Rapport n° 142 (2014-2015) de M. Jean-Pierre VIAL , fait au nom de la commission des lois, déposé le 3 décembre 2014

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N° 142

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 3 décembre 2014

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi de Mme Natacha BOUCHART visant à faciliter l' expulsion des squatteurs de domicile ,

Par M. Jean-Pierre VIAL,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; Mme Catherine Troendlé, MM. Jean-Pierre Sueur, Jean-René Lecerf, Alain Richard, Jean-Patrick Courtois, Alain Anziani, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Pierre-Yves Collombat, Mme Esther Benbassa , vice-présidents ; MM. François-Noël Buffet, Michel Delebarre, Christophe-André Frassa, Thani Mohamed Soilihi , secrétaires ; MM. Christophe Béchu, Jacques Bigot, François Bonhomme, Luc Carvounas, Gérard Collomb, Mme Cécile Cukierman, M. Mathieu Darnaud, Mme Jacky Deromedi, M. Félix Desplan, Mme Catherine Di Folco, MM. Vincent Dubois, Christian Favier, Pierre Frogier, Mme Jacqueline Gourault, MM. François Grosdidier, Jean-Jacques Hyest, Mme Sophie Joissains, MM. Philippe Kaltenbach, Jean-Yves Leconte, Roger Madec, Alain Marc, Didier Marie, Jean Louis Masson, Michel Mercier, Jacques Mézard, François Pillet, Hugues Portelli, André Reichardt, Bernard Saugey, Simon Sutour, Mme Catherine Tasca, MM. René Vandierendonck, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto .

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

586 (2013-2014) et 143 (2014-2015)

CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 3 décembre 2014, sous la présidence de M. Philippe Bas, président , la commission des lois a examiné le rapport de M. Jean-Pierre Vial sur les articles de la proposition de loi n° 586 (2013-2014) visant à faciliter l'expulsion des squatteurs de domicile.

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a modifié l' article 1 er de la proposition de loi pour lever toute ambigüité concernant la nature continue de l'infraction de violation de domicile, prévue à l'article 226-4 du code pénal, et permettre ainsi aux forces de l'ordre d'intervenir au titre du flagrant délit tout au long du maintien dans les lieux, quelle que soit la durée de ce maintien.

Votre commission a ensuite supprimé l' article 2 . Elle n'a pas estimé opportun de confier au maire la compétence de défendre la propriété privée de ses administrés et a jugé que la procédure ainsi mise en place n'était pas adaptée à la situation d'une violation de domicile.

Enfin, par cohérence avec les modifications apportées au texte, votre commission a modifié l' intitulé de la proposition de loi pour mettre l'accent sur le fait que le texte vise à préciser l'infraction de violation de domicile et non pas à prévoir une nouvelle procédure d'expulsion des squatteurs dérogatoire du droit commun.

Votre commission des lois a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

La proposition de loi visant à faciliter l'expulsion des squatteurs de domicile, déposée par Mme Natacha Bouchart, et cosignée par plusieurs de nos collègues 1 ( * ) , tend à lutter contre le développement préoccupant de la pratique des « squats », occupation sans droit ni titre d'un local.

Ce type de procédé se caractérise par une grande simplicité d'installation pour l'occupant illégal mais, à l'inverse, par d'importantes difficultés pour y mettre un terme.

La situation est particulièrement préoccupante dans certaines villes comme Calais, où certains squats peuvent compter jusqu'à 350 occupants.

Le présent texte n'a cependant pas pour objet de traiter la problématique de l'ensemble des squats, mais seulement celle des occupations illicites de domiciles.

Il a pour objectif d'apporter une réponse rapide à la personne victime d'une occupation car, plus la situation se prolonge, et plus il est difficile d'y mettre fin en raison notamment de la multiplication des occupants du squat.

Il n'est pas ici question de mettre en place un nouveau dispositif d'expulsion dérogatoire du droit commun, ni de revenir sur les garanties qui encadrent les procédures d'expulsion actuelles, comme le respect de la trêve hivernale, mais bien de renforcer l'efficacité des règles existantes en matière de violation de domicile.

Dans cette perspective, votre commission, à l'initiative de son rapporteur, a proposé une reformulation du dispositif, qui répond à l'objectif poursuivi par les auteurs de cette proposition de loi.

I. LE DOMICILE, UN ÉLÉMENT DE LA VIE PRIVÉE, PROTÉGÉ PAR LE DROIT EN VIGUEUR


La protection conventionnelle et constitutionnelle du domicile

Le principe de l'inviolabilité du domicile est le prolongement de la liberté individuelle, qui constitue l'un des principes fondamentaux du droit français.

L'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme énonce que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ». De jurisprudence constante, la Cour européenne des droits de l'homme estime que le respect du domicile « relève de la sécurité et du bien-être personnel ».

Quant à l'article 17 du pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté par l'Assemblée générale des Nations unies le 16 décembre 1966, il reprend quasiment à l'identique l'article 12 de la déclaration universelle des droits de l'homme, et prévoit que « nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes . »

Le respect du domicile de toute personne habitant sur le territoire français est constitutionnellement garanti. Il relève des principes fondamentaux reconnus pas les lois de la République. Ainsi, parmi ces principes figure celui de l'inviolabilité du domicile du citoyen, dont la formulation la plus célèbre se trouve à l'article 76 de la Constitution du 22 frimaire An VIII : « la maison de toute personne habitant sur le territoire français est un asile inviolable. Pendant la nuit, nul n'a le droit d'y pénétrer que dans des cas d'incendie, d'inondation ou de réclamation faite de l'intérieur de la maison. Pendant le jour, on peut y entrer pour un objet spécial déterminé ou par une loi ou par un ordre émané de l'autorité publique ».


