D. LES DISPOSITIFS DE SOUTIEN AUX ENTREPRISES DOIVENT ÊTRE CIBLÉS SUR LES BESOINS PRIORITAIRES

1. Une forte réduction des dispositifs d'intervention en faveur des entreprises dans les secteurs de l'artisanat, du commerce, des services et de l'industrie

L'action 2 « Commerce, artisanat et services » voit ses crédits hors titre 2 baisser passer de 52 millions d'euros à 33 millions d'euros en CP entre 2014 et 2015, soit une forte baisse de 37,6 % (19 millions d'euros) . Il en va de même pour l'action 3 « Actions en faveur des entreprises industrielles » , dont les crédits hors titre 2 passent de 88 millions d'euros en 2014 à 78 millions d'euros en 2015, soit une baisse de 11,7 % (10 millions d'euros) .

Ces baisses portent en quasi-totalité sur les dépenses d'intervention en faveur des entreprises et des autres collectivités , qui représentent respectivement 95 % et 92 % des crédits hors titre 2 de ces deux actions. De fait, si des économies sur le fonctionnement courant ont bien lieu, les marges de manoeuvre demeurent extrêmement limitées.

Le programme 134 est en effet marqué, en 2015, par une réduction sensible du format de certains instruments de soutien aux PME , dans les secteurs de l'industrie, du commerce, de l'artisanat, du commerce et du tourisme. Il convient toutefois de rappeler que cette baisse est largement - bien que différemment et sans lien direct - compensée par les crédits ouverts dans le cadre des programmes liés aux investissements d'avenir (cf. supra ).

Parmi les dispositifs qui voient leurs crédits réduits au titre de l'exercice 2015, on peut notamment citer :

- l'indemnité de départ (IDD) des artisans ou commerçants faisant valoir leurs droits à la retraite, évaluée à 8,9 millions d'euros en 2014 et supprimée à partir de 2015 (cf. infra , article 51 rattaché à la mission) ;

- la subvention versée au fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC) , qui passe de 20 millions d'euros en AE et CP en 2014 à respectivement 19,3 millions d'euros en AE et 8,9 millions d'euros en CP en 2015 (cf. infra ) ;

- les transferts aux autres collectivités au titre de l'action 2, qui passent globalement de 9 millions d'euros en 2014 à 7,8 millions d'euros en 2015. Il s'agit notamment des subventions versées aux chambres de métiers et de l'artisanat (CMA), aux groupements professionnels et à divers instituts de formation 12 ( * ) ;

- les crédits alloués à l'animation et à la gouvernance des pôles de compétitivité , qui passent de 16 millions d'euros en 2014 à 11,5 millions d'euros en 2015 en CP. Pour mémoire, le financement total apporté par l'État aux pôles de compétitivité est de 450 millions d'euros sur la période 2013-2015, conformément aux engagements pris par le Premier ministre et les présidents de conseils régionaux le 12 septembre 2012.

Certains dispositifs affichent toutefois une stabilité de leurs crédits entre 2014 et 2015, et notamment :

- la dotation de l'établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) , quasi-stable à 6,9 millions d'euros, qui finance la restructuration de centres commerciaux de proximité dégradés dans les quartiers prioritaires ;

- les subventions attribuées aux centres techniques industriels (CTI) , stables à 20 millions d'euros, qui financent des actions de promotion de l'industrie et de modernisation de l'outil de production des PME ;

D'une manière générale, vos rapporteurs spéciaux estiment que cette baisse des crédits alloués à certains instruments de soutien aux entreprises doit être l'occasion de rationaliser l'emploi des fonds publics, de réformer des procédures souvent trop lourdes, et de cibler plus précisément les projets prioritaires , à commencer par ceux qui permettent de revitaliser les zones rurales ou les zones urbaines sensibles.

