EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est appelé à examiner, en deuxième lecture, le projet de loi portant nouvelle organisation de la République après son adoption par l'Assemblée nationale le 10 mars 2015.

Par un mouvement somme toute habituel en ces matières, le texte présenté par le Gouvernement s'est considérablement « enrichi » au fil de la navette.

Initialement composé de 37 articles, celui-ci comporte aujourd'hui 166 articles dont 62 résultant des travaux du Sénat et 65 des délibérations de l'Assemblée nationale. Seule une vingtaine d'entre eux a été adoptée par les députés dans la rédaction résultant des travaux du Sénat.

En première lecture, la Haute assemblée a entendu inscrire les amendements apportés à ce texte dans un cadre ambitieux et cohérent : la préservation au bénéfice des citoyens des compétences de proximité du département, la poursuite du regroupement des communes sur une base consensuelle, l'introduction d'une dimension décentralisatrice dans un projet de loi qui en était initialement dépourvu, à travers de nouvelles compétences confiées à la région, échelon local d'orientation stratégique.

Les compléments apportés par l'Assemblée nationale sont d'importance variée : certains ne sont que de simples ajustements ou des simplifications opportunes pour les acteurs locaux ; d'autres en revanche constituent de véritables novations. C'est le cas emblématique de l'article 13 qui initialement proposait diverses modifications au statut de la collectivité territoriale de Corse et qui, en séance à l'Assemblée nationale, s'est transformé en l'érection d'une collectivité unique fusionnant région et départements au 1 er janvier 2018.

Au terme de cette première lecture, les deux assemblées se sont rejointes sur plusieurs points, notamment le maintien aux départements de la gestion des collèges et des routes.

Toutefois, les députés sont revenus au projet gouvernemental pour l'essentiel du schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation. Enfin, les ajouts introduits par l'Assemblée nationale soulèvent des questions diverses : ils reprennent pour partie des mesures déjà votées par le Sénat mais réforment aussi des mécanismes traditionnels du droit des collectivités locales ou réintègrent des dispositions précédemment rejetées par la Haute assemblée.

Dans l'esprit qui l'a guidée en première lecture, votre commission des lois s'est attachée, pour l'examen en deuxième lecture du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République à clarifier et simplifier le socle et les instruments de la décentralisation à la française.

I. LA VOLONTÉ AFFICHÉE PAR LE SÉNAT DE POURSUIVRE LA DÉCENTRALISATION DANS LE RESPECT DES TERRITOIRES

En première lecture, votre commission s'était attachée à approfondir la décentralisation de l'administration locale et à prévoir divers ajustements pour simplifier la vie des collectivités.

Ce travail avait été poursuivi en séance.

A. UNE RÉPARTITION ÉQUILIBRÉE DES COMPÉTENCES ENTRE RÉGIONS ET DÉPARTEMENTS

Animé par la recherche d'une meilleure efficacité de l'action publique locale, le Sénat a adopté la suppression de la clause de compétence générale des régions ( article 1 er ) et des départements ( article 24 ) tout en maintenant, pour ces dernières, les dispositions tendant à renforcer leur pouvoir règlementaire.

En revanche, il a préféré maintenir aux départements la plupart de leurs compétences en raison de l'expertise acquise par ces derniers et de la volonté de confier aux régions, non des compétences de gestion qui requièrent proximité et réactivité, mais des responsabilités stratégiques pour préparer les territoires aux évolutions futures et soutenir leur dynamisme.

1. Le maintien des compétences de proximité au département

Au département, échelon local exerçant des missions de solidarités territoriales et sociales, la Haute Assemblée a maintenu la plupart des compétences qu'il exerce aujourd'hui, estimant que leur transfert au niveau régional, sans être source d'économies, serait aussi contraire à l'objectif de confier à la région les orientations stratégiques. C'est pourquoi le Sénat, à l'initiative de votre commission, a supprimé le transfert à la région des transports scolaires ( article 8 ), de la voirie routière départementale ( article 9 ) et de la gestion des collèges ( article 12 ).

En parallèle, il a précisé le contenu de la compétence de solidarité territoriale des départements, en particulier leur mission de soutien et d'apport d'ingénierie aux communes et aux intercommunalités ( article 24 ).

2. Le renforcement des compétences stratégiques de la région

Le maintien de la plupart des compétences aux départements s'est accompagné, pour le Sénat, du renforcement des responsabilités de la région, en lui transférant des compétences stratégique, en particulier en matière de développement économique, d'aménagement du territoire mais aussi d'emploi et de formation.