La protection législative du domicile

L'occupant légitime dépossédé de son domicile, victime d'un squat, dispose de plusieurs procédures différentes pour mettre fin à l'atteinte portée à ses droits. Outre l'alternative classique entre le contentieux pénal et le contentieux civil, le locataire ou le propriétaire du domicile peut saisir le préfet pour obtenir l'expulsion de l'occupant illégal, sans décision judiciaire.

En matière civile , il convient d'éviter toute confusion entre le phénomène des squats, en général, c'est à dire les occupations illégitimes de locaux commises par voie de fait, et la violation de domicile.

Le squat relève en effet pour l'essentiel du droit commun et nécessite un jugement d'expulsion, en application des articles L. 412-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution.

Cependant, en raison de la voie de fait qui caractérise le squat, le juge peut réduire ou supprimer le délai de deux mois imposé par l'article L. 412-1 entre le commandement de quitter les lieux et l'expulsion. De même, il peut écarter l'application de l'article L. 412-6 2 ( * ) relatif à la trêve hivernale. Mais il ne s'agit-là que d'une simple faculté laissée à la libre appréciation du juge.

En matière pénale , l'intervention des forces de police est possible dans le cas où un délit de violation de domicile, prévu aux articles 226-4, 226-5 et 226-7 du code pénal, est commis . Il ne s'agit pas ici d'une procédure d'expulsion mais seulement d'un moyen de mettre fin à une infraction.

L'article 226-4 dispose que « l'introduction ou le maintien dans le domicile d'autrui à l'aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ».

Enfin, l' article 38 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, dite loi « DALO », introduit dans ce texte à l'initiative de notre collègue Catherine Procaccia, a prévu une procédure particulière d'expulsion, hors de tout jugement, qui donne compétence au préfet pour mettre fin à l'occupation illégale d'un domicile.

II. L'OBJECTIF DE LA PROPOSITION DE LOI : RENDRE L'ARSENAL LÉGISLATIF EXISTANT PLEINEMENT EFFICACE

Malgré l'existence d'un arsenal législatif important, les auteurs de la proposition de loi relèvent la multiplication des occupations illicites de domiciles et l'impuissance du droit à répondre efficacement à ces situations.

Le principal obstacle, que l' article 1 er du texte tente de surmonter, est la difficulté de caractériser la flagrance du délit, lorsque le maintien de l'occupant illégitime se prolonge dans le temps. À cet effet, il prévoit de fixer à 96 heures, à compter de la commission de l'infraction, la durée pendant laquelle le flagrant délit de violation de domicile peut être constaté.

L' article 2 vise ensuite à renforcer la procédure d'expulsion prévue à l'article 38 de la loi « DALO », en permettant au maire qui a connaissance d'une violation de domicile au sens de l'article 226-4 du code pénal, de demander au préfet de mettre en demeure l'occupant de quitter les lieux.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : SE DONNER VÉRITABLEMENT LES MOYENS D'ATTEINDRE L'OBJECTIF POURSUIVI

L'article 53 du code de procédure pénale ne fixe pas de délai pour la flagrance. Est flagrant, le délit qui se commet actuellement ou qui vient de se commettre. Dans le cas d'un délit continu 3 ( * ) , catégorie dont relèverait la violation de domicile, la flagrance peut être constatée aussi longtemps que dure l'infraction. Aussi, en encadrant la constatation de la flagrance dans un délai de 96 heures suivant le début de la commission de l'infraction, l' article 1 er peut-il se révéler contraire à l'intérêt du propriétaire ou du locataire du domicile. Il neutralise les effets du délit continu de maintien dans le domicile, qui est supposé permettre l'intervention des forces de l'ordre tant que le maintien se poursuit et donc, potentiellement, bien au-delà de 96 heures.

Écartant l'idée d'une modification de l'article 53 du code de procédure pénale, votre commission a modifié directement l'article 226-4 du code pénal, pour lever toute ambiguïté relative à la nature continue du délit de violation de domicile quand l'occupant illégal se maintient dans les lieux. Dès lors que l'introduction dans le domicile d'autrui s'est faite par le biais de « manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte », les forces de l'ordre pourront désormais intervenir au titre du flagrant délit tout au long du maintien dans les lieux, sans qu'il soit besoin de prouver que ce maintien est également le fait de « manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte ».

Votre commission a ensuite supprimé l' article 2 . Elle n'a pas estimé opportun de confier au maire la compétence de défendre la propriété privée de ses administrés et a jugé que la procédure ainsi mise en place n'était pas adaptée à la situation d'une violation de domicile.

Enfin, par cohérence avec les modifications apportées au texte, votre commission a modifié l'intitulé de la proposition de loi pour mettre l'accent sur le fait que le texte vise à préciser l'infraction de violation de domicile et non pas à prévoir une nouvelle procédure d'expulsion des squatteurs dérogatoire du droit commun.

*

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission des lois a adopté la proposition de loi ainsi modifiée .

