Rapport n° 604 (2014-2015) de M. Albéric de MONTGOLFIER , fait au nom de la commission des finances, déposé le 8 juillet 2015

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N° 604

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 8 juillet 2015

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de règlement , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , du budget et d' approbation des comptes de l' année 2014 ,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Sénateur,
Rapporteur général.

Tome I : Exposé général et examen des articles.

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Eblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel .

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

2813 , 2921 et T.A. 561

Sénat :

596 et 604 (2014-2015)

EXPOSÉ GÉNÉRAL
PREMIÈRE PARTIE - L'EXERCICE 2014 ET SON CONTEXTE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER

Une fois encore, la faible vigueur de la croissance économique, associée à un ralentissement significatif de l'inflation, est venue freiner la consolidation des finances publiques. Pour autant, si les efforts budgétaires consentis ont été minorés dans leurs effets par une conjoncture défavorable, ceux-ci se sont révélés insuffisants eu égard aux enjeux , conduisant à une amélioration limitée du déficit public effectif, qui s'est établi à 4 % du PIB en 2014, contre 4,1 % du PIB en 2013.

I. UNE PROGRESSION MODÉRÉE DE L'ACTIVITÉ, DANS UN CONTEXTE DE RECUL DE L'INFLATION

L'exercice budgétaire 2014 s'est inscrit dans un contexte de progression modérée du produit intérieur brut (PIB), qui a crû de 0,2 % . La hausse de l'activité observée a essentiellement reposé sur la consommation des ménages qui a connu une légère accélération ; toutefois, l'investissement a, lui, continué de reculer en 2014. Un nouveau ralentissement de l'indice des prix à la consommation a également été observé , celui-ci ayant crû de 0,5 % seulement, après avoir progressé de 0,9 % en 2013.

À titre de rappel, dans le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2014, le Gouvernement retenait une hypothèse de croissance du PIB de 0,9 % en 2014 et de progression de l'indice des prix à la consommation de 1,3 % .

A. UNE LÉGÈRE CROISSANCE DE L'ACTIVITÉ PORTÉE PAR LA CONSOMMATION DES MÉNAGES

La progression de 0,2 % du PIB en 2014 a été principalement portée par la consommation des ménages , qui a crû de 0,6 %, après avoir augmenté de 0,4 % en 2013. Celle-ci a évolué en lien avec le pouvoir d'achat de ces derniers ; en effet, le revenu disponible brut 1 ( * ) a progressé de 1,1 %, contre une hausse de 0,7 % l'année précédente, et ce dans un contexte d'augmentation limitée des prix à la consommation (cf. infra ). Le pouvoir d'achat au niveau individuel 2 ( * ) , qui permet de tenir compte de la croissance de la population, s'est également accru de 0,7 % en 2014 , alors qu'il avait diminué lors des trois années antérieures.

Selon les données publiées par l'Insee en mai dernier 3 ( * ) , la croissance du revenu disponible brut des ménages a été essentiellement due au dynamisme des prestations sociales en espèces et des revenus d'activité , ainsi qu'au ralentissement du dynamisme des impôts ; certes, les impositions courantes sur le revenu et le patrimoine ont contribué négativement à l'évolution du revenu disponible brut, augmentant de 1,4 % 4 ( * ) , mais de façon moins marquée qu'en 2013, année au cours de laquelle elles avaient progressé de 4,3 %.

La masse salariale nette reçue par les ménages a crû de 1,3 % après avoir augmenté de 0,5 % en 2013, reflétant une modeste reprise de l'emploi en 2014 (+ 0,3 % après - 0,2 % en 2013), ainsi qu' une hausse du salaire moyen brut par tête de 1,2 % - soit une évolution identique à celle observée en 2013.

Graphique n° 1 : Évolution du PIB et contributions à cette évolution

(en %)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee)

Toutefois, il convient de relever que la progression du revenu disponible brut des ménages, de 1,1 %, ne s'est pas intégralement reportée sur la consommation finale, dont la hausse n'est que de 0,6 % ; aussi le taux d'épargne des ménages s'est-il accru de 0,5 point pour atteindre 15,1 % en 2014 . Cette évolution n'est probablement pas sans lien avec la faiblesse de la confiance des ménages observée en 2014 ; en effet, l'indicateur synthétique de confiance des ménages 5 ( * ) de l'Insee a affiché un niveau moyen de 87 en 2014, alors que sa moyenne de long terme est de 101. Il est donc probable que la situation économique dégradée en 2014 ait encouragé les ménages à renforcer leur épargne de précaution . À cet égard, force est de constater que l'investissement des ménages a fortement reculé en 2014 (- 5,3 % après - 1,5 % en 2013), en particulier dans la construction.

