soutenue par son président, elle a adopté un amendement visant à ce que les formations portent également sur « l'identification des situations de prostitution, de proxénétisme et de traite des êtres humains ».

Un tel élargissement apparaît utile, notamment au regard des mesures d'accompagnement social et professionnel mises en place à l'article 3 pour les personnes victimes de la prostitution, du proxénétisme et de la traite. Il est en outre cohérent avec la mesure n° 2 du plan d'action national contre la traite des êtres humains 2014-2016 qui vise à développer la formation des professionnels à l'identification et à la protection des victimes. À ce titre, votre commission spéciale se satisfait pleinement du fait que cette dernière mesure ne concerne pas les seuls travailleurs sociaux mais l'ensemble des professionnels - médecins, policiers, enseignants, magistrats, notamment - amenés à être en contact avec des personnes victimes de la prostitution, du proxénétisme et de la traite des êtres humains.

Votre commission spéciale a adopté l'article 1 er bis ainsi modifié.

Article 1er ter A - Domiciliation des personnes prostituées

Objet : Cet article, inséré par l'Assemblée nationale, vise à permettre aux personnes prostituées de se domicilier auprès de leur avocat ou d'une association spécialisée pour effectuer leurs démarches administratives.

I - Le droit en vigueur

Les personnes sans domicile stable peuvent déclarer une adresse auprès d'un centre communal ou intercommunal d'action sociale (CCAS/CIAS) ou auprès d'un organisme agréé à cet effet par le département - il s'agit le plus souvent une association. Les conditions applicables à cette procédure sont fixées par les articles L. 264-1 à L. 264-10 du code de l'action sociale et des familles.

L'élection de domicile est possible pour l'exercice d'un certain nombre de droits, limitativement énumérés à l'article L. 264-1. Il s'agit :

- du bénéfice des prestations sociales légales, réglementaires et conventionnelles 52 ( * ) , à l'exception de l'aide médicale d'État ;

- de la délivrance d'une carte d'identité ;

- de l'inscription sur les listes électorales ;

- de l'aide juridictionnelle.

La loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi « ALUR », a ajouté à cette liste l'exercice des droits civils reconnus par la loi 53 ( * ) . L'objectif est, pour l'essentiel, de faciliter l'accomplissement des actes d'état civil (naissance, mariage, décès).

En principe, les personnes en situation irrégulière ne peuvent pas se faire domicilier. Jusqu'à la loi « ALUR », les demandeurs d'asile et les personnes demandant à bénéficier de l'aide médicale d'État (AME) bénéficiaient malgré tout d'une procédure dérogatoire. Dans une optique de simplification et d'alignement des droits entre ces différents types de publics, la loi ALUR a supprimé ces dispositions dérogatoires afin que s'applique la procédure de droit commun. Désormais, les personnes qui ne disposent pas d'un titre de séjour sur le territoire français peuvent se faire domicilier, dans les conditions fixées par le code de l'action sociale et des familles, pour bénéficier de l'AME, de l'aide juridictionnelle ainsi que pour exercer les droits civils qui leur sont reconnus par la loi.

L'élection de domicile est valable pour une durée d'un an. Elle est renouvelable de droit, sauf lorsque l'intéressé demande à ne plus en bénéficier, acquiert un domicile stable ou ne se manifeste plus auprès de l'organisme qui lui a délivré l'attestation.

Des dispositions dérogatoires existent pour une catégorie de public très spécifique. L'article 30 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 prévoit en effet que les personnes détenues peuvent élire domicile auprès de leur établissement pénitentiaire pour l'exercice de leurs droits civiques, pour le bénéfice des prestations d'aide sociale ainsi que pour faciliter leurs démarches administratives 54 ( * ) .

II - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Issu d'un amendement adopté en séance plénière à l'Assemblée nationale, le présent article prévoit que « pour leurs démarches administratives, les personnes prostituées peuvent déclarer comme domicile l'adresse de leur avocat ou d'une association qui aide ou qui accompagne les personnes prostituées » .

Il a été présenté comme un complément aux dispositions de l'article 1 er ter qui permettent aux victimes de la traite des êtres humains, du proxénétisme ou de l'infraction de recours à la prostitution de déclarer comme domicile l'adresse du commissariat, de la brigade de gendarmerie ou d'une association qui aide ou qui accompagne les personnes prostituées.

III - La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale comprend parfaitement la logique de cet article qui vise à faciliter les démarches administratives des personnes prostituées qui ne sont pas engagées dans une procédure pénale et ne peuvent donc pas bénéficier des dispositions de l'article 1 er ter de la proposition de loi.

Elle n'estime cependant pas satisfaisant le dispositif proposé.

Comme exposé précédemment, la procédure de domiciliation fait l'objet d'un encadrement spécifique par le code de l'action sociale et des familles. Cette procédure n'exclut pas a priori les personnes qui se prostituent. Quelles seraient, dès lors, les justifications à l'introduction d'une procédure spécifique ? La nécessité de se domicilier résulte de l'absence de domicile fixe et non de l'activité exercée, en l'occurrence la prostitution . De ce point de vue, le présent article revêt un caractère stigmatisant vis-à-vis des personnes prostituées alors même que l'ensemble des acteurs institutionnels ou associatifs auditionnés par votre commission spéciale ont insisté sur la nécessité de privilégier l'accès au droit commun plutôt que de multiplier les dispositifs dédiés à une catégorie de public particulière.

Sans doute un dispositif spécifique se justifie-t-il dans les situations où les personnes prostituées risquent d'être mises en danger et doivent bénéficier d'une protection spécifique. Mais dans ce cas, la procédure prévue à l'article 1 er ter apparaît largement suffisante.

En outre, votre commission spéciale s'interroge sur la formulation particulièrement large adoptée par le présent article. Si, lors des débats à l'Assemblée nationale, il a été indiqué que cet article devait permettre aux personnes concernées « de franchir un premier pas dans leur parcours de sortie de la prostitution » , aucun lien n'est défini entre le présent article et le parcours mis en place à l'article 3. En l'état, il peut donc être compris que le présent article vise avant tout à faciliter les conditions d'exercice de la prostitution . Or l'article 225-5 du code pénal dispose que « le fait, par quiconque, de quelque manière que ce soit [...] d'aider, d'assister ou de protéger la prostitution d'autrui [...] » est considéré comme du proxénétisme. Les avocats ou associations domiciliant des personnes prostituées dans les conditions prévues au présent article pourraient donc être assimilés à des proxénètes.

En considération de l'ensemble de ces éléments, votre commission spéciale a adopté un amendement de suppression du présent article , présenté par sa rapporteure et son président.

Votre commission spéciale a supprimé l'article 1 er ter A.

Article 1er ter (article 706-34-1 [nouveau] du code de procédure pénale) - Protection des personnes victimes de la traite des êtres humains, du proxénétisme ou de la prostitution

Objet : Issu d'un amendement du rapporteur adopté par la commission spéciale à l'Assemblée nationale, cet article offre la possibilité aux victimes de la traite des êtres humains, du proxénétisme ou de la prostitution de déclarer comme domicile l'adresse du commissariat, de la brigade de gendarmerie ou d'une association qui aide ou qui accompagne les personnes prostituées. Il permet aux victimes de témoigner sans que leur identité apparaisse dans la procédure, de bénéficier de mesures destinées à assurer leur protection, leur insertion et leur sécurité et de faire usage d'une identité d'emprunt.

I - Le droit en vigueur

Actuellement, les articles 706-57 et suivants du code de procédure pénale prévoient la possibilité d'une protection des témoins au procès pénal. L'article 706-57 permet ainsi au témoin de déclarer comme domicile l'adresse du commissariat ou de la brigade de gendarmerie , l'adresse réelle étant alors inscrite sur un registre côté et paraphé ouvert à cet effet.

Par ailleurs, les articles 706-58 et suivants autorisent le témoignage anonyme en cas de procédure pour un crime ou un délit puni de trois ans d'emprisonnement lorsque l'audition du témoin est susceptible de mettre gravement en danger sa vie ou son intégrité physique ou celles des membres de sa famille ou de ses proches. La décision de mettre en oeuvre cette procédure est décidée par le juge des libertés et de la détention, saisi par requête motivée du procureur de la République ou du juge d'instruction.

Compte-tenu du caractère dérogatoire au droit commun de la procédure pénale de cette dernière possibilité, plusieurs garanties sont prévues :

- cette procédure n'est pas applicable si, au regard des circonstances dans lesquelles l'infraction a été commise ou de la personnalité du témoin, la connaissance de l'identité de la personne est indispensable à l'exercice des droits de la défense ;

- il existe une possibilité de recours pour la personne mise en examen : elle peut, dans les dix jours à compter de la date à laquelle il lui a été donné connaissance du contenu de l'audition d'un témoin anonyme, contester, devant le président de la chambre de l'instruction, le recours à cette procédure ; le président de la chambre de l'instruction statue par décision motivée insusceptible de recours ; s'il estime la contestation justifiée, il ordonne l'annulation de l'audition ; il peut également ordonner que l'identité du témoin soit révélée à la condition que ce dernier fasse expressément connaître qu'il accepte la levée de son anonymat ;

- la personne mise en examen peut demander à être confrontée avec le témoin anonyme par l'intermédiaire d'un dispositif technique permettant l'audition du témoin à distance ou à faire interroger ce témoin par son avocat par ce même moyen ; la voix du témoin est alors rendue non identifiable par des procédés techniques ;

- enfin, aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement de déclarations recueillies par la procédure du témoignage anonyme.

Par ailleurs, l'article 706-63-1 prévoit un dispositif de protection pour les « repentis » , c'est-à-dire pour les personnes qui, ayant tenté de commettre un crime ou un délit, ont finalement averti les autorités, permettant ainsi d'éviter la réalisation de l'infraction et éventuellement d'identifier d'autres auteurs ou complices. Ces personnes peuvent alors bénéficier d'une protection destinée à assurer leur sécurité et être autorisées à faire usage d'une identité d'emprunt. Des mesures de protection et de réinsertion sont définies, sur réquisitions du procureur de la République, par la commission nationale de protection et de réinsertion 55 ( * ) . Elles peuvent consister en mesures de protection physique, de domiciliation et en aides diverses.

II - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le 2° du présent article ajoute un article 706-34-1 au titre XVII du code de procédure pénale. Ce nouvel article permet aux victimes de l'une des infractions de traite des êtres humains, de proxénétisme ou de recours à la prostitution, sur le modèle et par référence aux dispositions prévues pour la protection des témoins précitées :

- de déclarer comme domicile , comme prévu à l'article 706-57, l'adresse du commissariat, de la brigade de gendarmerie, de leur avocat ou d'une association qui aide ou qui accompagne les personnes prostituées ; les députés ont adopté en séance publique un amendement de M. Sergio Coronado prévoyant que les prostituées peuvent également déclarer comme domicile l'adresse de leur avocat ou d'une association qui aide ou qui accompagne les personnes prostituées ;

- de bénéficier des dispositions des articles 706-58 et suivantes relatives au témoignage anonyme ;

- de bénéficier de mesures destinées à assurer leur protection, leur insertion et leur sécurité , prévues à l'article 706-63-1, dont l'usage d'une identité d'emprunt.

III - La position de votre commission spéciale

Certaines des dispositions prévues par le présent article peuvent déjà, en vertu du droit en vigueur, bénéficier aux personnes prostituées victimes de la traite ou du proxénétisme : il en est ainsi de la possibilité de domiciliation auprès du commissariat ou de la brigade de gendarmerie et de la possibilité de témoigner de manière anonyme. Votre commission spéciale a adopté un amendement présenté conjointement par sa rapporteure et son président afin de supprimer en conséquence les dispositions redondantes du présent article.

Par ailleurs, l'extension du bénéfice des mesures de protection des témoins aux victimes de l'infraction de recours à la prostitution - infraction supprimée, en tout état de cause, du texte finalement adopté par la commission - a paru quelque peu disproportionnée à votre rapporteure. Ainsi, une personne prostituée pourrait témoigner de manière anonyme contre l'un de ses clients, ce qui paraît excessif ; les mesures de protection des témoins, dérogatoires de la procédure pénale ordinaire, s'appliquent en principe à des infractions graves (délits punis de trois ans d'emprisonnement). L'amendement de votre rapporteure a également pour effet de supprimer cette extension.

En revanche, votre commission spéciale juge particulièrement opportunes la nouvelle possibilité de domiciliation auprès d'un avocat ou d'une association et la possibilité de bénéficier des mesures de protection et d'insertion définies par la commission nationale compétente.

Ces dispositions vont dans le sens de la législation italienne, qui lie la question de la sortie de la prostitution à celle de la lutte contre la traite des êtres humains, législation dont l'adjoint au procureur national anti-mafia à Rome a démontré tout l'intérêt lors de son audition devant la commission 56 ( * ) . Votre commission souhaite que la mise en oeuvre effective des mesures de protection et de réinsertion prévues par le texte offre aux victimes des réseaux de traite une véritable voie de sortie.

Votre commission spéciale a adopté l'article 1 er ter ainsi modifié .

Article 1er quater - Rapport annuel du Gouvernement au Parlement sur les actions de coopération internationale et européenne en matière de lutte contre les réseaux de traite et de proxénétisme

Objet : Cet article, inséré par l'Assemblée nationale, prévoit la publication d'un rapport annuel du Gouvernement au Parlement sur le bilan des actions de coopération engagées par la France en matière de lutte contre les réseaux de traite et de proxénétisme ainsi que sur l'impact de la proposition de loi sur la prostitution dans les zones transfrontalières.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article, issu d'un amendement présenté par la rapporteure Maud Olivier en commission spéciale, prévoyait initialement la remise annuelle d'un rapport « faisant le bilan des actions de coopération européenne et internationale engagées par la France dans le but de renforcer l'efficacité des moyens de lutte contre les réseaux de traite des êtres humains et de proxénétisme » . Il a été complété en séance plénière afin que le rapport analyse également l'impact de la loi sur la prostitution dans les zones transfrontalières.

II - La position de votre commission spéciale

Comme l'ont mis en évidence l'ensemble des auditions menées par votre commission spéciale, la lutte contre les réseaux de traite des êtres humains et de proxénétisme ne peut trouver toute sa portée qu'à la condition d'être menée à l'échelle européenne . M. Giusto Schiaccitano, adjoint au procureur national anti-mafia italien, a insisté sur la nécessité d'une uniformisation des législations entre pays européens en matière de traite des êtres humains 57 ( * ) . M. Robert Badinter a de son côté appelé de ses voeux la création d'un parquet européen 58 ( * ) .

La mesure n° 18 du plan d'action national de lutte contre la traite des êtres humains a quant à elle pour objet la définition d'un agenda de coopération aux niveaux européen et international, selon trois orientations : la protection des victimes ; la prévention de la traite à des fins d'exploitation de la prostitution ; la lutte contre les réseaux.

Votre commission spéciale estime que les demandes de rapport au Gouvernement présentent un intérêt lorsqu'elles permettent au Parlement de disposer de données qu'il ne pourrait se procurer par lui-même et d'une analyse suffisamment poussée sur le sujet traité. Or il est peu probable que le Gouvernement soit en mesure de transmettre chaque année au Parlement des informations autres que purement factuelles sur des mesures de coopération européenne et internationale en matière de lutte contre la traite dans la mesure où celles-ci demeurent encore embryonnaires sur bien des points. Il en est de même s'agissant de l'évolution de la prostitution dans les zones transfrontalières. En outre, la coopération européenne et internationale étant inscrite parmi les mesures du plan d'action national de lutte contre la traite des êtres humains, le suivi de la mise en oeuvre de celui-ci devrait permettre de disposer d'un nombre d'informations suffisant. Il est en revanche légitime qu'un bilan soit réalisé dans un délai plus long, pour connaître l'impact de la présente proposition de loi .

Votre commission spéciale a donc adopté un amendement de suppression du présent article , sur proposition de sa rapporteure et de son président. Ses dispositions ont été incluses dans l'amendement présenté à l'article 18 qui prévoit la publication d'un rapport dressant le bilan de la mise en oeuvre de la proposition de loi dans les deux ans suivant sa promulgation.

Votre commission spéciale a supprimé l'article 1 er quater.

Article 1er quinquies (nouveau) (article L. 8112-2 du code du travail) - Extension du champ de compétence des inspecteurs du travail

Objet : Cet article additionnel, introduit à l'initiative de la rapporteure et du président de la commission, a pour objet d'étendre le champ de compétence des inspecteurs du travail à la constatation des infractions de traite des êtres humains.

Outre leurs missions générales relatives au contrôle de la bonne application du droit du travail, les inspecteurs du travail, sont compétents, aux termes de l'article L. 8112-2 du code du travail, pour constater un certain nombre d'infractions, notamment en matière de discriminations , de harcèlement sexuel ou moral ou de conditions de travail et d'hébergement contraires à la dignité de la personne .

Sur proposition de sa rapporteure et de son président, la commission spéciale a adopté un amendement créant un article additionnel afin d'élargir le champ de compétence des inspecteurs du travail à la constatation des infractions de traite des êtres humains.

Cette mesure, qui traduit en droit la mesure n° 13 du plan d'action national contre la traite des êtres humains 2014-2016 , constitue la transposition de dispositions européennes 59 ( * ) . Celles-ci prévoient que les inspecteurs du travail doivent se voir explicitement confier la compétence de constater par procès-verbal les situations illégales de « traite des êtres humains, soumission à du travail ou des services forcés, à de l'esclavage ou à des pratiques analogues à l'esclavage ».

La disposition adoptée par votre commission présente un lien étroit avec l'objet du texte dans la mesure où 79 % des victimes de la traite des êtres humains seraient victimes d'exploitation sexuelle (pour 18 % soumises au travail forcé et 3 % à d'autres formes d'exploitation) 60 ( * ) .

Votre commission spéciale a adopté l'article 1 er quinquies ainsi rédigé .

CHAPITRE II - PROTECTION DES VICTIMES DE LA PROSTITUTION ET CREATION D'UN PARCOURS DE SORTIE DE LA PROSTITUTION

Section 1 - Dispositions relatives à l'accompagnement
des victimes de la prostitution
Article 2 [supprimé] (article 22 bis [nouveau] de la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants) - Création d'une instance en charge de l'action à destination des personnes prostituées

Objet : Cet article, supprimé par l'Assemblée nationale, a pour objet de créer une instance dédiée à l'accompagnement des personnes prostituées.

Dans la version initiale de la proposition de loi, le présent article créait une instance chargée d'organiser et de coordonner l'action en faveur des personnes victimes de la prostitution et de la traite et d'assurer la mise en oeuvre de l'article L. 121-9 du code de l'action sociale et des familles relatif aux missions de l'État vis-à-vis des personnes « en danger de prostitution ». Il était prévu que cette structure soit intégrée aux conseils départementaux de prévention de la délinquance, d'aide aux victimes et de lutte contre la drogue, les dérives sectaires et les violences faites aux femmes.

Le présent article a été supprimé par l'Assemblée nationale, ses dispositions ayant été intégrées à l'article 3 .

Votre commission spéciale a maintenu la suppression de l'article 2.

Article 3 (article L. 121-9 du code de l'action sociale et des familles, articles 42 et 121 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure) - Création d'un parcours de sortie de la prostitution et codification d'une disposition de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure

Objet : Cet article vise à créer un dispositif de protection et d'assistance pour les personnes victimes de la prostitution, du proxénétisme et de la traite des êtres humains ainsi qu'un parcours de sortie de la prostitution.

I - Le droit en vigueur

1) L'absence de dispositif structuré d'accompagnement sanitaire et social des personnes victimes de la prostitution, du proxénétisme et de la traite des êtres humains

Aux termes de l'article L. 121-9 du code de l'action sociale et des familles, « dans chaque département, l'État a pour mission : 1° de rechercher et d'accueillir les personnes en danger de prostitution et de fournir l'assistance dont elles peuvent avoir besoin, notamment en leur procurant un placement dans un des établissements mentionnés à l'article L. 345-1 ; 2° d'exercer toute action médico-sociale en faveur des personnes qui se livrent à la prostitution » .

L'article 42 de la loi du 18 mars 2003 relative à la sécurité intérieure a ajouté que « toute personne victime de l'exploitation de la prostitution doit bénéficier d'un système de protection et d'assistance, assuré et coordonné par l'administration en collaboration active avec les divers services d'interventions sociales » 61 ( * ) .

Si des initiatives ont été prises en matière d'accompagnement sanitaire et sociale des personnes prostituées, elles sont jusqu'à présent loin d'avoir toutes été concluantes.

Il en est ainsi des structures susceptibles d'héberger et d'accompagner les personnes prostituées. Des services de prévention et de réinsertion sociale (SPRS) ont été créés par l'une des deux ordonnances du 25 novembre 1960 62 ( * ) adoptées à la suite de la ratification par la France de la Convention du 2 décembre 1949 63 ( * ) . Ces services, destinés à être mis en place dans chaque département, avaient pour mission de « rechercher et d'accueillir les personnes en danger de prostitution et de leur fournir l'assistance dont elles peuvent avoir besoin » ainsi que « d'exercer toute action médico-sociale en faveur des personnes qui se livrent à la prostitution » .

Or, comme le souligne le rapport de Chantal Jouanno et Jean-Pierre Godefroy sur la situation sanitaire et sociale des personnes prostituées, très peu de services ont été mis en place en pratique 64 ( * ) . Les rares structures qui continuaient d'exister dans les années 1990 ont été incitées à adopter le statut de centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS). Les personnes prostituées qui ont besoin d'être hébergées le sont donc aujourd'hui dans des structures généralistes .

S'agissant de la protection des personnes victimes du proxénétisme et de la traite des êtres humains, seul le dispositif national d'accueil et de protection des victimes de la traite des êtres humains (Ac.Sé) , créé en 2001 et géré par l'association Accompagnement, lieux d'accueil, carrefour éducatif et social (A.L.C), implantée à Nice, est actuellement actif sur l'ensemble du territoire. Il a pour but d'assurer l'éloignement géographique des personnes et de les orienter vers des solutions d'hébergement sécurisées. 47 centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), pouvant accueillir chacun entre une et trois personnes, sont partenaires d'Ac.Sé. En 2012, 66 personnes ont été prises en charge. Le montant de la subvention allouée en 2014 par l'État pour la gestion du dipsositif Ac.Sé s'élève à 170 000 euros. S'y ajoutent des financements du ministère de la justice et de la ville de Paris.

Plusieurs circulaires ont par ailleurs été publiées depuis les années 1970 afin que soient mises en place dans les départements des structures dédiées à la lutte contre la prostitution et contre le proxénétisme 65 ( * ) . L'objectif était de parvenir à coordonner l'ensemble des acteurs institutionnels et associatifs sur ces questions. En pratique, ces circulaires ont été suivies de très peu d'effets.

2) Les conditions d'une sortie réussie de la prostitution

Tous les témoignages recueillis par votre commission spéciale montrent combien il est difficile de quitter l'activité prostitutionnelle. Ces difficultés sont bien évidemment accentuées pour les personnes victimes du proxénétisme et des réseaux de traite, sur lesquelles pèse de surcroit la crainte de représailles, que ce soit sur elles-mêmes ou sur leur famille.


• La sortie de la prostitution et la construction d'un projet d'insertion sociale et professionnelle ne peuvent s'envisager que si la personne est en situation régulière sur le territoire et dispose, pendant la durée nécessaire, d'un soutien financier .

Lorsqu'elle choisit de déposer plainte ou de témoigner contre son proxénète ou contre le réseau de traite, une personne peut bénéficier, en application de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » .

Comme le souligne le rapport de Chantal Jouanno et Jean-Pierre Godefroy, la délivrance de la carte étant laissée à la discrétion du préfet, peu sont attribuées en pratique. En outre, le fait que la carte de résident, qui doit suivre celle de la carte « vie privée et familiale », ne soit accordée qu'une fois le proxénète ou l'auteur de traite définitivement condamné, ne contribue pas à une stabilisation rapide de la situation administrative des victimes. En outre, les personnes qui n'ont pas pu ou pas voulu déposer plainte ne peuvent pas accéder à un titre de séjour.

S'agissant du soutien financier transitoire , les personnes peuvent bénéficier, soit du revenu de solidarité active (RSA), soit de l'allocation temporaire d'attente (ATA). Certains publics demeurent malgré tout exclus de tout dispositif de soutien : les jeunes de moins de 25 ans ne remplissant pas les conditions pour bénéficier du « RSA jeunes » ; les personnes étrangères qui n'ont pas souhaité porter plainte contre leur réseau ou leur proxénète et qui ne sont pas non plus demandeurs d'asile.


• Une autre difficulté concerne un nombre limité - bien que difficile à définir, l'administration fiscale ne disposant pas de données sur ce point - de personnes : celles qui ont fait le choix de déclarer leurs revenus issus de l'activité prostitutionnelle. L' impôt sur le revenu étant dû avec une année de décalage, les personnes qui arrêtent leur activité prostitutionnelle au cours d'une année « N » doivent malgré tout acquitter l'impôt sur les revenus de l'année « N-1 ». Ce décalage peut créer des difficultés de trésorerie qui risquent de conduire les personnes à reprendre leur activité prostitutionnelle. En application d'une décision ministérielle du 7 septembre 1981, des remises fiscales gracieuses peuvent être accordées à la triple condition que les personnes aient arrêté la prostitution, qu'elles aient retrouvé une activité professionnelle et qu'elles n'aient pas conservé le produit de leur activité antérieure. En pratique, ces trois conditions sont extrêmement difficiles à réunir , ce qui décourage les personnes d'arrêter la prostitution.


• D'autres facteurs de réussite de la sortie de la prostitution tiennent davantage aux conditions de suivi des personnes prostituées. Leur méfiance vis-à-vis des institutions, en particulier lorsqu'elles sont victimes du proxénétisme et de la traite, étant relativement importante, une insertion sociale et professionnelle réussie ne peut s'envisager qu'avec un soutien fort des acteurs associatifs , dont le rôle de relai est essentiel. De l'avis de l'ensemble des personnes auditionnées par votre commission spéciale, la sortie de la prostitution est un processus long , difficile, fait de doutes et parfois de retours en arrière. L'accompagnement ne peut donc s'envisager que sur le temps long. Il doit en outre s'accompagner d'un soutien psychologique et psychiatrique lorsque la personne en fait la demande.

Sur l'ensemble de ces points, votre commission spéciale a été particulièrement attentive aux mesures mises en oeuvre en Italie dont une présentation lui a été faite lors de l'audition de M. Giusto Schaccitano, adjoint au procureur national anti-mafia 66 ( * ) . Lors de leur mission d'information sur la situation sanitaire et sociale des personnes prostituées, Jean-Pierre Godefroy et Chantal Jouanno avaient pu se rendre compte, sur place, au cours d'un déplacement à Rome, de l'efficacité du dispositif.