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er (art. 226-4 du code pénal) - Durée de la flagrance en matière d'infraction de violation de domicile

Cet article prévoit que, pour l'application de l'infraction prévue à l'article 226-4 du code pénal, c'est-à-dire « l'introduction ou le maintien dans le domicile d'autrui à l'aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte », la flagrance du délit peut être constatée dans les 96 heures suivant le début de la commission de l'infraction.

Selon les auteurs de la proposition de loi, cette disposition aurait vocation à répondre à la crainte selon laquelle, si l'infraction n'est pas constatée dans les 48 heures suivant l'intrusion illicite, le flagrant délit ne pourrait plus être caractérisé et les forces de police ne pourraient donc plus intervenir pour interpeller immédiatement les auteurs du délit, en application de l'article 53 du code de procédure pénale.

En effet, comme l'a souligné notre collègue Natacha Bouchart, auteur du présent texte, lors de son audition par votre rapporteur, les personnes en situation de précarité, qui squattent ces domiciles, sont manipulées par des réseaux de passeurs très bien organisés et par des organismes qui connaissent les subtilités du droit. Elles se dissimulent pendant les premières heures d'occupation du domicile, pour éviter de se faire remarquer, et les forces de l'ordre ne peuvent plus ensuite intervenir car il n'y a plus de flagrance de l'infraction. Seule la procédure judiciaire, longue et coûteuse, est ensuite ouverte à la victime.

L'article 226-4 du code pénal a pour but d'assurer le respect de la vie privée et la sécurité du citoyen en sanctionnant l'introduction et le maintien d'un tiers par la violence ou la fraude dans le lieu où il habite. Le « domicile d'autrui » englobe aussi celui des personnes morales.

La définition du domicile est celle qui se dégage de la jurisprudence relative à l'article 56 du code de procédure pénale qui concerne les perquisitions menées dans le cadre de l'enquête de flagrance. La Cour de cassation, de jurisprudence constante, estime que le domicile ne désigne pas seulement le lieu où une personne a son principal établissement 4 ( * ) , mais encore le lieu, qu'elle y habite ou non, où elle a le droit de se dire chez elle, quels que soient le titre juridique de son occupation et l'affectation donnée aux locaux 5 ( * ) .

L'article 53 du code de procédure pénale prévoit qu'« est qualifié crime ou délit flagrant le crime ou le délit qui se commet actuellement ou qui vient de se commettre . Il y a aussi crime ou délit flagrant lorsque, dans un temps très voisin de l'action, la personne [...] présente des traces ou indices, laissant penser qu'elle a participé au crime ou au délit ».

La caractérisation de la flagrance de l'infraction est particulièrement importante car elle permet aux services de police et de gendarmerie d'intervenir immédiatement, et de diligenter une enquête dans le cadre de la flagrance, d'arrêter l'auteur de l'infraction sur les lieux, de le placer en garde à vue... L'intervention des forces de l'ordre dans le cadre de ces dispositions se fait sous l'autorité exclusive du procureur de la République et non du préfet. 6 ( * )

Contrairement à ce qui est souvent avancé, le droit positif ne fixe aucun délai précis pour la flagrance , quelle que soit l'infraction concernée. L'article 53 du code de procédure pénale (CPP) est un article général qui définit la flagrance pour l'ensemble des crimes et des délits. Sa rédaction est donc volontairement ouverte pour permettre de couvrir l'ensemble des situations. Est flagrant, le délit qui se commet actuellement ou qui vient de se commettre. La durée évoquée par les auteurs du texte, 48 heures, est issue de la pratique. Elle n'est pas intangible et ne saurait contraindre le juge dans son appréciation du temps « très voisin de l'action » 7 ( * ) .

Dès lors, votre rapporteur n'estime pas opportun d'introduire dans cet article général, qui concerne l'ensemble des crimes et délits, un délai spécifique pour l'infraction de violation de domicile. Plus globalement, il n'estime pas opportun d'apporter une première dérogation au principe de l'absence de fixation de durée fixe pour constater la flagrance d'une infraction , quelle qu'elle soit.

De plus, limiter la durée de la flagrance à 96 heures à compter de la commission de l'infraction peut s'avérer contraire à l'intérêt de la victime . Si celle-ci est absente pour une durée supérieure (hospitalisation, vacances, voyage à l'étranger...), et que pendant son absence le maintien dans les lieux du squatteur se poursuit, à son retour, les forces de l'ordre ne pourraient plus agir sur le fondement de l'article 53 du CPP.

Pour autant, votre rapporteur comprend parfaitement l'intention qui motive le présent article. Si l'introduction dans le domicile par le squatteur n'est pas constatée rapidement, dans les 48 heures par exemple, le délit n'est plus flagrant et les forces de l'ordre ne peuvent plus intervenir.

Cependant, cette situation ne résulte pas, selon lui, de la fixation d'une durée prétorienne de 48 heures pour constater la flagrance, mais d'une ambigüité dans la rédaction de l'article 226-4 du code pénal .

L'article 226-4 du code pénal punit « l'introduction ou le maintien dans le domicile d'autrui à l'aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet » 8 ( * ) .

La rédaction actuelle de cet article est issue de la réforme du code pénal par les lois n° s 92-683 à 92-686 du 22 juillet 1992, entrée en vigueur au 1 er mars 1994. La circulaire du 14 mai 1993 9 ( * ) a précisé qu' en étendant la répression de l'infraction de violation de domicile à l'hypothèse du maintien dans le domicile d'autrui, le nouveau code pénal transformait cette infraction instantanée en infraction continue 10 ( * ) .

