CHAPITRE III - Conditions d'exercice des professions juridiques réglementées

Initialement , le présent chapitre était exclusivement dédié à deux types de professions réglementées , parmi toutes celles que compte notre législation : les professions du droit et les professions du chiffre celles d'experts-comptables et de commissaires aux comptes. Les députés y ont joint celle des architectes , à l'article 22 bis , et celle des gens de mer , à l'article 22 ter .

Les professions réglementées du droit

De nombreux professionnels relèvent de cette catégorie : les avocats, les avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation (aussi dénommés « avocats aux conseils »), les administrateurs et mandataires judiciaires, les commissaires-priseurs judiciaires, les conseillers en propriété industrielle, les huissiers de justice, les juristes d'entreprises et les notaires. Ces professionnels du droit ne sont pas les seuls à exercer le droit puisque d'autres professions, comme les experts comptables ou les agents immobiliers, peuvent exercer cette activité à titre accessoire.

Parmi les professions du droit, on distingue les professions judiciaires , qui regroupent les auxiliaires de justice (par exemple les avocats, les commissaires-priseurs judiciaires, les administrateurs ou mandataires judiciaires, ou les huissiers de justice), des professions juridiques , qui interviennent indépendamment de tout procès, comme, en principe, les notaires ou les juristes d'entreprise.

Une autre distinction peut être établie entre celles dont l'exercice est libéral et celles dont il est salarié, comme les juristes d'entreprises. La plupart peuvent toutefois exercer sous l'une ou l'autre forme 88 ( * ) . Il en va ainsi des notaires, des avocats ou des huissiers de justice.

Enfin, une dernière distinction oppose les professionnels libéraux indépendants , qui peuvent s'installer librement, comme les avocats, les administrateurs judiciaires, les mandataires judiciaires ou les conseillers en propriété industrielle, et les officiers publics et ministériels .

Cette dernière dénomination recouvre deux réalités, qui peuvent se cumuler. L'officier ministériel est appelé ainsi parce qu'il est nommé par le ministre de la justice. Parmi ces officiers ministériels, certains sont aussi officiers publics , dans la mesure où ils peuvent établir des actes authentiques qui font foi jusqu'à inscription de faux en écriture publique.

Ainsi, les avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation et les commissaires-priseurs judiciaires ont seulement la qualité d'officiers ministériels. Les greffiers des tribunaux de commerce, les notaires et les huissiers de justice ont, eux, la qualité d'officiers publics et ministériels.

Source : commission spéciale du Sénat

Article 12 A (nouveau) - Création d'un code de l'accès au droit et de l'exercice du droit

Objet : le présent article additionnel, issu d'un amendement de votre rapporteur, tend à créer un code de l'accès au droit et de l'exercice du droit, destiné à rassembler tous les textes épars qui régissent aujourd'hui les professions juridiques et judiciaires réglementées, l'exercice du droit et les dispositifs d'accès au droit.

Placé en tête du chapitre consacré aux professions réglementées, cet article vise un double objectif.

Il s'agit, tout d'abord, d'assurer une meilleure accessibilité et une plus grande lisibilité des textes qui régissent l'exercice du droit et l'organisation des professions réglementées.

Ceux-ci se caractérisent en effet, aujourd'hui, par leur dispersion et leur ancienneté.

Ainsi, sans compter les administrateurs et mandataires judiciaires, les greffiers de tribunaux de commerce ou les conseillers en propriété industrielle, dont le régime est codifié 89 ( * ) , plus d'une cinquantaine de textes régissent l'organisation et le fonctionnement des professionnels libéraux du droit.

Certains de ces textes remontent parfois à plus d'un siècle 90 ( * ) . Bien qu'ils aient été modifiés à de nombreuses reprises, deux difficultés subsistent.

La première tient à la confusion entre ce qui relève de la loi et ce qui relève du pouvoir réglementaire : conçus à des époques où cette distinction n'avait pas la même force qu'aujourd'hui, ils renvoient au règlement des mesures qui auraient aujourd'hui leur place dans la loi 91 ( * ) , et inversement.

La deuxième difficulté tient à la sédimentation inévitable des réformes successives, qui, faute d'une refonte globale, ont laissé subsister des dispositions caduques ou inadaptées à l'exercice moderne de ces professions 92 ( * ) , ou rendu le droit moins lisible ou trop complexe 93 ( * ) .

Le présent article additionnel est aussi motivé par la volonté de faire le compte de ce que les professions du droit ont en commun et de ce qui les distinguent. Sans renouer avec l'idée d'une unique profession du droit 94 ( * ) , étrangère à la tradition française et contraire aux spécificités de nos professions, il s'agirait de mettre en avant les points de convergence entre certaines de ces professions, comme en matière de tarifs , de déontologie ou de formes sociales d'exercice , en respectant ce qui les distingue.

À ce stade des travaux parlementaires, l'article 12 A se limite à créer un code de l'accès au droit et de l'exercice du droit , sans procéder aux opérations légistiques nécessaires pour le garnir. L'extension à l'accès au droit du périmètre de ce code rend compte du rôle éminent que jouent les professions juridiques et judiciaires réglementées en ce domaine.

Votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.

Article 12 (art. L. 441-1 à L. 444-5 [nouveaux], L. 462-1, L. 462-4, L. 464-1, L. 663-2, L. 663-3 et L. 743-13 du code de commerce, art. L. 113-3 du code de la consommation et art. 1er de la loi du 29 mars 1944 relative aux tarifs des émoluments alloués aux officiers publics ou ministériels) - Réglementation des tarifs des officiers publics ou ministériels et de certaines professions juridiques

Objet : le présent article réforme le dispositif d'établissement des tarifs de certaines professions juridiques et judiciaires réglementées en modifiant les critères de fixation de ces tarifs et en rendant l'Autorité de la concurrence compétente pour se prononcer sur ceux-ci.

I - Le contexte

A. Un constat sévère sur le niveau actuel des tarifs et la forte rentabilité qu'ils assurent aux professions concernées...

Comme plusieurs des dispositions du projet de loi relatives aux professions réglementées, le présent article est directement inspiré par les conclusions de trois rapports successifs , les deux derniers reprenant largement les analyses du premier : celui, non publié, de l'inspection générale des finances, celui de M. Richard Ferrand, aujourd'hui rapporteur général du présent texte à l'Assemblée nationale 95 ( * ) et celui d'une mission d'information de la commission des lois de l'Assemblée nationale 96 ( * ) sur le sujet.

Ces rapports font le constat d'un décalage entre les gains résultant, pour ces professions, de l'application des barèmes tarifaires auxquels elles sont soumises et celle des coûts auxquels elles font face. Il en résulterait une croissance du chiffre d'affaires des professionnels bien supérieure à l'inflation et un taux de rentabilité beaucoup plus élevé que le taux moyen observé pour l'ensemble des entreprises.

Trois phénomènes expliqueraient cette situation.

En premier lieu, la rémunération tarifaire de certains actes aurait considérablement augmenté en raison de facteurs exogènes, sans lien avec les coûts correspondants pour le professionnel. Ainsi, la forte hausse des prix de l'immobilier a mécaniquement entraîné une hausse de la rémunération proportionnelle des notaires pour les actes de mutation immobilière, sans que cela soit justifié par une complexification des opérations auxquelles ils devaient procéder. S'appuyant sur le rapport de l'inspection générale des finances, l'étude d'impact jointe au projet de loi rappelle qu'entre 2002 et 2012, le tarif perçu par les notaires aurait augmenté de 159 % pour la vente d'un appartement parisien de soixante mètres carrés et de 77 % pour la vente d'une maison de cent mètres carrés à Clermont-Ferrand.

En second lieu, les revalorisations successives des barèmes tarifaires 97 ( * ) , intervenues aux cours des dernières années auraient été pour la plupart supérieures à l'inflation. L'étude d'impact donne l'exemple des huissiers de justice, dont les tarifs auraient cru de 9 points de plus que l'inflation de 1996 à 2012 ou celui des greffiers de tribunaux de commerce, dont le taux de base aurait augmenté, hors inflation, de 7,5 % entre 2000 et 2012.

Enfin, ces mêmes revalorisations n'auraient pas tenu compte des gains de productivité permis par les nouvelles technologies, la réduction de certains formalismes ou les investissements des professionnels.

À ce premier constat s'ajouterait un second : l'empilement des régimes tarifaires et l'absence de critères clairs pour leur fixation rendraient le dispositif particulièrement complexe et illisible , pour les professionnels comme pour les justiciables.

Se défendant de vouloir stigmatiser une profession plus qu'une autre, le ministre de l'économie, Emmanuel Macron, a estimé que les officiers publics ou ministériels bénéficiaient objectivement d'un effet de rente 98 ( * ) , auquel il convenait de mettre fin en réformant les conditions dans lesquelles leurs tarifs sont établis et en garantissant une plus grande transparence sur les critères retenus à cette fin.

B. ... qui doit toutefois être nuancé

Des travaux qu'il a conduits, votre rapporteur tire la conviction que ce constat et cette conclusion ne peuvent être accueillis sans réserve.

Il observe tout d'abord que l'évolution dénoncée est inséparable d'un choix, celui de concilier deux exigences contraires : assurer aux justiciables, pour les actes les plus fréquents, le plus faible coût possible, et garantir, en même temps, un maillage territorial suffisant, ce qui impose de garantir aux officiers publics ministériels une rentabilité suffisante, même lorsque les prestations qu'ils délivrent consistent essentiellement en ces actes faiblement rémunérés.

En effet, la solution pratiquée pour y parvenir consiste à appliquer aux tarifs une péréquation , certains des actes pratiqués, les plus nombreux, étant volontairement maintenus en-deçà du coût de revient et d'autres bien au-delà, afin que les quelques actes rémunérés plus chers compensent le manque à gagner de l'ensemble de ceux accomplis à perte. Concrètement, la rentabilité des offices notariaux est assise sur les ventes immobilières, dont le tarif est proportionnel, qui rétribuent, indirectement, les autres actes proposés, sur une base forfaitaire, par le notaire.

Or, comme l'Autorité de la concurrence elle-même l'a reconnu dans son avis du 9 janvier 2015 99 ( * ) , cette péréquation, qui assure la subsistance des plus petits offices, situé dans des territoires où les prix de l'immobilier sont bas et les transactions rares, permet aux offices mieux achalandés de réaliser de plus substantiels bénéfices : l'inégalité de situation des différentes structures ou la différence du panier de prestations qu'elles délivrent effectivement expliquent pour une part les sur-rémunérations observées.

Par ailleurs, votre rapporteur rappelle que les professions juridiques ont vu leurs conditions d'exercice évoluer : des tâches nouvelles leur ont été confiées, certains monopoles ont été démantelés 100 ( * ) , certaines de leurs prestations ont été soumises à de nouvelles concurrences 101 ( * ) . Il serait faux de les taxer d'immobilisme.

Enfin, votre rapporteur souligne qu'en tout état de cause, la responsabilité de la fixation des tarifs échoit au Gouvernement : en la matière, l'essentiel du droit est de niveau réglementaire, la loi fixant seulement le principe d'un tarif, mais non les critères 102 ( * ) . Il n'est donc pas juste d'imputer aux seules professions la responsabilité de la situation actuelle.

Les tarifs des professions du droit

En matière de prestation juridique, le principe est celui de l'honoraire libre. Toutefois, la rémunération des professionnels peut être réglementée lorsque cette réglementation sert un objectif d'intérêt général . Il en va ainsi lorsqu'il s'agit d'assurer une égalité d'accès à la prestation offerte, grâce à un prix unique, d'éviter toute négociation du prix de la rédaction d'un acte authentique, ou de garantir une rémunération suffisante au professionnel en compensation des contraintes qui pèsent sur lui.

La réglementation prend la forme d'un barème tarifaire , qui fixe, prestation par prestation, la rémunération versée au professionnel, nommée « émolument ».

Cette réglementation tarifaire concerne principalement les officiers publics ou ministériels . Elle s'applique aussi, bien qu'ils n'aient pas cette qualité, aux administrateurs et mandataires judiciaires, ainsi qu'aux avocats. Ces derniers perçoivent des émoluments de postulation, le plus souvent négligeables par rapport à leurs honoraires, lorsqu'ils accomplissent, pour le plaideur, des actes de procédure devant les juridictions 103 ( * ) .

Le principe d'une rémunération tarifaire est fixé par la loi (art. 1 er de la loi du 29 mars 1944 pour les officiers publics ou ministériels, art. 10 de la loi du 31 décembre 1971 pour la postulation des avocats). En revanche son régime et ses conditions sont définis par le pouvoir réglementaire.


Les types de tarifs et d'émoluments

D'une profession à l'autre, les barèmes varient sensiblement, en raison, d'une part, de la nature différente des actes délivrés ou des diligences accomplies et, d'autre part, de la diversité des modalités de calcul retenues.

Ainsi, les émoluments peuvent être composés :

- de droits fixes , dont le montant est soit exprimé en euros, soit en unité d'un taux de base lui-même défini par voie réglementaire. Ainsi, par exemple, la délivrance d'une assignation par un huissier de justice est facturée 8,5 fois le taux de base de 2,20 euros (soit 18,7 euros). Le mandataire judiciaire touche quant à lui pour l'ensemble de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire un droit fixe de 2 500 euros ;

- de droits proportionnels à la valeur de l'affaire ou du bien concerné. Le commissaire-priseur judiciaire perçoit ainsi 0,1 % de la valeur de la prisée lors d'une vente judiciaire portant sur des biens de plus de 34 500 euros.

Dans un cas comme dans l'autre, la valeur nominale du droit peut varier selon certaines circonstances ou elle peut être affectée d'un coefficient. Ainsi, le droit fixe d'un huissier est multiplié par 0,5 lorsque la créance à recouvrer est inférieure à 128 euros, par 1 entre 128 et 1 280 euros et par 2 au-delà. Le droit proportionnel d'un notaire sur une vente immobilière varie quant à lui de 4 % pour un bien d'une valeur inférieure à 6 000 euros à 0,825 % pour un bien d'une valeur supérieure à 60 000 euros.

Parfois, cette technique du coefficient multiplicateur ou du droit proportionnel permet d'intéresser le professionnel à la performance de la diligence qu'il accomplit. Tel est le cas, dans l'exemple précédent pour le recouvrement de créance.

À ces droits proportionnels ou fixes peuvent s'ajouter des débours, qui correspondent aux remboursements des avances de frais effectuées par les professionnels, des frais de dossiers ou des frais de déplacements (tel est le cas par exemple pour les huissiers de justice).

Par ailleurs, lorsqu'une profession est autorisée à effectuer les prestations d'une autre profession, elle en applique généralement le tarif.

Toutes les prestations offertes par les professionnels ne sont pas forcément tarifées : celles qu'ils peuvent accomplir en concurrence avec d'autres professionnels du droit sont généralement en honoraires libres. Il arrive toutefois que certaines prestations non exclusives soient elles aussi tarifées, comme le sont, par exemple, les négociations immobilières conduites par les notaires.


La possibilité de remises

En principe, le tarif ne peut être modifié par le professionnel. Toutefois, ce dernier peut être autorisé, dans certains cas, à consentir des remises. Il en va ainsi pour les notaires, qui peuvent renoncer totalement à leurs émoluments, en accorder une réduction à leur client pour la part dépassant 80 000 euros, ou proposer une remise libre, dans les cas de négociation ou de transaction. En revanche, ils ne peuvent consentir d'autres remises qu'avec l'autorisation de la chambre dont ils dépendent.

Source : commission spéciale du Sénat

II - Les dispositions du projet de loi et les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Le présent article ne remet pas en cause le caractère réglementé des tarifs pratiqués par la plupart des professions juridiques et judiciaires. En revanche, inspiré par une approche économique, il vise à instiller plus de concurrence ou de transparence dans la fixation de ceux-ci.

Symboliquement, il détache les dispositions législatives relatives aux barèmes tarifaires de la loi du 29 mars 1944 104 ( * ) pour les intégrer, modifiées, dans un nouveau titre IV bis (articles  L. 444-1 à L. 444-4) du livre IV du code de commerce consacré à la liberté des prix et de la concurrence.

Surtout, il enrichit le régime législatif actuel en intervenant sur quatre éléments : le périmètre des autorités compétentes pour fixer les tarifs, les critères retenus pour établir le niveau de prix de chaque prestation, la prise en compte d'une péréquation nécessaire dans la rémunération des professionnels, les possibilités de négociation des tarifs.

Le nouveau dispositif qu'il met en place concernerait exclusivement les prestations des commissaires-priseurs judicaires, des greffiers de tribunaux de commerce, des huissiers de justice, des administrateurs judiciaires, des mandataires judiciaires et des notaires (nouvel article L. 444-1 du code du commerce). Il laisse en revanche de côté les tarifs liés à la postulation des avocats.

A. Une compétence de fixation des tarifs étendue à l'Autorité de la concurrence et au ministre de l'économie

Le nouvel article L. 444-3 du code commerce adjoindrait au ministre de la justice, aujourd'hui seul compétent pour arrêter le tarif de chaque prestation, celui de l'économie. La portée symbolique d'une telle disposition est forte.

Surtout, compétence est donnée à l'Autorité de la concurrence, aux articles L. 462-1 et L. 462-4 du même code, pour se prononcer par avis public, à la demande du Gouvernement ou de sa propre initiative, sur les prix et tarifs réglementés. Cette compétence ne se limite pas aux tarifs des professions juridiques, mais s'étend à tout type de prix régulés.

Actuellement, ces articles visent, plus généralement, sa compétence pour se prononcer sur les questions relatives à la concurrence. Votre rapporteur observe que cette formulation générale ne lui a en rien interdit de rendre récemment au Gouvernement un avis sur les tarifs des professions juridiques réglementées 105 ( * ) ou sur les prix de l'électricité 106 ( * ) , comme le président en exercice de cette institution l'a rappelé lors de son audition,

À l'initiative des rapporteurs de leur commission spéciale, les députés ont toutefois souhaité que ces avis soient précédés d'une consultation des organisations professionnelles et des instances ordinales concernées ainsi que des associations de défense des consommateurs agréées. Ces consultations, à la charge de l'Autorité de la concurrence, devraient être ouvertes dans les cinq jours ouvrables suivant la saisine ou l'auto-saisine de l'Autorité de la concurrence 107 ( * ) .

Les députés ont précisé que lorsqu'elle se sera saisie d'office, l'autorité devra rendre son avis au plus tard un mois avant la révision du prix ou du tarif en cause, cette date lui étant obligatoirement communiquée deux mois avant son échéance.

Même si elle ne transparaît pas clairement du dispositif proposé, qui ne prévoit pas une telle automaticité, la volonté du Gouvernement semble être de construire la réévaluation des tarifs à partir de l'avis préalable de l'Autorité de la concurrence, que celui-ci intervienne avant chaque révision quinquennale des tarifs ou dans l'intervalle, si une difficulté lui est signalée. Cette autorité est ainsi appelée à jouer un rôle clé dans la démarche d'objectivisation de la fixation des tarifs.

B. Une explicitation des critères de fixation des tarifs

Lors des débats à l'Assemblée nationale, le ministre de l'économie a insisté sur la volonté du Gouvernement de rendre plus transparente la détermination des tarifs et de l'asseoir sur des critères objectifs. Le nouvel article L. 444-2 traduit cette volonté, puisqu'il précise que les tarifs concernés prennent en compte « les coûts pertinents du service rendu et une rémunération raisonnable, définie sur la base de critères objectifs ».

Ces deux concepts, et particulièrement celui de « rémunération raisonnable » ont donné lieu, en séance publique à l'Assemblée nationale, à un débat nourri, plusieurs orateurs soulignant leur imprécision.

La rapporteure thématique, notre collègue députée Cécile Untermaier et le ministre de l'économie, Emmanuel Macron, ont indiqué qu'il reviendrait au pouvoir réglementaire de les préciser, mais que ceux-ci étaient suffisamment clairs. Le ministre de l'économie a notamment fait valoir que la notion de « rémunération raisonnable » était définie à plusieurs reprises dans les textes de loi, et qu'elle recouvrait « la prise en compte des coûts réels, des investissements réalisés et du coût du capital ainsi que des risques encourus » 108 ( * ) .

Votre rapporteur observe toutefois que cette dernière définition intègre des éléments, comme les coûts réels ou le coût du capital, qui sembleraient plutôt relever de la notion de « coûts pertinents » qui est distinguée, par le présent article, de celle de « rémunération raisonnable ».

En outre, si cette dernière notion est bien utilisée par deux textes de loi 109 ( * ) , les définitions qui en sont données diffèrent sensiblement. Il en va de même pour la notion, proche et d'usage plus fréquent, de « rémunération normale » 110 ( * ) . À chaque fois, il semble que le législateur ait tenu à préciser comment il fallait entendre, dans ce cas, la qualité d'une telle rémunération.

Le nouvel article L. 444-4 renverrait à un décret en Conseil d'État, pris après avis de l'Autorité de la concurrence, le soin de déterminer les modes d'évaluation de ces coûts pertinents et de cette rémunération raisonnable.

C. L'instauration d'une double péréquation des tarifs

Le présent article a tenté de traduire juridiquement l'une des réalités économiques de la pratique tarifaire actuelle : la rémunération plus élevée de certains actes rares compense la perte nette que provoquent d'autres actes, plus fréquents, rémunérés en-deçà de leur prix coûtant.

En effet, et ce point a été fortement souligné par les représentants des professions entendus par votre rapporteur, une application stricte de la règle du prix coûtant conduirait à un renchérissement considérable de nombreuses prestations délivrées aux citoyens. Une telle évolution serait contraire à l'objectif assigné au texte, d'une redistribution de pouvoir d'achat au profit de nos concitoyens. Votre rapporteur souligne, à cet égard, combien cette compensation implicite manifeste le service rendu par ces professions et leur rôle pour garantir l'accès au droit des justiciables.

Le présent article prévoit par conséquent, au nouvel article L. 444-2 du code de commerce, une dérogation - appelée, selon toute vraisemblance, à devenir régulière - aux critères du coût pertinent et de la rémunération raisonnable : le barème tarifaire pourrait mettre en place, pour chaque profession, une péréquation des tarifs applicables à l'ensemble des prestations qu'elles servent.

Il précise que cette péréquation peut notamment justifier que les tarifs sur les transactions immobilières soient fixés proportionnellement à la valeur du bien ou du droit en cause, si celle-ci est supérieure à un seuil fixé réglementairement.

Les députés ont complété ce dispositif de péréquation, à l'initiative de leurs rapporteurs. Souhaitant assurer la pérennité des petits offices notariaux, qui ne peuvent pas forcément compter sur un nombre suffisant de transactions immobilières, ils ont prévu la création d'un fonds national de péréquation interprofessionnelle , alimenté par un prélèvement sur les tarifs immobiliers précités.

Toutefois, si la rédaction retenue évoque l'idée d'une redistribution nationale des sommes écrêtées, elle ne mentionne, comme finalités, que le financement de l'aide juridictionnelle , de l'accès au droit et des maisons de justice et du droit .

Ceci traduit une confusion entre deux objectifs totalement différents : la péréquation interne aux professions, et le souhait de faire participer toutes les professions du droit au financement de l'aide juridique 111 ( * ) .

Les représentants du conseil supérieur du notariat entendus par votre rapporteur se sont étonnés de cette confusion entre deux logiques étrangères l'une à l'autre et ils ont marqué leur opposition à ce que le fonds de péréquation interprofessionnelle serve un autre objectif que cette péréquation entre offices.

Dans l'intention des auteurs du dispositif, le fonds serait commun à toutes les professions : chacune y abonderait et, dans des conditions non précisées, certaines en recevraient des subventions au profit de leurs professionnels les plus fragilisés. L'Assemblée nationale a repoussé des amendements contraires à cette logique qui visaient à remplacer cette inter-professionnalité par une intra-professionnalité , en organisant cette péréquation profession par profession.

D. Une négociabilité des tarifs à travers un mécanisme de corridor tarifaire ou de remise partielle

Initialement, le présent article tentait d'instaurer une marge de négociation sur les tarifs, en les établissant sous la forme d'une fourchette, avec une valeur minimale et une valeur maximale au plus deux fois supérieure à la première 112 ( * ) . Ce dispositif rompait avec le principe d'unicité de prix, sur l'ensemble du territoire, des émoluments perçus par les officiers publics ou ministériels.

Après l'avoir une première fois réduit en commission spéciale, les députés, à l'initiative de leurs rapporteurs, ont supprimé, avec l'avis favorable du Gouvernement, ce corridor tarifaire . Celui-ci est apparu incompatible avec certaines caractéristiques des fonctions d'officiers publics et ministériels.

En effet, en permettant aux professionnels de proposer des prestations au tarif maximum, il leur ouvrait la possibilité d'évincer, par une hausse du prix, certains clients, ce qui aurait été contraire à leur obligation d'instrumenter. En outre, les émoluments d'un huissier étant parfois acquittés par le débiteur de celui qui demande le recouvrement de sa créance, le professionnel et son client auraient pu s'entendre sur un prix plus élevé, payé par un tiers. Enfin, la possibilité d'imposer des tarifs plus élevés s'accommode mal du monopole territorial dont jouissent certains professionnels, comme les greffiers de tribunal de commerce.

Cette suppression du corridor tarifaire n'a cependant concerné que sa partie haute, puisque l'Assemblée nationale y a substitué une faculté de remise , fortement encadrée, qui doit répondre à trois conditions.

En premier lieu, elle ne peut concerner que les tarifs proportionnels sur des biens ou des droits immobiliers.

En second lieu, elle ne peut porter que sur des tarifs de moyenne gamme, dont le montant est compris entre deux seuils fixés par arrêté conjoint des ministres de la justice et de l'économie.

Enfin, le montant des remises octroyées doit être fixe et compris, lui aussi, dans des limites définies par voie réglementaire.

Votre rapporteur observe que ce dispositif, assez complexe, de remise encadrée est, sur certains points, en retrait par rapport aux règles en vigueur. Ainsi, les notaires peuvent-ils aujourd'hui librement consentir des remises sur leur part d'émoluments supérieurs à 80 000 euros 113 ( * ) , ainsi que sur ceux qu'ils touchent dans le cadre d'une négociation immobilière ou d'une transaction 114 ( * ) .

E. Des dispositions complémentaires ou de coordination

Afin de garantir la transparence des prix et de faciliter la mise en concurrence des professionnels, un nouvel article L. 444-3-1 adopté en commission spéciale à l'Assemblée nationale, à l'initiative des rapporteurs, impose aux professionnels d'afficher les tarifs qu'ils pratiquent dans leur lieu d'exercice et sur leur site internet.

Cette disposition est partiellement redondante avec celle prévue au deuxième paragraphe (II.) du même article, qui soumet les professionnels concernés aux obligations d'information du consommateur et d'affichage du prix, applicables à tout prestataire de service en vertu de l'article L. 113-3 du code de la consommation.

Le troisième paragraphe du présent article (III.) abroge l'article 1 er de la loi précité du 29 mars 1944 sur les tarifs des émoluments alloués aux officiers publics ou ministériels, à compter d'une date fixée par décret, et au plus tard un an après la promulgation de la présente loi. Il s'agit de permettre le basculement de l'ancien système qui repose sur cet article 1 er de la loi du 29 mars 1944 vers le nouveau, en permettant au pouvoir réglementaire de prendre entre temps, les mesures nécessaires.

Outre plusieurs coordinations, destinées à substituer aux règles législatives existantes pour les administrateurs judiciaires, les mandataires judiciaires et les greffiers de tribunaux de commerce celles du nouveau dispositif créé, les dispositions restantes assurent l'application du présent article à Wallis-et-Futuna.

III - La position de votre commission

Votre commission spéciale reconnaît, comme les professionnels eux-mêmes, la nécessité d'une réévaluation régulière des tarifs , ainsi que l'intérêt qui s'attache à ce que la détermination des barèmes soit plus pertinente et plus transparente.

En revanche, elle marque ses réserves vis-à-vis de l'approche exclusivement économique qui inspire certaines des dispositions du présent texte. En effet, une telle approche prend insuffisamment en compte les missions particulières confiées aux professions concernées ainsi que les sujétions qui leur sont imposées. Or, votre commission estime que les missions de service public confiées aux officiers publics et ministériels et à certains auxiliaires de justice, le haut niveau de sécurité juridique qu'ils offrent à nos concitoyens, et le maillage territorial qu'ils assurent, justifient que, sans pour autant les soustraire au jeu d'une concurrence encadrée, leurs prix soient réglementés et qu'ils leur garantissent un juste niveau de rémunération.

Par conséquent, à l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté plusieurs amendements , qui traduisent les trois infléchissements qu'il lui a paru nécessaire de donner au présent texte.

• Tenir compte de la spécificité de l'activité juridique, qui n'est pas une marchandise comme les autres

Votre commission a tout d'abord adopté deux amendements destinés à réaffirmer la spécificité des prestations délivrées par les professions juridiques et judiciaires réglementées.

Le premier retire le dispositif proposé du code de commerce pour l'introduire, directement, au présent article. Tel a d'ailleurs été le choix du Gouvernement s'agissant du dispositif relatif à la liberté d'installation des officiers publics ou ministériels, qui a été intégré directement à l'article 17, puis 13 bis du texte, sans être ni codifié ni rattaché à une autre loi plus spécifique.

En effet, rien ne justifie ce rattachement au code de commerce. Le code du commerce régit les actes des commerçants . Or, l'appartenance à une des professions juridiques et judiciaires concernées est incompatible avec la qualité de commerçant .

Les rapporteurs à l'Assemblée nationale et le Gouvernement ont pris argument du fait que le code de commerce contient d'ores et déjà des dispositions relatives aux tarifs des greffiers de tribunaux de commerce et à ceux des administrateurs et mandataires judiciaires. Toutefois, ceci s'explique par le fait que le code de commerce définit les règles relatives au tribunal de commerce et aux procédures collectives, qui constituent le cadre d'exercice des professionnels concernés. Poussé à son terme, le même raisonnement imposerait de fixer les tarifs des huissiers de justice dans le code de procédure civile et celui des notaires dans le code civil. L'argument ne peut donc être retenu.

Surtout, l'effet symbolique de ce rattachement au code de commerce est de confondre les prestations juridiques offertes par les intéressés, en particulier celles constitutives de prérogatives de puissance publique, avec n'importe quel produit commercial. Votre commission a jugé cette confusion inadéquate.

Le deuxième amendement adopté par votre commission spéciale restitue au seul ministre de la justice la compétence pour arrêter le tarif des professions concernées, en supprimant celle, conjointe, du ministre de l'économie.

