Rapport n° 33 (2014-2015) de Mme Catherine TROENDLÉ , fait au nom de la commission des lois, déposé le 15 octobre 2014

Disponible au format PDF (339 Koctets)

Tableau comparatif au format PDF (120 Koctets)


N° 33

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 octobre 2014

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi de MM. Alain RICHARD et Jean-Pierre SUEUR, autorisant l' accord local de représentation des communes membres d'une communauté de communes ou d' agglomération ,

Par Mme Catherine TROENDLÉ,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; Mme Catherine Troendlé, MM. Jean-Pierre Sueur, Jean-René Lecerf, Alain Richard, Jean-Patrick Courtois, Alain Anziani, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Pierre-Yves Collombat, Mme Esther Benbassa , vice-présidents ; MM. François-Noël Buffet, Michel Delebarre, Christophe-André Frassa, Thani Mohamed Soilihi , secrétaires ; MM. Christophe Béchu, Jacques Bigot, François Bonhomme, Luc Carvounas, Gérard Collomb, Mme Cécile Cukierman, M. Mathieu Darnaud, Mme Jacky Deromedi, M. Félix Desplan, Mme Catherine Di Folco, MM. Vincent Dubois, Christian Favier, Pierre Frogier, Mme Jacqueline Gourault, MM. François Grosdidier, Jean-Jacques Hyest, Mlle Sophie Joissains, MM. Philippe Kaltenbach, Jean-Yves Leconte, Roger Madec, Alain Marc, Didier Marie, Jean Louis Masson, Michel Mercier, Jacques Mézard, François Pillet, Hugues Portelli, André Reichardt, Bernard Saugey, Simon Sutour, Mme Catherine Tasca, MM. René Vandierendonck, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto .

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

782 (2013-2014) et 34 (2014-2015)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mercredi 15 octobre 2014 sous la présidence de M. Philippe Bas, président, la commission des lois du Sénat a examiné le rapport de Mme Catherine Troendlé et établi son texte sur la proposition de loi n° 782 (2013-2014) autorisant l'accord local de représentation des communes membres d'une communauté de communes ou d'agglomération , présentée par MM. Alain Richard et Jean-Pierre Sueur.

Le dispositif proposé vise à remédier aux conséquences résultant pour les intercommunalités de la déclaration d'inconstitutionnalité des dispositions de la loi du 16 décembre 2010 encadrant l'accord amiable adopté par les conseils municipaux concernés pour la fixation du nombre de sièges communautaires et leur répartition entre les communes membres d'une communauté d'agglomération ou d'une communauté de communes.

La décision du Conseil constitutionnel n° 2014-405 QPC du 20 juin 2014, qui est applicable aux opérations réalisées postérieurement à sa date de publication, préserve les accords locaux antérieurement conclus tant que la composition du conseil communautaire n'a pas à être modifiée. En revanche, elle impose la désignation de tous les délégués communautaires par stricte application des règles de proportionnalité entre le nombre de représentants et la population de chaque commune à chaque composition ou recomposition d'un conseil communautaire.

La proposition de loi vise donc à réintroduire la faculté de composer l'organe délibérant des communautés d'agglomération et de communes par accord entre les communes membres dans des limites compatibles avec la jurisprudence constitutionnelle. À cette fin, elle établit des limites chiffrées aux écarts de représentation issus d'un accord local par rapport à la représentation qui résulterait de l'application du barème proportionnel à la population : un cinquième en sous-représentation et un siège en surreprésentation (article 1 er ).

Par ailleurs, l'article 2 offre aux communautés affectées par une modification de leur organe délibérant la possibilité de conclure un nouvel accord tel qu'encadré par la proposition de loi dans les six mois suivant sa promulgation.

La commission a approuvé le dispositif proposé, sous réserve, à l'initiative de son rapporteur et de M. Alain Richard, de trois modifications visant à :

- exclure de l'attribution d'un siège supplémentaire les communes ayant bénéficié de la garantie du siège de droit pour toute commune ;

- attribuer à ces communes un siège supplémentaire au cas où leur représentation serait inférieure de plus d'un cinquième par rapport à la proportionnelle démographique ;

- apprécier la sous-représentation d'une commune par sa part dans la population totale de l'intercommunalité.

La commission des lois a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

La composition des organes délibérants des communautés de communes et d'agglomération pouvait reposer jusqu'à la décision du Conseil constitutionnel du 20 juin 2014 sur l'alternative offerte par l'article L.  5211-6-1 du code général des collectivités territoriales : soit l'application du principe proportionnel aménagé, soit la conclusion d'un accord local.

En 2010, en conséquence du principe de l'élection au suffrage universel direct dans le cadre de l'élection municipale des conseillers communautaires, le législateur a encadré la fixation du nombre et de la répartition des sièges au sein de l'organe délibérant d'une communauté de communes ou d'agglomération par accord entre ses communes membres.

Ce dispositif, assoupli en 2012 à l'initiative de votre commission des lois, fonde 90 % des 2.125 conseils communautaires mis en place au 1 er janvier 2014 et dont les membres sont issus des dernières élections municipales des 23 et 30 mars dernier.

Mais, aujourd'hui, ce mécanisme ne peut plus être mis en oeuvre à la suite du recours de la commune de Salbris (Loir-et-Cher) qui s'estimait insuffisamment représentée, au regard de sa population, au sein de l'assemblée délibérante de la communauté de communes de la Sologne des Rivières. Le Conseil constitutionnel a, en effet, considéré que l'accord local sur la répartition des sièges, tel que prévu par l'article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales, méconnaissait le principe d'égalité devant le suffrage en tant qu'il permettait de déroger au principe général de proportionnalité démographique dans une mesure manifestement disproportionnée. Il a, par suite, déclaré la disposition contraire à la Constitution 1 ( * ) .

Dès lors, comme le souligne l'auteur de la proposition de loi soumise à votre commission, notre collègue Alain Richard, « seule reste en vigueur la règle de représentation purement démographique 2 ( * ) ». Le texte proposé vise à mieux limiter les écarts de représentation qui résulteraient d'un accord local comme l'exige la jurisprudence constitutionnelle.