Cette précision avait pour objet de rendre plus efficaces les procédures engagées contre les squatters, en permettant l'utilisation des outils de la flagrance à leur encontre, alors même que l'occupation sans droit ni titre avait commencé depuis un certain temps.

Le ministère de la justice a depuis confirmé cette interprétation dans plusieurs réponses à des questions écrites de parlementaires. « L'infraction de violation de domicile est un délit continu : tant que la personne se maintient dans les lieux [...] , les services de police ou de gendarmerie peuvent diligenter une enquête dans le cadre de la flagrance » 11 ( * ) .

Cependant, cette interprétation n'a jamais été confirmée par la Cour de cassation. La Cour d'appel de Paris, par exemple, l'a d'ailleurs écartée dans une décision du 22 février 1999 12 ( * ) . Elle a considéré que la violation de domicile n'était pas une infraction continue, commencée lors de l'introduction dans le domicile et qui se poursuivrait par le maintien dans les lieux, mais qu' elle se commettait aussi bien lors de l'entrée que lors du maintien à chaque fois qu'il est fait usage de manoeuvres, menaces ou voies de fait pour y parvenir .

Dès lors, si les « manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte », n'ont été utilisées qu'au moment de l'introduction dans le domicile, et non pas, ensuite, durant le maintien dans les lieux, le flagrant délit ne pourrait être constaté que dans un temps très voisin de l'introduction dans le domicile, même si l'occupation s'est poursuivie pendant un certain temps.

Or, si les « manoeuvres, menaces, voies de fait et contrainte » sont couramment utilisées au moment de l'introduction dans les lieux (bris de fenêtre, serrure forcée...), elles le sont bien moins souvent pour le maintenir dans les lieux.

Selon votre rapporteur, la rédaction de l'article 226-4 du code pénal n'est pas claire sur ce point. « Les manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte », semblent effectivement concerner aussi bien l'introduction que le maintien dans le domicile d'autrui.

La loi pénale étant d'interprétation stricte, votre rapporteur a donc estimé nécessaire de préciser la rédaction de l'article 226-4 du code pénal pour lever toute ambigüité quant au caractère continu de cette infraction et permettre ainsi aux forces de l'ordre d'intervenir , sur le fondement de l'article 53 du code de procédure pénale, pour flagrant délit de violation de domicile, tout au long du maintien dans les lieux , quelle qu'en soit sa durée.

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a donc adopté un amendement qui dissocie explicitement les deux phases de l'infraction. L'introduction dans le domicile d'autrui, pour être sanctionnée, devra être le fait de « manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte », en revanche, le maintien dans le domicile, à la suite de cette introduction, sera sanctionné en tant que tel, sans qu'il soit nécessaire que ce maintien soit le fait de « manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte ».

Votre commission a ensuite adopté l'article 1 er ainsi modifié .

Article 2
(art. 38 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale)
Saisine du préfet par le maire pour qu'il mette en demeure l'occupant sans titre d'un domicile de quitter les lieux

Cet article vise à modifier l'article 38 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable, dite loi « DALO », pour prévoir que le maire, qui a connaissance d'une violation de domicile, peut demander au préfet de mettre en demeure l'occupant de quitter les lieux.

L'article 38 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le « DALO » a mis en place une procédure dérogatoire au droit commun, permettant au propriétaire ou au locataire dont le domicile fait l'objet d'une occupation résultant « de manoeuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte », de saisir le préfet pour qu'il procède à l'évacuation forcée des lieux.

Selon les représentants des services du ministère de l'intérieur, entendus par votre rapporteur, cette procédure est mal connue des propriétaires ou des locataires et est, dès lors, peu utilisée. Dans les faits, selon les données fournies à votre rapporteur par les services du Conseil d'État, l'article 38 n'a donné lieu qu'à un faible contentieux devant le juge administratif. Seules dix affaires ont été recensées entre 2011 et 2014, dont quatre en référé-liberté tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire expulser l'occupant.

Cette procédure est quelque peu « hybride » puisqu'elle prévoit l'utilisation de la force publique pour protéger des intérêts privés, alors que classiquement, le recours à la force publique est privilégié pour prévenir les troubles à l'ordre public, ce qui explique, pour reprendre les termes des représentants des services du ministère de l'intérieur, entendus par votre rapporteur, que les préfets l'utilisent « avec discernement ».

Certes, certains squats, en raison de leur importance et des conditions d'occupation des locaux qu'ils présentent, mettent en péril la salubrité, la sûreté et la tranquillité publiques mais, dans ce cas, le préfet est déjà pleinement compétent pour intervenir en application de l'article L. 6212-3 du code général des collectivités territoriales (CGCT) 13 ( * ) .

De même, le maire, en vertu de ses pouvoirs de police 14 ( * ) , communique déjà régulièrement avec le préfet lorsque la sécurité publique est menacée .

Dès lors , il n'apparait pas opportun à votre rapporteur de prévoir à l'article 38 que le maire peut saisir le préfet pour qu'il procède à l'expulsion des occupants d'un domicile privé.

Par ailleurs, votre rapporteur tient à relever la portée limitée de la procédure prévue au présent article . En effet, si l'article 38 dispose que le propriétaire peut demander au préfet de mettre en demeure l'occupant sans titre de quitter les lieux, le préfet n'est pas tenu de faire droit à cette demande. Ce n'est que dans le cas où il a délivré une mise en demeure, et qu'elle n'est pas suivie d'effet, que le préfet est alors contraint de procéder à l'évacuation forcée. La faculté ouverte au maire de saisir le préfet ne fait donc pas naître d'obligation pour ce dernier.