En effet, dans la mesure où le garde des sceaux demeure la seule autorité de tutelle de ces professions, rien ne justifie que soit reconnue, s'agissant des tarifs, une compétence résiduelle au ministre de l'économie, à moins que lui soit attribuée une compétence générale pour fixer les prix de toutes les professions réglementées, y compris ceux des professionnels de santé.

Aux yeux de votre commission, l'avis préalable de l'Autorité de la concurrence constitue une mesure suffisante pour apporter un éclairage plus objectif sur la structure des tarifs et leurs perspectives d'évolution, sans qu'il soit besoin d'y adjoindre l'appréciation du ministre de l'économie en plus de celui de la justice.

Enfin, un dernier amendement rappelle la règle selon laquelle, sauf disposition contraire, lorsqu'un professionnel est autorisé à exercer une activité dont la rémunération est fixée par un tarif propre à une catégorie d'auxiliaire de justice ou d'officier public ou ministériel, sa rémunération est arrêtée conformément aux règles dudit tarif. Ainsi, l'activité accessoire de prisée judiciaire des huissiers relève actuellement du tarif des commissaires-priseurs judiciaires, qui exercent cette activité à titre principal. De la même manière, les fonctions remplies par les administrateurs ou mandataires judiciaires donnent lieu à un émolument calculé sur la base du même tarif, lorsque les mêmes prestations sont accomplies par un autre professionnel.

• Garantir à tous les professionnels concernés une juste rémunération

Comme votre rapporteur l'a souligné précédemment, la notion de « rémunération raisonnable » n'est pas si claire que cela, les exemples généralement fournis montrant que, d'un texte à l'autre, sa définition varie. Surtout, ces définitions portent sur la vente de produits, alors qu'il s'agit ici d'une prestation de service.

Le rapport précité de l'Autorité de la concurrence propose de distinguer la rémunération raisonnable des investissements et celle du travail fourni par le professionnel, en évaluant cette dernière par rapport à d'autres professions comparables ou à l'exercice salarié de cette même profession. Votre rapporteur observe toutefois que, par rapport à d'autres professionnels libéraux, les officiers publics ou ministériels sont soumis à certaines sujétions de service public (comme l'obligation d'instrumenter, les restrictions d'installation ou de développement, les obligations d'archivage etc .) ou certaines limitations d'exercice qui doivent être compensées dans la rémunération qui leur est offerte. À cette fin, il a soumis à votre commission un amendement , qu'elle a adopté, précisant que la rémunération raisonnable tient compte de ces sujétions.

Un second amendement adopté par votre commission précise les modalités de consultation, par l'Autorité de la concurrence, des organisations professionnelles concernées, afin qu'elles puissent lui soumettre leurs observations sur la réévaluation des tarifs. Il procède en outre à une simplification de la rédaction retenue pour les articles du code de commerce relatifs à l'avis de l'autorité sur ces questions tarifaires.

• Renforcer le mécanisme de péréquation et éviter sa dénaturation

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a souhaité clarifier et généraliser l'exception de péréquation prévue au nouvel article L. 444-2 du code de commerce.

En effet, elle a tout d'abord observé, avec son rapporteur, que la rédaction retenue est manifestement très influencée par la situation des notaires, puisqu'elle ne retient que la possibilité d'une péréquation sur les tarifs des transactions immobilières. Or, si une telle péréquation est bien à l'oeuvre dans les études notariales, elle ne fonctionne pas à l'identique pour d'autres professions, dont certaines prestations rémunératrices peuvent porter sur des transactions mobilières (comme le recouvrement de créances pour les huissiers ou l'inscription de gage pour les greffiers de tribunaux de commerce).

Votre commission a par conséquent étendu, par amendement , le périmètre des actes rémunérateurs susceptibles de compenser le maintien de la tarification relative à d'autres prestations, à un prix inférieur au prix coûtant.

Votre commission s'est ensuite interrogée sur l'opportunité d'utiliser le fonds de péréquation interprofessionnelle créé par le présent texte au profit du financement de l'aide juridictionnelle et des maisons de justice et du droit.

Votre rapporteur a tout d'abord relevé que ces deux missions relevaient prioritairement de financements publics et qu'il s'agissait ici d'en faire porter le coût sur les professionnels et donc sur leurs clients. En outre, il a rappelé que la question d'une taxe sur la rédaction d'actes juridiques était débattue et qu'elle concernait la totalité des professions du droit, des avocats, non concernés par le présent dispositif, jusqu'aux notaires, en passant par les praticiens occasionnels du droit que sont, par exemple, les experts-comptables.

Pour cette raison, il lui est apparu contestable de soumettre d'ores et déjà certains professionnels à ce prélèvement obligatoire, alors que d'autres en seront dispensés.

Surtout, il a fait valoir qu'une telle disposition dénaturait le mécanisme du fonds interprofessionnel, qui est en principe destiné à assurer une subvention de financement au profit des professionnels contraints d'effectuer un nombre trop important d'actes à perte, grâce au prélèvement effectué sur ceux qui accomplissent un nombre suffisant d'actes très rémunérateurs.

Votre commission a par conséquent adopté son amendement supprimant la référence au financement de l'aide juridique , de l'accès au droit ou des maisons de la justice et du droit.

Le même amendement supprime le caractère interprofessionnel du fonds. En effet, la péréquation mise en oeuvre par le fonds peut se concevoir comme un correctif des insuffisances de la péréquation tarifaire, puisque cette dernière est construite pour un panier de prestations moyen. Or, ce panier ne constitue pas la réalité de l'activité de toutes les études : certaines bénéficieront d'un panier beaucoup plus rémunérateur et d'autres d'un panier bien moins profitable. La péréquation financière compense partiellement cette inégalité de situation. Il y a donc un lien entre péréquation tarifaire et péréquation financière et il est logique que l'une, comme l'autre, soit organisée spécialement au sein de chaque profession. Sinon, ceci revient à faire payer d'autres professionnels (et donc leurs clients) pour les imperfections du système de péréquation tarifaire retenu pour une seule profession.

Enfin, par coordination avec la position défendue par votre commission à l'article 13 bis , votre rapporteur a fait adopter un amendement étendant la compétence du fonds de péréquation interprofessionnelle à l'indemnisation des professionnels ayant subi un préjudice du fait de l'installation d'un nouveau concurrent . Ce dispositif évitera que celui qui crée un nouvel office doive assumer la charge d'indemniser lui-même ses confrères déjà en place, ce qui est anticoncurrentiel et prive d'effet la liberté d'installation reconnue au même article. Grâce au fonds de péréquation, cette indemnisation justifiée des professionnels sera financée par l'ensemble de leurs clients.

• Simplifier et encadrer le mécanisme de la remise tarifaire

Votre commission s'est enfin interrogée sur les conséquences du mécanisme de remise tarifaire adopté par les députés.

Comme votre rapporteur l'a souligné précédemment, il présente la particularité d'être en retrait par rapport à certaines possibilités offertes aujourd'hui aux notaires. En outre, il ne s'applique qu'aux transactions immobilières, laissant ainsi de côté tous les actes portant sur des biens mobiliers, même les plus rémunérateurs.

Surtout, il ne concernerait que des transactions portant sur des biens dont la valeur est comprise entre un seuil plancher et un seuil plafond, c'est-à-dire des transactions de moyenne gamme . Les transactions sur les biens de haut de gamme, les plus rémunératrices, sont ainsi mises à l'abri de toute concurrence par le biais de la remise.

Au contraire, les prestations de moyenne gamme, qui ne sont sans doute pas les plus rémunératrices, pourraient, elles, être soumises à cette remise. Or, il s'agit, bien souvent, de celles qui assureront, dans les petites études, l'équilibre économique de la structure. Paradoxalement, le mécanisme de la remise risque de mettre en péril les unités économiques les plus fragiles et de préserver les plus rentables.

Considérant ce mécanisme dangereux pour le maillage territorial des officiers publics ou ministériels et contraire au principe d'une juste concurrence encadrée, votre commission a adopté l' amendement de son rapporteur y substituant une remise possible, sur les droits proportionnels, immobiliers ou non, pour un émolument supérieur à un seuil fixé par arrêté ministériel.

Votre commission a par ailleurs supprimé la précision ajoutée par les députés selon laquelle le montant de la remise octroyée devrait lui-même être fixe et compris dans des limites fixées par voie réglementaire. En effet cette disposition qui pouvait se justifier lorsque le professionnel était autorisé à pratiquer des prix supérieurs à son tarif, dans le cadre du corridor tarifaire, puisqu'elle l'obligeait alors à imposer ce surcoût, également, à tous ses clients, n'a plus de raison d'être depuis la suppression de ce dispositif. Au contraire, elle limiterait considérablement l'intérêt de la remise.

Un autre amendement de votre commission a prévu de renvoyer à un décret en Conseil d'État, la détermination des autres types de remises qui peuvent être consenties par les intéressés lorsque les prestations auxquelles s'applique leur tarif entrent en concurrence avec d'autres prestations accomplies par des professionnels qui ne sont pas soumis, sur ce point, à un barème tarifaire. Cet amendement évitera que, par exemple, les notaires ne puissent plus consentir de remise en matière de négociation immobilière, alors que d'autres professionnels, avec lesquels ils sont en concurrence, comme les agents immobiliers, peuvent fixer plus librement leur rémunération.

• Coordinations diverses

Votre commission a procédé à quelques corrections d'ordre rédactionnel, notamment pour maintenir la soumission des administrateurs et des mandataires judiciaires à la règle, édictée à l'article L. 663-2 du code de commerce selon laquelle la rémunération perçue sur la base du tarif est exclusive de toute autre rémunération.

Elle a par ailleurs réécrit la disposition transitoire relative au passage du système tarifaire actuel au nouveau système en prévoyant que les tarifs établis sur la base de l'ancien mécanisme demeureraient en vigueur jusqu'à leur modification par les textes pris en application du nouveau tarif.

Votre commission spéciale a adopté cet article ainsi modifié.

Article 13 (art. 1er, 5, 8, 8-1, 10 et 53 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques et art. L. 141-1 du code de la consommation) - Postulation dans le ressort de la cour d'appel - Bureaux secondaires - Fixation des honoraires des avocats et suppression du tarif

Objet : le présent article modifie la réglementation qui régit les avocats sur trois points. Il étend à la cour d'appel le ressort de postulation des avocats, aujourd'hui limité au TGI ; il facilite la création de bureaux secondaires ; il impose l'établissement d'une convention d'honoraire et supprime le tarif de postulation.

I - L'extension à la cour d'appel du ressort de postulation des avocats et ses conséquences sur la création de bureaux secondaires

A. La modification proposée

On distingue généralement deux activités dans la pratique judiciaire des avocats : la plaidoirie, qui consiste à représenter et défendre des parties en justice, et la postulation. Cette dernière correspond au pouvoir de réaliser, au nom du plaideur, les actes de procédure que requiert son action en justice.

Longtemps les deux activités ont été distinguées parce qu'elles correspondaient chacune à une profession : la plaidoirie aux avocats, la postulation aux avoués près les tribunaux de grande instance ainsi qu'à ceux près les cours d'appel. Après la fusion des avocats avec ces deux professions, en 1971 pour les premiers et en 2011 pour les seconds, la distinction ne joue plus que pour déterminer la compétence territoriale des avocats 115 ( * ) .

Le principe, fixé à l'article 5 de la loi du 31 décembre 1971 116 ( * ) , est que les avocats peuvent plaider, sans limitation territoriale, devant toutes les juridictions françaises, alors qu'ils ne peuvent postuler que devant le tribunal de grande instance dans le ressort duquel est établie leur résidence professionnelle, ainsi que devant la cour d'appel dont ce tribunal dépend.

Ainsi, l'avocat d'un plaideur attrait devant une autre juridiction que celle devant laquelle il est autorisé à postuler doit s'adjoindre l'aide d'un avocat du barreau concerné, afin que ce dernier puisse postuler à sa place. Ce recours à un avocat postulant est aux frais du plaideur.

Le présent article vise à élargir le périmètre de compétence de l'avocat à l'ensemble des tribunaux de grande instance de la cour d'appel , afin de simplifier la représentation des justiciables dans le ressort de cette cour et limiter les frais de procédure devant les juridictions concernées. Il modifie, pour ce faire, les articles 5 et 8, relatifs respectivement à la compétence territoriale de postulation des avocats et à celle des associations ou sociétés d'avocats 117 ( * ) . Il supprime par conséquent les dispositions spécifiques relatives à la multipostulation entre les TGI de Bordeaux et Libourne et ceux de Nîmes et d'Alès. En revanche, celles relatives à la multipostulation dans la région parisienne sont conservées, dans la mesure où elles couvrent deux ressorts de cour d'appel (Paris et Versailles).

Initialement, toute l'activité de postulation était concernée. Un amendement des rapporteurs de la commission spéciale de l'Assemblée nationale a toutefois exclu trois séries d'actes de cette extension de compétences de la postulation :

- les procédures de saisie immobilière, de partage et de licitation ;

- les actes accomplis par l'avocat au titre de l'aide juridictionnelle. Cette exception rend compte du fait que les obligations d'aide juridique sont organisées barreau par barreau ;

- les actes accomplis dans des affaires où l'avocat concerné n'est pas celui qui plaide. Il s'agit d'éviter qu'un avocat établi dans le ressort d'un TGI puisse postuler pour le compte d'un confrère d'une autre cour d'appel auprès d'un autre TGI que le sien.

Les rapporteurs thématiques ont fait valoir que ces exceptions étaient inspirées de l'expérience de la multipostulation limitée entre Bordeaux et Libourne, et Nîmes et Alès 118 ( * ) : les barreaux intéressés auraient estimé que c'était grâce à ces exceptions que les barreaux d'Alès et de Nîmes avaient pu se maintenir.

Votre rapporteur observe que ces exceptions ne sont pas récentes : elles s'appliquent, depuis 1971, à la multipostulation organisée dans le ressort des cours d'appel de Paris et de Versailles.

Jugeant souhaitable que le réseau privé virtuel des avocats, aujourd'hui calqué sur les limites actuelles de postulation, soit adapté pour intégrer l'extension proposée par le présent article, les députés ont repoussé d'un an l'entrée en vigueur de la présente disposition, à l'initiative des rapporteurs de leur commission spéciale.

B. La position de votre commission

Le présent dispositif pose une question délicate.

Sans être négligeables, les mérites qu'elle présente n'atteignent pas forcément l'ampleur que leur prête l'étude d'impact.

Certes, il sera plus simple pour le justiciable d'avoir un seul avocat plutôt que deux. Mais, bien souvent, son seul interlocuteur est celui qui le représente, le postulant n'étant en lien qu'avec cet avocat et n'interférant pas dans ses relations avec son client.

En outre, l'économie réalisée est limitée : le postulant est rémunéré sur la base d'un tarif et il est indifférent, de ce point de vue, que la somme soit payée directement à l'avocat chargé de la plaidoirie, parce qu'il sera aussi compétent pour postuler, ou à celui chargé de la postulation. Il est vrai cependant que, de plus en plus souvent, les avocats ne présentent même plus d'état de frais de postulation à leur clients : la rémunération des diligences de postulation est alors soit supprimée soit incluse forfaitairement dans les honoraires de plaidoirie.

Le principal intérêt de cette multipostulation dans le ressort d'une cour d'appel est la concurrence qu'elle favorise entre les différents professionnels, puisque ceux-ci pourraient étendre leur champ d'activité à d'autres tribunaux.

Toutefois, l'extension du ressort de postulation n'est pas sans risque pour la pérennité de certains barreaux . Les représentants du conseil national des barreaux et ceux de la conférence nationale des bâtonniers ont insisté sur ce point lors de leur audition. Ils ont notamment fait valoir que, même si elle constitue une part marginale de l'activité de certains cabinets d'avocats, la postulation pour le compte d'un confrère joue un rôle important pour l'équilibre financier de nombre de structures. En outre, elle leur permet de disposer d'une clientèle institutionnelle essentielle, les grandes entreprises s'efforçant d'avoir un correspondant avocat au sein de chaque barreau.

La représentante de la conférence nationale des premiers présidents de cour d'appel, Mme Dominique Lottin, s'est inquiétée des conséquences, sur le fonctionnement des plus petites juridictions, de la disparition de leur barreau ou de la réduction trop importante de leur effectif.

Le risque d'une dévitalisation de certains territoires doit être pris en considération.

Les enseignements livrés par la Chancellerie au rapporteur général de la commission spéciale de l'Assemblée nationale sur l'expérience de la multipostulation à Bordeaux et Libourne, et Nîmes et Alès, contredisent quelque peu l'appréciation globalement positive évoquée par les rapporteurs de cette même commission à l'appui de leur amendement relatif aux exceptions à l'extension de la multipostulation : « La Chancellerie a également indiqué à la mission que, bien que les dispositifs de multipostulation existants n'englobent pas l'ensemble du ressort d'une cour d'appel, la multipostulation effective dans les ressorts de Bordeaux-Libourne avait conduit à ce qu'environ 30 % des désignations par le bureau d'aide juridictionnelle portent sur des avocats du barreau de Bordeaux et que la vérification des dépens (état de frais de postulation) représenteraient le même pourcentage avec une augmentation marquée sur les derniers mois.

Selon la Chancellerie, le bâtonnier de Libourne aurait indiqué que ses confères avaient perdu depuis la mise en place de la multipostulation 70 à 80 % des dossiers de postulation.

Une note de l'observatoire du CNB du 7 octobre 2014 fait apparaître que dans le classement des dix barreaux dans lesquels les revenus moyens des avocats sont les plus faibles, on retrouve cinq des barreaux situés dans une zone de multipostulation : trois barreaux de la cour d'appel de Paris (Seine Saint-Denis, Val de Marne et Essonne), ainsi que les barreaux de Libourne et d'Alès ».

Certes, on peut espérer que les avocats des plus petits TGI gagnent en compensation des clients d'autres ressorts de tribunaux, mais ceci supposera l'établissement d'un bureau secondaire, avec le risque qu'à terme ils y transfèrent leur résidence professionnelle. Le maintien, à un effectif convenable, des barreaux concernés, dépendra de l'existence, sur place, d'une clientèle locale suffisante. Les données géographiques pourront aussi jouer leur rôle, notamment lorsque l'éloignement entre les juridictions rendra peu probable l'exercice de la profession à cheval entre le cabinet et le bureau secondaire.

Votre commission constate que le succès de la réforme n'est pas acquis et regrette le manque d'évaluations préalables . Attachée à la défense du maillage territorial, elle estime que la preuve doit d'abord être faite qu'il n'y sera pas porté atteinte et que le bénéfice qu'en tireront certains justiciables ne sera pas acquis au détriment d'autres qui verraient leurs avocats s'éloigner du tribunal dont ils dépendent.

Jugeant plus prudent de procéder par étape, elle a adopté l'amendement de son rapporteur donnant une portée expérimentale à la disposition. L'extension de la postulation au ressort de la cour d'appel serait ainsi testée, pendant cinq ans, dans deux ressorts de cour d'appel, afin qu'au terme d'une évaluation rigoureuse il soit décidé de la généraliser ou, au contraire, d'y mettre fin.

Votre rapporteur souligne que le recours à une expérimentation préalable est d'ailleurs au nombre des recommandations formulées par notre collègue députée Cécile Untermaier, dans le rapport de la mission d'information de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur les professions du droit 119 ( * ) .

II - Un assouplissement du régime de création des bureaux secondaires

A. La modification proposée

Le droit en vigueur autorise les avocats à ouvrir des bureaux secondaires dans le ressort du TGI d'un autre barreau que le leur (article 8-1 de la loi précitée du 31 décembre 1971). Toutefois, cette création d'une structure secondaire est soumise au respect de trois conditions :

- en informer son conseil de l'ordre ;

- solliciter l'autorisation du conseil de l'ordre de l'autre barreau. Ce dernier statue dans les trois mois et son défaut de réponse vaut acceptation. Cette autorisation ne peut être refusée que pour des motifs tirés des conditions d'exercice de la profession dans le bureau secondaire ;

- l'avocat doit exercer, au sein de ce bureau secondaire, une activité professionnelle effective sous peine de fermeture sur décision du conseil de l'ordre du barreau dans lequel il est situé.

La réglementation est motivée par le souci d'éviter les adresses de façade, sans activité réelle.

Le projet de loi initial prévoyait d'instituer une totale liberté d'établissement de bureaux secondaires, en substituant à l'autorisation par le conseil de l'ordre du barreau en cause, une simple information de ce barreau. Il s'agissait, notamment, d'accompagner l'extension du champ de la postulation en permettant aux avocats d'ouvrir plus facilement un bureau dans le ressort des TGI auprès ils pourraient nouvellement postuler, ou, pour ceux qui auraient déplacé leur résidence professionnelle et se seraient inscrits à un nouveau barreau, de convertir leur ancien cabinet en bureau secondaire.

Un amendement des rapporteurs thématiques, adopté en commission spéciale, est revenu sur cette suppression de la procédure d'autorisation. Selon eux, la crainte que les conseils de l'ordre puissent opposer, en opportunité, des refus défensifs aux demandes de création d'un bureau secondaire qui leur serait adressées, n'est pas fondée : la jurisprudence rappelle bien que le seul critère sur lequel ils peuvent fonder ce refus est celui des conditions d'exercice de la profession dans le bureau secondaire.

En revanche, cet amendement a réduit de trois à un mois le délai d'instruction de la demande.

Par ailleurs, il a fait obligation aux avocats qui disposent d'un bureau secondaire en dehors du ressort de leur barreau de satisfaire à leurs obligations en matière d'aide judiciaire et de commission d'office dans chacun des TGI où ils sont établis. Le but est de garantir leur présence effective pour accomplir ces missions.

B. La position de votre commission

Votre commission a jugé raisonnable le maintien de l'autorisation d'ouverture d'un bureau secondaire, et acceptable le raccourcissement du délai dans lequel elle doit être prononcée.

En revanche, elle s'est interrogée, avec son rapporteur, sur l'obligation faite à l'avocat de satisfaire aux exigences de l'aide judiciaire dans tous les ressorts où il est implanté. Il lui est apparu que ce dispositif, dont la visée est légitime, puisqu'il s'agit de lutter contre les bureaux secondaires fictifs, faisant office de simples boîtes aux lettres, posait trois difficultés.

En premier lieu, il est contradictoire avec l'exception de postulation prévue aux nouveaux articles 5 et 8, puisque cette dernière interdit, en principe, à un avocat d'un autre barreau de postuler au titre de l'aide judiciaire.

En deuxième lieu, il soumet l'avocat au contrôle de deux bâtonniers différents, pour ce qui concerne sa contribution à l'aide judiciaire.

Enfin, il ne précise pas si l'intéressé voit ses obligations en matière d'aide judiciaire doublées, puisqu'il doit les satisfaire dans deux ressorts différents, ou si elles demeurent inchangées, l'avocat devant seulement les accomplir en deux endroits différents. Dans ce dernier cas, rien n'est dit non plus sur le mécanisme de répartition et la décision commune des bâtonniers concernés.

Par conséquent, elle a adopté l'amendement de son rapporteur supprimant cette disposition.

III - L'obligation d'établissement d'une convention d'honoraires et la suppression du tarif de postulation

A. La modification proposée

Le présent article aménage, à l'article 10 de la loi du 31 décembre précitée, le régime juridique des rémunérations perçues par les avocats.

L'honoraire devient la règle, quelle que soit la nature juridique de l'activité réalisée par l'avocat pour son client : postulation, consultation, assistance, conseil, rédaction d'acte juridique ou plaidoirie.

Ce faisant, il supprime les droits et émoluments de postulation perçus par l'avocat. Cette suppression répond à celle des mêmes droits et émoluments pour l'appel, consécutive à la fusion de la profession d'avocat et d'avoué. Elle entérine l'abandon progressif de cette rémunération par les avocats eux-mêmes, n'établissant plus d'états de frais relatif à cette postulation, lorsqu'ils assurent en plus la plaidoirie de la partie, préférant s'en tenir à leurs honoraires. Surtout, elle rend compte de la désuétude du tarif, qui n'a pas fait l'objet d'une revalorisation depuis un décret du 21 août 1975 120 ( * ) .

À l'initiative de nos collègues députés Colette Capdevielle et Martial Saddier et plusieurs de leurs collègues, la commission spéciale de l'Assemblée nationale a apporté une exception à cette suppression, et maintenu le principe d'un tarif en matière de saisie immobilière et de sûretés judiciaires. Cette exception se justifie par le rôle particulier confié à l'avocat dans ces procédures, sous le contrôle du juge.

Le texte renvoie au décret les modalités de fixation du tarif. Actuellement, pour ces contentieux particuliers, le décret du 2 avril 1960 121 ( * ) renvoie au tarif des notaires.

La seconde modification affectant le cadre juridique de rémunération des avocats est la consécration de la convention d'honoraires. Aujourd'hui, celle-ci est facultative, sauf en matière de procédure de divorce, où elle est obligatoire depuis la loi du 13 décembre 2011 122 ( * ) .

Le présent article impose la conclusion d'une telle convention, sauf urgence ou force majeure ou lorsque la rémunération de l'avocat est totalement prise en charge par l'État au titre de l'aide juridique 123 ( * ) . Cette convention serait écrite et elle préciserait le montant des honoraires ou leur mode de détermination, en couvrant les diligences prévisibles 124 ( * ) ainsi que les divers frais et débours 125 ( * ) envisagés.

Le texte proposé reproduit par ailleurs les dispositions du droit en vigueur sur les critères de fixation des tarifs 126 ( * ) et l'encadrement des honoraires de résultats.

En revanche, il supprime les barèmes indicatifs des honoraires pratiqués par les avocats pour les procédures de divorce, qui devaient être publiés par le ministre de la justice après avis du conseil national des barreaux mais n'ont pu l'être, en raison de l'opposition de ce conseil à ce type de barèmes 127 ( * ) .

Le deuxième paragraphe du présent article soumet le respect par les avocats de l'obligation de convention d'honoraires au contrôle de la DGCCRF prévu au III de l'article L. 141-1 du code de la consommation. Les agents habilités de cette direction pourront utiliser la plupart des prérogatives d'enquête dont ils disposent en vertu des articles L. 450-1 et suivants du code de commerce : accès aux locaux professionnels, communication sur place, ou sur convocation, de tout renseignement ou document, ainsi que, dans le cadre d'enquête conduite par le ministre chargé de l'économie, saisie et perquisition, sous le contrôle du juge des libertés et de la détention. La DGCCRF pourra, en vertu du VII du même article L. 141-1 du code de la consommation, sanctionner les manquements constatés par une injonction administrative, puis une amende administrative, voire en saisir le juge civil (VIII du même article L. 141-1).

Une seule limite à ces pouvoirs d'investigation et de sanction a été apportée, en commission spéciale, à l'initiative des rapporteurs : le nécessaire respect du secret professionnel des avocats.

B. La position de votre commission

Votre commission a considéré que la suppression du tarif de postulation et l'obligation de convention d'honoraires constituaient des progrès. Toutefois, par coordination avec le maintien d'une compétence locale de postulation en matière non seulement de saisie immobilière mais aussi de licitation et de partage, elle a adopté un amendement ajoutant ces deux dernières prestations au nombre de celles qui, par exception, feront l'objet d'un tarif.

La disposition donnant compétence à la DGCCRF sur les conventions d'honoraires des avocats lui est quant à elle apparue présenter certains risques. D'une part, elle s'ajoute à la régulation ordinale, par le bâtonnier, au risque de la contredire. D'autre part, elle risque d'aboutir à une double sanction, disciplinaire et administrative, sans que soit prévue de coordination entre elles.

Surtout, votre commission a considéré, avec son rapporteur, que la seule réserve du secret professionnel, ne garantira pas qu'il n'y soit porté atteinte, dans la mesure où aucune garantie supplémentaire n'est ajoutée. En particulier, la présence du bâtonnier n'est pas prévue lors des perquisitions éventuelles.

En outre, d'un point de vue pratique, il est impossible d'apprécier si les honoraires ont bien été fixés conformément aux règles légales, sans examiner quelles diligences et quels travaux l'avocat a effectués. Or, ces diligences et ces travaux sont justement couverts par le secret professionnel : le contrôle exercé par la DGCCRF n'est pas seulement incompatible avec la régulation ordinale de l'activité d'avocat, il est aussi pratiquement impossible.

Pour ces raisons, votre commission a adopté l'amendement de son rapporteur supprimant cette disposition.

IV - Des dispositions de coordination

Les derniers paragraphes du texte sont consacrés à l'application outre-mer des dispositions modifiées (III.), ainsi qu'à Saint-Pierre-et-Miquelon (III. bis ) 128 ( * ) .

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 13 bis (art. L. 462-10 [nouveau] du code de commerce) - Liberté encadrée d'installation des notaires, des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires

Objet : cet article, qui reprend le contenu de l'article 17 supprimé, instaure une liberté d'installation encadrée au profit des notaires, des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires.

Dressant, dans l'étude d'impact, le constat d'une régression du nombre d'offices depuis trente ans (- 18 % entre 1982 et 2012 pour les offices d'huissiers de justice ; - 11 % pour ceux de notaires entre 1980 et 2012, avec seulement 17 offices créés chaque année en moyenne depuis cinq ans) et d'une divergence, dans certains départements, entre la densité des offices et celle de la population, le Gouvernement a jugé nécessaire, à l'article 17, de mettre en place une liberté encadrée d'installation des officiers publics ou ministériels 129 ( * ) , afin de favoriser l'implantation de nouveaux professionnels.

Les règles aujourd'hui en vigueur en matière de localisation
des offices publics ou ministériels

Nommés par arrêté du ministre de la justice, les officiers publics ou ministériels ne sont pas libres de s'installer où ils le souhaitent, ni de développer leur office au-delà des limites qui leur ont été assignées.

Les procédures de création, de transfert ou de suppression d'offices 130 ( * ) associent, sous l'autorité du ministre de la justice qui arrête la décision, les représentants ordinaux des professionnels concernés et, pour les professions d'huissiers et de notaires, une instance spécialisée, respectivement, la commission de localisation des offices d'huissiers de justice (CLHUJ) et la commission de localisation des offices de notaires (CLON).

Ces deux commissions, créées en 1986, sont chargées d'assister le ministre de la justice dans la gestion prévisionnelle de la localisation des offices, afin d'en adapter la carte à l'évolution géographique, économique et démographique, et garantir ainsi un maillage territorial conforme aux besoins du public.

Ces commissions de huit membres, composées à parité de représentants de la profession et de représentants de la justice ou de l'administration, établissent tout d'abord des prévisions quinquennales sur la localisation et le nombre des offices ou de professionnels, et formulent des recommandations adressées au ministre de la justice, qui les notifie, une fois approuvées, aux organismes professionnels. Ces prévisions sont établies à partir des données statistiques de l'INSEE ou du ministère de la justice, et, surtout, à partir des données fournies par les professions elles-mêmes 131 ( * ) .

