EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 12 novembre 2014, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Jean-François Husson et Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteurs, et à l'élaboration du texte de la commission sur la proposition de loi n° 802 (2013-2014) relative à la prise en compte par le bonus-malus automobile des émissions de particules fines et d'oxydes d'azote et à la transparence pour le consommateur des émissions de polluants automobiles.

M. Jean-François Husson, rapporteur . - Aline Archimbaud et plusieurs de nos collègues du groupe écologiste ont déposé une proposition de loi « relative à la prise en compte par le bonus-malus automobile des émissions de particules fines et d'oxydes d'azote et à la transparence pour le consommateur des émissions de polluants automobiles » , qui a été envoyée à notre commission. Cette initiative fait suite à une proposition de loi des mêmes auteurs qui prévoyait l'instauration d'une taxe de 500 euros à l'immatriculation de tous les véhicules diesel, dont la commission a débattu au printemps sur le rapport de Gérard Miquel. Elle intervient également après un débat dans le cadre de la loi de finances rectificative de cet été, autour d'amendements de Gérard Miquel et d'Aline Archimbaud prévoyant l'instauration d'une taxe additionnelle au malus sur les émissions de dioxyde de carbone (CO 2 ), assise sur les émissions de particules. La commission et le Gouvernement avaient demandé le retrait de ces amendements, notamment parce qu'ils alourdissaient la charge pesant sur les automobilistes.

Je ne reviens pas sur la nocivité des émissions de particules et d'oxyde d'azote pour la qualité de l'air et la santé. Gérard Miquel l'avait fait, de manière convaincante, dans son rapport sur la première proposition de loi d'Aline Archimbaud. Les auteurs de ce texte mettent donc l'accent sur un vrai enjeu sanitaire et environnemental. C'est aussi un enjeu financier puisque la France est sous la menace d'une prochaine condamnation par la Cour de justice de l'Union européenne (qui pourrait être lourde), pour manquement aux directives européennes sur la qualité de l'air.

Je partage donc les objectifs que les auteurs se sont assignés.

Pour autant, je ne vous préconiserai pas l'adoption des trois articles de ce texte, pour des raisons que je vais vous exposer.

L'article premier propose l'instauration d'une taxe additionnelle au malus sur les émissions de CO 2 . Cette nouvelle imposition ne serait pas codifiée. Comme le malus, elle serait due sur le premier certificat d'immatriculation délivré en France pour un véhicule de tourisme.

Elle serait assise sur le nombre de grammes d'oxydes d'azote et de particules fines émis par kilomètre. Le barème de l'imposition ainsi que les modalités de son application seraient renvoyés à un décret.

Je ne peux soutenir cette initiative. En premier lieu parce que, là encore, elle alourdirait la fiscalité pesant sur les automobilistes alors qu'ils vont déjà subir une nouvelle augmentation des taxes sur le diesel. En deuxième lieu, parce qu'elle est susceptible d'inciter les propriétaires des véhicules les plus anciens, et les plus polluants, à les conserver afin de ne pas subir la nouvelle imposition. En troisième lieu parce que sa constitutionnalité n'est pas assurée, c'est le moins que l'on puisse dire. Le renvoi à un décret pour la définition du barème fait que le législateur n'épuiserait pas sa compétence. Enfin, nous le verrons, les auteurs de la proposition de loi semblent eux-mêmes avoir des doutes sur l'assiette de leur taxe, étant donné qu'ils demandent un rapport pour éclaircir les conditions dans lesquelles les mesures de particules sont effectuées.

Il convient donc de ne pas adopter cet article.

L'article 2 prévoit, comme je viens de le dire, la remise au Parlement d'un rapport sur l'indépendance de l'expertise technique relative à la définition et à la méthodologie des mesures des émissions de polluants par les véhicules automobiles. Il s'agit donc d'une demande d'information afin de permettre au législateur de s'assurer de la fiabilité des mesures affichées au moment de la vente des véhicules.

En soi, je n'ai pas d'opposition à une telle demande. Pour autant, je ne peux vous proposer de l'adopter car, souhaitant le rejet des autres articles, il me semble peu opportun d'envoyer à l'Assemblée nationale une proposition de loi se limitant à une demande de rapport - d'autant que le prochain examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte fournira un véhicule adapté à l'examen d'une telle demande.

Enfin, l'article 3 entend créer un certificat de diagnostic d'éco-entretien. Il s'agirait, en quelque sorte, d'un complément à l'actuel contrôle technique. Ce diagnostic ne serait, cependant, pas à réaliser à intervalle régulier mais dans l'année précédant le moment de la revente d'un véhicule de plus de quatre ans.