Il convient de rappeler que notre ancien collègue Patrice Gélard a déposé le 3 septembre 2014 une proposition de loi identique 3 ( * ) .

I. L'ÉVOLUTION DES MODALITÉS DE CONSTITUTION DES CONSEILS COMMUNAUTAIRES

L'évolution des mécanismes de représentation des communes dans les organes communautaires témoigne de la volonté du législateur de privilégier le modèle de coopérative de communes pour faciliter le regroupement intercommunal.

A. ACCORD LOCAL ET ESSOR DE L'INTERCOMMUNALITÉ

La loi d'orientation du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République qui a institué les communautés de communes, prévoyait une représentation des communes membres au sein du conseil communautaire des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre en fonction de leur population . Ce principe était cependant tempéré par l'application de deux règles depuis lors jamais remises en cause : l'attribution d'un siège de droit à chaque commune ; l'interdiction pour l'une d'entre elles de disposer de plus de la moitié des sièges. Il s'agit, en effet, d'une part, d'assurer la présence de toutes les communes au conseil de l'intercommunalité, et, d'autre part, d'éviter qu'une commune puisse, seule, contrôler celle-ci.

Cependant, la loi Chevènement du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale a assoupli pour les groupements les moins intégrés -les communautés de communes et les communautés d'agglomération 4 ( * ) - les modalités de composition de leur organe délibérant : tout en maintenant une composition de l'assemblée « en fonction de la population » de ses communes membres, le législateur a introduit un dispositif concurrent - « un accord amiable de l'ensemble des conseils municipaux » -, lequel permettait de fixer le nombre des sièges et de les répartir librement sans aucune référence démographique obligatoire.

B. LA FIXATION D'UN CADRE SOUPLE EN 2010

L'article 3 du projet de loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 supprimait la faculté de recourir à un accord local qui permettait auparavant « des compositions de conseils communautaires très hétérogènes, parfois sans lien avec l'importance démographique des communes ». « Dès lors que la désignation des conseillers communautaires procède du suffrage universel direct, il est nécessaire d'améliorer l'équilibre de la représentation des communes membres en prenant davantage en compte leur poids démographique » soulignait le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales 5 ( * ) .

Cependant, à l'initiative de votre commission des lois qui jugeait nécessaire de préserver le consensus intercommunal, le Sénat réintroduisait une alternative dans les communautés de communes et d'agglomération : la faculté, par un accord à la majorité qualifiée 6 ( * ) entre les communes, d'une répartition négociée des sièges en tenant compte cependant de leurs populations respectives ; à défaut, l'application du tableau de répartition des sièges à la proportionnelle fixée par le nouvel article L. 5211-6-1- III à VI du code général des collectivités territoriales.

La composition des conseils communautaires résultant de l'application de la proportionnelle démographique
(article L. 5211-6-1, III à VI du code général des collectivités territoriales)

Le législateur a assis la proportionnelle démographique sur les deux principes fondateurs de l'intercommunalité :

- l'attribution d'un siège de droit à chaque commune membre ;

- l'interdiction d'attribuer plus de la moitié des sièges à l'une d'entre elles.

1. La fixation du nombre de sièges du conseil communautaire

Elle résulte d'un tableau déterminant le nombre de sièges selon la strate démographique dont relève l'EPCI.

2. La répartition des sièges entre les communes

L'effectif résultant de l'application du tableau peut être modulé dans certaines limites :

- les sièges sont répartis à la proportionnelle à la plus forte moyenne ;

- à l'issue de cette répartition, la commune qui n'obtient aucun siège, se voit automatiquement attribuer un siège de droit ;

- si une commune obtient plus de 50 % des sièges, un nombre de sièges égal à la moitié des sièges du conseil lui est finalement attribué et le reliquat est réparti entre les autres communes à la plus forte moyenne ;

- si le nombre de sièges de droit excède de 30 % l'effectif prévu par le tableau, un volant supplémentaire de 10 % du total du tableau et des sièges de droit est réparti entre les communes à la proportionnelle à la plus forte moyenne.

À l'exception des communautés relevant de la précédente situation, les communes membres peuvent créer et se répartir librement des sièges supplémentaires dans la limite de 10 % du total des sièges du tableau et des sièges de droit. Cette décision doit être adoptée à la majorité des deux tiers des conseils municipaux représentent plus de la moitié de la population ou l'inverse.

Ce faisant, notre collègue Jean-Patrick Courtois rapporteur de la loi du 16 décembre 2010, entendait « faire preuve de pragmatisme : le système en vigueur a fait ses preuves, en permettant d'aboutir à des équilibres subtils, parfois atteints par tâtonnements après plusieurs années de pratique » 7 ( * ) .

L'Assemblée nationale approuvait, à son tour, le principe retenu par le Sénat en le limitant cependant : afin d'éviter des organes délibérants pléthoriques, le nombre total de sièges résultant de l'accord local ne pourrait excéder de 10 % le nombre de sièges total qui serait attribué en application du tableau de l'article L. 5211-6-1 ( cf. supra ).

Cette limite fut ensuite assouplie, à l'initiative de notre collègue Alain Richard, par une loi du 31 décembre 2012 8 ( * ) qui la porta de 10 % à 25 %. Le rapporteur de votre commission des lois, notre ancienne collègue Virginie Klès, notait que le dispositif proposé permettait « d'assurer une transition entre les modes actuels de représentation des communes, plus permissifs, et ceux envisagés par la loi du 16 décembre 2010, plus restrictifs et reposant sur la mise en oeuvre d'un tableau ». L'augmentation du nombre de sièges autorisé permettrait « une meilleure représentation des communes au sein du conseil communautaire, notamment lorsqu'une communauté de communes ou une communauté d'agglomération regroupe de nombreuses petites communes ou lorsque la représentation est totalement égalitaire entre celles-ci » 9 ( * ) .

Tel était le mécanisme qui a présidé à la composition des organes communautaires résultant des dernières élections municipales des 23 et 30 mars 2014.

II. LA PRÉDOMINANCE, POUR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, DU PRINCIPE D'ÉGALITÉ DEVANT LE SUFFRAGE

En faisant droit à la requête de la commune de Salbris, le Conseil constitutionnel a rappelé la rigueur du principe d'égalité devant le suffrage et les écarts qu'il autorise.