Les mêmes commissions donnent un avis sur chaque projet de création, de transfert ou de suppression d'un office, ainsi que sur chaque projet d'ouverture d'un bureau secondaire ou de transformation d'un tel bureau en un office distinct.

Chaque année, le ministre de la justice arrête, au vu des propositions éventuellement formulées par la commission de localisation, la liste des offices qu'il envisage de créer et lance un appel à candidature. Puis il convoque les candidats répondant aux conditions requises à passer un examen. À l'issue de ce dernier, les candidats sont classés par la commission compétente selon la profession 132 ( * ) . Le garde des sceaux désigne le titulaire du nouvel office en suivant en principe l'ordre de classement.

La création de l'office peut donner lieu, six ans après, à une indemnisation versée aux confrères de l'impétrant, qui subissent un préjudice du fait de son installation. En l'absence d'accord amiable, le garde des sceaux fixe le montant et la répartition des indemnités.

Jamais, jusqu'à présent, ce mécanisme d'indemnisation n'a été mis en oeuvre.

Source : commission spéciale du Sénat

I - Une liberté d'installation encadrée

A. Le texte du Gouvernement

Initialement, le Gouvernement a proposé à l'article 17, aujourd'hui supprimé au profit du présent article, de confier aux ministres de l'économie et de la justice la charge d'établir une carte de l'implantation des offices , sur proposition de l'Autorité de la concurrence 133 ( * ) . Ceci signifie que les ministres ne pourraient qu'entériner cette proposition ou la refuser, sans pouvoir la modifier.

Cette carte distinguerait deux types de zones :

- celles où l'implantation est libre, parce que l'implantation actuelle des offices n'apparaît pas suffisante pour assurer une proximité convenable de service. Toutefois, la carte devrait prévoir une « montée en charge » progressive du nombre de zones d'implantation libre, afin de ne pas causer de préjudice anormal aux offices existants ;

- celles où elle serait de nature à porter atteinte à la continuité de l'exploitation des offices existants ou à compromettre la qualité du service rendu. Dans ces zones, le ministre pourrait refuser une demande d'installation, en raison, notamment, des caractéristiques du territoire et du niveau d'activité économique des professionnels concernés. Toutefois, il lui appartiendrait de solliciter auparavant l'avis de l'Autorité de la concurrence et de rendre cet avis public. En outre, à défaut de réponse dans les quatre mois, le silence du ministre vaudrait acceptation.

Votre rapporteur souligne que cette distinction ne rend pas compte de l'ensemble des situations possibles : il est tout à fait envisageable de concevoir des zones où l'implantation actuelle des offices permet d'assurer une proximité de service suffisante et où l'implantation d'un nouvel office, même s'il conduit à une réduction significative du chiffre d'affaires des autres offices, ne serait pas de nature à compromettre gravement leur exploitation ou la qualité de service offert. Aucune règle n'est donc définie pour de telles zones.

En l'absence de candidat dans les zones d'installation libre, le ministre de la justice devrait, après avis de l'Autorité de la concurrence, ouvrir un concours en vue d'une titularisation dans un office nouveau ou de la création d'un bureau annexe par un officier déjà titulaire. En cas d'échec du concours, il devrait confier la fourniture des services d'intérêt général à la chambre départementale des professionnels concernés, aux frais des officiers publics ou ministériels de son ressort.

Enfin, le texte initial du Gouvernement reprenait, en l'adaptant, le dispositif réglementaire 134 ( * ) d'indemnisation, par le créateur de l'office, des confrères auxquels son installation aurait porté préjudice. Ce préjudice aurait été calculé à partir de la dépréciation de la valeur patrimoniale de l'office qui résulte de la perte de chiffre d'affaires causée par la concurrence du nouvel arrivant.

À défaut d'accord, et contrairement au droit actuel, l'indemnisation devrait être fixée par le juge de l'expropriation 135 ( * ) . Un délai de six ans après l'installation du nouvel arrivant serait ouvert aux intéressés pour former leur demande d'indemnisation.

B. Les modifications apportées par les députés

En commission spéciale, à l'initiative de leurs rapporteurs, les députés ont basculé, en les modifiant sensiblement, ces dispositions de l'article 17 au présent article, afin qu'il précède les articles 14, 15 et 16, censés tirer les conséquences de ce nouveau dispositif, profession par profession.

Surtout, au-delà de corrections formelles nécessaires, l'Assemblée nationale y a apporté, en commission spéciale comme en séance publique, plusieurs modifications importantes.

En premier lieu, elle a introduit un second critère pour la délimitation des zones d'implantation libre : il s'agit non seulement de remédier à une faible proximité géographique des services, mais aussi à une offre insuffisante de services . Par ailleurs, elle a imposé que la carte énonce des recommandations sur le rythme d'installation compatible, dans les zones libres, avec une augmentation progressive du nombre de professionnels : il s'agit d'éviter qu'un afflux de demandes mal géré aboutisse à une concurrence effrénée, contraire aux intérêts de tous.

En deuxième lieu, les députés ont distingué dans deux parties différentes, la définition et le régime juridique applicable à la zone d'implantation libre (paragraphe I. et II.) et à celle où l'implantation peut être refusée (paragraphe III.).

En troisième lieu, nos collègues de l'Assemblée nationale ont limité le champ d'application de ce nouveau dispositif aux créations d'office . En effet, le terme « d'installation » employé à l'origine par le Gouvernement pouvait recouvrir aussi celui « d'association dans une structure déjà existante » ou de « reprise d'un office à céder ». Or, il aurait été contraire au principe du droit de présentation comme à la liberté contractuelle des associés, d'imposer aux uns et aux autres, au nom de la liberté d'installation, quelqu'un qu'ils n'auraient pas choisi.

Par ailleurs, nos collègues de l'Assemblée nationale, ont estimé, à juste raison, que le mécanisme de « nomination tacite », faute, pour le ministre de la justice, d'avoir répondu dans les délais, était incompatible avec la qualité et les pouvoirs que cette nomination conférait à l'officier public ou ministériel concerné. Ils l'ont par conséquent supprimé.

Les députés ont aussi souhaité que l'Autorité de la concurrence, avant de rendre son avis sur la carte des implantations d'office puisse recevoir les contributions éventuelles des associations de défense des consommateurs, des instances ordinales des professions, et tous les candidats potentiels. Ils lui ont imposé de rendre public, dans les cinq jours, l'engagement de la procédure d'avis sur la carte.

En outre, ils lui ont fait obligation, lorsqu'elle rend son avis, de formuler des recommandations de nature à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux offices publics ou ministériels.

Enfin, ils ont exclu l'application du présent article aux départements d'Alsace et à la Moselle, dans la mesure où l'installation des officiers publics ou ministériels répond à un autre système que celui en vigueur dans le reste de la France : le droit de présentation n'y existe pas, ce qui fait que les offices sont, sans exception, pourvus par concours. Toutefois les députés ont prévu de demander au Gouvernement un rapport sur l'opportunité d'étendre l'application du présent dispositif à ces départements.

II - La position de votre commission

Votre commission constate que le projet de loi instaure une liberté d'installation encadrée , limitée exclusivement aux zones où la proximité ou l'offre de service sont insuffisantes.

Marquant son accord avec cette ambition raisonnable, elle a toutefois jugé nécessaire, à l'initiative de son rapporteur, de modifier sensiblement le dispositif proposé, selon quatre directions.

• Réaffirmer la compétence du ministre de la justice et clarifier le rôle de l'Autorité de la concurrence

Conformément à son vote à l'article 12, votre commission a supprimé, par amendement , la compétence du ministre de l'économie pour établir, avec le ministre de la justice, la carte des zones carencées en offices publics ou ministériels. En effet, votre rapporteur observe, d'une part, que le ministre de l'économie n'est pas le ministre responsable de la régulation de ces professions et, d'autre part, que l'approche économique est suffisamment représentée par l'Autorité de la concurrence.

Un autre amendement de votre commission remplace le pouvoir de proposition de cette dernière autorité par un avis simple . Ce pouvoir de proposition, qui liait nécessairement la compétence du ministre de la justice, lui est en effet apparu incompatible avec la portée donnée par le présent texte à la définition des zones qui en résulte. La concurrence ou la libre installation ne sont pas les seuls impératifs à prendre en considération lorsqu'il s'agit de décider s'il convient de nommer quelqu'un dans un office public : la sécurité juridique doit pouvoir éventuellement primer et il revient au ministre de la justice d'en décider, suivant les circonstances.

Surtout, votre commission a considéré qu'on ne pouvait séparer responsabilité et décision . S'il revient, ce que nul ne conteste, au ministre de la justice d'être l'autorité de tutelle des officiers publics ou ministériels, son pouvoir d'appréciation ne peut être transféré à une autre autorité, qui lierait sa décision sans en assumer elle-même la responsabilité.

Par ailleurs, un amendement de votre commission a clarifié la procédure selon laquelle l'Autorité de la concurrence livre ses avis sur la liberté d'installation, en réaffirmant le pouvoir de saisine du ministre de la justice ainsi que la possibilité pour l'autorité de présenter elle-même ses recommandations. En revanche, votre commission a supprimé la précision selon laquelle l'autorité devait aussi formuler des recommandations relatives à l'égal accès des femmes et des hommes aux offices publics ou ministériels : une telle appréciation ne relève absolument pas de son champ de compétence et risquerait de faire perdre à ses observations la légitimité que lui gagne son expertise.

Enfin, votre commission a adopté des amendements identiques de nos collègues Philippe Adnot, Vincent Delahaye, Jacqueline Deromedi, Didier Mandelli, Jacques Mézard et Henri Tandonnet tendant à imposer une analyse économique et pas exclusivement démographique de l'évolution prévisible du nombre de professionnels installés, pour délimiter les zones carencées.

• Aménager la procédure de libre installation pour tenir compte des demandes concurrentes

Votre rapporteur observe que le présent article n'évoque pas la situation de concurrence de demandes à laquelle, dans les zones de libre installation, le garde des sceaux pourrait être confronté. Or, comment concilier dans ce cas le principe de libre installation et la régulation de l'offre de service qui peut être compromise si plusieurs offices sont créés au même endroit ?

Votre commission a par conséquent adopté à son initiative un amendement qui prévoit que le ministre de la justice mette les demandeurs en concours, afin de les classer par ordre de mérite, avant de désigner ceux qui pourront créer un office. De la même manière, il est nécessaire de prévoir la situation dans laquelle, compte tenu des créations déjà intervenues, l'offre ou la proximité de services est devenue satisfaisante, avant que la carte ait été révisée. Dans ce cas, votre commission propose de donner au ministre de la justice toute latitude pour refuser les demandes d'installation qui lui seraient encore adressées. Le ministre pourra d'ailleurs être guidé dans son appréciation par les recommandations sur l'augmentation progressive du nombre d'offices à créer.

• Clarifier le régime applicable aux zones intermédiaires

Comme on l'a vu précédemment, le dispositif retenu par le Gouvernement et les députés distingue deux zones et en laisse une troisième dans l'ombre : entre les zones où la proximité ou l'offre de services est insuffisante et celles où la création d'un nouvel office porterait atteinte à l'exploitation des offices existants et compromettrait la qualité du service rendu, il y a celles où l'offre de service est satisfaisante et où un office pourrait être créé, sans forcément compromettre la qualité du service ni porter atteinte à l'exploitation d'autres offices.

Dans le silence du texte, on ne sait pas si le ministre de la justice pourrait, alors, refuser une nouvelle demande de création d'un office.

Une telle lacune du texte pose le question de la conformité de cette disposition à la Constitution, compte tenu de la jurisprudence constitutionnelle sur l'incompétence négative du législateur.

Il est apparu à votre commission raisonnable de combler cette lacune et de conserver, dans ce cas-là, au ministre un réel pouvoir d'appréciation. En effet, l'installation d'un concurrent créera un préjudice pour les offices déjà en place qu'il conviendra de réparer. En outre, dans un secteur déjà correctement pourvu, il est légitime que le ministre influe sur les choix de localisation de l'intéressé, dans la mesure où cette zone intermédiaire n'est pas aussi correctement définie que les zones carencées.

D'ailleurs, le ministre pourrait être utilement guidé dans son appréciation par l'avis préalable de l'Autorité de la concurrence.

Ainsi, votre commission a estimé qu'il n'y avait pas lieu de traiter différemment ce troisième type de zone du second, et elle a adopté un amendement les soumettant au même régime d'autorisation décidée par le ministre de la justice.

• Renforcer le dispositif indemnitaire

Votre commission a adopté deux amendements sur cette question.

Conformément à son vote sur l'article 12, votre commission a prévu la prise en charge totale, par le fonds de péréquation professionnelle, de l'indemnisation que le nouvel officier public ou ministériel doit à ses concurrents que la création de son office a lésés. Cette mesure permettra que la profession, dans son ensemble, participe à l'installation de nouveaux professionnels.

Par ailleurs, votre commission a remplacé le renvoi, en cas de désaccord sur l'indemnisation, au juge de l'expropriation par un renvoi au tribunal de grande instance, juge de droit commun. Il s'agit en effet d'un contentieux indemnitaire entre personnes privées, qui porte sur un préjudice financier en raison de la captation d'une part de chiffre d'affaires. Le juge de l'expropriation ne paraît pas le plus adapté, lui qui connaît traditionnellement d'affaires qui opposent la puissance publique aux particuliers et qui portent avant tout sur une privation de propriété.

• Coordinations et dispositions diverses

Outre plusieurs amendements rédactionnels, votre commission a différé l'entrée en vigueur du présent article afin de la coordonner avec celle des articles 14 à 16 qui déclinent chacun, dans le texte propre à chacune des professions, les principes établis au présent article.

Par ailleurs, conformément à la position qu'elle a adoptée sur les demandes de rapport adressées au Gouvernement, elle a supprimé celle relative à l'examen de l'opportunité de l'extension en Alsace et en Moselle du dispositif proposé.

Votre commission spéciale a adopté cet article ainsi modifié.

Article 14 (art. 2, 4, 10, 52 et 68 de la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat) - Application aux notaires du principe de liberté encadrée d'installation - Limite d'âge pour l'exercice de cette profession - Suppression de la possibilité d'habilitation des clercs

Objet : cet article, d'une part, applique aux notaires les principes de liberté encadrée d'installation établis à l'article précédent, d'autre part, instaure une limite d'âge de soixante-dix ans pour l'exercice de cette profession. Enfin, il supprime le dispositif d'habilitation des clercs qui permet au notaire d'autoriser ceux-ci à procéder à la lecture des actes et à recueillir la signature des parties.

I - Les modifications proposées

A. L'application aux notaires du principe de liberté encadrée d'installation

Dans le projet de loi initial, le présent article posait, à l'article 4 de la loi du 25 ventôse an XI 136 ( * ) , le principe selon lequel le ministre de la justice devait obligatoirement faire droit aux demandes d'installation d'une personne répondant aux conditions de nationalité, d'aptitude, d'honorabilité, d'expérience et d'assurance requises. Le même article rappelait, par renvoi au dispositif de l'article 17, d'une part, les conditions dans lesquelles un appel à candidature doit être organisé dans les zones carencées, et, d'autre part, celles dans lesquelles la nomination peut être refusée dans les autres zones.

Les votes intervenus à l'Assemblée nationale ont rendu cette disposition, qui a été adaptée en conséquence, redondante avec celles de l'article 13 bis. La règle selon laquelle il est fait droit aux demandes d'installation dans une zone carencée, d'une personne répondant aux exigences requises, est donc énoncée deux fois : une fois à l'article 13 bis , pour les notaires, les commissaires-priseurs judiciaires et les huissiers de justice et une fois, pour chaque profession, dans un article particulier de leurs textes constitutifs.

Votre rapporteur souligne que la rédaction retenue pour cet article 4 supprime l'obligation de résidence à laquelle les notaires étaient jusqu'à présent tenus.

La nouvelle rédaction de l'article 4 entrerait en vigueur un an après la promulgation de la loi.

B. L'instauration d'une limite d'âge pour l'exercice de la profession de notaire

Aux termes de l'article 2 de la loi précitée du 25 ventôse an XI, les notaires sont nommés « à vie ». Ils peuvent toutefois prendre leur retraite et être autorisés, par le ministre de la justice, à cesser leur activité.

S'inspirant du dispositif de droit local en vigueur en Alsace et en Moselle, les rapporteurs thématiques ont proposé à la commission spéciale de l'Assemblée nationale d'introduire une limite d'âge de soixante-dix ans pour l'exercice des fonctions de notaire.

Afin d'éviter une vacance d'office, les titulaires qui auraient dépassé cet âge pourraient être autorisés à continuer d'exercer leurs fonctions, jusqu'au jour où leur successeur prêtera serment, pour une durée qui ne pourra excéder six mois.

On compte aujourd'hui 131 notaires âgés de plus de 70 ans, ce qui représente 1,40 % du nombre total de notaires, et 1 624 notaires âgés de plus de 60 ans et de moins de 70 ans, ce qui représente 17,4 % de l'effectif de la profession. Les auteurs de cet amendement ont estimé qu'il fallait, « dans un souci d'équité générationnelle », faciliter l'entrée de jeunes professionnels.

Les députés ont aussi étendu aux notaires d'Alsace et de Moselle la limite à six mois, de la durée d'exercice des fonctions dans l'attente de la prestation de serment du successeur.

Le présent dispositif entrerait en vigueur un an après la promulgation de la loi.

C. Suppression de la possibilité d'habilitation des clercs

À l'initiative de ses rapporteurs thématiques, la commission spéciale a proposé de mettre fin à la possibilité donnée aux notaires par l'article 10 de la loi précitée du 25 ventôse an XI, d'« habiliter un ou plusieurs clercs assermentés à l'effet de donner lecture des actes et des lois et recueillir les signatures des parties ».

En principe seul un notaire peut accomplir les formalités propres aux actes authentiques, comme la lecture aux parties ou le recueil de leur consentement ou de leur signature. L'habilitation permet au notaire titulaire de l'office de confier ce soin à un clerc assermenté, à charge pour lui ensuite d'apposer sa signature, qui conférera alors à l'acte un caractère authentique, comme s'il avait procédé lui-même depuis le début.

Ce dispositif permet ainsi à un même notaire d'augmenter sensiblement le nombre d'actes authentiques qu'il peut émettre, en le déchargeant de l'accomplissement de certaines formalités chronophages 137 ( * ) .

Reprenant les analyses déjà formulées par la mission d'information de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur les professions juridiques réglementées 138 ( * ) , ainsi que par le rapport précité de l'Autorité de la concurrence 139 ( * ) , les rapporteurs de la commission spéciale ont estimé qu'un tel dispositif était un frein à l'accès de jeunes professionnels au notariat salarié, puisque le titulaire de l'office pouvait habiliter autant de clercs qu'il le souhaitait et éviter ainsi de recruter des notaires salariés pour accomplir les actes qu'il n'a pas le temps d'accomplir lui-même.

Sa suppression est donc motivée par le souci de faciliter l'accès au salariat des notaires stagiaires, en créant un appel d'air au sein des offices, en forçant les titulaires de l'office à recruter des professionnels salariés afin de maintenir le même niveau d'activité que leur permettait d'atteindre le mécanisme des clercs habilités.

Le texte prévoit une période transitoire de six mois, pour permettre aux clercs habilités, qui souvent disposent, en tant que notaires stagiaires, des diplômes et de l'expérience requis pour être nommés notaires, de préparer leur intégration dans la profession.

La suppression de l'habilitation entrerait en vigueur un an après la promulgation de la loi, afin de laisser le temps aux intéressés de préparer leur reconversion.

D. Coordinations outre-mer

Enfin, le présent article procède à une correction nécessaire de l'article 68 de la loi du 25 ventôse an XI, relatif à l'applicabilité de la loi à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Mayotte étant devenue un département français cette mention n'est plus nécessaire, pas plus que pour Saint-Pierre-et-Miquelon. Seule la mention de la spécificité de l'organisation juridictionnelle de cette dernière collectivité doit être conservée, puisqu'un tribunal de première instance y tient lieu de tribunal d'instance et de tribunal de grande instance.

II - La position de votre commission

Votre commission a adopté plusieurs amendements de son rapporteur.

Tirant les conséquences de son vote à l'article 13 bis , votre commission a tout d'abord rectifié la rédaction proposée pour l'article 4 de la loi du 25 ventôse an XI, afin, d'une part, de rappeler la compétence du ministre de la justice pour nommer les notaires et arrêter les créations, les transferts ou les suppressions d'office, et, d'autre part, de préciser, par renvoi au dispositif de l'article 13 bis du présent texte, les conditions dans lesquelles il fait droit ou refuse la création d'un nouvel office.

Ce renvoi évite l'effet de redondance qu'entraînait la répétition à l'article 4 précité de la rédaction retenue à l'article 13 bis du présent projet de loi.

Votre commission a jugé l'instauration d'une limite d'âge pour l'exercice des fonctions de notaire opportune. Toutefois, elle a supprimé , en raison des inconvénients qu'elle présente, la limitation à six mois de la durée pendant laquelle le notaire de plus de soixante-dix ans peut rester en fonction dans l'attente de la prestation de serment de son successeur. En effet, l'application stricte de cette règle, dans des zones où le ministre de la justice peinerait à susciter des vocations, pourrait conduire à la vacance de l'office, alors même que le titulaire serait d'accord pour continuer d'exercer ses fonctions. En outre, le ministre de la justice dispose de toutes les prérogatives nécessaires pour surmonter l'inertie d'un notaire qui refuserait de passer le flambeau à son successeur.

S'agissant de l'habilitation de certains clercs, votre rapporteur note que ce dispositif entre en concurrence avec l'exercice salarié de la profession notariale. Poser la question de sa suppression est donc légitime.

Il observe toutefois qu'on ne peut exclure que cette suppression prive certains clercs, qui ne souhaitent pas, ou ne peuvent pas prétendre à devenir notaire, d'une part importante de leur activité.

En outre, dans les premiers temps, la réforme tarifaire risque de placer les offices dans une situation d'incertitude sur l'évolution de leur rémunération. Une telle situation n'est manifestement pas favorable à l'investissement ni au recrutement de nouveaux salariés ou d'associés.

On ne peut exclure que ce contexte contrecarre l'effet d'appel d'air que la suppression de l'habilitation tente de susciter en forçant les notaires à recruter des notaires salariés afin de maintenir le même niveau d'activité que précédemment.

Votre commission spéciale a jugé préférable d'étaler dans le temps les effets de cette réforme, afin d'éviter qu'elle manque son but, faute d'avoir pris le temps nécessaire pour l'atteindre correctement. À l'initiative de son rapporteur elle a donc adopté un amendement rendant immédiate la suppression de la faculté d'habilitation mais conservant, pour cinq ans, les effets des habilitations conclues avant le 1 er janvier de cette année.

Ce délai de cinq ans devrait être suffisant aux titulaires d'offices pour faire des choix d'investissement ou de recrutement conformes aux nouvelles conditions de la rentabilité de leurs structures. Il devrait aussi permettre aux clercs qui n'auraient pas encore le diplôme de notaire de préparer les conditions de leur recrutement en qualité de notaire salarié ou leur installation.

Votre commission spéciale a adopté cet article ainsi modifié.

Article 15 (art. 3, 4 et 4 bis de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers) - Application aux huissiers du principe de liberté encadrée d'installation - Extension du ressort de compétence des huissiers - Limite d'âge pour l'exercice de cette profession

Objet : cet article, comme le précédent pour les notaires, applique aux huissiers de justice le principe de liberté encadrée d'installation et instaure une limite d'âge pour l'exercice de cette profession. Il procède aussi à une extension de leur ressort de compétence.

I - Les modifications proposées

• Application aux huissiers de justice du principe de liberté encadrée d'installation

Le présent article réalise la même modification que le précédent pour les notaires en rappelant, dans un nouveau chapitre I er bis de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers les nouvelles règles applicables en matière de libre installation et de nomination des huissiers de justice.

• Limite d'âge pour l'exercice de la profession d'huissier de justice

À l'initiative de leurs rapporteurs, les députés ont transposé aux huissiers de justice, comme ils l'ont fait pour les notaires à l'article 14, la limite d'âge de soixante-dix ans, pour l'exercice de la profession, qui s'applique en Alsace et en Moselle.

Ils ont aussi limité à six mois la durée pendant laquelle le professionnel concerné peut continuer d'exercer dans l'attente de la prestation de serment de son successeur.

• Extension du ressort de compétence des huissiers de justice

Le ressort de compétence territoriale des huissiers a progressivement augmenté depuis moins de dix ans 140 ( * ) . Initialement confiné au ressort du tribunal d'instance près duquel ils étaient établis, il a été une première fois étendu au tribunal de grande instance en 2009 141 ( * ) , puis, il y a quelques mois à peine, à celui du département où ils ont leur résidence 142 ( * ) .

Ce ressort de compétence concerne à la fois les activités du monopole des huissiers que sont les significations (premier alinéa de l'article 1 er de l'ordonnance précitée du 2 novembre 1945) 143 ( * ) , le recouvrement judiciaire des créances, les constats qu'ils peuvent dresser et les mesures conservatoires après l'ouverture d'une succession, ainsi que des activités hors monopole, comme le recouvrement amiable des créances ou les ventes volontaires ou judiciaires de meubles (deuxième alinéa de l'article 2 de ladite ordonnance).

S'agissant de leur service d'audience, celui-ci s'effectue au sein de la cour ou du tribunal auprès duquel ils sont établis.

Enfin, aucun ressort n'est mentionné pour les autres activités qu'ils accomplissent à titre accessoire, comme l'administration d'immeubles.

Le projet de loi vise à étendre une nouvelle fois le ressort de compétence des huissiers de justice. Le but est de permettre à certaines structures de se développer en allant conquérir des marchés situés en dehors de leur ressort actuel, soit sur des concurrents, soit dans des endroits aujourd'hui délaissés.

Pour ce faire, le présent article élève au niveau législatif les règles de compétence territoriale des huissiers de justice. Le nouveau dispositif mis en place à l'article 3 de l'ordonnance précitée du 2 novembre 1945 distingue deux cas.

Le premier est celui du monopole de signification d'actes et de décisions de justice. Le ressort est étendu du département à la cour d'appel.

Le second est celui des autres activités en monopole ou hors monopole , y compris les activités pratiquées à titre accessoire. Le ressort serait alors national.

Conscient que le changement d'échelle proposé, qui survient quelques mois à peine après un précédent changement, nécessitait de donner plus de temps à la réforme, les rapporteurs thématiques ont proposé de repousser d'un an après la promulgation du présent texte, l'entrée en vigueur des règles de compétence territoriale.

La nouvelle rédaction retenue pour l'article 3 renvoie par ailleurs à un décret en Conseil d'État la définition des conditions d'aptitude à la fonction d'huissier, du ressort territorial de leur obligation de prêter leur ministère ou leur concours 144 ( * ) , des règles applicables à leur résidence professionnelle, des modalités suivant lesquelles ils peuvent être admis à constituer des groupements ou des associations, et, enfin, de leurs obligations professionnelles.

En séance publique les députés ont précisé, à l'initiative de leur commission spéciale, que ce décret devrait notamment fixer les conditions de reconnaissance de l'expérience professionnelle des clercs salariés pour l'accès à la profession d'huissiers. En effet, les rapporteurs thématiques ont fait valoir que cette profession était la seule qui ne prévoyait pas une telle voie d'accès à la profession.

II - La position de votre commission

Par cohérence avec les positions qu'elle a retenues à l'article 14 pour les notaires votre commission a adopté deux amendements tendant, pour le premier à procéder à une réécriture de la disposition relative au pouvoir de nomination du garde des sceaux afin d'éviter les redondances avec l'article 13 bis , et, pour le second, à supprimer la limitation à six mois de la durée pendant laquelle un officier public ou ministériel peut continuer d'exercer, passé soixante-dix ans, dans l'attente de la prestation de serment de son successeur.

Votre rapporteur s'est interrogé sur la pertinence de la nouvelle extension de ressort de compétence retenue pour les huissiers de justice : en modifier aussi considérablement le tracé, six mois à peine après une première réforme, n'est pas forcément de bonne méthode. Certains professionnels ont pu investir, afin d'ouvrir des bureaux secondaires et leurs projets pourraient être remis en cause.

Toutefois, il observe que, lors de leur audition, les représentants de la chambre nationale des huissiers de justice n'ont pas contesté le principe de cette réforme, mais qu'ils ont seulement émis le voeu qu'elle soit différée jusqu'au 1 er janvier 2017, afin de permettre à chacun de s'y préparer. Votre commission a adopté un amendement en ce sens.

Votre commission spéciale a adopté cet article ainsi modifié.

Article 16 (art. 1er-1, 1er-1-1 et 1er-1-2 [nouveaux], 1er-2, 1er-3, 2 et 12 de l'ordonnance du 26 juin 1816 qui établit, en exécution de la loi du 28 avril 1816, des commissaires-priseurs judiciaires dans les villes chefs-lieux d'arrondissement, ou qui sont le siège d'un tribunal de grande instance, et dans celles qui, n'ayant ni sous-préfecture ni tribunal, renferment une population de cinq mille âmes et au-dessus, art. 56 de la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000 portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques)
Application aux commissaires-priseurs judiciaires du principe de liberté encadrée d'installation - Autorisation d'installation des bureaux secondaires - Limite d'âge pour l'exercice de cette profession

Objet : Comme les précédents, le présent amendement tire les conséquences, pour les commissaires-priseurs judiciaires de l'instauration d'une liberté d'installation encadrée et il les soumet par ailleurs à une limite d'âge pour l'exercice de la profession. Il prévoit par ailleurs de faciliter l'ouverture de bureaux secondaires.

I - Les modifications proposées

• Application aux commissaires-priseurs judiciaires du principe de liberté encadrée d'installation

Comme les deux précédents, le présent article intègre, dans un nouvel article 1 er -1-1 de l'ordonnance statutaire des commissaires-priseurs judiciaires 145 ( * ) , le dispositif de libre installation encadrée prévu à l'article 13 bis du projet de loi.

Il maintient les précisions relatives à la création, au transfert ou à la suppression d'un office, fixées à l'article 1 er -1 de l'ordonnance du 26 juin 1816, en supprimant toutefois l'alinéa qui prévoit que la création intervient après avis de la chambre nationale et de la chambre de discipline du ressort où est prévue cette création. Il supprime aussi la limitation, dans le périmètre du département, des transferts d'office.

Alors que le projet initial ouvrait la possibilité à un même titulaire de détenir plusieurs offices, des amendements des rapporteurs thématiques et de plusieurs autres députés sont intervenus pour conserver le dispositif en vigueur depuis 2005, qui limite cette faculté à deux offices pour un même titulaire. Nos collègues députés ont en effet estimé que si cette disposition vise à mieux répondre au problème des déserts juridiques, aller plus loin risquerait de conduire à des positions dominantes de certains professionnels.

