B. UN TEXTE À LA FOIS PROGRESSIF ET FLEXIBLE

Le Protocole affiche un caractère dual , ayant intégré certaines des stipulations les plus récentes en matière de contrôle de la mise en oeuvre des conventions promouvant certains droits ; il demeure, toutefois, un texte de compromis.

1. L'intégration des mécanismes les plus récents

Le Protocole prévoit trois types de procédures : la plainte individuelle dite « communication » 14 ( * ) , celle interétatique 15 ( * ) et enfin une procédure d'enquête 16 ( * ) .

La France ayant ratifié l'ensemble des autres conventions des Nations unies instituant un mécanisme de communication individuelle à l'exception du protocole facultatif à la Convention des droits de l'enfant 17 ( * ) , votre rapporteure s'est interrogée sur les éléments distinctifs du présent Protocole.

S'agissant des conditions de saisine du Comité, de recevabilité, d'intérêt à agir, celles-ci sont définies de façon identique à celles généralement prévues dans les conventions telles que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ; le Protocole facultatif à la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes ou encore le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Figure n° 2 : Rappel de quelques communications reçues contre la France

« La France a ratifié le PIDCP le 4 novembre 1980 et a adhéré au protocole facultatif le 17 février 1984. Depuis cette date, le Comité s'est prononcé sur 70 communications individuelles. Si depuis l'origine la moyenne est d'environ deux communications individuelles adressées par an au Comité, l'année 2008 a connu un pic avec 8 communications individuelles (liées à la question du port du turban sikh). Depuis cette date, le rythme a fortement ralenti avec une communication par an. Sur le fond, le contentieux le plus important a porté sur la question du port du turban sikh sur les documents officiels d'identité et à l'école.

La France a ratifié le protocole facultatif à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes en 2000. Une seule communication a été introduite contre la France, dans laquelle le comité a établi un constat de violation.

La France a signé la Convention relative aux droits des personnes handicapées le 30 mars 2007 et l'a ratifiée le 18 février 2010. Le Protocole qui prévoit la compétence du Comité pour recevoir et examiner les communications interétatiques et individuelles a été signé le 23 septembre 2008 et ratifié le 18 février 2010. Depuis cette date, le Comité n'a été saisi d'aucune communication individuelle à l'encontre de la France. »

Source : Eléments transmis par le Ministère des affaires étrangères et du développement international

Les différences entre les accords précités et le Protocole résident dans les modalités d'instruction de la communication , et notamment la possibilité pour le Comité de prendre des mesures provisoires et de mener des enquêtes sur le terrain .

Il convient à ce titre de faire une distinction entre, d'une part, le protocole facultatif au PIDCP qui ne prévoit pas à l'origine 18 ( * ) de telles possibilités, et les protocoles facultatifs plus récents 19 ( * ) qui font l'objet de dispositions spécifiques, qui sont reprises quasiment à l'identique dans le protocole facultatif au PIDESC.

L'introduction de stipulations dans les protocoles facultatifs visant à établir la compétence des comités conventionnels, en matière de mesures conservatoires et de pouvoirs d'enquête, correspond à une volonté de renforcement de la base juridique de leurs décisions.

Dans ce cas, les Etats qui ont ratifié les protocoles facultatifs sont réputés avoir accordé une telle compétence, à défaut pour eux d'avoir formulé une réserve, si la convention le permet. En matière d'enquête dans le cadre du PIDESC, la ratification du Protocole doit être, en plus, suivie d'une déclaration de l'Etat tendant à reconnaître ce pouvoir.

Enfin, le Protocole facultatif au PIDESC prévoit la possibilité de requêtes interétatiques dans les mêmes conditions que celles prévues par le protocole facultatif au PIDCP . En revanche, le Protocole facultatif à la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées n'organisent pas une telle procédure, eu égard à la nature plus spécifique des droits qu'ils garantissent.

2. Un texte de compromis

Ainsi que le souligne l'étude d'impact, le présent Protocole constitue un « texte de compromis, permettant le ralliement du plus grand nombre d'Etats ».

En effet, votre rapporteure observe que le mécanisme de surveillance vise à concilier d'une part, les préoccupations des Etats « sceptiques » face à la mise en oeuvre des droits économiques, sociaux et culturels, et d'autre part, celles des Etats souhaitant faire du Comité une cour internationale compétente pour faire respecter de tels droits.

À titre d'illustration, l'article 7 du Protocole prévoit que le Comité peut « offrir ses bons offices aux parties concernées en vue d'obtenir un règlement à l'amiable », sans que celui-ci soit formellement soumis à l'approbation du Comité. Le Comité peut donc être associé dès le début à la recherche d'un tel règlement. Celui-ci met alors fin à l'examen de la communication.

Les conditions de saisine sont également strictement encadrées car non seulement le Comité ne peut recevoir des requêtes que s'il y a épuisement des voies de recours internes, mais d'autres limitations sont posées, notamment : la présentation de la communication dans un délai maximal de douze mois après épuisement des recours internes, l'irrecevabilité des questions qui ont déjà fait l'objet d'un examen et l'irrecevabilité des communications portant sur des faits antérieurs à l'entrée en vigueur du Protocole à l'égard de l'Etat intéressé.

Enfin, votre rapporteure constate que certaines garanties ont été octroyées aux Etats les plus réservés, en contrepartie d'un protocole couvrant l'ensemble des droits économiques, sociaux et culturels reconnus dans le PIDESC, sans possibilité pour les Etats de « choisir » uniquement certains d'entre eux. C'est ainsi que l'article 8 prévoit que les communications seront examinées à huis clos.

Pour l'ensemble de ces raisons, il convient d'adopter le projet de loi visant à ratifier le Protocole, tout en demeurant vigilant sur la mise en oeuvre des nouveaux mécanismes de contrôle de la bonne application du Pacte. Le Pouvoir d'enquête est en effet conditionné par la reconnaissance individuelle des Etats dans le cadre d'une déclaration 20 ( * ) . Les mesures provisoires sont limitées à des « circonstances exceptionnelles » 21 ( * ) . Quant aux décisions du Comité, elles ne sont pas juridiquement contraignantes. Elles sont issues de procédures marquées par la confidentialité.


* 14 Cf. articles 1 à 9.

* 15 Cf. article 10.

* 16 Cf. article 11.

* 17 La réflexion sur cette adhésion est encore en cours.

* 18 En ce qui concerne le Comité des droits de l'Homme qui est chargé d'examiner les communications concernant les allégations de mauvaise application du PIDCP, la base légale pour prendre des mesures provisoires est l'article 92 de son règlement intérieur. Aucune stipulation ne mentionne la possibilité d'enquête sur le terrain. Dans le cadre du protocole facultatif au PIDCP, les Etats Parties contestent qu'une telle décision puisse revêtir un caractère obligatoire. En effet, une telle possibilité ne résulte pas du protocole facultatif accepté par les Etats Parties. Ces derniers n'ont à aucun moment été consultés sur le règlement intérieur du Comité, et ne sauraient donc se voir engagés sur ces points.

* 19 I.e Protocole facultatif à la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

* 20 Cf. paragraphe 1 de l'article 11.

* 21 Cf. paragraphe 1 de l'article 5.

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