A. LE RAPPEL D'UNE JURISPRUDENCE CONSTANTE APPLICABLE À L'INTERCOMMUNALITÉ

Le Conseil constitutionnel a arrêté les principes de la jurisprudence sur le respect du principe d'égalité devant le suffrage dans sa décision du 8 août 1985 concernant la conformité à la Constitution de la loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie.

L'élection doit être organisée « sur des bases essentiellement démographiques ; [que] s'il ne s'ensuit pas que cette représentation doive être nécessairement proportionnelle à la population de chaque région ni qu'il ne puisse être tenu compte d'autres impératifs d'intérêt général, ces considérations ne peuvent cependant intervenir que dans une mesure limitée qui, en l'espèce, a été manifestement dépassée » 10 ( * ) .

Ces principes ont été étendus en 1995 aux organes délibérants des intercommunalités. Dès lors, souligne le Conseil, « que des établissements publics de coopération entre les collectivités locales exercent en lieu et place de ces dernières des compétences qui leur auraient été sinon dévolues, leurs organes délibérants doivent être élus sur des bases essentiellement démographiques ». Eu égard à la nature de ces institutions, « s'il s'ensuit que la répartition des sièges doit respecter un principe général de proportionnalité par rapport à la population de chaque collectivité locale participante, il peut être toutefois tenu compte dans une mesure limitée d'autres considérations d'intérêt général et notamment de la possibilité qui serait laissée à chacune de ces collectivités de disposer d'au moins un représentant au sein du conseil concerné » 11 ( * ) .

La « mesure limitée » qu'il autorise a été jugée, en l'espèce qui lui était soumise par la commune de Salbris, manifestement dépassée. Le Conseil constitutionnel a jugé que la disposition contestée de l'article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales, autorisant l'accord local « en imposant seulement que, pour cette répartition (des sièges de conseiller communautaire), il soit tenu compte de la population, (permet) qu'il soit dérogé au principe général de proportionnalité par rapport à la population de chaque commune membre de l'établissement public de coopération intercommunale dans une mesure qui est manifestement disproportionnée » 12 ( * ) .

Le commentaire de la décision publiée par le Conseil constitutionnel précise le sens de celle-ci. Il relève que les deux principes traditionnels qui encadrent la composition des organes délibérants des intercommunalités - un siège au moins pour chaque commune membre et la moitié au plus des sièges détenus par l'une d'entre elles - correspondent à des motifs d'intérêt général mais ceux-ci « ne permettent pas de justifier le fait que la population puisse simplement être un élément pris en compte et non la base du calcul de répartition ».

Le texte censuré inversait donc la hiérarchie des exigences constitutionnelles au lieu d'aménager les règles de la représentation proportionnelle.

Le dispositif de l'accord local ayant été déclaré contraire à la Constitution, la loi ne prévoit plus aujourd'hui que l'application du tableau proportionnel de l'article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales.

B. LA PRÉSERVATION DES SITUATIONS ACQUISES

La déclaration d'inconstitutionnalité de l'accord local « est applicable à toutes les opérations de détermination du nombre et de la répartition des sièges de conseillers communautaires réalisées postérieurement » à la date de publication de la décision du Conseil (22 juin 2014).

En conséquence, la composition des organes délibérants des communautés de communes et d'agglomération arrêtée sur la base de la disposition censurée n'est pas affectée dans la mesure où sa remise en cause immédiate, selon le Conseil, « entraînerait des conséquences manifestement excessives » 13 ( * ) . Rappelons que selon des estimations après sondage, 90 % des 1.903 communautés de communes et des 222 communautés d'agglomération reposeraient sur un accord local.

Le Conseil encadre les effets de sa censure par une double règle :

- d'une part, sa décision est applicable dans les instances en cours à sa date concernant la représentation communale au sein d'un conseil communautaire « afin de préserver l'effet utile de la déclaration d'inconstitutionnalité à leur solution » ;

- d'autre part, « afin de garantir le respect du principe d'égalité devant le suffrage pour les élections à venir », elle s'appliquera aux communautés de communes et d'agglomération « au sein desquelles le conseil municipal d'au moins une des communes membres est, postérieurement à la date de la publication de la présente décision, partiellement ou intégralement renouvelé ».

III. REMÉDIER, PAR LA LOI, AUX CONSÉQUENCES DE LA DÉCLARATION D'INCONSTITUTIONNALITÉ

La proposition de loi de nos collègues, Alain Richard et Jean-Pierre Sueur, tout comme celle de notre ancien collègue Patrice Gélard, entend remédier à la « situation préjudiciable » résultant de la censure constitutionnelle alors, notent ses auteurs, que les périmètres communautaires vont être révisés en 2015 dans les quatre départements de la grande couronne francilienne en application de l'article 11 de la loi MAPAM du 27 janvier 2014.

A. LA RÉINTRODUCTION DE LA FACULTÉ D'UN ACCORD PLUS STRICTEMENT CONTRAINT (ARTICLE 1ER)

L'exposé des motifs de la proposition de loi souligne que « le défaut reconnu à la disposition permettant l'accord local de représentation n'est pas son existence même, mais le décalage de représentation ?manifestement disproportionné? rendu possible par son encadrement insuffisant ».

En conséquence, l' article 1 er , réintroduit, au sein de l'article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales, la faculté de composer l'organe délibérant des communautés de communes et d'agglomération par accord entre les conseils municipaux intéressés à la majorité qualifiée des deux tiers-moitié dans des limites cohérentes avec la jurisprudence constitutionnelle.

En conséquence, il établit « des limites chiffrées aux écarts de représentation issus d'un accord local » par rapport à la représentation qui résulterait de l'application « du barème démographique ?pur? » 14 ( * ) .

Il convient de rappeler que l'écart connu aujourd'hui autorisé par le juge constitutionnel est fixé à 20 % par rapport à la moyenne. Ce seuil de 20 % d'écart à la moyenne, retenu par le législateur en 1986 et en 2009 pour délimiter les circonscriptions législatives au sein d'un même département, a en effet été validé par le Conseil 15 ( * ) .

