EXAMEN EN COMMISSION

(MARDI 12 MAI 2014)

M. Alain Marc , rapporteur . - Sur un sujet que vous connaissez déjà, la proposition de loi de MM. Pozzo di Borgo, Charron et Dominati vise à transférer au maire de Paris certaines compétences de police administrative aujourd'hui détenues par le préfet de police, non pour remettre en cause la qualité du travail de ce dernier mais pour aligner Paris sur le droit commun. À Paris, à la différence des autres communes de France, c'est en effet le préfet de police qui détient le pouvoir de police générale et non le maire. Responsable du bon ordre, de la sûreté et de la sécurité publiques, il assure également plus de cinquante polices spéciales qu'il exerce en lieu et place du maire - comme la police des animaux dangereux et errants - ou du préfet de département - comme l'admission en soins de personnes souffrant de troubles mentaux. Le préfet de police cumule ainsi les pouvoirs d'un préfet de département et d'un maire.

Ce régime de police dérogatoire datant de Napoléon Bonaparte a été justifié par l'histoire de Paris et par son statut de capitale du pays, Paris accueillant par exemple plus de 7 000 manifestations par an.

Les compétences de police du maire de Paris ont certes été renforcées : il est désormais responsable de la salubrité publique, du bon ordre dans les foires, des troubles de voisinage et d'une grande partie de la police de la circulation et du stationnement. Mais ses compétences demeurent restreintes au regard de celles du préfet de police.

Ce régime dérogatoire de police présente des limites institutionnelles, d'une part, et opérationnelles, d'autre part.

D'un point de vue institutionnel, la police administrative est exercée par un préfet de police nommé par le Président de la République et non par une personne élue au suffrage universel, paradoxe singulier à l'heure de la décentralisation : alors que des lois successives ont renforcé le maire de Paris pour aligner ses prérogatives sur celles du droit commun, les pouvoirs de police continuent de lui échapper. Cela pose une vraie question de responsabilité politique : le maire n'est pas responsable devant ses électeurs de l'exercice du pouvoir de police.

D'un point de vue opérationnel, la préfecture de police gère des tâches de police municipale. Ce sont par exemple des policiers nationaux qui assurent le barriérage des routes lors du marathon de Paris ou qui fournissent un soutien aux personnes sans-abri, alors que la préfecture de police a vocation à se concentrer sur des missions régaliennes de sécurité. De même, elle contrôle le respect des règles de circulation et de stationnement par l'intermédiaire des agents de surveillance de Paris (ASP), les anciennes « pervenches », mis à disposition par la mairie de Paris. Or, ce système est insatisfaisant puisqu'environ 85 % des Parisiens ne payent pas leur stationnement, sachant combien la probabilité de devoir régler une amende est faible. La raison en est peut-être que cela ne fait pas partie des priorités opérationnelles de la préfecture de police. Cette dernière n'a, en outre, aucune incitation financière à agir, à la différence de la Ville de Paris qui perçoit une partie des recettes des amendes de stationnement et fixera, à partir de 2016, le montant de la redevance qui remplacera ces amendes. Cet exemple nous montre que des polices purement municipales peuvent être mieux gérées par la Ville de Paris que par la préfecture de police. Les présidents de conseil général l'ont bien vu lorsque les agents de l'État ont cessé d'être mis à disposition pour être directement sous leur autorité : ils ont été bien plus efficaces !

Autre difficulté opérationnelle : la complexité du dispositif mis en oeuvre pour prévenir et réprimer les petites incivilités à Paris. Outre les ASP et les policiers nationaux gérés par la préfecture de police, la mairie a recours à ses propres personnels de sécurité, les inspecteurs de sécurité (ISVP) et les agents d'accueil et de surveillance (AAS). Il est difficile pour les citoyens parisiens de comprendre les rôles et les responsabilités de chacun, d'autant plus que ces différentes forces ne collaborent pas suffisamment, patrouillant par exemple sur les mêmes sites mais sans coordonner leurs actions ni échanger d'informations.

Avec la présente proposition de loi, le maire serait désormais compétent pour le bon ordre, la sûreté et la sécurité publiques et devrait en répondre devant ses électeurs. Il pourrait par exemple interdire la consommation d'alcool sur la voie publique ou encore des spectacles causant un trouble à l'ordre public. En outre, les policiers nationaux exécuteraient directement les arrêtés du maire au titre de l'article L. 2214-3 du code des collectivités territoriales.

La rédaction initiale de la proposition de loi lui confie aussi certaines polices spéciales du code général des collectivités territoriales comme la police des funérailles. Pour poursuivre la logique de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, la compétence du préfet de police serait limitée en matière de circulation et de stationnement à la protection des institutions.

Le maire de Paris retrouverait son autorité sur les ASP, actuellement mis à disposition de la préfecture de police mais rémunérés par la mairie ; il pourrait leur confier des missions identiques à celles qu'ils exercent déjà (le contrôle du stationnement), ou en charger un prestataire extérieur pour réorienter leur action vers la prévention et la répression des petites incivilités, ce qu'autorise déjà leur statut.

Cette proposition de loi implique enfin une réforme en profondeur de la préfecture de police qui continuerait à assurer la coordination des forces de police nationale mais dont les compétences seraient réduites pour devenir comparables à celles d'une préfecture dans les villes à police étatisée. Elle pourrait ainsi se concentrer sur des tâches à caractère régalien comme la protection des institutions de la République.