La contraction de l'investissement des ménages est venue contribuer à la baisse de 1,2 % de la formation brute de capital fixe (FBCF) constatée en 2014 , plus marquée qu'en 2013 (- 0,6 %). Cette évolution est aussi à attribuer au recul de l'investissement des administrations publiques de 6,9 % , après une progression de 0,1 % en 2013, qui a avant tout concerné les administrations publiques locales (- 9,6 %), à la suite des élections municipales notamment (cf. infra ), ainsi que les administrations publiques centrales (- 5,9 %), essentiellement sous l'effet des moindres livraisons de matériels militaires.

À l'inverse, l'investissement des entreprises non financières a progressé plus vigoureusement en 2014, croissant de 2 % , après une hausse de 0,5 % en 2013. Néanmoins, cette évolution ne paraît pas refléter une amélioration globale de la situation des entreprises et de leurs perspectives, celle-ci étant principalement imputable, selon l'Insee, « à la nette reprise dans les matériels de transport (+ 4,2 % après - 1,7 %) et les services d'information-communication (+ 2,2 % après - 0,1 %), ainsi qu'à l'accélération dans la construction (+ 3,0 % après + 1,2 %) » 6 ( * ) ; en effet, l'indicateur de climat des affaires 7 ( * ) de l'Insee s'est dégradé tout au long de l'année 2014 , avant d'afficher un rebond à compter du mois de novembre (cf. graphique ci-après). En outre, le taux de marge des sociétés non financières s'est de nouveau dégradé, perdant 0,3 point par rapport à 2013 , pour atteindre 29,4 %, soit son niveau le plus faible depuis 1985 8 ( * ) ; l'impact du crédit pour la compétitivité et l'emploi (CICE), qui a significativement abaissé les impôts sur la production nets des subventions 9 ( * ) , n'a pas suffi à compenser la hausse des salaires, qui se sont montrés plus dynamiques que la valeur ajoutée. Aussi le contexte ne semblait-il pas favorable à une franche reprise de l'investissement des entreprises .

Graphique n° 2 : Évolution de l'indicateur de climat des affaires de l'Insee

Source : commission des finances du Sénat (données de l'Insee)

En outre, l'augmentation des stocks des entreprises a contribué positivement à l'évolution du PIB en 2014 . Selon les informations disponibles à ce jour, ceci serait essentiellement lié à un phénomène de restockage des entreprises 10 ( * ) , les enquêtes mensuelles de conjoncture dans l'industrie faisant, en effet, apparaître que les stocks de produits étaient jugés inférieurs à la normale par les chefs d'entreprise interrogés et ce, jusqu'à la fin de l'année.

Enfin, en 2014, les importations en volume se sont révélées plus dynamiques, progressant de 3,8 % après avoir crû de 1,7 %, que les exportations, qui ont augmenté de 2,4 %, contre 1,7 % en 2013. Le commerce extérieur a donc contribué négativement à l'accroissement du PIB en 2014 .

B. UNE CONJONCTURE MARQUÉE PAR UN NOUVEAU RALENTISSEMENT DE L'INFLATION

L'inflation a, de nouveau, marqué un ralentissement en 2014 ; l'indice des prix à la consommation (IPC) a progressé de 0,5 % au cours de l'année passée, contre une croissance de 0,9 % en 2013. Après avoir atteint un taux d'évolution proche de zéro en 2009, au lendemain du déclenchement de la crise économique et financière, l'inflation a engagé une nouvelle phase de repli à compter de l'été 2012. Loin de se limiter à la France, ce phénomène a concerné l'ensemble de la zone euro . Ainsi, pour l'année 2014, le taux d'inflation dans la zone euro a été estimé à 0,4 % par Eurostat.