Le dispositif proposé adapte cependant les écarts autorisés à la réalité intercommunale :

- il retient la limite de 20 % dans le cas de sous-représentation d'une commune par rapport au nombre de sièges que lui offrirait la proportionnelle démographique complétée par les aménagements prévus par les III à VI de l'article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales ( cf. supra ).

- en revanche, l'article 1 er détermine plus souplement l'écart supérieur en le fixant, en valeur absolue, à un siège quel que soit par ailleurs le nombre de sièges attribué à la commune par application de la proportionnelle démographique.

Les auteurs de la proposition de loi expliquent leur choix par la fréquence, au regard de la composition des intercommunalités, de l'attribution d'un siège ou deux aux communes en application du tableau. Aussi, « pour les améliorations de représentation en faveur des petites et moyennes communes, il est impossible pratiquement de fixer le même butoir en pourcentage (...) si on ouvrait droit à une hausse de 20 % de leur représentation, cela équivaudrait en chiffres à 0 et le droit à l'accord local serait privé de son utilité » 16 ( * ) . Au regard de l'effectif global des conseils communautaires, cette règle « ne déforme pas excessivement la représentation démographique qui doit rester le principe ».

La proposition de loi maintient la limite résultant de la loi du 31 décembre 2012 : le nombre total de sièges réparti en application de l'accord ne peut excéder de plus de 25 % celui qui résulterait de l'application de la loi.

B. UN DROIT D'OPTION TEMPORAIRE POUR L'APPLICATION DU DISPOSITIF PROPOSÉ (ARTICLE 2)

L' article 2 de la proposition de loi vise à permettre aux intercommunalités touchées par la censure de l'accord local, d'y recourir dans sa version rénovée par le présent texte.

À cette fin, il ouvre une période de six mois suivant la promulgation du texte aux communautés de communes et d'agglomération dont la composition de l'organe délibérant a été modifiée après le 20 juin 2014 conformément à la décision de censure du Conseil constitutionnel.

Dans ce délai, les communes membres de ces intercommunalités pourraient conclure un accord à la majorité qualifiée pour répartir les sièges selon les nouvelles modalités proposées par l'article 1 er .

Pour les auteurs de la proposition de loi, il serait, en effet, « préjudiciable que les communautés ayant dû s'adapter les premières, du fait d'une élection partielle, soient privées de cette liberté souhaitée par tous » 17 ( * ) .

D'après l'enquête réalisée par l'Assemblée des communautés de France (AdCF), 10 % des communautés sont aujourd'hui affectées par la déclaration d'inconstitutionnalité et doivent procéder à une nouvelle répartition des sièges communautaires entre les communes membres ; « 22 % des intercommunalités se déclarent potentiellement exposées à court terme en raison de procédures en cours » 18 ( * ) .

Selon les éléments transmis par la DGCL à votre rapporteur, à l'issue des élections municipales de mars 2014, 1005 contentieux concernent des communes de moins de 1.000 habitants : au 23 juin 2014, 604 décisions avaient été prononcées dont 150 annulations. Dans les communes de 1.000 habitants et plus, ces données sont respectivement de 1.122 et 566 pour un nombre total de 2.192 contentieux.

IV. RESSERRER LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Votre commission, suivant son rapporteur, a approuvé le principe retenu par la présente proposition de loi : réintroduire, dans un cadre plus contraint et respectueux du principe de l'égalité devant le suffrage, la faculté de fixer le nombre de sièges communautaires et de les répartir par accord entre les communes membres. Les assouplissements proposés permettraient d'atténuer les effets de seuil qui, selon la composition de l'intercommunalité, peuvent particulièrement déséquilibrer la représentation des communes de taille intermédiaire. L'adoption du dispositif soumis à votre commission des lois vise à conforter le consensus qui préside à l'esprit de l'intercommunalité et facilitera, en conséquence, l'exercice commun des compétences et le fonctionnement des groupements alors même que le Gouvernement soumet au Parlement un projet de réforme qui conduirait de nombreuses communautés à fusionner 19 ( * ) .

Certes, l'écart en surreprésentation pourra, dans certains cas, excéder les limites posées par la jurisprudence constitutionnelle. Cette tolérance, cependant, n'est-elle pas inhérente à la nature des intercommunalités qui ne sont pas des collectivités territoriales de plein exercice mais des « coopératives de communes » selon la formule de notre ancien collègue et ministre Jean-Pierre Chevènement ? L'application même du tableau de l'article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales ne permet pas une stricte proportionnalité de représentation puisqu'elle doit respecter ces deux principes majeurs qui garantissent à toute commune un siège au moins et leur interdisent de détenir plus de la moitié du total de l'effectif de l'organe délibérant. MM. Jean-Pierre Raffarin et Yves Krattinger, respectivement président et rapporteur de la mission sénatoriale sur l'avenir de l'organisation décentralisée de la République, le rappelaient en 2013 : « La solidarité intercommunale doit être maintenue dans une logique collégiale, fondement sur lequel elle s'est développée et a prouvé sa réussite. C'est la clé de la cohésion de ce bloc de plus grande proximité et du succès de ses projets. » 20 ( * ) . Ces motifs sont susceptibles de répondre aux considérations d'intérêt général évoquées par le Conseil constitutionnel.

Enfin, votre rapporteur insiste sur la construction du nouveau mécanisme qui est fondé sur la règle de la proportionnalité démographique. Les tempéraments limités à la rigueur de celle-ci répondent aux motifs d'intérêt général précédemment rappelés et sont ajustés au mieux des différents impératifs en présence.

C'est pourquoi, à l'initiative de son rapporteur et de notre collègue Alain Richard, votre commission des lois a choisi de renforcer l'encadrement de l'accord local, tel que délimité par l'article 1 er , dans le sens des exigences connues de la jurisprudence constitutionnelle.

Il lui est en effet apparu, au regard de la variété des situations intercommunales, nécessaire de resserrer les écarts. Aussi la commission a-t-elle modifié l'article sur trois points pour :

- exclure de l'attribution d'un siège supplémentaire les communes ayant bénéficié de la garantie du siège de droit pour toute commune ;

- attribuer à ces communes un siège supplémentaire au cas où leur représentation serait inférieure de plus d'un cinquième par rapport à la proportionnelle démographique ;

- apprécier la sous-représentation d'une commune par sa part dans la population totale de l'intercommunalité.