Il existe également un risque de voir la responsabilité du maire engagée s'il n'a pas agi alors qu'il avait connaissance de cette occupation ou, à l'inverse, s'il a agi de manière abusive, en déclenchant indument l'expulsion de personnes, dans l'hypothèse où il n'aurait pas réussi à contacter le propriétaire ou le locataire du logement.

Enfin, le présent article pose d'importantes difficultés en ce qu'il étend considérablement le champ d'application de la procédure dérogatoire du droit commun prévue à l'article 38 de la loi DALO car, outre l'occupation du domicile, il s'appliquerait également à l'occupation des logements vacants.

Pour l'ensemble de ces raisons, suivant la proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement emportant la suppression de l'article 2.

Intitulé de la proposition de loi
Référence à l'infraction de violation de domicile dans le titre du texte

Par cohérence avec les modifications apportées au texte, et dans un souci de précision juridique, votre commission a adopté un amendement modifiant l'intitulé de la proposition de loi, pour faire référence à l'infraction de violation de domicile plutôt qu'à l'expulsion des squatteurs, titre qui pouvait laisser penser à tort que le texte créait une nouvelle procédure d'expulsion dérogatoire du droit commun.

* *

*

Votre commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

EXAMEN EN COMMISSION

_______

Mercredi 3 décembre 2014

M. Jean-Pierre Vial , rapporteur . - La proposition de loi, dont je ne suis pas signataire, émane du maire de Calais, Madame Natacha Bouchart. La ville compte environ 3 000 personnes en situation irrégulière dont la présence est liée à des bandes organisées de passeurs. Sa situation particulière et médiatisée explique que l'auteur de la proposition de loi ait voulu compléter l'arsenal législatif existant et notamment les dispositions de l'article 38 de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable (Dalo).

La protection du domicile relève traditionnellement du juge judiciaire. La Cour de cassation donne une interprétation extensive de la notion de domicile qu'elle définit comme le lieu où une personne a le droit de se dire chez elle. À côté des procédures judiciaires classiques, au fond, en référé ou sur requête, l'article 38 de la loi Dalo a ouvert la possibilité au propriétaire ou au locataire d'un domicile illégalement occupé de saisir le préfet pour obtenir l'expulsion de l'occupant illégal sans décision de justice. Malgré ce dispositif législatif très complet, les occupations illicites de domiciles se multiplient. À Calais, certains squats comptent jusqu'à 350 occupants. Cela concerne tant les villas que les immeubles.

La proposition de loi a pour objectif d'apporter une réponse rapide à la personne victime de l'occupation de son domicile car plus la situation dure et plus il est difficile d'y mettre fin. À mon sens, les dispositions du texte ne servent pas efficacement cet objectif.

Le premier article de la proposition de loi prévoit de modifier l'article 53 du code de procédure pénale afin d'allonger de 48 à 96 heures la durée pendant laquelle le flagrant délit d'occupation sans titre d'un logement peut être constaté. Mais, ni l'article 53 précité, texte général qui définit la flagrance pour l'ensemble des crimes et délits, ni aucun autre texte ne fixe un délai de flagrance. Est flagrant le délit qui se commet actuellement ou qui vient de se commettre. Le délai de 48 heures évoqué par la proposition de loi est un délai prétorien. Introduire un délai légal de flagrance pour le seul délit de violation de domicile est problématique et ne résoudrait pas les difficultés rencontrées sur le terrain. Au-delà de 96 heures, la flagrance n'existerait plus. Les difficultés viennent en réalité d'une ambiguïté dans la rédaction de l'article 226-4 du code pénal qui punit « l'introduction ou le maintien dans le domicile d'autrui à l'aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte ». L'interprétation du ministère de la justice est claire : la violation de domicile est un délit continu. Cette interprétation n'a cependant pas été confirmée par la Cour de cassation et la Cour d'appel de Paris, par exemple, l'a écartée dans une décision du 22 février 1999. Et, de fait, le texte semble exiger que les manoeuvres, menaces, voies de fait et contrainte soient utilisées au moment de l'introduction dans les lieux puis ensuite pour s'y maintenir, ce qui est rarement le cas en pratique. Dès lors, si les manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, n'ont été utilisées qu'au moment de l'introduction dans les lieux, la flagrance ne peut alors être invoquée que dans un temps très voisin de l'intrusion dans le domicile.

Plutôt que de toucher à l'article 53 du code de procédure pénale, je propose de modifier l'article 226-4 du code pénal pour lever tout doute sur le caractère continu de l'infraction de violation de domicile et permettre aux forces de l'ordre d'intervenir au titre du flagrant délit tout au long du maintien dans les lieux, quelle que soit sa durée.

Le second article de la proposition de loi autorise le maire qui a connaissance d'une violation de domicile à saisir le préfet d'une demande de mise en demeure à l'occupant de quitter les lieux. En pratique les contacts entre le maire et le préfet existent déjà. Est-il opportun de confier au maire la défense de la propriété privée de ses administrés en dehors de toute considération de sécurité publique ? S'il s'abstient d'agir, ne court-il pas le risque de voir sa responsabilité engagée ? À mon sens, il n'est pas raisonnable d'étendre le dispositif de l'article 38 de la loi Dalo qui est déjà dérogatoire au droit commun. La loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur) a renforcé les dispositions relatives à la trêve hivernale. Je propose donc de supprimer l'article 2.