Les causes de ce ralentissement de l'inflation sont multiples ; à cet égard, lors de son audition par la commission des finances le 28 mai 2014 11 ( * ) , Renaud Lassus, chef du service des politiques économiques et des affaires européennes de la direction générale du Trésor, indiquait : « Certains facteurs explicatifs [de la faible inflation] valent pour l'ensemble des pays développés : les prix des matières premières sont bas partout et, du fait de l'ouverture des économies - qui est à l'origine d'une décorrélation entre l'inflation et les cycles économiques -, l'inflation est structurellement plus faible ; d'autres facteurs sont propres à la zone euro : l'appréciation du taux de change de l'euro réduit l'inflation importée, tandis que les processus de désendettement des États et des ménages et la rationalisation des bilans bancaires tirent la demande à la baisse dans tous les pays ».

Ainsi, certaines spécificités de la zone euro semblent avoir exercé des pressions désinflationnistes au cours de l'année passée, ce que tend à confirmer l'atonie de l'inflation sous-jacente, soit hors énergie et autres composantes volatiles , qui était estimée à + 0,7 % en décembre 2014. Si, d'un point de vue économique, la faiblesse de l'inflation observée en 2014 dans la zone euro ne représentait pas nécessairement un danger 12 ( * ) , il n'en demeure pas moins qu'elle a eu des incidences négatives sur le redressement des comptes publics .

II. UNE AMÉLIORATION LIMITÉE DE LA SITUATION FINANCIÈRE DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES

Contrairement à ce que laissait entrevoir la dernière loi de finances rectificative pour 2014 13 ( * ) , qui prévoyait un déficit public de 4,4 % du PIB en 2014, la diminution du déficit s'est poursuivie au cours de l'exercice 2014, celui-ci étant désormais estimé à 4 % du PIB ; toutefois, l'amélioration observée n'a été que de 0,1 point de PIB par rapport à 2013, où le déficit public s'était élevé à 4,1 % du PIB. Ceci a, notamment, contribué à ce que la progression de la dette publique soit supérieure aux anticipations initiales , figurant dans le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2014 ; en effet, alors qu'il était prévu que la dette atteigne 95,1 % du PIB, cette dernière s'est établie à 95,6 % du PIB à la fin de l'année 2014 - contre 92,3 % du PIB en 2013.

Les développements qui suivent s'attachent à étudier l'évolution de la situation générale des finances publiques en 2014 , s'agissant des déficits effectif et structurel, des recettes et des dépenses, ou encore de la dette des administrations. Ces analyses sont ensuite détaillées par catégorie d'administration publique .

Tableau n° 3 : Évolution du déficit et de la dette publics (2007-2014)

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Déficit public

en milliards d'euros

49,5

63,5

138,9

135,8

105,0

100,4

86,4

84,8

en % du PIB

2,5

3,2

7,2

6,8

5,1

4,8

4,1

4,0

Dette publique

en milliards d'euros

1248,9

1354,2

1527,1

1627,8

1749,4

1865,8

1953,4

2037,8

en % du PIB

64,2

67,8

78,8

81,5

85,0

89,2

92,3

95,6

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee)

A. UNE RÉDUCTION DU DÉFICIT PUBLIC DE 0,1 POINT DE PIB EN 2014

La loi de finances initiale pour 2014 14 ( * ) prévoyait un retour du déficit public à 3,6 % du PIB en 2014 . Néanmoins, eu égard aux évolutions défavorables de la conjoncture économique (cf. supra ), notamment, le Gouvernement a révisé à deux reprises sa prévision de déficit au cours de l'exercice 2014 : la première loi de finances rectificative 15 ( * ) anticipait un déficit de 3,8 % du PIB en 2014 et la seconde loi de finances rectificative a retenu une prévision de déficit de 4,4 % du PIB. Finalement, les comptes des administrations publiques publiés par l'Insee en mai dernier ont fait apparaître que le déficit public s'était élevé à 4 % du PIB en 2014 16 ( * ) .