Le texte adopté par la commission des lois, fonction de la population des communes, autorisera des assouplissements limités mais réels par rapport à l'application du principe proportionnel « pur ».

Quelques simulations permettent de le constater.

Les communes M, N, O et P attributaires d'un siège de droit par la répartition à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne ne pourraient donc pas bénéficier d'un siège supplémentaire, dans le cadre de l'accord local proposé par l'article 1 er .

Par ailleurs, la commission a modifié l'article 2 afin de retenir la référence des populations municipales en vigueur pour l'élaboration des accords locaux.

Le dispositif retenu par la commission se présente donc comme un texte soucieux tout à la fois de correspondre aux prescriptions constitutionnelles et de répondre aux légitimes préoccupations des élus locaux d'une représentation équilibrée des communes et de la prise en compte des spécificités du périmètre intercommunal.

*

* *

Votre commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée .

EXAMEN EN COMMISSION

________________

Mercredi 15 octobre 2014

Mme Catherine Troendlé , rapporteur . - Je remercie l'Association des maires de France, l'Association des communautés de France et la direction générale des collectivités locales qui ont accepté d'être auditionnées dans des délais très courts.

Alors que nous pensions être parvenus à un juste équilibre pour la répartition des sièges au sein des conseils communautaires, le Conseil constitutionnel, saisi par la commune de Salbris, a déclaré le 20 juin que les dispositions du deuxième alinéa du I de l'article L 5211-6-1 du CGCT étaient contraires à la Constitution. Ce fut un véritable coup de tonnerre.

La loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 représente une étape majeure supplémentaire dans le processus de la décentralisation initié par les lois de 1982 qui prônaient le renforcement de la démocratie locale. L'élection au suffrage universel direct, dans le cadre de l'élection municipale, des conseillers communautaires répondait à ce souci. L'article L. 5211-6-1 du CGCT, créé par la loi de décembre 2010, prévoit que le nombre de siège à pourvoir était fixé par un tableau variant en fonction de la population totale de l'EPCI à fiscalité propre. Ces sièges sont répartis à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, mais chaque commune doit avoir au minimum un délégué afin que sa représentation soit garantie. Enfin, aucune commune ne doit disposer de plus de la moitié des sièges.

Une possibilité d'accord amiable était prévue dans les communautés de communes et d'agglomération, sous réserve de son acceptation par les deux-tiers des conseils municipaux des communes intéressées représentant la moitié de la population totale de la communauté, ou de la moitié des conseils municipaux représentant les deux-tiers de la population. À défaut d'accord, le principe proportionnel à la population s'appliquait, comme pour les communautés urbaines et les métropoles.

La loi du 16 décembre 2010 a été modifiée par la loi du 31 décembre 2012 afin de permettre une meilleure transition entre les modes de représentation des communes au sein des conseils délibérants et des bureaux des communautés de communes. Cette loi assouplit la représentation communale dans ces EPCI à fiscalité propre. Une augmentation du nombre de conseillers, dans la limite de 25 % au lieu de 10 % précédemment, a ainsi été prévue. Elle a aussi augmenté le nombre de vice-présidents, sans pour autant que le nombre dépasse 30% des effectifs ou soit supérieur à quinze.

Ces dispositions n'ont pas été censurées par le Conseil constitutionnel qui rappelle que les intercommunalités exerçant des prérogatives au nom des communes, le principe d'égalité devant le suffrage suppose que les communes n'y soient pas représentées de manière disproportionnée au regard de leur population. La règle de l'égalité devant le suffrage est énoncée à l'article 3 de la Constitution et l'égalité des citoyens est proclamée par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'Homme.

L'article L. 5211-6-1 s'est appliqué entre la fin 2012 et l'automne 2013 à l'occasion de la répartition des sièges communautaires avant les élections municipales de mars 2014. Or, 90 % des 2 125 conseils communautaires sont parvenus à des accords locaux, s'écartant du barème strictement démographique. Pourtant, le Conseil constitutionnel saisi d'une QPC a jugé que la liberté de détermination de la représentation communale permise par l'article L. 5211-6-1 déroge au principe général de proportionnalité de la représentation communale dans une mesure manifestement disproportionnée.

Mme Jacqueline Gourault . - C'est vrai !

Mme Catherine Troendlé , rapporteur . - Seule reste donc en vigueur la règle de représentation purement démographique. À la suite de cette décision, la composition des conseils communautaires doit être revue dans deux hypothèses : pour les contentieux en cours sur la composition de l'organe délibérant et lorsque le conseil municipal d'une commune membre d'un EPCI est partiellement ou intégralement renouvelé. Les cas d'élections partielles commencent à se multiplier alors que les décisions d'annulation sont définitives. Dans les communautés de communes ou d'agglomération où un accord de représentation avait été trouvé, un bon nombre de conseillers communautaires vont se retrouver privés de leur mandat, mettant fin à l'équilibre arrêté il y a six mois.