M. Philippe Bas , président . - Vous suggérez de modifier la proposition de loi pour atteindre les objectifs qu'elle se donne par d'autres moyens. Vous ne souhaitez pas fixer un délai de flagrance ni permettre au maire de se substituer au propriétaire pour solliciter l'intervention du préfet.

M. Jean-Pierre Vial , rapporteur . - La vraie difficulté vient des différentes interprétations du caractère continu du délit de violation de domicile.

M. François Pillet . - Je remercie notre rapporteur pour la précision de son analyse juridique. Le titre de la proposition de loi ne correspond pas à son contenu ; il donne à penser que nous élaborons un droit dérogatoire, spécifique aux squatteurs de domicile. C'est regrettable. Il conviendrait de donner à ce texte un titre technique qui ne crée pas de confusion.

M. Jean-Yves Leconte . - L'analyse du rapporteur rejoint nos réflexions. Je m'associe à la remarque de François Pillet. Le propriétaire victime d'une occupation illicite de son domicile ne doit pas être réduit à appeler le Samu social pour se loger ! Les forces de l'ordre doivent pouvoir intervenir au titre du flagrant délit en cas de maintien dans les lieux. Il convient toutefois d'agir avec mesure. Je partage l'analyse du rapporteur sur l'article 2. La proposition de loi nous donne l'occasion de réfléchir à la portée de la loi Alur, sur laquelle nous n'avons pas encore de recul, et sur l'application des dispositions de l'article 38 de la loi Dalo pendant la trêve hivernale.

M. Alain Richard . - Soyons objectifs : le squat, ce n'est pas seulement une occupation romantique ! Le squat, c'est aussi une délinquance grave qui s'exerce le plus souvent au détriment des demandeurs de logements sociaux. L'occupation illicite de HLM est une activité organisée et lucrative : les squatteurs sont souvent rançonnés par les organisateurs... De ce point de vue, la proposition de loi trouve une justification réelle, au-delà de sa portée médiatique. Le dispositif législatif actuel est insuffisant. En pratique, il est impossible d'obtenir l'intervention du préfet plus de 48 heures après l'introduction de squatteurs dans les lieux. Même s'il n'est pas prévu par les textes, l'administration applique le délai de 48 heures par crainte d'une censure des tribunaux. Les organisateurs de squats le savent et en jouent. Je comprends l'analyse juridique du rapporteur sur la notion de délit continu. Je voudrais toutefois comprendre l'incidence de l'incise « hors les cas où la loi le permet ». Quelles sont les hypothèses visées ?

Il est loisible de justifier la suppression de l'article 2 en invoquant les relations étroites entre maire et préfet : le maire n'a pas besoin d'une loi pour téléphoner au préfet. Toutefois, lorsque le préfet est saisi par le propriétaire sur le fondement de l'article 38 de la loi Dalo, il est tenu d'agir. Prévoir une saisine par le maire sur le fondement du même texte renforcerait l'efficacité du dispositif. Affirmer que le maire ne serait pas dans son rôle en saisissant le préfet prête à sourire : une telle saisine se rattache manifestement à ses prérogatives de garant de l'ordre public. Une occupation illicite ne se déroule jamais pacifiquement. Le risque d'engagement de la responsabilité du maire est très théorique puisqu'en la matière la faute grave est requise. Pour éviter d'avoir à intervenir, le préfet a la tentation de jouer la montre. Sa saisine par le maire l'empêcherait d'y succomber.

M. René Vandierendonck . - Je signale un entretien donné aujourd'hui à la Voix du Nord par le préfet de la région Nord-Pas de Calais. Il explique avoir mis un entrepôt à disposition pour accueillir des personnes sans hébergement pendant la trêve hivernale.

M. Pierre-Yves Collombat . - Je suis déçu d'apprendre que les problèmes de Calais ne sont pas résolus. Je remercie notre rapporteur d'avoir toiletté les dispositions de la proposition de loi. Il convient de distinguer les cas d'occupation de domiciles temporairement inoccupés - par exemple lors d'un séjour à l'hôpital - et celle de locaux vacants. La solution de notre rapporteur règle la première situation. La seconde pourrait relever des dispositions de droit commun.

Mme Cécile Cukierman . - Nous sommes en présence d'une proposition de loi présentée pour des raisons d'affichage médiatique. Son titre, en total décalage avec son contenu, en est la meilleure preuve. Le texte ne s'attaque pas aux organisateurs des occupations illicites. Il vise l'occupation des domiciles privés mais ne traite pas du problème de l'occupation des immeubles et bâtiments vacants. Je regrette qu'il n'évoque pas les difficultés des personnes sans domicile, trimbalées de lieux en lieux, notamment les migrants. Je doute que la proposition de loi améliore la situation à Calais.

Mme Esther Benbassa . - Je rejoins les observations de Cécile Cukierman. Je crains que ce texte ait uniquement pour objet de faciliter l'expulsion de migrants ayant trouvé refuge dans des logements inoccupés. Ma suspicion s'appuie sur le souvenir de ce qu'il y a un an, Mme Bouchart appelait les Calaisiens, sur sa page Facebook, à dénoncer les squats de migrants. Je reste sceptique sur la proposition de loi malgré les améliorations apportées par notre rapporteur.