Selon l'exposé des motifs de l'article liminaire du présent projet de loi, l'« amélioration » du déficit public par rapport aux prévisions de fin d'année - de près de 9 milliards d'euros - serait liée, tout d'abord, à une révision à la baisse du déficit de l'année 2013 , à hauteur de 0,7 milliard d'euros. Elle résulterait également « (i) d'une amélioration du solde budgétaire de l'État (+ 2 milliards €) ; (ii) du solde des administrations de sécurité sociale (+ 2 milliards €) ; du solde des collectivités locales (+ 3 milliards €) ; (iv) d'une moindre exécution des investissements d'avenir (près de 1 milliard €) ; (v) de corrections en droits constatés plus favorables du fait du changement des règles d'enregistrement des flux liés au budget rectificatif n° 6 de l'Union européenne, qui a été imputé en 2014 en comptabilité nationale 17 ( * ) ».

Ainsi, bien que les résultats de l'année 2014 fassent apparaître un déficit public moins dégradé que ce que laissaient entrevoir les prévisions de fin d'année, la réduction du déficit public a été d'une ampleur très limitée ; entre 2013 et 2014, le déficit est passé de 86,4 milliards d'euros à 84,8 milliards d'euros, soit un recul de 1,6 milliard d'euros - correspondant à 0,1 point de PIB.

Graphique n° 4 : L'évolution du déficit public au regard des trajectoires budgétaires successives adoptées entre 2012 et 2014

(en % du PIB)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee et les documents cités)

Force est de constater que le Gouvernement n'est parvenu à atteindre aucun des objectifs de déficit qu'il s'était fixés . Comme le montre le graphique ci-avant, ni la trajectoire arrêtée par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2012 à 2017 18 ( * ) , ni celle inscrite dans le programme de stabilité 2013-2017 ou encore celle figurant dans le programme de stabilité 2014-2017 n'ont été respectées.

En raison des difficultés rencontrées par l'actuel gouvernement à respecter les cibles de solde public arrêtées, un nouveau report du délai de correction du déficit excessif a dû être demandé aux institutions européennes ; celui-ci a été accordé par une recommandation du Conseil de l'Union européenne du 10 mars 2015 19 ( * ) .

Le tableau ci-après, issu de l'exposé général des motifs du présent projet de loi, fait apparaître les facteurs expliquant l'évolution des soldes effectif et structurel au cours de l'exercice 2014. Ainsi, si le solde structurel a été réduit de 0,6 point de PIB , en lien avec un effort structurel de 0,5 point de PIB 20 ( * ) - qui rend compte des mesures discrétionnaires adoptées par le Gouvernement -, la dégradation des conditions économiques a conduit à ce que le solde conjoncturel 21 ( * ) , lui, se creuse de 0,5 point de PIB en 2014
- aboutissant à une amélioration limitée du solde public, de 0,1 point de PIB.

Tableau n° 5 : Facteurs d'évolution des déficits public et structurel en 2014

(en % du PIB)

Solde structurel

Solde nominal

Exécution 2013

- 2,6

- 4,1

Effort structurel (composante discrétionnaire)

+ 0,5

+ 0,5

dont mesures nouvelles en prélèvements obligatoires

+ 0,2

+ 0,2

dont efforts en dépenses

+ 0,4

+ 0,4

Effets élasticités des recettes

0,1

0,1

Clef en crédit d'impôt

- 0,1

- 0,1

Variation du solde conjoncturel

Sans impact

- 0,5

Variations des mesures temporaires et ponctuelles

Sans impact

+ 0,0

Exécution 2014

- 2,1

- 4,0

Source : exposé général des motifs du projet de loi de règlement

B. UNE MODÉRATION DES DÉPENSES... ET DES RECETTES PUBLIQUES

En 2014, la part des dépenses publiques dans le produit intérieur brut (PIB) a continué son ascension pour atteindre 57,5 % - soit le niveau le plus élevé de l'Union européenne après la Finlande. Ainsi, depuis 2012, le ratio de dépense publique a crû de 0,7 point (cf. tableau ci-après). De même, le taux de prélèvements obligatoires s'est établi à 44,9 % du PIB en 2014 , en augmentation de 0,2 point par rapport à 2013 - mais de près de 1 point de PIB depuis 2012.