Cette proposition est intéressante. Elle l'est d'ailleurs tellement qu'elle figure déjà dans le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte que nous examinerons au premier trimestre (elle en constitue l'article 17 bis ). Il ne me paraît donc pas adéquat de faire circuler dans deux navettes des dispositions similaires. Les auteurs devraient être satisfaits d'ici quelques semaines. Pour cette raison, je préconise de ne pas adopter cet article.

Au total, je recommande donc à la commission de ne pas adopter cette proposition de loi.

M. André Gatollin . - Je remercie le rapporteur pour son exposé concis. Comme vous l'avez souligné, le texte initialement déposé posait un certain nombre de difficultés, dont un problème de constitutionnalité. Aline Archimbaud et mes collègues du groupe écologiste ont donc déposé deux amendements visant à y remédier. Le premier amendement modifie l'article premier et vise à proposer un barème qui majore le malus sur les émissions de CO 2 en fonction de la norme d'émissions de particules que respecte le véhicule taxé. Cette majoration irait de 5 % pour un véhicule respectant la norme Euro 6, à 35 % pour un véhicule ne respectant pas la norme Euro 1.

S'agissant de l'article 3, comme vous l'avez dit, le projet de loi sur la transition énergétique en cours d'examen par le Parlement prévoit une disposition relative à un éco-diagnostic d'entretien des véhicules. Il s'agit de l'article 17 bis . Notre second amendement en reprend la rédaction, en ajoutant toutefois la prise en compte des émissions de particules fines, qui ne figure pas dans l'article 17 bis précité.

Enfin, de façon plus générale, je suis rapporteur, à la commission des affaires européennes, d'un paquet législatif « Air pur pour l'Europe », qui prend précisément en compte l'impact sanitaire, en matière de pollution de l'air, des émissions d'oxydes d'azote et de particules fines, et qui vise à étendre les normes sur la qualité de l'air à ces polluants.

J'ajoute qu'autant les règles sur les émissions de dioxyde de carbone ont été posées et fonctionnent plutôt bien - le premier bilan qui en a été fait conclut à une réduction des gaz à effet de serre (GES) -, autant les conséquences principales des autres composants chimiques que sont les oxydes d'azote, le dioxyde d'azote et les particules fines étaient jusqu'à présent mal prises en compte. Elles ont avant tout des impacts en termes de santé publique et non en termes de réchauffement climatique. Les chiffres relatifs à cet impact peuvent être assez variables. D'ailleurs, dans l'exposé des motifs de la proposition de loi, figure une petite erreur. Les 42 000 décès prématurés mentionnés ne sont pas des chiffres de l'Union européenne, mais issus d'une étude de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Cette question des décès prématurés est d'ailleurs complexe. Elle signifie que les émissions polluantes contribuent à une mortalité avancée. Il ne faut pas tomber dans le catastrophisme, mais le coût de ces polluants en termes de santé publique est particulièrement important. La Commission européenne considère également que la mise en oeuvre de normes prenant en compte les conséquences de ces polluants est une mesure d'innovation économique. Elle veut faire de l'Europe un acteur dominant de ce marché mondial.

Notre premier amendement vise donc, plutôt que de taxer davantage le diesel ou de réduire la fiscalité favorable dont il bénéficie, à proposer un système qui permette, progressivement, avec l'évolution des normes qui se mettent en place dans l'industrie automobile, de passer à des véhicules plus propres et de faciliter cette transition sans qu'elle soit trop pénalisante, notamment pour les populations les moins aidées. Je vous invite donc à adopter ces deux amendements de complément à notre proposition de loi.

M. Jean-François Husson, rapporteur . - Malgré ces amendements, mes observations sur la proposition de loi demeurent intactes, notamment sur l'alourdissement de la fiscalité et, s'agissant du second amendement, sur la question de la double navette.

Je le répète, je partage vos préoccupations sur les particules fines, pour avoir présidé une association agréée de surveillance de la qualité de l'air (AASQA). Il faut effectivement faire attention à ne pas apeurer outre mesure nos concitoyens sur la question des décès prématurés. Cette notion signifie simplement que l'OMS considère que les personnes décèdent un peu plus tôt que l'âge théorique si elles n'avaient pas été exposées à ce type d'émissions. À cet égard, il me semble que le seul aspect qu'il pourrait être intéressant d'étudier serait de pouvoir évaluer le coût des éventuels traitements médicaux liés à la fin de vie de ces personnes qui décèderaient prématurément.