M. Philippe Bas , président . - Notre commission travaille sur une proposition de loi et non sur les écrits de Mme Bouchart sur les réseaux sociaux.

M. Jean-Pierre Vial , rapporteur . - Je partage l'idée qu'il conviendrait de modifier le titre du texte. Il pourrait être : « proposition de loi tendant à préciser l'infraction de violation de domicile ». Ainsi que l'observe Jean-Yves Leconte, nous sommes dans l'incertitude sur la manière dont les tribunaux interpréteront la loi Alur. Certains auteurs estiment qu'en cas d'inaction du préfet en raison de la trêve hivernale, le juge judiciaire pourra être saisi en référé dans le cadre du droit commun.

Certes, il est nécessaire de protéger le droit de propriété, comme l'a rappelé Alain Richard, mais nous ne pouvons ignorer certaines situations sociales très délicates ; un équilibre doit être trouvé.

Il est indéniable que nombre de squats sont organisés par des bandes. En Savoie, des migrants sont pris en charge à la sortie du tunnel du Mont-Blanc par des réseaux criminels qui connaissent les failles de la loi et les exploitent. Les migrants sont introduits dans les locaux vides le vendredi soir au moment de la fermeture des services administratifs. Le lundi, il est trop tard pour les expulser. On peut imaginer que l'incise à laquelle Alain Richard se réfère a voulu préserver la possibilité pour les autorités judiciaires d'intervenir, lors de perquisitions par exemple.

Je comprends l'intérêt de donner au maire une capacité de saisine. Pour autant, il peut ignorer certaines situations ou ne pas vouloir intervenir. En l'état du texte, un particulier pourrait lui reprocher de ne pas avoir saisi le préfet. Je m'en tiens donc à ma proposition.

La loi Dalo a créé un régime dérogatoire au droit commun sans intervention du juge judiciaire. Ceci étant, même dans le cadre général, le préfet intervient pour exécuter les décisions de justice prononçant l'expulsion. Sur le plan opérationnel, le cadre législatif actuel est satisfaisant.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 1 er

M. Jean-Pierre Vial , rapporteur . - L'amendement n° 1 propose de modifier l'article 226-4 du code pénal pour dissocier les deux phases de l'infraction. L'introduction dans le domicile d'autrui, pour être sanctionnée, doit être précédée de « manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte ». En revanche, le maintien dans le domicile à la suite de l'introduction illégale serait sanctionné en tant que tel.

L'amendement n° 1 est adopté.

Article 2

M. André Reichardt . - Sensible aux observations d'Alain Richard, je ne suis pas favorable à la suppression de l'article 2. La victime d'une occupation illégale va naturellement voir le maire. Le risque allégué d'un engagement de la responsabilité de ce dernier s'il s'abstient de saisir le préfet est inexistant car le texte prévoit seulement la possibilité pour le maire de cette saisine, sans la rendre obligatoire. Le maire peut toujours saisir le préfet sans texte mais cela ne justifie pas qu'on ne précise pas que cette possibilité existe.

M. Jean-Jacques Hyest . - Nous allons encadrer la possibilité d'un maire de saisir le préfet. Or le maire peut toujours saisir le préfet !

M. Alain Richard . - Aux termes de l'article 38, le propriétaire a la faculté de saisir le préfet mais, dans ce cas, le préfet est tenu d'adresser une mise en demeure à l'occupant illicite. Il faut une mention légale pour ouvrir au maire la faculté de saisir le préfet dès lors que celui-ci sera obligé d'agir.

M. Jean-Yves Leconte . - En cas de troubles à l'ordre public d'autres dispositions permettent d'agir. Le texte vise le cas où le maire ne peut contacter le propriétaire. Cela signifie qu'il ne sait même pas s'il y a ou non occupation illicite.

M. François Grosdidier . - Prévoir que le maire puisse saisir le préfet donne une légitimité à l'action du préfet qui n'aura pas été saisi par le propriétaire.

M. Jean-Pierre Vial , rapporteur . - Dans le cadre des dispositions de l'article 38, le propriétaire ne peut saisir le préfet qu'après avoir déposé plainte et sous réserve de justifier que le logement occupé constitue son domicile. Il serait donc hasardeux pour un maire de saisir le préfet sans connaître le propriétaire. L'article 38 a créé un dispositif suscitant déjà certaines interrogations au regard du droit constitutionnel. Ouvrir ce dispositif au maire fragiliserait davantage son assise juridique. J'en reste donc à la suppression de l'article 2.

M. Alain Richard . - Soutenir la position du rapporteur revient à considérer qu'une occupation illicite constitue seulement une atteinte à la propriété privée alors qu'il s'agit également d'un trouble à l'ordre public, lequel justifie l'intervention du maire. Les squatteurs sont bien conseillés. Nul doute qu'ils auraient saisi le conseil constitutionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité s'ils pensaient que l'article 38 est contestable.

M. Pierre-Yves Collombat . - L'article 2 prévoit l'intervention du maire en cas d'occupation du domicile d'un de ses administrés ou d'un logement vacant. C'est ce qui me gêne, car les situations sont très différentes. Il y a une contradiction entre le titre de la proposition -qui vise seulement les occupations de domicile- et son contenu.

M. Jean-René Lecerf . - Une alternative à la suppression de l'article 2 serait sa réécriture en supprimant la mention « le cas échéant » et l'hypothèse de l'occupation d'un logement vacant.

