N° 435

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 mai 2015

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi de MM. Jean-Marie BOCKEL et Rémy POINTEREAU simplifiant les conditions de saisine du conseil national d' évaluation des normes ,

Par M. Jean-Pierre SUEUR,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; Mme Catherine Troendlé, MM. Jean-Pierre Sueur, Alain Richard, Jean-Patrick Courtois, Alain Anziani, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Pierre-Yves Collombat, Mme Esther Benbassa, M. François Pillet , vice-présidents ; MM. François-Noël Buffet, Michel Delebarre, Christophe-André Frassa, Thani Mohamed Soilihi , secrétaires ; MM. Christophe Béchu, Jacques Bigot, François Bonhomme, Luc Carvounas, Gérard Collomb, Mme Cécile Cukierman, M. Mathieu Darnaud, Mme Jacky Deromedi, M. Félix Desplan, Mme Catherine di Folco, MM. Christian Favier, Pierre Frogier, Mme Jacqueline Gourault, MM. François Grosdidier, Jean-Jacques Hyest, Mme Sophie Joissains, MM. Philippe Kaltenbach, Jean-Yves Leconte, Roger Madec, Alain Marc, Didier Marie, Patrick Masclet, Jean Louis Masson, Michel Mercier, Jacques Mézard, Hugues Portelli, André Reichardt, Bernard Saugey, Simon Sutour, Mme Catherine Tasca, MM. René Vandierendonck, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto .

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

120 et 436 (2014-2015)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mardi 12 mai 2015, sous la présidence de M. Philippe Bas, président, la commission a examiné le rapport de M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur , et établi son texte sur la proposition de loi n° 120 (2014-2015), présentée par MM. Jean-Marie Bockel et Rémy Pointereau, simplifiant les conditions de saisine du conseil national d'évaluation des normes (CNEN).

Cette proposition de loi a été déposée à la suite de la publication du décret du 30 avril 2014 qui prévoit notamment qu'une demande d'évaluation examinée par le CNEN doit être présentée par au moins cent maires et présidents d'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, ou dix présidents de conseil général ou deux présidents de conseil régional. Cette condition est contraire à la position du législateur, qui n'a jamais envisagé un tel dispositif.

C'est pourquoi la commission des lois a adopté quatre amendements de son rapporteur et deux amendements de M. Rémy Pointereau afin :

- de préciser le contrôle du conseil national d'évaluation des normes sur les projets de textes réglementaires ayant un impact technique et financier sur les collectivités territoriales et leur groupement ;

- d'étendre la faculté de saisir le CNEN à toutes les collectivités territoriales et tous les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ainsi qu'à l'ensemble des parlementaires ;

- de prévoir que toute demande d'évaluation d'une norme serait motivée ;

- d'encadrer le recours aux procédures d'urgence et d'extrême urgence ;

- de prévoir que le Conseil national puisse demander aux administrations à l'origine d'une norme de lui fournir, dans un délai de trois mois à compter de sa demande, une analyse sur le bien-fondé de la norme ;

- de soumettre au Conseil national les projets de règlements fédéraux des fédérations sportives.

La proposition de loi a été adoptée ainsi modifiée .

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est de nouveau saisi d'une proposition de loi destinée à répondre aux problèmes posés par le poids des normes dans l'action publique de nos collectivités territoriales. Des normes d'urbanisme aux règles portant sur la gestion de l'eau, en passant par la restauration scolaire, la sécurité des bâtiments ou les équipements sportifs, la quasi-totalité des domaines d'intervention des collectivités territoriales est aujourd'hui affectée par ce phénomène. L'Association des maires de France (AMF) évalue à 400 000 le nombre de normes que les collectivités sont amenées à appliquer quotidiennement.

Or, dans un contexte qui nécessite maîtrise des dépenses, réactivité et inventivité, ces règles surabondantes, qui ne prennent pas toujours en compte les réalités locales ni les contraintes auxquelles les élus locaux doivent faire face, peuvent représenter un frein à la réalisation de leurs projets.

I. LE POIDS DES NORMES DANS L'ACTION PUBLIQUE LOCALE : UN CONSTAT ANCIEN

A. LA CRITIQUE ANCIENNE DE L'INFLATION NORMATIVE

Le constat de cette croissance exponentielle des normes et de ses conséquences sur l'action publique locale est ancien. Déjà en 1991, le Conseil d'État dénonçait la « surproduction normative » et ses conséquences en matière de sécurité juridique et d'accessibilité au droit. En 2000, la mission commune d'information du Sénat chargée de dresser le bilan de la décentralisation et de proposer les améliorations de nature à faciliter l'exercice des compétences locales considérait que les collectivités territoriales avaient perdu une part de la maîtrise de leurs compétences en raison de cette inflation normative qui entravait leur libre administration. En 2007, un groupe de travail portant sur les relations entre l'État et les collectivités territoriales, présidé par notre ancien collègue M. Alain Lambert, soulignait que l'accroissement des charges que supportaient les collectivités territoriales était lié à l'inflation des textes normatifs et à la complexité des procédures à mettre en oeuvre.

Plus récemment, en 2011, notre collègue M. Éric Doligé a remis un rapport au Président de la République dans lequel il estimait que l'inflation normative et l'instabilité des règles de droit étaient un frein au développement économique des territoires et reflétaient « l'excès de zèle d'un État prescripteur ignorant la réalité quotidienne du terrain », créant ainsi « un problème de hiérarchisation des dépenses dans le temps et de libre administration des marges financières de la collectivité ». Contestant non les normes en tant que telles mais leur incidence dans l'action et les budgets locaux, il plaidait pour une évolution de la méthode d'élaboration des règles applicables aux collectivités locales en définissant un programme de réduction annuel des normes, déjà appliqué dans un certain nombre de pays, en imposant notamment une obligation de résultat plutôt que de moyens et en déterminant des objectifs de stabilité minimale dans le temps.

Ce rapport est d'ailleurs à l'origine d'une proposition de loi de notre collègue Eric Doligé portant sur la simplification du fonctionnement des collectivités territoriales, qui a fait l'objet d'un travail approfondi de votre commission, à l'initiative de sa rapporteure, Mme Jacqueline Gourault. Plusieurs de ses dispositions ont d'ailleurs été intégrées au projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, actuellement en discussion au Parlement, témoignant ainsi du consensus qui entoure les préconisations proposées pour lutter contre l'excès de normes.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page