EXAMEN DES ARTICLES
CHAPITRE IER - COMPÉTENCES DE LA COLLECTIVITÉ DE SAINT-BARTHÉLEMY

Article 1er (art. L.O. 6214-7 du code général des collectivités territoriales) - Facilitation de l'exercice du droit de préemption par la collectivité

Modifiant l'article L.O. 6214-7 du code général des collectivités territoriales, l'article 1 er permettrait l'exercice du droit de préemption par la collectivité sur l'ensemble des propriétés foncières pour la sauvegarde ou la mise en valeur d'espaces naturels, y compris celles détenues par des personnes résidant à Saint-Barthélemy.

En l'état du droit, l'article L.O. 6214-7 du code général des collectivités territoriales autorise la collectivité de Saint-Barthélemy à soumettre à déclaration « les transferts entre vifs de propriétés foncières situées sur son territoire ou de droits sociaux y afférents », ce qui recouvre les donations et les ventes, y compris sur les parts sociales d'une société civile détenant une propriété foncière. En revanche, sont expressément exclues les « donations en ligne directe ou collatérale jusqu'au quatrième degré ».

Dans le délai de deux mois après la réception de cette déclaration, la collectivité peut exercer son droit de préemption sur les biens concernés. La préemption doit être motivée par un des trois motifs suivants : la préservation de la cohésion sociale de Saint-Barthélemy, la garantie de l'exercice effectif du droit au logement de ses habitants, la sauvegarde ou la mise en valeur des espaces naturels.

Cependant, le droit de préemption ne peut s'exercer sur les biens qui sont transférés à une personne justifiant d'une durée suffisante soit « de résidence à Saint-Barthélemy », soit « de mariage, de concubinage ou de pacte civil de solidarité avec une personne justifiant d'une durée suffisante de résidence à Saint-Barthélemy ». Cette exception s'étend aux personnes morales ayant leur siège social à Saint-Barthélemy et que les personnes précitées contrôlent directement ou indirectement.

Par dérogation au principe d'égalité, le dixième alinéa de l'article 74 de la Constitution permet en effet à la loi organique de déterminer les conditions dans lesquelles « des mesures justifiées par les nécessités locales peuvent être prises par la collectivité en faveur de sa population, en matière [...] de protection du patrimoine foncier ». Lors de l'examen de cette disposition, le Conseil constitutionnel a néanmoins formulé deux réserves d'interprétation en relevant « qu'il appartiendra [...] au conseil territorial de déterminer une durée qui ne devra pas excéder la mesure strictement nécessaire à la satisfaction des objectifs d'intérêt général poursuivis » et « qu'en outre, il devra respecter les obligations communautaires et les engagements internationaux de la France » 7 ( * ) .

Actuellement, la résidence suffisante des personnes au profit desquelles s'effectue le transfert de propriété fait obstacle à l'exercice du droit de préemption quel que soit le motif de cette préemption. Il est proposé de créer une exception en autorisant la préemption lorsque le motif avancé est relatif à la sauvegarde ou la mise en valeur d'espaces naturels. L'auteur de la proposition de loi organique avance, au soutien de ce choix, que « l'échec de la préemption peut remettre en cause un projet de sauvegarde d'espaces naturels [...] qui constitue un pilier de la politique environnementale locale » 8 ( * ) .

Comme l'ont relevé devant votre rapporteur les représentants du ministère des outre-mer, cette distinction aurait pour effet de créer une hiérarchie entre les motifs de préemption.

Tout en estimant que cette hiérarchie pouvait être fondée au regard de l'impératif de préservation de l'environnement, votre commission a néanmoins adopté un amendement de son rapporteur qui oblige la délibération décidant de la préemption à être motivée. Le motif de la préemption ainsi connu, aucun doute n'existerait pour savoir si la préemption peut porter ou non sur l'ensemble des propriétés foncières.

En outre, cet amendement étend, par cohérence, cette exception aux personnes morales détenues directement ou indirectement par des personnes justifiant d'une durée de résidence suffisante.

Votre commission a adopté l'article 1 er ainsi modifié .