M. Philippe Bas , président . - L'article 38 prévoit que le propriétaire peut demander au préfet de mettre en demeure l'occupant sans titre de quitter les lieux. Le préfet n'est pas tenu de faire droit à cette demande. En revanche, s'il y a eu mise en demeure et si elle n'a pas été suivie d'effet, le préfet doit procéder à l'intervention forcée, il a compétence liée. L'interprétation du président Hyest est exacte. La faculté laissée au maire de saisir le préfet ne fait pas naître d'obligation pour ce dernier. En d'autres termes, la proposition de loi prévoit une faculté pour le maire qui ne lie pas le préfet. Nous discutons du point de savoir si le maire peut faire ce qu'il fait couramment, c'est-à-dire prévenir le préfet de l'existence d'un squat. La portée juridique du texte est réduite !

M. Jean-Pierre Vial , rapporteur . - Je maintiens ma proposition de suppression de l'article 2.

L'amendement n° 2 est adopté.

Intitulé de la proposition de loi

M. Jean-Pierre Vial , rapporteur . - La proposition de loi aurait pour titre « tendant à préciser l'infraction de violation de domicile »

L'amendement n° 3 est adopté.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction des travaux issue de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1 er
Maintien dans le domicile d'autrui à la suite d'une introduction illégale dans ce domicile

M. VIAL, rapporteur

1

Précision relative au caractère continu de l'infraction de violation de domicile

Adopté

Article 2
Saisine du préfet par le maire pour qu'il mette en demeure l'occupant
sans titre d'un domicile de quitter les lieux

M. VIAL, rapporteur

2

Suppression

Adopté

Intitulé

M. VIAL, rapporteur

3

Référence à l'infraction de violation de domicile

Adopté


LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET DES CONTRIBUTIONS ECRITES

Auteur de la proposition de loi

Mme Natacha Bouchart, sénateur, maire de Calais

M. Nicolas Leblanc , collaborateur de Mme Natacha Bouchart

Ministère de l'intérieur

Secrétariat général :

M. Eric Tison, sous-directeur des libertés publiques

Direction des libertés publiques et des affaires juridiques :

M. Hugues Courtial, chef du bureau des questions pénales

Ministère de la justice

Direction des affaires criminelles et des grâces :

M. François Capin-Dulhoste, sous-directeur de la justice pénale générale

M. Vincent Sizaire, adjoint du chef de bureau

Contributions écrites

Direction des affaires civiles et du Sceau

Conseil d'État, secrétariat général des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel


* 1 Texte n° 586 (2013-2014), déposé au Sénat le 5 juin 2014.

* 2 Cet article prévoit qu'il est sursis à toute mesure d'expulsion à la date du 1 er novembre de chaque année jusqu'au 31 mars de l'année suivante.

* 3 Une infraction continue se caractérise par le fait qu'elle dure dans le temps. Elle s'oppose à l'infraction instantanée qui s'accomplit immédiatement. Sont par exemple des infractions continues, le port d'armes prohibées, la conduite régulière d'un véhicule sans permis de conduire, le recel d'un objet volé. Le délai de prescription de ces infractions commence à courir à partir du moment où l'infraction a cessé de s'accomplir.

* 4 En matière civile l'article 102 du code civil dispose en effet que « le domicile de tout Français, quant à l'exercice de ses droits civils, est au lieu où il a son principal établissement » .

* 5 Cour de cassation, chambre criminelle, 26 février 1963.

* 6 Circulaire n° 94-68 du 26 août 1994 sur la prévention des expulsions de locaux et exécution des décisions de justice prononçant une expulsion de locaux d'habitation.

* 7 Par exemple, la chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un arrêt du 26 février 1991 (n° 90-87.360), a considéré que la cour d'appel avait rejeté à bon droit l'exception de nullité de la procédure de crime flagrant dès lors qu'elle avait pu estimer que les autorités de police avaient été saisies des faits dans un temps très voisin de l'action, ici, 28 heures après la commission des faits.

* 8 En effet, en cas de perquisitions, ou encore en matière de procédures d'exécution forcée (avec saisies mobilières par un huissier par exemple), l'introduction ou le maintien dans le domicile d'autrui peut être justifié.

* 9 Circulaire du 14 mai 1993 présentant les dispositions du nouveau code pénal et de la loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992 relative à son entrée en vigueur.

* 10 Une infraction continue se caractérise par le fait qu'elle dure dans le temps. Elle s'oppose à l'infraction instantanée qui s'accomplit immédiatement. Sont par exemple des infractions continues, le port d'armes prohibées, la conduite régulière d'un véhicule sans permis de conduire, le recel d'un objet volé. Le délai de prescription de ces infractions commence à courir à partir du moment où l'infraction a cessé de s'accomplir.

* 11 Réponse du ministère de la justice à la question écrite n° 01067 de M. Jean-Marie Bockel, sénateur, publiée dans le JO Sénat du 27/12/2012, p. 3088 ou réponse du ministère de la justice à la question écrite n° 84576 de Mme Martine Aurillac, députée, publiée dans le JO Assemblée nationale du 20/07/2010.

* 12 Cour d'appel de Paris, 22 février 1999, Juris-Data n° 1999-020245.

* 13 L'article L. 6212-3 du CGCT dispose en effet que : « le représentant de l'État peut prendre toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques ».

* 14 Les pouvoirs de police du maire sont prévus aux articles L. 2211-1 et suivants du CGCT.

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