M. Maurice Vincent . - Je veux simplement vous donner notre sentiment, qui rejoint largement celui du rapporteur, sauf peut-être sur l'article 2. Sur les articles premier et 3, vous avez exprimé une opinion que je rejoins, peut-être pas tout à fait pour les mêmes motifs s'agissant de l'article premier. En effet, il ne s'agit pas de rejeter par principe toute taxation supplémentaire qui ne nous convient pas, car il faudra bien avancer sur ces questions de santé publique. Toutefois, la rédaction de l'article nous semble poser problème, même avec l'amendement, car elle ne propose pas de bonus. Il y a donc un déséquilibre, un aspect punitif qui n'est pas très en vogue pour le moment. Sur l'article 3, je vous rejoins. Pour ce qui nous concerne, nous ne soutiendrons donc pas cette proposition de loi, mais nous nous abstiendrons car le fond du problème est réel et mérite que l'on poursuive une réflexion collective, bien que les dispositions proposées ne nous paraissent pas satisfaisantes.

M. Francis Delattre . - La question de l'exposition de la population aux émissions de particules est un sujet de préoccupation pour nos départements. La population exposée nous interpelle en tant qu'élus. Que peut-on préconiser ? De ce point de vue, il me semblerait utile de conserver l'article 2, afin de pouvoir disposer d'un rapport sérieux sur le sujet, même si je comprends qu'il est peut-être excessif de limiter une proposition de loi à une demande de rapport.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général . - Pour ma part, je suivrai la position du rapporteur. Le problème principal est de retirer de la circulation les vieux véhicules les plus polluants, plutôt que de taxer les plus récents.

Je suis par ailleurs assez interrogatif sur l'article 3. En effet, il existe bien un contrôle technique, obligatoire de manière régulière, et qui s'impose au moment de toute cession de véhicule. Pourquoi ne pas prévoir, au moment du contrôle technique, d'ajouter dans ce diagnostic des éléments sur le diesel par exemple ? Pourquoi créer un nouveau diagnostic, à un moment différent, qui créerait de nouvelles obligations pour les particuliers, et les obligerait à prendre deux rendez-vous différents pour l'entretien de leur véhicule ? Ne peut-on faire plus simple ?

M. André Gattolin . - J'approuve les propos de Francis Delattre. Il est vrai que cela fait plusieurs lois de finances que, à chaque fois que nous proposons des amendements sur le diesel et les particules fines, on nous renvoie au manque d'études. Il serait donc peut-être temps de réaliser ce type d'études. Il me paraîtrait également important qu'on cesse de nous répondre qu'il faudrait bien sûr légiférer, mais que l'on manque d'études d'impact.

Sur l'article 3, le problème du contrôle technique est qu'il s'agit d'une norme européenne, que l'on ne peut donc modifier à notre guise. En outre, le contrôle des émissions de particules fines et des oxydes d'azote est quelque chose de lourd et coûteux.

M. Jean-François Husson . - Je voudrais ajouter qu'il me paraît important, sur ces problématiques, de considérer le problème de la pollution de l'air dans son ensemble : les sources en sont nombreuses et ne concernent pas que les transports. La proposition de loi ne traite finalement que de la pollution de l'air par l'automobile, alors qu'il existe d'autres sources de ce type de pollution. D'ailleurs, l'air est parfois plus pollué à l'intérieur des bâtiments qu'à l'extérieur. C'est une réalité. Il ne s'agit pas de s'exempter de nos responsabilités en tant que législateur, mais je pense que nous disposons aujourd'hui de suffisamment de dispositifs, d'outils de mesure et d'enceintes pour nous efforcer de progresser dans ces domaines, sans passer par une proposition de loi.

Mme Michèle André, présidente . - Monsieur le rapporteur, vous rendez donc un avis défavorable sur les deux amendements et sur la proposition de loi. Cela n'interdira pas le débat en séance publique, qui se tiendra le 19 novembre.

Les amendements n° 1 et n° 2 ne sont pas adoptés.

La commission n'adopte pas de texte sur la proposition de loi relative à la prise en compte par le bonus-malus automobile des émissions de particules fines et d'oxydes d'azote et à la transparence pour le consommateur des émissions de polluants automobiles.

En conséquence, et en application de l'article 42, alinéa premier, de la Constitution, la discussion portera en séance sur le texte de la proposition de loi.

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