Tableau n° 6 : Dépenses publiques et prélèvements obligatoires

(en % du PIB)

2011

2012

2013

2014

Dépenses publiques

55,9

56,8

57,0

57,5

Prélèvements obligatoires

42,6

43,8

44,7

44,9

Source : commission des finances (à partir des données de l'Insee)

Si la croissance de la dépense publique a été plus rapide que celle de l'activité, entraînant une hausse de la part de cette dernière dans le PIB, comme cela était indiqué précédemment, il n'en demeure pas moins qu'elle a été moins dynamique que prévu initialement . Le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2014 prévoyait une croissance en valeur de la dépense de 1,7 % ; toutefois, celle-ci n'a progressé que de 0,9 % en 2014 , selon les données publiées par l'Insee, contre une progression de 1,9 % en 2013. Le ralentissement de la dépense publique a été plus marqué que celui de l'inflation, qui est passée de 0,9 % en 2013 à 0,5 % en 2014. Par conséquent, hors crédits d'impôt 22 ( * ) , la dépense a crû en volume à un rythme proche de l'objectif retenu dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014, soit 0,4 % . À cet égard, il convient de rappeler que la loi de programmation pour les années 2012-2017 prévoyait également une croissance de la dépense publique de 0,4 % en volume au titre de l'exercice 2014.

Il convient cependant de relever que la modération du dynamisme de la dépense publique est, en grande partie, imputable à un « effet d'aubaine » , lié à la décélération spontanée de certaines catégories de dépenses en 2014. Ainsi que le font apparaître les développements qui suivent, le ralentissement de la dépense publique tient pour une large part à la réduction des dépenses des administrations publiques locales (APUL), qui ont reculé de 0,3 % en 2014 , après avoir progressé de plus de 3 % en 2013, dans un contexte marqué par la tenue des élections municipales. Par ailleurs, une baisse de la charge de la dette en lien avec le recul des taux d'intérêt a pu être constatée .

L'engagement par l'actuel gouvernement de réformes structurelles, de nature à provoquer un ralentissement durable des dépenses des administrations, aurait permis une amélioration plus nette de la situation des finances publiques en 2014 - dès lors que les incidences de ces réformes se seraient ajoutées aux effets d'aubaine survenus au cours de l'année passée.

En tout état de cause, la décélération de la dépense publique n'a pas permis de compenser la relative atonie des prélèvements obligatoires, dans un contexte de faible croissance et de ralentissement de l'inflation . En effet, mesures nouvelles mises à part, les prélèvements obligatoires ont progressé de 0,8 %, soit à un rythme proche de celui du PIB en valeur. Les mesures nouvelles ont, quant à elles, contribué à hauteur de 0,1 point de PIB environ à la hausse du taux de prélèvements obligatoires en 2014 - qui s'est élevé à 44,9 % du PIB -, du fait des augmentations des taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) 23 ( * ) et de cotisations vieillesse, néanmoins partiellement contrebalancées par la montée en charge du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE).

C. UN AJUSTEMENT STRUCTUREL DE 0,6 POINT DE PIB

Au cours de l'exercice 2014, le solde structurel s'est élevé à - 2,1 % du PIB, affichant une amélioration de 0,6 point de PIB environ par rapport à 2013 (- 2,6 % du PIB) . Cet ajustement structurel résulte d' un effort structurel de 0,5 point de PIB , recouvrant des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires, à hauteur de 0,15 point de PIB, et un effort en dépenses de 0,35 point de PIB. Par suite, en 2014, l'effort budgétaire a reposé à 70 % sur les dépenses - au bénéfice d'effets d'aubaine en termes d'évolution de certaines catégories de dépenses, comme indiqué précédemment.

À titre de rappel, l'effort structurel rend compte des mesures discrétionnaires adoptées à l'initiative du Gouvernement ; aussi, le « passage » entre l'effort structurel et l'ajustement structurel implique de prendre en considération la composante non discrétionnaire 24 ( * ) de ce dernier et la « clef en crédits d'impôts », comme le rappelle l'encadré ci-après.

À l'instar du solde effectif, le solde structurel constaté au titre de l'exercice 2014 est supérieur de près de 0,4 point de PIB à la prévision retenue dans les textes financiers de fin d'année - de même que dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2014 à 2019 25 ( * ) (cf. tableau ci-après), adoptée en décembre dernier, qui a défini la nouvelle trajectoire de solde structurel arrêtée en application du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG).

