EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

La proposition de loi visant à faciliter l'expulsion des squatteurs de domicile, déposée par Mme Natacha Bouchart, et cosignée par plusieurs de nos collègues 1 ( * ) , tend à lutter contre le développement préoccupant de la pratique des « squats », occupation sans droit ni titre d'un local.

Ce type de procédé se caractérise par une grande simplicité d'installation pour l'occupant illégal mais, à l'inverse, par d'importantes difficultés pour y mettre un terme.

La situation est particulièrement préoccupante dans certaines villes comme Calais, où certains squats peuvent compter jusqu'à 350 occupants.

Le présent texte n'a cependant pas pour objet de traiter la problématique de l'ensemble des squats, mais seulement celle des occupations illicites de domiciles.

Il a pour objectif d'apporter une réponse rapide à la personne victime d'une occupation car, plus la situation se prolonge, et plus il est difficile d'y mettre fin en raison notamment de la multiplication des occupants du squat.

Il n'est pas ici question de mettre en place un nouveau dispositif d'expulsion dérogatoire du droit commun, ni de revenir sur les garanties qui encadrent les procédures d'expulsion actuelles, comme le respect de la trêve hivernale, mais bien de renforcer l'efficacité des règles existantes en matière de violation de domicile.

Dans cette perspective, votre commission, à l'initiative de son rapporteur, a proposé une reformulation du dispositif, qui répond à l'objectif poursuivi par les auteurs de cette proposition de loi.

I. LE DOMICILE, UN ÉLÉMENT DE LA VIE PRIVÉE, PROTÉGÉ PAR LE DROIT EN VIGUEUR


La protection conventionnelle et constitutionnelle du domicile

Le principe de l'inviolabilité du domicile est le prolongement de la liberté individuelle, qui constitue l'un des principes fondamentaux du droit français.

L'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme énonce que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ». De jurisprudence constante, la Cour européenne des droits de l'homme estime que le respect du domicile « relève de la sécurité et du bien-être personnel ».

Quant à l'article 17 du pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté par l'Assemblée générale des Nations unies le 16 décembre 1966, il reprend quasiment à l'identique l'article 12 de la déclaration universelle des droits de l'homme, et prévoit que « nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes . »

Le respect du domicile de toute personne habitant sur le territoire français est constitutionnellement garanti. Il relève des principes fondamentaux reconnus pas les lois de la République. Ainsi, parmi ces principes figure celui de l'inviolabilité du domicile du citoyen, dont la formulation la plus célèbre se trouve à l'article 76 de la Constitution du 22 frimaire An VIII : « la maison de toute personne habitant sur le territoire français est un asile inviolable. Pendant la nuit, nul n'a le droit d'y pénétrer que dans des cas d'incendie, d'inondation ou de réclamation faite de l'intérieur de la maison. Pendant le jour, on peut y entrer pour un objet spécial déterminé ou par une loi ou par un ordre émané de l'autorité publique ».


La protection législative du domicile

L'occupant légitime dépossédé de son domicile, victime d'un squat, dispose de plusieurs procédures différentes pour mettre fin à l'atteinte portée à ses droits. Outre l'alternative classique entre le contentieux pénal et le contentieux civil, le locataire ou le propriétaire du domicile peut saisir le préfet pour obtenir l'expulsion de l'occupant illégal, sans décision judiciaire.

En matière civile , il convient d'éviter toute confusion entre le phénomène des squats, en général, c'est à dire les occupations illégitimes de locaux commises par voie de fait, et la violation de domicile.

Le squat relève en effet pour l'essentiel du droit commun et nécessite un jugement d'expulsion, en application des articles L. 412-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution.

Cependant, en raison de la voie de fait qui caractérise le squat, le juge peut réduire ou supprimer le délai de deux mois imposé par l'article L. 412-1 entre le commandement de quitter les lieux et l'expulsion. De même, il peut écarter l'application de l'article L. 412-6 2 ( * ) relatif à la trêve hivernale. Mais il ne s'agit-là que d'une simple faculté laissée à la libre appréciation du juge.

En matière pénale , l'intervention des forces de police est possible dans le cas où un délit de violation de domicile, prévu aux articles 226-4, 226-5 et 226-7 du code pénal, est commis . Il ne s'agit pas ici d'une procédure d'expulsion mais seulement d'un moyen de mettre fin à une infraction.

L'article 226-4 dispose que « l'introduction ou le maintien dans le domicile d'autrui à l'aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ».

Enfin, l' article 38 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, dite loi « DALO », introduit dans ce texte à l'initiative de notre collègue Catherine Procaccia, a prévu une procédure particulière d'expulsion, hors de tout jugement, qui donne compétence au préfet pour mettre fin à l'occupation illégale d'un domicile.


* 1 Texte n° 586 (2013-2014), déposé au Sénat le 5 juin 2014.

* 2 Cet article prévoit qu'il est sursis à toute mesure d'expulsion à la date du 1 er novembre de chaque année jusqu'au 31 mars de l'année suivante.

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