• Limite d'âge pour l'exercice de la profession

De la même façon qu'aux articles précédents, l'Assemblée nationale a choisi d'instaurer, à l'initiative de ses rapporteurs, une limite d'âge pour l'exercice de la profession de commissaire-priseur judiciaire, fixée, comme en Alsace et en Moselle, à soixante-dix ans.

• Autorisation d'installation de bureaux secondaires

Le projet de loi initial prévoyait, comme à l'article 13 pour les avocats, de substituer au régime d'autorisation d'ouverture d'un bureau secondaire, prévu à l'article 12 de l'ordonnance du 26 juin 1816, un régime déclaratif, qui aurait permis aux intéressés d'installer un nouveau bureau n'importe où sur le territoire, après en avoir seulement informé les procureurs généraux de la cour d'appel où leurs offices sont situés et de celle où leurs bureaux doivent être établis.

En séance publique, nos collègues députés ont adopté un amendement de leurs rapporteurs revenant au principe de l'autorisation d'ouverture. Ils ont craint, en effet, que cette disposition profite avant tout aux professionnels les mieux établis et favorise la constitution de très puissants offices. Le dispositif qu'ils ont retenu s'articule toutefois avec celui de l'article 13 bis , puisqu'il prévoit que, lorsque dans les zones carencées le ministre de la justice aura, faute de candidats à l'installation, lancé un appel à manifestation d'intérêt, cet appel vaudra autorisation d'ouvrir un bureau annexe.

• Coordinations diverses

Le présent article adapte le texte de l'ordonnance de 1816, pour tenir compte du fait, à l'article 3 de cette ordonnance, que Mayotte est devenue un département français et que la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon relève du droit commun en la matière.

Le deuxième paragraphe du présent article repousse d'un an l'entrée en vigueur du dispositif de libre installation encadrée ainsi que celui relatif à l'instauration d'une limite d'âge. Le troisième, introduit à l'initiative des rapporteurs thématiques, met en oeuvre une coordination rendue nécessaire par la suppression, à l'article 2 de l'ordonnance du 26 juin 1816, du dispositif d'indemnisation des offices lésés par l'installation d'un nouveau concurrent, et son remplacement par celui de l'article 13 bis du présent projet de loi.

II - La position de votre commission

Votre commission a adopté les deux mêmes amendements qu'aux articles précédents, consistant, pour le premier à procéder à une réécriture de la disposition relative au pouvoir de nomination du garde des sceaux afin d'éviter les redondances avec l'article 13 bis , et, pour le second, à supprimer la limitation de la durée pendant laquelle l'officier de plus de soixante-dix ans peut continuer à exercer dans l'attente de la prestation de serment de son successeur.

Elle a par ailleurs remplacé, à l'initiative de son rapporteur, la facilité d'installation d'un bureau secondaire dans les zones carencées par un mécanisme d'autorisation implicite, au terme d'un délai de deux mois, valable même en dehors de ces zones.

En effet, votre rapporteur a observé que le dispositif retenu par l'Assemblée nationale posait un problème, puisqu'il pouvait conduire à ce que, lors de l'appel à manifestation d'intérêt, plusieurs professionnels décident de s'implanter sans que le procureur général, compétent en principe pour décider de cette installation, puisse s'y opposer puisque l'autorisation sera réputée avoir été donnée. En outre, on ne peut exclure que l'ouverture de nouveaux bureaux annexes dissuade des commissaires-priseurs d'y installer un office, ce qui irait contre l'objectif recherché.

Il est préférable de privilégier un mécanisme d'autorisation implicite , en l'absence de réponse, semblable à celui prévu pour les avocats 146 ( * ) . Votre commission a retenu un délai de deux mois , double de celui applicable aux avocats, parce que le procureur général doit solliciter l'avis des chambres de discipline dans le ressort desquelles sont situés l'office et le bureau annexe. Il est donc nécessaire d'en tenir compte dans la fixation du délai. L'amendement adopté par votre commission prévoit d'ailleurs qu'à défaut d'avis rendu dans le mois, cet avis des chambres de discipline est réputé favorable.

Votre commission spéciale a adopté cet article ainsi modifié.

Article 16 bis (art. L. 741-1 du code de commerce) - Limite d'âge pour l'exercice de la profession de greffier de tribunal de commerce

Objet : le présent article vise à soumettre les greffiers de tribunaux de commerce, comme les autres professions, aux articles 14 à 16, à la même limite d'âge de soixante-dix ans pour l'exercice de leur activité.

Adopté par les députés en commission spéciale, à l'initiative de leurs rapporteurs thématiques, le présent article vise à encourager le renouvellement des titulaires de greffe de tribunal de commerce. Les auteurs de l'amendement ont en effet souligné que 13 greffiers de tribunaux de commerce étaient âgés de plus de 70 ans, ce qui représentait 5,5 % de l'effectif de la profession.

Comme aux articles précédents, votre commission a supprimé par amendement la limitation de la durée pendant laquelle le greffier de plus de soixante-dix ans pouvait continuer d'exercer sa profession dans l'attente de la prestation de serment de son successeur.

Votre commission spéciale a adopté cet article 16 bis ainsi modifié.

Article 17 (suppression maintenue) - Liberté encadrée d'installation des notaires, huissiers de justice et commissaires-priseurs judiciaires

Objet : le projet de loi initial comportait, à l'origine, dans un article spécifique, les dispositions relatives à la liberté encadrée d'installation de certains officiers publics ou ministériels.

Ces dispositions ont été transférées par les députés à l'article 13 bis , afin qu'elles précèdent leur déclinaison, aux articles 14 à 16, pour les trois professions considérées. L'article a par conséquent été supprimé.

Votre commission spéciale a maintenu la suppression de l'article 17.

Article 17 bis (art. L. 462-11 [nouveau] du code de commerce, art. 3 de l'ordonnance du 10 septembre 1817 qui réunit, sous la dénomination d'ordre des avocats au Conseil État et à la Cour de cassation, l'ordre des avocats aux conseils et le collège des avocats à la Cour de cassation, fixe irrévocablement, le nombre des titulaires, et contient des dispositions pour la discipline intérieure de l'ordre, art. 18 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles) - Liberté encadrée d'installation des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation - Restriction de l'accès à la profession aux seuls titulaires de l'examen d'aptitude

Objet : le présent article, issu d'un amendement des rapporteurs thématiques, adopté en commission spéciale à l'Assemblée nationale, tend à appliquer, aux avocats aux conseils, le dispositif de liberté encadrée organisé par le présent projet de loi

La profession d'avocat aux conseils

Comparée aux autres officiers publics ou ministériels, la profession d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation (dite, aussi, « avocat aux conseils »), qui dispose du monopole de représentation devant les deux plus hautes juridictions de notre pays, présente plusieurs particularités.

En premier lieu, les avocats aux conseils sont officiers ministériels, nommés par le garde des sceaux, mais ils ne sont pas officiers publics : ils ne peuvent établir d'actes authentiques. Les prestations qu'ils proposent sont comparables à celle des avocats à la cour, seule change la juridiction auprès de laquelle ils plaident.

En deuxième lieu, ils ne sont pas soumis à un tarif et, comme les avocats, relèvent du régime de l'honoraire libre, sauf lorsqu'ils interviennent au titre de l'aide juridictionnelle.

Enfin, ils ne peuvent s'établir qu'à Paris. Le nombre d'offices - soixante - est stable depuis 1817, même si un décret du 23 avril 2009 a supprimé tout numerus clausus en reconnaissant au garde des sceaux la possibilité de créer de nouveaux offices.

Source : commission spéciale du Sénat

I - Les modifications proposées

Le projet de loi d'origine ne contenait aucune disposition relative aux avocats aux conseils.

Toutefois, dans son rapport d'information sur les professions du droit, notre collègue députée, Cécile Untermaier avait estimé, tout en saluant la qualité et la compétence de ces professionnels, que leur statut ne se justifiait plus, dans la mesure où les avocats aux conseils ne joueraient plus le rôle de filtre des recours en cassation qui est censé être le leur. Elle avait notamment fait valoir que le nombre d'affaires nouvelles portées devant la Cour de cassation était passé de 26 595 en 2005 à 30 165 en 2012, soit une progression de 13 % 147 ( * ) .

Elle avait par conséquent recommandé de supprimer leur charge d'officier ministériel, de les indemniser de la perte de leur droit de présentation, de maintenir un barreau spécialisé et d'organiser un concours permettant d'augmenter très sensiblement le nombre de professionnels.

L'amendement qu'elle a déposé en commission spéciale avec les autres rapporteurs, dont est issu le présent article, ne reprend pas cette recommandation. Toutefois, il est inspiré par la même analyse : évoquant une « augmentation exponentielle du nombre des pourvois », il dénonce le « malthusianisme » de la profession, qui serait visible dans le fait que depuis l'ouverture en 2013 de la possibilité de porter de trois à quatre le nombre d'associés, un seul office y ait recouru.

Le dispositif adopté reprend le schéma général de l'article 13 bis en l'adaptant aux spécificités de la profession d'avocats aux conseils :

- l'Autorité de la concurrence siégeant dans un collège élargi 148 ( * ) rendrait un avis, rendu public tous les deux ans, sur le rythme d'augmentation souhaitable du nombre d'offices 149 ( * ) ;

- cet avis lierait la compétence du garde des sceaux pour réguler la création d'offices ministériels, puisque ce dernier ne pourrait refuser une demande d'installation conforme aux recommandations formulées par l'Autorité de la concurrence, dès lors que l'intéressé présenterait les qualités requises ;

- en l'absence de demande exprimée dans les six mois à compter de la publication de l'avis, un appel à manifestation d'intérêt serait lancé par le ministre de la justice ;

- le nouvel entrant devrait une indemnisation aux confrères auxquels son installation porterait préjudice. En l'absence d'accord, le juge de l'expropriation en fixerait le montant et la répartition.

La procédure proposée présente deux spécificités par rapport à celle de l'article 13 bis .

La première tient à ce que la totalité des offices est située à Paris . Il n'y a donc pas, à proprement parler, de zones carencées ni de zones suffisamment pourvues. Le principe est alors uniquement celui de la liberté d'installation dans les limites définies par l'Autorité de la concurrence.

La seconde spécificité concerne les critères retenus pour apprécier l'opportunité de créer de nouveaux offices : il s'agit de prendre en considération les exigences d'une bonne administration de la justice ainsi que de l'évolution du contentieux devant les hautes juridictions. Votre rapporteur souligne que la rédaction retenue supprime l'obligation faite au ministre de la justice de solliciter préalablement à la création d'un office, l'avis des chefs des hautes juridictions comme celui du conseil de l'Ordre des avocats aux conseils.

Le troisième paragraphe du présent article précise que seuls peuvent accéder à la profession d'avocat aux conseils ceux qui ont suivi la formation et subi l'examen d'aptitude prévus par décret. Ce faisant la rédaction retenue supprime la faculté aujourd'hui ouverte aux professeurs d'université en droit, aux membres du Conseil d'État, à ceux de la Cour de cassation et à ceux de la Cour des comptes, d'accéder à la profession d'avocat aux conseils, en étant dispensés de la formation comme de l'examen d'aptitude.

Enfin, un dernier paragraphe introduit à l'initiative de la commission spéciale, en séance publique, et présenté comme une simple coordination, étend aux avocats aux conseils la procédure de l'article 11 de la loi précitée n° 90-1258 du 31 décembre 1990, qui permet, en cas de mésentente entre les associés, d'autoriser l'officier public ou ministériel qui se retire de l'office, à solliciter la création d'un nouvel office à son profit.

Votre rapporteur observe qu'une application insuffisamment régulée de ce dispositif permettrait, le cas échéant, une multiplication des offices d'avocats aux conseils.

II - La position de votre commission

Votre rapporteur observe que l'analyse sur laquelle repose le présent article ne peut être accueillie sans réserve.

Certes, comme l'a d'ailleurs reconnu lors de son audition Hélène Farge, présidente du conseil de l'ordre des avocats aux conseils, ces derniers n'ont pas encore suffisamment utilisé les possibilités qui leur ont été ouvertes pour intégrer de nouveaux associés ou salariés 150 ( * ) . Les progrès accomplis sont encore trop timides.

Toutefois, l'augmentation du nombre des offices ne constitue pas la seule exigence à prendre en compte. La régulation des flux contentieux dirigés vers les hautes juridictions, à laquelle ils contribuent, peut justifier de limiter le nombre de professionnels en exercice, afin d'éviter que, pour assurer la rentabilité de leur structure, ceux-ci acceptent des dossiers qui n'ont pourtant aucune chance de faire l'objet d'une cassation.

À cet égard, votre rapporteur ne partage pas les observations formulées par la rapporteure thématique, notre collègue députée Cécile Untermaier, sur l'insuffisance ou le mauvais fonctionnement du filtrage des saisines opéré par les avocats aux conseils. En effet, ces observations s'appuient sur un constat contestable, celui de « l'augmentation exponentielle du nombre de pourvois », entre 2005 et 2012.

Or, si l'on se rapporte aux statistiques présentées par la Cour de cassation elle-même dans son rapport annuel, on observe une certaine irrégularité du nombre d'affaires nouvelles portées devant cette juridiction : avec 30 213 saisines, le niveau atteint en 2004 est très légèrement supérieur à celui de 2012 (30 165 saisines), lui-même bien supérieur à celui de 2013 (28 297 saisines).

En réalité, l'évolution du nombre des saisines dépend de l'activité juridictionnelle observée devant les cours inférieures et l'on constate, avec un décalage, des évolutions similaires devant les cours d'appel, sauf en matière de contentieux pénal, ce qui est tout à fait significatif. Le contentieux pénal augmente presque continûment devant la Cour de cassation entre 2005 et 2013 151 ( * ) , alors, qu'à l'inverse du contentieux civil, il régresse devant les cours d'appel. Or, ce contentieux est le dernier pour lequel la représentation par un avocat aux conseils n'est pas obligatoire, ce qui éclaire, a contrario , le rôle joué par la profession dans les autres contentieux.

Fondé, aux yeux de votre rapporteur, sur un constat contestable , le présent article propose un dispositif inadapté .

En effet, il prive le ministre de la justice de tout pouvoir d'appréciation et investit, à l'inverse, l'Autorité de la concurrence d'une tâche qui n'entre absolument pas dans son champ de compétence : déterminer, au regard de l'évolution du contentieux et des exigences d'une bonne administration de la justice, le nombre d'auxiliaires de justice dont il convient de favoriser le recrutement ou l'installation.

C'est pourquoi votre rapporteur a proposé à votre commission un amendement , qu'elle a adopté, restituant au garde des sceaux la compétence pour décider de la création de nouveaux offices. Il reviendrait, tous les deux ans, au ministre de la justice d'examiner s'il y a lieu à la création de nouveaux offices. À cette occasion, il solliciterait l'avis des chefs des hautes juridictions, celui du conseil de l'Ordre des avocats aux conseils et celui de l'Autorité de la concurrence, saisie conformément à l'article L. 462-1 du code de commerce 152 ( * ) . Ces avis seraient rendus publics.

Par ailleurs, le dispositif d'indemnisation serait conservé, mais modifié conformément à ce que votre commission a voté à l'article 13 bis : en l'absence d'accord, le juge compétent serait celui du tribunal de grande instance et non le juge de l'expropriation.

Enfin, votre commission a supprimé la disposition introduite au troisième paragraphe du présent article, qui avait pour effet d'interdire toute dispense de formation ou de diplôme, même à l'égard des professeurs d'université ou des membres du Conseil d'État ou de la Cour de cassation. Elle a aussi supprimé la disposition ouvrant la possibilité à l'associé d'un office de le quitter et d'être autorisé à en ouvrir un second, en raison des risques qu'elle présentait de créations insuffisamment régulées de tels offices.

Votre commission spéciale a adopté cet article ainsi modifié.

Article 17 ter (art. 15 de l'ordonnance du 10 septembre 1817 qui réunit, sous la dénomination d'Ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, l'ordre des avocats aux conseils et le collège des avocats à la Cour de cassation, fixe irrévocablement, le nombre des titulaires, et contient des dispositions pour la discipline intérieure de l'Ordre, art. L. 141-1 du code de la consommation) - Fixation des honoraires des avocats aux conseils

Objet : le présent amendement vise à étendre aux avocats aux conseils le régime de fixation des honoraires instauré, pour les avocats à la cour, par l'article 13 du présent texte.

Les avocats aux conseils déterminent librement leurs honoraires, sans qu'une disposition législative ou réglementaire, semblable à celle relative aux avocats à la cour 153 ( * ) , en fixe régime.

En séance publique, à l'initiative de leurs rapporteurs thématiques, les députés ont souhaité combler cette lacune en transposant les mesures adoptées, pour les avocats à la cour, à l'article 13 du présent texte.

Ainsi, les avocats aux conseils devront établir une convention d'honoraires, sauf en cas d'urgence ou de force majeure, ou lorsque le professionnel interviendra au titre de l'aide juridictionnelle. Ces honoraires devront être fixés, selon les usages, en tenant compte de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, ainsi que des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences prévisibles qu'il effectuera.

En outre, le présent article rappelle la prohibition de l'honoraire uniquement fixé en fonction du résultat, sous la réserve d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu.

Enfin, comme à l'article 13, compétence est donné à la DGCCRF pour s'assurer du respect des exigences relatives à la convention d'honoraires, sous réserve du secret professionnel qui protège les échanges entre l'avocat et son client. Votre rapporteur constate à cet égard que la rédaction retenue à cet article est beaucoup plus précise qu'à l'article 13, puisqu'elle énumère le type d'actes ou d'échanges auxquels s'applique cette protection du secret professionnel.

Préciser les règles de fixation des honoraires des avocats aux conseils, et combler ainsi, même en l'absence d'abus constaté, une lacune du droit, est opportun.

En revanche, votre commission a supprimé , comme à l'article 13, la compétence donnée à la DGCCRF pour contrôler le respect de l'exigence de convention d'honoraires, estimant que ce contrôle est incompatible avec la protection du secret professionnel et qu'il fait double emploi avec le contrôle ordinal propre à la profession.

Votre commission spéciale a adopté cet article ainsi modifié.

Article 18 (art. 1er ter de l'ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat ; art. 3 ter de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers ; art. 3 de l'ordonnance n° 45-2593 du 2 novembre 1945 relative au statut des commissaires-priseurs ; art. L. 743-12-1 du code de commerce) - Augmentation du nombre de notaires, huissiers, commissaires-priseurs judiciaires et greffiers de tribunaux de commerce pouvant exercer, en qualité de salariés, dans un office donné

Objet : le présent article vise à augmenter le plafond d'emploi d'officiers publics ou ministériels salariés susceptibles d'exercer dans un même office et à interdire toute clause de non-concurrence.

I - La modification proposée

À l'origine, seuls pouvaient exercer la profession d'officier public ou ministériel, le titulaire ou les associés d'un office.

À partir de 1990 154 ( * ) , les notaires ont été autorisés, comme les avocats, à exercer, sous la responsabilité du titulaire ou des associés de l'office, en qualité de salarié. Cette disposition visait à la fois à permettre le développement de certaines structures et à ouvrir une perspective de carrière aux notaires stagiaires, dans l'attente de leur installation comme titulaire ou associé d'un office.

Toutefois, afin de limiter le recours à cette faculté et privilégier la création de nouvelles études ou l'association à des offices existants, la règle du « un pour un » a été instaurée : il ne pouvait y avoir plus d'un notaire salarié par titulaire ou associé de l'office.

Nommé par le garde des sceaux, le notaire salarié exerce la plénitude des compétences d'un notaire titulaire, la seule différence majeure étant qu'il ne peut développer de clientèle propre et qu'il agit sous la responsabilité professionnelle de son employeur.

Ce régime de salariat a, vingt ans plus tard, été étendu aux autres officiers publics ou ministériels : les huissiers de justice et les greffiers de tribunaux de commerce en 2010 155 ( * ) , les commissaires-priseurs judiciaires en 2011 156 ( * ) et les avocats aux conseils en 2014 157 ( * ) . Cette même année, la règle du « un pour un » a été abandonnée pour les notaires, au profit de celle de deux notaires salariés pour un titulaire ou un associé 158 ( * ) .

Le salariat des officiers publics et ministériels a connu un certain succès : selon les chiffres cités par notre collègue députée Cécile Untermaier dans son rapport sur les professions juridiques réglementées 159 ( * ) , les notaires salariés ne représentaient que 3,2 % de l'ensemble des notaires titulaires en 2004, et 11,3 % en 2013. On comptait la même année, 82 huissiers salariés, 14 commissaires-priseurs judiciaires salariés et, en 2014, 4 greffiers de tribunal de commerce salariés, ce qui représentait, pour chaque profession, entre 2 et 4 % de l'effectif total.

En dépit de la progression enregistrée, la part du salariat reste modeste si on l'apprécie à l'échelle de l'ensemble de la profession. Ainsi l'Autorité de la concurrence relève, dans son avis précité, qu'on comptait en 2014 seulement 0,37 notaire salarié par office en société. Le plafond d'emploi est encore loin d'être atteint. Il semble que le recours au salariat soit inégal, certains offices, qui profitent d'une forte activité, trouvant dans cette ressource un moyen utile et moins coûteux 160 ( * ) de développer leur offre de service, sans avoir à recourir à de nouvelles associations.

Faute d'études plus précises, il est difficile de caractériser les logiques qui président au recours au salariat : s'agit-il d'une forme d'exercice choisie par les intéressés, de préférence à l'installation ou à l'association au sein d'un office ? S'agit-il d'une phase de transition entre le statut de clerc et celui de titulaire ? Ou bien le dispositif limite-t-il les possibilités d'installation ou d'association ?

Le présent article semble trancher en faveur des deux premières options, puisqu'il vise à étendre les possibilités de recours au salariat .

Le projet de loi initial adoptait même une position très marquée, puisqu'il prévoyait de supprimer tout plafond de recrutement de salariés, pour les notaires, les huissiers de justice, les commissaires-priseurs judiciaires et les greffiers de tribunaux de commerce 161 ( * ) .

Les rapporteurs thématiques de la commission spéciale de l'Assemblée nationale ont déclaré « ne pas être convaincus que la faculté de recourir de façon illimité au salariat contribue à favoriser l'accès (notamment des jeunes et des femmes) à des professions dont la vocation première est de s'exercer dans un cadre libéral » 162 ( * ) . À leur initiative, la commission spéciale a choisi une voie médiane entre la suppression de tout plafond et le maintien du droit en vigueur : le passage à une règle de « un pour quatre ». Ainsi, quatre officiers publics ou ministériels salariés pourraient être recrutés par titulaire ou associé, au sein d'un même office.

Le même amendement des rapporteurs thématiques vise à bannir les clauses de non concurrence que les employeurs feraient signer à leurs salariés. Il s'agit de supprimer ce frein conventionnel à la sortie du salariat au bénéfice d'une installation comme concurrent de l'office que l'on a quitté.

En séance publique, la commission spéciale a fait adopter plusieurs amendements abaissant ce plafond de recrutement à deux salariés pour un titulaire ou associé. Une exception a été prévue pour les notaires, afin de tenir compte de la suppression de l'habilitation des clercs, qui doit susciter un élan de recrutement de salariés : la règle du « quatre pour un » s'appliquera à eux jusqu'au 1 er janvier 2020, après quoi, le plafond sera rétabli à deux pour un. Dans l'esprit de ses auteurs, cette disposition doit permettre que la phase de recrutement massif de notaires salariés ne soit qu'une transition vers leur propre installation ou leur association.

Un rapport serait demandé au Gouvernement, dans un délai de deux ans, afin de connaître l'évolution du nombre d'officiers publics ou ministériels salariés et celle de la proportion de jeunes et de femmes parmi ces salariés.

II - La position de votre commission

La question du plafond de recrutement de salariés ne peut être débattue sans la rattacher aux conséquences, pour l'activité des professions concernées, des mesures prévues dans le projet de loi.

Or, les mêmes observations que votre rapporteur a formulées s'agissant de la suppression, à l'article 14, des clercs habilités, sont ici valables : le projet de loi vise à réduire la rentabilité des offices publics ou ministériels, ce qui pourrait conduire à une contraction de leur activité que ne devrait pas contrecarrer l'installation limitée de nouveaux professionnels dans les zones carencées. Il est donc peu vraisemblable que se produise un choc de recrutement qui permette d'atteindre les plafonds d'emploi rehaussés par le présent article.

Au contraire, dans un contexte d'incertitude sur la rentabilité future, une part des recrutements devrait avoir un objet défensif, destiné à différer l'association d'un nouveau professionnel au sein de l'office. Augmenter trop fortement le plafond de recrutement risque donc de jouer contre le développement de l'exercice libéral de ces professions.

En outre, s'agissant des notaires, l'effet, à partir de 2020 du retour à la règle du « un pour deux », alors que celle du « un pour quatre » aura été en vigueur pendant quatre ans pose problème : faudra-t-il licencier les salariés en surnombre ou bien ceux-ci seront-ils maintenus dans leur activité ? Dans ce dernier cas, la question de la constitutionnalité de la disposition au regard du principe d'égalité pourrait se poser puisque certains offices bénéficieraient par rapport à d'autres, en particulier, ceux qui se créeraient après 2020, d'un surcroît de salariés et donc d'un avantage concurrentiel.

Votre rapporteur a par conséquent proposé à votre commission un amendement , qu'elle a adopté, visant à appliquer à l'ensemble des professions concernées la règle du « deux pour un » aujourd'hui applicable aux notaires, sans l'élever, pour ces derniers à « quatre pour un ».

Par ailleurs, votre rapporteur souligne que le basculement d'une partie de la profession de l'exercice libéral vers le salariat risque d'avoir un impact sur le financement de la caisse d'assurance vieillesse des officiers ministériels qui couvre les huissiers de justice, les commissaires-priseurs judiciaires ou commissaires-priseurs de vente volontaire, les administrateurs et mandataires judiciaires et les greffiers de tribunaux de commerce. Les dirigeants de cette caisse ont en effet indiqué à votre rapporteur que les salariés de ces professions cotisaient au régime général, contrairement aux professionnels libéraux. Toute augmentation du salariat au détriment de l'exercice libéral, la prive donc de recettes nécessaires à son équilibre, alors que ce dernier a déjà été fragilisé par la suppression de la profession d'avoués.

La préoccupation ainsi exprimée est légitime. Votre rapporteur, suivi par votre commission, a proposé d'appliquer aux professions concernées le dispositif retenu pour les avocats ou les experts-comptables, au sein desquelles le salariat est développé depuis plus longtemps. Ce dispositif prévoit en effet que tout professionnel inscrit à l'ordre cotise au régime complémentaire, quel que soit son mode d'exercice, individuel, en société ou salarié. Les conséquences, sur l'équilibre du régime d'assurance vieillesse, du basculement de professionnels d'un mode d'exercice à l'autre sont ainsi neutralisées.

Votre commission spéciale a par ailleurs supprimé la demande de rapport prévue au cinquième paragraphe du présent article.

Votre commission spéciale a adopté cet article ainsi modifié.

Article 19 (art. L. 123-6 du code de commerce et art. L. 411-1 du code de la propriété intellectuelle) - Diffusion des informations issues du registre du commerce et des sociétés et modalités de gestion du registre dans les départements d'outre-mer

Objet : cet article vise, d'une part, à organiser la diffusion gratuite en « open data » des informations issues du registre du commerce et des sociétés, sous l'égide de l'Institut national de la propriété industrielle, et, d'autre part, à confier à la chambre de commerce et d'industrie, à titre expérimental, dans trois départements d'outre-mer la gestion matérielle du même registre.

I - La diffusion en « open data » des informations issues du registre du commerce et des sociétés

En premier lieu, l'article 19 du projet de loi propose de confier à l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) 163 ( * ) la mission de diffuser et mettre gratuitement à disposition du public les données du registre national du commerce et des sociétés (RNCS), pour permettre leur réutilisation, dans une logique d'« open data » des données de publicité légale des entreprises. Votre commission approuve l'objectif ainsi recherché. Les données du RCS constituent bien des données publiques, qui peuvent donc donner lieu à une réutilisation au sens de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal.

L'article 19 du projet de loi complète à cette fin l'article L. 123-6 du code de commerce, relatif à la tenue du registre du commerce et des sociétés (RCS) 164 ( * ) , registre de publicité légale, par le greffier du tribunal de commerce 165 ( * ) , ainsi que l'article L. 411-1 du code de la propriété intellectuelle, qui énumère les missions de l'INPI.

Le greffier de chaque tribunal de commerce, chargé de la tenue et de la gestion du RCS, devrait transmettre à l'INPI, par voie électronique et sans frais, un document valant original des inscriptions effectuées au registre et des actes et pièces qui y sont déposés. Actuellement, l'INPI est légalement chargé de centraliser les RCS au sein du RNCS, ce qu'il fait à partir des documents numérisés transmis par les greffes, sous forme d'un stockage de ces documents. La transmission électronique prévue par le projet de loi vise à permettre techniquement de constituer un RNCS dématérialisé effectif et consultable, sous forme d'une base de données opérationnelle qui n'existe pas en tant que telle aujourd'hui. La reconstitution au sein de l'INPI d'un RNCS sous forme électronique est la condition de la mise en oeuvre directe par l'INPI d'une politique d'« open data » sur les données du RCS, mais elle permettrait également une diffusion électronique de l'information légale sur les entreprises équivalente à celle réalisée aujourd'hui par les greffiers, par l'intermédiaire de leur groupement d'intérêt économique (GIE) Infogreffe.

Le greffier devrait aussi transmettre à l'INPI, par voie électronique et sans frais ni délai, « les résultats des retraitements des informations contenues dans les inscriptions, actes et pièces (...), dans un format informatique ouvert de nature à favoriser leur interopérabilité et leur réutilisation ». Ces transmissions d'information devraient permettre à l'INPI d'assurer directement la diffusion des données issues du RCS en « open data » en vue de leur réutilisation.

Dans le texte initial du projet de loi, l'article 19 était rédigé sous forme d'une habilitation, au titre de l'article 38 de la Constitution, visant à permettre, « notamment en modifiant les conditions dans lesquelles l'Institut national de la propriété industrielle centralise le registre national du commerce et des sociétés, de faciliter l'accès du public aux données contenues dans ce registre ainsi que la réutilisation de ces informations ».