Article 2 (art. L.O. 6251-3 et L.O. 6214-3 du code général des collectivités territoriales) - Participation de la collectivité à l'exercice des compétences de l'État en matière de droit pénal, de droit des étrangers et de procédure pénale

L'article 2 renforce les possibilités pour la collectivité de Saint-Barthélemy d'être associée à l'exercice des compétences de l'État. Le onzième alinéa de l'article 74 de la Constitution permet aux collectivités d'outre-mer dotées de l'autonomie, au rang desquelles figure Saint-Barthélemy, de « participer, sous le contrôle de l'État, à l'exercice des compétences qu'il conserve, dans le respect des garanties accordées sur l'ensemble du territoire national pour l'exercice des libertés publiques ».

En application de l'article L.O. 6251-3 du code général des collectivités territoriales, la participation de la collectivité de Saint-Barthélemy est autorisée en matière de police et de sécurité maritimes ainsi qu'en matière de droit pénal.

La participation à l'exercice de compétence en matière de droit pénal

En matière pénale, le conseil territorial peut adopter des actes pour édicter des sanctions pénales assurant la répression des actes violant la règlementation locale. Ces actes doivent respecter plusieurs conditions cumulatives :

- ils ne peuvent sanctionner que la violation d'actes relevant de la compétence de la collectivité ;

- ils doivent respecter la classification des contraventions et délits, sans excéder le maximum prévu pour les infractions de même nature par les lois et règlements en vigueur ;

- ils doivent respecter les garanties accordées sur l'ensemble du territoire national pour l'exercice des libertés publiques.

Une fois édictés, ces actes ne peuvent entrer en vigueur sans que l'État ne les ait préalablement approuvés, comme l'exige la jurisprudence constitutionnelle 9 ( * ) . Ainsi, les projets d'actes sont transmis au Gouvernement qui doit les approuver, totalement ou partiellement, ou les rejeter. Si l'acte prévoit des peines d'emprisonnement, le décret d'approbation doit alors, à son tour, être ratifié par la loi.

En cas d'approbation, le conseil territorial ne peut adopter que les sanctions approuvées par l'État.

Article L.O. 6251-3 du code général des collectivités territoriales

I.- Le conseil territorial est habilité, dans le respect des garanties accordées sur l'ensemble du territoire national pour l'exercice des libertés publiques, à adopter des actes dans le domaine du droit pénal aux seules fins mentionnées à l'article LO 6214-5. Ces actes doivent respecter la classification des contraventions et délits. Les peines qu'ils instituent ne peuvent excéder le maximum prévu pour les infractions de même nature par les lois et règlements en vigueur.

Le projet ou la proposition d'acte mentionné au premier alinéa est transmis par le président du conseil territorial au ministre chargé de l'outre-mer qui en accuse réception sans délai. À compter de cette réception, ce ministre et le ministre de la justice proposent au Premier ministre, dans le délai de deux mois, un projet de décret tendant soit à l'approbation totale ou partielle du texte, soit au refus d'approbation.

Le décret qui porte refus d'approbation est motivé. Il est notifié au président du conseil territorial.

Le projet ou la proposition d'acte ne peut être adopté par le conseil territorial que dans les mêmes termes.

Lorsqu'ils portent sur un acte intervenant dans le domaine de la loi, les décrets prévus au deuxième alinéa ne peuvent entrer en vigueur avant leur ratification par la loi.

Les actes prévus au présent article peuvent être respectivement modifiés par une loi ou une ordonnance ou par un décret qui comporte une mention expresse d'application à Saint-Barthélemy.

II.- Dans les conditions prévues au I, le conseil territorial est habilité à adopter des actes dans le domaine de la police et de la sécurité maritimes.

Les décisions individuelles prises en application des actes mentionnés au premier alinéa du présent II sont soumises au contrôle hiérarchique du représentant de l'État. Leur entrée en vigueur est subordonnée à leur réception par le représentant de l'État.

Comme l'indiquait l'auteur de la proposition de loi organique lors de son audition, malgré les délais fixés par la loi organique, le Gouvernement n'a pas toujours publié les décrets pour approuver ou rejeter les projets d'acte transmis par le président du conseil territorial. Votre rapporteur rappelle que ce problème a été évoqué par notre collègue Thani Mohamed Soilihi dans le cadre de son avis budgétaire à la suite notamment des difficultés soulevées par notre collègue Catherine Tasca lors de l'examen de la loi du 15 novembre 2013 10 ( * ) . L'absence de décret est d'autant plus regrettable qu'elle empêche, le cas échéant, le Parlement de se prononcer, la ratification devant porter non sur l'acte lui-même mais sur le décret d'approbation.