2. Le nécessaire ciblage du FISAC vers les projets prioritaires

Créé par l'article 4 de la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989, le fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC) a pour vocation de soutenir l'adaptation de l'offre commerciale et artisanale de proximité dans les zones fragilisées par les évolutions économiques et sociales, particulièrement en milieu rural, à la périphérie des grandes villes ou dans les zones urbaines sensibles. Les subventions versées par le FISAC aux collectivités territoriales et aux entreprises permettent ainsi de financer des actions de promotion et de communication, la réfection de halles, marchés, locaux professionnels et centres commerciaux de proximité, ou encore la mise en place d'une signalétique commerciale.

Dans un référé du 31 juillet 2014, la Cour des comptes a relevé les sérieux dysfonctionnements de la gestion du FISAC , et notamment :

- les lourdeurs administratives découlant de la double instruction des dossiers, successivement examinés par les DIRECCTE et la DGCIS ;

- l'allongement considérable des délais d'instruction, qui était en moyenne de 14 mois en 2012, ce qui « place les porteurs de projets en situation de difficulté financière et décrédibilise l'action de l'État » ;

- un coût moyen pour l'État de 46 793 euros par emploi créé, et un effet d'aubaine important 13 ( * ) , qui incitent à relativiser les effets positifs du FISAC sur l'emploi et sur l'activité ;

- le choix coûteux et dérogatoire au droit commun de confier la gestion financière du FISAC au régime social des indépendants (RSI).

Surtout, le FISAC connaît une crise de financement aiguë imputable à la contradiction qui existe entre, d'une part, la hausse du nombre de dossiers éligibles du fait des nouveaux critères prévus par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (LME) et, d'autre part, la baisse constante des crédits alloués au FISAC : 20 millions d'euros ont ainsi été ouverts en AE en 2014, contre 65,5 millions d'euros en 2010, soit une baisse de 69,5 %. Il en résulte une « impasse budgétaire » évaluée par la Cour des comptes à 80 millions d'euros en 2014 , comblée par des ouvertures de crédits exceptionnelles 14 ( * ) qui ne sauraient constituer une réponse durable.

Tirant les conséquences de ces défaillances, la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises (loi ACTPE) a profondément réformé les modalités d'intervention du FISAC, en passant d'une logique de guichet à une logique d'appel à projets . Cette réforme devrait permettre de recentrer le dispositif sur les projets les plus porteurs. Les subventions accordées ne pourraient pas excéder l'enveloppe budgétaire préalablement arrêtée .

Vos rapporteurs spéciaux se félicitent de cette réforme, et estiment qu'il convient de lui « laisser sa chance » . Ils relèvent toutefois que celle-ci demeure incomplète, dans la mesure où les lourdeurs qui résultent du système de double instruction n'ont pas été remises en cause par la loi. La secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire, Carole Delga, a toutefois pris des engagements à cet égard devant nos collègues députés : « Concernant la double instruction dans le cadre d'appels à projet, la procédure sera plus efficace entre le niveau régional et le niveau national. Je peux vous assurer qu'il n'y aura plus de doubles instructions 15 ( * ) ».

Dans ce contexte, il est compréhensible que l'enveloppe de 19,3 millions d'euros en AE prévue au titre de l'année 2015 demeure à un niveau relativement faible et proche de celui de 2014, et ceci tant que le FISAC n'aura pas fait la preuve de sa capacité à cibler les projets véritablement prioritaires, en évitant les effets d'aubaine trop souvent constatés. À cet égard, vos rapporteurs spéciaux appellent à une concentration des moyens sur les actions d'accessibilité et de sécurité, dans les communes rurales et dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville .

Par ailleurs, une partie des ressources du FISAC est affectée au financement des programmes d'action et de développement économique menées par les chambres de métiers et de l'artisanat dans le cadre du dispositif « DEVECO ». L'enveloppe du DEVECO a été réduite de 68 % ces cinq dernières années , passant de 12,7 millions d'euros en 2010 à 4 millions d'euros en 2014.

Évolution des crédits du FISAC de 2010 à 2015
et de la part allouée au dispositif « DEVECO »

(en millions d'euros)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

FISAC

65.5

64.0

40.9

32.3

20.0

19.31

DEVECO

12.7

11.4

8.0

4.5

4.0

Évolution du DEVECO

-10%

-30%

-56%

-12%

Source : assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat (APCMA).