A. Les relations actuelles entre les greffiers des tribunaux de commerce et l'Institut national de la propriété industrielle et la diffusion des données du registre du commerce et des sociétés par voie électronique

En l'état du droit, le code de commerce dans sa partie réglementaire organise les relations entre les greffiers des tribunaux de commerce, chargés de la tenue du RCS, et l'INPI, chargé, en application de l'article L. 411-1 du code de la propriété intellectuelle, de la centralisation des RCS au niveau national 166 ( * ) et de la diffusion des informations correspondantes. Confiée à l'INPI dès sa création par la loi en 1951 167 ( * ) , cette fonction de centralisation résulte historiquement de la nécessité d'éviter tout risque de perte ou de destruction des données de publicité légale de chaque RCS, en conservant un double de toutes les informations et pièces annexées.

L'article R. 123-80 du code de commerce prévoit ainsi la tenue d'un registre national par l'INPI, le RNCS, pour centraliser les documents valant originaux des RCS tenus dans chaque greffe 168 ( * ) . À cette fin, chaque greffier doit transmettre à l'INPI un exemplaire des inscriptions effectuées au greffe et des actes et pièces qui y sont déposés. Cette transmission s'effectue « le cas échéant par voie électronique », ce qui est en pratique le cas pour les RCS tenus par les greffiers des tribunaux de commerce, par des moyens informatiques mis en place à cette fin 169 ( * ) , tandis que la transmission pour les registres du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ainsi que des départements d'outre-mer continue à s'opérer sous forme papier, nécessitant une numérisation des documents ainsi transmis par un prestataire de l'INPI. Pour assurer le financement de cette mission de centralisation et d'archivage, en application de l'article R. 123-163 du code, une taxe est prélevée par le greffier, au profit de l'INPI, sur les formalités effectuées au RCS 170 ( * ) , en plus des émoluments perçus par le greffier sur ces formalités 171 ( * ) .

Puisque le RCS est un registre de publicité légale, devant permettre l'information des tiers, l'article R. 123-150 dispose que le greffier et l'INPI « sont astreints et seuls habilités à délivrer à toute personne qui en fait la demande des certificats, copies ou extraits des inscriptions portées au registre et actes déposés en annexe ». Le greffier y répond en établissant, aux frais du demandeur, en fonction du tarif 172 ( * ) , une copie intégrale, un extrait ou un certificat selon les cas, sur papier, par voie électronique ou sur support électronique (articles R. 123-52, R. 123-52-1 et R. 123-52-2). L'INPI y répond en délivrant, moyennant le paiement d'une redevance 173 ( * ) , un certificat, une copie ou la communication des renseignements figurant au RNCS, des copies pouvant être diffusées à titre de renseignement par voie électronique ; l'INPI peut également délivrer un certificat attestant qu'une personne ne figure pas dans une immatriculation portée au RNCS (article R. 123-153).

L'article R. 123-152-2 précise que la délivrance des copies, extraits et certificats du RCS sur support électronique est assurée par un système d'information agréé par le conseil national des greffiers des tribunaux de commerce (CNGTC) 174 ( * ) .

L'article R. 741-5 dispose que la délivrance par voie électronique des copies, extraits ou certificats du RCS peut être organisée par l'intermédiaire d'un groupement « chargé de centraliser les appels et de les orienter vers le greffe concerné » : il s'agit du groupement d'intérêt économique (GIE) Infogreffe, créé en 1986 par les greffiers des tribunaux de commerce 175 ( * ) , qui a mis en place une structure informatique permettant d'assurer l'interface avec l'ensemble des RCS et qui gère le site internet Infogreffe . Ce même article R. 741-5 précise que le GIE peut « conclure aux mêmes fins des accords avec l'INPI pour les attributions de celui-ci », c'est-à-dire notamment la gestion du RNCS. Il ajoute enfin que « les informations sont délivrées telles qu'inscrites aux registres ou sur les actes annexés, sans subir de traitement quelconque ».

Les copies, extraits et certificats ainsi délivrés électroniquement par le GIE Infogreffe ont même valeur légale que ceux délivrés sur papier par le greffier, au greffe ou par voie postale.

Ainsi, en droit, tant les greffiers des tribunaux de commerce, le cas échéant par voie électronique via le GIE Infogreffe, que l'INPI délivrent, aux frais du demandeur, les mêmes informations issues du RCS.

En pratique également, avant 2009, l'INPI comme le GIE Infogreffe diffusaient les mêmes informations légales issues du RCS. S'agissant de la diffusion par voie électronique, l'INPI diffusait les données du RNCS sur le site internet Euridile , à partir des éléments qui lui étaient transmis par les greffiers et qui devaient donc être saisis par ses soins au sein d'une base de données, par l'intermédiaire d'un prestataire, tandis que le GIE Infogreffe diffusait les mêmes données, directement issues du RCS de chaque greffe par l'intermédiaire des outils informatiques qu'il a créés, sur le site internet Infogreffe . En outre, l'INPI avait développé une activité de mise à disposition des données du RNCS aux fins de réutilisation, sous forme de licences contre redevance 176 ( * ) . L'objectif de diffusion « open data » en vue de réutilisation poursuivi par l'article 19 du projet de loi concerne la diffusion de ces licences, qui deviendraient gratuites.

Compte tenu de la redondance entre ces deux missions, source de dépenses publiques inutiles, afin de rationaliser la diffusion de la publicité légale sur les entreprises, le Gouvernement décida que l'INPI devait se limiter, au titre du RNCS, à une mission d'archivage numérique des données du RCS transmises par les greffiers, pour respecter a minima sa mission légale de centralisation des données du RNCS, tandis que le GIE Infogreffe continuerait seul à les diffuser par voie électronique.

Aussi, comme le permet l'article R. 741-5 précité, un accord passé en avril 2009 entre l'INPI et le GIE Infogreffe a organisé les conditions de cette clarification de leurs missions respectives, permettant à l'INPI d'économiser les frais de mise en forme des données, de gestion de sa base de données et de diffusion électronique des données du RNCS. Le site Euridile a ainsi été fermé, l'INPI conservant sa fonction d'archivage et de communication, sous forme papier, des données du RNCS 177 ( * ) , tandis que le GIE Infogreffe a continué à assurer la diffusion électronique des données des RCS.

Cet accord a aussi prévu que l'INPI pourrait toujours commercialiser les licences de réutilisation des données du RCS, sans avoir pour autant à les alimenter ou à les distribuer d'un point de vue technique, ces missions étant directement assurées par le GIE Infogreffe et par les greffiers 178 ( * ) . Ces licences sont de deux types : une licence dite « IMR » (immatriculation, modification et radiation des sociétés enregistrées au RCS), à 237 000 euros, et une licence dite « Comptes annuels des sociétés », à 260 000 euros. Ces deux licences sont commercialisées auprès d'opérateurs privés, qui utilisent les données du RCS pour leurs activités propres (analyse de solvabilité, « scoring »...) ou qui exercent une activité de diffusion d'informations économiques et juridiques sur les entreprises. Selon l'INPI, entendu par votre rapporteur, il existe six licenciés pour la licence « IMR » et cinq pour la licence « Comptes annuels » 179 ( * ) .

Comme l'indique l'Autorité de la concurrence dans son avis, « le rôle de l'INPI se limite à commercialiser ces contrats, à en être le signataire et à percevoir les redevances ». Le produit des redevances est partagé entre l'INPI, pour lequel il représente une recette quasiment nette de toute dépense, et le GIE Infogreffe, de façon à couvrir les coûts de constitution, de distribution, de mise à jour et de maintenance juridique et technique des licences.

Par conséquent, il apparaît clairement à votre rapporteur que l'INPI ne dispose plus désormais des capacités techniques pour assurer directement la diffusion par voie électronique des données issues du RCS, soit au titre de l'information légale soit sous forme globale dans le cadre des licences, du fait même de l'accord de 2009 dont l'objet était d'organiser son retrait technique - et non juridique - de cette activité, au profit du seul GIE Infogreffe. Si toutefois, conformément à sa mission légale, en vertu de l'article L. 411-1 du code de la propriété intellectuelle, l'INPI continue à assurer sa mission de conservation et de diffusion des informations provenant des RCS, au titre du RNCS, il s'agit pour lui d'une mission résiduelle, alors que ses défis actuels résident dans la promotion auprès des entreprises de la protection des droits de propriété industrielle (brevets, marques, dessins et modèles...) et de la valorisation de l'innovation, dans une économie de la connaissance, ainsi que le directeur général de l'INPI l'a indiqué à votre rapporteur.

Dans ce contexte, votre rapporteur s'interroge d'ailleurs sur l'utilité véritable du maintien de l'attribution à l'INPI de la mission de centralisation matérielle du RNCS, à l'heure du numérique, alors que les données des RCS sont aujourd'hui numérisées et sécurisées par les greffiers eux-mêmes, qui en assurent une diffusion dont l'efficacité et la fiabilité ne sont pas contestées. Quant au tarif des greffiers pour obtenir communication de ces informations, il appartient au Gouvernement de l'adapter pour en réduire le coût, dans le cadre proposé par l'article 12 du présent projet de loi.

B. À qui confier la responsabilité de la diffusion en « open data » des données issues du registre du commerce et des sociétés ?

Dans son avis du 9 janvier 2015 sur les professions réglementées 180 ( * ) , l'Autorité de la concurrence s'est interrogée sur la problématique abordée par l'article 19 du projet de loi, résultant selon elle « la dualité des opérateurs autorisés à diffuser au public des copies des inscriptions portées aux registres de publicité légale dont ils ont la charge (INPI et greffes des tribunaux de commerce) ». Toute en recommandant de confier à un opérateur unique la centralisation et la diffusion des données du RNCS, tout en permettant leur réutilisation sous forme de licences gratuites, elle a étudié les deux hypothèses consistant à confier cette mission soit à l'INPI soit au GIE Infogreffe, sans formuler de choix, laissant ce soin au Gouvernement et au Parlement.

Selon l'Autorité de la concurrence, dans le dispositif issu de l'accord de 2009 entre l'INPI et le GIE Infogreffe, « l'INPI ne fait qu'assurer des missions d'archivage des données constitutives du RNCS et de négociation des licences de réutilisation dont il est le titulaire », comme l'a bien relevé votre rapporteur. En effet, comme cela a été indiqué supra , ces licences sont en pratique élaborées techniquement, distribuées et mises à jour par le GIE Infogreffe, tandis que le RNCS ne constitue pas une base de données permettant la diffusion par voie électronique des données des RCS, mais simplement un outil de stockage.

Or, en confiant à l'INPI la mission de mettre à disposition du public les données du RNCS, gratuitement dans une logique d'« open data », en utilisant les informations qui devraient être transmises électroniquement et sans frais par les greffiers, l'article 19 du projet de loi exigerait de construire au sein de l'INPI une architecture informatique qui n'existe plus depuis 2009, pour créer un RNCS dématérialisé, structure comparable dans ses finalités à celle dont dispose le GIE Infogreffe aujourd'hui. Ceci représenterait un coût important pour l'INPI, comme l'a souligné l'Autorité de la concurrence. Une telle décision conduirait en fait à reconstituer le « doublon » que l'accord de 2009 entre l'INPI et le GIE Infogreffe visait précisément à supprimer, puisque le GIE devrait en tout état de cause continuer à diffuser l'information légale du RCS par voie électronique, pour le compte des greffiers des tribunaux de commerce.

Votre rapporteur s'interroge sérieusement sur la rationalité d'une telle décision, du point de vue bien sûr du bon emploi des deniers publics, mais aussi du point de vue du coût pesant sur les entreprises. En effet, si les entreprises doivent payer les émoluments des greffiers pour leurs formalités au RCS, elles doivent également payer la taxe affectée à l'INPI sur ces mêmes formalités, laquelle ouvre aussi droit à des émoluments spécifiques pour les greffiers au titre des diligences de transmission accomplies. Aussi résulterait-il une économie de la suppression de la mission résiduelle de centralisation du RNCS par l'INPI, comme l'a d'ailleurs relevé l'Autorité de la concurrence, dans son avis du 9 janvier 2015 précité.

À ce stade, trois options apparaissent à votre rapporteur, en dehors de l'adoption sans modification du dispositif de l'article 19 du projet de loi, qui ne semble guère raisonnable compte tenu des choix opérés en 2009.

La première option consisterait, tout en maintenant la mission légale de l'INPI de centralisation et de diffusion des données du RNCS, avec le système des licences, de conserver la répartition actuelle des tâches entre l'INPI et le GIE Infogreffe . Il s'agirait simplement de prévoir expressément dans la loi la diffusion gratuite des données en vue de leur réutilisation, qui appartiendrait toujours juridiquement à l'INPI et serait comme aujourd'hui sous-traitée au GIE Infogreffe, dans le cadre de l'accord conclu en 2009 : le seul changement serait la gratuité des licences.

La deuxième option consisterait à confier dans la loi la diffusion en « open data » des données du RCS au GIE Infogreffe , sous l'autorité du conseil national des greffiers des tribunaux de commerce (CNGTC). Cette mise à disposition aux fins de réutilisation devrait être gratuite, comme en dispose déjà l'article 19 du projet de loi.

La troisième option, non exclusive de la deuxième et plus radicale, consisterait à supprimer tout rôle de l'INPI en matière de centralisation et de diffusion du RNCS, considérant qu'une telle mission est devenue obsolète depuis l'accord de 2009. Compte tenu des conditions de gestion électronique du RCS par le GIE Infogreffe, dans une ère de numérisation de l'information légale, la problématique de conservation par un établissement public unique au niveau national a très largement perdu de sa pertinence. Dans son avis précité, l'Autorité de la concurrence affirme d'ailleurs qu'« il paraît opportun de confier la mission de centralisation des données légales d'entreprises à un opérateur unique », avant de préciser que, « dans la mesure où les greffiers des tribunaux de commerce assurent dès à présent sur un plan opérationnel l'ensemble des missions qui pourraient ainsi être confiées à l'opérateur public, l'autre option serait de centraliser la tenue du RNCS autour du GIE Infogreffe ».

En tout état de cause, il ressort manifestement des éléments à la disposition de votre rapporteur qu'il ne serait pas rationnel et cohérent de confier aujourd'hui à l'INPI une mission à laquelle il a clairement renoncé du point de vue technique depuis l'accord de 2009 avec le GIE Infogreffe. Aussi votre commission a-t-elle adopté un amendement , à l'initiative de son rapporteur, visant à confier au CNGTC la mission de diffuser gratuitement les données du RCS en vue de leur réutilisation au sens de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 précitée. Votre rapporteur insiste sur le fait que cette mission est distincte de celle de communication sur demande de l'information légale sur les entreprises, comme de celle d'archivage au titre du RNCS.

Du point de vue de l'utilisateur des informations sur les entreprises, qu'il s'agisse de la publicité légale ou des données agrégées à réutiliser dans le cadre des licences, il n'y aurait aucun changement par rapport à la situation actuelle. Dans les faits, dans le cadre des licences commercialisées par l'INPI, l'interlocuteur technique est déjà le GIE Infogreffe.

En outre, dès lors que cette mise à disposition des données du RCS en vue de leur réutilisation serait gratuite, comme le prévoit le projet de loi, l'INPI perdrait de toute façon le produit des recettes de commercialisation des licences « IMR » et « Comptes annuels ». Dans ces conditions, le fait que ces licences soient distribuées par l'INPI ou le GIE Infogreffe apparaît sans incidence financière pour l'INPI.

À cet égard, votre rapporteur rappelle que l'INPI a fait l'objet d'un référé de la Cour des comptes le 20 octobre 2014, dans lequel était relevée « la prospérité de l'établissement public découlant du modèle économique des offices de propriété industrielle », la mission de centralisation du RNCS n'étant jugée qu'accessoire 181 ( * ) . Du fait des ressources tirées des redevances des titres de propriété industrielle et surtout de leurs annuités de maintien en vigueur, la Cour a pu qualifier la situation financière de l'INPI de « très confortable » et ses réserves financières sans emploi accumulées d'« excessives » 182 ( * ) . Si la Cour a recommandé que l'INPI renforce ses efforts de promotion de la protection de la propriété industrielle et du brevet européen, elle n'a rien formulé sur l'activité accessoire de centralisation du RCS.

Dans ces conditions, rien ne s'oppose à confier juridiquement au GIE Infogreffe, sous l'autorité légale du CNGTC, la mission qu'il exerce déjà dans les faits depuis longtemps de mise à disposition des licences de réutilisation des données du RCS.

Dans un second temps, sur la proposition de son rapporteur, votre commission a également adopté un amendement visant à retirer à l'INPI sa mission résiduelle de centralisation et de diffusion des données du RNCS, qui ne consiste en pratique qu'à archiver des documents, sous forme papier et numérique, et à en délivrer des copies, extraits et certificats sous forme papier, par courrier. Cette mission - déjà exercée en pratique et de façon satisfaisante par le GIE Infogreffe sous une forme électronique - relèverait désormais juridiquement aussi des greffiers des tribunaux de commerce, par l'intermédiaire de leur conseil national, dont le statut et les fonctions sont fixés par l'article L. 741-2 du code de commerce.

À cet égard, votre rappelle que les autres registres de publicité légale tenus par les greffiers des tribunaux de commerce ne font l'objet d'aucune centralisation par l'INPI (registre des gages sans dépossession, registre des protêts, registre des entrepreneurs individuels à responsabilité limitée...).

Une telle évolution présenterait l'avantage de recentrer l'INPI sur sa mission essentielle de protection et de promotion de la propriété industrielle. Elle permettrait également aux entreprises de réaliser une économie, avec la suppression de la taxe perçue au profit de l'INPI à l'occasion des formalités effectuées au RCS. Selon votre rapporteur, la situation financière de l'INPI lui devrait permettre d'absorber cette perte de recettes.

C. Un enjeu de protection des données personnelles des dirigeants des entreprises immatriculées au registre du commerce et des sociétés

Outre la question de l'attribution de la mission légale de diffusion des données du RCS en « open data », l'article 19 du projet de loi soulève une difficulté du point de vue de la protection des données personnelles des dirigeants des entreprises immatriculées.

En effet, conformément aux articles R. 123-37 et R. 123-54 du code de commerce, toute personne physique tenue à l'immatriculation au RCS doit déclarer ses nom, prénoms, domicile personnel, date et lieu de naissance et nationalité, de même que toute personne morale tenue à l'immatriculation doit déclarer les mêmes informations pour tous ses dirigeants et mandataires sociaux.

Or, s'il est normal que l'information légale sur les entreprises au titre du RCS - à commencer par l'extrait K bis , « fiche d'identité » de l'entreprise - comporte ces indications personnelles sur leurs dirigeants, votre rapporteur s'étonne cependant de ce que les informations distribuées sous licence 183 ( * ) aux fins de réutilisation comportent aussi ces données personnelles. En effet, une telle situation permet en pratique la mise en place de traitements automatisés de données personnelles, sans cadre légal clair, par exemple pour identifier toutes les sociétés qui ont été créées par une même personne.

La diffusion de données publiques en vue de leur réutilisation par des tiers, en particulier par des opérateurs privés, qui constitue la logique de l'« open data », ne saurait en aucun cas méconnaître l'exigence impérieuse de protection de la vie privée et des données à caractère personnel. Attachée à cette exigence, votre commission a prévu, dans l' amendement évoqué supra destiné à confier la mission de diffusion gratuite des données du RCS, que cette mission devait s'effectuer dans le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. En d'autres termes, sauf à recueillir le consentement des personnes concernées, hypothèse qui semble hors de propos à votre rapporteur, les données sur les entreprises ainsi diffusées dans les licences « open data » devraient être anonymisées et expurgées de toute donnée à caractère personnel.

II - La délégation, à titre expérimental, de la gestion matérielle du registre du commerce et des sociétés à la chambre de commerce et d'industrie dans certains départements d'outre-mer

En second lieu, l'article 19 du projet de loi propose de déléguer, à titre expérimental pour une durée de trois ans au plus, la « gestion matérielle » du registre du commerce et des sociétés (RCS) à la chambre de commerce et d'industrie (CCI), dans les trois départements d'outre-mer de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion, par une convention passée entre la CCI et le ministre de la justice. Ces expérimentations s'engageraient au plus tard le 1 er janvier 2016 et donneraient lieu à un rapport d'évaluation.

L'objectif recherché est l'amélioration du fonctionnement du RCS, en particulier la réduction des délais de traitement des formalités.

Introduit par l'Assemblée nationale, en séance publique, à l'initiative du Gouvernement, ce dispositif expérimental remet en cause les modalités de fonctionnement du RCS dans les départements d'outre-mer, dont la tenue est actuellement assurée par les greffes des tribunaux mixtes de commerce (TMC), qui sont les greffes publics des tribunaux de grande instance (TGI), et non des greffiers de tribunal de commerce, officiers publics et ministériels.

A. Le dysfonctionnement du registre du commerce et des sociétés dans les départements d'outre-mer et la faculté de déléguer sa gestion matérielle à la chambre de commerce et d'industrie

En l'état du droit, il existe déjà un dispositif donnant la faculté au ministre de la justice, par convention, de déléguer la « gestion matérielle » du registre du commerce et des sociétés (RCS) aux chambres de commerce et d'industrie dans les départements d'outre-mer ainsi que dans les collectivités d'outre-mer de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy 184 ( * ) .

Mentionné à l'article L. 123-6 du code de commerce et résultant de la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, dite « loi Lurel », ce dispositif de délégation facultative prévoit que le greffe demeure « compétent pour le contrôle des actes et des extraits du registre ainsi que pour toute contestation entre l'assujetti et la chambre compétente ».

Depuis 2012, ce mécanisme de délégation à la CCI n'a jamais été mis en oeuvre par la garde des sceaux.

L'objectif légitime recherché par ce dispositif était une amélioration du fonctionnement du RCS dans ces collectivités, actuellement tenu par les fonctionnaires du greffe du TGI, chargés du greffe du TMC, et non par des greffiers de tribunal de commerce comme c'est le cas en métropole en dehors des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle 185 ( * ) . En effet, dans les départements d'outre-mer, le RCS connaît notoirement de graves dysfonctionnements, caractérisés principalement par un retard important, pouvant atteindre plusieurs mois, dans l'accomplissement des formalités (immatriculation de sociétés, inscriptions, dépôt d'actes et pièces exigé par les lois et règlements) et dans la communication des informations demandées par les entreprises ou les tiers au titre de la publicité légale (communication des extraits K bis des sociétés immatriculées par exemple).

Ces graves dysfonctionnements sont déjà bien connus du législateur, pour avoir été plusieurs fois rappelés dans divers débats législatifs depuis plusieurs années. Ils constituent un grave préjudice pour les entreprises des cinq départements d'outre-mer, qui relèvent de sept RCS 186 ( * ) , ainsi que des deux collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, qui relèvent du RCS de Basse-Terre en Guadeloupe. La capacité juridique des entreprises, la sécurité juridique de leurs actes ainsi que l'information des tiers sont gravement compromises.

La situation préoccupante des greffes des TMC et singulièrement du RCS dans les départements d'outre-mer a donc perduré, jusqu'à ce que soit mis en oeuvre, à l'initiative de la ministre de la justice et avec la contribution du conseil national des greffiers des tribunaux de commerce (CNGTC), un plan de redressement de la situation à compter de septembre 2014. Mis en oeuvre sur la base des conclusions d'un audit préalable de la situation pour bien identifier les difficultés, ce plan prévoit des moyens spécifiques : renfort ponctuel de personnel, amélioration des outils informatiques et formation du personnel des greffes. Selon les informations fournies à votre rapporteur par le Gouvernement, ce plan commence à produire ses résultats, les stocks de formalités à accomplir ont diminué et les délais de délivrance des extraits K bis ont pu être réduits.

B. Les incertitudes liées à une délégation de la gestion du registre du commerce et des sociétés aux chambres de commerce et d'industrie

Le dispositif prévu par le projet de loi est certes expérimental.

Cependant, outre que la notion de « gestion matérielle » du RCS n'est pas précise et soulève de nombreuses questions - les formalités et demandes de communication d'informations devraient-elles être faites auprès du greffe ou de la chambre, de quelle manière le greffe pourrait-il assurer le contrôle des opérations réalisées par des personnels qui ne sont pas placés sous son autorité, par exemple -, votre rapporteur s'interroge sérieusement sur la capacité des services des chambres concernées à prendre en charge une telle mission nouvelle. Les chambres ne disposent évidemment pas à ce jour des personnels disponibles et formés à une telle mission, ni des équipements informatiques nécessaires, a fortiori dans un contexte de sévère réduction des moyens budgétaires des CCI, décidée par le Gouvernement dans la loi de finances pour 2015. Des personnels devraient donc être recrutés et formés et des investissements importants réalisés.

Les conditions financières d'une telle délégation ne sont en rien précisées et votre rapporteur s'interroge sur le coût qui ne manquerait pas d'en résulter pour le budget déjà très contraint du ministère de la justice.

La faisabilité concrète d'une telle délégation n'a pas fait l'objet d'une étude d'impact sérieuse, comme en son temps la faculté de délégation, qui ne figurait pas en 2012 dans le texte initial du Gouvernement. Compte tenu du fonctionnement du RCS, la séparation de sa gestion matérielle et de son contrôle est difficile à mettre en oeuvre. En effet, les opérations matérielles d'immatriculation ou de dépôt et les opérations de contrôle par le greffier de la régularité de ces formalités, en vertu des articles R. 123-92 et suivants du code de commerce, sont étroitement imbriquées puisqu'elles sont réalisées aujourd'hui par les mêmes personnes. Ainsi, l'article R. 123-94 énonce que « le greffier, sous sa responsabilité, s'assure de la régularité de la demande » : votre rapporteur s'interroge sur la réalisation de ce contrôle par la CCI et sur la responsabilité qui pourrait en résulter pour les agents ou les élus de la CCI.

Dans ces conditions, de quelle manière serait traité le contentieux susceptible de naître d'une difficulté dans l'accomplissement d'une formalité au registre, si celle-ci a été enregistrée par le personnel de la CCI ? En effet, les agents de la CCI ne sont pas placés sous l'autorité du greffier chargé de la tenue du registre. La régularité des opérations matérielles réalisées par les agents de la CCI devraient en principe être systématiquement vérifiées par le greffier, ce qui occasionnerait des délais nouveaux.

Par ailleurs, on ne saurait écarter le risque de conflit d'intérêts, dans la mesure où les CCI sont dirigées par des chefs d'entreprise élus, à raison de leur rôle de représentation des entreprises 187 ( * ) , alors que le RCS vise à assurer la publicité légale des informations concernant les mêmes entreprises. De telles informations peuvent avoir une répercussion négative sur les entreprises concernées, par exemple l'ouverture d'une procédure collective 188 ( * ) , ou peuvent être relatives à des entreprises concurrentes de celles des membres de la CCI. Des membres de la CCI, eux-mêmes dirigeants d'entreprises immatriculées au RCS, pourraient vouloir influer sur les informations portées au registre par les agents de la CCI, placés sous leur autorité.

Votre rapporteur juge que la gestion, même matérielle, d'un registre de publicité légale concernant des entreprises ne saurait être assurée par les représentants de ces mêmes entreprises. La représentation des entreprises n'est pas compatible avec la gestion du registre du commerce et des sociétés.

Par exemple, l'article L. 123-5 du code punit de 4 500 euros d'amende et de six mois de prison le fait de donner, de mauvaise foi, des indications inexactes ou incomplètes en vue d'une immatriculation, d'une radiation ou d'une mention complémentaire ou rectificative au RCS. En cas d'omission intentionnelle ou de fausse déclaration d'un membre élu de la CCI sur son entreprise, dans quelle mesure l'agent de la CCI pourrait-il s'y opposer et dans quelle mesure le greffe du TMC pourrait-il le contrôler ?

Comment pourrait s'exercer de manière effective la surveillance du président du tribunal ou du juge commis à cet effet sur la tenue du registre, comme le prévoit l'article L. 123-6 du code, si le registre n'est plus tenu matériellement par le greffe du tribunal ? Le contrôle s'en trouverait sérieusement amoindri, alors qu'il s'agit d'un registre de publicité légale, justifiant un contrôle sous l'autorité du juge de la régularité des actes et des informations portées au registre.

Enfin, la délégation de gestion aux CCI ne conduirait pas à résoudre le problème du raccordement des RCS ultramarins aux outils informatiques mis en place par les greffiers des tribunaux de commerce pour dématérialiser les formalités, assurer la sécurisation des données et permettre leur diffusion par voie électronique. Les délais de traitement ne pourraient donc pas être réduits à ce que les entreprises métropolitaines connaissent.

In fine , même s'il ne s'agit évidemment pas pour votre rapporteur de remettre en cause la qualité du travail des chambres consulaires outre-mer et de leurs élus, dans le cadre des missions qui leur sont aujourd'hui dévolues par la loi pour accompagner les entreprises, il n'est pas possible d'ignorer les risques que la délégation de la gestion du RCS comporte, tant du point de vue des conditions matérielles que des éventuels conflits d'intérêts.

L'ensemble de ces motifs expliquent d'ailleurs vraisemblablement que la possibilité de délégation prévue depuis 2012 par l'article L. 123-6 du code de commerce n'ait jamais été utilisée par la garde des sceaux. Pour les mêmes motifs au demeurant, votre rapporteur doute qu'une telle délégation permette de remédier aux dysfonctionnements constatés.

Votre commission a donc souhaité supprimer cette délégation de la gestion matérielle du RCS aux CCI, en dépit de son caractère expérimental.

C. Les moyens de remédier structurellement au dysfonctionnement du registre du commerce et des sociétés dans les départements d'outre-mer

Votre commission estime qu'il ne faut pas fragiliser la qualité et la fiabilité de l'information légale sur les entreprises des départements d'outre-mer par un mode de gestion inapproprié du RCS. La nécessaire et urgente amélioration du fonctionnement du RCS doit donc emprunter d'autres voies que celle de la délégation aux CCI.

Or, en dépit de premiers résultats que votre rapporteur salue bien volontiers, le plan de redressement du RCS dans les départements d'outre-mer, mis en oeuvre par le ministère de la justice en septembre 2014, n'apporte qu'une réponse partielle et temporaire à un problème structurel, du fait des moyens limités et des urgences budgétaires nombreuses de ce ministère. Il convient par conséquent de mettre en oeuvre la réponse structurelle efficace que le législateur a déjà retenue il y a plusieurs années.

En effet, afin de remédier à cette situation connue, l'article 34 de la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées a prévu que le greffe des TMC, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État, était assuré par un membre de la profession de greffier de tribunal de commerce (article L. 732-3 du code de commerce). Par la suite, un décret n° 2012-439 du 30 mars 2012 a prévu que le greffe de chacun des sept TMC devait être tenu par un greffier de tribunal de commerce, sans exception.

En dépit de cette intention claire du législateur, aucune procédure de recrutement de greffiers n'a été engagée à la suite de la publication de ce décret pour pourvoir le greffe des TMC 189 ( * ) .