Le cas des sanctions pénales attachées à des actes locaux

La Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon peuvent assortir la violation de règles qu'elles édictent de sanctions pénales. À l'exception de Saint-Pierre-et-Miquelon, les assemblées locales peuvent même prévoir des peines d'emprisonnement mais sous réserve de deux conditions : ces peines ne peuvent excéder le niveau maximal des peines d'emprisonnement fixé par le législateur national pour une infraction de même nature et doivent respecter la classification des infractions.

En outre, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, contrairement aux amendes édictées, les peines d'emprisonnement n'entrent pas en vigueur tant qu'elles n'ont pas été homologuées par le législateur.

Pour Saint-Barthélemy et Saint-Martin, les sanctions pénales dans leur ensemble doivent être approuvées par décret pour entrer en vigueur. S'il s'agit d'une peine d'emprisonnement, le décret d'approbation doit alors être ratifié par le législateur pour permettre son entrée en vigueur.

Saisi d'une demande d'homologation ou de ratification, le législateur doit contrôler le respect des dispositions organiques qui encadrent l'édiction de ces sanctions ainsi que le respect des principes constitutionnels applicables en matière pénale. Il dispose, en outre, du pouvoir d'apprécier l'opportunité de cette sanction pénale. En revanche, n'est ouverte au Parlement que la possibilité d'accepter ou de refuser l'homologation ou la ratification. La loi ne peut donc pas modifier la délibération ou la loi du pays.

Tout en préservant la compétence en matière pénale de l'État qui s'assure ainsi de l'égalité des citoyens et garantit la liberté individuelle, cette procédure permet aux collectivités d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie d'assurer l'effectivité des règles qu'elles édictent en proposant ou prévoyant la sanction pénale qui sanctionne leur violation.

C'est pourquoi le retard pris dans l'homologation et la ratification est préjudiciable à ces collectivités.

Lors de l'examen de l'article 29 de la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012, votre rapporteur soulignait déjà cette difficulté et se faisait l'écho des propos similaires de notre ancien collègue Bernard Laurent en 1991 11 ( * ) . Le rythme des homologations s'est récemment accru puisqu'en 2010 et 2011, autant d'homologations ont été prononcées qu'entre 1976 et 1991. Il existe cependant encore des délais de plusieurs années entre l'édiction de la peine et son homologation.

Une difficulté similaire existe en matière de ratification. Le 26 septembre 2012, en séance publique, notre collègue Michel Magras relevait ainsi, à propos de Saint-Barthélemy, qu'avait été adopté un « code de l'environnement en 2009, mais, depuis lors, les délais ne sont pas respectés et l'on nous demande régulièrement de délibérer de nouveau. À l'instant où je vous parle, nous disposons donc d'un code de l'environnement pour lequel il n'existe aucune sanction applicable ». Cette situation n'a pu être résolue que par l'ordonnance n° 2014-470 du 7 mai 2014 portant dispositions pénales et de procédure pénale pour l'application du code de l'environnement de Saint-Barthélemy. En effet, initialement, le décret n° 2013-878 du 30 septembre 2013 approuvait un projet d'acte du conseil territorial de Saint-Barthélemy qui avait été annulé au jour de l'approbation, faisant obstacle à la ratification du décret. C'est pourquoi le Gouvernement, à la demande de notre collègue Catherine Tasca, alors rapporteur, avait accepté de procéder par ordonnance après que le Parlement l'a habilité à cet effet.

Extraits de l'avis ° 114 (2014-2015) de M. Thani Mohamed Soilihi,
au nom de la commission des lois, 20 novembre 2014.

Pour répondre à l'inertie gouvernementale, le a) du I de l'article 2 propose qu'au terme d'un délai de quatre mois à compter de la réception du projet d'acte par le Gouvernement, ce dernier soit réputé approuvé. Le silence de l'État vaudrait alors approbation, sous réserve d'obtenir l'accord du Parlement pour les peines d'emprisonnement. L'article 2 ne prévoit cependant pas sur quel texte devrait porter la ratification du Parlement en l'absence de décret.

