B. UN CHIFFRAGE APPROXIMATIF DES MESURES D'ÉCONOMIES EN DÉPENSES

Sur le périmètre du projet de loi de financement, on observe un écart de 5,6 milliards d'euros entre l'évolution « tendancielle » des dépenses, telle que prévue par le rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale et les équilibres généraux définis par le projet de loi.

Figure n° 17 : Comparaison des soldes pour 2015 entre l'évolution tendancielle et le projet de loi

(en milliards d'euros)

CCSS 2014

PLFSS 2015

écart

Régime général

- 14,7

- 10,5

- 4,2

Maladie

- 10,5

- 6,9

- 3,6

Accidents du travail

0,4

0,2

0,2

Retraite

- 1,5

- 1,5

0

Famille

- 3,2

- 2,3

- 0,9

Autres régimes de base

0,2

0,2

0

FSV

- 4,3

- 2,9

- 1,4

Tous régimes de base +FSV

- 18,8

- 13,2

- 5,6

Source : Rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2014 et projet de loi

Cette « économie » par rapport à l'évolution tendancielle s'inscrit dans l'ensemble large défini par le programme de stabilité.

1. Pour 2015, un objectif de 9,6 milliards d'euros d'économies sur le périmètre des administrations de sécurité sociale

Dans le programme de stabilité adopté en avril 2014, la France s'est engagée à la réalisation de 50 milliards d'euros d'économies ou plutôt de moindres dépenses par rapport à la croissance tendancielle des dépenses sur la période 2015 à 2017, dont 21 milliards d'euros dans le champ des administrations de sécurité sociale, soit 7 milliards d'euros par an en moyenne.

Ces 21 milliards devaient se décliner en 10 milliards d'euros sur le périmètre de l'assurance maladie, 2,9 milliards d'euros au titre des réformes déjà mises en oeuvre (réformes des retraites de base et complémentaires, réforme des prestations familiales), 2 milliards d'euros de non-revalorisation de prestations sociales, 4 milliards d'euros de nouvelles réformes des retraites complémentaires et de l'assurance chômage, 0,8 milliard de réforme de la politique familiale et 1,2 milliard au titre de l'amélioration de la gestion des organismes de protection sociale.

Sur ce total, 9,6 milliards d'euros devaient intervenir en 2015 au titre des dépenses des administrations de sécurité sociale, pour un total de 21 milliards d'euros d'économies sur l'ensemble des administrations publiques.

La progression de l'Ondam, fixée à 2 % en moyenne annuelle sur la période 2015-2017, suppose, par rapport à une augmentation tendancielle estimée à 3,9 %, une économie annuelle de 3,3 milliards d'euros.

2. Le chiffrage pour le périmètre des ASSO ou les économies introuvables

Entre avril et septembre 2014, les économies qui reposaient sur une moindre revalorisation des prestations ont été considérablement réduites par la révision à la baisse de la prévision d'inflation.

Compte tenu des revalorisations intervenues en 2013, sur la base de prévisions d'inflation plus élevées, la revalorisation des pensions pour 2014, prévue à 0,6 %, devait finalement être de zéro une fois les régularisations intervenues. Cette absence de revalorisation a conduit la ministre des affaires sociales à prendre une mesure exceptionnelle en faveur des retraités modestes. In fine, la mesure de gel des pensions n'aura rapporté aucune économie et coûté... 250 millions d'euros.

Le faible rendement de ces mesures conduit le Gouvernement à abandonner le gel programmé des pensions d'invalidité, des rentes AT-MP et des prestations familiales, dont le montant était intégré dans les mesures d'économies pour près de 400 millions d'euros.

Le Gouvernement a néanmoins maintenu son objectif d'économies de 9,6 milliards d'euros, sans que le détail en soit véritablement précisé.

A la suite du secrétaire d'Etat au budget, M. Christian Eckert, devant l'Assemblée nationale, la ministre des affaires sociales, Mme Marisol Touraine a indiqué à votre commission que les économies attendues se répartissaient de la façon suivante :

- 3,2 milliards d'euros au titre de l'assurance maladie et 700 millions d'euros au titre des mesures « famille », au sein du périmètre du PLFSS ;

- 500 millions d'euros d'amélioration de la gestion des caisses ;

- 4 milliards d'euros au titre de « mesures déjà prises », contre 2,9 milliards initialement prévus sur l'ensemble de la période ;

- 1,2 milliard d'euros relevant des retraites complémentaires et de l'assurance-chômage.

