II. UN AFFLUX CONSTANT ET MASSIF DE REQUÊTES INDIVIDUELLES

2011

2012

2013

2014 (31/10/2014)

Requêtes entrantes

64 500

65 250

65 900

Entre 65 000 et
70 000

Requêtes jugées

52 188

dont 1 511 arrêts

et 50 677 décisions d'irrecevabilité

87 879

dont 1 678 arrêts

et 86 201 décisions d'irrecevabilité

93 397

dont 916 arrêts (concernant 3 659 requêtes)

et 89 738 décisions d'irrecevabilité

Non connu à ce jour

Requêtes pendantes

151 600

128 100

99 900

78 000

Comme ce tableau l'indique, environ 65 000 requêtes sont introduites chaque année devant la CEDH. Ce nombre risque encore de croître puisqu'au fil des élargissements, ce sont désormais plus de 800 millions de justiciables qui sont susceptibles de saisir la Cour. En effet, « les Etats membres du Conseil de l'Europe garantissent les droits fondamentaux, civils et politiques, non seulement à leurs ressortissants, mais aussi à toutes les personnes relevant de leur juridiction ».

Au 31 décembre 2013, environ 99 900 affaires étaient pendantes devant une formation judiciaire de la Cour. Au cours de l'année 2013, 916 arrêts ont été rendus, correspondant à 3 659 requêtes .

Pour faire face à cette situation d'engorgement chronique, notamment due à l'adhésion au Conseil de l'Europe et à la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, d'un nombre conséquent d'Etats issus des anciens régimes communistes d'Europe centrale et orientale, à la fin des années 1990, la Cour a mis en place une procédure dite de « l'arrêt pilote » pour traiter l'afflux massif de requêtes portant sur des problèmes similaires, appelés aussi problèmes systémiques, c'est-à-dire qui tirent leur origine d'une non-conformité du droit national avec la Convention. Cette procédure consiste à examiner une ou quelques-unes de ces requêtes et à reporter l'examen de la série d'affaires similaires. Lorsqu'elle rend son arrêt dans une affaire pilote, elle appelle le gouvernement concerné à mettre sa législation en conformité avec la Convention et lui indique les mesures générales à prendre. Elle traite par la suite les affaires similaires ajournées sur le modèle de l'arrêt pilote.

Cette procédure a donné lieu à une modification du règlement de la Cour, en février 2011 , alors même que la CEDH, siégeant en Grande Chambre, a adopté pour la première fois un arrêt pilote, le 22 juin 2004, dans l'affaire Broniowski c. Pologne, sur une question d'atteinte au droit à la protection de la propriété qui concernait environ 80 000 personnes.

Une autre modification du règlement a instauré, en 2009 , « une politique de prioritisation » qui permet à la CEDH de « tenir compte de l'importance et de l'urgence des questions soulevées pour décider de l'ordre de traitement des requêtes » et ce, en vue d'une plus grande efficacité. « Dans la pratique, cela signifie par exemple qu'une allégation plausible de torture ou de traitement inhumain ou dégradant (article 3 de la Convention - catégorie III) sera normalement traitée avant une allégation de violation du droit à la liberté d'expression (article 10 - catégorie IV - affaires potentiellement bien fondées sur le terrain d'autres articles) dirigée contre le même pays » 5 ( * ) .

En vue d'accélérer le traitement des requêtes dont 90 % sont déclarées irrecevables , la CEDH a créé, en janvier 2011 , à la suite de la Conférence d'Interlaken de 2010 précitée, au sein du greffe, « une nouvelle section de filtrage chargée de centraliser le traitement des affaires provenant (...) de la Russie, la Turquie, la Roumanie, l'Ukraine et la Pologne . Ces pays totalisent plus de la moitié des affaires pendantes devant la Cour ». En effet, entre 1959 et 2013 6 ( * ) , la CEDH a rendu près de 17 000 arrêts dont près de la moitié était dirigée contre cinq Etats : la Turquie (2 994), l'Italie (2 268), la Fédération de Russie (1 475), la Pologne (1 042) et la Roumanie (1 026).

Selon les informations transmises par le greffe de la CEDH aux services du ministère des affaires étrangères, la CEDH n'aurait pas besoin de personnels supplémentaires pour traiter les requêtes pendantes et les nouvelles requêtes dans les délais fixés par la Conférence de Brighton citée en annexe. A la fin de l'année 2015, l'arriéré des affaires de juge unique (12 000) serait résorbé. S'agissant des requêtes répétitives (40 000 dont 25 000 d'arriéré), elles pourraient être traitées en deux ou trois ans. S'agissant du reste de l'arriéré (les requêtes de fond), un budget de 30 millions d'euros sur huit ans destiné à recruter quarante juristes permettrait de l'apurer.

En conséquence, les mesures destinées à lutter contre l'engorgement juridictionnel ont permis de faire globalement face à l'attente du contentieux, en utilisant différents leviers : concentration sur les affaires urgentes et prioritaires, déclaration d'irrecevabilité, les formations de juge unique ayant déclaré irrecevables plus de 80 000 requêtes.

Toutefois, le délai moyen de jugement des affaires en 2013 s'établit à vingt-et-un mois et sept jours, et à cinq ans pour les affaires non prioritaires 7 ( * ) . Il apparaît ainsi que, bien que depuis plusieurs années, la CEDH essaie de lutter contre l'engorgement et la charge de travail qui en découle, elle ne parvienne pourtant pas à des résultats totalement satisfaisants au regard de l'importance du stock d'affaires pendantes et de la longueur des délais de jugements. Le protocole n° 15 est une « nouvelle pierre apportée à l'édifice ».


* 5 Note sur La politique de prioritisation de la Cour sur le site Internet de la CEDH

* 6 2013 correspond à la dernière année publiée sur le site Internet de la CEDH.

* 7 Source : réponse écrite du MAEDI au questionnaire de notre commission

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