M. Jean-Jacques Hyest . - Ce n'est pas aussi simple !

M. Alain Marc , rapporteur . - Je vous proposerai de donner un avis favorable à ce texte : il est nécessaire de renforcer les responsabilités du maire de Paris et, en poursuivant la démarche entamée en 1975, d'aligner le droit applicable à Paris sur celui des autres communes de France. Outre trois amendements rédactionnels, je vous proposerai de délimiter précisément le champ de la proposition de loi à la police générale et à la police spéciale du stationnement et de la circulation. Il n'apparaît en effet pas opportun à ce stade de transférer d'autres polices spéciales comme celle des funérailles. Au regard de l'ampleur de la réforme proposée, il me semble plus réaliste d'adopter une démarche progressive consistant d'abord à confier un pouvoir de police général au maire avant d'envisager un transfert de davantage de polices spéciales dans un second temps. Une analyse détaillée de chaque police spéciale serait également nécessaire afin de distinguer celles qui peuvent être le mieux gérées par la préfecture de police de celles pour lesquelles la mairie de Paris peut apporter une réelle plus-value.

M. Jean-Jacques Hyest . - L'exercice du pouvoir de police à Paris est incompréhensible pour quiconque d'un tant soit peu sensé. Dans le droit commun, le maire exerce ses pouvoirs de police sous l'autorité du préfet, qui se substitue à lui s'il ne s'en acquitte pas correctement. A Paris, coexistent sur le même territoire un préfet de police et un maire, qui n'a pas toujours été là : avant 1975, c'était le secrétaire général de la préfecture qui faisait tout !

Je partage votre analyse, même si je doute que l'efficacité des ASP augmente beaucoup en étant transférés à la Ville de Paris. J'ai fait une enquête à la préfecture de police : certains des policiers, qui ne peuvent plus être placés sur le terrain, travaillent dans les garages ou placent les barrières, sans toutefois perdre leur statut de policiers. Enfin, je redoute la dépénalisation des amendes, qui permettra de faire du chiffre... au détriment comme toujours des habitants de la grande couronne, qui n'ont pas d'autre moyen que la voiture pour venir travailler à Paris, et qui souffrent déjà des fermetures de voies. Ne nous étonnons pas dans ces conditions que la région Île-de-France soit moins attractive que les métropoles de province et tant mieux pour elles !

M. Roger Madec . - Paris a un régime spécial depuis 1667 ; le statut actuel, qui date de la fin de la Révolution, confie la police au préfet de police, ce qui favorise la cohérence dans l'action opérationnelle. Paris n'est pas la seule capitale dans ce cas : le pouvoir fédéral est largement responsable de la sécurité à Washington DC et le chef de la Metropolitan police de Londres est nommé par le ministre de l'intérieur britannique. Cette proposition de loi portrait atteinte à l'efficacité de la préfecture de police tout en privant les Parisiens des synergies et des économies d'échelle que ce statut assure. Paris est la capitale de la France, une capitale dense où se rendent chaque jour des centaines de milliers de personnes. Toucher à ce statut lorsque les Parisiens et les Français ont été touchés dans leur chair par les attentats de janvier ne me semble pas opportun.

La volonté de voir moins de voitures circuler à Paris n'est pas discriminatoire à l'égard des habitants des communes de la grande couronne. Cette proposition de loi aurait été plus opportune lorsque la métropole qui se met en place fonctionnera. La famille politique des auteurs varie sur ce sujet : Jacques Chirac était viscéralement hostile à un changement de statut ; mais lorsque gouvernement et mairie de Paris sont à gauche, cette proposition revient sur le tapis... Enfin, la préfecture de police a été réorganisée il y a peu, et sa compétence élargie à trois autres départements.

M. Alain Marc , rapporteur . - Il ne s'agit que d'aligner Paris sur le droit commun. Vous citez Washington et Londres, vous auriez pu parler aussi de Madrid et Berlin, qui ont un statut proche de ce que je propose. Cette proposition de loi - dont je propose de préciser le champ par l'amendement COM-1 - ne crée pas une police municipale ; elle ne touche pas aux polices spéciales. La préfecture de police n'est sans doute pas enthousiaste à l'idée de voir ses compétences réduites ; mais le stationnement payant n'est pas sa priorité. Sinon, les ASP seraient bien plus performants. La Ville de Paris verse 300 millions d'euros à la préfecture de police chaque année ! Au nom de quoi ne contrôle-t-elle pas des agents qu'elle paye ? Cette proposition de loi amendée garantira une meilleure efficacité de l'argent public.

M. Roger Madec . - Je ne mets pas en doute votre bonne volonté. Toutefois, maire pendant dix-huit ans, je ne partage pas votre analyse : le faible respect du stationnement payant tient davantage aux mentalités. Ce n'est pas lié à la verbalisation ; c'est un problème de trésor public. Seule la verbalisation automatique apporte une nette amélioration sur le taux de recouvrement. Je ne voterai pas votre amendement, étant opposé à l'ensemble de la proposition de loi : mais je reconnais que vous avez contribué à ce qu'elle soit plus raisonnable.

M. Alain Marc , rapporteur . - La chambre régionale des comptes a attiré notre attention sur l'utilisation des ASP.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 1 er

Les amendements COM-1 et COM-2 sont adoptés.

Article 2

L'amendement rédactionnel COM-3 est adopté.

Article additionnel après l'article 2

L'amendement de coordination COM-4 est adopté.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction des travaux issue de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1 er

M. A. MARC, rapporteur

1

Définition du champ de la proposition de loi

Adopté

M. A. MARC, rapporteur

2

Amendement rédactionnel

Adopté

Article 2

M. A. MARC, rapporteur

3

Amendement rédactionnel

Adopté

Article additionnel après l'article 2

M. A. MARC, rapporteur

4

Amendement de coordination

Adopté

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