Le dispositif italien d'aide aux victimes de la traite des êtres humains

« [L'article 18 du décret législatif n° 286-1998 du 25 juillet 1998] instaure un dispositif de prise en charge globale des victimes de la traite, qui permet :

- de reconnaître aux personnes concernées un statut de victime de la traite quand bien même elles ne dénoncent pas leur trafiquant-proxénète ;

- de garantir à ces victimes une protection et un permis de séjour provisoire à titre humanitaire ;

- de les accompagner dans leur parcours d'insertion sociale et professionnelle.

La caractéristique la plus notable de ce dispositif se trouve dans la possibilité d'octroyer un permis de séjour sans qu'il y ait nécessairement dénonciation de l'exploiteur. Il est en effet admis que certaines victimes ne sont pas en mesure de fournir des preuves tangibles sur l'organisation criminelle qui les exploite, que d'autres craignent de dénoncer le réseau par peur des représailles. Cette non-obligation de dénonciation préalable favorise la création d'un climat de confiance, propice à la « reconstruction » de la victime et à une future collaboration judiciaire.

La proposition d'octroi de permis de séjour à titre humanitaire peut être le fait du procureur de la République, des services sociaux des collectivités locales ou des associations d'aide aux victimes agréées. Le permis est accordé pour une durée de six mois, renouvelable un an.

Les personnes bénéficiant de la protection au titre de l'article 18 intègrent également un programme d'assistance et d'intégration sociale géré par une collectivité locale ou une association agréée. Ce programme comprend plusieurs phases, d'une durée plus ou moins longue selon la situation de la victime : la prise de contact, l'identification de ses besoins, sa protection, son insertion professionnelle.

Tout au long de ce programme, la personne bénéficie d'un hébergement : d'abord dans un « centre de fuite » afin de l'éloigner des trafiquants-proxénètes, puis dans un « centre de semi-autonomie », enfin dans un centre non protégé. Selon les interlocuteurs institutionnels et associatifs rencontrés, aucun problème ne se pose s'agissant des capacités d'accueil.

Sur la base d'un bilan de compétences, la collectivité locale ou l'association élabore avec la personne un projet de réinsertion professionnelle, qui comprend l'accès à des formations, à des enseignements, à des stages, etc. Dans le cas où la personne conclut un contrat de travail à l'issue de ce projet, son permis de séjour pour motif humanitaire est transformé en un permis de séjour pour motif de travail. Dans le cas contraire, la personne continue d'être suivie dans le cadre de son programme d'insertion.

Les programmes d'assistance et d'intégration sociale sont financés à hauteur de 70 % par l'État (budget de 8 millions d'euros) et de 30 % par les collectivités locales.

Tous les acteurs s'accordent à dire que cette politique a permis d'obtenir des résultats significatifs : depuis sa mise oeuvre, 11 751 personnes (principalement des femmes) sont parvenues à sortir de la prostitution. En outre, une très grande majorité de victimes décide, une fois en parcours d'insertion, de porter plainte contre leurs trafiquants et/ou proxénètes.

Parallèlement à ce « parcours social », existe un « parcours judiciaire » plus classique, qui suppose la collaboration immédiate de la victime avec les services de police et de la justice à des fins de dénonciation du trafiquant/proxénète.

[...] En 2003, l'Italie s'est dotée d'un second outil juridique pour renforcer sa politique de lutte contre la traite des êtres humains : la loi n° 228-2003 du 11 août 2003 (« Mesures contre la traite des personnes »).

Cette loi concerne toutes les formes de traite, d'esclavage et de servitude ; elle ne limite donc pas à l'exploitation sexuelle. Elle liste les éléments constitutifs de la traite des êtres humains (la violence, l'abus d'autorité, le fait de profiter d'une situation d'infériorité physique ou d'une fragilité psychologique, etc.) et définit l'infraction de traite.

L'une des particularités de cette loi est de prévoir l'obligation de confiscation des profits de la traite des êtres humains. Lors des procès pour traite, le juge peut ainsi décider soit d'attribuer les montants saisis aux victimes, ce qui s'apparente à une forme de dédommagement, soit à l'État via le « fonds pour les mesures de lutte contre la traite », qui sert notamment à abonder le programme de protection et d'assistance sociale mis en place par le décret législatif de 1998. Une « commission de réaffectation des biens » a même été créée pour contrôler l'utilisation de l'argent saisi.

L'article 13 de la loi de 2003 prévoit également la création d'un programme spécialisé d'assistance pour les victimes de la traite, qui leur garantit logement, nourriture et assistance sanitaire, sur une période allant de trois à six mois. »

Source : rapport d'information de Jean-Pierre Godefroy et Chantal Jouanno.

II - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

1) La proposition de loi initiale

Les dispositions de l'article 3 étaient, dans la version initiale de la proposition de loi, réparties entre trois articles .

L'article 2 créait une instance spéciale chargée de coordonner le parcours de sortie au sein des conseils départementaux de prévention de la délinquance, d'aide aux victimes et de lutte contre la drogue, les dérives sectaires et les violences faites aux femmes. L'article 3 créait ce parcours et l'article 5 visait à faciliter les remises fiscales gracieuses pour les personnes engagées dans ce parcours.

Ces dispositions ont été regroupées au sein du seul article 3 et en grande partie réécrites par la rapporteure de la commission spéciale.

b) Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le I du présent article prévoit de compléter l'article L. 121-9 du code de l'action sociale et des familles par des dispositions relatives à la protection des personnes victimes de la prostitution, du proxénétisme et de la traite et à la sortie de la prostitution.

Une instance créée au sein de chaque conseil départemental précité devra organiser et coordonner l'action en faveur de ces personnes.

Les dispositions de l'article 42 de la loi du 18 mars 2003 sont reprises et complétées. Il est précisé que la protection et l'assistance fournies devront être définies avec la personne en fonction d'une évaluation de ses besoins sanitaires, professionnels et sociaux. Elles s'appuieront sur un projet d'insertion sociale et professionnelle , proposé et mis en oeuvre par une association dédiée, dans le but de permettre l'accès à des alternatives à la prostitution.

L'instance mentionnée ci-dessus sera chargée de donner un avis sur l'entrée dans le parcours de sortie de la prostitution et d'assurer son suivi. Elle devra en particulier veiller à ce que l'accès aux droits prévus par le présent article et la sécurité de la personne soient assurés et à ce que celle-ci respecte ses engagements. Il est prévu que l'entrée dans le parcours de sortie soit confirmée par « l'autorité administrative » et que celle-ci intervienne également au moment de son renouvellement. Aucune précision n'est apportée sur la personne qui sera effectivement responsable de ces décisions.

Les droits mentionnés au présent article sont de trois ordres :

- une autorisation provisoire de séjour (APS), créée à l'article 6 de la proposition de loi ;

- une aide financière ; la proposition de loi, telle qu'adoptée en commission spéciale, prévoyait l'octroi de l'ATA ; le Gouvernement craignant un risque de rupture d'égalité entre les différents types de publics susceptibles de bénéficier du parcours de sortie de la prostitution, le renvoi direct à cette aide a été supprimé au profit de la mention plus large d'une « aide financière à l'insertion sociale et professionnelle » ;

- enfin, les personnes entrant dans le parcours de sortie de la prostitution seront susceptibles de bénéficier de remises fiscales gracieuses au titre du 1° de l'article L. 247 du livre des procédures fiscales 67 ( * ) .

Sont renvoyées à la publication d'un décret en Conseil d'État :

- les conditions d'agrément des associations qui interviendront dans le parcours de sortie ;

- la détermination de sa durée, de ses conditions de renouvellement, des actions qui seront prévues par ce parcours et des conditions de suivi de ces actions.

Par coordination avec les dispositions introduites au I de l'article, le 1° de son II abroge l'article 42 de la loi du 18 mars 2003. Le 2° tire les conséquences de cette suppression pour l'application de la loi en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie-française et dans les îles Wallis et Futuna.

III. - La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale a adopté un amendement de sa rapporteure et de son président modifiant une grande partie de l'article 3 et réécrivant entièrement l'article L. 121-9 du code de l'action sociale et des familles.

L'amendement procède tout d'abord à une harmonisation des termes employés dans l'article 3. Il est à chaque fois fait mention des « personnes victimes de la prostitution, du proxénétisme et de la traite des êtres humains » . Cette harmonisation permet d'élargir les dispositifs de protection et d'assistance à l'ensemble des personnes victimes de la traite et non aux seules personnes prostituées.

Deux parties sont créées au sein de l'article L. 121-9.

Le I définit les missions générales d'assistance et de protection de l'État auprès des personnes victimes de la prostitution, du proxénétisme ou de la traite des êtres humains. Il reprend en partie, en les actualisant et en les articulant avec celles de l'article 42 de la loi du 18 mars 2003, les dispositions déjà existantes de l'article L. 121-9, notamment celles relatives à la fourniture d'une place d'hébergement.

Le renvoi de l'article 3 aux conseils départementaux de prévention de la délinquance, d'aide aux victimes et de lutte contre la drogue, les dérives sectaires et les violences faites aux femmes est supprimé. En premier lieu, ceux-ci n'ayant qu'une existence réglementaire, un tel renvoi était contraire au respect de la hiérarchie des normes. En outre, ces conseils sont d'un dynamisme très variable selon les départements. Plutôt que de renvoyer à des structures déjà existantes, le I de l'article L. 121-9 définit quelles devront être les principales caractéristiques des instances chargées d'assurer le suivi de l'accompagnement des personnes concernées : elles seront présidées par le préfet et composées de quatre collèges de taille équivalente représentant les services de la justice, de l'État, des collectivités territoriales et des associations.

Le II de l'article L. 121-9 comporte les dispositions relatives à ce qui était, dans la proposition de loi initiale, le parcours de sortie de la prostitution.

Aux termes « parcours de sortie de la prostitution » sont substitués ceux de « projet d'insertion sociale et professionnelle ». Ce changement, demandé par plusieurs des interlocuteurs de votre commission spéciale, vise à mieux tenir compte de ce que sera la réalité du suivi des personnes concernées. Il ne s'agit pas de leur imposer un parcours prédéfini, fait d'étapes obligatoires et identiques pour tous, mais de leur proposer, sur le long terme, un projet personnalisé pour une réinsertion durable. Comme cela a été indiqué précédemment, ce projet ne sera pas uniquement ouvert aux personnes prostituées mais également aux victimes du proxénétisme et de la traite. Un tel élargissement correspond aux orientations définies par le plan d'action national de lutte contre la traite.

Il est par ailleurs précisé que c'est le préfet qui autorisera l'entrée dans le projet d'insertion sociale et professionnelle et son renouvellement, et non plus « l'autorité administrative » , notion juridiquement floue. Il prendra sa décision après avis de l'instance de suivi et de l'association engagée dans le parcours de sortie.

Les dispositions relatives aux droits ouverts par le parcours de sortie étant relativement floues, il pouvait être compris que le bénéfice de l'APS, de l'aide financière et des remises fiscales serait automatique. Elles sont réécrites de façon à ce qu'il apparaisse clairement que :

- l'entrée dans le parcours de sortie permet de prétendre au bénéfice de l'APS, les conditions propres à sa délivrance étant par ailleurs définies par l'article L. 316-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'aide financière est versée aux personnes n'ayant accès ni au RSA, ni à l'ATA : l'accès aux dispositifs de droit commun reste la priorité et il n'est en aucun cas question de cumuler différents dispositifs d'aide ;

- les conditions de gêne et d'indigence prévues au 1° de l'article L. 247 du livre des procédures fiscales sont présumées être satisfaites du fait de l'entrée dans le projet d'insertion sociale et professionnelle ; la décision d'attribuer ou non les remises n'en demeure pas moins une prérogative de l'administration fiscale.

Au moment du renouvellement du projet d'insertion, il est prévu que le préfet tienne compte, non seulement du respect par la personne de ses engagements, mais également des difficultés qu'elle aura pu rencontrer.

Enfin, il est indiqué que l'agrément est ouvert à toutes les associations qui ont pour objet l'aide et l'accompagnement des personnes en difficulté , dès lors qu'elles s'engagent à respecter les conditions d'agrément qui seront définies par décret en Conseil d'État. Cette précision a pour objet de répondre à deux types d'inquiétudes qui ont pu être exprimées devant votre commission spéciale : d'une part la crainte que les associations généralistes d'aide aux personnes en difficulté ne puissent bénéficier de l'agrément ; d'autre part, celle de voir les associations dont les convictions s'éloignent de celles portées par la proposition de loi - en particulier s'agissant de la pénalisation du client - exclues de toute participation au projet d'insertion sociale et professionnelle.

Votre commission spéciale a adopté l'article 3 ainsi modifié.

Article 3 bis (nouveau) (article L. 441-1 du code de la construction et de l'habitation) - Publics prioritaires pour l'attribution de logements sociaux

Objet : Cet article additionnel introduit, à l'initiative du président de votre commission et plusieurs de ses collègues du groupe socialiste, vise à reconnaître aux personnes entrées dans le projet d'insertion sociale et professionnelle ainsi qu'aux victimes du proxénétisme ou de la traite des êtres humains le statut de publics prioritaires pour l'accès aux logements sociaux.

Aux termes de l'article L. 441-1 du code de la construction et de l'habitation, bénéficient d'une priorité pour l'attribution de logements sociaux , selon des principes généraux fixés par décret :

- les personnes en situation de handicap ou les familles ayant à leur charge une personne en situation de handicap ;

- les personnes mal logées, défavorisées ou rencontrant des difficultés particulières de logement pour des raisons d'ordre financier ou tenant à leurs conditions d'existence ;

- les personnes hébergées ou logées temporairement dans un établissement ou un logement de transition ;

- les personnes mal logées reprenant une activité après une période de chômage de longue durée ;

- les personnes mariées, vivant maritalement ou liées par un pacte civil de solidarité justifiant de violences au sein du couple ou entre les partenaires, sans que la circonstance que le conjoint ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité bénéficie d'un contrat de location au titre du logement occupé par le couple puisse y faire obstacle.

Sur proposition de son président et de plusieurs commissaires socialistes, la commission spéciale a adopté un amendement portant article additionnel visant à étendre cette liste aux personnes engagées dans le projet d'insertion sociale et professionnelle ainsi qu'aux victimes de traite des êtres humains ou de proxénétisme.

Votre commission spéciale a adopté l'article 3 bis ainsi rédigé .

Article 4 (article 225-24 du code pénal) - Création d'un fonds pour la prévention de la prostitution et l'accompagnement des personnes prostituées

Objet : Cet article vise à créer un fonds destiné à contribuer au financement des actions de prévention de la prostitution, d'accompagnement social et professionnel des personnes prostituées et de sensibilisation de la population aux effets de la prostitution sur la santé.

I - Le droit en vigueur

Les crédits de l'État destinés à la prévention et à la lutte contre la prostitution ainsi qu'à la lutte contre la traite des êtres humains sont regroupés au sein du programme « Égalité entre les femmes et les hommes » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » du budget de l'État. En 2014, ils se sont élevés à 2,4 millions d'euros.

L'essentiel des crédits est alloué aux services déconcentrés de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) pour soutenir les actions engagées par les associations. 345 000 euros sont distribués au niveau national à quatre associations pilotes : ALC-Nice, en charge du dispositif Ac.Sé, l'amicale du Nid, le comité contre l'esclavage moderne, le mouvement du Nid.

Ces crédits, s'ils ont connu une augmentation substantielle en 2014, apparaissent insuffisants pour financer des actions ambitieuses en faveur des personnes prostituées et victimes de la traite, en particulier dans la perspective de la mise en place du parcours de sortie prévu à l'article 3 de la présente proposition de loi.

II - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Inspiré de l'une des recommandations du rapport de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale sur le renforcement de la lutte contre le système prostitutionnel, le présent article crée, au sein du budget de l'État, un fonds destiné à la prévention de la prostitution ainsi qu'à l'accompagnement social et professionnel des personnes prostituées 68 ( * ) .

Le fonds doit contribuer au financement des actions prévues dans le cadre du parcours de sortie de la prostitution créé à l'article 3 et soutenir « toute initiative visant à la sensibilisation des populations aux effets de la prostitution sur la santé et à la réduction des risques sanitaires, à la prévention de l'entrée dans la prostitution et à l'insertion des personnes prostituées » .

Trois types de ressources viendraient alimenter le fonds :

- des crédits de l'État adoptés en loi de finances ;

- des recettes provenant de la confiscation des biens ayant servi à commettre l'infraction de proxénétisme ainsi que des produits issus de cette infraction ;

- un montant, défini chaque année par arrêté ministériel, prélevé sur le produit des amendes acquittées par les personnes ayant eu recours à la prostitution.

Au regard des informations fournies par le ministère des droits des femmes à l'Assemblée nationale, le montant total des dépenses du fonds pourrait s'élever à un peu plus 20 millions d'euros par an. 13 millions d'euros seraient destinés aux mesures d'accompagnement mises en oeuvre auprès des personnes prostituées - le ministère des droits des femmes fait l'hypothèse qu'un quart d'entre elles en bénéficieraient dans les trois prochaines années. 7,5 millions d'euros contribueraient aux autres actions de sensibilisation, de prévention et de réduction des risques sanitaires.

III - La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale ne peut que saluer le souci dont témoigne le présent article d'affecter à la mise en oeuvre d'actions de prévention et d'accompagnement des personnes prostituées un niveau de ressources suffisant. Une telle mesure constitue le pendant indispensable au dispositif créé à l'article 3 de la proposition de loi. Deux points lui semblent malgré tout devoir faire l'objet d'une attention particulière.

Sa première préoccupation porte sur le niveau des recettes qui seront allouées au fonds. Comme cela a été indiqué précédemment, les crédits de l'État dédiés à l'accompagnement sanitaire et social des personnes prostituées sont largement insuffisants. Or il est prévu de les abonder par des recettes dont l'évolution risque de s'avérer particulièrement erratique.

Dans son rapport annuel pour l'année 2012, l'agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc) évalue à 9 millions d'euros les montants saisis pour proxénétisme. Cette somme correspond à 534 condamnations. En 2013, l'Agrasc dénombrait 722 condamnations pour proxénétisme, sans pour autant indiquer les montants ayant pu être prélevés. Or il est fort probable que ceux-ci connaissent des évolutions difficilement prévisibles d'une année sur l'autre, même si la création de l'Agrasc en 2010 a permis d'améliorer substantiellement les conditions de valorisation et de revente de ce type de biens 69 ( * ) . L'exemple du fonds de concours de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les toxicomanies (Mildt), alimenté par le produit de la vente des biens saisis aux trafiquants de drogue, permet d'avoir un aperçu des difficultés auxquelles pourrait être confronté le fonds créé par le présent article. Comme le souligne notre collègue Laurence Cohen dans son avis budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2014, ce fonds de concours « n'est pas une ressource pérenne mais au contraire aléatoire. Son évolution est imprévisible, puisqu'elle repose uniquement sur les affaires de trafic de stupéfiants résolues par la police, la gendarmerie et la douane et l'aboutissement des procédures judiciaires » 70 ( * ) . Les prévisions de recettes effectuées chaque année par le Gouvernement au moment de l'examen de la loi de finances n'ont dès lors qu'une fiabilité limitée. Une telle situation est problématique dans la mesure où les besoins de financement des opérateurs de la Mildt, loin de diminuer, tendent plutôt à augmenter de façon continue. Il est fort probable qu'il en soit de même s'agissant du fonds pour la prévention de la prostitution et l'accompagnement social et professionnel des personnes prostituées.

S'agissant du produit des amendes prélevées sur les clients de personnes prostituées, il reste difficile à évaluer a priori . En outre, votre rapporteure relève qu'on ne peut qu'espérer qu'il soit amené à diminuer dans les années à venir si la proposition de loi produit les effets attendus en termes de dissuasion et de responsabilisation des clients. En tout état de cause, la commission spéciale ayant supprimé l'article créant l'infraction de recours à la prostitution, elle a adopté un amendement de conséquence supprimant cette recette.

Afin malgré tout d'accroître la taille du fonds, votre commission spéciale a adopté, sur proposition de sa rapporteure et de son président, deux amendements visant, d'une part à assurer le versement de l'ensemble des recettes prélevées sur les proxénètes, d'autre part à introduire une nouvelle ressource constituée des biens et produits prélevés sur les personnes reconnues coupables de l'infraction de traite des êtres humains . Ce dernier ajout est pleinement cohérent avec l'extension du projet d'insertion sociale et professionnelle à l'ensemble des victimes de la traite.

L'autre point de préoccupation de votre commission spéciale porte sur la nature du fonds créé à l'article 4. Sur bien des points, le dispositif s'inspire du fonds de concours créé en matière de lutte contre les drogues et les toxicomanies 71 ( * ) . Il ne s'agira cependant pas d'un simple fonds de concours dans la mesure où le fonds doit également être alimenté par des crédits du budget de l'État. Or l'article 17 de la loi organique relative aux lois de finances dispose qu'un fonds de concours est constitué de recettes à caractère non fiscal versées par des personnes morales ou physiques pour concourir à des dépenses d'intérêt public 72 ( * ) . Les fonds de concours ont donc vocation à venir alimenter le budget général et non l'inverse.

Il est donc probable que l'intention de l'Assemblée nationale ait été de créer une structure propre, dotée le cas échéant de la personnalité morale. Se pose dès lors la question de la gouvernance et du positionnement d'une telle structure, notamment du ministère auquel elle pourrait être rattachée. Compte tenu du caractère interministériel des actions qui devront être menées, il paraîtrait logique qu'elle soit directement placée auprès du Premier ministre, comme cela est le cas pour la Mildt.

Votre commission spéciale a adopté l'article 4 ainsi modifié.

Article 5 [supprimé] - Remises fiscales gracieuses pour les personnes engagées dans un parcours de sortie de la prostitution

Objet : Cet article, supprimé par l'Assemblée nationale, visait à ouvrir aux personnes engagées dans le parcours de sortie de la prostitution le bénéfice de remises fiscales gracieuses.

Dans la version initiale de la proposition de loi, le présent article prévoyait que les personnes engagées dans le parcours de sortie de la prostitution soient considérées comme indigentes de façon à bénéficier du 1° de l'article L. 247 du livre des procédures fiscales, qui autorise l'administration fiscale à accorder des remises à titre gracieux.

Il a été supprimé par l'Assemblée nationale, ses dispositions ayant été intégrées à l'article 3.

Votre commission spéciale a maintenu la suppression de l'article 5.

Article 6 (articles L. 316-1 et L. 316-1-1 [nouveau] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Admission au séjour des étrangers victimes de la traite des êtres humains ou du proxénétisme

Objet : L'article 6 modifie le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile afin de faciliter l'obtention d'un titre de séjour pour les victimes de la traite des êtres humains et du proxénétisme.

I - Le droit en vigueur

L'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) prévoit la possibilité de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » à l'étranger qui dépose plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre les infractions de traite des êtres humains ou de proxénétisme ou qui témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions. Cette délivrance n'est pas subordonnée à la production d'un visa pour un séjour de plus de trois mois et elle ouvre le droit à l'exercice d'une activité professionnelle. En cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, l'article L. 316-1 prévoit qu'une carte de résident peut être délivrée à l'étranger ayant déposé plainte ou témoigné.

L'article R. 316-3 du même code précise que la carte de séjour est délivrée pour une durée minimale de six mois . Elle est renouvelable pendant toute la durée de la procédure pénale concernée, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites.

La carte de séjour peut être retirée si son titulaire a renoué avec les auteurs des infractions, si le dépôt de plainte ou le témoignage de l'étranger est mensonger ou non fondé ou si la présence de son titulaire constitue une menace pour l'ordre public (article R. 316-4). Les titulaires de la carte de séjour temporaire peuvent bénéficier, en application des articles R. 316-6 à R. 316-10, de l'ouverture des droits à une protection sociale, de l'allocation temporaire d'attente, d'un accompagnement social destiné à les aider à accéder aux droits sociaux et à retrouver leur autonomie ainsi que, en cas de danger, à une protection policière pendant la durée de la procédure pénale. Ils bénéficient également de l'accès aux dispositifs d'accueil, d'hébergement, de logement temporaire et de veille sociale pour les personnes défavorisées mentionnés au 8° du I de l'article L. 312-1 et à l'article L. 345-2 du code de l'action sociale et des familles, ainsi qu'aux centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) mentionnés au dernier alinéa de l'article L. 345-1 du même code.

II - La proposition de loi initiale

Le 1° de l'article complète le premier alinéa de l'article L. 316-1 du CESEDA en précisant que « la carte de séjour temporaire est renouvelée pendant toute la durée de la procédure pénale, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites ».

Si l'article R. 316-3 en vigueur comprenait déjà une disposition similaire dans la partie réglementaire, la rédaction proposée par l'article 6 diffère de cette disposition en substituant les mots « est renouvelée » aux mots « est renouvelable ». Le renouvellement de la carte de séjour temporaire devient par conséquent de plein droit à partir du moment où les conditions de délivrance sont remplies, l'autorité préfectorale étant désormais dans une situation de compétence liée, et non plus discrétionnaire .

Par ailleurs, le 2° du présent article tend à créer un nouvel article L. 316-1-1 prévoyant qu'une autorisation provisoire de séjour d'une durée de six mois peut être délivrée à l'étranger victime des mêmes infractions qui est pris en charge par une association agréée ayant pour objet statutaire l'aide et l'accompagnement des personnes soumises à la prostitution .

En considérant que le droit au séjour constitue le fondement de l'accès à la plupart des droits sociaux, cette disposition peut se prévaloir de la directive européenne du 5 avril 2011 73 ( * ) , qui prévoit que « les États-membres prennent les mesures nécessaires pour que l'octroi d'une assistance et d'une aide à la victime ne soit pas subordonné à sa volonté de coopérer dans le cadre de l'enquête, des poursuites ou du procès pénaux ». L'article 18, paragraphe 4, de la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, signée à Istanbul le 11 mai 2011, comporte des dispositions similaires.

Cette admission au séjour serait subordonnée à l'absence de menace à l'ordre public. Comme dans le cas de l'article 361-1 du CESEDA, la production d'un visa pour une durée de séjour supérieure à trois mois ne serait pas exigée et l'étranger admis au séjour pourrait exercer une activité professionnelle.

III - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Outre des amendements rédactionnels et de coordination, la commission spéciale de l'Assemblée nationale a adopté un amendement de Mme Sylvie Tolmont modifiant le deuxième alinéa du nouvel article L. 316-1-1 pour substituer à la phrase « est prise en charge par une association agréée par arrêté du préfet du département et, à Paris du préfet de police, pour l'accompagnement des personnes soumises à la prostitution » par la phrase « est engagé dans le parcours de sortie de la prostitution mentionné à l'article L. 121-9 du code de l'action sociale et des familles » . Il s'agit, en s'inspirant du parcours social créé en Italie pour les prostituées par une loi de 1998, de créer un droit au séjour pour les personnes engagées dans le parcours de sortie instauré par l'article 3 de la présente proposition de loi.