Au vu de l'efficacité du fonctionnement des greffes métropolitains tenus par des greffiers des tribunaux de commerce, caractérisée par une grande rapidité dans l'accomplissement des formalités, à l'aide de moyens informatiques performants, fiables et mutualisés, votre commission ne peut que rappeler la pertinence du choix du législateur en 2011. Aussi a-t-elle adopté un amendement , à l'initiative de son rapporteur, visant à affirmer au niveau législatif que le greffe de chaque TMC dans les départements d'outre-mer doit être tenu par un greffier de tribunal de commerce, en supprimant la délégation expérimentale du RCS aux CCI.

Concernant les objections susceptibles d'être formulées à l'encontre de la création de sept nouveaux offices de greffier de tribunal de commerce, outre que celle-ci permettrait au greffe du TMC et au RCS de bénéficier d'un fonctionnement normal tout en déchargeant les fonctionnaires des greffes des TGI concernés, votre rapporteur observe que le présent projet de loi prévoit de réformer différents aspects de la profession de greffier de tribunal de commerce pour la moderniser, sans pour autant la remettre en cause. Ainsi, si la procédure actuelle de recrutement d'un greffier pour pourvoir le greffe d'un nouveau tribunal de commerce - procédure applicable dans le cas présent pour le greffe des TMC - peut paraître insuffisamment sélective, il convient de noter que l'article 20 du projet de loi sollicite une habilitation, sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, pour « améliorer, par la voie du concours (...), le recrutement des greffiers ».

III - La position de votre commission

D'une part, tout en approuvant l'objectif de mise à disposition des données du registre du commerce et des sociétés (RCS) gratuitement, dans une logique d'ouverture des données publiques en vue de leur réutilisation, votre commission a considéré qu'il n'était pas pertinent d'en confier la responsabilité opérationnelle à l'Institut national de la propriété industrielle (INPI). En effet, depuis l'accord conclu en 2009 avec le groupement d'intérêt économique (GIE) Infogreffe, créé par les greffiers des tribunaux de commerce, chargés de la tenue du RCS, l'INPI s'est désengagé de la gestion technique effective du registre national du commerce et des sociétés (RNCS).

Dans ces conditions, votre commission a adopté, à l'initiative de son rapporteur, un amendement visant à confier au conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, instance créée par la loi, la mission de diffusion gratuite, à ses frais, des données publiques du RCS, laquelle pourra être mise en oeuvre par le GIE Infogreffe. Elle a également adopté un amendement visant à retirer à l'INPI sa mission de centralisation du RCS.

D'autre part, si les dysfonctionnements récurrents du RCS dans les départements d'outre-mer, tenu par les greffes publics des tribunaux mixtes de commerce (TMC), préoccupent depuis longtemps le législateur, votre commission considère que confier la gestion matérielle du RCS aux chambres de commerce et d'industrie (CCI), même de façon expérimentale, soulève de lourdes questions, tant d'un point de vue pratique et financier que du point de vue des conflits d'intérêts qui pourraient en résulter au sein des CCI.

Souhaitant une solution structurelle allant au-delà du seul plan de redressement mis en place par le ministère de la justice, votre commission a adopté, à l'initiative de son rapporteur, un amendement visant à supprimer la délégation expérimentale du RCS aux CCI et à réaffirmer l'intention du législateur exprimée en 2011 et jamais appliquée, consistant à nommer des greffiers de tribunal de commerce pour assurer le greffe des TMC, avec un niveau de qualité équivalent à celui des greffes métropolitains des tribunaux de commerce.

Votre commission spéciale a adopté cet article ainsi modifié.

Article 20 (art. L. 811-5 et L. 812-3 du code de commerce) - Facilitation des conditions d'accès aux professions d'administrateurs ou de mandataires judiciaires et de greffiers de tribunaux de commerce - Habilitation du Gouvernement à créer, par ordonnance, une profession de commissaire de justice fusionnant les huissiers et les commissaires-priseurs

Objet : le présent article vise d'une part réformer les conditions d'accès aux professions d'administrateur ou de mandataire judiciaire et de greffiers de tribunaux de commerce et, d'autre part, à créer une nouvelle profession de commissaire de justice.

Initialement le projet de loi comportait quatre demandes d'habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires aux réformes proposées.

I - La réforme des conditions d'accès aux professions d'administrateur et de mandataire judiciaires

A. La modification proposée

La première demande d'habilitation concernait, au premier paragraphe, les professions d'administrateur et de mandataire judiciaires. Partant du constat d'un manque de professionnels, alors que leur installation n'est pas réglementée, contrairement à celle des officiers ministériels, le Gouvernement souhaitait répondre aux besoins nombreux des juridictions en matière de procédures collectives en aménageant et en diversifiant les voies d'accès à ces professions.

En effet, les effectifs de ces professions stagnent : on dénombrait 119 administrateurs judiciaires et 306 mandataires judiciaires en 2014, chiffre comparable à ceux des dix dernières années. Leur pyramide des âges vieillit, puisque près des deux tiers ont plus de cinquante ans, la moyenne d'âge s'établissant, selon l'étude d'impact, à 53,5 ans.

Les fonctions d'administrateur ou de mandataire judiciaires ne peuvent être exercées, à titre principal, que par des personnes inscrites sur une liste établie par une commission nationale 190 ( * ) . Pour être inscrit sur cette liste, il faut, d'une part avoir réussi l'examen d'accès au stage professionnel, d'autre part avoir accompli ce stage, d'une durée de trois à six ans, et, enfin, avoir réussi l'examen d'aptitude aux fonctions concernées 191 ( * ) .

Des dispenses peuvent être accordées aux personnes qui remplissent certaines conditions d'expérience professionnelle ou de détention de titres ou de diplômes universitaires : dispense de l'examen d'accès au stage professionnel ; dispense, attribuée par la commission nationale, d'une partie du stage et de tout ou partie de l'examen d'aptitude. Seule la dispense totale de stage est impossible .

En commission spéciale à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a proposé d'introduire directement dans le texte la réforme qu'il envisageait d'adopter par ordonnance. Elle repose sur trois piliers :

- la consécration, au niveau législatif, d'un « diplôme de master en administration et liquidation d'entreprise en difficulté », dont il n'est pas clair, compte tenu de la rédaction retenue, si sa détention pourrait permettre ou non d'être inscrit sur la liste de qualification aux fonctions d'administrateur judiciaire ou de mandataire judiciaire sans avoir à subir l'examen d'accès au stage, ni à accomplir ce stage, ni à réussir l'examen d'aptitude aux professions considérées ;

- la suppression de la compétence de la commission nationale pour délivrer ou non des dispenses de stages ou d'examen d'aptitude ;

- l'instauration d'une possibilité de dispense totale de stage, qui permettrait à certaines personnes, répondant à des conditions de compétence et d'expérience professionnelle fixée, par décret en Conseil d'État, de ne pas avoir à travailler auprès d'un administrateur ou d'un mandataire judiciaire avant de créer leur propre structure.

B. La position de votre commission

Lors des auditions de votre rapporteur, la dispense totale de stage a été fortement critiquée par les représentants du conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires. Ceux-ci ont rappelé l'utilité de ce stage pour se former à la pratique des procédures collectives et les risques qu'il y aurait à confier le sort d'une entreprise, de ses salariés et des créances détenues sur elle à des personnes qui n'auraient pas eu l'occasion de mettre en oeuvre des procédures de liquidation ou de redressement judiciaire.

Votre rapporteur reconnaît l'importance, en cette matière, de l'expérience professionnelle. Il relève aussi que l'installation parfois tardive de certains professionnels n'est pas seulement due à l'exigence du stage, à laquelle beaucoup pourraient satisfaire, mais surtout aux coûts d'association avec des professionnels déjà installés ou aux difficultés de lancement d'une nouvelle structure, lorsque l'on est insuffisamment connu des tribunaux de commerce chargés de désigner les professionnels en charge de chaque dossier.

Pour autant, on peut concevoir que certains praticiens des procédures collectives, comme des experts-comptables ou des avocats spécialisés dans ces contentieux, puissent faire valoir leur expérience professionnelle, si elle est suffisante 192 ( * ) , et être dispensés du stage de trois ans. Votre rapporteur constate d'ailleurs que la loi le prévoit, s'agissant de personnes qui justifient avoir acquis, dans l'Union européenne, une qualification suffisante pour l'exercice de ces professions 193 ( * ) .

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a toutefois rétabli, par amendement , la compétence de la commission nationale pour décider de l'octroi ou non d'une dispense du stage professionnel ou de la réussite à l'examen d'aptitude. La possibilité d'une dispense totale du stage serait ainsi conservée, mais la commission nationale serait chargée de s'assurer que l'expérience professionnelle de l'intéressé est suffisante.

Un second amendement adopté par votre commission précise par ailleurs que la détention du diplôme de master en administration et liquidation des entreprises 194 ( * ) dispense seulement de l'examen du stage. Il lève ainsi une ambiguïté rédactionnelle, qui pouvait faire croire que ce diplôme pourrait aussi dispenser de l'accomplissement du stage professionnel et de la réussite à l'examen d'aptitude.

II - La création d'une profession de commissaire de justice et la réforme des ventes judiciaires

A. La modification proposée

Le projet de loi comportait initialement deux demandes d'habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires pour réformer les ventes judiciaires et créer une profession de commissaire de justice à partir des trois professions de commissaire-priseur judiciaire, d'huissier de justice et de mandataire judiciaire.

Ces deux réformes trouvent leur origine dans une inspiration commune : plusieurs professions interviennent, à divers titres, pour effectuer les mêmes opérations de liquidation ou de vente et il convient de simplifier l'organisation actuelle, afin de limiter les conflits possibles et les incertitudes suscitées par cette complexité.

Tel était notamment le constat établi par la commission présidée par Jean-Michel Darrois en 2009 195 ( * ) , qui a notamment recommandé la création d'une profession unique de l'exécution des décisions de justice. Celle-ci aurait regroupé les commissaires-priseurs judiciaires, chargés des ventes judiciaires, les huissiers de justice, chargés des significations et du recouvrement amiable ou judiciaire, et les mandataires de justice, chargés, dans les liquidations judiciaires, de représenter l'intérêt collectif des créanciers, de procéder à la réalisation de l'actif et d'en répartir le produit entre les créanciers.

Le Gouvernement a repris cette idée en proposant la création d'une profession de commissaire de justice issu de la fusion des trois professions précitées.

À l'initiative de ses rapporteurs, la commission spéciale de l'Assemblée nationale a cependant exclu les mandataires judiciaires du périmètre de cette nouvelle profession. En effet, à la différence des commissaires-priseurs judiciaires et des huissiers de justice, ces professionnels ne procèdent eux-mêmes à aucun acte d'exécution forcée. Dépourvus de clientèle, ils n'agissent que sur mandat de justice. En outre, ils ne sont ni officiers publics, ni officiers ministériels. Enfin, les confondre avec les deux autres, dans une même profession, aurait conduit à des conflits d'intérêts majeurs, puisqu'un même commissaire de justice, mandaté par la juridiction pour représenter les créanciers aurait pu faire procéder à l'exécution forcée du recouvrement qu'il aurait ordonné.

La commission spéciale de l'Assemblée nationale a par ailleurs précisé le champ de l'habilitation en imposant que la fusion soit opérée progressivement et qu'elle prenne en compte les incompatibilités et les risques de conflits d'intérêts propres à l'exercice des missions de chaque profession concernée.

La seconde habilitation demandée par le Gouvernement concernait la clarification des ventes judiciaires de meubles, qui peuvent aujourd'hui être pratiquées à titre accessoire ou principal par cinq professions : les commissaires-priseurs judiciaires, les huissiers de justice, les notaires, les greffiers de tribunaux de commerce et les courtiers de marchandise assermentés. Cette clarification se serait accompagnée de la création d'une liste des professionnels compétents, destinée à l'information du public
- cette dernière disposition relevant, manifestement, du pouvoir réglementaire.

Dès le stade de la commission spéciale, le Gouvernement a déposé un amendement 196 ( * ) supprimant cette seconde habilitation, au motif que la création du commissaire de justice satisferait suffisamment l'objectif de clarification poursuivi.

B. La position de votre commission

Votre rapporteur constate que le projet de création d'une profession de commissaire de justice ne fait pas l'unanimité au sein des professions concernées par la fusion.

Lors de son audition par votre rapporteur, le président de la chambre nationale des huissiers de justice, M. Patrick Sannino en a largement défendu le principe. En revanche, la chambre des huissiers de justice de Paris a fait connaître à votre rapporteur son opposition à ce projet.

Les représentants de la chambre nationale des commissaires-priseurs judiciaires ont, eux aussi, marqué leur vive opposition à cette réforme, estimant que les deux métiers étaient trop différents pour être confondus. Ils ont notamment souligné combien le coeur de leur pratique était l'évaluation des biens, qui suppose une formation initiale particulière et un exercice régulier.

Votre rapporteur constate toutefois que la fusion en une profession n'interdira pas une spécialisation d'exercice. Surtout, la réforme vise à remédier à l'imparfaite couverture du territoire en offices de commissaires-priseurs judiciaires, qui conduit les huissiers de justice à assumer leur mission de vente judiciaire, lorsque ceux-ci ne sont pas en mesure de le faire. En ce sens, elle est justifiée. L'essentiel est de garantir qu'elle ne portera pas atteinte à la qualité des prestations assurées.

C'est pourquoi, tout en proposant à votre commission de retenir le principe d'une profession unique, votre rapporteur a soumis à son approbation un amendement précisant que les exigences de qualification aujourd'hui propres à chaque profession devront être préservées : ainsi un membre de cette future profession ne pourra réaliser des prestations propres aux commissaires-priseurs qu'à la condition qu'il ait, par exemple, suivi une formation en art qui lui permette d'évaluer correctement les objets qui lui sont remis pour une vente.

Un amendement de notre collègue Jean Desessard et des membres du groupe écologiste, adopté par votre commission, impose par ailleurs la prise compte, par l'ordonnance, des règles de déontologie de ces professions.

III - La réforme des conditions d'accès à la profession de greffiers de tribunaux de commerce

A. La modification proposée

Par rapport aux autres professions d'officiers publics ou ministériels, l'accès à celle de greffier de tribunal de commerce présente une particularité : les contraintes liées à l'exercice par le titulaire de son droit de présentation ne sont pas contrebalancées par la possibilité pour les nouveaux entrants de s'installer dans un office nouvellement créé.

En effet, le nombre de greffes de tribunaux de commerce est, par définition, le même que celui des tribunaux de commerce, et il n'est pas envisageable d'en créer un supplémentaire, sauf cas exceptionnels 197 ( * ) .

Ce faisant, en dehors du salariat, la seule voie d'accès à cette profession est d'être présenté par le titulaire ou les associés en poste. Il en résulte une circulation des offices entre parents et enfants ou au sein d'une même famille plus importante que dans d'autres professions 198 ( * ) .

En sollicitant, au présent article une habilitation à prendre les mesures requises par ordonnance, le Gouvernement souhaite promouvoir une voie d'accès à cette profession plus méritocratique, fondée sur un concours. À l'issue de ce dernier, les candidats seraient classés par ordre de mérite afin de succéder au titulaire.

Le texte de l'habilitation demandée précise qu'il appartiendra au Gouvernement de fixer les conditions financières de cette mesure. En effet, la procédure de concours restreindra la liberté d'exercice par le titulaire de l'office, de son droit de présentation. Or, le choix de ce dernier peut être déterminé, sous le contrôle de la Chancellerie, par l'offre financière que lui propose chaque candidat. S'il lui est fait obligation de choisir le premier du concours, sa marge de négociation sur le prix qui lui sera payé est réduite à néant. Il est donc nécessaire de prévoir de quelle manière sera fixé le prix de revente du droit de présentation au premier du classement, afin que le titulaire ou les associés ne soient pas lésés.

B. La position de votre commission

Le dispositif proposé paraît opportun. En outre, dans la mesure où il prévoit les conséquences financières de la création d'un concours, il respecte les droits des greffiers en place.

Votre commission spéciale a adopté cet article ainsi modifié.

Article 20 bis (art. 22 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable) - Extension du périmètre des activités exercées, à titre accessoire, par les experts-comptables

Objet : le présent article vise à étendre le champ des activités que les experts-comptables peuvent effectuer à titre accessoire, sans qu'elles se rattachent par ailleurs à une mission comptable qui leur soit assignée.

I - La modification proposée

Introduit à l'initiative du Gouvernement en commission spéciale à l'Assemblée nationale, le présent article visait initialement à supprimer la règle dite du « double accessoire » à laquelle les experts-comptables sont aujourd'hui soumis pour toutes leurs activités autres que comptables.

Cette règle du  « double accessoire » est édictée à l'article 22 de l'ordonnance du 19 septembre 1945 199 ( * ) . Elle vise à autoriser ces professionnels à effectuer des consultations, des études ou des travaux pour des clients sous une double réserve :

- ces activités doivent demeurer accessoires dans leur chiffre d'affaires ;

- elles ne doivent intervenir qu'à l'occasion d'une mission principale d'ordre comptable effectuée pour les mêmes clients qui sollicitent ces activités, ou être directement liées à l'accomplissement de cette mission.

L'amendement adopté par la commission spéciale avait supprimé la seconde réserve pour tous les travaux, avis ou études d'ordre statistique, économique, administratif, social et fiscal. Il l'avait en revanche maintenue pour les consultations, études et travaux d'ordre juridique, ainsi que pour la rédaction d'actes sous seing privé.

Une opposition très vive s'est manifestée contre cet amendement. Les représentants du conseil national des barreaux ont estimé qu'il était porté atteinte à la frontière qui sépare les activités du chiffre et celles du droit, et qu'une concurrence inopportune était alimentée entre ces professions.

Le Gouvernement en a tenu compte et proposé un amendement en séance publique, adopté par les députés, qui a précisé que les travaux et études accomplis hors de toute mission comptable ne pourront être d'ordre juridique.

II - La position de votre commission

Votre commission spéciale a jugé nécessaire de lever toute ambiguïté sur le dispositif proposé et de maintenir les périmètres actuels de compétence entre les différentes professions du chiffre et du droit , s'agissant des questions juridiques.

Interrogés par votre rapporteur lors de leur audition, les représentants du conseil supérieur des experts-comptables ont d'ailleurs déclaré souhaiter seulement s'assurer de pouvoir réaliser des études ou des travaux non juridiques indépendamment de toute prestation comptable.

Votre rapporteur rappelle que cette demande avait d'ores et déjà été satisfaite, il y a quatre ans 200 ( * ) , s'agissant des missions d'assistance pour les démarches déclaratives à finalité fiscale, sociale ou administrative. Il s'agissait alors d'autoriser les cabinets d'experts comptables à établir les fiches de paie ou les déclarations d'impôts d'entreprises dont ils ne géraient pas forcément les comptes.

En outre, il observe qu'il peut être difficile de distinguer ce qui, dans une consultation d'ordre fiscal ou social relève ou non du juridique, puisqu'il s'agit, à chaque fois, d'examiner ce que permet ou interdit le droit. À l'inverse, il est évident que les prestations d'ordre statistique, économique ou administratif ne concernent pas les autres professions du droit.

C'est pourquoi, il a proposé à votre commission un amendement qui distingue entre les prestations d'ordre statistique, économique et administratif et celles d'ordre juridique, fiscal et social. Les premières pourraient être effectuées indépendamment de toute mission comptable, à la différence des secondes, qui resteraient soumises au droit actuel.

Votre commission spéciale a adopté cet article ainsi modifié.

Article 20 ter (art. 1er bis AA [nouveau] de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers, art. 1er bis de l'ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat, art. 1 bis [nouveau] de l'ordonnance n° 45-2593 relative au statut des commissaires-priseurs, art. 7, 8 et 87 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, art. 3-2 [nouveau] de l'ordonnance du 10 septembre 1817 qui réunit, sous la dénomination d'Ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, l'ordre des avocats aux conseils et le collège des avocats à la Cour de cassation, fixe irrévocablement, le nombre des titulaires, et contient des dispositions pour la discipline intérieure de l'Ordre, art. L  811-7 et L. 812-5 du code de commerce et art. L. 1242-2 et L. 1251-6 du code du travail) - Possibilité pour les professions judiciaires et juridiques réglementées d'exercer sous quelque forme juridique que ce soit, qui ne leur confère pas la qualité de commerçant et qui soit compatible avec leurs obligations déontologiques

Objet : le présent article vise à autoriser l'exercice libéral du droit sous quelque forme juridique que ce soit, sauf celles qui confèrent à leurs associés la qualité de commerçant (sociétés en nom collectif ou sociétés en commandite).

Cet article est le premier d'un trio (article 20 ter , article 21 et article 22) qui ont pour objet commun d'assouplir les règles relatives à l'exercice en société des professions du droit et de faciliter le recours à l'interprofessionnalité capitalistique en supprimant certaines des garanties aujourd'hui prévues : l'article 20 ter autorise le recours à n'importe quelle forme juridique, l'article 21 prévoit la création, par ordonnance, d'une société d'exercice libéral multiprofessionnelle et l'article 22 réforme le régime actuel de la société d'exercice libéral et celui des sociétés de participations financières de profession libérale.

Les formes juridiques d'exercice
des professions juridiques et judiciaires réglementées

Les professionnels du droit peuvent exercer soit à titre individuel, soit en société. En dehors de l'association, parfois utilisée par les avocats, deux types de structures s'offrent aux professionnels du droit pour pratiquer collectivement leur activité : la société civile professionnelle et la société d'exercice libéral. Un troisième type de structure a été créé au début des années 2000 afin de favoriser le rapprochement capitalistique des structures : les sociétés de participation financière de professions libérales (SPFPL).

1. Les sociétés civiles professionnelles (SCP)

Régies par les lois n° 66-879 du 29 novembre 1966 et n° 90-1258 du 31 décembre 1990, les SCP se définissent comme des personnes morales, constituées entre des personnes physiques exerçant une profession libérale soumise à un statut réglementé ou dont le titre est protégé. Le plus souvent, leur objet social est l'exercice collectif de la profession commune à tous ses membres. Par exception, il peut se limiter à la seule mise en commun de moyens (on la désigne alors comme une « société de moyens »).

À l'exception des sociétés d'architecte, les SCP sont toutes des sociétés mono-professionnelles 201 ( * ) .

Leur régime juridique se caractérise par la responsabilité indéfinie et solidaire de chaque associé aux dettes de la société. Inversement, la société est tenue solidairement aux dettes contractées par un associé dans le cadre de son activité.

Une SCP ne peut faire l'objet de financements extérieurs. Ceci limite les possibilités d'investissement, puisque toute augmentation de capital doit être le fait d'un associé. En outre, les cessions de parts sociales à un tiers sont soumises à des règles strictes, destinées à protéger les intérêts des associés restants : le cessionnaire doit être agréé par des associés représentants les trois quarts. En cas de refus persistant, le cédant peut obtenir de la société le rachat de ses parts à un prix fixé amiablement ou par expert.

Dès 1966 a été discutée l'opportunité d'ouvrir aux professions libérales les formes de sociétés commerciales, afin de limiter leur exposition personnelle aux dettes de la société, de faciliter la transmission des parts sociales et de favoriser le développement capitalistique de ces structures. Des préoccupations liées à la déontologie de certaines des professions concernées (en particulier celles du droit), ainsi qu'à la nécessité de préserver l'indépendance qui caractérise l'activité libérale ont conduit à concevoir un objet juridique intermédiaire entre ces sociétés commerciales et les SCP : les sociétés d'exercice libéral.

2. Les sociétés d'exercice libéral (SEL) en matière juridique

Les SEL, constituées pour l'exercice d'une profession libérale réglementée ou dont le titre est protégé, peuvent emprunter quatre formes juridiques calquées sur celles de sociétés commerciales : la société à responsabilité limitée (SELARL), la société anonyme (SELAFA), la société par actions simplifiée (SELAS) et la société en commandite par actions (SELCA).

Sauf disposition contraire de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 ou des décrets dérogatoires qu'elle a prévus, le régime juridique d'une SEL est celui de la société commerciale à laquelle elle correspond.

L'article 1 er de ladite loi évoque la possibilité de SEL multiprofessionnelles. Toutefois, les décrets qui auraient dû être pris en ce sens ne l'ont jamais été. Les SEL sont donc exclusivement monoprofessionnelles.

La loi du 31 décembre 1990 définit un certain nombre de garanties, dérogatoires au droit des sociétés commerciales, afin d'assurer l'indépendance d'exercice des professions en cause et d'éviter qu'elles puissent être soumises au contrôle de tiers.

Ces garanties se déclinent en quatre types principaux :


Garanties sur la détention majoritaire du capital et des droits de vote

L'article 5 de la loi précitée exige que plus de la moitié du capital social et des droits de vote soit détenue par des professionnels en exercice dans la SEL, soit directement, soit indirectement, par une SPFPL ou une société en participation.

Par dérogation (art. 5-1), plus de la moitié du seul capital social peut être détenue par des personnes physiques ou morales qui exercent la même profession que celle de la SEL, mais dans une autre structure. Ceci vaut aussi pour une SPFPL, mais à la condition que la majorité du capital social et des droits de vote de cette SPFPL soit détenue par des professionnels exerçant la même profession que la SEL.

Cette double garantie sur le capital social et, surtout, sur les droits de vote vise à assurer que les décisions stratégiques sur la SEL et celles relatives aux conditions d'exercice de la profession, seront bien prises par les principaux intéressés, c'est-à-dire, les professionnels qui y travaillent.


Garanties sur la détention minoritaire du capital social

L'article 5 limite les personnes susceptibles d'être actionnaires minoritaires d'une SEL. Il s'agit d'éviter l'intrusion de tiers, étrangers à l'exercice de la profession en cause.

Peuvent ainsi seuls être actionnaires minoritaires les professionnels exerçant la même profession que la SEL, mais en dehors de celle-ci, les anciens associés de la SEL ou leurs ayants droit (mais pendant une durée limitée), des SPFPL ou des SEP et d'autres professionnels intervenant aussi dans le domaine du droit 202 ( * ) . Ceci permet donc à des avocats d'être actionnaires minoritaires d'une SEL de notaires.

Une personne frappée d'une interdiction d'exercice ne peut pas détenir de parts d'une SEL exerçant la même profession.


Garantie sur la composition des organes dirigeants et celles du conseil d'administration et du conseil de surveillance

Afin de garantir un contrôle effectif de la part des associés exerçant dans la société, l'article 12 de la loi du 31 décembre 1990 précitée impose que leurs soient attribués tous les postes dirigeants ainsi qu'au moins les 2/3 des postes de membres du conseil d'administration et du conseil de surveillance.

En outre, par exception au droit commun des sociétés, toute convention passée par les dirigeants et la société est exclusivement soumise au vote des associés en exercice dans ladite société lorsqu'elle porte sur les conditions dans lesquelles ils exercent leur profession.

Dans le même ordre d'idée, l'article 10 soumet la cession à un tiers de parts d'une SELARL à l'approbation des ¾ des seuls associés en exercice dans la société (des 2/3 pour une SELAFA).


Garanties propres aux contrôles du ministre de la justice et des ordres professionnels

L'article 3 soumet les SEL à un double agrément pour l'exercice de leur profession : celui de l'ordre professionnel correspondant, auquel elles doivent se déclarer, et celui du ministre de la justice, pour les offices publics ou ministériels.

L'article 10 prévoit qu'un décret en Conseil d'État fixe les conditions dans lesquelles le ministre de la justice donne son agrément à la cession de parts d'une SEL, au retrait du cédant et à la nomination du cessionnaire qui lui succède. Ce dispositif permet de maintenir un contrôle de l'autorité publique sur la transmission des offices ministériels.


Garanties diverses

Enfin, dans le souci d'éviter que les règles puissent être tournées, par l'utilisation de certaines facilités du droit des sociétés, les articles 8 à 12 interdisent le recours à certaines d'entre elles (prohibition des actions à vote double, qui sont seules accessibles aux professionnels en exercice dans la société, interdiction de la détention, par ces derniers, d'actions sans droit de vote et interdiction, d'une manière générale des actions de préférence faisant obstacle aux règles de majorité et d'exercice des fonctions dirigeantes de la loi du 31 décembre 1990).

3. Les sociétés de participations financières de professions libérales (SPFPL)

Ces sociétés, créées par la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier (MURCEF) sont des holdings , constituées sous forme de société commerciale, ayant pour objet la détention de parts ou d'actions de SEL relevant toutes de la même profession (SPFPL monoprofessionnelles, art. 31-1 de la loi du 31 décembre 1990) ou de professions différentes (SPFPL multiprofessionnelle, art. 31-2). Ces sociétés peuvent aussi détenir des participations dans tout groupement de droit étranger consacré à l'exercice d'une ou de plusieurs de ces professions. Enfin, elles peuvent avoir des activités accessoires en relation directe avec leur objet et destinées exclusivement aux sociétés dont elles détiennent des participations. Il s'agit principalement de fonctions support.

Les SPFPL connaissent le même type de garanties que les SEL, s'agissant des actionnaires majoritaires ou des actionnaires minoritaires. Mais celles-ci s'appliquent, non à des professionnels en exercice dans la société (par définition, la SPFPL n'est pas une société d'exercice professionnel), mais à des professionnels exerçant la ou les mêmes professions que celles des SEL détenues.

En revanche, la garantie relative à la détention des postes de dirigeants ou de membres du conseil d'administration ou de surveillance s'applique elle aussi, comme pour les SEL, aux professionnels en exercice dans la société détenue. Ceci garantit qu'ils conservent la maîtrise des décisions relatives à l'organisation du travail dans la SEL.

En outre, les SPFPL ne peuvent être détenues par des SPFPL ou des SEP.

Les SPFPL multiprofessionnelles présentent deux particularités :

- elles ne concernent, parmi les professions juridiques, que celles d'avocat, de notaire, d'huissier et de commissaire-priseur judiciaire, et, parmi les professions techniques, celles d'expert-comptable, de commissaire aux comptes et de conseillers en propriété industrielle ;

- elles ne peuvent détenir la majorité des parts d'une SEL que si elles-mêmes sont détenues à majorité par des professionnels exerçant la même activité que celle de la SEL. Cette restriction, prévue à l'article 6 est importante, puisqu'elle interdit qu'une SPFPL soit majoritaire dans plus d'un type professionnel de SEL.

Source : commission spéciale du Sénat

I -  La modification proposée

Introduit à l'initiative des rapporteurs de la commission spéciale de l'Assemblée nationale, le présent article procède à certaines des modifications que le Gouvernement entendait opérer par ordonnance, conformément à l'habilitation qu'il sollicitait au 4° de l'article 21.