Votre commission est attachée à préserver la compétence de l'État en matière pénale, comme elle l'a récemment rappelé lors de l'examen d'une ordonnance fixant des peines applicables en Nouvelle-Calédonie, ne serait-ce que parce qu'est en jeu la liberté individuelle au sens de l'article 66 de la Constitution.

En outre, cette proposition soulève un doute quant à sa constitutionnalité car elle équivaudrait de facto à un possible dessaisissement de l'État de sa compétence, la collectivité pouvant agir sans que l'État, pourtant maître de la compétence, n'ait formellement fait part de son accord. Or, le droit pénal figure parmi les compétences qui ne peuvent être transférées par l'État en application du quatrième alinéa de l'article 74 12 ( * ) .

Dans son avis du 20 décembre 2013, le conseil territorial évoque le régime plus favorable pour la collectivité de la Polynésie française. Cependant, comme l'avis le mentionne, cette différence de situation se fonde sur la rédaction du quatrième alinéa de l'article 74 de la Constitution qui interdit le transfert de certaines compétences régaliennes à une collectivité d'outre-mer « sous réserve de celles déjà exercées par elle », ce qui était le cas avant la révision du 28 mars 2003 pour la Polynésie française en matière pénale.

Votre commission a donc estimé que le dispositif proposé ne pouvait être adopté en l'état. Cependant, alertée des difficultés évoquées précédemment pour la mise en oeuvre de la procédure actuelle, votre commission réitère son souhait que le Gouvernement respecte les délais voulus par la législateur organique. Lors de leur audition, les représentants du ministère des outre-mer, conscients du problème soulevé, ont fait part à votre rapporteur de la réflexion en cours sur la publication d'une circulaire spécifique appelant à un travail préparatoire en amont entre collectivités d'outre-mer et État pour faciliter l'examen des projets d'actes transmis.


• La participation à l'exercice de compétence en matière d'entrée et de séjour des étrangers

Le b) de l'article 2 propose, selon la même logique, de permettre à la collectivité de participer à l'exercice de la compétence de l'État en matière d'entrée et de séjour des étrangers sauf en matière de droit d'asile, d'éloignement des étrangers et de circulation des citoyens de l'Union européenne.

Lors de leur audition, les représentants du ministère des outre-mer ont rappelé que le conseil exécutif de la collectivité est déjà consulté, en application du 3° de l'article L.O. 6253-5 du code général des collectivités territoriales, sur la réglementation du contrôle de l'entrée et du séjour des étrangers et la délivrance du titre de séjour.

Notre collègue Michel Magras a fait valoir, lors de son audition, que les compétences entre l'État et la collectivité étaient intimement liées au risque de l'enchevêtrement, la collectivité étant compétente en matière de conditions de travail des étrangers. La participation de la collectivité à la compétence en matière d'entrée et de séjour des étrangers permettrait ainsi de rapprocher les décisions en matière d'emploi des étrangers et de séjour de ces derniers sur le territoire de la collectivité.

Dans sa contribution écrite, le ministère de la justice relève que cette disposition aboutirait « à partager la compétence en matière d'entrée et de séjour des étrangers, entre l'État et la collectivité, selon que les personnes sont issues ou non de l'Union européenne », cette proposition ne lui apparaissant donc pas opportune.

Votre commission n'est pas convaincue, à ce stade, que le dispositif proposé concourt effectivement à une meilleure lisibilité de la répartition de compétences et n'a pas souhaité adopter les dispositions proposées en ce sens.


• La participation à l'exercice de compétence en matière de procédure pénale

Enfin, le c) du I propose également de permettre à la collectivité de Saint-Barthélemy de participer à l'exercice de la compétence en matière de procédure pénale. Le II de l'article assure une mesure de coordination à l'article L.O. 6214-3.

La procédure pénale entre dans le périmètre des compétences régaliennes qui ne peuvent être transférées à une collectivité d'outre-mer en application du quatrième alinéa de l'article 74 de la Constitution.