La commission spéciale a également adopté un amendement de sa rapporteure précisant que l'autorisation provisoire de séjour délivrée en application du nouvel article L. 316?1?1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est renouvelable pendant toute la durée du parcours de sortie de la prostitution .

IV - La position de votre commission spéciale

Votre commission a estimé, après l'audition des principales associations de soutien aux personnes prostituées, que la condition de sortie de la prostitution était trop restrictive. En effet, la sortie de la prostitution est souvent difficile, longue et progressive. Des reprises temporaires de cette activité sont toujours possibles avant un arrêt définitif. En outre, le renouvellement du titre de séjour restera subordonné au respect des obligations du parcours de sortie, ce qui constituera un cadre suffisamment contraignant. Votre commission a donc adopté un amendement présenté conjointement par sa rapporteure et son président supprimant cette condition de sortie de la prostitution.

En outre, votre commission spéciale a adopté quatre amendements présentés par son président et plusieurs commissaires socialistes ayant pour objet de :

- modifier l'article L. 316-1 du CESEDA afin de prévoir que le préfet aura compétence liée pour la délivrance du titre de séjour octroyé aux victimes de la traite ou du proxénétisme qui dénoncent les auteurs de ces infraction, dès lors que les conditions fixées par la loi sont remplies ;

- modifier le nouvel article L. 316-1-1 créé par le présent article afin de prévoir que le préfet aura également compétence liée pour la délivrance de l'autorisation provisoire de séjour octroyée aux victimes de la traite ou du proxénétisme engagées dans le projet d'insertion sociale et professionnelle ;

- prévoir que cette autorisation provisoire aura une durée d'un an et non de six mois ;

- préciser que son renouvellement sera automatique dès lors que les conditions de délivrance resteront remplies.

Toutes ces nouvelles dispositions auront ainsi pour effet de faciliter l'obtention d'un titre de séjour par les personnes prostituées , ces titres n'étant actuellement que très rarement délivrés par les préfectures aux victimes de la traite ou du proxénétisme qui dénoncent les auteurs de ces infractions.

Votre commission a adopté l'article 6 ainsi modifié.

Article 7 (article L. 5423-8 du code du travail) - Extension du bénéfice de l'allocation temporaire d'attente (ATA) aux étrangers titulaires d'une autorisation provisoire de séjour et engagés dans un parcours de sortie de la prostitution

Cet article avait pour objet d'étendre le bénéfice de l'allocation temporaire d'attente (ATA) aux étrangers victimes de la traite des êtres humains ou du proxénétisme dès lors qu'ils sont engagés dans un parcours de sortie de la prostitution et qu'une autorisation provisoire de séjour leur a été accordée en application du nouvel article L. 316-1-1 du CESEDA créé par l'article 6.

I - Le droit en vigueur

L'allocation temporaire d'attente est versée sous condition de ressources aux étrangers majeurs demandeurs d'asile, pendant la durée de la procédure d'instruction de leur demande, aux étrangers bénéficiaires de la protection temporaire ou de la protection subsidiaire, aux étrangers victimes de la traite des êtres humains ou du proxénétisme titulaires d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » au titre de l'article L. 316-1 du CESEDA, aux apatrides, pendant une durée maximale de douze mois, enfin à certaines personnes en attente de réinsertion pendant une durée maximale de douze mois.

En 2013, le montant de l'allocation temporaire d'attente était de 11,20 euros par jour.

II - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article ajoutait, au nouvel article L. 316-1-1 du CESEDA, une référence au 4° de l'article L. 5423-8 du code du travail, qui fixe la liste des bénéficiaires de l'ATA. Il s'agissait ainsi d'étendre l'octroi de l'ATA aux étrangers victimes de la traite ou du proxénétisme engagés dans un parcours de sortie de la prostitution et titulaires d'une autorisation provisoire de séjour.

Toutefois, en séance publique, les députés ont adopté un amendement du Gouvernement supprimant cet article.

En effet, l'extension de l'allocation temporaire d'attente ne se serait pas appliquée aux ressortissants français ou d'un autre État membre de l'Espace économique européen, qui ne peuvent se voir délivrer une autorisation provisoire de séjour. Certains d'entre eux ne remplissent pas non plus les conditions exigées pour bénéficier du RSA ou du « RSA jeunes actifs », ayant moins de 25 ans et ne pouvant justifier avoir exercé une activité professionnelle pendant au moins deux ans à temps plein au cours des trois années précédant leur demande. Dès lors, les députés ont considéré que les dispositions du présent article étaient contraires au principe d'égalité et risquaient d'être déclarées contraire à la Constitution .

En revanche, le Gouvernement s'est engagé à créer une aide financière spécifique dans le cadre du parcours de sortie de la prostitution financé par le fonds prévu à l'article 4. Son niveau et ses modalités seront définis par décret.

Votre commission spéciale a maintenu la suppression de l'article 7.

Article 8 (article L. 851-1 du code de la sécurité sociale) - Extension de l'allocation de logement temporaire aux associations agréées pour l'accompagnement des victimes de la prostitution

Objet : Cet article a pour objet de permettre aux associations agréées pour l'accompagnement des personnes engagées dans un parcours de sortie de la prostitution de bénéficier de l'allocation de logement temporaire.

I - Le droit en vigueur

Définie au I de l'article L. 851-1 du code de la sécurité sociale, l'allocation de logement temporaire (ALT 1) est versée à des organismes chargés de loger, à titre transitoire, des personnes défavorisées 74 ( * ) .

Peuvent bénéficier de l'ALT 1 :

- les associations à but non lucratif dont l'un des objets est l'insertion ou le logement des personnes défavorisées ;

- les centres communaux ou intercommunaux d'action sociale.

- les sociétés de construction dans lesquelles l'État détient la majorité du capital ;

- les groupements d'intérêt public dont l'objet est de contribuer au relogement des familles et des personnes qui éprouvent des difficultés particulières pour accéder et se maintenir dans un logement, en raison notamment de l'inadaptation de leurs ressources ou de leurs conditions d'existence ;

- l'établissement public d'insertion de la défense (EPIDE), pour assurer, pendant la durée de leur formation, l'hébergement des jeunes dont il a la charge.

Une convention est signée entre chaque organisme et l'État qui détermine notamment le montant de l'aide attribuée. Celui-ci est forfaitaire et tient compte du plafond de loyer retenu pour le calcul de l'allocation de logement familiale et des capacités réelles et prévisionnelles d'hébergement de l'organisme.

Ne peuvent être aidées via l'ALT 1 que les personnes qui séjournent de façon régulière sur le territoire français.

L'ALT 1 est cofinancée par l'État et par la caisse nationale d'allocations familiales. En 2012, le montant de la participation de l'État s'élevait à 39,2 millions d'euros pour une dépense totale de 74,3 millions d'euros. 27 662 logements ont été financés cette même année.

II - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a étendu le champ des bénéficiaires de l'ALT 1 aux « associations ayant pour objet l'aide et l'accompagnement des personnes prostituées agréées en application de l'article L. 121-9 du code de l'action sociale et des familles » . Il s'agit par conséquent des associations qui seront habilitées à accompagner des personnes dans le cadre du parcours de sortie de la prostitution prévu à l'article 3.

Cette disposition est directement issue de la recommandation n° 29 du rapport de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale sur le renforcement de la lutte contre le système prostitutionnel.

III - La position de votre commission spéciale

Votre commission reconnaît l'intérêt de cette disposition qui permet aux associations qui seront agréées de bénéficier d'une aide supplémentaire pour l'accompagnement des personnes prostituées.

Par définition, seules les associations disposant de capacités d'hébergement ou de logement temporaire seront concernées. Le champ de l'ALT 1 étant déjà relativement large dans la mesure où il s'étend aux associations à but non lucratif dont l'un des objets est l'insertion ou le logement des personnes défavorisées, votre commission spéciale craint que cet article, malgré son utilité, ne concerne en pratique qu'un nombre limité de structures. Elle insiste en outre sur la nécessité d'adapter le niveau de l'enveloppe allouée au financement de l'ALT aux modifications introduites par cet article.

À l'initiative de sa rapporteure et de son président, votre commission spéciale a adopté un amendement supprimant la référence aux associations « ayant pour objet l'aide et l'accompagnement des personnes prostituées » , la seule mention des associations « agréées en application de l'article L. 121-9 du code de l'action sociale et des familles » étant suffisante.

Votre commission spéciale a adopté l'article 8 ainsi modifié.

Article 9 (article L. 345-1 du code de l'action sociale et des familles) - Extension aux victimes du proxénétisme et de la prostitution de l'accueil en centres d'hébergement et de réinsertion sociale dans des conditions sécurisantes

Objet : Cet article vise à réserver aux personnes victimes du proxénétisme et de la prostitution des places en centres d'hébergement et de réinsertion sociale.

I - Le droit en vigueur

Il existait, au 30 juin 2012, 39 218 places en centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) 75 ( * ) .

Aux termes de l'article L. 345-1 du code de l'action sociale et des familles, les places sont ouvertes, en vue de permettre leur accès à l'autonomie sociale :

- aux personnes ou familles qui connaissent de graves difficultés, notamment économiques, familiales, de logement, de santé ou d'insertion ;

- aux étrangers s'étant vu reconnaître la qualité de réfugié ou bénéficiant de la protection subsidiaire.

Depuis la loi pour la sécurité intérieure de 2003 76 ( * ) , des places doivent être réservées à l'accueil des personnes victimes de la traite des êtres humains. Il est précisé que cet accueil doit s'effectuer « dans des conditions sécurisantes » .

II - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article vise à compléter les dispositions de l'article L. 345-1 du code de l'action sociale et des familles afin que puissent être accueillies en CHRS, dans des conditions sécurisantes, non seulement les personnes victimes de la traite, mais également celles qui sont victimes du proxénétisme et de la prostitution.

III - La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale ne peut que saluer l'objectif affiché par cet article d'assurer des conditions d'accueil sécurisantes pour les personnes victimes de la prostitution et du proxénétisme. Il apparaît pleinement cohérent avec les autres dispositions relatives à l'accompagnement social prévues par la proposition de loi, notamment à l'article 3. Il s'inscrit en outre dans la continuité du dispositif national d'accueil et de protection des victimes de la traite, Ac.Sé, qui permet d'assurer l'éloignement géographique et le relogement des personnes victimes de réseaux.

Elle estime cependant qu'une telle mesure ne peut trouver toute sa portée qu'à la condition d'un renforcement des capacités d'hébergement en CHRS .

Votre commission spéciale a adopté l'article 9 sans modification.

Article 9 bis (articles 222-3, 222-8, 222-10, 222-12 et 222-13, 222-24 et 222-28 du code pénal) - Aggravation des sanctions à l'encontre des personnes ayant commis des faits de violence à l'encontre de prostituées

Objet : Le présent article, adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative de Mme Seybah Dagoma, vise à ajouter les personnes qui se livrent à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, à la liste des personnes vulnérables, ce qui entraîne une aggravation des sanctions en cas de violences, d'agressions sexuelles ou de viols commis à leur encontre.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Les infractions concernées par cette nouvelle circonstance aggravante d'atteinte à une personne prostituée, visées par les articles 222-3, 222-8, 222-10, 222-12 et 222-13, 222-24 et 222-28 du code pénal, sont les suivantes : tortures ou à des actes de barbarie, violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente, violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours, violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité de travail, viol, agressions sexuelles autres que le viol.

Les députés ont adopté un sous-amendement du Gouvernement précisant que seules seraient toutefois concernées les violences commises dans l'exercice de l'activité de prostitution, afin d'écarter celles commises sur une prostituée en raison d'un contentieux personnel, sans lien avec son activité de prostitution.

II - La position de votre commission spéciale

Le code pénal comprend de nombreuses circonstances aggravantes pour les infractions commises sur des personnes, notamment, comme dans le cas du présent article, lorsqu'elles sont considérées comme étant particulièrement vulnérables : mineur de quinze ans, personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur, ascendants ou descendants ou toute autre personne vivant habituellement au domicile de l'auteur des faits, etc.

À la suite des auditions qu'elle a menées, votre commission spéciale s'est interrogée sur la pertinence de ce nouvel ajout à la liste des circonstances aggravantes. Les personnes considérées par le code pénal comme vulnérables le sont en permanence, et non du fait de leur activité . De nombreuses autres personnes pourraient ainsi être considérées comme vulnérables dans tel ou tel aspect de leur existence, sans qu'il soit concevable de créer une circonstance aggravante pour chacun de ces aspects.

Dès lors, à l'initiative de sa rapporteure et de son président, votre commission spéciale a adopté un amendement supprimant le présent article .

Votre commission spéciale a supprimé l'article 9 bis.

Article 10 (article 706-3 du code de procédure pénale) - Indemnisation des victimes du proxénétisme

Objet : Le présent article vise à étendre aux victimes du proxénétisme le bénéfice du droit à la réparation intégrale des dommages subis du fait de cette infraction, sans que soit nécessaire la preuve d'une incapacité permanente ou d'une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois.

I - Le droit en vigueur

Actuellement, l'article 706-3 du code de procédure pénale prévoit que certaines victimes peuvent obtenir une indemnisation intégrale de leur préjudice auprès de la commission d'indemnisation des victimes d'infraction (CIVI). Il s'agit de celles :

- qui présentent une incapacité totale de travail égale ou supérieure à un mois ;

- ou qui sont victimes de traite, de réduction en esclavage ou d'infractions sexuelles.

La preuve du dépôt d'une plainte est nécessaire et les victimes doivent être françaises ou, pour des faits commis sur le territoire français, ressortissantes d'un État de l'Union européenne ou en situation régulière.

Ainsi, alors que les victimes de la traite des êtres humains peuvent obtenir réparation de la part de la CIVI sans avoir à prouver une incapacité de travail, ce n'est pas le cas pour les victimes du proxénétisme , qui rencontrent par conséquent des difficultés importantes pour obtenir réparation.

II - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article aligne le régime juridique applicable à l'indemnisation des victimes de proxénétisme sur celui des victimes de la traite. Il permet ainsi aux victimes du proxénétisme d'obtenir réparation intégrale auprès de la CIVI sans avoir à prouver d'incapacité de travail .

Votre commission spéciale a approuvé cette modification dans la mesure où, comme les auditions qu'elle a menées l'ont montré, les personnes qui se prostituent sous l'autorité d'un proxénète encourent souvent les mêmes dommages physiques et psychologiques que les victimes de la traite des êtres humains.

Votre commission spéciale a adopté l'article 10 sans modification .

Article 11 (article 2-22 du code de procédure pénale) - Admission des associations dont l'objet est la lutte contre le proxénétisme, la traite des êtres humains et l'action sociale en faveur des personnes prostituées, à exercer les droits reconnus à la partie civile

Objet : Le présent article prévoit que les associations dont l'objet est la lutte contre le proxénétisme, la traite des êtres humains et l'action sociale en faveur des personnes prostituées, pourront exercer les droits reconnus à la partie civile.

I - Le droit en vigueur

La loi n° 75-299 du 9 avril 1975 permet aux associations de lutte contre le proxénétisme ou d'aide aux personnes prostituées de se constituer partie civile : « toute association reconnue d'utilité publique ayant pour objet statutaire la lutte contre le proxénétisme et l'action sociale en faveur des personnes en danger de prostitution ou des personnes se livrant à la prostitution en vue de les aider à y renoncer, peut exercer l'action civile devant toutes les juridictions où cette action est recevable, en ce qui concerne les infractions de proxénétisme prévues par le code pénal ainsi que celles se rattachant directement ou indirectement au proxénétisme, qui ont causé un préjudice direct ou indirect à la mission qu'elle remplit ». Comme on le voit, la possibilité de se constituer partie est soumise à la reconnaissance d'utilité publique de l'association.

II - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le I du présent article proposait de créer un nouvel article 2-21-1 du code de procédure pénale qui reprend les dispositions de la loi du 9 avril 1975 et en étend le champ aux associations reconnues d'utilité publique dont l'objet statutaire est la lutte contre la traite des êtres humains . Il abrogeait par coordination la loi du 9 avril 1975.

Prenant en compte la promulgation de la loi n° 2013-711 du 5 août 2013 qui a introduit un nouvel article 2-22 CPP ouvrant aux associations déclarées depuis au moins 5 ans et dont l'objet statutaire comporte la lutte contre la traite des êtres humains et l'esclavage la possibilité de se porter partie civile 77 ( * ) , la commission spéciale de l'Assemblée a adopté, à l'initiative de sa rapporteure, un amendement modifiant le I du présent article. Celui-ci procède ainsi à la réécriture de l'article 2-22 du code de procédure pénale, afin de réunir au sein de ce dernier article l'ensemble des règles relatives à la possibilité donnée aux associations déclarées depuis au moins 5 ans , dont l'objet est la lutte contre l'esclavage, la traite des êtres humains, le proxénétisme ou l'action sociale en faveur des personnes en danger de prostitution ou des personnes prostituées, d'exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions de réduction en esclavage, d'exploitation d'une personne réduite en esclavage, de traite des êtres humains, de proxénétisme, de recours à la prostitution, de travail forcé et de réduction en servitude, lorsque l'action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou la victime. L'accord de la victime est alors requis.

Par ailleurs, il est prévu que si l'association est reconnue d'utilité publique, son action est recevable y compris sans l'accord de la victime.

III - La position de votre commission spéciale

Le présent article opère une simplification bienvenue. En revanche, la possibilité pour une personne physique ou morale, fût-elle une association reconnue d'utilité publique, de se porter partie civile même en l'absence d'accord de la victime , n'apparaît pas pertinente en l'espèce. Selon les membres de la commission spéciale, une telle intervention sans l'accord de la victime serait susceptible, dans certaines hypothèses, de mettre celle-ci en danger, compte tenu de la violence des réseaux de traite et de proxénétisme.

Votre commission a donc adopté un amendement présenté par sa rapporteure et son président supprimant cette possibilité pour les associations reconnues d'utilité publique de se porter partie civile sans l'accord de la victime.

Elle a également adopté un amendement de sa rapporteure et de son président supprimant de l'objet statutaire des associations pouvant se porter partie civile les termes « personnes en danger de prostitution ». Elle a en effet estimé qu'il était préférable de viser les associations qui doivent intervenir directement auprès des personnes prostituées et non seulement auprès de personnes qui pourraient en venir à se prostituer (du fait d'une situation de précarité économique par exemple).

Votre commission spéciale a adopté l'article 11 ainsi modifié.

Article 12 (article 306 du code de procédure pénale) - Huis clos de droit à la demande de la victime de traite ou de proxénétisme aggravé

Objet : Le présent article a pour objet de rendre le huis clos de droit en cour d'assises ou au tribunal correctionnel, à la demande de la victime ou de l'une des victimes, dans les procès pour traite ou proxénétisme aggravé.

I - Le droit en vigueur

L'article 306 du code de procédure pénale prévoit qu'en matière criminelle, le huis clos n'est de droit qu'à la demande des victimes de viols ou de torture et d'actes de barbarie accompagnées d'agressions sexuelles, et peut être également ordonné si la publicité est « dangereuse pour l'ordre ou les moeurs ». En matière correctionnelle, l'article 400 du même code prévoit que le huis clos peut être ordonné si le tribunal constate « que la publicité est dangereuse pour l'ordre, la sérénité des débats, la dignité de la personne ou les intérêts d'un tiers ».

II - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article modifie l'article 306 du code de procédure pénale, afin de rendre le huis clos de droit en cour d'assises ou au tribunal correctionnel, à la demande de la victime ou de l'une des victimes, dans les procès pour traite ou proxénétisme aggravé .

III - La position de notre commission

Votre commission a approuvé cette disposition qui contribuera à garantir la sécurité des victimes de la traite et du proxénétisme lors de l'audience pénale et, par conséquent, les incitera à porter plainte plus fréquemment.

Votre commission spéciale a adopté l'article 12 sans modification .

Section 2 - Dispositions portant transposition de l'article 8 de la directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes et remplaçant la décision-cadre 2002/629/JAI du Conseil
Article 13 (article 225-10-1 du code pénal) - Abrogation du délit de racolage public

Objet : Le présent article tend à abroger le délit de racolage public.

I - Le droit en vigueur

La loi pour la sécurité intérieure n°2003-239 du 18 mars 2003 n'a pas créé de nouvelle infraction pénale s'agissant du racolage public mais elle a apporté deux modifications au droit en vigueur :

- d'une part, elle a expressément rétabli la pénalisation du racolage dit « passif », supprimé en 1994 ;

- d'autre part, elle a élevé l'infraction au rang de délit, ouvrant ainsi la voie à des poursuites devant le tribunal correctionnel et à l'emprisonnement des intéressés, l'infraction étant désormais punie de deux mois de prison et de 3 750 euros d'amende.

L'intention du législateur était toutefois davantage d'ouvrir aux services de police et de gendarmerie la possibilité d'interpeller et de maintenir sous la contrainte au commissariat une personne prostituée que de renforcer la répression du racolage, le code de procédure pénale n'autorisant le recours à la garde à vue qu'en matière correctionnelle ou criminelle.

Cette possibilité d'interpeller et de placer en garde à vue visait deux objectifs : améliorer l'efficacité de la prévention des troubles à la tranquillité, à l'ordre et à la sécurité publics ; renforcer les moyens de lutte contre les réseaux de proxénétisme en utilisant les temps d'interrogatoire permis par la mesure de garde à vue pour recueillir auprès de la personne interpellée pour racolage des informations sur ses proxénètes.

Selon les forces de l'ordre, entendues par votre rapporteure, le délit de racolage permettrait également d'orienter dans certains cas les personnes prostituées vers une association d'aide et de soutien. Enfin, lorsque les intéressées sont en situation irrégulière, l'interpellation permet de les reconduire dans leur pays d'origine.

Bien que validé par le Conseil constitutionnel avec une réserve d'interprétation 78 ( * ) , le délit de racolage public présente de nombreux défauts, relevés par notre collègue Virginie Klès dans son rapport sur la proposition de loi précitée de Mme Esther Benbassa.

D'abord, son imprécision a suscité une jurisprudence parfois qualifiée d' « impressionniste », en particulier en ce qui concerne la détermination de la composante « passive » du racolage.

Ensuite, les statistiques montrent un recours important à cette infraction en 2004-2006 (4 712 gardes à vue sur ce fondement en 2004), suivi ensuite d'une très forte décrue, le nombre de gardes à vue s'établissant depuis 2009 à environ 1 600 par an.

En outre, seule une minorité de personnes interpellées pour racolage public sont poursuivies et condamnées chaque année par les tribunaux correctionnels. En effet, les instructions données aux parquets par le ministère de la Justice après la promulgation de la loi du 18 mars 2003 ont eu pour but de limiter le nombre de poursuites engagées pour racolage. La circulaire de politique pénale adressée aux parquets le 3 juin 2003 précisait ainsi « que la situation particulière de la personne se livrant à la prostitution et commettant des faits de racolage public, qui est le plus souvent à la fois victime et auteur d'une infraction, justifie une application modérée de la loi pénale ». Une part croissante des procédures engagées se terminent par une procédure alternative aux poursuites, consistant le plus souvent en un simple rappel à la loi. Si ces procédures peuvent être l'occasion d'orienter les personnes prostituées vers une association, peu d'entre elles saisissent en réalité cette opportunité.

S'agissant des condamnations inscrites au casier judiciaire national, on relève que, jusqu'en 2003, la contravention de cinquième classe de racolage actif donnait lieu à 200 à 300 condamnations chaque année sur l'ensemble du territoire national. À partir de la création du délit de racolage en 2003, une forte augmentation des condamnations - atteignant 1 028 en 2005 - a été constatée, avant qu'une décrue ne s'amorce en 2007 : 459 condamnations en 2007, 194 en 2011. La grande majorité des peines consiste en une amende d'un quantum moyen d'un peu moins de 300 euros. On relève enfin chaque année entre 20 et 50 condamnations à des peines d'emprisonnement pour ce délit, la plupart du temps assorties du sursis total.

Quant à la contribution de ce délit à la lutte contre la traite des êtres humains et le proxénétisme, Virgine Klès indiquait dans son rapport précité qu' « il semble, d'après les témoignages recueillis par votre rapporteur, que seule une minorité des personnes prostituées placées en garde à vue pour racolage soient mises en contact avec des policiers ou des gendarmes chargés d'enquêter sur des réseaux de proxénétisme, la plupart d'entre elles se contentant, au cours de leur audition, d'un récit stéréotypé sur les conditions dans lesquelles elles ont été amenées à exercer leur activité ».

Il apparaît ainsi que, dix ans après l'entrée en vigueur de la loi pour la sécurité intérieure, le délit de racolage a aggravé la situation des personnes prostituées tandis que les objectifs poursuivis par le législateur en 2003 n'ont été que très partiellement atteints :

- les personnes prostituées ont dû s'éloigner des centres-villes et, par conséquent, le plus souvent, des lieux d'accès aux droits et aux soins ;

- la stigmatisation des personnes prostituées s'est accrue ;

- l'expérience de la garde à vue, loin d'être perçue par les perrsonnes prostituées comme un moment où elles peuvent bénéficier d'informations sur leurs droits ou être orientées vers des associations, est souvent vécue comme un événement traumatisant. Les fouilles au corps presque systématiques après déshabillage intégral, le menottage, l'état déplorable des locaux de garde à vue, constituent souvent une expérience douloureuse ;

- le lien entre le délit de racolage et l'efficacité de la lutte contre les réseaux de traite et de proxénétisme n'apparaît pas dans les statistiques. Certes, les responsables de la brigade de répression du proxénétisme de la préfecture de police, dans les locaux de laquelle votre rapporteure et plusieurs membres de la commission spéciale ont pu se rendre, ont fait valoir l'intérêt des renseignements recueillis dans ce cadre, un quart à un tiers des 50 à 65 procédures closes chaque année avec succès à Paris en matière de proxénétisme ayant pour point de départ des informations recueillies lors d'une garde à vue pour racolage. Toutefois, comme l'indiquait notre collègue Virgine Klès dans son rapport précité, « les statistiques agrégées au niveau national ne permettent pas de mettre en évidence un lien entre la création du délit de racolage en 2003 et une augmentation du nombre de condamnations pour proxénétisme ». Ainsi, les données du casier judiciaire national enregistrent de façon relativement stable environ 600 à 800 condamnations pour proxénétisme aggravé par an depuis 2003, sans lien avec l'évolution du nombre de gardes à vue décidées pour racolage.