Ainsi, affirmant sa vocation prépondérante, le Sénat a veillé à préserver l'initiative de la région en matière économique, conformément à l'objectif de clarification des compétences poursuivi par le projet de loi, en supprimant les financements croisés en matière d'aides aux entreprises. Il a aussi veillé à confier des responsabilités équivalentes aux régions et aux métropoles en matière de soutien et de pilotage des pôles de compétitivité.

Il a attribué aux régions une compétence en matière de service public de l'emploi ( article 3 bis ), en leur confiant un rôle de coordination des actions des intervenants du service public de l'emploi, tout en les associant mieux aux missions de Pôle emploi.

Le Sénat a adopté le transfert des transports interurbains départementaux à la région, tout en précisant que le transport à la demande et le transport des élèves handicapés demeuraient départementales, en raison de la proximité qu'exige la mise en oeuvre de ces deux types de transports ( article 8 ).

S'agissant des deux schémas créés par le présent projet de loi - le schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII) et le schéma régional d'aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT), prévus respectivement aux articles 2 et 6 - le Sénat a renforcé la procédure d'association des autres échelons locaux à leur élaboration et précisé le rôle du préfet de région lors de leur approbation.

Pour le SRDEII, il a tenu à rappeler que la compétence de la région en matière de développement économique devait être mieux affirmée, sans préjudice des compétences économiques attribuées par la loi aux autres collectivités et à leurs groupements, raison pour laquelle il a veillé à associer étroitement les métropoles et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, ainsi que les chambres consulaires, à l'élaboration et à la mise en oeuvre du schéma. Il a également prévu un dispositif permettant à trois cinquièmes des EPCI à fiscalité propre de la région de lui demander de revoir son projet de schéma afin que les projets de développement économique soient réellement partagés par les différents acteurs locaux concernés. Aux mêmes fins, le schéma ne devrait pas simplement comporter les grandes orientations que se fixe la région, mais également constituer le programme des actions concrètes qu'elle entend mener, afin de mobiliser autant que possible tous les acteurs sur des actions et des projets communs.

Pour le SRADDT, le Sénat a supprimé l'organisation de ce document autour d'un rapport général et d'un fascicule, afin de laisser plus de liberté aux élus locaux. Comme pour le SRDEII, il a également prévu un dispositif de seconde délibération obligeant la région à adopter un nouveau projet en cas d'opposition d'une majorité de collectivités locales afin de renforcer le caractère partagé du schéma. Enfin, pour la mise en oeuvre du schéma, la région pourrait conclure des conventions avec un ou plusieurs EPCI ou une collectivité à statut particulier, afin de préciser les conditions d'application de ses orientations et actions pour le territoire concerné.

Le Sénat a également adopté, sur proposition de ses rapporteurs, l' article 12 bis A qui vise à renforcer le rôle des régions en matière de recherche et d'enseignement supérieur, en leur conférant un pouvoir d'approbation de la carte des formations supérieures et de la recherche arrêtée par l'État.

Enfin, sur proposition du Gouvernement, le Sénat a adopté le transfert aux régions du patrimoine immobilier des centres de ressources, d'expertise et de performance sportive (CREPS), ainsi que des fonctions support correspondantes ( articles 12 ter et 12 quater ). Ce transfert vise à leur permettre de mettre en place sur leur territoire des politiques en faveur du sport, de la jeunesse et de l'éducation populaire au niveau régional.

3. L'affirmation de compétences partagées

Le Sénat a supprimé le chef de filat des régions en matière de tourisme ( article 4 ), pour conserver à cette compétence un caractère strictement partagé entre les différents échelons locaux. Il a en revanche renforcé la procédure de co-élaboration du schéma régional de développement touristique entre les régions et les départements ainsi qu'avec les communes et leurs groupements compétents.

Votre Haute Assemblée a également reconnu aux politiques de culture, de sport, d'action extérieure et de coopération internationale un exercice partagé entre les différents niveaux de collectivités territoriales ( article 28 ). Elle a précisé le cadre juridique de mise en place des guichets uniques permettant de confier à un niveau de collectivités territoriales ou de leurs groupements ou encore à l'État l'octroi d'aides et de subventions pour l'exercice d'une compétence ( article 29 ).

De même, le Sénat a renforcé le principe de cohérence entre les différentes interventions des collectivités territoriales et de leurs groupements en matière de lutte contre la fracture numérique ( article 27 ). Il a notamment allongé de dix à trente ans la durée maximale de versement des fonds de concours en raison de la nature des investissements concernés qui impliquent des amortissements de longue durée et élargi leur bénéfice à l'exploitation des réseaux de télécommunications, et non seulement à leur établissement.

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