Or, il est proposé de permettre au conseil territorial, « dans les mêmes limites et conditions que celles fixées par la loi pour des agents de l'État n'ayant pas la qualité d'officier ou d'agent de police judiciaire et assumant des missions équivalentes » de permettre aux fonctionnaires et agents assermentés de la collectivité et de ses établissements publics de rechercher et de constater les infractions uniquement aux règles que la collectivité fixe dans son domaine de compétence.

Cette disposition constitue le pendant procédural des dispositions existantes en matière pénale pour les règles de fond. La rédaction proposée pose certes deux garde-fous, à savoir l'équivalence avec les pouvoirs des agents de l'État et la restriction à la violation des règles édictées par la collectivité. Cependant, les règles fixées ne seraient pas formellement soumises pour approbation à l'État alors même que le onzième alinéa de l'article 74 de la Constitution précise que la participation d'une collectivité d'outre-mer à une compétence de l'État s'exerce sous le contrôle de ce dernier.

Aussi votre commission a-t-elle jugé insuffisant le dispositif proposé dans sa rédaction actuelle et ne l'a pas adopté. En outre, cette question devrait être résolue dans le cadre d'une habilitation à légiférer par ordonnance que le Gouvernement tient du 2° du I de l'article 3 de la loi n° 2013-1029 du 15 novembre 2013 portant diverses dispositions relatives aux outre-mer 13 ( * ) , ce que les représentants du ministère des outre-mer ont confirmé à votre rapporteur.

Pour l'ensemble de ces raisons, votre commission a adopté un amendement de suppression du présent article présenté par son rapporteur.

Votre commission a supprimé l'article 2.

Article 3 (art. L.O. 6251-4 du code général des collectivités territoriales) - Pouvoir de la collectivité d'instituer des sanctions administratives

L'article 3 modifie l'article L.O. 6251-4 du code général des collectivités territoriales afin de préciser que la collectivité peut instituer des sanctions administratives.

Dans sa rédaction actuelle, l'article L.O. 6251-4 du code général des collectivités territoriales permet au conseil territorial d'assortir les infractions aux règles fiscales qu'il institue « d'amendes, majorations, intérêts ou indemnités de retard appliqués par l'administration ». Leur produit revient au budget de la collectivité.

Tout en maintenant cette possibilité, il est proposé que la collectivité puisse également instituer des sanctions administratives en cas de violation des règles qu'elle édicte dans le cadre de ses compétences.

Cette disposition consacre explicitement une faculté dont dispose actuellement le conseil territorial comme le reconnaît l'exposé des motifs indiquant qu'il s'agit de « confirmer la possibilité pour la collectivité d'instituer des sanctions administratives, y compris pécuniaire s ».

Sous réserve de l'adoption d'un amendement de clarification rédactionnelle, votre commission a approuvé cet article qui consacre l'état du droit.

Votre commission a adopté l'article 3 ainsi modifié .

Article 4 (art. L.O. 6214-3 du code général des collectivités territoriales) - Transfert à la collectivité de la compétence en matière de réglementation économique des véhicules terrestres à moteur

Complétant l'article L.O. 6214-3 du code général des collectivités territoriales, l'article 4 propose d'étendre le domaine de compétences de la collectivité de Saint-Barthélemy. Cette dernière serait compétente en matière d'importation, d'exportation, de vente et de location de véhicules terrestres à moteur.

Pour l'auteur de la proposition de loi organique, cette nouvelle compétence normative permettrait à la collectivité de « réglementer le nombre de véhicules autorisés à circuler sur l'île » à des fins économiques et environnementales. L'exposé des motifs précise qu' « économiquement, pour la préservation de la qualité de l'activité touristique, et compte tenu de l'exiguïté du territoire, il apparaît essentiel de préserver à long terme des conditions de circulation et des aménagements urbains compatibles avec les exigences de la clientèle touristique de Saint-Barthélemy », ajoutant qu'un « trop grand nombre de véhicules est facteur de pollution et de bruit ».

Votre rapporteur relève que pour poursuivre les objectifs avancés, la collectivité dispose d'ores et déjà de la compétence normative en matière d'environnement ainsi qu'en matière de réglementation et circulation routières, en vertu de l'article L.O. 6251-4 du code général des collectivités territoriales. La compétence que l'article 4 propose de transférer de l'État à la collectivité est davantage de nature économique puisqu'elle vise à régir l'activité commerciale en lien avec les véhicules terrestres à moteur.