Enfin, du seul point de vue du droit, l'utilisation actuelle de délit de racolage n'est pas satisfaisante et constitue un détournement des règles de la garde à vue . En effet, le fait d'entendre la personne placée en garde à vue pour racolage sur des faits de proxénétisme dont elle serait le témoin ou la victime n'entre pas dans le champ des motifs autorisant le recours à la garde à vue. Cette possibilité a été expressément exclue par la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes. Les personnes prostituées, quand il s'agit de lutter contre le proxénétisme, ne devraient être entendues que comme témoins .

II - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article abroge l'article 225-10-1 du code pénal relatif au délit de racolage.

III - La position de votre commission spéciale

Au regard du bilan dressé ci-dessus et après avoir entendu de nombreuses personnes sur le sujet, votre commission a approuvé l'abrogation du délit de racolage.

Il convient de souligner que cette abrogation ne laisse pas les pouvoirs publics démunis face aux troubles à l'ordre public parfois suscités par la prostitution de voie publique.

D'abord, aux termes de l'article 222-32 du code pénal, « l'exhibition sexuelle imposée à la vue d'autrui dans un lieu accessible aux regards du public est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ».

En outre, les maires peuvent, au titre de leurs pouvoirs de police générale (article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales), prendre des arrêtés municipaux interdisant ou restreignant la présence de personnes prostituées sur la voie publique là où cette présence est susceptible de créer des troubles à l'ordre public. La méconnaissance des interdictions ou le manquement aux obligations édictées par les arrêtés de police sont punis d'une amende de première classe. Le cas échéant, la mise en fourrière du véhicule peut être ordonnée. À titre d'exemple, le contrat local de sécurité adopté par la ville de Nice inclut expressément la prostitution parmi les « faits générateurs du sentiment d'insécurité » susceptibles de fonder une action de sa police municipale.

Votre commission spéciale a adopté l'article 13 sans modification.

Article 14 (articles 225-20 et 225-25 du code pénal, article 398-1 du code de procédure pénale) - Coordinations dans le code pénal et le code de procédure pénale liées à l'abrogation du délit de racolage

Objet : Le présent article tend à effectuer les coordinations nécessaires dans le code pénal et le code de procédure pénale afin de tirer les conséquences de l'abrogation, par l'article 13, de l'article 225-10-1 du code pénal relatif au délit de racolage.

Le 1° du I supprime la référence à l'article 225-10-1 du code pénal à l'article 225-20 de ce même code, relatif à certaines peines complémentaires encourues par les personnes physiques coupables des infractions de traite des êtres humains, de dissimulation forcée du visage, de proxénétisme, d'exploitation de la mendicité ou de la vente à la sauvette et de racolage.

Le 2° du I supprime la référence à l'article 225-10-1 du code pénal à l'article 225-25 de ce même code, relatif à la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie des biens, encourue par les personnes physiques et morales coupables des infractions de traite des êtres humains et de proxénétisme ;

Le II supprime cette même référence à l'article 225-10-1 du code pénal, à l'article 398-1 du code de procédure pénale et au 4° du I de l'article 837, lesquels énumèrent les délits pour lesquels le tribunal correctionnel peut statuer à juge unique (l'article 837 est relatif à la Polynésie française).

Votre commission spéciale a adopté l'article 14 sans modification.

CHAPITRE II BIS - PRÉVENTION ET ACCOMPAGNEMENT VERS LES SOINS DES PERSONNES PROSTITUÉES POUR UNE PRISE EN CHARGE GLOBALE

Article 14 ter (article L. 3121-6 [nouveau] du code de la santé publique) - Mise en oeuvre de la politique de réduction des risques en direction des personnes prostituées

Objet : Cet article, inséré par l'Assemblée nationale, a pour objet de fixer le cadre dans lequel doit s'inscrire la politique de réduction des risques en direction des personnes prostituées.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale


Ainsi que l'a souligné l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) en décembre 2012, l'état de santé des personnes prostituées est particulièrement fragile 79 ( * ) . Aux risques sanitaires qui découlent de l'exercice de leur activité - infections et maladies sexuellement transmissibles principalement -, s'ajoutent des fragilités liées à des conditions de vie le plus souvent précaires.

Or l'accès aux soins s'avère difficile pour ce type de public. Si les personnes prostituées partagent un grand nombre de difficultés avec l'ensemble des autres publics vulnérables, le sentiment de stigmatisation, la peur du jugement ainsi que des obstacles d'ordre très pratique lorsqu'elles sont en situation irrégulière sur le territoire ou ne maîtrisent pas la langue française, constituent des freins supplémentaires. Les pratiques de prévention et de dépistage apparaissent en outre variables. Elles seraient notamment beaucoup moins systématiques chez les personnes qui se prostituent sur Internet ou de façon occasionnelle.

Afin de remédier à cet éloignement, les associations organisent des maraudes pour aller vers les personnes prostituées et leur délivrer des messages de prévention - plusieurs membres de la commission spéciale ont pu participer à celles effectuées par l'association des Amis du bus des femmes. Ces maraudes sont parfois l'occasion, en lien avec les centres de dépistage anonymes et gratuits (CDAG) et les centres d'information, de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissibles (CIDDIST), de procéder à des tests rapides d'orientation diagnostic (Trod), qui constituent un premier outil de dépistage du VIH.

Le centre hospitalier Ambroise Paré a mis en place des actions de ce type dans le cadre du partenariat qu'il a développé avec l'association PASTT (Prévention, action, santé, travail pour les transgenres) auprès des personnes prostituées du bois de Boulogne. Ce projet, né au début des années 2000, s'est notamment traduit par le recrutement d'un agent de médiation polyglotte, issu du milieu de la prostitution, qui sert de relais entre les services hospitaliers et les patientes. Les actions menées sont financées dans le cadre des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (Migac). Entre 200 et 250 personnes sont reçues chaque année à l'hôpital et près de 200 sont rencontrés au bois de Boulogne. Un déplacement organisé par votre commission spéciale le 12 mars 2014 a permis à plusieurs de ses membres d'apprécier, sur place, la qualité du travail effectué par les équipes 80 ( * ) . Lors de son audition par votre commission spéciale, Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, a indiqué que des mesures relatives à la médiation sanitaire seraient intégrées dans le futur projet de loi de santé .


Le présent article, inséré par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, vise à donner un cadre global aux actions de réduction des risques en direction des personnes prostituées. Il en donne une définition en indiquant que la politique de réduction des risques consiste à « prévenir les infections sexuellement transmissibles et les dommages sanitaires, sociaux et psychologiques liés à l'activité prostitutionnelle » . Il précise que cette politique relève de l'État et prévoit qu'un document national de référence, approuvé par décret, définisse les orientations selon lesquelles seront conduites les actions de réduction des risques.

Ces dispositions nouvelles sont intégrées au sein du titre II du livre I er de la troisième partie du code de la santé publique, relatif à la lutte contre le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) et les infections sexuellement transmissibles (IST).

Lors de son audition par votre commission spéciale, Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, a indiqué que son ministère piloterait cette démarche tout en associant l'ensemble des acteurs, notamment associatifs. Elle a par ailleurs précisé que la Haute Autorité de santé s'était vue confier l'élaboration du document national de référence .

II - La position de votre commission spéciale

À l'initiative de sa rapporteure et de son président, votre commission spéciale a adopté un amendement qui apporte trois modifications au présent article. La première vise à supprimer la référence au fait que l'État est seul compétent en matière de réduction des risques sanitaires. Il serait en effet regrettable de limiter la capacité d'initiative d'autres acteurs, notamment des collectivités territoriales, en fixant dans la loi un principe de ce type. Le rôle de coordination et d'impulsion que peut jouer l'État apparaît cependant déjà clairement dans la mesure où les actions de réduction des risques seront menées conformément aux orientations définies par le document national de référence.

Le deuxième changement consiste à remplacer la référence à la prévention des « dommages » par celle des « risques » sanitaires, sociaux et psychologiques. Cette notion apparaît plus adaptée et moins soumise à interprétations que celle de dommages.

La dernière modification consiste en un changement de place dans le code de la santé publique afin que l'article ne soit plus intégré dans un titre relatif aux seules IST. Il est donc créé un nouveau titre « Réduction des risques relatifs à la prostitution » au sein du livre premier du code de la santé publique « Protection des personnes en matière de santé ».

Votre commission spéciale a adopté l'article 14 ter ainsi modifié.

CHAPITRE III - PRÉVENTION DES PRATIQUES PROSTITUTIONNELLES ET DU RECOURS À LA PROSTITUTION

Article 15 (articles L. 312-17-1 et L. 312-17-1-1 [nouveau] du code de l'éducation) - Inscription de la lutte contre la marchandisation des corps parmi les thématiques relevant de l'éducation à la sexualité

Objet : Cet article vise à ajouter aux sujets déjà abordés dans le cadre de l'information consacrée à l'égalité entre les hommes et les femmes la lutte contre la marchandisation des corps.

I - Le droit en vigueur

Issu de la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites aux femmes, l'article L. 312-17-1 du code de l'éducation prévoit que soit dispensée, à toutes les stades de la scolarité, une information sur :

- l'égalité entre les hommes et les femmes ;

- la lutte contre les préjugés sexistes ;

- la lutte contre les violences commises au sein du couple.

Pour exercer ces missions, les établissements scolaires peuvent s'associer avec des associations de défense des droits des femmes et promouvant l'égalité entre les hommes et les femmes ainsi qu'avec des personnels concourant à la prévention et à la répression des violences commises au sein du couple.

II - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article - le premier d'un chapitre consacré aux mesures de prévention menées en direction des jeunes - vise à ajouter à la liste des sujets abordés en application de l'article L. 312-17-1 du code de l'éducation la « lutte contre la marchandisation des corps » . L'objectif est d'éviter tout risque de banalisation de l'achat d'actes sexuels.

Dans le cadre de leur mission sur la situation sanitaire et sociale des personnes prostituées, Chantal Jouanno et Jean-Pierre Godefroy ont mis en évidence le peu de connaissances dont pouvaient témoigner les jeunes à l'égard de leur corps et de la sexualité 81 ( * ) . Comme l'indique le rapport, « ils n'ont par ailleurs souvent qu'une connaissance vague de ce que signifie la prostitution et n'appliquent pas nécessairement ce terme au fait d'accepter ou demander des relations sexuelles en échange d'un service ou d'une forme de rémunération quelle qu'elle soit » . Ce constat justifie qu'un effort particulier soit réalisé dans l'enseignement pour améliorer le degré de connaissance des jeunes et renforcer leur regard critique vis-à-vis des images, des situations ou des sollicitations auxquelles ils peuvent être confrontés.

III - La position de votre commission spéciale

Cet article doit être analysé au regard d'une autre disposition du texte modifiant ce même article L. 312-17-1 du code de l'éducation. En effet, l'article 15 bis A, inséré en séance plénière, prévoit d'ajouter une information sur « les réalités de la prostitution ».

Au final, serait donc délivrée, à tous les stades de la scolarité, une information consacrée « à l'égalité entre les hommes et les femmes, à la lutte contre les préjugés sexistes et à la lutte contre les violences faites aux femmes, les violences commises au sein du couple et contre la marchandisation des corps, ainsi qu'aux réalités de la prostitution » .

La rédaction de l'article L. 312-17-1 du code de l'éducation issue de ces deux articles le rend en grande partie illisible et fait perdre de vue l'objectif commun à toutes ces dispositions qui est l'éducation à l'égalité et au respect entre les sexes. De nouveaux objectifs sont par ailleurs assignés à l'éducation à la sexualité, prévue à l'article L. 312-16 du code de l'éducation, par l'article 15 bis de la proposition de loi.

Pour donner plus de cohérence à ces dispositions, votre commission a adopté un amendement de sa rapporteure et de son président créant un nouvel article L. 312-17-1-1 dans le code de l'éducation aux termes duquel « une information sur les réalités de la prostitution est dispensée dans les collèges et les lycées par groupes d'âge homogènes. Elle porte également sur les enjeux liés aux représentations sociales du corps humain » . La création d'un article dédié permet de donner davantage de poids aux actions qui seront menées. L'amendement vise en outre à ce que l'information sur les réalités de la prostitution ne soit délivrée qu'à l'entrée dans le secondaire . Votre commission a en effet estimé qu'une intervention dès l'école primaire serait inadaptée. La formulation « enjeux liés aux représentations sociales du corps humain » a été préférée à celle de « lutte contre la marchandisation des corps » , qui relève plus du slogan que de l'objectif pédagogique. Elle permettra d'aborder de façon plus générale les questions relatives au rapport au corps et à ses représentations dans nos sociétés contemporaines.

Votre commission spéciale a adopté l'article 15 ainsi modifié.

Article 15 bis A (article L. 312-17-1 du code de l'éducation) - Inscription de l'information sur les réalités de la prostitution parmi les thématiques relevant de l'éducation à la sexualité

Objet : Cet article, inséré par l'Assemblée nationale, a pour objet d'ajouter aux sujets déjà abordés dans le cadre de l'information consacrée à l'égalité entre les hommes et les femmes une information sur les réalités de la prostitution.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article, inséré en séance plénière à l'Assemblée nationale, prévoit à nouveau de compléter la liste des sujets abordés en application de l'article L. 312-17-1 du code de l'éducation par une information sur « les réalités de la prostitution » .

II - La position de votre commission spéciale

Par cohérence avec les modifications introduites à l'article 15, votre commission spéciale a supprimé cet article.

Votre commission spéciale a supprimée l'article 15 bis A.

Article 15 bis (article L. 312-16 du code de l'éducation) - Amélioration de l'information et de l'éducation à la sexualité

Objet : Cet article, inséré par l'Assemblée nationale, vise à préciser le contenu de l'information et de l'éducation à la sexualité dans les écoles, collèges et lycées.

I - Le droit en vigueur

Créé par la loi du 4 juillet 2001 relative à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception, l'article L. 312-16 fixe le cadre général applicable à l'information et l'éducation à la sexualité 82 ( * ) . Celles-ci sont dispensées à tous les stades de la scolarité (écoles, collèges et lycées), à raison d'au moins trois séances par an, par groupes d'âge homogène.

Peuvent être associés à l'exercice de ces missions :

- les personnels des services de santé scolaire ;

- les personnels des établissements d'information, de consultation ou de conseil familial, des centres de planification ou d'éducation familiale, de services sociaux ou d'autres organismes agréés, mentionnés au premier alinéa de l'article L. 2212-4 du code de la santé publique ;

- d'autres intervenants extérieurs ;

- des élèves formés par un organisme agréé par le ministère de la santé.

II - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Inséré en commission spéciale à l'initiative des membres du groupe socialiste, républicain et citoyen, le présent article vise à prévoir que l'information et l'éducation dispensées portent sur une « sexualité égalitaire » ainsi que sur « l'estime de soi et de l'autre » et le « respect du corps ». Selon l'exposé des motifs de l'amendement, il s'agit de lutter contre les représentations inégalitaires des rapports entre hommes et femmes, à la fois causes et conséquences de l'achat d'actes sexuels.

III - La position de votre commission spéciale

Votre commission a adopté un amendement de sa rapporteure et de son président tendant à réécrire le présent article. Plutôt que d'employer l'expression « éducation à la sexualité égalitaire », une phrase supplémentaire a été ajoutée indiquant que les séances d'éducation à la sexualité « présentent une vision égalitaire des relations entre les femmes et les hommes » . Une autre phrase prévoit qu'elles « contribuent à l'apprentissage du respect dû au corps humain » .

Votre commission spéciale a adopté l'article 15 bis ainsi modifié.

CHAPITRE IV - INTERDICTION DE L'ACHAT D'UN ACTE SEXUEL

Article 16 (articles 225-12-1, 225-12-2 et 225-12-3 du code pénal, article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles) - Création d'une infraction de recours à la prostitution punie de la peine d'amende prévue pour les contraventions de cinquième classe

Objet : Le présent article tend à créer une infraction contraventionnelle de « recours à la prostitution ».

I - Le droit en vigueur

Jusqu'en 2002, seuls les clients de mineurs prostitués de moins de quinze ans étaient pénalement sanctionnables.

La loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale a étendu cette répression aux clients de tous les mineurs : est ainsi réprimé le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir, en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération, des relations de nature sexuelle de la part d'un mineur (de 18 ans) qui se livre à la prostitution , y compris de façon occasionnelle. La peine encourue est de trois ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende (article 225-12-1 du code pénal).

L'article 225-12-2 du code pénal prévoit des peines aggravées dans certaines circonstances, notamment lorsque l'infraction est commise de façon habituelle ou à l'égard de plusieurs mineurs, lorsque les faits sont commis par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions, lorsqu'il s'agit d'un mineur de quinze ans.

Loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure a complété l'article 225-12-1 de manière à incriminer également le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir, en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération, des relations sexuelles de la part d'une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, lorsque cette personne présente une particulière vulnérabilité, apparente ou connue de son auteur, due à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse .

II - La proposition de loi initiale

Le I de l'article 16 a pour objet l'incrimination de tout recours à la prostitution, quel que soit l'âge de la personne prostituée.

Ainsi, le 1° du I modifie l'intitulé de la section 2 bis du chapitre V du titre II du livre II du code pénal, actuellement « du recours à la prostitution de mineurs ou de personnes particulièrement vulnérables », qui deviendrait : « du recours à la prostitution ».

Le 2° du I réécrit l'article 225-12-1 du code pénal. Dans sa nouvelle rédaction, très proche de celle prévue pour le recours à la prostitution de mineurs et de personnes vulnérables, le premier alinéa de cet article prévoirait ainsi une contravention de cinquième classe sanctionnant tout recours à la prostitution, qu'elle soit ou non occasionnelle, d'une peine d'amende de 1 500 euros.

Serait ainsi désormais puni de la peine d'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe « le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir des relations de nature sexuelle d'une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, en échange d'une rémunération, d'une promesse de rémunération, de l'utilisation d'un bien immobilier, de l'acquisition ou de l'utilisation d'un bien mobilier, ou de la promesse d'un tel avantage » .

Par ailleurs, le 2° du présent article crée également un troisième alinéa à l'article 225-12-1 du code pénal, définissant les conséquences de la récidive de l'infraction de recours à la prostitution. Il renvoie ainsi au premier alinéa de l'article 132-11 du code pénal qui prévoit que l'auteur d'une contravention de cinquième classe qui commet la même contravention dans un délai d'un an est puni d'une amende de 3 000 euros.

En outre, le 2° crée un quatrième alinéa à l'article 225-12-1 reprenant sans la modifier l'incrimination du recours à la prostitution d'une personne mineure ou présentant une particulière vulnérabilité. Cette infraction, toujours punie de trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende, constituerait désormais une circonstance aggravante de la contravention de recours à la prostitution.

Le 3° et 4° du I modifient ensuite les articles 225-12-2 et 225-12-3 du code pénal, relatifs aux circonstances aggravantes du recours à la prostitution de mineurs et le bénéfice de l'extraterritorialité 83 ( * ) , afin de les faire porter sur les seuls délits de recours à la prostitution de mineurs ou de personnes vulnérables.

Enfin, le II modifie par coordination l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles. Il s'agit de prévoir que le refus d'agrément pour l'exercice de la profession d'assistant maternel ou familial restera limité aux personnes condamnées pour le délit de recours à la prostitution de mineur ou de personne vulnérable.

III - Les modifications adoptées à l'Assemblée nationale

Afin d'élargir la possibilité d'incrimination des clients, la commission spéciale de l'Assemblée nationale a adopté un amendement de son rapporteur substituant, dans la définition de la contrepartie de la prestation sexuelle, les mots « de la fourniture d'un avantage en nature ou de la promesse d'un tel avantage » aux mots « de l'utilisation d'un bien immobilier, de l'acquisition ou de l'utilisation d'un bien mobilier ».

Elle a également adopté un amendement de son rapporteur complétant l'article 225-12-1 du code pénal par un deuxième alinéa prévoyant qu'une personne physique condamnée pour recours à la prostitution à la peine principale d'amende forfaitaire pourra également encourir une ou plusieurs des peines complémentaires prévues au code pénal, dont le stage de sensibilisation à la lutte contre l'achat d'actes sexuels créé par l'article 17 de la présente proposition de loi.

Enfin, elle a légèrement modifié la rédaction de la circonstance aggravante de recours à la prostitution de mineurs ou de personne vulnérable sans en changer le fond.

Enfin, en séance publique, les députés ont adopté des amendements prévoyant que la récidive de la contravention de recours à la prostitution constituerait un délit, puni de 3 750 euros d'amende.

IV - La position de votre commission spéciale

Le présent article entend s'inspirer de la législation suédoise qui incrimine les clients de la prostitution, législation dont le dispositif et l'évaluation ont été exposés précédemment 84 ( * ) .

Les auteurs de la proposition de loi estiment que la prostitution comporte de nombreuses conséquences négatives qui justifient une intervention du législateur ayant pour but de réduire ce phénomène et d'en affirmer de manière symbolique le caractère condamnable .

Votre rapporteure a pu, en s'appuyant, d'une part, sur le rapport d'information précité du président de la commission Jean-Pierre-Godefroy et de Mme Chantal Jouanno, d'autre part, sur les auditions qu'elle a menées, acquérir une vision aussi précise que possible du phénomène de la prostitution et de ses conséquences pour les personnes prostituées.

Comme elle l'a souligné précédemment, la prostitution a toujours des conséquences néfastes sur la santé des personnes prostituées. Ainsi, selon Mme Hélène de Rugy, déléguée générale de l'Amicale du Nid, « la prostitution est une violence dont nous voyons tous les jours les effets sur les victimes, que nous accompagnons à leur demande et sans conditions. L'impact concerne la santé globale et pas seulement des maladies sexuellement transmissibles ». Selon Mme de Rugy, ces effets de la prostitution sont « les violences subies, la dévalorisation de soi, l'isolement, la perte de lien social, la dégradation de la santé physique et psychique, du rapport au corps, à la sexualité, au temps, à l'argent et à la parentalité ». Mme Muriel Salmona, psychiatre et psycho-traumatologue, a également insisté lors de son audition sur les traumatismes subis antérieurement à leur activité par les prostituées et sur la perpétuation de ces traumatismes à travers l'activité prostitutionnelle.

Ensuite, votre rapporteure juge nécessaire de garder à l'esprit l'imbrication très fréquente voire, selon certaines personnes entendues, quasi systématique de la prostitution avec la criminalité organisée des réseaux de proxénétisme et de traite des êtres humains .

Comme l'ont relevé les agents de la brigade du proxénétisme, dans les locaux de laquelle des membres de votre commission spéciale ont pu se rendre, les trois quart ou davantage des prostituées sont de nationalité étrangère, dont une grande part en situation irrégulière. Leur activité de prostitution est gérée par les mêmes réseaux que ceux qui ont organisé leur immigration en exploitant leur aspiration à de meilleures conditions de vie. Selon M. Grégoire Théry, secrétaire général du Mouvement du Nid, quel que soit leur pays d'origine, « Un élément marquant est la grande vulnérabilité de ces personnes en très grande exclusion sociale, en désaffiliation, qui n'ont aucune idée des procédures les plus élémentaires d'accès aux droits ».

En outre, la prédominance écrasante des hommes parmi les clients de prostituées conduit votre rapporteure et plusieurs membres de la commission à considérer la prostitution comme un obstacle à l'égalité entre les hommes et les femmes. Selon M. Simon Häggström, chef de la brigade anti-prostitution à Stokholm, cette interprétation du phénomène prostitutionnel est au fondement même de l'approche suédoise de répression des clients : « l'achat, même temporaire, d'un corps humain a été considéré comme portant atteinte au principe d'égalité et, en pratique, comme un comportement criminel des hommes envers les femmes ».

Ce constat est d'autant plus préoccupant que, loin de se tarir, il semble que la prostitution soit de plus en plus « en vogue » parmi les jeunes, comme l'a souligné Claudine Legardinier, qui a mené pour le Mouvement du Nid une enquête sur les clients de la prostitution ; elle estime ainsi qu'une certaine banalisation actuelle de l'acte sexuel conduit à faire émerger une nouvelle génération de personnes prostituées et de proxénètes.

Concernant la question de l'applicabilité de la pénalisation des clients, M. Simon Häggström a fait une description précise, lors de son audition, du fonctionnement de l'unité spécialisée dans l'arrestation des clients de personnes prostituées au sein de la brigade qu'il dirige, l'autre unité étant dédiée à la lutte contre la traite des êtres humains et contre les réseaux de proxénétisme . Selon votre rapporteure, cette description montre que les effets de pénalisation du client, loin de se cantonner à la prostitution de rue comme l'estiment certains des détracteurs de ce type de répression, peuvent concerner la forme la plus actuelle de ce phénomène, c'est-à-dire le racolage par Internet . Cette efficacité est, en outre, obtenue avec des moyens humains relativement limités .

Toutefois, à l'inverse, de nombreuses personnes entendues par la commission spéciale se sont montrées hostiles à la pénalisation éventuelle des clients de la prostitution.

Première objection, la pénalisation des clients aurait probablement pour conséquence une plus grande clandestinité de l'activité prostitutionnelle et, par conséquent, des risques accrus pour la sécurité et la santé des prostituées. Comme l'a fait valoir Mme Maryse Tourne, présidente de l'association Ippo (Information prévention proximité orientation), « les personnes prostituées devront se cacher et travailler dans des conditions de sécurité dégradées ; les réseaux, eux, sauront s'adapter ». Dans son avis du 22 mai 2014 sur la proposition de loi, la Commission nationale consultative des droits de l'homme a également pointé ce risque et s'est opposée à la pénalisation des clients. D'autres intervenants ont fait la même analyse en s'appuyant sur un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales 85 ( * ) . Celui-ci indique notamment que la plupart des personnes consultées pour l'élaboration du rapport soulignent que la pénalisation du racolage passif par la loi de 2003 a accru la clandestinité de la pratique prostitutionnelle. Or, selon le rapport : « de façon générale, l'isolement et la clandestinité apparaissent comme des facteurs d'aggravation des risques en même temps qu'ils restreignent les possibilités d'accès aux dispositifs et moyens de prévention ». Les personnes qui soutiennent ce point de vue estiment ainsi que le fait que le délit de racolage vise directement la personne prostituée tandis que la pénalisation du client n'est pas dirigée contre elle n'empêchera pas cette pénalisation d'avoir les mêmes effets que le délit de racolage sur la clandestinité de l'activité prostitutionnelle. Dès lors, indépendamment de la question de savoir si, à terme, la pénalisation du client fera diminuer la prostitution, plusieurs personnes entendues estiment qu'elle aggravera la situation des personnes qui continueront à se prostituer. Votre commission spéciale a été particulièrement sensible à ce point de vue.