Nous avons interpellé le gouvernement sur ces difficultés qui allaient mettre à mal le fonctionnement des communautés de communes et d'agglomération. Le groupe UMP a posé une question d'actualité le 17 juillet et MM. Richard et Sueur ont déposé cette proposition de loi le 24 juillet. MM. Gélard, Leleux et Milon ont déposé un texte quasiment identique le 3 septembre. L'exposé des motifs du texte soumis à la commission souligne que le défaut reconnu à la disposition permettant l'accord local de représentation ne tient pas à son existence même mais au décalage de représentation manifestement disproportionné. En conséquence l'article 1 er introduit au sein de l'article L.5211-6-1 la faculté de composer l'organe délibérant des communautés de communes et d'agglomération par accord entre les conseils municipaux intéressés à la majorité qualifiée des deux-tiers -moitié dans des limites cohérentes avec la jurisprudence constitutionnelle. Il établit des limites chiffrées aux écarts, en référence à la représentation qui résulterait de l'application du barème démographique pur. L'écart accepté par le juge constitutionnel est fixé à 20% par rapport à la moyenne. Ce seuil retenu par le législateur en 1986 et 2009 pour délimiter les circonscriptions législatives au sein d'un même département a été validé par le Conseil constitutionnel. La proposition de loi adapte cependant les écarts autorisés à la réalité intercommunale : elle retient la limite des 20% dans le cas de sous-représentation d'une commune par rapport au nombre de sièges qu'offrirait la représentation démographique. En revanche, « pour les améliorations de représentation en faveur des petites et moyennes communes, il est impossible pratiquement de fixer le même butoir en pourcentage. Quasiment toutes les communes intéressées n'ont droit qu'à un ou deux sièges en application du barème démographique ; si on ouvrait droit à une hausse de 20 % de représentation, cela équivaudrait en chiffres à zéro et le droit à l'accord local serait privé de son utilité : les villes principales pourraient renoncer à une part de leur représentation mais cette marge ne pourrait bénéficier aux plus petites ». Aussi le texte estime que l'ajout d'un siège est la limite de surreprésentation dans l'équilibre d'un accord local. La proposition de loi maintient également la faculté de créer 25 % de sièges supplémentaires par rapport au total résultant du tableau et des sièges de droit.

Enfin, les intercommunalités touchées par cette censure pourront bénéficier de cette proposition de loi. À cette fin, pendant une période de six mois après la promulgation du texte, les communes membres des communautés de communes et d'agglomération, dont l'organe délibérant a été modifié après le 20 juin, pourront conclure un accord à la majorité qualifiée pour répartir les sièges selon les règles définies par l'article 1 er .

Je propose d'adopter cette proposition de loi. Toutefois je dois vous faire part d'une réserve. Certains écarts de surreprésentation risquent d'excéder les bornes de la jurisprudence constitutionnelle. Mais les limiter à 20 % viderait l'accord intercommunal de sa substance au moment où la carte de l'intercommunalité sera remise sur le métier. En outre, l'amendement n° 1 de M. Alain Richard prend en compte les réserves du juge et atténue la surreprésentation pour les communes ayant bénéficié de la garantie d'un siège de droit. Sous réserve de l'adoption de cet amendement et de mes sous-amendements, je vous propose d'adopter cette proposition de loi qui répond à de nombreuses attentes.

M. Alain Richard . - Cette fois-ci, mieux vaudrait que cela marche...Pour m'en assurer j'ai relu avec attention la décision du Conseil constitutionnel et ses commentaires. Sa jurisprudence est ancienne ; elle s'est appliquée pour le découpage des circonscriptions législatives ou des cantons, pour l'élection des conseillers de Paris, etc. Son contrôle est minimal. Le Conseil constitutionnel rappelle qu'il ne dispose pas d'un pouvoir d'appréciation identique à celui du législateur et qu'il ne censure que les « disproportions manifestes ». C'est pourquoi j'ai préféré être prudent et préciser, dans mon amendement n°1, que l'attribution d'un siège supplémentaire ne pouvait faire passer une commune de zéro siège à un.

Si l'on veut être certains de la constitutionnalité du texte, pourquoi ne pas saisir le Conseil constitutionnel ? Rien n'empêche les parlementaires de le saisir en ce sens. La saisine ne constitue pas nécessairement un acte d'opposition destiné à obtenir une déclaration de non-conformité. Rien n'interdit aux parlementaires de demander au Conseil constitutionnel d'affirmer la constitutionnalité d'un texte. Après les lois de 2010 et 2012, longuement discutées, c'est la troisième fois que nous travaillons sur ce texte. Si nous ne faisons rien, nous risquons de voir posée une QPC. Pourquoi ne pas prendre l'initiative d'une saisine commune à plusieurs groupes ?

M. Philippe Bas , président . - Cette proposition est intéressante.

M. Jean-Pierre Sueur . - Je partage les analyses de Mme le rapporteur et de M. Alain Richard. Avec l'amendement n° 1 et le sous-amendement n° 2, toutes les précautions sont prises pour ne pas donner à une commune un avantage indu. M. Richard propose de saisir a priori le Conseil constitutionnel pour garantir la constitutionalité du texte. Les députés ont déjà utilisé cette faculté au sujet de la géolocalisation, mais selon moi, cette procédure doit rester exceptionnelle : certains trouvent déjà que le Conseil constitutionnel a trop de pouvoirs... Sinon, nous entrerions dans le régime de l'autorisation préalable.

Mme Catherine Troendlé , rapporteur . - Pour certains textes, il serait pertinent de solliciter l'avis du Conseil constitutionnel. Pourquoi les présidents des assemblées ne prendraient-ils pas l'initiative de cette démarche ? Elle revêtirait une dimension institutionnelle sans doute mieux acceptée.

M. Hugues Portelli . - Je suis hostile à cette démarche. Il ne faut pas mélanger les genres ! La révision constitutionnelle de 2008 a ouvert la possibilité au Parlement de saisir le Conseil d'État pour examiner les propositions de loi. Ce serait judicieux, compte tenu de la proximité - qui n'est pas seulement géographique - entre le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel...

M. François Pillet . - Je remercie les auteurs de cette proposition de loi car la décision du Conseil constitutionnel pose des problèmes importants sur le terrain. Il ne s'agit pas seulement de l'annulation de l'élection de plusieurs conseils municipaux, mais de l'arrêt de fusions en cours. Nous avions réussi, dans le Cher, à regrouper plusieurs communautés de communes. Or le processus a subi un coup d'arrêt. Cette proposition de loi procède d'une initiative heureuse et, une fois n'est pas coutume, je ne me plaindrai pas que le rapporteur ait travaillé en 24 heures. La solution proposée a l'avantage de tenir compte des territoires. Ne prendre en compte que le nombre d'habitants, cela n'est pas suffisant. Une commune de 40 habitants de 20 000 hectares peut légitimement prétendre obtenir plus de représentants qu'une commune de 500 habitants de 1 000 hectares ! Le territoire a une réalité qu'il est difficile d'inscrire dans une équation mais dont les accords tenaient compte. Égoïstement, j'espère que ce texte sera adopté pour sauver les fusions des communautés de communes dans le Cher !