Lors de leur audition, les représentants du ministère des outre-mer ont d'ailleurs souligné l'absence de liens de conséquence entre les règles d'exportation de ces véhicules et leur impact environnemental sur place.

Sur le plan constitutionnel, cette compétence peut être transférée à une collectivité d'outre-mer puisqu'elle ne relève pas des compétences régaliennes que le quatrième alinéa de l'article 74 de la Constitution réserve à l'État.

L'auteur de la proposition de loi a fait valoir, devant votre rapporteur, que cette demande résultait d'une situation propre à l'île qui comptait un nombre excessif de voitures, notamment à la suite d'incitations fiscales. Selon son estimation, leur nombre s'élèverait à près de 11 000, soit plus que la population de l'île.

Compte tenu de ce contexte, votre commission a estimé que le transfert de cette compétence particulièrement limitée pouvait se justifier, dès lors qu'en tout état de cause, les décisions de la collectivité restent subordonnées au respect des principes constitutionnels tels que la liberté d'entreprendre.

Votre commission a adopté l'article 4 sans modification .

Article 5 (art. L.O. 6213-1 du code général des collectivités territoriales) - Création d'un régime de sécurité sociale propre à Saint-Barthélemy

En modifiant l'article L.O. 6213-1 du code général des collectivités territoriales, l'article 5 fixe des règles spécifiques à Saint-Barthélemy en matière de sécurité sociale. La détermination de ces règles relève de la compétence de l'État, ce que le présent article ne remet pas en cause.

D'une part, le II propose d'instituer un régime de sécurité sociale propre à l'ensemble des habitants de Saint-Barthélemy et géré par une caisse de prévoyance sociale. Seraient exclus de ce régime, seulement pour certains risques, les marins qui relèvent de l'établissement national des invalides de la marine et les bénéficiaires d'une pension civile et militaire de l'État.

Ce régime constituerait un régime général et obligatoire qui, à la différence de la métropole, prendrait en charge les risques liés à la maladie, la maternité, l'invalidité, au décès, aux accidents du travail et maladies professionnelles, à la vieillesse et à la perte d'emploi.

D'autre part, le I prévoit que les dispositions législatives et règlementaires relatives à la sécurité sociale et aux retraites ne seraient applicables localement que sur mention expresse. Comme le permet le troisième alinéa de l'article 74 de la Constitution, Saint-Barthélemy est régie par le principe d'identité législative, à l'exception des règles relatives à l'entrée et au séjour des étrangers ainsi qu'au droit d'asile. Pour ces dernières, leur application à Saint-Barthélemy est subordonnée à une mention expresse du législateur ou du pouvoir règlementaire.

Comme l'indique l'exposé des motifs, l'article 5 de la présente proposition de loi organique « est proposé par coordination avec la proposition de loi visant à créer une caisse de prévoyance sociale à Saint-Barthélemy », déposée par notre collègue Michel Magras le même jour que le présent texte 14 ( * ) . La proposition de loi détermine notamment les règles d'organisation et de fonctionnement de la caisse de prévoyance sociale mentionnée par le présent article ainsi que les modalités de financement du régime de sécurité sociale propre à Saint-Barthélemy.

Sans se prononcer sur le fond de la réforme envisagée qui appellerait une étude plus approfondie relevant de la commission des affaires sociales, votre commission a constaté que l'article 5 ne revêt pas de caractère organique. En effet, il ne se rattache ni à l'article 74 de la Constitution
- relatif aux collectivités d'outre-mer et non aux régimes de sécurité sociale qui y sont applicables -, ni à une autre norme constitutionnelle qui imposerait une disposition organique. En application de l'article 34 de la Constitution 15 ( * ) , la loi ordinaire suffit à instituer le régime de sécurité sociale proposé sans que sa création n'appelle l'intervention du législateur organique.