Compte tenu des éléments recueillis lors de l'audition des représentants de l'assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat (APCMA), vos rapporteurs spéciaux estiment que cette baisse, comparable à celle du FISAC dans son ensemble, est pleinement justifiée . De plus, la logique de l'appel à projets prévue par la réforme du 18 juin 2014 a vocation à s'étendre à la part du FISAC affectée aux CMA , afin d'éviter un saupoudrage des fonds publics.

3. Les interventions de Bpifrance relevant du programme

Le programme 134 porte 30 millions d'euros de crédits affectés à Bpifrance , au titre de l'action 20 « Financement des entreprises et attractivité du territoire 16 ( * ) ». Il s'agit de dotations en faveur de l'activité « garantie » de Bpifrance Financement , qui vise à créer un effet de levier sur la mobilisation des prêteurs privés, en proposant une offre de garanties, le cas échéant complétée de prises de participations. L'objectif est ainsi de faciliter l'accès au crédit des PME en cas de défaillance du marché ou de rationnement du crédit.

La dotation de l'État, qui vient compléter les ressources mobilisées en interne par Bpifrance, sera en partie fléchée vers les TPE et PME d'outre-mer, qui rencontrent des difficultés particulières d'accès au crédit. Par ailleurs, la dotation de l'État pourra le cas échéant être complétée par les régions, sur fonds propres ou via le fonds européen de développement économique et régional (FEDER).

La dotation de 30 millions d'euros prévue sur le programme 134 demeure toutefois très modeste au regard des montants globalement mobilisés par Bpifrance au service du développement des PME . En 2013, l'encours de crédits et le portefeuille d'investissements de Bpifrance s'élevait ainsi à 46,5 milliards d'euros, en hausse de 7 % par rapport à 2012.

Encours crédit et portefeuille d'investissement

(en milliards d'euros)

Source : bilan d'activités Bpifrance 2013.

Afin d'accompagner la reprise de l'investissement des PME et des ETI, le plan stratégique 2014-2017 de Bpifrance prévoit une large gamme de produits, parmi lesquels :

- la garantie des crédits bancaires : 8,2 milliards d'euros de garanties sont prévues en 2014, contre 8 milliards d'euros en 2013 ;

- les prêts de développement à 7 ans : 1 650 millions d'euros sont prévus en 2014, contre 1 260 millions d'euros en 2013 ;

- le préfinancement du CICE : 1 200 millions d'euros sont prévus en 2014 au titre du préfinancement du CICE, après 795 millions d'euros en 2013, auxquels s'ajoutent d'autres dispositifs de soutien à la trésorerie ;

- le soutien à l'innovation , via le préfinancement du crédit d'impôt recherche (CIR), les prêts pour l'innovation, les prêts Numérique ou encore le fonds Large Venture ;

- le soutien à l'exportation , via la filiale Bpifrance Export, qui regroupe Bpifrance, COFACE et UBIFRANCE, et prévoit 500 millions d'euros d'engagements à horizon 2017 ;

- l'investissement en fonds propres dans les PME , via la Bpifrance Participations ou Bpifrance Investissement, à hauteur de 170 millions d'euros prévus en 2014, contre 91 millions d'euros en 2013.


* 12 Institut supérieur des métiers (ISM), institut de formation commerciale permanente (IFOCOP), institut national des métiers d'art (INMA) etc.

* 13 74 % des entreprises aidées affirment qu'elles auraient réalisé les mêmes investissements sans l'intervention du FISAC.

* 14 Cette année encore, avec un abondement de 8,1 millions d'euros voté par l'Assemblée nationale lors de l'examen de la mission « Économie » (cf. infra).

* 15 Source : Assemblée nationale, commission élargie du 30 octobre 2014.

* 16 Il faut y ajouter 100 000 euros au titre de bonification de prêts accordés à des PME, ces crédits correspondant à des anciens

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