Ainsi que l'indique l'avis du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) du 22 mai dernier relatif au solde structurel des administrations publiques présenté dans le présent projet de loi 26 ( * ) , l'écart constaté par rapport à la dernière loi de programmation découle, pour 0,2 point de PIB, « d' un effort structurel plus important, qui résulte essentiellement d'une meilleure maîtrise de la dépense publique en 2014 (croissance de 0,9 % en valeur, hors crédits d'impôt, contre 1,4 % dans la LPFP), notamment du fait d'un recul plus marqué que prévu de l'investissement local et de la poursuite de la baisse des charges d'intérêt » et, pour 0,25 point de PIB, « d' une élasticité des recettes à la croissance plus élevée qu'attendu dans la LPFP (1,1 contre 0,7) ».

Tableau n° 7 : Tableau de synthèse de l'article liminaire du projet de loi de règlement

(en points de PIB)

(a)

(b)

(c)=(a)-(b)

(d)

(e)

(f)=(d)-(e)

Exécution 2014

Soldes prévus par la LPFP 2014-2019

Écarts aux soldes prévus par la LPFP 2014-2019

Exécution 2014 : Métrique de la LPFP 2012-2017

Soldes prévus par la LFI 2014

Écarts aux soldes prévus par la LFI 2014

Solde structurel (1)

- 2,1

- 2,4

0,4

- 2,2*

- 1,7

- 0,5

Solde conjoncturel (2)

- 1,9

- 1,9

0,0

- 1,7*

- 1,8

0,0

Mesures ponctuelles et temporaires (3)

0,0

0,0

0,0

0,0*

- 0,1

+ 0,1

Solde effectif (1)+(2)+(3)

- 4,0

- 4,4

0,4

- 3,9*

- 3,6

- 0,3

* Estimations

Source : article liminaire du projet de loi de règlement

Si, sans surprise, la cible de solde structurel définie par la loi de programmation des finances publiques 2014-2019 a été respectée en 2014, tel n'est pas le cas des objectifs qui avaient été fixés par la précédente loi de programmation et par la loi de finances pour 2014 .

Bien qu'elle ait été abrogée par la dernière loi de programmation, il convient également d'examiner l'évolution du solde structurel au regard de la trajectoire définie par la loi de programmation des finances publiques 2012-2017 . Il est nécessaire de rappeler que les hypothèses retenues par cette dernière pour évaluer le solde structurel étaient différentes 27 ( * ) . Aussi, calculé sur la base des hypothèses sous-jacentes à la loi de programmation des finances publiques 2012-2017, le solde structurel s'élevait à 2,2 % du PIB en 2014 - faisant donc apparaître un écart de - 0,5 point de PIB par rapport à la prévision de la loi de finances pour 2014 (- 1,7 % du PIB) . De même, en 2014, le solde structurel affichait toujours un écart supérieur à 1 point de PIB par rapport à la trajectoire d'ajustement définie par la loi de programmation des finances publiques 2012-2017.

À titre de rappel, le HCFP avait identifié, en mai 2014 28 ( * ) , un « écart important » - de 1,5 point de PIB - entre cette dernière trajectoire et le solde structurel de l'année 2013, déclenchant le « mécanisme de correction » 29 ( * ) prévu par la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques 30 ( * ) ; toutefois, l'obligation de corriger l'« écart important » identifié a pris fin avec la définition d'une nouvelle trajectoire par la dernière loi de programmation des finances publiques .

Ceci vient mettre en évidence les limites inhérentes au mécanisme de correction . En effet, alors qu'aux termes du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), ce mécanisme doit comporter « l'obligation pour la partie contractante concernée de mettre en oeuvre des mesures visant à corriger ces écarts sur une période déterminée », donc contraindre l'État intéressé à respecter la trajectoire de solde structurel qu'il a lui-même défini, le Gouvernement a modifié cette trajectoire plutôt que de corriger les écarts apparus avec celle définie initialement .

Ajustement structurel et effort structurel

L' ajustement structurel se définit comme la variation du solde structurel, qui correspond au solde public effectif corrigé du cycle économique, soit de la conjoncture, de même que des mesures exceptionnelles et temporaires. Dès lors, l'ajustement structurel renvoie à la variation du solde public dont ont été retranchés les effets de la conjoncture économique. Malgré cela, celui-ci ne constitue qu'une mesure imparfaite pour qualifier l'orientation discrétionnaire de la politique budgétaire .