Seconde objection, étroitement liée à la première, la pénalisation des clients, par la clandestinité qu'elle induira, rendra le travail des associations plus difficile, comme cela avait déjà été le cas après la pénalisation du racolage passif par la loi en 2003.

Troisième objection, la pénalisation des clients serait difficilement applicable . Les policiers de la brigade de répression du proxénétisme ont ainsi estimé qu'il sera ardu de réunir les faits constitutifs de l'infraction (relation sexuelle avec une prostituée en échange d'une somme d'argent) autrement que lors d'un délit flagrant. Corollaire de cette difficulté à caractériser l'infraction, les policiers entendus estiment peu probable que leur activité s'oriente vers l'interpellation des clients. Une telle orientation nécessiterait des personnels nombreux qui seraient, selon eux, mieux employés à lutter contre les réseaux de proxénétisme et de traite des êtres humains, les clients « n'étant pas intéressants » dans le cadre de cette lutte, puisqu'ils ne savent rien de ces réseaux. Il sera difficile de mobiliser toute la chaîne pénale, des magistrats aux policiers ou gendarmes de terrain, pour relever de simples contraventions. Votre commission spéciale a, dans sa majorité, été convaincue de cette difficulté qu'il y aura à appliquer la nouvelle contravention de recours à la prostitution .

Quatrième objection, mise en avant par certains membres de votre commission spéciale, en particulier Mme Esther Benbassa, la pénalisation de l'achat de services sexuels serait contraire au libre usage de son propre corps par les personnes et marquerait, si elle était adoptée, une intrusion regrettable de l'État dans un domaine qui doit rester purement individuel et privé. Comme cela a été rappelé précédemment, la Cour européenne des droits de l'homme a ainsi estimé dans l'arrêt précité du 17 février 2005 « K.A. et A.D. contre Belgique », que « le droit d'entretenir des relations sexuelles découle du droit de disposer de son corps, partie intégrante de la notion d'autonomie personnelle. À cet égard, "la faculté pour chacun de mener sa vie comme il l'entend peut également inclure la possibilité de s'adonner à des activités perçues comme étant d'une nature physiquement ou moralement dommageables ou dangereuses pour sa personne. En d'autres termes, la notion d'autonomie personnelle peut s'entendre au sens du droit d'opérer des choix concernant son propre corps" (Pretty contre Royaume-Uni, arrêt du 29 avril 2002). »

Enfin, le président de votre commission spéciale s'est interrogé, plus fondamentalement, sur la cohérence d'une législation qui prohiberait l'achat de services sexuels tandis que la vente de ces mêmes services serait parfaitement légale. L'échange de services de cette nature deviendrait ainsi un acte pénalement ambigu, autorisé dans l'un de ses aspects et interdit dans un autre, pourtant indissociable du premier.

À l'issue d'un débat approfondi, la majorité de votre commission a considéré que les inconvénients probables de la création d'une infraction de recours à la prostitution étaient trop importants par rapport aux bénéfices attendus . En particulier, elle a estimé que cette pénalisation ne contribuerait pas significativement à la lutte contre les réseaux de traite des êtres humains et de proxénétisme, qui doivent pourtant constituer la cible principale des actions des pouvoirs publics dans ce domaine.

Dès lors, votre commission spéciale a adopté des amendements de son président Jean-Pierre Godefroy et plusieurs de ses collègues ainsi que de Mme Esther Benbassa et de plusieurs de ses collègues supprimant le présent article.

Votre commission spéciale a supprimé l'article 16.

Article 17 (articles 131-16, 131-35-1 et 225-20 du code pénal, articles 41-1 et 41-2 du code de procédure pénale) - Création d'une peine complémentaire de stage de sensibilisation
à la lutte contre l'achat d'actes sexuels

Objet : Le présent article vise à créer une peine complémentaire consistant en un stage de « sensibilisation aux conditions d'exercice de la prostitution ».

I - Le droit en vigueur

Le code pénal prévoit quatre types de stages de sensibilisation. Trois d'entre eux figurent à l' article 131-16 du code pénal, qui énumère les peines complémentaires susceptibles d'être ordonnées à l'endroit d'une personne physique : le stage de sensibilisation à la sécurité routière (dont les modalités sont fixés par l'article R. 131-11-1) ; le stage de citoyenneté (articles R. 131-35 et suivants) et le stage de responsabilité parentale (articles R. 131-48 et R. 131-49) ; le quatrième, le stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de stupéfiants, est prévu par l'article 131-35-1 du code pénal (article R. 131-46 et suivants).

II - La texte adopté par l'Assemblée nationale

Dans sa version initiale, le présent article visait à créer une peine complémentaire consistant en un stage de « sensibilisation aux conditions d'exercice de la prostitution ». La commission spéciale de l'Assemblée nationale a adopté deux amendements de Mme Sylvie Tolmont et Mme Viviane Le Dissez, modifiant cette dénomination en « stage de sensibilisation à la lutte contre l'achat d'actes sexuels ».

Ce stage permettrait notamment d'informer les clients, au-delà des représentations faussées et complaisantes parfois véhiculées par les médias, sur la réalité des conditions de vie et d'exercice des personnes prostituées et sur les liens étroits entre prostitution, proxénétisme et traite des êtres humains.

Ainsi :

- le 1° du I du présent article complète l'article 131-36 du code pénal pour prévoir que puisse désormais être prononcée, en matière contraventionnelle et à titre de peine complémentaire, l'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation à la lutte contre l'achat d'actes sexuels, éventuellement aux frais du condamné ;

- le 2° du I du présent article modifie l'article 131-35-1 du code pénal pour prévoir, comme pour les autres stages de sensibilisation, que l'obligation d'accomplir, à titre de peine complémentaire, un stage de sensibilisation à la lutte contre l'achat d'actes sexuels est exécutée dans un délai de six mois à compter de la date à laquelle la condamnation est définitive ;

- le 3° du I du présent article insérait, dans le code pénal, un nouvel article 225-20-1 permettant de prononcer, à titre de peine complémentaire, l'obligation d'effectuer un stage de sensibilisation à la lutte contre l'achat d'actes sexuels, en cas de condamnation pour des délits de recours à la prostitution de personnes mineures ou présentant une particulière vulnérabilité. À l'initiative de Mme Viviane Le Dissez, la commission spéciale de l'Assemblée nationale a adopté un amendement ayant pour objet de faire figurer ce stage à l'article 225-20, qui énumère déjà les peines complémentaires encourues pour certains délits ;

- le 1° du II modifie l'article 41-1 du code de procédure pénale afin que le stage de sensibilisation à la lutte contre l'achat d'actes sexuels puisse le cas échéant constituer une mesure alternative aux poursuites mises en oeuvre par le procureur de la République ;

- Le 2° du II du présent article modifie l'article 41-2 du code de procédure pénale afin que ce nouveau stage puisse être prononcé dans le cadre de la composition pénale 86 ( * ) .

Par cohérence avec la suppression de l'article 16 créant l'infraction de recours à la prostitution, votre commission spéciale a supprimé cet article.

Votre commission spéciale a supprimé l'article 17.

CHAPITRE V - DISPOSITIONS FINALES

Article 18 - Rapport du Gouvernement au Parlement sur l'application
de la proposition de loi

Objet : Cet article prévoit la publication d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur l'application de la proposition de loi.

I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Dans sa version initiale, le présent article prévoyait la publication, dans les deux ans suivant la promulgation de la loi, d'un rapport du Gouvernement au Parlement portant sur la généralisation de l'infraction de recours à la prostitution ainsi que sur la situation sanitaire et sociale des personnes prostituées.

À l'initiative de sa rapporteure, la commission spéciale en a élargi le champ afin que soit établi un bilan global de l'application de la loi . Certaines des informations qui devront être contenues dans le rapport ont par ailleurs été précisées dans l'article. Outre un bilan de la pénalisation du client et de la situation sanitaire et sociale des personnes prostituées, devront figurer dans les rapports des informations sur l'éducation à la lutte contre la marchandisation des corps, prévue à l'article 15, et sur les mesures d'accompagnement élaborées par les pouvoirs publics.

Le contenu du rapport a été à nouveau complété en séance plénière afin d'intégrer des données sur la situation, le repérage et la prise en charge des mineurs victimes de la prostitution.

II - La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale a adopté un amendement de sa rapporteure et de son président tendant à préciser le contenu du rapport ainsi qu'à en préciser le champ.

S'agissant du bilan qui doit être réalisé sur les mesures d'accompagnement mises en oeuvre par les pouvoirs publics, il est explicitement fait référence au projet d'insertion sociale et professionnelle créé à l'article L. 121-9 du code de l'action sociale et des familles. Afin de tenir compte des modifications apportées à l'article 15, il est fait mention du bilan qui devra être réalisé de l'information délivrée dans les établissements scolaires en application du nouvel article L. 312-17-1-1 du code de l'éducation.

Les dispositions de l'article 1 er quater sur les actions de coopération européenne et internationale en matière de proxénétisme et de traite des êtres humains et sur la prostitution dans les zones transfrontalières sont par ailleurs réintégrées au sein du présent article.

Il est ajouté que le rapport devra présenter l'évolution de la prostitution sur Internet ainsi que du nombre de condamnations pour proxénétisme et pour traite des êtres humains . Enfin, la commission spéciale a adopté un sous-amendement d'Esther Benbassa visant à ce que le rapport fournisse également des informations sur les étudiants contraints de se livrer à la prostitution .

Votre commission spéciale a adopté l'article 18 ainsi modifié.

Article 19 - Entrée en vigueur différée de certaines dispositions
de la proposition de loi

Objet : Entrée en vigueur différée des dispositions de la proposition de loi relatives au délit de racolage et à la pénalisation du client

L'article 19 prévoyait une entrée en vigueur différée de six mois des articles de la proposition de loi ayant pour objet d'une part, d'abroger le délit de racolage public (article 13) et d'en tirer les conséquences dans plusieurs articles du code pénal, comme du code de procédure pénale (article 14) ; d'autre part, d'instituer une infraction générale de recours à la prostitution, punie, à titre principal, d'une peine d'amende prévue pour les contraventions de cinquième classe (article 16) et, à titre complémentaire, de l'obligation d'effectuer un stage de sensibilisation aux conditions d'exercice de la prostitution (article 17). Il s'agissait notamment de pouvoir mener un travail de sensibilisation auprès des clients avérés ou potentiels .

La commission spéciale de l'Assemblée nationale a supprimé l'article 19. En effet, s'agissant d'une loi pénale plus douce, l'abrogation du délit de racolage ne pouvait voir son application différée 87 ( * ) . Dès lors, il est apparu préférable, afin de ne pas laisser les forces de l'ordre démunies, de ne pas différer non plus la pénalisation du client.

Votre commission spéciale a maintenu la suppression de l'article 19.

Article 20 - Application outre-mer de la présente proposition de loi

Objet : Le présent article vise à rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, dans les îles Wallis-et-Futuna et en Polynésie française, les dispositions de la présente proposition de loi.

Ces collectivités sont en effet régies, en application respectivement de l'article 77 de la Constitution du 4 octobre 1958 pour la Nouvelle-Calédonie et de son article 74 pour les autres collectivités précitées, par un régime de spécialité législative, de sorte que les lois et règlements relevant de la compétence de l'État n'y sont applicables que sur mention expresse.

Votre commission spéciale a adopté l'article 20 sans modification .

Article 21 - Gage de la présente proposition de loi

L'article 21 prévoyait le gage financier des dispositions de la présente proposition de loi afin d'en assurer la recevabilité financière. Il compensait ainsi les charges pouvant résulter pour l'État, les collectivités territoriales, les organismes de sécurité sociale et Pôle Emploi de l'application de certaines dispositions de la présente proposition de loi.

Le Gouvernement a levé ce gage et cet article a été supprimé en séance publique à l'Assemblée nationale.

Votre commission spéciale a maintenu la suppression de l'article 21.

*

* *

Au cours de sa réunion du mardi 8 juillet 2014, la commission spéciale a adopté l'ensemble de la proposition de loi dans la rédaction issue de ses travaux.

EXAMEN EN COMMISSION

Mardi 8 juillet 2014

M. Jean-Pierre Godefroy , président . - La proposition de loi revêt un caractère particulier, par l'étendue des sujets qu'elle entend aborder, de l'accompagnement social au maintien de l'ordre public, de la politique pénale à l'éducation, au carrefour des champs de compétence de nos commissions permanentes. Les débats ont été vifs et passionnés : la question de la prostitution divise au-delà des clivages partisans traditionnels. En cinq mois, notre commission spéciale a mené près de cinquante auditions et effectué deux déplacements. Ses travaux rejoignent ceux de l'Assemblée nationale, de la mission sénatoriale que j'ai conduite avec Chantal Jouanno sur la situation sanitaire des personnes prostituées, et de notre délégation aux droits des femmes.

Trop souvent, le débat est caricaturé, les positions sont manichéennes. Notre commission spéciale a su éviter ces écueils. Nous avons écouté, débattu, et les positions ont parfois évolué. J'espère que nous parviendrons à un texte : au-delà de la pénalisation du client, qui fait débat, nous devrions pouvoir nous rassembler sur bien des points.

Mme Michelle Meunier , rapporteure . - Le temps est venu pour notre commission spéciale de prendre position sur la proposition de loi. J'ai tenté de tenir compte de l'ensemble des positions, sans me déjuger sur ce que je crois être juste. Les amendements que je vous proposerai ont été élaborés avec le président Godefroy et portent nos deux signatures. Nous sommes d'accord sur l'essentiel, ou presque.

Quelques constats d'abord, autour desquels nous pouvons nous retrouver. Après un siècle d'un système qui n'avait évité ni la prostitution de rue, ni la propagation des maladies vénériennes, la loi Marthe Richard du 13 avril 1946 a imposé la fermeture des maisons closes. C'est toutefois en 1960, en ratifiant la convention de l'ONU de décembre 1949, que la France est devenue un pays abolitionniste. Cela signifiait alors viser, non l'abolition de la prostitution, mais celle de toute forme de réglementation - inscription sur des registres spéciaux, papiers spéciaux, conditions exceptionnelles de surveillance. La convention lie toutefois déjà prostitution et traite des êtres humains, jugeant l'une comme l'autre « incompatibles avec la dignité et la valeur de la personne humaine ».

Depuis 1960, la prostitution a changé de visage, elle a été investie par les réseaux mafieux. La réalité a évolué, et avec elle la conception de l'abolitionnisme. Le 6 décembre 2011, l'Assemblée nationale a adopté une proposition de résolution réaffirmant la position abolitionniste de la France, c'est-à-dire l'objectif d'une société sans prostitution. Cette position est partagée par de nombreux pays, ainsi que par les institutions européennes : dans sa résolution du 26 février 2014, le Parlement européen juge que la réduction de la demande doit faire partie de la stratégie de lutte contre la traite des êtres humains, et que cela suppose de faire peser la charge du délit sur ceux qui achètent des services sexuels.

La réalité est diverse et complexe. La plus grande partie des personnes prostituées sont des femmes ; 10 à 15 % sont des hommes ou des personnes transgenre. Nous avons été sensibles aux demandes des personnes transsexuelles ; ce texte-ci n'est pas le véhicule adapté, mais il faut avancer sur la question du changement d'état civil, que nous avions déjà évoquée dans le projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes.

Mme Maryvonne Blondin . - Tout à fait.

Mme Michelle Meunier , rapporteure . - Nous avons été choqués d'entendre la présidente de l'association Avec nos ainées évoquer des personnes prostituées de 70, 80, voire 90 ans... La prostitution peut être occasionnelle ou être la principale source de revenus ; elle peut s'exercer dans la rue ou dans des bars à hôtesses et salons de massage. De plus en plus, le contact avec le client se fait sur Internet. Bref, il y a des prostitutions ; nous en avons bien cerné la diversité.

Toutefois, deux traits communs se dégagent. D'abord, l'écrasante majorité des 30 000 personnes prostituées sont d'origine étrangère : 83 %, selon l'Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH) ; 88 % à Toulouse, s'agissant de la prostitution de rue, selon l'association Griselidis. Les principaux pays d'origine sont la Roumanie, le Nigéria et la Chine. L'inversion des chiffres depuis le début des années 1990 traduit la baisse de la prostitution dite traditionnelle et l'influence croissante du proxénétisme et des réseaux de traite. Les données policières sont formelles : la grande majorité des personnes prostituées sont sous l'influence d'un proxénète ou d'un réseau. Le territoire parisien est divisé en secteurs tenus par des réseaux, ce qui rend difficile l'exercice d'une prostitution indépendante. La prostitution s'exerce principalement sous la contrainte.

Deuxième trait commun, les personnes prostituées sont exposées à des facteurs de fragilité spécifiques, à commencer par les risques sanitaires : infections sexuellement transmissibles, maladies respiratoires, troubles musculo-squelettiques, problèmes dermatologiques. Plus du tiers des personnes interrogées par l'Institut de veille sanitaire ont déclaré souffrir d'une maladie chronique. Or l'accès au droit et aux soins leur est difficile. Le dispositif d'accueil spécifique de l'hôpital Ambroise Paré, où les personnes prostituées du bois de Boulogne sont reçues par une médiatrice sociale issue du milieu, est malheureusement une initiative isolée.

Les personnes prostituées sont également exposées quotidiennement aux violences, physiques, verbales ou psychologiques, venant des clients, des proxénètes, des autres personnes prostituées ou des passants. La création en 2003 du délit de racolage a aggravé la situation en entraînant le déplacement de la prostitution vers des lieux plus difficiles d'accès pour la police mais aussi pour les associations. En outre, la dénonciation des violences subies ne fait pas l'objet d'une attention suffisante de la part des forces de police.

La France est loin d'avoir tout mis en oeuvre pour accompagner les personnes prostituées. Certes, la police démantèle une cinquantaine de réseaux chaque année. La loi du 5 août 2013, qui revoit la définition de la traite, s'est accompagnée de la création de la mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF) et du lancement du premier plan d'action national de lutte contre la traite des êtres humains. Mais les moyens manquent. Le dispositif de protection des victimes de la traite Ac.Sé n'a pris en charge que 66 personnes en 2012, pour 751 victimes reconnues. L'accompagnement social est lacunaire, faute de coordination entre les acteurs institutionnels et associatifs. En 2014, les pouvoirs publics n'y consacrent que 2,4 millions d'euros. En dépit d'une augmentation de 14 %, cela reste insuffisant pour financer des mesures d'envergure.

Il faut aller au bout de la logique abolitionniste, c'est ce que propose le texte. Il renforce tout d'abord les moyens d'enquête et de poursuite des auteurs. L'article 1 er prévoit que les fournisseurs d'accès à Internet devront s'efforcer d'empêcher la diffusion de contenus liés à la traite et au proxénétisme. La notification des adresses des sites fautifs en vue de leur blocage a été supprimée à l'Assemblée nationale, à l'instigation du Gouvernement qui étudie la faisabilité d'une telle mesure. Le groupe de travail interministériel sur la cybercriminalité vient de rendre ses conclusions ; il faudra expertiser ses propositions.

L'article 1 er bis complète la formation délivrée aux travailleurs sociaux sur la prévention de la prostitution. Nous vous proposerons d'y ajouter l'identification des situations de prostitution, de proxénétisme et de traite.

L'article 1 er ter accorde aux victimes de traite des dérogations en matière de procédure pénale : domiciliation au commissariat, identité d'emprunt, mesures de protection et de réinsertion prévues par la commission nationale de protection. Nous vous inviterons à adopter des améliorations juridiques

L'article 11 simplifie les modalités d'intervention des associations se portant partie civile ; je vous suggèrerai de supprimer la possibilité pour une association, fût-elle reconnue d'utilité publique, d'intervenir sans l'accord de la victime, pour éviter de mettre celle-ci en danger. L'article 12 rend le huis-clos de droit. Nous vous demanderons également, dans un article additionnel, de donner compétence aux inspecteurs du travail pour constater l'infraction de traite des êtres humains, mesure n° 13 du plan national de lutte contre la traite.

Le chapitre II améliore l'accompagnement global des personnes prostituées. L'article 3 crée le parcours de sortie, coordonné par une instance dédiée, qui ouvre notamment droit à une autorisation provisoire de séjour et à des remises fiscales gracieuses. Nous vous proposerons de le remplacer par un projet d'insertion sociale et professionnelle personnalisé. Toutes les associations ayant pour objet l'aide et l'accompagnement des personnes en difficulté souhaitant intervenir dans le projet seront a priori éligibles à l'agrément. L'instance chargée d'en assurer le suivi sera présidée par le préfet et composée de quatre collèges représentant la justice, l'État, les collectivités territoriales et les associations.

Le projet d'insertion sociale et professionnelle sera financé par le fonds créé à l'article 4, abondé par des crédits de l'État et par une partie du produit des biens confisqués aux proxénètes et des amendes prélevées sur les clients. Je vous propose de lui consacrer l'intégralité de ces deux dernières recettes et d'ajouter le produit des biens issus des procédures relatives à la traite des êtres humains.

L'article 6 accorde une autorisation provisoire de séjour aux seules personnes qui sont sorties de la prostitution. Or cette sortie est progressive et prend du temps : je vous propose de supprimer cette condition. Je vous invite à adopter tels quels les articles 8 et 9 qui traitent du logement et de l'hébergement.

Il n'est pas opportun que l'article 14 ter affirme que l'État est seul compétent en matière d'accompagnement sanitaire : il serait regrettable de limiter les capacités d'initiative d'autres acteurs, dont les collectivités territoriales.

Troisième chapitre : la prévention et l'information. Les amendements que je vous propose aux articles 15 et 15 bis A complètent l'information délivrée à l'école sur l'égalité entre femmes et hommes en prévoyant une information par groupes d'âge homogènes dans les collèges et lycées sur les réalités de la prostitution ; le faire dès l'école primaire paraissait inadapté. Il s'agit également d'aborder les enjeux relatifs aux représentations sociales du corps humain.

Le chapitre IV instaure la pénalisation du client, qui va de pair avec l'abrogation du délit de racolage - c'est la clé de l'équilibre du texte. L'article 13 reprend ainsi la proposition de loi de loi d'Esther Benbassa, adoptée à l'unanimité par le Sénat le 28 mars 2013, en supprimant ce délit instauré par la loi du 18 mars 2003. Les statistiques ne montrent pas de lien entre la mise en oeuvre du délit de racolage et les condamnations pour proxénétisme, dont le nombre est resté stable depuis 2004, entre 600 et 800 par an, alors que le nombre de gardes-à-vue pour racolage a été divisé par trois. Les auditions nous ont confirmé que ce délit avait surtout augmenté la stigmatisation et l'insécurisation des personnes prostituées. L'utilisation de la garde-à-vue des personnes prostituées pour lutter contre les réseaux est d'ailleurs un détournement de la législation, explicitement exclu par la loi du 15 juin 2000 sur la présomption d'innocence. Enfin, les personnes prostituées traditionnelles collaborent d'elles-mêmes avec la police sans passer par la garde-à-vue. Aussi vous proposerai-je de confirmer l'abrogation du délit de racolage.

L'article 16 contient la mesure la plus débattue : la création d'une contravention de cinquième catégorie sanctionnant le recours à la prostitution, sur le modèle suédois où l'absence de toute disposition pénale visant le racolage va de pair avec la pénalisation des clients. Nous avons entendu au cours de nos auditions des points de vue très divers sur cette disposition à forte valeur symbolique.

La position que nous adopterons reflètera les réponses que nous apportons, selon nos convictions, à des questions de principe : la prostitution choisie peut-elle exister ? La société doit-elle reconnaître aux individus le droit, moyennant paiement, de disposer du corps d'autrui ? Comment répondre au développement massif de la traite à des fins sexuelles sur notre territoire ? Le client, sans lequel il n'y aurait pas de marché, peut-il ignorer la situation des personnes prostituées ?

Les réponses que j'y apporte me conduisent à vous proposer d'adopter l'article 16. Nous aurons l'occasion d'échanger plus avant sur ce sujet. Quelques éléments techniques pourront éclairer nos débats. Le montant de 1 500 euros prévu pour les amendes de cinquième catégorie est un maximum ; dans la pratique, la moyenne des amendes prononcées pour les contraventions de 5 ème classe tourne autour de 370 euros, souvent moins quand il s'agit de la première amende. Le bulletin n° 2 du casier judiciaire, qui sert pour l'accès aux emplois publics, ne comportera aucune mention de cette contravention.

Les trois ministres que nous avons entendues nous ont fait part de leurs questionnements, mais toutes considèrent qu'il faut dépasser le statu quo . Pour Christiane Taubira, le client ne peut plus être indéfiniment considéré comme irresponsable et tenu à l'écart de situations qu'il ne peut ignorer. Marisol Touraine a estimé qu'il fallait veiller à ne pas isoler davantage les personnes prostituées, tout en indiquant qu'elle partageait les objectifs du texte et que les mesures d'accompagnement visaient à créer un nouveau lien de confiance entre les personnes prostituées et les autorités publiques, afin de construire des alternatives à la prostitution. Enfin, Najat Vallaud-Belkacem a rappelé que la très grande majorité des personnes prostituées sont d'ores et déjà dans une situation de précarité et de vulnérabilité, qui rend urgente une réponse claire et volontaire.

En conclusion, je vous invite à adopter les modifications que le président Godefroy et moi-même vous proposerons conjointement afin d'améliorer cette proposition de loi et ainsi d'adopter, pour la première fois dans notre pays, un dispositif cohérent à même d'améliorer durablement la situation des personnes prostituées.

M. Christian Cointat . - Depuis la nuit des temps, personne n'a su résoudre ce problème délicat, difficile, douloureux. Pas plus Marthe Richard que les autorités suédoises. Au Luxembourg, la fermeture des bars montants a alimenté la prostitution de rue, que des rondes de police, pourtant musclées, n'arrivent pas à éradiquer.

Je n'ai pas la réponse. Ma position est dictée par trois grands principes. D'abord, ma farouche opposition à toute loi liberticide ; l'on ne règle pas les problèmes de société par la pénalisation. Ensuite, il n'est ni crédible, ni compréhensible d'interdire l'achat quand on autorise la vente : si l'on interdit l'un, il faut interdire l'autre. Pénaliser le client mais considérer la personne prostituée comme une victime, cela ne marche pas. « Volonté de prendre possession d'un corps moyennent finances » ? Dans la plupart des cas, c'est parce que le corps s'est offert moyennant finances qu'il est pris ! Croyez-moi, cela fait soixante ans que je vis dans le quartier de la rue Saint-Denis, je vois ce qui se passe. Enfin, je n'aime guère les lois de bonne conscience. Il faut être réaliste : ce n'est pas parce qu'on interdit la prostitution qu'on va la supprimer. Il y aura des conséquences, qu'il faut examiner plus avant. La Suède a obtenu des résultats, certes, mais les filles encore soumises à la prostitution se trouvent dans des situations autrement plus dramatiques qu'auparavant.