M. Philippe Bas , président . - Ce texte ne résoudra pas tout, mais s'il n'est pas adopté, la seule stricte proportionnalité s'appliquera.

Mme Jacqueline Gourault . - À mon tour de remercier les auteurs de cette proposition de loi très attendue. Plus vite elle sera votée, mieux cela sera. Mais l'application stricte du tableau n'est pas non plus une catastrophe...Il faut surtout tirer les conclusions politiques du cas de Salbris : en l'occurrence, les petits villages se sont ligués contre la ville-centre. Salbris n'est qu'un chef-lieu de canton mais elle représente la grande ville pour les petits villages des alentours. La répartition était manifestement disproportionnée. Cette affaire pose la question de la majorité qualifiée. A-t-on bien fait de supprimer l'accord de la ville-centre en 2010 ? Je ne crois pas. La propension à s'opposer à la ville-centre est répandue. Toutefois, à l'heure des bassins de vie, même si l'on défend la ruralité, il ne faut pas sous-estimer le rôle des villes-centres ou des chefs-lieux de canton. Le Conseil constitutionnel a été juste. Défendre systématiquement la ruralité contre l'urbanité peut conduire à des injustices.

M. Jean-René Lecerf . - À court terme cette proposition de loi est bienvenue. À plus long terme, peut-être faudra-t-il changer la Constitution pour préciser que la souveraineté appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants, par la voie du référendum ou par les décisions du Conseil constitutionnel ! Nous nous approchons du gouvernement des juges ; le Conseil constitutionnel se donne bonne conscience en ne prétendant censurer que les erreurs manifestes d'appréciation du législateur, mais il en est seul juge ! Je suis surpris de l'attachement exclusif du Conseil constitutionnel au principe de proportionnalité démographique. À terme, 90 % du territoire ne sera plus représenté ! Il conviendrait de modifier la Constitution car la représentation doit concerner non seulement la population mais aussi les territoires. Évitons que ne se renouvelle cette situation clochemerlesque. Le Gouvernement et le Parlement étaient d'accord pour revoir la délimitation des cantons. Ils représentent davantage le peuple que le Conseil constitutionnel !

M. Philippe Bas , président . - Merci pour cette intervention dont beaucoup de membres de la commission partagent le sens et l'orientation.

M. Jean-Pierre Vial . - Je partage la position de M. Lecerf. Je remercie les auteurs de cette proposition de loi que le président Sueur avait appelée de ses voeux à la fin de la dernière session. Pour la première fois les délégués communautaires ont été élus au suffrage universel direct. Il est surprenant que le Conseil constitutionnel ait balayé d'un revers de main une élection au suffrage universel. Loin d'opposer les villes et les villages, les accords dans mon département avaient toujours été le fruit d'un accord à l'unanimité entre les communes, les cas de contentieux restant exceptionnels. Avec cette décision, de nombreuses communautés de communes risquent de se voir remises en cause. Dans bien des cas les accords ont été constitués en fonction des représentations à la communauté de commune. Ne faudrait-il pas que la décision du Conseil constitutionnel ne prenne effet qu'après les prochaines élections pour ne pas créer d'incertitudes au cours de ce mandat ?

M. Philippe Bas , président . - Le Conseil constitutionnel a déterminé lui-même les conditions d'entrée en vigueur de sa décision. Elle ne menace pas immédiatement les accords passés, mais elle implique qu'à chaque renouvellement partiel ceux-ci devront être remis en cause et que les nouvelles fusions devront obéir à la règle de proportionnalité. La proposition de loi atténue ce système, en améliorant la représentation de certaines communes. Il n'est pas possible constitutionnellement de différer la date d'entrée en vigueur de la décision.

M. Michel Mercier . - La Constitution de 1958 a mis en oeuvre des principes développés par les juristes après la première guerre mondiale, comme Mirkine-Guetzévitch ou Michel Debré. Elle a privé le Parlement de son pouvoir absolu. Il ne peut plus tout faire et doit se contenter d'un domaine d'action limité. Le Conseil constitutionnel y veille. Nous pouvons être mécontents, d'autant plus que nous sommes les premiers responsables devant les citoyens, mais la Constitution est là...

Le Conseil constitutionnel a toujours préféré sanctionner les élus locaux que les élus nationaux. Il est plus facile de définir des grands principes à l'occasion des élections locales que des élections nationales ! Il y a peu, nous avons voté la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, sur le rapport de M. Vandierendonck, qui prévoit la création d'une métropole à Lyon au 1 er janvier 2015. Malheureusement nous avons habilité le gouvernement à recourir aux ordonnances. Le Gouvernement fait ce qu'il peut pour faire échouer la métropole de Lyon. Vu ses efforts, il n'est pas impossible qu'il y parvienne ! Un projet d'ordonnance concerne le découpage électoral de la métropole afin de constituer le conseil métropolitain en 2020. L'application du principe de proportionnalité démographique est difficile : doit-elle s'appliquer à la liste ou aux individus ? Le Gouvernement propose une application à l'individu sur la liste. Il a divisé la population par le nombre de sièges, ce qui ouvre la porte aux manipulations souhaitées... Il faudra revenir sur l'application de ce principe. Nous ne ferons pas l'économie d'un nouveau texte.

M. Philippe Kaltenbach . - Au nom du groupe socialiste je remercie les auteurs de cette proposition de loi. Nous l'avons inscrite dans notre espace et la voterons. La décision du Conseil constitutionnel a créé une insécurité. Il était urgent que le législateur reprenne la main.

Monsieur Pillet, je ne suis pas favorable à la définition d'un critère de représentativité fondé sur la superficie. La représentativité concerne la population, non les hectares ! Autrement nous violerions le principe d'égalité devant le suffrage et reviendrions à la pratique des bourgs pourris, qui n'a pas existé qu'en Angleterre. La jurisprudence du Conseil constitutionnel empêche que cette situation ne se produise en France. Certains présidents des États-Unis ont été élus avec moins de voix que leur adversaire, mais plus de grands électeurs. Lors du découpage cantonal en France des écarts de un à 44 étaient apparus, ce qui était inacceptable. Le Conseil constitutionnel avec sagesse a fixé des principes. C'est la règle des 20%. L'objet de cette loi est de prévoir des adaptations.