Les mesures déjà prises se décomposeraient de la façon suivante :

Figure n° 18 : Chiffrage gouvernemental des économies en 2015 au titre de mesures déjà prises en milliards d'euros

Convention Unédic

1

Réforme des retraites

1,5

Retraites complémentaires

0,9

Réformes famille (dont Fnas)

0,6

Total

4

a) Que reste-t-il des économies sur la branche famille ?

1,3 milliard d'économies sont attendues, en 2015, des réformes prises ou à prendre sur le périmètre de la branche famille.

Sur les 600 millions d'euros d'économies au titre de mesures déjà prises, le rebasage du Fonds national d'action social intervient à hauteur de 290 millions d'euros.

Pour l'essentiel, les mesures d'économies sur la branche famille résultent de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014. Le gel et la modulation de la prestation d'accueil du jeune enfant représentent 20  millions d'euros, la réforme du congé parental 30 millions, de même que le gel de l'allocation de base et de la prime à la naissance, auxquels il faut ajouter le gel de l'allocation de logement familiale pour un montant de 46 millions d'euros, soit un total de 126 millions d'euros pour un rendement annoncé de plus de 220 millions d'euros. L'actualisation des chiffrages conduit à ne retenir que 420 millions d'euros sur 600 au titre des mesures déjà prises.

Pour les mesures à prendre, le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale ainsi que les annonces gouvernementales conduit à retenir une hypothèse de 400 millions d'euros au titre de la modulation des allocations familiales et de 130 millions d'euros pour les autres mesures relevant du domaine règlementaire, soit 530 millions au lieu de 700 intégrés par le projet de loi lors de son dépôt.

Enfin, la modulation des allocations familiales, qui suppose pour les caisses la mise en place de mécanismes de connaissance et de contrôle de l'évolution des revenus des familles, au prix de plusieurs centaines d'équivalents temps pleins supplémentaires, devrait contrarier, quant à elle, l'objectif de 500 millions d'euros d'économies sur la gestion des caisses.

b) Les dépenses sous Ondam : une anticipation de la mise en oeuvre de la stratégie nationale de santé

Les mesures d'économies relatives aux dépenses sous Ondam résultent pour l'essentiel de mesures à prendre dans le cadre de la mise en oeuvre de la stratégie nationale de santé, qui n'est pas encore adoptée par le Parlement au travers du projet de loi relatif à la santé, déposé le 15 octobre dernier.

Mesures nouvelles en milliards d'euros

Régime général

Toutes branches

FSV
(section 1)