La rapporteure a accompli un travail remarquable, les auditions ont été passionnantes, mais la proposition de loi s'éloigne par trop de mes convictions, et je ne pourrai vraisemblablement pas vous suivre au moment du vote final.

Mme Catherine Génisson . - Je remercie le président et la rapporteure d'avoir conduit nos travaux avec une telle ouverture d'esprit : vous nous avez incités à réfléchir sans chercher à nous influencer.

La France est abolitionniste, mais non sans ambiguïté. Les personnes prostituées ont des droits sociaux et des devoirs fiscaux. Qu'en sera-t-il si la mesure phare de ce texte est adoptée ? La prostitution a changé de visage, nous n'en sommes plus à la rue Saint-Denis : 90 % des personnes prostituées sont des étrangers, des victimes de la traite, des esclaves modernes. Nous avons la responsabilité de proposer des solutions à ce que Robert Badinter qualifiait de « mal social dramatique ».

Tout en respectant les arguments des travailleurs du sexe, qui revendiquent de pouvoir exercer librement leur métier, je n'accède pas à leur raisonnement. J'apprécie les améliorations apportées au texte en matière de prévention et d'accompagnement social : il est indispensable d'accorder des droits pour permettre une réinsertion respectable.

Abrogation du délit de racolage et pénalisation du client sont corrélées, avez-vous dit. Sur ce dernier point, mon approche n'est pas morale mais pragmatique. Or les personnes que nous avons auditionnées, policiers, magistrats, acteurs du milieu associatif ou de la santé, tous ceux qui luttent contre cet esclavage moderne nous ont dit : ne faites pas ça ; la pénalisation du client va disperser les personnes prostituées, les isoler, les fragiliser, les rendre invisibles. Le client qui encourt une amende deviendra plus exigeant, imposera des baisses de tarif et des rapports non protégés.

Le modèle suédois n'a pas que des vertus : si la prostitution visible a diminué, elle s'exerce désormais dans des conditions plus difficiles. Surtout, elle s'exporte. Difficile, en l'état actuel, de transposer le droit suédois en droit français. Je salue la qualité du travail de la rapporteure et les améliorations qu'elle propose d'apporter à cette proposition de loi. Toutefois, si je comprends sa position sur l'article 16, je ne suis pas convaincue.

Mme Esther Benbassa . - À mon tour de remercier le président et la rapporteure pour leur travail et pour la neutralité avec laquelle ils ont présenté leurs conclusions. Ma position n'est dictée par aucun dogmatisme. Comme je l'ai dit à Najat Vallaud-Belkacem, cette loi de répression relève plus du prohibitionnisme que de l'abolitionnisme, et se contente de soigner les symptômes sans traiter les causes du mal. Ma proposition de loi abrogeant le délit de racolage avait été votée...

M. Jean-Pierre Godefroy , président . - ... à l'unanimité.

Mme Esther Benbassa . - Je regrette que celle-ci conditionne l'abrogation à la pénalisation du client. À Toulouse, un arrêté municipal réprime déjà la prostitution dans la rue : que se passera-t-il si nous ne votons pas la pénalisation du client ? Nous sommes déchirés : voter ou ne pas voter ? Il fallait dissocier les deux questions. Pour la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), la pénalisation du client, difficile à mettre en oeuvre, n'aura d'incidence que sur la prostitution de rue et favorisera la prostitution indoor , moins accessible aux associations et aux pouvoirs publics. Cela risque également de repousser la prostitution aux frontières, comme à la Jonquera ou dans les eaux territoriales danoises entre la Suède et le Danemark.

Je suis moi aussi opposée à toute loi liberticide, et j'affirme haut et fort que chacun a le droit de faire ce qu'il veut de son corps. L'État n'a pas à s'immiscer partout, il y a des limites au jacobinisme ! Le paquet-cadeau suédois ? En 2011, 450 hommes avaient été condamnés à une amende, deux pour traite à des fins sexuelles, onze pour proxénétisme...

Hier, Le Monde publiait un reportage effarant. On va précariser encore davantage les personnes prostituées. Or nous ne savons pas si toutes ces femmes sont des victimes. Il faut regarder la réalité en face, ce n'est pas avec 2,4 millions d'euros que l'on va réinsérer ces femmes. Loin de répondre à la demande des associations et des personnes prostituées, ce texte de moralisation vise surtout à nous donner bonne conscience : on pourra dire que nous avons enfin émancipé la femme... Vous nous mettez devant un vrai dilemme. Il n'est pas fair play d'associer ainsi abrogation du racolage et pénalisation du client. Je suis une personne de conviction, je n'admettrai jamais que l'on m'ait tendu ce piège, ce qui ne m'empêche pas d'approuver certains de vos amendements.

M. Jean-Pierre Vial . - Merci à Michelle Meunier et à Jean-Pierre Godefroy pour la qualité de leur travail sur un sujet difficile. On peut rappeler les grands principes, mais que faire ? Face à ces situations dramatiques, il faut rechercher l'efficacité. Je suis élu d'un territoire dont le parc technologique a longtemps fait le succès ; tout se passait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Depuis quatre ans, nous sommes confrontés à une véritable invasion. Comment savoir lesquelles de ces femmes sont volontaires et lesquelles sont prises dans des réseaux ? Nous devons protéger l'environnement, les enfants, qui se retrouvent sous les mêmes abribus, les étudiantes, tentées de financer leurs études de la sorte... Que devient mon école de la troisième chance, s'il y en a une quatrième, plus facile ?

J'étais encore hier sur le terrain avec les gendarmes et la police municipale. Assez d'hypocrisie : ce n'est pas ce texte qui fera disparaître le plus vieux métier du monde. Soit on laisse faire, soit on essaye de juguler le phénomène et de protéger les femmes qui sont exploitées par des réseaux. Quant aux autres, qui vivent leur activité de façon sereine, je ne les juge pas. Nous en avons entendu certaines à qui j'aurais confié mes petits-enfants...

Comment regretter d'avoir une marge de manoeuvre limitée, quand on pose certains principes tout en refusant d'en appliquer d'autres ? Pour ma part, je suis partisan du délit de racolage. Les femmes de Vincennes disent elles-mêmes que c'est un moindre mal par rapport à la verbalisation du client - l'on aurait cru entendre des policières municipales... La verbalisation du client est inapplicable. La gendarmerie, la police, le parquet le disent. En pratique, pour qu'il y ait pénalisation, il faut qu'il y ait exhibitionnisme. Si la police et la gendarmerie sont obligées de se cacher pour surprendre le client dans cette situation, je ne vois guère de différence avec ces jeunes femmes dénudées sur les trottoirs ou dans leur camionnette.

Je souhaite que les propositions sur le plan social, qui représentent une avancée, soient mises en oeuvre prudemment. Prenons garde à ne pas insécuriser l'environnement de ces femmes, notamment pour celles venant d'Afrique. Pour organiser plus simplement les choses, je suis pour le maintien du délit de racolage et contre la verbalisation des clients, même si cette position est loin d'être majoritaire.

Mme Cécile Cukierman . - Ce texte, qui nous renvoie à l'intime, est difficile à appréhender. Même s'il en approuve une grande partie, mon groupe, comme les autres, est partagé. Je salue la suppression du délit de racolage, car il implique que la femme a décidé de sa situation alors qu'elle est une victime de la société. Certaines se sont convaincues de leur libre-choix, mais je doute qu'elles en soient exaltées. Je salue votre volonté de lutter contre les réseaux, d'aider les femmes à sortir de la prostitution, de les protéger elles et leurs proches, et de renforcer l'éducation, seule à même d'éradiquer ce fléau.

Les auditions m'ont fait évoluer : les associations ont dit leurs interrogations sur la pénalisation des clients prévue à l'article 16, qui ne me satisfait plus. Il est hypocrite sinon moralisateur de sanctionner les clients si la fiscalisation de la prostitution reste en vigueur. Protègerons-nous réellement plus les personnes prostituées en pénalisant les clients ? Interdire la prostitution aurait été plus clair : cela n'aurait pas été liberticide, puisqu'un tel choix aurait été positif pour la société. La question dérange ? Elle vaut pourtant aussi pour les films pornographiques : les personnes qui y apparaissent sont-elles vraiment volontaires ? En ce domaine comme dans d'autres, la pénalisation ne règlera malheureusement pas le problème.

Mon groupe se retrouve sur la volonté d'améliorer le texte. Cependant, je n'ai pas la certitude que la France se range dans les rangs des pays abolitionnistes

Mme Laurence Cohen . - Ce débat est passionnel, politique et lié à l'intime. Je rends hommage à notre rapporteure et à notre président qui ont mené à bien leur mission en faisant preuve de respect et d'ouverture d'esprit, mais leur tâche était ardue tant la prostitution offre de facettes. Dans la plupart des cas, les personnes se prostituent en raison de difficultés économiques ou sociales Si l'on supprimait les injustices, la prostitution reculerait. Hélas, nous en sommes loin : la pauvreté se répand, la précarité explose et la prostitution organisée par des réseaux est en plein essor, car elle est extrêmement lucrative, comme la vente de drogue ou d'armes.

Notre pays a signé la convention des Nations Unies sur l'abolition de la prostitution en 1960, puis a réaffirmé cette position en décembre 2011, mais nous en sommes encore loin. Certains de nos collègues estiment que ce texte est liberticide : mais est-ce l'être que d'infliger une contravention ? En partant de ce principe, il faudrait supprimer le code de la route !

Mme Esther Benbassa . - Ce n'est pas la même chose !

Mme Laurence Cohen . - Ne pas supprimer le délit de racolage ? Mais la prostitution n'est-elle pas une violence extrême infligée aux femmes ? Sont-elles victimes ou coupables ? Nous devons légiférer pour la majorité. Je me réjouis que le texte renforce la lutte contre le proxénétisme. Nous devons bien abroger le délit de racolage et pénaliser les clients. L'article d'hier dans Le Monde m'a choquée, parce qu'il nous invitait finalement à fermer les yeux pour ne pas ajouter à la misère des personnes qui se prostituent. Si les clients qui ont recours à des rapports tarifés ne sont pas responsabilisés, on en restera à l'image d'Épinal du plus vieux métier du monde.

Sans être idéal, ce texte marque une étape. D'ailleurs, je n'ai pas entendu de proposition alternative. Si l'on attend que les autres pays légifèrent, cet esclavage moderne aura encore de beaux jours devant lui ! Les membres de notre groupe, qui est traversé par des interrogations, voteront pour le texte ou s'abstiendront.

Mme Claudine Lepage . - Je félicite notre rapporteure et notre président pour leur travail. De nombreuses questions restent néanmoins sans réponse. Avant tout, le principe d'égalité entre les femmes et les hommes doit s'appliquer et nous devons protéger les victimes de la prostitution qui, ainsi que le Parlement européen l'a rappelé le 26 février 2014, viole la dignité humaine. En aucun cas elle ne doit être considérée comme un métier : c'est une violence. Nous devons lutter contre le proxénétisme et la traite humaine : je partage les conclusions de notre rapporteure et je me réjouis du débat qui s'engage.

M. Alain Gournac . - Quand j'ai été nommé dans cette commission, j'étais persuadé qu'il fallait sanctionner les clients. Grâce à nos auditions et à votre travail, j'ai beaucoup évolué. Toutes les prostituées, sauf les représentants du Nid, nous ont demandé de ne pas pénaliser les clients pour éviter d'avoir à se cacher dans des endroits dangereux. Hier encore, Médecins du Monde nous a dit : « Les prostituées vous parlent, écoutez-les avant de légiférer ». La brigade de répression du proxénétisme nous a expliqué que la pénalisation des clients serait inapplicable. Même son de cloche du côté de la justice, les magistrats estimant qu'il s'agit d'une fausse bonne idée.

Si je suis tout à fait favorable aux actions pour aider ces personnes à sortir de la prostitution, nous ne devons pas supprimer le délit de racolage : les réseaux en seraient renforcés et la police ne pourrait plus obtenir d'informations des personnes prostituées. Je ne voterai rien qui mette ces femmes en danger : il faut les défendre et en finir avec l'image du plus vieux métier du monde.

Mme Muguette Dini . - Je vous remercie pour le travail accompli. J'ai assisté à des auditions comme j'avais assisté à celles qu'avaient réalisées Jean-Pierre Godefroy et Chantal Jouanno. Chacune a apporté sa part de vérité sur ce monde inconnu qu'est la prostitution, même lorsque l'une contredisait l'autre. Les femmes prostituées sont, pour une infime minorité d'entre elles, volontaires, mais une très large majorité sont victimes de proxénètes, de conditions économiques défavorables ou encore d'elles-mêmes.

Je voterai en faveur de la pénalisation des clients, qui doivent prendre conscience qu'il n'est pas normal d'acheter un service sexuel : l'échange est par trop inégal et la prostitution n'est pas dans l'ordre des choses.

Je ne crois pas à l'efficacité des sanctions et l'État ne fera pas fortune avec les contraventions qui seront infligées aux clients. Cependant, nous pourrons utiliser l'interdit que le texte va poser pour faire de la prévention et de l'éducation. Réaffirmons que les hommes et les femmes sont égaux et qu'un corps ne s'achète pas comme une marchandise. La prostitution ne sera pas abolie, elle diminuera parce que la loi va raréfier la demande dans notre pays. Ensuite, l'Europe devra prendre le relais. Avec ce texte, nous progressons dans la bonne direction.

Mme Gisèle Printz . - Tout d'abord, félicitations à notre rapporteure et à notre président. Cette loi renforcera la lutte contre les réseaux mafieux. Les revenus de la prostitution ne doivent pas être intégrés au produit intérieur brut (PIB).

Mme Catherine Génisson . - Elle ne l'est pas chez nous !

Mme Gisèle Printz . - Dans d'autres pays, si. Et si la prostitution était un métier, pourquoi ne l'enseignerait-on pas dans les écoles ? Non, il ne faut pas intégrer ce qu'elle rapporte dans le PIB.

Mme Catherine Deroche . - À mon tour de féliciter notre rapporteure et notre président. La prostitution n'est pas un métier, mais une activité, parfois librement consentie par certaines femmes. J'en reste à ma position de départ : dans la mesure où la prostitution est autorisée et où le délit de racolage est supprimé, il serait intellectuellement incohérent de pénaliser le client. En outre, j'ai été sensible aux arguments juridiques de la CNCDH.

M. Michel Bécot . - Je salue ce travail qui m'a fait mieux connaître la prostitution. Le texte luttera efficacement contre le proxénétisme et contre la traite des personnes humaines si des moyens supplémentaires sont dégagés, ce que personne n'a encore fait. Aidons d'abord la police. Or celle-ci nous a demandé de ne pas supprimer le délit de racolage afin de pouvoir remonter les filières. Après toutes ces auditions, je ne suis pas convaincu par l'idée de pénaliser les clients, qui risque de fragiliser encore un peu plus ces femmes qui vont se retrouver dans des situations impossibles.

En revanche, je suis tout à fait favorable à la prévention et à l'accompagnement des personnes qui veulent sortir de la prostitution. Ce texte va faire prendre conscience aux clients que la prostitution n'est pas un acte normal.

Mme Marie-Françoise Gaouyer . - Il m'est arrivé de travailler avec des prostituées et j'ai dû désigner des affaires au procureur de la République. Nous devons maintenant prendre notre courage à deux mains.

Je félicite notre rapporteure et notre président pour leur travail. Avec ce texte, nous en sommes à un moment crucial : il faut que cesse cette volonté de consommer à tout prix, qu'il s'agisse de biens matériels ou de corps humains. Dans son cours d'économie, ma fille a appris que la demande crée l'offre, d'où l'importance de pénaliser la demande.

Récemment, une personne proche d'un proxénète m'a dit que le milieu était ravi, car les femmes prostituées vont disposer d'un permis de séjour, ce qui aidera les proxénètes à amener de la « chair fraîche », souvent d'autres continents. Cependant, j'ai vu arriver dans des maisons de retraite des femmes âgées qui sortaient de services de psychiatrie et qui y sont devenues prostituées.

Derrière tout cela, il y a des êtres humains. J'en ai assez de voir les femmes montrées du doigt, comme si elles étaient coupables. Il est temps que les hommes se posent à leur tour des questions sur leurs choix. Certaines étudiantes se prostituent pour payer leurs études, mais parfois aussi pour s'offrir des produits de luxe. L'éducation doit mettre un terme à ces désordres qui entraînent souvent des séquelles physiques et morales ineffaçables. C'est en pénalisant les clients que nous modifierons les comportements. Les femmes ne doivent plus être considérées comme un produit de consommation par les hommes. Pour moi, le changement, c'est maintenant.

M. Jean-Pierre Godefroy , président . - J'ai déjà entendu cela quelque part.

Mme Christiane Kammermann . - Moi aussi, j'attends, le changement... Merci pour votre magnifique travail, madame la rapporteure, monsieur le président.

L'interdiction n'aboutira à rien et la prostitution continuera comme avant. Face à une misère sociale considérable, il importe de lutter contre les proxénètes, qui traitent les femmes de façon abominable. Je continue à m'interroger sur la pénalisation du client. J'espère me déterminer avant la fin de nos travaux.

Mme Maryvonne Blondin . - L'Union européenne et le Conseil de l'Europe ont présenté des recommandations sur la pénalisation du client : en réduisant la demande, elle tarira l'offre. Certains estiment que cela ne servira à rien, mais lorsqu'un employeur est contrôlé alors qu'il ne déclare pas son salarié, il est responsable du travail dissimulé et pas son salarié. Il en est de même pour ceux qui vendent du tabac ou de l'alcool aux mineurs de seize ans. Il est de notre devoir d'afficher un interdit et de dire au client qu'il est responsable de son acte. Il s'agit tout de même du corps d'autrui !

M. Jean-Pierre Godefroy , président . - Je travaille sur ce dossier depuis le début de la mission d'information que j'ai conduite avec Chantal Jouanno, c'est-à-dire depuis deux ans. Le débat sur le racolage et la pénalisation du client me semble fausser les données : j'ai déposé un amendement qui supprime la pénalisation des clients car cette sanction serait bien moins efficace que le délit de racolage. En outre, les forces de l'ordre et les magistrats auraient du mal à l'appliquer.

Lorsque le Sénat avait examiné la proposition de loi d'Esther Benbassa, j'avais déjà émis des réserves sur la suppression totale du délit de racolage. La situation va être paradoxale : la prostitution sera licite ainsi que le racolage, mais il y aura interdiction d'accès à quelque chose d'autorisé. Cette mesure risque d'être censurée par le Conseil constitutionnel, car la loi va dire tout et son contraire.

M. Christian Cointat . - Absolument !

M. Jean-Pierre Godefroy . - J'ai rencontré deux fois les responsables de la brigade de répression du proxénétisme, les directeurs successifs de l'OCRTEH, des magistrats au tribunal de Paris, l'adjointe au maire de Paris en charge de ces questions et je me demande si nous ne risquons pas de réduire les moyens d'investigation de la police et de la justice en supprimant le délit de racolage.

Les Italiens nous montrent l'exemple en protégeant les personnes prostituées en cas de dénonciation et en leur offrant un accès à la justice, ce qui est au moins aussi efficace que la pénalisation des clients. Le code pénal donne tous les outils nécessaires. Encore faut-il que l'OCRTEH et la brigade de répression du proxénétisme disposent de moyens supplémentaires. C'est bien la politique qui a été suivie à l'égard des repentis en Italie, afin de lutter contre les réseaux mafieux. Il serait bon de nous en inspirer.

Quant à la pénalisation du client, j'ai des doutes sur la transformation du procès-verbal en délit. Cette transformation suppose que les clients soient répertoriés. Est-ce possible sans fichage ?

Laurence Cohen disait qu'il fallait légiférer pour la majorité. Pourtant, le législateur a toujours le souci de prendre en compte les minorités. C'est d'autant plus nécessaire, en l'occurrence, que certaines des personnes auditionnées nous ont déclaré se prostituer volontairement. Quant au problème de mise sur le marché abordé par Marie-Françoise Gaouyer, je crains que la dépénalisation du racolage ne fasse l'affaire des réseaux : ils se moquent que le client soit pénalisé, pourvu que les personnes qu'ils mettent sur le marché leur rapportent tant par jour. Pour toutes ces raisons, j'ai déposé un amendement de suppression.

Mme Michelle Meunier , rapporteure . - Nous débattons, comme l'a dit Christian Cointat, d'un sujet difficile et douloureux. Si nous sommes d'accord pour considérer que la prostitution est une violence faite aux femmes, les mouvements féministes et les associations, y compris la mienne il y a une vingtaine d'années, n'ont pas tous la même position que celle que je défends.

Lorsque l'on parle de liberté, de laquelle s'agit-il ? Est-ce celle de la personne prostituée ? Je voudrais qu'on me le démontre. J'entends dire que nous avons préparé un texte moralisateur. Il n'a jamais été question de morale dans nos propos. On nous incite au pragmatisme et à l'efficacité. Cette proposition de loi ne règlera pas tout - peut-être lui en demande-t-on trop. Elle représente une étape importante sur le chemin parcouru depuis les années 1960 par la France dans sa position abolitionniste. Qu'en est-il d'ailleurs de l'efficacité des lois contre la fraude fiscale ou la protection de l'environnement ?

Nous aurons en tout cas provoqué un changement de regard sur les personnes prostituées, que l'on ne considérera plus comme des délinquantes mais comme des victimes, sur les proxénètes et les réseaux mafieux, enfin sur les clients, que l'on regardera désormais avec moins d'indulgence.

Certaines personnes anciennement prostituées nous ont dit la honte et le dégoût de soi qu'elles avaient ressentis. Cette proposition de loi fera changer la honte de camp, comme l'ont souhaité certaines associations, et permettra que les personnes prostituées aient des relations plus confiantes avec les autorités policières et judiciaires. Espérons qu'elles reçoivent désormais la protection qu'elles méritent.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 1 er bis (nouveau)

Mme Michelle Meunier , rapporteure . - Avec l'amendement n° 1, les travailleurs sociaux seront également formés à l'identification des situations de prostitution, de proxénétisme et de traite des êtres humains.

L'amendement n° 1 est adopté.

Article 1 er ter A (nouveau)

Mme Michelle Meunier , rapporteure . - L'amendement n° 2 supprime la procédure de domiciliation spécifique dont bénéficieraient les prostituées pour les démarches administratives, qui accroît le risque de stigmatisation.

Mme Laurence Cohen . - Pourquoi cet amendement ? Dès lors que la prostitution est une violence, les personnes qui y sont soumises doivent bénéficier de protections, en particulier de celle fournie par cette procédure de domiciliation auprès d'une association ou d'un avocat qui leur permet de se cacher des réseaux.

Mme Michelle Meunier , rapporteure . - Le droit commun s'applique déjà à ces personnes. Les mesures auxquelles vous faites allusion sont prévues par l'article 1 er ter .

L'amendement n° 2 est adopté ; en conséquence, l'article 1 er ter A nouveau est supprimé.

Article 1 er ter (nouveau)

Mme Michelle Meunier , rapporteure . - L'article 1 er ter introduit la possibilité pour les personnes prostituées de témoigner anonymement contre leurs clients, alors que ceux-ci ne sont coupables que d'une contravention. Cette disposition présenterait un risque d'inconstitutionnalité ou de contrariété à la jurisprudence de la CEDH, d'où l'amendement n° 3 qui conserve uniquement la possibilité, pour les victimes de la traite ou du proxénétisme, de déclarer leur adresse au domicile d'un avocat ou d'une association d'aide aux personnes prostituées ainsi que de bénéficier d'une identité d'emprunt et des mesures de protection prévues par la commission nationale des « repentis ».

L'amendement n° 3 est adopté.

Article 1 er quater (nouveau)

Mme Michelle Meunier , rapporteure . - Imposer au gouvernement l'obligation de fournir chaque année des données dans un domaine où la coopération est encore balbutiante risque d'être contreproductif. L'amendement n° 4 supprime cet article. Un amendement à l'article 18 en reprendra les dispositions afin que ces questions puissent être traitées dans le cadre du rapport plus global qui dressera le bilan de l'application de la proposition de loi deux ans après sa promulgation.

L'amendement n° 4 est adopté ; en conséquence, l'article 1 er quater est supprimé.

Article additionnel après l'article 1 er quater (nouveau)

Mme Michelle Meunier , rapporteure . - Transposant la mesure 13 du plan d'action national contre la traite des êtres humains 2014-2016, l'amendement n° 5 étend le domaine de compétence des inspecteurs du travail à la constatation des infractions de traite des êtres humains en général.

MM. Jean-Claude Requier et Michel Bécot . - Cela revient à dire que la prostitution est un travail.

Mme Michelle Meunier , rapporteure . - Les inspecteurs du travail contrôlent bien le travail au noir qui, par définition, est illégal.

Mme Maryvonne Blondin . - Il s'agit du code du travail.

Mme Esther Benbassa . - Cela veut dire que c'est un métier.

Mme Catherine Deroche . - L'amendement n'est pas limité à la prostitution.

Mme Michelle Meunier , rapporteure . - Cela concerne par exemple les salons de massage et les bars à hôtesses qui abritent parfois la prostitution.

M. Jean-Pierre Godefroy , président . - Nous reprenons la mesure 13 du plan de lutte contre la traite, selon laquelle « il convient de modifier la loi afin d'accorder une compétence explicite aux inspecteurs du travail pour constater par procès-verbal les situations illégales de traite des êtres humains, de soumission à un travail ou à des services forcés, d'esclavage ou de pratiques analogues à l'esclavage, dans la mesure où ils sont déjà compétents pour constater les infractions pénales de conditions de travail et d'hébergement contraires à la dignité ».

L'amendement n° 5 est adopté.

Article 3

Mme Michelle Meunier , rapporteure . - L'amendement n° 6 réécrit entièrement l'article L. 121-9 du code de l'action sociale et des familles, qui définit les missions de l'État auprès des personnes « en danger de prostitution ». Il définit les missions générales d'assistance et de protection de l'État auprès des personnes victimes de la prostitution, du proxénétisme ou de la traite des êtres humains. L'instance chargée de suivre l'accompagnement de ces victimes sera présidée par le préfet et composée de quatre collèges de taille équivalente représentant les services de la justice, de l'État, des collectivités territoriales et des associations.