Il s'agissait, pour le Gouvernement de permettre le recours à toute forme juridique, à l'exclusion de celle conférant la qualité de commerçant à leurs associés, pour l'exercice des professions d'avocat, de notaire, d'huissier de justice, de commissaire-priseur judiciaire, d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire. Le texte de l'habilitation demandée précisait que la répartition du capital et des droits de vote devrait être soumise à des conditions assurant le respect des règles déontologiques propres à chaque profession.

Le texte proposé par les rapporteurs de la commission spéciale décline, profession par profession (un amendement en séance publique y a ajouté celle d'avocat aux conseils) 203 ( * ) , la possibilité de recourir à toute forme juridique pour l'exercice de l'activité en cause, en y apportant seulement deux garanties :

- la majorité des droits de vote et du capital social devrait être détenue, non pas par des membres ou des sociétés exerçant la même profession, mais par toute personne physique ou morale appartenant à l'une quelconque des professions juridiques ou judiciaires réglementées ;

- un décret en Conseil d'État serait chargé de déterminer les conditions d'application du présent dispositif, « dans le respect des règles de déontologie applicables à chaque profession ».

Le présent article reconnaît par ailleurs aux personnes physiques ou morales exerçant légalement une profession juridique ou judiciaire dans un État membre de l'Union européenne ou dans un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou dans la Confédération suisse, les mêmes prérogatives qu'à un professionnel établi en France.

II - La position de votre commission

Votre commission estime que le présent article, comme l'article 22, soulève de sérieuses difficultés.

• Une opportunité de la mesure qui n'est pas assurée

En effet, l'étude d'impact, très lacunaire, ne produit aucun élément concret sur les problèmes que la législation actuelle poserait aux professions du droit. Elle se limite à souligner que « les aménagements proposés présenteront des avantages économiques (investissements, création sociétés et emplois - sic ), en tant que les professionnels disposeraient d'une plus grande latitude pour choisir la forme juridique qui s'adapte le mieux à leur activité [... et qu'ils] permettront de faciliter la constitution de réseaux transeuropéens » 204 ( * ) .

Les rapporteurs de la commission spéciale de l'Assemblée nationale ont, pour leur part, fait valoir que « les entrepreneurs qui choisissent un statut juridique le font selon des critères de simplicité, de protection juridique et de fiscalité. Le choix du statut a un impact non seulement sur l'objet mais également sur les charges fiscales et sociales auxquelles l'activité est soumise ».

Ces constats , dont leurs auteurs déduisent la nécessité de réformer entièrement le droit applicable aujourd'hui, ne peuvent être accueillis sans réserve . En effet, votre rapporteur rappelle que, parmi les formes de sociétés aujourd'hui ouvertes aux professionnels du droit, comptent les différentes déclinaisons des sociétés d'exercice libéral (SELAS, SELAFA, SELARL, SELCA). Or, celles-ci ne diffèrent des autres formes de sociétés commerciales que par les règles de détention capitalistique et d'attribution des postes dirigeants. Leur régime fiscal ou social est en tout point identique à celui des sociétés commerciales.

Certes les contraintes relatives à la détention du capital et des droits de vote peuvent constituer un frein à la prise de participation par d'autres sociétés, puisque celles-ci ne pourront pas toujours prendre le contrôle de l'entité en cause. Mais votre rapporteur souligne que ce frein, voulu par le législateur, est justement destiné à garantir aux professionnels concernés une indépendance consubstantielle à leur activité.

Surtout, l'argument relatif à l'urgence de favoriser les prises de participation dans ces sociétés repose sur une prémisse contestable : les professions du droit auraient besoin d'importants investissements. Il faut, à cet égard, rappeler que parmi toutes les professions libérales, les professions du droit sont loin d'être celles qui requièrent les investissements les plus considérables : nombre de professions médicales et de même de professions techniques (comme les architectes) sont plus dépendantes, pour leur croissance, de tels investissements. On peut dès lors s'étonner qu'on choisisse de déréguler par priorité les professions du droit .

• Une réduction contestable des garanties offertes aux professions du droit...

Si, compte tenu des exigences européennes relatives à la liberté de circulation des capitaux et à la liberté d'établissement, l'ouverture du capital des sociétés d'exercice du droit à des professionnels ou des sociétés européennes n'est pas contestable, le choix de considérablement réduire le niveau de garanties offert aux praticiens du droit, en France, l'est beaucoup plus.

Comme on l'a vu précédemment 205 ( * ) , le système actuellement en vigueur repose sur une double exigence : assurer aux professionnels en exercice dans la société la maîtrise des conditions de leur exercice professionnel et soustraire leur activité à l'influence déterminante de tiers extérieurs à leur profession.

Or, le présent article remet en cause ces principes, puisqu'il autorisera, par exemple, la détention de sociétés d'avocats par des notaires, ou celle de sociétés d'huissiers de justice par des avocats. Les associés minoritaires de ces sociétés, ou les professionnels en exercice au sein de celles-ci seraient donc privés de la maîtrise de leurs conditions de travail.

En outre, compte tenu du champ d'application retenu, on peut craindre que les sociétés concernées soient structurellement confrontées à des conflits d'intérêts récurrents : une société d'administrateurs judiciaires pourrait-elle être détenue par des mandataires judiciaires, alors que la loi de 1985, en séparant ces deux activités avait entendu mettre fin à de tels conflits d'intérêts ? Une société d'avocat pourrait-elle posséder une société d'avocats aux conseils sans que se pose la question du suivi de la clientèle de la première par la seconde, jusqu'en cassation ?

La seconde garantie prévue par le présent article ne paraît pas à la hauteur des difficultés soulevées, pour deux raisons.

En premier lieu, le renvoi à un décret en Conseil d'État d'une question aussi essentielle que la prévention des problèmes déontologiques, pose problème. Votre rapporteur s'interroge à cet égard sur le risque qu'un tel renvoi soit constitutif d'un cas d'incompétence négative, constitutionnellement sanctionné.

En second lieu, s'il s'agit de reproduire, dans un texte réglementaire, des dispositions analogues à celles aujourd'hui prévues par la loi, l'étape n'est pas nécessaire et il serait préférable de conserver les textes actuels.

• ... difficilement justifiable au regard de garanties dont bénéficient les professions du chiffre

Votre rapporteur observe par ailleurs une différence de traitement entre les professions du droit et celles du chiffre.

En effet, si les experts-comptables et les commissaires aux comptes peuvent recourir à tous les types de forme juridique possibles, à l'exclusion de ceux qui confèrent la qualité de commerçant à leurs associés, les garanties d'indépendance qui leur sont attribuées sont bien supérieures à celles que prévoit le présent article.

Ainsi, l'article 7 de l'ordonnance statutaire des experts comptables 206 ( * ) prévoit que les deux tiers des droits de vote d'une société d'expertise comptable doivent être détenus par des experts comptables ou d'autres sociétés d'expertise comptable. En outre, il est interdit à tout autre personne de détenir, directement ou indirectement, une partie des droits de vote de nature à mettre en péril l'exercice de la profession, l'indépendance des intéressés ou le respect par ces derniers des règles inhérentes à leur statut ou à leur déontologie. Afin de garantir un contrôle ordinal efficace, la société est aussi tenue d'adresser annuellement au conseil de l'ordre dont elle dépend une liste de ses associés, ainsi que toute modification apportée à celle-ci.

Les règles applicables aux commissaires aux comptes sont encore plus rigoureuses : non seulement les trois quarts des droits de vote doivent être détenus par des commissaires aux comptes ou des sociétés exerçant cette profession, mais, lorsqu'une société en détient une autre, les actionnaires minoritaires ne peuvent détenir plus du quart des droits de vote des deux sociétés. Par ailleurs, les dirigeants de la société, ainsi que les trois quarts des membres des organes de gestion, d'administration, de direction ou de surveillance doivent être des commissaires aux comptes 207 ( * ) .

La différence de traitement entre les professions du chiffre et celles du droit que crée le présent article en autorisant, pour les secondes, une détention majoritaire par une autre profession de droit, ne paraît pas justifiée, alors que l'indépendance d'officiers publics ou ministériels ou celle d'auxiliaires de justice est aussi importante pour la sécurité juridique et la protection de nos concitoyens que celle des professionnels du chiffre.

Après en avoir débattu, votre commission a estimé, avec son rapporteur, que si une évolution des formes juridiques d'exercice des professions du droit était envisageable, faute d'un niveau de garanties suffisant, le texte proposé ne pouvait être retenu. Elle a par conséquent adopté les amendements de suppression déposés par le rapporteur, ainsi que par Mme Cécile Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Votre commission spéciale a supprimé cet article.

Article 20 quater - Habilitation en vue de permettre la désignation d'huissiers de justice et de commissaires-priseurs judiciaires pour exercer, à titre habituel, certaines fonctions de mandataire judiciaire

Objet : cet article tend à habiliter le Gouvernement en vue de permettre la désignation des huissiers de justice et des commissaires- priseurs judiciaires pour exercer, à titre habituel, les fonctions de mandataire judiciaire dans les petites liquidations judiciaires sans salarié et dans les procédures de rétablissement personnel.

I - Les règles de désignation des mandataires judiciaires par le tribunal

Dans le jugement d'ouverture d'une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, le tribunal désigne en principe un administrateur et un mandataire judiciaire. Dans le jugement d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, il désigne un mandataire judiciaire, en qualité de liquidateur de l'entreprise, et dans certains cas un administrateur judiciaire.

Selon l'article L. 812-2 du code de commerce, le tribunal peut choisir le mandataire judiciaire sur la liste des mandataires judiciaires établie par la commission nationale d'inscription et de discipline, laquelle inscrit sur cette liste les personnes ayant satisfait aux règles d'accès à la profession (condition de nationalité et de probité, diplôme, examen d'accès au stage professionnel, stage de trois à six ans et examen d'aptitude), ou bien désigner « une personne physique justifiant d'une expérience ou d'une qualification particulière au regard de la nature de l'affaire et remplissant » les conditions de nationalité et de probité des mandataires judiciaires, après avis du parquet 208 ( * ) . Dans ce second cas, sont prévues des règles de prévention des conflits d'intérêts pour le professionnel concerné. Celui-ci doit respecter les règles applicables à la profession de mandataire judiciaire. En outre, la personne ainsi désignée à titre dérogatoire « ne peu[t] exercer les fonctions de mandataire judiciaire à titre habituel ».

Cette procédure dérogatoire permet ainsi, en principe, de désigner un huissier de justice, un commissaire-priseur judiciaire ou encore tout autre professionnel susceptible de présenter les qualifications requises.

Cependant, selon les représentants des tribunaux de commerce entendus par votre rapporteur, il est extrêmement rare que soit désigné un professionnel qui n'est pas mandataire judiciaire pour exercer les fonctions de mandataire judiciaire. Cette situation s'expliquerait par le fait qu'aucun autre professionnel qu'un mandataire judiciaire ne disposerait, en pratique, des compétences et de l'expérience requises pour exercer de façon efficace ces fonctions, alliant droit et chiffre : compétence en droit, notamment en droit du travail, en droit des procédures collectives et en droit commercial, et compétence en gestion et comptabilité. Cette situation s'expliquerait aussi par le fait que la responsabilité professionnelle d'un mandataire judiciaire étant souvent très importante, au vu des sommes manipulées, il est astreint à une assurance professionnelle bien plus lourde que la plupart des autres professions réglementées, qui ne disposent pas d'un tel niveau de garantie en cas de sinistre professionnel.

II - La finalité de l'habilitation sollicitée par le Gouvernement

Après que la commission spéciale de l'Assemblée nationale a sorti la profession de mandataire judiciaire de l'habilitation visant, à l'article 20 du projet de loi, à créer une nouvelle profession de commissaire de justice avec les professions d'huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire, en raison de ses spécificités, l'Assemblée nationale, en séance, a introduit le présent article 20 quater , à l'initiative du Gouvernement, dont l'amendement a été assorti d'un sous-amendement émanant de la commission.

L'article 20 quater , dans ses dispositions résultant de l'amendement du Gouvernement, sollicite une habilitation, sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, en vue d'ouvrir la possibilité pour le tribunal de désigner des huissiers de justice et commissaires-priseurs judiciaires pour exercer « à titre habituel » certaines fonctions de mandataire judiciaire . Cette ordonnance devrait également prévoir les modalités de rémunération de ces fonctions ainsi que l'adaptation des règles applicables aux mandataires judiciaires pour la discipline, le contrôle, la comptabilité et la représentation des fonds.

De plus, l'article 20 quater , dans ses dispositions résultant du sous-amendement de la commission, vise les fonctions de mandataire judiciaire pour les procédures de liquidation judiciaire ou de rétablissement personnel lorsque le débiteur n'a pas de salarié et que son chiffre d'affaires annuel n'excède pas 100 000 euros , sans préciser s'il est pris en compte hors taxes. Compte tenu des seuils fixés par les articles L. 641-2 et D. 641-10 du code de commerce pour la procédure de liquidation judiciaire simplifiée, obligatoire pour les entreprises ayant au plus un salarié et 300 000 euros de chiffre d'affaires hors taxes, les huissiers et commissaires-priseurs judiciaires ne procéderaient qu'à des liquidations judiciaires simplifiées. Ainsi, le sous-amendement de la commission à l'Assemblée nationale a restreint le champ de l'habilitation sollicitée par le Gouvernement.

Le délai d'habilitation est fixé à dix mois. En vertu de l'article 106 du projet de loi, le projet de loi de ratification de l'ordonnance devra être déposé devant le Parlement dans les cinq mois de la publication de l'ordonnance.

Les deux professions d'huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire sont toutes les deux concernées par la présente habilitation, sans doute en raison de l'habilitation prévue à l'article 20 du projet de loi pour les fusionner dans une seule et nouvelle profession de commissaire de justice . La présente habilitation reprend également une proposition formulée par l'Autorité de la concurrence dans son avis du 9 janvier 2015 209 ( * ) .

Selon les chiffres fournis à votre rapporteur, sur 44 443 liquidations judiciaires ouvertes en 2013, 25 647 liquidations concernaient des entreprises dont le chiffre d'affaires était inférieur à 100 000 euros ou inconnu, avec des salariés ou non. On peut estimer à 20 000 environ le nombre de liquidations chaque année concernant des entreprises sans salarié et ayant réalisé moins de 100 000 euros de chiffre d'affaires. La possibilité de désigner un huissier de justice ou un commissaire-priseur judiciaire concernerait donc près de la moitié des liquidations judiciaires chaque année.

En tout état de cause, votre rapporteur tient à rappeler que, en vertu de l'article L. 812-2 du code de commerce, toutes les fonctions de mandataire judiciaire sont juridiquement ouvertes à un huissier de justice comme à un commissaire-priseur judiciaire, à condition de les exercer à titre non habituel. C'est sur ce dernier point seulement qu'intervient en réalité l'habilitation, en vue de permettre l'exercice à titre habituel , mais pour certaines fonctions de mandataire judiciaire seulement.

Enfin, votre rapporteur relève ce qui semble être une erreur dans la rédaction de l'habilitation, s'agissant de la possibilité d'une désignation pour une procédure de rétablissement personnel. Une telle procédure est en effet prévue en cas de surendettement des particuliers, pour les situations dans lesquelles seul l'effacement des dettes est possible : il ne peut pas y avoir de critères de nombre de salariés ou de chiffre d'affaires, puisqu'il ne s'agit pas d'une procédure concernant les entreprises. Sans doute faut-il comprendre qu'est ici visée la procédure de rétablissement professionnel , instituée par l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives et inspirée de la procédure de rétablissement personnel. Cette procédure très courte permet d'éviter la liquidation judiciaire tout en bénéficiant d'un effacement des dettes, pour un petit entrepreneur de bonne foi en cessation de paiements sans salarié et avec un actif inférieur à 5000 euros. De plus, elle ne dessaisit pas l'entrepreneur, qui peut donc continuer à disposer de ses biens et créer une nouvelle entreprise. En ouvrant la procédure, le tribunal désigne en effet un mandataire judiciaire.

III - Un doute sérieux sur l'utilité et la pertinence de cette habilitation

Si le conseil national des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires a, logiquement, fait part de la forte hostilité de la profession à une telle perspective, les représentants des juges consulaires, interrogés par votre rapporteur sur ce point, ont indiqué qu'il était très peu vraisemblable qu'un tribunal de commerce utilise à l'avenir la faculté de désigner un huissier de justice ou un commissaire-priseur judiciaire pour les liquidations judiciaires modestes, compte tenu des qualifications exigées d'un mandataire.

Dans ces conditions, ouvrir les fonctions de mandataire judiciaire, à titre habituel, aux huissiers de justice et commissaires-priseurs judiciaires paraît voué à l'échec ou, à tout le moins, ne pourrait rencontrer qu'un succès limité. Il semble toutefois à votre rapporteur que, compte tenu des missions des mandataires judiciaires, les effectifs de leur profession mériteraient de progresser, de façon à traiter de façon plus rapide et efficace les liquidations de faible importance.

Dès lors, on ne peut guère imaginer qu'un huissier de justice ou un commissaire-priseur judiciaire puisse tirer une rémunération suffisante de l'exercice « à titre habituel » des fonctions de mandataire judiciaire, a fortiori si sont seules concernées les liquidations judiciaires sans salarié et inférieures à 100 000 euros de chiffre d'affaires, et donc la grande masse des liquidations impécunieuses, ainsi que les procédures de rétablissement professionnel.

Au surplus, entendue par votre rapporteur, la chambre nationale des commissaires-priseurs judiciaires a fait savoir que la profession n'était pas intéressée par les fonctions de mandataires judiciaires pour procéder à de petites liquidations, car elle ne dispose pas des compétences requises. En revanche, la chambre nationale des huissiers de justice a fait connaître son intérêt pour un tel élargissement des compétences de sa profession. Le fait de mêler ces deux professions résulte néanmoins vraisemblablement du projet de création de la profession de commissaire de justice, à l'article 20 du texte.

Outre le peu d'intérêt que cette faculté de désignation rencontrerait auprès des tribunaux, limitant de fait son utilité réelle, plusieurs limites et objections sont également apparues à votre rapporteur, faisant douter de sa pertinence même.

D'une part, alors que les mandataires judiciaires sont désignés pour des mandats de justice uniquement et n'ont pas de clientèle, les huissiers de justice ont une clientèle et peuvent potentiellement se trouver en situation de conflit d'intérêts , entre les intérêts d'un client et les intérêts des créanciers de l'entreprise pour laquelle ils ont reçu un mandat de justice. On ne saurait imaginer, par exemple, un huissier désigné mandataire pour liquider une entreprise pour ou contre laquelle il a cherché à recouvrer une créance.

Quelle serait l'indépendance d'un huissier désigné mandataire pour liquider une entreprise qui est un de ses clients ? Quelle serait sa neutralité dans la représentation de l'intérêt collectif des créanciers, mission première du mandataire, si un des créanciers est un de ses clients ? Le fait que seraient seules concernées de petites liquidations sans salarié ne saurait atténuer ces fortes difficultés de principe, qui vont à l'encontre de l'organisation comme de l'évolution des professions d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire depuis trente ans.

À cet égard, votre rapporteur tient à rappeler qu'un des objectifs de la loi n° 85-99 du 25 janvier 1985 relative aux administrateurs judiciaires, mandataires-liquidateurs et experts en diagnostic d'entreprise, présentée par notre ancien collègue Robert Badinter, alors garde des sceaux, était de mettre un terme aux problèmes récurrents de conflit d'intérêts des anciens syndics de faillite, chargés à la fois de gérer le débiteur et de défendre les intérêts de ses créanciers : il en est résulté la fin de la profession discréditée de syndic et la création des deux professions d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire, incompatibles entre elles et dont le statut comporte des garanties d'indépendance fortes, dans l'intérêt des entreprises en procédure collective.

L'ordonnance devrait donc prévoir des règles très strictes en matière de conflit d'intérêts, et d'autant plus strictes que les fonctions de mandataire seront exercées « à titre habituel ». La gestion concomitante de la clientèle et des mandats de justice sera particulièrement complexe, en particulier dans les petits bassins économiques, sauf à conserver une activité d'huissier très limitée voire résiduelle. Il semblerait dans ce cas étrange à votre rapporteur qu'un huissier de justice soit amené à exercer sa profession d'origine à titre seulement accessoire.

D'autre part, dès lors que seraient concernées les petites liquidations judiciaires, dont les liquidations impécunieuses, votre rapporteur s'interroge sur les modalités de financement de la rémunération d'un huissier de justice ou commissaire-priseur judiciaire pour ces liquidations impécunieuses , c'est-à-dire celles dont le produit de la réalisation des actifs du débiteur ne permet pas au liquidateur d'obtenir une somme d'au moins 1 500 euros hors taxes à titre de rémunération, selon l'article L. 663-3 du code de commerce. Il appartient dans ce cas au tribunal de déclarer le dossier impécunieux, au vu des justificatifs présentés par le liquidateur. Selon les informations fournies à votre rapporteur, on recense de l'ordre de 25 000 procédures impécunieuses par an, à rapporter à 45 000 liquidations judiciaires environ.

Actuellement, un mécanisme de rémunération forfaitaire est prévu pour les dossiers impécunieux 210 ( * ) , en application des articles L. 663-3 et R. 663-41 à R. 663-50 du code de commerce : le tribunal fixe la somme perçue par le liquidateur à la différence entre la rémunération effectivement perçue par le liquidateur et le seuil de 1500 euros précité. Cette somme est versée par le fonds de financement des dossiers impécunieux (FFDI), géré par la Caisse des dépôts et consignations et financé par une quote-part des intérêts servis par la Caisse sur les fonds déposés par les administrateurs et mandataires judiciaires 211 ( * ) , lesquels sont tenus de déposer à la Caisse toute somme perçue dans le cadre des procédures pour lesquelles ils ont été désignés.

Ce mécanisme de financement des dossiers impécunieux fonctionne grâce à un principe de péréquation au sein de la profession. Les procédures qui impliquent un maniement de fonds important permettent de financer les procédures impécunieuses, de façon aujourd'hui équilibrée.

Comme la désignation d'autres professionnels comme mandataire judiciaire est extrêmement peu fréquente et n'est pas réservée aux petites procédures, elle ne pèse pas aujourd'hui sur le FFDI. En revanche, si les huissiers de justice et commissaires-priseurs judiciaires pouvaient exercer à titre habituel les fonctions de liquidateur pour les petites liquidations et donc pour les liquidations impécunieuses - en supposant qu'ils soient désignés - ils bénéficieraient du mécanisme de financement du FFDI, alors qu'ils n'y contribueraient que relativement peu. En tout état de cause, ils devraient être tenus à l'obligation de dépôt des fonds des procédures auprès de la Caisse des dépôts et consignations, ce qui n'est pas le cas pour les fonds de tiers détenus au titre de l'activité d'huissier de justice 212 ( * ) .

Enfin, les huissiers de justice et commissaires-priseurs judiciaires qui souhaiteraient exercer à titre habituel ces fonctions de mandataire judiciaire devraient souscrire des assurances spécifiques pour garantir à un niveau adéquat leur responsabilité professionnelle, quand bien même les dossiers concernés ne représenteraient que des montants limités.

À cet égard, la caisse de garantie des administrateurs et mandataires judiciaires 213 ( * ) ne garantit, en vertu de l'article L. 814-3 du code de commerce, que les seuls professionnels inscrits sur les deux listes des administrateurs et mandataires, qui sont tenus d'adhérer et de cotiser. Cette caisse permet de garantir leur responsabilité civile professionnelle en cas de sinistre. Chaque administrateur et mandataire est également tenu de souscrire une assurance par l'intermédiaire de la caisse, pour couvrir les conséquences pécuniaires de sa responsabilité civile professionnelle, incluant les négligences et fautes de ses salariés. L'article L. 814-5 du code prévoit que les mandataires qui ne sont pas inscrits sur la liste nationale des mandataires judiciaires - cas de figure qui concernerait les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires dans le dispositif prévu par le présent article - doivent justifier de garanties pour le remboursement des fonds et d'une assurance spécifique.

Pour conclure, votre rapporteur s'interroge sur les conditions dans lesquelles huissiers de justice et commissaires-priseurs judiciaires pourraient acquérir les compétences aujourd'hui exigées d'un mandataire judiciaire et dont ils ne disposent pas nécessairement, compte tenu des règles d'accès à leurs professions, quand bien même ne seraient concernées que les petites liquidations judiciaires sans salarié et les procédures de rétablissement professionnel. Certes, ces procédures n'appellent pas a priori de compétence, par exemple, en droit du travail, mais il peut toujours exister un contentieux prud'homal pendant.

IV - La position de votre commission

Votre commission a ainsi considéré que l'habilitation sollicitée par le Gouvernement pour permettre aux huissiers de justice et aux commissaires-priseurs judiciaires d'exercer certaines fonctions de mandataire judiciaire à titre habituel ne se justifiait pas, compte tenu des limites et des nombreuses objections signalées par son rapporteur.

À l'initiative de son rapporteur et de nos collègues Philippe Adnot, Jacques Mézard, Jean-Jacques Hyest, Cécile Cukierman et Jacky Deromedi, elle a donc adopté six amendements en vue de supprimer cette habilitation inutile et non pertinente.

Votre commission spéciale a supprimé cet article.

Article 21 - Habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnance, les mesures nécessaires à la création de sociétés d'exercice libéral multiprofessionnel ainsi qu'à la modernisation des conditions d'exercice de la profession d'expertise comptable

Objet : compte tenu des suppressions intervenues à l'Assemblée nationale, le présent article tend seulement à habiliter le Gouvernement à créer, par ordonnance, des sociétés d'exercice libéral multiprofessionnel et à moderniser les conditions d'exercice de la profession d'expert-comptable.

I - Une habilitation supprimée : celle relative à la création d'un statut d'avocat en entreprise

Initialement, c et article prévoyait aussi deux autres habilitations, l'une pour instituer la profession d'avocat en entreprise, l'autre pour autoriser le recours à toute forme juridique pour l'exercice des professions du droit.

Cette seconde habilitation a, comme on l'a vu, fait l'objet d'une transposition directe, à l'article 20 ter . La première, quant à elle, a été supprimée en commission spéciale à l'Assemblée nationale par plusieurs amendements identiques, proposés par les rapporteurs ainsi que des députés de différents groupes politiques de la majorité et de l'opposition.

La création d'une profession d'avocat en entreprise est l'une des réponses envisageables à une question importante : celle de la confidentialité des échanges entre une entreprise et ceux qui, en son sein, sont chargés de la conseiller juridiquement.

En effet, comme l'ont évoqué, au cours de leur audition par votre rapporteur, les représentants de l'association française des juristes d'entreprise et ceux du conseil national des barreaux, faute d'une telle confidentialité, opposable aux investigations judiciaires, les documents échangés peuvent être saisis dans le cadre d'une procédure engagée en France ou à l'étranger.

Ce risque est conjuré dans d'autres pays soit par le recours à des avocats salariés par l'entreprise, soit par le recours à un privilège de confidentialité. Il conduit en France certains grands groupes à rechercher l'une ou l'autre de ces protections en délocalisant leur direction des affaires juridiques dans un pays qui pratique l'un des deux systèmes, ou en en confiant la direction à un juriste étranger qui bénéficie d'un de ces statuts protégés.

La confidentialité des échanges juridiques au sein d'une entreprise est donc, pour nos sociétés économiques, un enjeu de compétitivité .

Toutefois la solution préconisée par le Gouvernement a fait l'objet d'une vive contestation au motif que l'indépendance qui s'attache à l'exercice de la profession d'avocat serait incompatible avec le lien de subordination indissociable du statut de salarié.

En outre, il a été rappelé que la Cour de justice de l'Union européenne a exclu que le caractère confidentiel des échanges entre un avocat salarié et l'entreprise soit, compte tenu du rapport de subordination qui les lie, opposable aux institutions européennes 214 ( * ) . La Cour a toutefois réservé la possibilité pour chaque État d'en décider autrement, s'agissant de ses procédures internes.

La suppression intervenue à l'Assemblée nationale rend finalement compte, de l'imprécision, à ce stade, de la solution proposée d'un statut « d'avocat en entreprise ». La réflexion doit donc se poursuivre, même si le retard pris est regrettable.

II - La modernisation des conditions d'exercice de la profession d'expert-comptable

L'habilitation initialement prévue visait à étendre le champ des activités effectuées par les experts-comptables dans d'autres domaines que celui des comptes, et indépendamment de toute mission en la matière. Cette habilitation a fait l'objet d'une mesure d'application directe à l'article 20 bis précédemment examiné.

Un amendement des rapporteurs, adopté en commission spéciale, y a substitué une nouvelle habilitation pour, d'une part, autoriser la rémunération au succès pour les experts-comptables et, d'autre part, transposer à cette profession la directive du 20 novembre 2013 relative aux qualifications professionnelles.

Cette directive vise à faciliter la circulation et l'établissement des professionnels dans les différents États de l'Union européenne. Elle prévoit à ce titre plusieurs mesures : création d'une carte professionnelle, modification des conditions de reconnaissance des qualifications professionnelles ou d'exercice à titre temporaire dans un autre État que celui où le titre a été délivré, élaboration d'un cadre commun de formation...

L'instauration d'une rémunération au succès constitue, quant à elle, une innovation. Il s'agirait de lier l'honoraire perçu par le professionnel au résultat de sa prestation pour le client.

Votre rapporteur constate que le texte de l'habilitation ne précise pas si cette rémunération au succès se limitera aux prestations entrant dans le champ d'activité principale de l'expert-comptable ou si elle s'étendra à celles qu'il accomplit, à titre accessoire, en concurrence avec d'autres professionnels.

Si tel était le cas, l'expert-comptable se verrait ouvrir, s'agissant notamment de prestations juridiques, une faculté interdite aux professionnels du droit eux-mêmes ou fortement encadrée 215 ( * ) . C'est pourquoi, afin de lever toute ambiguïté, votre rapporteur a proposé à votre commission, qui l'a adopté, un amendement limitant le champ de la rémunération au succès aux seules missions comptables qui constituent l'activité principale de cette profession.

III - La création de sociétés multiprofessionnelles du droit et du chiffre

A. La modification proposée

La troisième habilitation sollicitée par le Gouvernement a pour objet l'instauration de sociétés multiprofessionnelles du droit, qui autoriserait l'exercice en commun, au sein de la même structure, de deux ou plusieurs des professions suivantes : avocat, avocat aux conseils, commissaire-priseur judiciaire, huissier de justice, notaire, administrateur ou mandataire judiciaire et expert-comptable.

L'article 1 er de la loi précitée du 31 décembre 1990, relative aux sociétés d'exercice libéral, avait déjà prévu la possibilité de telles sociétés multiprofessionnelles. Toutefois, elle en avait subordonné la création à l'adoption de décrets en Conseil d'État, qui n'avaient jamais été pris.