Mesures du pacte de responsabilité

- 5,9

- 5,9

- 0,1

Abattement C3S et intégration financière du RSI

- 0,9

- 0,9

- 0,1

Exonération des cotisations familiales des TI

- 1

- 1

Exonération des cotisations familiales jusqu'à 1,6 Smic

- 3,7

- 3,7

Renforcement des allègements généraux

- 0,3

- 0,3

Compensation des pertes de recettes du pacte

6,2

6,2

Prélèvement à la source sur caisses de congés payés

1,4

1,4

Budgétisation de l'APL

4,8

4,8

Autres mesures PLF

2,9

2,9

Transfert du prélèvement de solidarité

2,5

2,5

Transfert des formations médicales

- 0,1

- 0,1

Rebudgétisation TEPA

0,5

0,5

Ajustement de la fraction de TVA nette

- 1,7

- 1,7

Transferts prévus en PLFSS

-1,5

-1,5

1,3

Droits tabacs

-0,2

-0,2

C3S

Taxe sur les salaires

-1,3

-1,3

Effets nets des transferts PLF/PLFSS

0

0

1,2

Economies Ondam

3,3

3,3

Efficacité de la dépense hospitalière

0,52

Optimisation des dépenses des établissements

0,055

Optimisation des achats et fonctions logistiques

0,35

Liste en sus

0,105

Tarification des plasmas thérapeutiques

0,001

Virage ambulatoire et adéquation de la prise en charge en établissement

0,37

Développement de la chirurgie ambulatoire

0,1

Réduction des inadéquations hospitalières

0,11

Rééquilibrage de la contribution de l'Ondam à l'OGD

0,16

Produits de santé et promotion des génériques

1,065

Baisse de prix des médicaments

0,55

Promotion et développement des génériques

0,435

Biosimilaires

0,003

Tarifs des dispositifs médicaux

0,005

Pertinence et bon usage des soins

1,155

Baisse des tarifs des professionnels libéraux

0,15

Maîtrise des volumes et de la structure de prescription
des médicaments

0,4

Lutte contre les iatrogénies médicamenteuses

0,1

Maîtrise médicalisée hors médicament

0,375

Mise en oeuvre des réévaluations de la HAS

0,13

Lutte contre la fraude

0,0075

Mesures relatives à la branche famille

0,9

0,9

Modulation prime à la naissance

0,3

0,3

Autres mesures

Autres mesures PLFSS

0,3

0,3

0,2

Débouclage de la section 2 du FSV

0,2

Transfert au titre de la sous-déclaration des AT-MP

Réforme de l'assurance décès

0,2

0,2

Circuits comptables et financiers à Mayotte

0,1

0,1

Total "économies" et recettes nouvelles

4,5

4,5

0,2

c) Les chiffrages pour les régimes à gestion paritaire : une feuille de route pour les partenaires sociaux ?

Votre commission s'interroge sur la nature des économies prises en compte au titre de l'Unédic et des régimes complémentaires Agirc et Arcco.

La prise en compte de 1,9 milliard au titre de mesures déjà prises ne semble pas avoir été actualisée des effets de la moindre inflation constatée en 2014, ni corrigée des mesures en dépenses.

En septembre 2014, les effets nets de la réforme de l'assurance chômage étaient estimés à 830 millions d'euros pour l'année 2015.

Estimés initialement à 2 milliards d'euros sur trois ans, les effets de l'Accord national interprofessionnel intervenu en mars 2013 pour les régimes de retraite complémentaire ont été actualisés à 800 millions d'euros, soit moins de 300 millions d'euros pour l'année 2015.

De la même manière, une économie de 1,2 milliard est attendue dès 2015 au titre de nouvelles conventions dont la négociation est amorcée au sein des régimes Agirc-Arcco mais n'est ni ouverte, ni même annoncée pour ce qui concerne le régime d'assurance-chômage.

Au total, ce chiffrage apparaît davantage comme une feuille de route proposée aux partenaires sociaux que comme le constat d'économies réellement attendues.

3. Les modifications intervenues à l'Assemblée nationale

En recettes, l'Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements tendant à une perte de recettes :

- l'augmentation de la réduction forfaitaire de cotisations pour les particuliers-employeurs pour la garde d'enfants de 6 à 14 ans, pour un nombre d'heures maximum de 40 heures par mois, sous réserve d'avoir recours au dispositif de la Pajemploi, pour un coût supplémentaire estimé par le Gouvernement à 75 millions d'euros (article 8 ter ) ;

- l'exonération de contribution sociale de solidarité des sociétés sur les coopératives artisanales, qui n'a pas été chiffrée (article 12 quater ) ;

- deux mesures spécifiques pour la Corse au bénéfice d'une part, des agriculteurs et d'autre part des entreprises ayant subi un préjudice du fait des perturbations de la liaison maritime assurée par la SNCM, qui n'ont pas été chiffrées (articles 15 bis et 15 ter ).

L'Assemblée nationale a également adopté des amendements d'augmentation des recettes.

Il s'agit notamment de :

- l'intégration des dividendes versés aux dirigeants majoritaires des SA et SAS, pour la part excédant 10 % du capital social, dans l'assiette des cotisations sociales pour un montant qu'il n'est pas possible de déterminer précisément (article 12 bis) ;

- l'augmentation très significative, (130 %) des droits sur les tabacs pour les cigares et les cigarillos (article 12 quinquies ).

En dépenses, les modifications apportées par l'Assemblée nationale se concentrent sur les articles relatifs à la branche famille, en particulier sur le dispositif de modulation des allocations familiales en fonction des revenus du ménage (article 61 A). Sur les 700 millions d'euros d'économies initialement prévues sur la branche famille, 530 millions demeurent, dont 400 résultent du dispositif prévu par l'article 61 A et 130 millions de dispositions réglementaires.

Au total, même si les tableaux d'équilibre n'ont pas été rectifiés par l'Assemblée nationale, les mesures en recettes n'équilibrent pas les mesures de moindres économies en dépenses.

C'est donc un projet de loi de financement au solde dégradé qui est issu des travaux de l'Assemblée nationale.

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