La seconde partie comporte les dispositions relatives à la sortie de la prostitution. Plutôt que de « parcours de sortie de la prostitution », on parlera d'un « projet d'insertion sociale et professionnelle » ; l'autorité administrative étant une notion trop floue, le préfet autorisera l'entrée dans ce projet et son renouvellement ; l'aide financière prévue sera versée aux personnes ne bénéficiant ni du RSA, ni de l'ATA, l'accès aux dispositifs de droit commun restant la priorité ; au moment du renouvellement du projet d'insertion, il sera tenu compte du respect par la personne de ses engagements et des difficultés rencontrées ; enfin, l'agrément, dont les conditions seront définies par décret, sera ouvert à toutes les associations ayant pour objet l'accompagnement des personnes en difficulté, pourvu qu'elles s'engagent à respecter ces conditions.

L'amendement n° 6 est adopté ; l'amendement n° 34 devient sans objet.

Mme Esther Benbassa . - L'abrogation de l'article 42 de la loi sur la sécurité intérieure, combinée à d'autres mesures prévues par le texte, aboutit à conditionner l'assistance à l'arrêt de la prostitution. Les principes de non-discrimination et d'égal accès aux droits doivent ici prévaloir : l'amendement n° 35 supprime, en conséquence, les alinéas 9 à 11 de l'article 3.

Mme Michelle Meunier , rapporteure . - Cet amendement est satisfait : il n'est plus question, dans l'amendement de réécriture de l'article 3, de conditionner l'entrée dans le projet d'insertion sociale et professionnelle à l'abandon de la prostitution. Je vous proposerai à l'article 6 de supprimer expressément toute condition d'arrêt de la prostitution pour l'autorisation provisoire de séjour.

L'amendement n° 35 est retiré

Article additionnel après l'article 3

M. Jean-Pierre Godefroy . - L'amendement n° 23 ajoute les personnes engagées dans un projet d'insertion sociale et professionnelle ainsi que les victimes de la traite des êtres humains et du proxénétisme à la liste des publics prioritaires pour l'attribution des logements sociaux. Leur statut d'anciennes personnes prostituées ne doit pas être un obstacle à cette attribution.

M. Michel Bécot . - Je crains que ce soit un voeu pieux.

Mme Michelle Meunier , rapporteure . - La liste des publics prioritaires pour l'attribution de logements sociaux, déjà très large, inclut ces publics. Mieux vaut veiller à une bonne application de la loi, afin que les personnes prostituées ne soient pas discriminées dans les procédures d'attribution. Évitons la stigmatisation, et la confusion qui rendrait l'article inapplicable. Pourquoi d'ailleurs ne pas étendre la liste à d'autres catégories ? Je demande le retrait de cet amendement.

M. Jean-Pierre Godefroy . - Pour avoir présidé des commissions d'attribution de logements, je crains que s'il est fait état de la situation de ces personnes, la priorité soit donnée à d'autres.

Mme Catherine Génisson . - Ces personnes ne rentrent pas forcément dans la liste évoquée par notre rapporteure : elles ne sont pas toujours dans des situations de précarité extrême. Il est primordial qu'elles puissent se loger dignement dès lors qu'elles sont engagées dans un projet de réinsertion sociale. Les commissions d'attribution de logement n'ont d'ailleurs pas à faire état publiquement des motifs d'attribution.

L'amendement n° 23 est adopté.

Article 4

M. Jean-Pierre Godefroy , président . - L'article 4 prévoyant d'affecter au fonds pour la prévention de la prostitution une partie du produit des amendes perçues auprès des clients, les amendements déposés sur cet article seront examinés après les articles 16 et 17, puisqu'il s'agit de mesures de cohérence avec ces articles.

L'article 4 est réservé.

Article 6

Mme Michelle Meunier , rapporteure . - Cet article subordonne l'octroi d'une autorisation provisoire de séjour de six mois non seulement à l'engagement de la personne prostituée dans le parcours de sortie de la prostitution créé par l'article 3, mais aussi à la cessation de son activité de prostitution. Or les deux ne sont pas forcément simultanés, la seconde s'opérant souvent de manière progressive. L'amendement n° 9 supprime donc cette deuxième condition.

L'amendement n° 9 est adopté ; l'amendement n° 21 devient sans objet.

M. Jean-Pierre Godefroy . - La CNCDH recommande dans son avis du 22 mai 2014 que soit délivrée de plein droit à tout étranger à l'égard duquel des éléments concordants laissent présumer qu'il est victime de traite ou d'exploitation une autorisation provisoire de séjour puis une carte de séjour temporaire avec la mention « vie privée et familiale ». Dans cet esprit, l'amendement n° 25 fait de la délivrance de l'autorisation provisoire de séjour des victimes de la traite et du proxénétisme une garantie et non plus une faculté laissée à l'appréciation du préfet. Afin que les personnes prostituées, qui vivent dans une complète clandestinité, retrouvent leur liberté ainsi que la possibilité de parler et de participer au démantèlement des réseaux criminels, la protection doit leur être assurée.

M. Michel Bécot . - Ne créera-t-on pas ainsi un appel d'air incitant d'autres personnes à venir se prostituer en France ?

M. Jean-Pierre Godefroy . - Encore faudra-t-il, pour bénéficier de cette protection, s'engager dans un parcours.

M. Michel Bécot . - Comment être sûr qu'elles y resteront ?

M. Jean-Pierre Godefroy . - Sinon, la protection est retirée.

Mme Catherine Génisson . - Nous sommes tous d'accord sur le constat ; au-delà des pétitions de principe, il nous incombe d'apporter à la prostitution des réponses pragmatiques.

M. Christian Cointat . - Je suis d'accord avec cet amendement : à défaut d'un tel permis, ces personnes ne porteront pas plainte. Dès lors qu'elles seront engagées dans le parcours de sortie de la prostitution, il leur sera difficile de tricher : cela leur coûterait cher.

Mme Michelle Meunier , rapporteure . - Modifié par l'amendement n° 9, l'article 6 a atteint un équilibre : si l'amendement n° 21 était trop restrictif, celui-ci, et d'autres à sa suite, tombent dans l'excès inverse en instaurant une compétence liée pour le préfet dans la délivrance et le renouvellement du titre, y compris dans le cas de personnes qui dénoncent leur réseau ou témoignent contre lui dans une procédure pénale.

Il est nécessaire, dès lors que nous supprimons la condition de sortie de la prostitution, que le préfet garde un pouvoir d'appréciation pour l'octroi de l'autorisation provisoire de séjour aux personnes engagées dans le projet d'insertion ; et plus encore en matière de procédure pénale, où existe un risque de dénonciations calomnieuses et de faux témoignages. Mon avis est donc défavorable.

Mme Maryvonne Blondin . - Tout en ayant cosigné cet amendement, je m'interroge sur la compétence du préfet.

M. Christian Cointat . - Mon expérience de représentant des Français établis hors de France me fait préférer le présent au conditionnel : les visas qui peuvent être délivrés ne le sont jamais, parce que l'administration ne veut pas prendre de risque. Il vaut mieux signifier la volonté claire du législateur, quitte à déplaire à l'administration.

L'amendement n° 25 est adopté.

Mme Esther Benbassa . - L'amendement n° 36 refuse que soient traitées différemment les victimes qui continuent l'activité de prostitution et celles qui l'ont cessée et ont déposé plainte contre les réseaux. Dans son avis du 22 mai 2014, la CNCDH recommande qu'un titre de séjour temporaire soit remis de plein droit et sans condition à tout étranger à l'égard duquel des éléments concordants laissent présumer qu'il est victime de traite ou d'exploitation. La commission rappelait, dans une étude d'octobre 2010, que « subordonner leur délivrance à la cessation d'une activité licite constitue une discrimination, en violation des textes internationaux auxquels la France est partie ».

Mme Michelle Meunier , rapporteure . - Il est contre-productif d'écrire que cette condition n'est pas demandée lorsqu'aucun texte ne l'exige. L'article R. 316-4 du code de l'entrée et du séjour prévoit seulement que la personne ne doit pas avoir renoué de lien avec le proxénète qu'elle dénonce.

L'amendement prévoit ensuite que le titre de séjour soit délivré à la prostituée engagée dans le parcours de sortie sans que le préfet conserve une marge d'appréciation, ce que je désapprouve d'autant plus que nous avons également proposé la suppression de la condition de sortie de la prostitution. Mon avis est défavorable.

Mme Esther Benbassa . - Je suis perplexe : on se priverait d'un moyen d'appréhender les proxénètes.

M. Jean-Pierre Godefroy , président . - La partie de votre amendement relative au début de l'alinéa 5 est satisfaite ; seule reste votre première demande sur la condition de cessation de l'activité de prostitution.

Mme Laurence Cohen . - Cet amendement est intéressant, car certaines personnes prostituées auront besoin de temps pour s'insérer dans un processus de sortie.

M. Jean-Pierre Godefroy , président . - Ce point est satisfait par l'amendement n° 26.

M. Christian Cointat . - Soyons prudents : la loi n'interdit pas la poursuite de l'activité de prostitution mais, dès lors que nous le soulignons, nous créons un appel d'air qui fera affluer des prostituées. Comme l'a bien dit la rapporteure, il n'est pas opportun d'attirer l'attention sur l'absence de cet interdit.

L'amendement n ° 36 est retiré.

M. Jean-Pierre Godefroy . - L'amendement n° 28 relève de six mois à un an la durée de l'autorisation provisoire de séjour délivrée à l'étranger victime de proxénétisme ou de traite des êtres humains engagé dans un projet d'insertion sociale et professionnelle. Même si cette autorisation est renouvelable, six mois semblent courts pour envisager une véritable sortie de la prostitution.

Mme Michelle Meunier , rapporteure . - Il serait peu cohérent d'accorder un droit de séjour plus long à la prostituée engagée dans le projet d'insertion qu'à celle qui dénonce des faits criminels à ses risques et périls. Avis défavorable.

Mme Muguette Dini . - Ne peut-on régler le problème en portant les deux à un an ?

Mme Michelle Meunier , rapporteure . - C'est d'ordre règlementaire. Nous pouvons interroger le Gouvernement...

M. Christian Cointat . - Nous sommes les législateurs, nous n'avons pas d'avis à demander au Gouvernement. Nous savons que six mois sont insuffisants, même si cette durée est plus acceptable politiquement. Prenons nos responsabilités, passons à un an.

M. Jean-Pierre Godefroy . - Il y aura un débat en séance avec le Gouvernement.

Mme Muguette Dini . - Je demande un sous-amendement de cohérence.

M. Jean-Pierre Godefroy . - Nous y penserons, c'est promis

L'amendement n ° 28 est adopté.

M. Jean-Pierre Godefroy . - L'amendement n° 26 complète le précédent et donne satisfaction à Esther Benbassa sur celui qu'elle a retiré.

L'amendement n° 26 est adopté.

M. Jean-Pierre Godefroy . - La carte de séjour temporaire délivrée à l'étranger qui dépose plainte contre une personne qu'il accuse des infractions de proxénétisme ou de traite des êtres humains sera renouvelée de droit pendant toute la durée de la procédure pénale. L'amendement n° 27 applique le même principe aux personnes engagées dans un projet d'insertion sociale et professionnelle tel qu'il est prévu à l'article 3.

Mme Michelle Meunier , rapporteure . - J'y suis défavorable, selon la même logique que précédemment.

L'amendement n° 27 est adopté ; l'amendement n° 37 devient sans objet.

Article 8

Mme Michelle Meunier , rapporteure . - L'amendement de simplification rédactionnelle n° 19 tire les conséquences des modifications introduites à l'article 3 de façon à retenir la définition la plus large possible du champ des associations qui pourront bénéficier de l'allocation de logement temporaire.

L'amendement n° 19 est adopté.

Article 9 bis

Mme Michelle Meunier , rapporteure . - Les violences, agressions sexuelles et viols sont des faits d'une extrême gravité ; l'amendement n° 10 refuse cependant qu'ils soient considérés par principe comme plus graves s'ils concernent une personne qui se prostitue. Le droit commun comprend déjà des dispositions protectrices pour les personnes prostituées en situation de vulnérabilité.

L'amendement n° 10 est adopté.

Article 11

Mme Michelle Meunier , rapporteure . - Tout en opérant une simplification rédactionnelle, l'amendement n° 11 refuse que les associations d'utilité publique qui interviennent auprès des personnes en danger de prostitution puissent exercer les droits de la partie civile sans l'accord de la victime. Les associations reconnues d'utilité publique pourraient se porter partie civile dans les affaires de réduction en esclavage, d'exploitation d'une personne réduite en esclavage, de traite des êtres humains, de proxénétisme, de recours à la prostitution, de travail forcé et de réduction en servitude, même sans l'accord de la victime. Une telle différence de régime entre les associations déclarées depuis cinq ans, qui ne pourront pas intervenir sans l'accord de la victime, et les associations reconnues d'utilité publique n'est pas fondée. Il est préférable dans tous les cas que la victime donne son accord pour être aidée par une association.

M. Jean-Pierre Godefroy . - On sait que ces personnes sont exposées à des représailles ; une association se portant partie civile sans leur accord leur ferait courir un risque qu'elles ne souhaitent pas assumer.

L'amendement n° 11 est adopté.

Article additionnel après l'article 14

Mme Esther Benbassa . - Il semble indispensable de réformer le repérage et la prise en charge des prostitués mineurs, et d'améliorer la connaissance de ce phénomène inquiétant : c'est le but de l'amendement n° 38. Une étude doit également être menée sur la prostitution des étudiants.

Mme Michelle Meunier , rapporteure . - L'article 18 prévoit déjà que le sujet de la prostitution des mineurs sera traité dans le rapport qui sera publié deux ans après la promulgation de la loi. En revanche, rien n'existe sur la question de la prostitution des étudiants. Plutôt que d'ajouter une demande de rapport, je vous propose de sous-amender l'amendement de réécriture de l'article 18 que je vous présenterai. Le rapport porterait ainsi sur l'évolution « de la situation, du repérage et de la prise en charge des mineurs victimes de la prostitution et des étudiants contraints de s'y livrer ».

M. Jean-Pierre Vial . - Seul le délit de racolage rend possible de répertorier un tel public.

Mme Laurence Cohen . - Internet aussi.

L'amendement n° 38 est retiré.

Intitulé du chapitre II

L'amendement n° 33 est devenu sans objet.

Article 14 ter

Mme Michelle Meunier , rapporteure . - L'amendement n° 13 réécrit l'article 14 ter . L'accompagnement sanitaire des personnes prostituées ne saurait relever exclusivement de l'État. Quant aux mesures de prévention qui seront mises en place, le terme risques est préférable à celui de dommages, dont le périmètre est plus difficile à interpréter.

L'amendement n° 13 est adopté.

Article 15

Mme Michelle Meunier , rapporteure . - Afin de rendre plus lisibles et plus efficaces les dispositions des articles 15 et 15 bis A, l'amendement n° 14 crée un nouvel article dans le code de l'éducation prévoyant une information sur les « réalités de la prostitution » et sur les « enjeux liés aux représentations sociales du corps humain », de manière que soient abordés des sujets plus larges que ceux relatifs à la seule « marchandisation des corps ».

M. Christian Cointat . - Que veut dire exactement « représentation sociale du corps humain » ?

M. Jean-Pierre Michel . - Je suis d'accord avec l'amendement, mais si le texte venait en séance, il conviendrait de préciser que cette information ne doit être dispensée ni par des policiers ni par des gendarmes. Celle qu'ils donnent dans les établissements scolaires sur les substances toxiques est une véritable publicité.

Mme Catherine Génisson . - Pourquoi ne pas exiger simplement une formation particulière pour traiter de ces questions ? Je suis moins pessimiste que Jean-Pierre Michel sur les capacités des forces de l'ordre.

Mme Michelle Meunier , rapporteure . - Les « enjeux liés aux représentations sociales du corps humain », c'est tout ce qui concourt aux clichés sur les rôles des hommes et des femmes.

M. Christian Cointat . - Est-ce une notion reconnue juridiquement ?

Mme Michelle Meunier , rapporteure . - Ni plus ni moins que « marchandisation des corps ». Les représentations sont par exemple les publicités, les images médiatiques et tout ce qu'elles véhiculent.

Mme Muguette Dini . - Est-on obligé d'écrire « sociales » ?

Mme Catherine Génisson . - « Sociétales » serait mieux, quoiqu'il me semble préférable à moi aussi de supprimer simplement l'adjectif.

M. Christian Cointat . - Si ce n'est pas un terme juridique, vous aurez des questions en séance.

M. Jean-Pierre Godefroy . - L'égalité entre les femmes et les hommes est en jeu ici, ainsi que l'image de la femme. Cette formule, plus large que celle de « marchandisation » nous a paru favoriser une formation plus étendue.

M. Gérard Roche . - Voilà encore le langage ésotérique des législateurs, alors qu'il s'agit de s'adresser à des enfants ou à leurs parents. « Marchandisation » est bien plus compréhensible.

Mme Esther Benbassa . - Je serais d'accord, s'il ne s'agissait que de mes enfants, mais vous vous exposez à une nouvelle polémique, après celle sur les ABCD de l'égalité, dans lesquels il n'y avait cependant pas grand-chose. Si l'on parle maintenant aux parents de « marchandisation des corps » et de « réalités de la prostitution », on est perdus.

M. Jean-Pierre Michel . - L'expression « représentations sociales du corps humain » est trop large. Ces représentations constituent des espèces de prototypes ; il y a par exemple une représentation sociale de la mère de famille, astreinte aux tâches domestiques.

Mme Michelle Meunier , rapporteure . - Nous proposons d'écrire : « Une information sur les réalités de la prostitution est dispensée dans les collèges et les lycées par groupes d'âge homogènes. Elle porte également sur les enjeux liés aux représentations sociales du corps humain . »

M. Gérard Roche . - Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement.

L'amendement n° 14 est adopté.

Article 15 bis A (nouveau)

L'amendement de conséquence n° 15 est adopté et l'article 15 bis A est supprimé.

Article additionnel après l'article 15 bis A (nouveau)

Mme Michelle Meunier , rapporteure . - Les préoccupations exprimées par Hélène Masson-Maret dans son amendement n° 22 me semblent en grande partie satisfaites par le droit existant puisque l'article L. 312-17-1 permet d'ores et déjà d'aborder les questions relatives à la lutte contre les préjugés sexistes, contre les violences faites aux femmes et contre les violences commises au sein du couple. Mon amendement à l'article 15 prévoit une information sur les réalités de la prostitution ainsi que sur les enjeux liés aux représentations sociales du corps humain. Enfin, l'article 15 bis précise le contenu de l'éducation sexuelle à l'école. Je vous proposerai un amendement visant à ce que ces séances d'éducation sexuelle présentent une vision égalitaire des relations entre les femmes et les hommes et contribuent à l'apprentissage du respect dû au corps humain.

L'amendement n° 22 n'est pas adopté.

Article 15 bis (nouveau)

Mme Michelle Meunier , rapporteure . - L'amendement n° 16 reformule l'article 15 bis pour bien marquer que l'éducation à la sexualité présente une vision égalitaire des relations entre les femmes et les hommes et contribue à l'apprentissage du respect du corps humain.

L'amendement n° 16 est adopté.

Article 16

M. Jean-Pierre Godefroy . - Nous en venons à l'amendement n° 20, qui supprime l'article 16. Nous en avons parlé longuement, je ne refais pas le plaidoyer...

Mme Catherine Génisson . - Nous poursuivons tous le même but, il n'y pas les vertueux d'un côté, les méchants de l'autre. Je réfute la comparaison entre l'interdiction de la prostitution et l'interdiction de la consommation de tabac ou d'alcool.

Mme Maryvonne Blondin . - Je parlais de l'efficacité de la loi.

Mme Catherine Génisson . - On ne peut comparer la consommation du corps humain à celle de ces produits !

M. Christian Cointat . - D'autant plus que ce n'est pas le tabac qui demande à être payé.

Mme Catherine Génisson . - La pénalisation du client, un signal fort ? Je crains qu'elle soit surtout contreproductive : on va jeter ces femmes dans la clandestinité, la prostitution continuera de prospérer sur Internet ou dans les salons de massage. Ce n'est pas rendre service à ces femmes qui sont des esclaves modernes. Renforçons plutôt la lutte contre la traite, avec des mesures efficaces comme l'octroi d'autorisations de séjour.

Mme Esther Benbassa . - Je suis tout à fait d'accord avec Catherine Génisson. La pénalisation serait contreproductive et préjudiciable. Les riches clients y échapperont sans difficulté, et recevront simplement les call girls à l'hôtel.

M. Michel Bécot . - Bien sûr !

Mme Esther Benbassa . - Notre souci doit être de protéger ces femmes qui vont se retrouver dans la clandestinité, face à des clients rendus plus exigeants, qui leur imposeront des rapports non protégés. Les associations auront plus de mal à leur distribuer des moyens de protection, à leur prodiguer aide et conseils. Ces femmes seront isolées et donc fragilisées. Elles disparaitront de notre vue. Comment dès lors les faire adhérer à des projets de réinsertion ? En Suède, la prostitution de rue aurait disparu ? Elle n'a jamais été bien importante, dans un pays où il neige sept mois par an... Ne précarisons pas davantage ces femmes. Ce n'est pas le client que nous pénaliserions, mais elles !

Mme Laurence Cohen . - Il n'y pas ici le camp des bons et le camp des méchants. Cela dit, pénaliser le client ne se fait nullement au détriment de la prévention. Ne caricaturons pas les choses : la Suède mène un combat important contre les réseaux qui sévissent sur Internet. La pénalisation du client est un moyen, même s'il n'est pas le plus efficace...

Mme Catherine Génisson . - On va précariser les plus précaires.

Mme Laurence Cohen . - Il est bon de responsabiliser ceux qui ont recours aux actes sexuels tarifés.

Mme Maryvonne Blondin . - Jamais je n'ai comparé le corps de la femme à l'alcool ou au tabac. J'ai simplement rappelé qu'en cas de travail au noir, c'est l'employeur qui est condamné, et qu'il fallait songer à l'efficacité de la loi.

M. Jean-Pierre Godefroy . - Pour étayer mon argumentation, j'aurais pu citer l'avis du Conseil du droit pénal du Danemark, qui a renoncé à la pénalisation du client, tout comme le Parlement écossais. La présidente de la CNCDH, plutôt favorable à la pénalisation il y a un an, a changé d'avis. Enfin, dans un arrêt de 2005, la CEDH a estimé que les relations sexuelles entre adultes sont libres et échappent à l'ingérence des pouvoirs publics du moment qu'aucune contrainte n'est exercée.

Mme Michelle Meunier , rapporteure . - Ce texte forme un tout. L'article 13 abroge le délit de racolage, l'article 6 aide les personnes prostituées étrangères, on accompagne les associations. On ne peut se désintéresser du client : la contravention est une partie intégrante de cette proposition de loi.

Les amendements identiques n os 20 et 39 sont adoptés.

En conséquence, l'article 16 est supprimé et l'amendement n° 31 devient sans objet.

Article 17

Les amendements identiques de coordination n os 29 et 40 sont adoptés.

En conséquence, l'article 17 est supprimé et l'amendement n° 17 devient sans objet.

Chapitre IV

L'amendement n° 30 est adopté. En conséquence le chapitre IV et son intitulé sont supprimées.

Article 4 (précédemment réservé)

Mme Michelle Meunier , rapporteure . - L'article 4 crée un fonds pour la prévention de la prostitution et l'accompagnement social et professionnel des personnes prostituées qui sera notamment chargé du projet d'insertion sociale et professionnelle. L'amendement n° 7 lui affecte l'ensemble des recettes provenant de la confiscation des biens et produits des proxénètes.

L'amendement n° 7 est adopté.

L'amendement n° 8 est devenu sans objet.

L'amendement n° 24 est adopté.

Mme Michelle Meunier , rapporteure . - L'amendement n°41 prévoit que les ressources du fonds seront complétées par les confiscations opérées sur les personnes coupables de traite des êtres humains.

M. Jean-Pierre Michel . - Très bien.

L'amendement n° 41 est adopté.

Article 18

Mme Michelle Meunier , rapporteure . - L'amendement n° 18 regroupe toutes les demandes de rapport dans un seul article. Je le rectifie pour demander que le rapport traite des étudiants contraints de se livrer à la prostitution, comme l'a demandé Esther Benbassa. Il faut en outre supprimer le 1°, qui renvoyait à la création de l'infraction de recours à la prostitution.

L'amendement n° 18 rectifié est adopté.

Intitulé de la proposition de loi

M. Jean-Pierre Godefroy . - L'amendement n° 32 propose comme intitulé : « proposition de loi visant à la lutte contre la traite des êtres humains à des fins d'exploitation sexuelle, contre le proxénétisme et pour l'accompagnement des personnes prostituées ».

Mme Muguette Dini . - Très bien.

M. Christian Cointat . - Très bien.

Mme Catherine Deroche . - Très bien.

L'amendement n° 32 est adopté.

M. Jean-Pierre Godefroy , président . - Je vais mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi ainsi amendée.

Mme Michelle Meunier , rapporteure . - Avec la suppression de l'article 16, le texte qui sort de la commission spéciale est dénaturé. Néanmoins, il contient de réelles avancées sur l'accompagnement des personnes prostituées et la lutte contre les réseaux. Je m'abstiendrai.

Mme Laurence Cohen . - Même argumentation.

M. Jean-Claude Requier . - Je m'abstiens également.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission spéciale est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1 er bis (nouveau)
Extension des formations sociales aux professionnels et personnels engagés
dans la prévention de la prostitution

Mme MEUNIER, rapporteure
M. GODEFROY, président

1

Extension de la formation des travailleurs sociaux à l'identification des situations de prostitution, de proxénétisme et de traite des êtres humains.

Adopté

Article 1 er ter A (nouveau)
Domiciliation des personnes prostituées

Mme MEUNIER, rapporteure
M. GODEFROY, président

2

Suppression.

Adopté

Article 1 er ter (nouveau)
Protection des personnes victimes de la traite des êtres humains, du proxénétisme
ou de la prostitution

Mme MEUNIER, rapporteure
M. GODEFROY, président

3

Sécurisation de certaines procédures pénales.

Adopté

Article 1 er quater (nouveau)
Rapport annuel du Gouvernement au Parlement sur les actions de coopération internationale
et européenne en matière de lutte contre les réseaux de traite et de proxénétisme

Mme MEUNIER, rapporteure
M. GODEFROY, président

4

Suppression.

Adopté

Article additionnel après l'article 1 er quater (nouveau)
Extension du champ de compétence des inspecteurs du travail

Mme MEUNIER, rapporteure
M. GODEFROY, président

5

Compétence des inspecteurs du travail pour constater les infractions de traite des êtres humains.

Adopté

Article 3
Création d'un parcours de sortie de la prostitution et codification d'une disposition de la loi
n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure

Mme MEUNIER, rapporteure
M. GODEFROY, président

6

Remplacement du parcours de sortie de la prostitution par un « projet d'insertion sociale et professionnelle » et élargissement de l'agrément à toutes les associations ayant pour objet l'aide et l'accompagnement des personnes en difficulté.

