V. LE RÉSULTAT PATRIMONIAL ET LE BILAN DE L'ÉTAT

A. UNE DÉGRADATION DU BILAN ET DE LA SITUATION PATRIMONIALE DE L'ÉTAT DE 79 MILLIARDS D'EUROS EN 2014

Les particularités du bilan de l'État et de sa situation patrimoniale

Depuis l'entrée en vigueur de la LOLF, le compte général de l'État comporte une présentation de son bilan comptable. Le bilan de l'État est une présentation de son actif et de son passif. L'actif représente l'ensemble de son patrimoine. Le passif est constitué de l'ensemble des engagements financiers de l'État à l'égard des tiers, essentiellement des dettes financières.

Cependant, le bilan de l'État se différencie du bilan des entreprises privées en raison des spécificités de son action, qui trouvent leur traduction dans ses états financiers. Il ne possède notamment pas, à son passif, de capital social (le capital social étant l'apport des actionnaires à une société). Sa capacité à lever l'impôt ne peut constituer un actif incorporel, certains de ses monuments historiques ne sont valorisés, à l'actif de l'État, qu'à l'euro symbolique. Si, pour une entreprise, un résultat net négatif traduit une destruction de richesse, le déséquilibre entre actif et passif de l'État est quant à lui structurel. C'est donc l'évolution du résultat de l'État qui peut être interprétée et non sa valeur.

C'est pourquoi le bilan de l'État n'est pas équilibré, à la différence d'un acteur privé, et est présenté sous la forme d'un tableau de situation nette, correspondant à la différence entre son actif et son passif.

La situation nette de l'État est déficitaire à hauteur de 1 018 milliards d'euros en 2014, soit une dégradation de 79 milliards d'euros par rapport au solde de l'année 2013.

Graphique n° 48 : Évolution de l'actif, du passif et de la situation nette de 2012 à 2014

(en milliards d'euros)

Note de lecture : Les chiffres 2012 et 2013, présentés dans le Compte général de l'État, ont été retraités afin de prendre en compte les changements de méthode comptable intervenus en 2014 et les corrections d'erreurs.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les comptes généraux de l'État

L'alourdissement de la situation nette négative de l'État provient d'une forte augmentation du passif (+ 97,2 milliards d'euros), qui n'est que partiellement compensée par l'actif (+ 17,5 milliards d'euros).

Le résultat patrimonial de l'État, à savoir le solde de ses produits et de ses charges ou solde des opérations de l'exercice, s'est établi, au 31 décembre 2014, à - 77,3 milliards d'euros , soit une dégradation de 17 milliards d'euros par rapport au résultat retraité 2013 (- 60 milliards d'euros). Il y a donc eu une augmentation forte du besoin de financement en 2014, après l'amélioration constatée en 2013.

Graphique n° 49 : Solde des opérations de l'exercice

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le compte général de l'État 2014

1. La dérive des dettes de fonctionnement au sein des dettes non financières

Les dettes de fonctionnement ont augmenté de 30,8 % en 2014 . Elles sont composées pour l'essentiel des dettes envers les fournisseurs, qui en constituent près de la moitié.

Graphique n° 50 : Répartition des dettes de fonctionnement de l'État

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le compte général de l'État 2014

La progression des dettes de fonctionnement provient majoritairement d'une augmentation des charges à payer de personnel et des pensionnés (+ 6,3 %) et de la hausse de la dette envers les fournisseurs (+ 73,3 %) . Environ un quart des dettes envers les fournisseurs est constitué de dettes exigibles. Le retard de paiement sur les fournisseurs atteint un montant avoisinant le milliard d'euros . Le reste de la dette comprend des factures non parvenues, pour un montant de 3,3 milliards d'euros (soit une progression de 90 % par rapport à 2013 ) . Sur le total, 484 millions d'euros correspondent à l'indemnité de résiliation du contrat Ecomouv'.

Les dettes d'intervention, à savoir les dettes liées au transfert aux ménages, aux entreprises et aux collectivités territoriales, ont également progressé, bien que plus modérément, de 1,03 % entre 2013 et 2014 (soit 109 millions d'euros de plus).

La hausse des dettes de fonctionnement fait état des difficultés du Gouvernement à maîtriser les dépenses courantes et complique les perspectives budgétaires.

2. La part croissante des contrats de partenariats dans la dette financière de l'État

La dette financière de l'État est composée des titres négociables, estimés à 1 546 milliards d'euros, (+ 4,7 % par rapport à 2013), et des « dettes financières et autres emprunts » pour 4,8 milliards d'euros.

Les dettes liées aux contrats de location-financement mobiliers et immobiliers et de partenariats public-privé (PPP) ont sensiblement progressé. Elles constituent 68 % des « dettes financières et autres emprunts » (le reste provenant de reprises de dettes) et sont en hausse de 20 % sur l'exercice 2014 , par rapport à l'exercice 2013.

Elles se décomposent comme suit : 2 573 millions d'euros au titre de l'immobilier, 578 millions d'euros au titre du mobilier (dont le contrat de partenariat annulé relatif à la mise en oeuvre de la taxe poids-lourds pour 86,8 % de ce montant) et 93 millions d'euros au titre de biens incorporels (acquisition de logiciels par le ministère de la défense).

L'essentiel de ces dettes (2 175 millions d'euros) sera exigible dans plus de 5 ans (306 millions d'euros seront exigibles dans moins d'un an et 763 millions d'euros seront exigibles dans 1 à 5 ans). L'ampleur des dettes exigible à long terme laisse à penser que le risque budgétaire est important.

3. Une augmentation importante des charges nettes

Charges nettes, charges de fonctionnement, charges d'interventions et charges financières

Les charges nettes sont l'ensemble formé par les charges de fonctionnement, les charges d'intervention et les charges financières.

Les charges de fonctionnement comprennent notamment les charges de personnels et les achats.

Les charges d'interventions sont les charges liées à la mission de régulateur économique et social de l'État (c'est-à-dire les transferts aux ménages, aux entreprises et aux collectivités territoriales) et les charges résultant de la mise en jeu de la garantie de l'État.

Les charges financières correspondent essentiellement aux intérêts de la dette financière.

Les charges nettes ont augmenté en 2014 (354 milliards d'euros en 2014 contre 340 milliards d'euros en 2013).

Ce sont les charges d'intervention qui ont le plus fortement progressé , passant de 139 milliards d'euros en 2013 à 148 milliards d'euros en 2014. Cette augmentation provient essentiellement de la hausse mécanique des dotations nettes aux provisions, à cause de la diminution des reprises sur provision. Elles s'élevaient à 29 milliards d'euros en 2014, alors qu'elles correspondaient à 36,6 milliards d'euros en 2013 (- 20,8 %). Certains dispositifs de transfert ont été revalorisés en raison de l'application du taux d'actualisation 67 ( * ) , ou du changement de référentiel de taux.

Les dotations aux provisions et les reprises sur provisions

Les dotations nettes correspondent à la différence entre les dotations aux provisions et les reprises sur provisions.

Les dotations aux provisions regroupent les dotations relatives à l'anticipation de dépenses prévisibles.

Les provisions devenues sans objet, c'est-à-dire les provisions pour lesquelles l'État n'a plus d'obligation ou pour lesquelles le risque a disparu, font l'objet d'une reprise sur provisions.

Les charges financières nettes progressent en raison de l'effet conjugué de la diminution des produits financiers (produits des immobilisations financières, gains de change, etc.) et de la baisse insuffisante des charges financières.


* 67 Le taux d'actualisation correspond aux évolutions d'anticipation des taux d'intérêt.

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