Mme Catherine Troendlé , rapporteur . - Monsieur Lecerf, je partage votre avis, une révision constitutionnelle est souhaitable.

Madame Gourault, votre analyse est sévère. Les communes rurales ne se liguent pas toujours contre la ville-centre, même si en l'espèce ce fut le cas. La grande majorité des accords locaux ont été des succès. Salbris avait droit à 13 sièges en application du principe de proportionnalité mais elle n'en a obtenu que sept aux termes de l'accord : la disproportion manifeste.

Enfin, pour préserver les situations existantes, les auteurs de la proposition de loi ont prévu à l'article 2 que, dans les six mois qui suivront la loi, il sera possible de revenir à un accord local sur la base de la proposition de loi.

M. Jean-Jacques Hyest . - Les communautés de communes seront contraintes de modifier leurs accords...

Mme Catherine Troendlé , rapporteur . - Oui mais la proposition de loi est plus souple que le tableau.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 1

M. Alain Richard . - L'amendement n° 1 prévoit que l'adjonction d'un siège dans le cadre de l'accord local ne peut bénéficier qu'à une commune ayant au moins un siège dans le barème légal. De plus les communes qui consentiront une baisse de leur représentation ne pourront recevoir une part des sièges dans le conseil communautaire inférieure à 80 % de leur proportion dans la population totale de l'intercommunalité.

Mme Catherine Troendlé , rapporteur . - Mon sous-amendement n° 3 garantit que la représentation d'une commune ayant bénéficié du siège de droit, et donc exclue de l'attribution d'un siège supplémentaire dans le cadre de l'accord local, ne sera, au terme de la répartition des sièges, inférieure de plus d'un cinquième par rapport à la proportionnelle démographique.

M. Alain Richard . - J'y suis favorable sous réserve d'une correction rédactionnelle : au II, il faut écrire « inférieure de plus d'un cinquième à sa part dans la population totale ».

Le sous amendement rectifié n° 3 est adopté, ainsi que l'amendement n° 1 sous-amendé.

Article 2

M. Alain Richard . - Je retire mon amendement n° 2.

Mme Catherine Troendlé , rapporteur . - Dans ce cas, je transforme en sous-amendement mon amendement n° 4 pour faire référence aux chiffres de population municipale en vigueur.

L'amendement n° 4 rectifié est adopté.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1 er
Faculté d'un accord local encadré pour fixer le nombre et la répartition des sièges
dans les communautés de communes et d'agglomération

M. RICHARD

1

Exclusion des communes ayant bénéficié d'un siège de droit de la surreprésentation d'un siège. Appréciation de la sous-représentation d'une commune par sa part dans la population totale

Adopté avec modification

Mme TROENDLÉ, rapporteur

3

Application de la limite d'un cinquième en sous-représentation aux communes attributaires d'un siège de droit

Adopté

Article 2
Ouverture d'un délai de six mois aux communautés concernées par la déclaration d'inconstitutionnalité
pour adopter un accord dans les conditions de la proposition de loi

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. RICHARD

2

Cohérence rédactionnelle

Retiré

Mme TROENDLÉ, rapporteur

4

Rédactionnel

Adopté avec modification

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Direction générale des collectivités locales (DGCL)

M. Serge Morvan , directeur général des collectivités locales

M. Stanislas Bourron, adjoint au directeur général des collectivités locales

M. François Pesneau , sous-directeur des compétences et des institutions locales

M. Stéphane Brunot, adjoint au sous-directeur des compétences et des institutions locales

Association des maires de France

Mme Marie-Cécile Georges , responsable du service intercommunalité

M. Alexandre Touzet , chargé des relations avec le Parlement

Mme Hélène Guinard , conseillère technique

Assemblée des communautés de France (AdCF)

M. Charles-Eric Lemaignen , président de l'AdCF et président de la communauté Orléans Val de Loire

Mme Floriane Boulay , responsable des affaires juridiques et institutionnelles

M. Atte Oksanen , chargé des relations parlementaires


* 1 Cf. décision n° 2014-405 QPC du 20 juin 2014.

* 2 Cf. proposition de loi n° 782 (2014-2014) de MM. Alain RICHARD et Jean-Pierre SUEUR, autorisant l'accord local de représentation des communes membres d'une communauté de communes ou d'agglomération.

* 3 Cf. proposition de loi de MM. Patrice GÉLARD, Jean-Pierre LELEUX, Alain MILON et les membres du groupe UMP, autorisant l'accord local de représentation des communes membres d'une communauté de communes ou d'agglomération.

* 4 Les communautés d'agglomération se substituent aux communautés de villes créées par la loi d'orientation du 6 février 1992.

* 5 Cf. exposé des motifs du projet de loi n° 60 (2009-2010).

* 6 Les deux tiers des communes représentant la moitié de la population totale ou l'inverse.

* 7 Cf. rapport n° 169 (2009-2010).

* 8 Cf. loi n° 2012-1561 du 31 décembre 2012 relative à la représentation communale dans les communautés de communes et d'agglomération.

* 9 Cf. proposition de loi n° 754 (2011-2012) et rapport n° 108 (2012-2013).

* 10 Cf. décision n° 85-196 DC du 8 août 1985.

* 11 Cf. décision n° 94-358 DC du 26 janvier 1995 (loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire).

* 12 Cf. décision n° 2014-405 QPC du 20 juin 2014.

* 13 Cf. décision n° 2014-405 QPC du 20 juin 2014.

* 14 Cf. exposé des motifs de la proposition de loi n° 782 (2013-2014).

* 15 Cf. décisions n° 86-208 DC du 2 juillet 1986 et n° 2008-573 DC du 8 janvier 2009.

* 16 Cf. exposé des motifs de la proposition de loi n° 782 (2013-2014).

* 17 Cf. exposé des motifs de la proposition de loi n°782 (2013-2014).

* 18 Cf. communiqué de presse de l'AdCF en date du 30 septembre 2014.

* 19 Cf. projet de loi n° 636 (2013-2014) portant nouvelle organisation territoriale de la République.

* 20 Cf. rapport d'information n° 49 (2013-2014) - Des territoires responsables pour une République efficace.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page