Adopté

Mme BENBASSA

34

Remplacement des termes : « parcours de sortie de la prostitution » par ceux de : « projet d'insertion sociale et professionnelle ».

Tombé

Mme BENBASSA

35

Suppression de l'abrogation de l'article 42 de la loi pour la sécurité intérieure du 18 mars 2003.

Retiré

Article additionnel après l'article 3
Publics prioritaires pour l'attribution de logements sociaux

M. GODEFROY

23

Ajout à la liste des publics reconnus prioritaires pour l'attribution de logements sociaux des personnes engagées dans un projet d'insertion sociale et professionnelle ainsi que des victimes de la traite ou du proxénétisme.

Adopté

Article 6
Admission au séjour des étrangers victimes de la traite des êtres humains ou du proxénétisme

Mme MEUNIER, rapporteure
M. GODEFROY, président

9

Suppression de la condition de sortie de la prostitution.

Adopté

Mme MASSON-MARET

21

Suppression de la nouvelle autorisation provisoire de séjour (APS).

Tombé

M. GODEFROY

25

Automaticité de la délivrance d'un titre de séjour.

Adopté

Mme BENBASSA

36

Automaticité de la délivrance de l'APS et suppression de la condition de sortie de la prostitution.

Retiré

M. GODEFROY

28

Passage à un an de l'APS.

Adopté

M. GODEFROY

26

Automaticité de la délivrance de l'APS.

Adopté

M. GODEFROY

27

Automaticité du renouvellement de l'APS.

Adopté

Mme BENBASSA

37

Remplacement des termes : « parcours de sortie de la prostitution » par ceux de : « projet d'insertion sociale et professionnelle ».

Tombé

Article 8
Extension de l'allocation de logement temporaire aux associations agréées pour l'accompagnement des victimes de la prostitution

Mme MEUNIER, rapporteure
M. GODEFROY, président

19

Amendement de cohérence avec l'amendement n° 6.

Adopté

Article 9 bis (nouveau)
Ajout des personnes prostituées à la liste des personnes vulnérables entraînant une aggravation
des sanctions pénales en cas de violences

Mme MEUNIER, rapporteure
M. GODEFROY, président

10

Suppression.

Adopté

Article 11
Admission des associations dont l'objet est la lutte contre le proxénétisme, la traite des êtres humains
et l'action sociale en faveur des personnes prostituées, à exercer les droits reconnus à la partie civile

Mme MEUNIER, rapporteure
M. GODEFROY, président

11

Suppression de l'expression : « personnes en danger de prostitution ».

Adopté

Mme MEUNIER, rapporteure
M. GODEFROY, président

12

Suppression de la possibilité de se porter partie civile sans l'accord de la victime.

Adopté

Article additionnel après l'article 14

Mme BENBASSA

38

Rapport sur la prostitution des mineurs et sur celle des étudiants.

Adopté sous forme d'un sous-amendement à l'amendement n° 18

CHAPITRE II
PROTECTION DES VICTIMES DE LA PROSTITUTION ET CRÉATION D'UN PARCOURS
DE SORTIE DE LA PROSTITUTION

Mme BENBASSA

33

Titre du chapitre II : remplacement des termes : « parcours de sortie de la prostitution » par ceux de : « projet d'insertion sociale et professionnelle ».

Tombé

Article 14 ter (nouveau)
Mise en oeuvre de la politique de réduction des risques en direction des personnes prostituées

Mme MEUNIER, rapporteure
M. GODEFROY, président

13

Modifications rédactionnelles.

Adopté

Article 15
Inscription de la lutte contre la marchandisation des corps parmi les thématiques relevant
de l'éducation à la sexualité

Mme MEUNIER, rapporteure
M. GODEFROY, président

14

Information sur les réalités de la prostitution dans les collèges et lycées.

Adopté

Article 15 bis A (nouveau)
Inscription de l'information sur les réalités de la prostitution parmi les thématiques relevant
de l'éducation à la sexualité

Mme MEUNIER, rapporteure
M. GODEFROY, président

15

Suppression.

Adopté

Article additionnel après l'article 15 bis A (nouveau)

Mme MASSON-MARET

22

Intégration de : « la prévention de la prostitution », « l'apprentissage du respect mutuel » et « l'acceptation des différences » parmi les sujets devant faire l'objet d'une information dans les établissements scolaires.

Rejeté

Article 15 bis (nouveau)
Amélioration de l'information et de l'éducation à la sexualité

Mme MEUNIER, rapporteure
M. GODEFROY, président

16

Précisions sur l'éducation sexuelle.

Adopté

Article 16
Création d'une infraction de recours à la prostitution punie de la peine d'amende prévue
pour les contraventions de cinquième classe

M. GODEFROY

20

Suppression.

Adopté

Mme BENBASSA

39

Suppression.

Adopté

M. GODEFROY

31

Suppression de : « y compris occasionnelle ».

Tombé

Article 17
Création d'une peine complémentaire de stage de sensibilisation à la lutte
contre l'achat d'actes sexuels

M. GODEFROY

29

Suppression.

Adopté

Mme BENBASSA

40

Suppression.

Adopté

Mme MEUNIER, rapporteure
M. GODEFROY, président

17

Rédactionnel.

Tombé

CHAPITRE IV
INTERDICTION DE L'ACHAT D'UN ACTE SEXUEL

M. GODEFROY

30

Suppression du chapitre IV et de son intitulé.

Adopté

Article 4 (précédemment réservé)
Création d'un fonds pour la prévention de la prostitution et l'accompagnement
des personnes prostituées

Mme MEUNIER, rapporteure
M. GODEFROY, président

7

Affectation de l'ensemble des recettes issues de la confiscation des biens et produits des proxénètes.

Adopté

Mme MEUNIER, rapporteure

8

Affectation des amendes contre les clients.

Retiré

M. GODEFROY

24

Coordination avec la suppression de l'article 16.

Adopté

Mme MEUNIER, rapporteure
M. GODEFROY, président

41

Affectation des produits et biens prélevés sur les personnes coupables de traite des êtres humains.

Adopté

Article 18
Rapport du Gouvernement au Parlement sur l'application de la présente proposition de loi

Mme MEUNIER, rapporteure
M. GODEFROY, président

18

Contenu du rapport demandé du Gouvernement.

Adopté avec modification

Intitulé de la proposition de loi

M. GODEFROY

32

Changement d'intitulé de la proposition de loi.

Adopté

LISTE DES AUDITIONS DE LA COMMISSION SPÉCIALE

Mercredi 12 février 2014

• Mme Danièle Bousquet , présidente du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes

• Mme Michèle-Laure Rassat , professeur émérite des facultés de droit, spécialiste de droit pénal

Mercredi 9 avril 2014

• Mme Morgane Merteuil et M. Thierry Schaffauser , représentants du syndicat du travail sexuel (Strass), et Mme Cécile Lhuillier , co-présidente d'Act Up-Paris

• Mmes Laurence Noëlle et Rosen Hicher , anciennes personnes prostituées

Mercredi 30 avril 2014

• Mme Hélène de Rugy , déléguée générale de l'Amicale du Nid, MM. Yves Charpenel , président de la Fondation Scelles, Grégoire Théry , secrétaire général du Mouvement du Nid, et Philippe Moricet , président de l'association Altaïr

Mercredi 7 mai 2014

• Visioconférence avec M. Giusto Schiacchitano , adjoint au procureur national anti-mafia (Rome, Italie)

Mercredi 14 mai 2014

• M. Robert Badinter , ancien garde des sceaux

Mardi 20 mai 2014

• Mmes Franceline Lepany , présidente de l'association Les Amis du bus des femmes, et France Arnould , directrice

• M. Simon Häggström , chef de la brigade antiprostitution de Stockholm

Mercredi 28 mai 2014

• Mmes Maryse Tourne , présidente de l'association Ippo, et Anne-Marie Pichon , directrice ; Mmes Alice Lafille , chargée de développement et chargée des questions de violence et du droit des étrangers à l'association Griselidis, et Krystel Odobet , animatrice de prévention auprès des personnes qui se prostituent via Internet ; M. Antoine Baudry , animateur prévention à l'association Cabiria, Mmes Joy Oghenero et Karen Drot

Mercredi 11 juin 2014

• Mme Brigitte Gonthier-Maurin , présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Mardi 17 juin 2014

• Mmes Christine Lazerges , présidente de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CHCDH), Catherine Teitgen-Colly , vice-présidente, rapporteure de l'avis rédigé sur la proposition de loi, et Cécile Riou-Batista , chargée de mission

Mercredi 25 juin 2014

• Mme Marisol Touraine , ministre des affaires sociales et de la santé

Mardi 1 er juillet 2014

• Mme Najat Vallaud-Belkacem , ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports

Mercredi 2 juillet 2014

• Mme Christiane Taubira , garde des sceaux, ministre de la justice

LISTE DES AUDITIONS DE LA RAPPORTEURE OUVERTES AUX MEMBRES DE LA COMMISSION SPÉCIALE

Mercredi 19 février 2014

• M. Patrick Hauvuy, directeur de l'association Accompagnement, lieux d'accueil, carrefour éducatif et social (ALC)

• Mmes Nathalie Tournyol du Clos , adjointe à la direction générale, cheffe du service des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes, et Martine Jaubert , cheffe du bureau de l'égalité dans la vie personnelle et sociale à la direction générale de la cohésion sociale (DGCS)

• Mme Elisabeth Moiron-Braud , secrétaire générale de la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (Miprof)

• M. François Bregou , responsable du service stratégie et analyse des politiques publiques, Mmes Elsa Hajman et Katya Benmansour , chargées de mission à la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale

• Mme Muriel Salmona , docteure - psychiatre - psychotraumologue, responsable de l'Antenne 92 de l'institut de victimologie, présidente de l'association Mémoire traumatique et victimologie

Mercredi 5 mars 2014

• M. Théau Brigand , chargé de plaidoyer « Accès aux droits », et Mme Adeline Toullier , responsable du secteur plaidoyer « Accès aux droits » de l'association « Aides »

• Mme Claudine Legardinier , journaliste, écrivain

• Mmes Claire Piot et Pauline Arrighi , membres du conseil d'administration national de l'association Osez le féminisme

Mercredi 12 mars 2014

• Mme Corinne Bertoux , chef de l'Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH)

• Colonel Éric Freyssinet , chef de la division de lutte contre la cybercriminalité, pôle judiciaire de la gendarmerie nationale

• M. François Capin-Dulhoste , sous-directeur de la justice pénale générale, direction des affaires criminelles et des grâces (Ministère de la justice)

• M. Pierre-Yves Lebeau , chef de la section de traitement des signalements, Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC)

• Mme Myriam El Khomri , adjointe au maire de Paris chargée de la prévention et de la sécurité

• Déplacement à l'hôpital Ambroise Paré (Boulogne-Billancourt)

Accueil par MM. Jean-Michel Pean , directeur du groupe hospitalier universitaire Paris Île-de-France Ouest, et Thierry Chinet , président de la commission médicale d'établissement

Rencontre avec le Docteur Caroline Dupont , praticien hospitalier, Mmes Sylvie Braconnier , cadre de santé, Carmen Dominguez , assistante sociale, Carole Ferroni , médiatrice sociale, Dominique Burre-Cassou , responsable du service social hospitalier et le Docteur Camille Cabral , directrice de l'association Prévention action santé travail pour les transgenres (PASTT)

Mercredi 2 avril 2014

• M. Bernard Legras , procureur général près la cour d'appel de Montpellier

• Mme Véronique Degermann , vice-procureure de la République près le tribunal de grande instance de Paris

• M. Emmanuel Daoud , avocat pénaliste et Mme Marine Farshian, élève-avocate (cabinet Vigo)

• MM. Jacques Méric , directeur de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne, Thierry Boulouque , chef de la brigade des mineurs, et Wilfrid Frémond , chef-adjoint de la brigade des mineurs à la Préfecture de police

Jeudi 3 avril 2014

• Mmes Violaine Husson , responsable de l'action femmes, et Céline Roche , chargée régionale de l'action femmes/personnes étrangères victimes de violences en Ile-de-France à La Cimade

• Mme Zinna Bessa, adjointe au sous-directeur à la sous-direction santé des populations et prévention des maladies chroniques à la Direction générale de la santé - DGS

• Mme Florence Lot , médecin épidémiologiste à l'Institut de veille sanitaire (InVS)

• M. Jean-François Corty , docteur, directeur des missions France, Mme Irène Aboudaram , coordinatrice de projets à Nantes, et M. Timothy Leicester , coordinateur du programme Lotus-bus de l'association Médecins du monde

• M. Olivier Sivieude , chef du service du contrôle fiscal à la Direction générale des finances publiques (DGFip)

• Déplacement dans les locaux de la Brigade de répression du proxénétisme de la Préfecture de police

Accueil par M. Christian Kalck , commissaire divisionnaire, chef de la Brigade de répression du proxénétisme et ses collaborateurs

Mercredi 16 avril 2014

• Mme Sylvie Bigot , docteure en sociologie au Centre d'études et de recherches sur les risques et les vulnérabilités (CERReV) de l'Université de Caen-Basse-Normandie

• Représentantes du Collectif des femmes de Vincennes

• Mme Mylène Juste

Mercredi 21 mai 2014

• Mmes Gabrielle Partenza , présidente, et Sophia Ourkia , juriste de l'association Avec nos aînées

• Dr Julien Emmanuelli de l'Inspection générale des affaires sociales

• Mme Maryse Lépée , présidente, et M. Thierry des Lauriers , directeur général de l'association Aux captifs la libération

• Mme Carole Gay , responsable des affaires juridiques et réglementaires de l'association des fournisseurs d'accès et de services internet

Mardi 27 mai 2014

• Mmes Suzy Rojtman , porte-parole, Sarah Lecompte et Claudie Lesselier du Collectif national des droits des femmes

• Mme Giovanna Ruicon , directrice de l'association et médiatrice en santé publique , et Christine Rougemont de l'association Actions Concrètes Conciliants Education Prévention Travail Equité Santé Sport pour les Transgenres (Acceptess-T)

• M. Francis Caballero , avocat à la cour


* 1 Proposition de loi n° 252 (2013-2014) adoptée par l'Assemblée nationale le 4 décembre 2013.

* 2 Créée à la demande de Mme Éliane ASSASSI, présidente du groupe CRC, il s'agit de la première commission spéciale créée au Sénat à la demande d'un président de groupe. Cette demande a été considérée comme adoptée par le Sénat, en l'absence d'opposition, lors de la séance plénière du jeudi 12 décembre 2013, conformément à l'article 16, alinéa 2 bis du Règlement du Sénat.

* 3 Alexandre Parent-Duchâtelet, « De la prostitution dans la ville de Paris considérée sous le rapport de l'hygiène publique, de la morale et de l'administration », 1837.

* 4 Alain Corbin, « Les filles de noce : misère sexuelle et prostitution aux 19 e et 20 e siècles », 1978.

* 5 Loi n° 46-685 du 13 avril 1946 tendant à la fermeture des maisons de tolérance et au renforcement de la lutte contre le proxénétisme.

* 6 Loi n° 60-754 du 28 juillet 1960 autorisant la ratification de la convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui, adoptée par l'assemblée générale des Nations unies le 2 décembre 1949.

* 7 Ordonnances n° 60-1245 et n° 60-1246 du 25 novembre 1960.

* 8 Chambre criminelle de la Cour de cassation, 27 mars 1996.

* 9 Loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale.

* 10 Loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure.

* 11 Article 225-12-1 du code pénal.

* 12 Loi n° 2013-711 du 5 août 2013 portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France.

* 13 Directive n° 2011-36-UE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes, et remplaçant la décision cadre 2002-269-JAI du Conseil.

* 14 Décret n° 2013-7 du 3 janvier 2013 portant création d'une mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains.

* 15 Présenté en conseil des ministres le 14 mai 2014 par Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports.

* 16 Proposition de résolution n° 3522 de Mme Danielle Bousquet et M. Guy Geoffroy et plusieurs de leurs collègues, réaffirmant la position abolitionniste de la France en matière de prostitution, adoptée le 6 décembre 2011 par l'Assemblée nationale.

* 17 Rapport d'information de M. Guy Geoffroy au nom de la mission d'information sur la prostitution en France, n° 1334, avril 2011.

* 18 Association Griselidis, rapport d'activité 2013, p. 70.

* 19 Auditionnée par votre rapporteure et les membres de la commission spéciale le 5 mars 2014.

* 20 Audition de la commission spéciale du 14 mai 2014.

* 21 Amicale du Nid 93, « Diagnostic partagé relatif au fait prostitutionnel à Saint-Denis », 2014.

* 22 Étude réalisée entre mai et juin 2013 par le conseil général de l'Essonne : sur les 843 répondants, 23 (13 femmes et 10 hommes) ont déclaré s'être déjà prostituées, le plus souvent en raison de contraintes financières et 67 avoir déjà envisagé le recours à la prostitution.

* 23 Audition de la commission spéciale du 9 avril 2014.

* 24 Audition du 5 mars 2014.

* 25 Rapport d'information de Mme Dinah Derycke au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité entre les hommes et les femmes, « Les politiques publiques et la prostitution », n° 209, 2000-2001. Ce rapport est consultable sur : http://www.senat.fr/rap/r00-209/r00-2091.pdf .

* 26 Rapport d'information de M. Jean-Pierre Godefroy et Mme Chantal Jouanno au nom de la commission des affaires sociales du Sénat, « Situation sanitaire et sociale des personnes prostituées : inverser le regard », n° 46, 2013-2014. Ce rapport est consultable sur : http://www.senat.fr/rap/r13-046/r13-0461.pdf .

* 27 Plusieurs circulaires, qui visaient à la mise en place de structures dédiées, n'ont pas ou peu été suivies d'effets : circulaire du 25 août 1970 relative à la lutte contre la prostitution et le proxénétisme ; circulaire du 21 mars 1979 relative à la lutte contre la prostitution ; circulaire du 7 mars 1988 relative à la prévention de la prostitution et à la réinsertion des personnes prostituées.

* 28 Audition de la commission spéciale du 1 er juillet 2014.

* 29 Chaque année, environ 80 % des crédits sont utilisés au niveau déconcentré pour soutenir des actions menées par des associations dans les régions et les départements. Le reste de l'enveloppe contribue au financement de quatre associations têtes de réseau : A.L.C Nice, pour le dispositif Ac.Sé ; l'Amicale du nid ; le comité contre l'esclavage moderne ; le Mouvement du nid.

* 30 Audition de la commission spéciale du mercredi 2 avril 2014.

* 31 CNS, « VIH et commerce du sexe : garantir l'accès universel à la prévention et aux soins », 2010.

* 32 Igas, « Prostitution : les enjeux sanitaires », décembre 2012.

* 33 InVS-Fnars, « Étude sur l'état de santé, l'accès aux soins et l'accès aux droits des personnes en situation de prostitution rencontrées dans des structures sociales et médicales », 2010-2011.

* 34 Médecins du monde, « Travailleuses du sexe chinoises à Paris face aux violences », décembre 2012.

* 35 Résolution n° 1983 (2014) de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, « Prostitution, traite et esclave moderne en Europe », 8 avril 2014.

* 36 Audition de la commission spéciale du 20 mai 2014.

* 37 Les résultats de cette étude sont présentés dans la note de législation comparée n° 233 réalisée par la direction de l'initiative parlementaire et des délégations du Sénat en mars 2013 sur la pénalisation de la prostitution et du racolage. La note est consultable sur : http://www.senat.fr/lc/lc233/lc233.pdf .

* 38 Voir notamment les auditions de M. Robert Badinter du 14 mai 2014 et de Mmes Maryse Tourne , présidente et Anne-Marie Pichon , directrice de l'association Ippo du 28 mai 2014.

* 39 Mme Catherine Génisson (SOC).

* 40 Résolution n° 2013/2103 du Parlement européen du 26 février 2014 sur l'exploitation sexuelle et la prostitution et leurs conséquences sur l'égalité entre les hommes et les femmes.

* 41 Courrier international du 5 novembre 2013, « Prostitution : changer la loi ».

* 42 CEDH, 11 septembre 2007, Tremblay c/ France.

* 43 CEDH, 17 février 2005, K.A. et A.D. contre Belgique.

* 44 Audition du 2 juillet 2014.

* 45 Dans sa décision n° 2000-441 DC du 28 décembre 2000 sur la loi de finances rectificative pour 2000, le Conseil constitutionnel estime que les coûts d'interceptions sur les réseaux mises en oeuvre par les FAI ne peuvent rester à la charge de ceux-ci. Dès lors, une négociation est ouverte entre l'État et les FAI sur la compensation des coûts liés au blocage des sites.

* 46 « Protéger les internautes », rapport du groupe de travail interministériel sur la lutte contre la cybercriminalité présidé par M. Marc ROBERT, procureur général près la Cour d'appel de Riom.

* 47 Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

* 48 Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale.

* 49 Rapport d'information de Mme Maud Olivier au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes sur le renforcement de la lutte contre le système prostitutionnel, n° 1360, 2013-2014.

* 50 Igas, « Prostitution : les enjeux sanitaires », décembre 2012.

* 51 CNCDH, Avis sur la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, assemblée plénière du 22 mai 2014.

* 52 La circulaire du 25 février 2008 dispose que cette notion recouvre : l'ensemble des prestations légales services par les CAF et les caisses de la MSA au nom de l'Etat, les prestations d'assurance vieillesse, l'affiliation à un régime de sécurité sociale et à la CMU complémentaire, les allocations servies par les Assedic (désormais Pôle emploi), les prestations d'aide sociale légale financées par les départements.

* 53 Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové.

* 54 Loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire.

* 55 Les compétences et le fonctionnement de cette commission sont fixés par le décret n° 2014-346 du 17 mars 2014 relatif à la protection des personnes mentionnées à l'article 706-63-1 du code de procédure pénale bénéficiant d'exemptions ou de réductions de peines.

* 56 Audition du 7 mai 2014.

* 57 Audition de la commission spéciale du 7 mai 2014.

* 58 Audition de la commission spéciale du 14 mai 2014.

* 59 Directive n° 2011/36 concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes et remplaçant la décision-cadre 2002/629/JAI du Conseil, adoptée le 5 avril 2011.

* 60 Chiffres fournis par le ministère des droits des femmes, de la ville, de jeunesse et des sports.

* 61 Loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure.

* 62 Ordonnances n° 60-1245 et 60-1246 du 25 novembre 1960.

* 63 C'est en ratifiant en 1960 la Convention du 2 décembre 1949 de l'ONU pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui que la France a définitivement fait le choix d'un régime abolitionniste.

* 64 Rapport d'information de M. Jean-Pierre Godefroy et Mme Chantal Jouanno au nom de la commission des affaires sociales du Sénat, « Situation sanitaire et sociale des personnes prostituées : inverser le regard », n° 46, 2013-2014. Ce rapport est consultable sur :

http://www.senat.fr/rap/r13-046/r13-0461.pdf

* 65 Circulaire du 25 août 1970 relative à la lutte contre la prostitution et le proxénétisme ; circulaire du 21 mars 1979 relative à la lutte contre la prostitution ; circulaire du 7 mars 1988 relative à la prévention de la prostitution et à la réinsertion des personnes prostituées.

* 66 Audition de la commission spéciale du 7 mai 2014.

* 67 Article L. 247 du livre des procédures fiscales : « L'administration peut accorder sur la demande du contribuable : 1° Des remises totales ou partielles d'impôts directs régulièrement établis lorsque le contribuable est dans l'impossibilité de payer par suite de gêne ou d'indigence ; [...] ».

* 68 La recommandation n° 26 de ce rapport vise à « créer un fonds de concours ou une attribution de produits recevant une partie du produit des saisies réalisées sur les avoirs des personnes condamnées pour traite et proxénétisme, afin de contribuer au financement des actions d'accompagnement des personnes issues de la prostitution.

* 69 Loi n° 2010-768 du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale.

* 70 Avis de Mme Laurence Cohen au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de finances pour 2014, « Direction de l'action du Gouvernement : mission interministérielle de lutte contre les drogues et les toxicomanies », n° 159, novembre 2013.

* 71 Le décret n° 95-322 du 17 mars 1995 crée un fonds de concours alimenté par « le produit des recettes provenant de la confiscation des biens mobiliers ou immobiliers des personnes reconnues coupables d'infractions en matière de trafic de stupéfiants ».

* 72 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 73 Article 11, paragraphe 3 de la directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes.

* 74 Une autre aide au logement temporaire (ALT 2), prévue au II de l'article L. 851-1 du code de la sécurité sociale, est versée aux organismes gestionnaires des aires d'accueil des gens du voyage.

* 75 Source : rapport annuel de performances 2012, mission « Ville et logement ».

* 76 Loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure.

* 77 L'incrimination de traite des êtres humains a été créée par la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure.

* 78 Dans sa décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003 sur la loi sur la sécurité intérieure : « Considérant, enfin, que les peines prévues par le nouvel article 225-10-1 du code pénal ne sont pas manifestement disproportionnées ; qu'il appartiendra cependant à la juridiction compétente de prendre en compte, dans le prononcé de la peine, la circonstance que l'auteur a agi sous la menace ou par contrainte ; que, sous cette réserve, la disposition critiquée n'est pas contraire au principe de la nécessité des peines ».

* 79 Igas, « Prostitution : les enjeux sanitaires », décembre 2012.

* 80 Le compte rendu vidéo de ce déplacement est disponible à l'adresse suivante : http://videos.senat.fr/video/videos/2014/video22228.html

* 81 Rapport d'information de M. Jean-Pierre Godefroy et Mme Chantal Jouanno au nom de la commission des affaires sociales du Sénat, « Situation sanitaire et sociale des personnes prostituées : inverser le regard », n° 46, 2013-2014. Ce rapport est consultable sur : http://www.senat.fr/rap/r13-046/r13-0461.pdf

* 82 Loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001 relative à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception.

* 83 L'article 225-12-3 du code pénal prévoit l'extraterritorialité pour la répression du recours à la prostitution de mineurs ou de personnes vulnérables, ce qui permet d'incriminer les ressortissants français commettant ces infractions à l'étranger sans qu'il soit nécessaire que les faits soient punis par la législation du pays et que la victime ou les ayants droit portent plainte ou que les autorités du pays dénoncent les faits.

* 84 Voir exposé général.

* 85 « Prostitution : les enjeux sanitaires », décembre 2012.

* 86 La composition pénale est une procédure permettant au procureur de la République de proposer une ou plusieurs mesures alternatives aux poursuites à une personne ayant reconnu avoir commis les faits.

* 87 Décision n° 92-305 DC du 21 février 1992, Loi organique modifiant l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

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