Le texte de l'habilitation organise le régime juridique de ces sociétés multiprofessionnelles autour de trois garanties.

La première est que la totalité du capital et des droits de vote soit détenue par des personnes physiques ou morales, exerçant, en France ou au sein de l'Europe 216 ( * ) , l'une de ces professions juridiques ou celle d'expert-comptable.

La seconde garantie tient, sans plus de précision, à la préservation des principes déontologiques applicables à chaque profession.

Enfin, la dernière garantie vise la prise en considération des incompatibilités et des risques de conflits d'intérêts propres à chaque profession.

B. La position de votre commission

Votre rapporteur constate, tout d'abord, que le périmètre étendu des sociétés multiprofessionnelles du droit et du chiffre fragilise le dispositif, puisqu'il autorise certaines collaborations source de conflits d'intérêts.

Il serait ainsi envisageable de reconstituer au sein de la même structure une profession d'administrateur et de mandataire judiciaires que la réforme de 1985 sur les procédures collectives avait justement eu pour objet de séparer. De la même manière, associer des avocats à la cour et des avocats aux conseils pose une difficulté dans la mesure où les seconds, pour jouer correctement leur rôle de filtre du contentieux de cassation, doivent être indépendants des avocats qui ont représenté le client jusqu'en appel.

En outre, le dispositif crée une asymétrie entre certaines professions, puisqu'en vertu des règles applicables aux experts-comptables 217 ( * ) , ces derniers ne pourront s'associer sans posséder deux-tiers des droits de vote, ce qui privera les autres professions du contrôle effectif de la société.

Afin de limiter les risques de conflits d'intérêts et de garantir une équité de traitement entre les professions, votre commission a adopté l'amendement de son rapporteur excluant les experts-comptables, les administrateurs et les mandataires judiciaires ainsi que les avocats aux conseils du périmètre de ces sociétés multiprofessionnelles. En revanche, le même amendement y ajoute la profession de conseil en propriété industrielle, ce qui permettra un exercice commun avec la profession d'avocat, offrant ainsi à leurs clients une offre complète, de la conception du brevet à sa défense devant les juridictions.

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a par ailleurs souhaité assurer à chaque profession une maîtrise des conditions d'exercice de son activité au sein de la société.

À cet effet, elle a tout d'abord précisé, par amendement que pouvaient seuls détenir une part du capital ou des droits de vote, des personnes exerçant les mêmes professions que celles de la société. Il s'agit d'éviter qu'une société d'avocats et de notaires puisse être majoritairement détenue par des huissiers ou inversement.

Votre commission a ensuite expressément prévu que soit assurée aux professionnels en exercice au sein de la société la maîtrise des conditions d'exercice de leur activité. Cette garantie s'inspire de celle qui est applicable en vertu de l'article 12 de la loi précitée du 31 décembre 1990 sur les sociétés d'exercice libéral.

Enfin, dernière garantie ajoutée par votre commission, la société multiprofessionnelle devrait assurer la représentation équitable des professions qui la constituent au sein de ses organes de gestion, d'administration, de direction ou de surveillance. Cette disposition évitera toute marginalisation d'une profession au sein de la structure.

Votre commission spéciale a adopté cet article ainsi modifié.


* 88 Cf. sur ce point le commentaire de l'article 18.

* 89 Pour les administrateurs et mandataires judiciaires, ces dispositions sont codifiées aux articles L. 811-1 à L. 814-13 du code de commerce, pour les greffiers de tribunaux de commerce, aux articles L. 741-1 à L. 744-2 du même code et, pour les conseillers en propriété industrielle, aux articles L. 421-1 à L. 423-2 du code de la propriété intellectuelle.

* 90 Le droit de présentation des officiers ministériels date d'une loi de finances du 26 avril 1816. L'organisation du notariat est fixée par une loi du 25 ventôse an XI et le statut des notaires par une ordonnance du 2 novembre 1945. Les commissaires-priseurs judiciaires sont régis par une ordonnance du 26 juin 1816, les avocats aux conseils, par une ordonnance du 10 septembre 1817, les huissiers de justice, par une ordonnance du 2 novembre 1945.

* 91 Ce qu'illustre le fait que l'article 12 du présent texte élève au niveau législatif des dispositions sur la fixation des tarifs aujourd'hui de niveau réglementaire.

* 92 On peut ainsi s'étonner que l'article 13 du présent projet de loi mentionne l'office des avoués près les tribunaux de grande instance pour définir la compétence résiduelle des avocats en saisie immobilière, alors que cette profession a été fusionnée avec celle des avocats par la loi du 31 décembre 1971.

* 93 L'article 1 er de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, contient ainsi des dispositions relatives à la fusion des professions d'avocat, d'avoué et de conseil juridique, au mode d'exercice libéral de cette profession, aux mentions des titres universitaires accolés à la qualité d'avocat, à l'honorariat et à la multipostulation.

* 94 Cette perspective, examinée par la commission présidée par Jean-Michel Darrois, a été rejetée par celle-ci, à l'unanimité, compte tenu, notamment, de la distinction très nette entre les missions d'autorité publique et les autres activités juridiques ou judiciaires ( cf . commission présidée par Jean-Michel Darrois, Rapport sur les professions du droit , La documentation française, mars 2009, p. 25)

* 95 Professions réglementées - Pour une nouvelle jeunesse , rapport de M. Richard Ferrand, parlementaire en mission auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, octobre 2014.

* 96 Professions du droit : des métiers à adapter au XXI e siècle, un modèle à préserver , rapport d'information n° 2475 (XIV e législature), présenté, au nom de la mission d'information de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur les professions juridiques réglementées, par Mme Cécile Untermaier et M. Philippe Houillon.

* 97 Relativement rares, ces revalorisations seraient intervenues :

- pour les notaires, dont le dernier barème remonte à 1978, en 1981, 1985, 1994, 2006 et 2011, sur la base d'un barème établi en 1978 ;

- pour les huissiers de justice, dont le dernier barème remonte à 1988, en 2007 ;

- pour les administrateurs et mandataires judiciaires, dont le dernier barème date de 1985, en 2004 et 2006 ;

- pour les commissaires-priseurs judiciaires, dont le barème remonte à 1985, en 1993.

* 98 JO AN du 3 février 2015, p. 725.

* 99 « Mais les pouvoirs publics peuvent se trouver face à des cas plus complexes lorsque la régulation ne vise pas à un monopole dont la structure de coûts et le portefeuille d'activités peuvent être modélisés mais concerne un ensemble d'entreprises qui peuvent avoir des tailles, des structures de coûts, des profils de clientèles et des portefeuilles d'activités différents. Dans ces situations, une tarification unique a nécessairement des effets variables sur ces entreprises . Pour certaines, le tarif peut être mal adapté ou trop bas et pour d'autres trop favorable voire déraisonnable. Les demandes de révision tarifaire émanant généralement des entreprises les plus défavorisées, le risque est alors grand de calculer les tarifs de manière à assurer la viabilité des plus faibles en consentant une rente aux plus efficaces ou à celles qui bénéficient du bassin de chalandise le plus favorable » (avis de l'Autorité de la concurrence n° 15-A-02 du 9 janvier 2015 relatif aux questions de concurrence concernant certaines professions juridiques réglementées).

* 100 Notamment, en 2000, celui des commissaires-priseurs pour les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ou celui des avoués près les cours d'appel, en 2011.

* 101 Il en va par exemple ainsi de l'acte d'avocat, qui concurrence partiellement l'acte authentique des notaires.

* 102 Cf . encadré.

* 103 Toutefois cette rémunération par émoluments représente une part très significative de la rémunération des avocats qui interviennent dans le contentieux des ventes judiciaires de meubles ou d'immeubles, puisqu'elle constitue alors leur seule rémunération et qu'elle est fixée conformément au tarif des notaires.

* 104 Loi du 29 mars 1944 relative aux émoluments alloués aux officiers publics et ministériels .

* 105 Avis n° 15-A-02 préc.

* 106 Avis n° 14-A-14 du 26 septembre 2014 concernant un projet de décret modifiant le décret n° 2009-975 du 12 août 2009 relatif aux tarifs réglementés de vente de l'électricité .

* 107 Lorsque l'Autorité de la concurrence se sera saisie d'office, elle devra rendre son avis au plus tard un mois avant la révision du prix ou du tarif en cause

* 108 JO AN du 3 février 2015, p. 739.

* 109 Cf . l'article L. 134-5 du code de commerce, qui indique que l'agent commercial a droit à une « rémunération raisonnable qui tient compte de tous les éléments qui ont trait à l'opération », et l'article 15 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal , qui précise que l'administration peut inclure dans l'assiette d'une redevance d'utilisation d'informations publiques une « rémunération raisonnable de ses investissements ».

* 110 Aux termes de l'article L. 314-7 du code de l'énergie, cette rémunération tient compte « des risques inhérents à ces activités et de la garantie dont bénéficient ces installations d'écouler l'intégralité de leur production à un tarif déterminé ».

* 111 En effet, plusieurs rapports récents ont recommandé d'assurer ce financement par un prélèvement sur certains actes juridiques, sans s'accorder forcément sur les professions susceptibles d'être soumises à ce prélèvement. Ainsi, le rapport de nos collègues Jacques Mézard et Sophie Joissains recommande-t-il de taxer les actes soumis à enregistrement ( Aide juridictionnelle : le temps de la décision , rapport d'information de la commission des lois, n° 680 (2013-2014), consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/notice-rapport/2013/r13-680-notice.html). Celui de M. Jean-Yves Le Bouillonnec, remis à la garde des sceaux en octobre 2014 propose une assiette plus large, étendue à l'ensemble des professions.

* 112 Un décret en Conseil d'État aurait fixé, pour chaque prestation la valeur du ratio entre le minimum et le maximum, dans la limite du double.

* 113 Article 3 du décret n° 78-262 du 8 mars 1978 portant fixation du tarif des notaires .

* 114 Articles 11 et 12 du même décret.

* 115 Elle a aussi une conséquence sur la rémunération perçue : la plaidoirie relève d'honoraires libres, la postulation d'un tarif réglementé.

* 116 Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques .

* 117 Il supprime aussi la disposition actuellement en vigueur à l'article 5 de la loi du 31 décembre 1971 destinée à permettre le recours, sur autorisation de la cour d'appel, à un avocat postulant d'un autre barreau, lorsque le nombre d'avocats inscrits dans un barreau est jugé insuffisant. Une coordination nécessaire pour cette suppression, à l'article 53 de la même loi, a été adoptée par amendement à l'Assemblée nationale au 6° du premier paragraphe (I.) du présent article.

* 118 Cette multipostulation a été prévue par la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées. Afin d'éviter la suppression des TGI d'Alès et de Libourne au moment de la réforme de la carte judiciaire, leur ressort avait été étendu d'un canton prélevé, respectivement, au ressort du TGI de Nîmes et à celui du TGI de Bordeaux. La multipostulation était, pour les barreaux de Nîmes et de Bordeaux, une compensation de ce prélèvement.

* 119 Professions du droit : des métiers à adapter au XXI e siècle, un modèle à préserver , rapport d'information n° 2475 (AN - XIV e législature), de Cécile Untermaier et Philippe Houillon, fait au nom de la commission des lois, p. 71.

* 120 Décret n° 75-785 du 21 août 1975 relatif aux droits et émoluments alloués à titre transitoire aux avocats à raison des actes de procédure .

* 121 Décret n° 60-323 du 2 avril 1960 portant règlement d'administration publique et fixant le tarif des avoués .

* 122 Loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles .

* 123 Aide juridictionnelle totale ou aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non-juridictionnelles.

* 124 Initialement, le texte du Gouvernement imposait à l'avocat de déterminer l'évolution possible des diligences prévisibles. Deux amendements de nos collègues députés Patrick Hetzel et Alain Chrétien ont supprimé cette mention au motif que, dépendant de l'aléa judiciaire, elle serait source de contentieux entre l'avocat et son client.

* 125 C'est-à-dire les sommes payées par l'avocat pour le compte de son client et que celui-ci doit lui rembourser.

* 126 Les honoraires doivent ainsi tenir compte, selon l'usage, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences qu'il accomplit.

* 127 Cf . la motion adoptée par le CNB, lors de son assemblée générale des 14 et 15 septembre 2012.

* 128 La disposition, introduite à l'initiative de notre collègue député Stéphane Claireaux et plusieurs de ses collègues, vise à tenir compte de l'absence de barreau et d'avocats et de l'existence d'un corps d'agréés près les tribunaux. Elle confère en outre à ces mêmes agréés la possibilité de postuler devant la cour administrative d'appel à laquelle ils sont rattachés, celle de Bordeaux.

* 129 Le texte ne concerne pas les greffiers de tribunaux de commerce qui sont par définition attachés au tribunal dont ils assurent le greffe, ni les avocats aux conseils, qui ne peuvent être établis qu'à Paris (en revanche, des dispositifs spécifiques ont été adoptés pour ces derniers à l'article 17 bis ).

* 130 Ces procédures sont définies aux articles 1 er -1 et suivants de l'ordonnance du 26 juin 1816 pour les commissaires-priseurs judiciaires, aux articles 37 et suivants du décret n° 75-770 du 14 août 1975 pour les huissiers de justice et aux articles 2 et suivants du décret n° 71-942 du 26 novembre 1971 pour les notaires.

* 131 Les chambres locales établissent ainsi, ressort de cour d'appel par ressort de cour d'appel, des « contrats d'adaptation structurelle », qui définissent, sur une base quinquennale, les accueils de nouveaux professionnels à effectuer, en salariat ou en association, les regroupements ou les créations d'offices envisageables.

* 132 Les attributions et la composition de cette commission sont fixées, pour les notaires, aux articles 49 et suivants du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 relatifs aux créations suppressions et transferts d'offices de notaires , et pour les commissaires-priseurs judiciaires et les huissiers de justice, aux articles 49-1 et suivants. du décret n° 73-1202 du 28 décembre 1973 relatif à la discipline et au statut des officiers publics ou ministériels .

* 133 L'autorité statuerait, aux termes du nouvel article L. 462-10 du code de commerce, dans une formation augmentée de deux personnalités désignées pour trois ans non renouvelables par décret.

* 134 Cf . encadré ci-dessus.

* 135 Ce renvoi au juge de l'expropriation est, vraisemblablement, inspiré par la procédure inédite qui a prévalu pour l'indemnisation des avoués de cour d'appel. La procédure d'indemnisation est définie au chapitre I er du titre premier du livre III du code de l'expropriation.

* 136 Loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat .

* 137 L'article 10 exclut toutefois de son périmètre les actes nécessitant la présence de deux notaires ou de deux témoins (comme un testament authentique) ou certains actes expressément désignés. Il s'agit des articles 73 (consentement au mariage d'un mineur), 335 (acte de notoriété relatif à une filiation établie par possession d'état), 348-3 (consentement à l'adoption), 929 (renonciation à succession), 931 (donation entre vifs), 1035 (révocation d'un testament), 1394 (rédaction de régime matrimonial) et 1397 (changement de régime matrimonial) du code civil.

* 138 Professions du droit : des métiers à adapter au XXI e siècle, un modèle à préserver , rapport d'information n° 2475 (AN - XIV e législature), de Cécile Untermaier et Philippe Houillon, fait au nom de la commission des lois, p. 60.

* 139 Avis de l'Autorité de la concurrence n° 15-A-02 du 9 janvier 2015, précité, p. 77.

* 140 Le texte de référence, en la matière, est le décret n° 56-222 du 29 février 1956 pris pour l'application de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers de justice .

* 141 Décret n° 2007-813 du 11 mai 2007 modifiant la compétence territoriale des huissiers de justice .

* 142 Décret n° 2014-983 du 28 août 2014 relatif à la compétence territoriale des huissiers de justice .

* 143 Pour les significations électroniques, l'huissier compétent peut être indifféremment celui situé dans le département où réside le créancier ou celui situé dans le département où réside le débiteur (art. 5-1, 5-2 et 5-3 du décret précité du 29 février 1956).

* 144 Ceci devrait permettre de fixer par décret le ressort de compétence des huissiers en ce qui concerne leur service d'audience.

* 145 Ordonnance du 26 juin 1816 qui établit, en exécution de la loi du 28 avril 1816, des commissaires-priseurs judiciaires dans les villes chefs-lieux d'arrondissement, ou qui sont le siège d'un tribunal de grande instance, et dans celles qui, n'ayant ni sous-préfecture ni tribunal, renferment une population de cinq mille âmes et au-dessus .

* 146 Cf. , sur ce point, le commentaire de l'article 13.

* 147 Professions du droit : des métiers à adapter au XXI e siècle, un modèle à préserver , rapport d'information n° 2475 (XIV e législature), préc., p. 32 à 40.

* 148 Le collège serait augmenté de deux personnalités qualifiées désignées par décret pour trois ans non renouvelables.

* 149 Un amendement adopté en séance publique à l'initiative des rapporteurs ajoute la nécessité de formuler des recommandations destinées à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes à ces offices.

* 150 La possibilité de recruter un avocat aux conseils salarié par les associés de l'office a été ouverte très récemment, par l'ordonnance n° 2014-239 du 27 février 2014 relative à l'exercice des professions d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation et de notaire en qualité de salarié .

* 151 Suivant les statistiques du ministère de la justice, l'augmentation est de 11,26 % entre 2005 et 2013, pour la Cour de cassation, alors que le même contentieux régresse de 6,28 % devant les cours d'appel.

* 152 Votre commission propose de retenir ce renvoi à la procédure générale d'avis de l'article L. 462-1 du code commerce, plutôt que de créer une nouvelle procédure ad hoc .

* 153 Ce régime est fixé, pour les avocats à la cour, à l'article 10 de la loi précitée du 31 décembre 1971.

* 154 Art. 45 de la loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

* 155 Art. 17 et 33 de la loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010 relative à l'exécution des décisions de justice, aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires .

* 156 Art. 45 de la loi n° 2011-850 du 20 juillet 2011 de libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

* 157 Art. 1 er de l'ordonnance n° 2014-239 du 27 février 2014 relative à l'exercice des professions d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation et de notaire en qualité de salarié .

* 158 Art. 2 de l'ordonnance du 27 février 2014 précitée.

* 159 Professions du droit : des métiers à adapter au XXI e siècle, un modèle à préserver , rapport d'information n° 2475 (XIV e législature), préc., p. 62.

* 160 Cécile Untermaier note, en faisant référence au rapport de l'inspection générale des finances, que « ces professionnels, qui ont le même diplôme et sont nommés par le garde des sceaux, mais n'étant pas associés au capital, ont une rémunération quatre fois inférieure à celle d'un titulaire et sont majoritairement des femmes (62 %) » ( op. cit . p. 62).

* 161 Dans son avis précité, l'Autorité de la concurrence a elle aussi recommandé la suppression de toute limite au recrutement d'officiers publics ou ministériels salariés.

* 162 Exposé sommaire de l'amendement n° SPE1909.

* 163 L'INPI est un établissement public réputé administratif placé sous la tutelle du ministre chargé de la propriété industrielle, qui est généralement le ministre chargé de l'économie et de l'industrie.

* 164 En application de l'article R. 123-82 du code de commerce, le RCS comporte le fichier alphabétique des personnes immatriculées, le dossier individuel de chaque personne immatriculée, constitué par la demande d'immatriculation, complétée par les inscriptions subséquentes, et un dossier annexe où figurent les actes et pièces qui doivent être déposés au registre (comptes annuels...).

* 165 Sauf dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle et dans les départements d'outre-mer, où le registre du commerce et des sociétés est tenu par le greffe public du tribunal civil compétent en matière commerciale (tribunaux de grande instance et tribunaux mixtes de commerce).

* 166 Cette centralisation concerne également les documents provenant des RCS tenus par les greffes des tribunaux civils à compétence commerciale : tribunaux mixtes de commerce outre-mer et tribunaux de grande instance en Alsace et Moselle. Selon les informations communiquées à votre rapporteur, les données transmises par les greffiers des tribunaux de commerce représentent 95 % du total.

* 167 Loi n° 51-444 du 19 avril 1951 créant un institut national de la propriété industrielle.

* 168 L'article A. 123-28 du code de commerce dispose que le RNCS « comprend, sous la forme d'un second original ou de documents électroniques (...) l'ensemble des inscriptions des registres du commerce et des sociétés tenus dans chaque greffe [et] l'ensemble des actes et pièces déposés à ces registres ». Les modalités de cette transmission matérielle ou électronique sont précisées par les articles A. 123-29 et suivants.

* 169 Les documents numérisés ainsi transférés sont revêtus du cachet du greffier, leur conférant valeur légale. Le transfert électronique a permis de supprimer, au bénéfice des entreprises, le double dépôt sous forme papier des actes et documents auprès du registre du commerce et des sociétés.

* 170 En application de l'article R. 411-17 du code de la propriété intellectuelle, relatif aux redevances perçues par l'INPI conformément à l'article L. 411-2 du même code, le montant de cette taxe est fixé par un arrêté du 24 avril 2008. Certains actes sont gratuits, tandis que le montant est fixé dans les autres cas à 5,90 ou 11,60 euros. Le produit de cette taxe a représenté 14 millions d'euros en 2013.

* 171 En outre, le greffier perçoit un émolument au titre des diligences de transmission à l'INPI.

* 172 Les émoluments des greffiers des tribunaux de commerce sont fixés à l'annexe 7-5 du code de commerce, en application de l'article R. 743-140 du même code.

* 173 En application de l'article R. 411-18 du code de la propriété intellectuelle, conformément à l'article L. 411-2 du même code, « les recettes accessoires que l'INPI peut percevoir à l'occasion de la communication des pièces et actes dont il assure la conservation (...) sont instituées par des délibérations du conseil d'administration qui en fixent les modalités de perception et le montant ».

* 174 En vertu de l'article L. 741-2, le CNGTC, doté de la personnalité morale, est assuré de représenter la profession des greffiers auprès des pouvoirs publics et de défendre ses intérêts collectifs. Il exerce un rôle d'organisation et de discipline de la profession. Ses membres sont élus. Il est financé par une cotisation obligatoire. Il peut assurer le financement de services d'intérêt collectif. Il est chargé de la tenue, gratuitement, du fichier national automatisé des interdits de gérer (FNIG).

* 175 Le GIE Infogreffe regroupe la totalité des 134 greffes de tribunal de commerce de France et dispose de 32 salariés et d'un budget annuel de 17 millions d'euros.

* 176 Activité développée à partir de 1996 sur le fondement de l'article R. 411-18 du code de la propriété intellectuelle précité.

* 177 Ces missions sont présentées sur le site internet de l'INPI, à l'adresse suivante :

http://www.inpi.fr/fr/societes-registre/la-vie-de-votre-societe/obtenir-une-copie-de-document.html .

Il est possible d'obtenir communication par courrier de données individuelles du RNCS.

* 178 Par ailleurs, l'INPI constitue et diffuse, à des fins de réutilisation, des licences gratuites à partir des informations issues des bases de données relatives aux titres de propriété industrielle, dans les conditions prévues par le décret n° 2014-917 du 19 août 2014.

* 179 La liste de ces licenciés figure sur le site internet de l'INPI, à l'adresse suivante :

http://www.inpi.fr/fr/services-et-prestations/repertoire-des-informations-publiques/licences-rncs/liste-des-licencies.html .

* 180 Avis n° 15-A-02 du 9 janvier 2015 relatif aux questions de concurrence concernant certaines professions juridiques réglementées, pp. 51 et suivantes. Cet avis est consultable à l'adresse suivante : http://www.autoritedelaconcurrence.fr/pdf/avis/15a02.pdf .

* 181 Ce référé est consultable à l'adresse suivante :

https://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/L-Institut-national-de-la-propriete-industrielle .

* 182 Une part des excédents d'exploitation de l'INPI est régulièrement reversée au budget de l'État, à hauteur de plusieurs millions d'euros par an. Les recettes de l'INPI s'élèvent à 210 millions d'euros environ par an selon son directeur général.

* 183 Est ici concernée la licence dite « IMR ».

* 184 Sont visées la chambre consulaire interprofessionnelle à Saint-Martin et la chambre économique multiprofessionnelle à Saint-Barthélemy.

* 185 Dans son avis du 9 janvier 2015 précité, analysant l'efficacité du « monopole de gestion de l'information légale sur les entreprises » par les greffiers des tribunaux de commerce, l'Autorité de la concurrence considère que « les organisations alternatives mises en oeuvre outre-mer et en Alsace-Moselle sont moins performantes et moins fiables ».

* 186 Sept tribunaux mixtes de commerce sont prévus par l'annexe 7-3 du code de commerce : Basse-Terre et Pointe-à-Pitre (Guadeloupe), Cayenne (Guyane), Fort-de-France (Martinique), Mamoudzou (Mayotte), Saint-Denis et Saint-Pierre (La Réunion).

* 187 Article L. 710-1 du code de commerce.

* 188 L'extrait K bis fait état de l'ouverture d'une procédure collective.

* 189 Selon l'article R. 732-8 du code de commerce, ces nouveaux greffiers devaient être nommés dans les conditions prévues par les articles R. 742-18 et suivants, c'est-à-dire par le garde des sceaux, sur la proposition d'une commission de sélection chargée d'examiner les candidatures qui lui sont adressées par l'intermédiaire du procureur général près la cour d'appel dans le ressort de laquelle se trouve le tribunal dont le greffe doit être pourvu. Le procureur général fait procéder à une enquête sur la moralité, les capacités professionnelles et les capacités financières des candidats.

* 190 Cette commission est composée principalement de magistrats : un conseiller à la Cour de cassation, un magistrat de la Cour des comptes, un membre du Conseil d'État, un membre de l'inspection générale des finances, un magistrat du siège d'une cour d'appel, un membre d'une juridiction commerciale, deux professeurs ou maîtres de conférence en droit, sciences économiques ou gestion et deux personnalités qualifiées en matière économique ou sociale.

* 191 Art. L. 811-2 (pour les administrateurs judiciaires) et L. 812-3 (pour les mandataires judiciaires) du code de commerce.

* 192 En particulier s'il leur est arrivé d'avoir été désigné à titre exceptionnel par un tribunal de commerce en lieu et place d'un administrateur ou d'un mandataire judiciaire, en vertu des articles L. 811-2 et L. 812-2 du code de commerce.

* 193 Dernier alinéa de l'article L. 811-5 du code de commerce.

* 194 Votre rapporteur observe par ailleurs que l'intitulé d'un diplôme de master ne relève manifestement pas de la loi.

* 195 Rapport sur les professions du droit , préc., p. 56.

* 196 D'autres amendements de suppression ont été déposés par notre collègue député Philippe Houillon et plusieurs de ses collègues, ainsi que par M. Patrick Hetzel. Ces amendements critiquaient l'imprécision de la demande d'habilitation.

* 197 Tel a été le cas, lors de la création des tribunaux de commerce de Bobigny, Nanterre et Créteil dans les années 1980.

* 198 Le rapport de l'inspection générale des finances, cité par le rapport de la commission spéciale de l'Assemblée nationale relève ainsi qu'en Île-de-France, « trois des quatre greffes des tribunaux de commerce de petite couronne, parmi les plus importants de France, sont ainsi caractérisés par l'association d'un greffier et de deux ou trois de ses enfants (à l'exclusion de tout autre associé) » et que, par ailleurs, « une famille constituée de trois frères et de leurs enfants contrôle quatre greffes, tandis qu'au total sept noms de familles sont associés à vingt et un greffes sur les 134 que compte le pays ». Cf . rapport n° 2498 (AN, XIV e législature), préc., p. 571.

* 199 Ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable .

* 200 Art. 33 de la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées .

* 201 Les décrets devant permettre la constitution d'autres types de sociétés civiles interprofessionnelles n'ont pas été pris.

* 202 La loi prévoit que des décrets en Conseil d'État peuvent prévoir de limiter cette possibilité d'être actionnaire minoritaire d'une SEL du même ordre professionnel (droit, santé, expertise technique), « lorsqu'il apparaîtrait que cette détention serait de nature à mettre en péril l'exercice de la profession concerné dans le respect de l'indépendance de ses membres et de leurs règles déontologiques propres ».

* 203 Cette déclinaison s'ouvre, au premier paragraphe, par les huissiers de justice, avec un nouvel article 1 er bis AA de leur ordonnance statutaire, suivi, dans l'ordre des paragraphes, par les notaires, les commissaires-priseurs judiciaires, les avocats, les avocats aux conseils, les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires. Le dernier paragraphe de l'article (VI) est consacré à une coordination rédactionnelle dans le code du travail.

* 204 Étude d'impact jointe au présent projet de loi, p. 122.

* 205 Cf. encadré ci-dessus.

* 206 Ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable .

* 207 Art. L. 822-9 du code de commerce.

* 208 Cette faculté de désigner un professionnel « hors liste » résulte de la loi n° 2003-7 du 3 janvier 2003 modifiant le livre VIII du code de commerce.

* 209 Avis n° 15-A-02 du 9 janvier 2015 relatif aux questions de concurrence concernant certaines professions juridiques réglementées, pp. 36 et suivantes. Cet avis est consultable à l'adresse suivante : http://www.autoritedelaconcurrence.fr/pdf/avis/15a02.pdf .

* 210 Ce mécanisme a été instauré par la loi n° 2003-7 du 3 janvier 2003 modifiant le livre VIII du code de commerce.

* 211 Un arrêté du garde des sceaux du 8 août 2014 a fixé à 65 % le taux de prélèvement sur les intérêts servis par la Caisse sur les fonds déposés par les administrateurs et mandataires judiciaires.

* 212 Les huissiers de justice ont cependant la faculté de déposer les fonds de tiers à la Caisse des dépôts et consignations.

* 213 Cette caisse de garantie a été instituée par la loi n° 85-99 du 25 janvier 1985 relative aux administrateurs judiciaires, mandataires-liquidateurs et experts en diagnostic d'entreprise. Elle est aujourd'hui régie par les articles L. 814-3 à L. 814-5 du code de commerce.

* 214 « L'exigence d'indépendance implique l'absence de tout rapport d'emploi entre l'avocat et son client, si bien que la protection au titre du principe de la confidentialité ne s'étend pas aux échanges au sein d'une entreprise ou d'un groupe avec des avocats internes » (CJUE, 14 septembre 2010, Akzo Nobel Chemicals c. Commission , aff. C-550/07 P).

* 215 Cf. l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques : « toute fixation d'honoraires, qui ne le serait qu'en fonction du résultat judiciaire, est interdite. Est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu ».

* 216 Plus précisément, l'Union européenne, l'Espace économique européen ou la Confédération suisse.

* 217 Art. 7 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable .

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page