De surcroît, l'éventuelle création d'un régime de sécurité sociale propre à Saint-Barthélemy n'imposerait pas un basculement en faveur du principe de spécialité législative, mettant ainsi fin à l'application de plein droit des dispositions en ce domaine. Le principe d'identité législative ne s'oppose pas à l'adaptation des règles de droit commun à la situation particulière de Saint-Barthélemy, comme le rappelle l'article L.O. 6213-1 du code général des collectivités territoriales. En outre, dès lors que des règles spéciales existeraient pour Saint-Barthélemy, les modifications apportées aux règles de droit commun, qui n'auraient plus vocation à s'appliquer à Saint-Barthélemy, n'emporteraient de modification équivalente que si le législateur modifiait expressément ces règles spéciales. En effet, les règles spéciales dérogent aux règles communes sous réserve de décision contraire du législateur.

L'introduction de ces dispositions ne se justifiant pas au niveau organique, votre commission a adopté un amendement de suppression présenté par son rapporteur.

Votre commission a supprimé l'article 5.

Article 6 (art. L.O. 6214-4 du code général des collectivités territoriales) - Suppression de l'équivalence entre la Guadeloupe et Saint-Barthélemy en matière de prélèvements sociaux

L'article 6 est présenté par l'exposé des motifs comme une mesure de coordination de l'article 5 de la présente proposition de loi organique. Il supprime à l'article L.O. 6214-4 du code général des collectivités territoriales l'obligation de maintenir l'analogie entre les règles applicables en Guadeloupe et à Saint-Barthélemy en matière de cotisations sociales et des autres prélèvements destinés au financement de la protection sociale et à l'amortissement de la dette sociale.

Contrairement aux règles fiscales, ces dispositions sociales relèvent de la compétence de l'État et, pour l'essentiel, du législateur. La suppression de ce principe de parité entre la Guadeloupe et Saint-Barthélemy constitue un préalable à la création d'un régime de sécurité sociale propre à Saint-Barthélemy. À défaut, le législateur ordinaire serait tenu par cette règle lorsqu'il fixerait les règles propres à Saint-Barthélemy et qui ne pourraient guère s'éloigner de celles applicables en Guadeloupe.

Cette disposition lèverait l'obstacle organique à ce que des règles spécifiques soient adoptées par l'État en matière de prélèvements sociaux pour Saint-Barthélemy. Votre commission a donc maintenu le présent article, la suppression de l'article 5 de la proposition de loi organique examinée n'impliquant pas celle de l'article 6.

Votre commission a adopté l'article 6 sans modification .


* 7 Conseil constitutionnel, 15 février 2007, n° 2007-547 DC.

* 8 En application de l'article L.O. 6214-3 du code général des collectivités territoriales, la collectivité fixe les règles applicables en matière d'environnement.

* 9 Examinant le statut de la Polynésie française dans sa décision n° n° 2004-490 DC du 12 février 2004, le Conseil constitutionnel a rappelé que « la possibilité donnée à une collectivité d'outre-mer dotée de l'autonomie d'édicter des normes dans un domaine qui, en vertu de dispositions constitutionnelles ou statutaires, demeure dans les attributions de l'État, ne peut résulter que de l'accord préalable de l'autorité de l'État qui exerce normalement cette compétence ».

* 10 III de l'article 3 de la loi n° 2013-1029 du 15 novembre 2013 portant diverses dispositions relatives aux outre-mer.

* 11 Rapport n° 25 (1990-1991) de M. Bernard Laurent, au nom de la commission des lois, 10 octobre 1990.

* 12 Sans préjudice des compétences ajoutées par la loi organique, le quatrième alinéa de l'article 74 de la Constitution fixe les matières qui ne peuvent être transférées par renvoi à la liste fixée au quatrième alinéa de l'article 73 de la Constitution.

* 13 Il est prévu que « dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution et dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances toute mesure législative visant à [...] étendre et adapter, dans les collectivités régies par l'article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie, les dispositions de droit commun, afin de permettre aux agents publics de rechercher et de constater par procès-verbal certaines infractions aux réglementations édictées localement notamment en matière d'environnement, de chasse, de pêche, d'urbanisme, de stationnement payant ou de santé ou de salubrité publiques ».

* 14 Proposition de loi (2013-2014) n° 474 de M. Michel Magras et plusieurs de ses collègues, portant diverses dispositions relatives à Saint-Barthélemy, 17 avril 2014.

* 15 L'article 34 de la Constitution dispose que « la loi détermine les principes fondamentaux [...] de la sécurité sociale ».

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