En effet, par construction, le solde structurel est conçu comme un résidu entre le solde effectif et sa part conjoncturelle, de sorte que tous les éléments qui ne figurent pas explicitement dans le solde conjoncturel sont considérés comme étant de nature structurelle ; en particulier, le solde structurel ne permet pas d'exclure les incidences de l'évolution de l'élasticité des prélèvements obligatoires , pourtant sensible aux évolutions conjoncturelles et qui échappe au contrôle du Gouvernement. Aussi, afin de mieux approcher la composante discrétionnaire des finances publiques - et donc l'action budgétaire du Gouvernement -, a été développée la notion d'effort structurel , qui a été proposée pour la première fois dans le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2004 31 ( * ) .

L'effort structurel peut se décomposer en deux facteurs : l' effort structurel en dépenses , qui correspond à l'écart entre la progression de la dépense publique et la croissance potentielle, et l' effort structurel en recettes , soit les mesures nouvelles portant sur les prélèvements obligatoires perçus par l'ensemble des administrations publiques 32 ( * ) . Ainsi, le calcul de l'effort structurel permet un traitement amélioré du traitement des recettes dans la mesure de la composante discrétionnaire du solde public, dès lors qu'il permet d'exclure les incidences de l'évolution des élasticités. Toutefois, il ne permet pas d'isoler les évolutions des
dépenses publiques qui ne sont pas maîtrisées par le Gouvernement
, à l'instar des charges de la dette, pouvant momentanément venir accroître l'effort structurel en dépenses.

En outre, l'entrée en vigueur du nouveau système européen des comptes nationaux, dit « SEC 2010 » 33 ( * ) , a modifié le traitement des crédits d'impôts « restituables » 34 ( * ) , soit ceux correspondant à une créance et pouvant donner lieu à un versement de la part du Trésor public en cas de dépassement de l'impôt dû, qui sont désormais comptabilisés comme des dépenses publiques - alors qu'ils l'étaient auparavant en tant que moindres recettes. Par conséquent, afin de maintenir inchangé la notion d'effort structurel, l'effort en dépenses est calculé hors crédits d'impôts . Toutefois, parce que la montée en charge des crédits d'impôts « pèse » sur l'ajustement structurel, un terme supplémentaire a été ajouté dans la décomposition de ce dernier : il s'agit de la « clef en crédits d'impôts ».

D. UNE DETTE DÉSORMAIS SUPÉRIEURE À 2 000 MILLIARDS D'EUROS

En raison d'un déficit qui demeure élevé - en comparaison d'un solde stabilisant qui s'élevait à - 0,6 % du PIB en 2014 35 ( * ) -, la dette des administrations publiques a, pour la première fois en 2014, franchi le seuil de 2 000 milliards d'euros . Au 31 décembre dernier, celle-ci s'élevait à 2 037,8 milliards d'euros, en augmentation de 84,4 milliards d'euros par rapport à 2013. Aussi le ratio de dette publique a-t-il atteint 95,6 % du PIB, et ce alors même qu'au début de l'actuelle législature, dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, le Gouvernement laissait entrevoir un recul de ce ratio à compter de 2014.

Graphique n° 8 : Évolution de la dette publique de la France (1998-2014)

* Au quatrième trimestre, le PIB utilisé pour exprimer la dette en point de PIB est le PIB annuel en données brutes. Cette mesure n'a pas de strict équivalent en cours d'année : elle est approximée par le cumul du PIB trimestriel en données corrigées des variations saisonnières et des jours ouvrables (CVS-CJO) sur les quatre derniers trimestres connus.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'Insee)

Pour autant, le Gouvernement a bénéficié de la baisse des taux d'intérêt ajoutée à celle de l'inflation. Aussi la charge d'intérêts a-t-elle continué à reculer en 2014, atteignant 46,1 milliards d'euros - soit une baisse de 1,8 milliard d'euros par rapport à 2013 . À titre de rappel, la charge d'intérêts supportée par les administrations publiques atteignait 53,9 milliards d'euros en 2012.

Le solde primaire, c'est-à-dire hors charge de la dette, représentait
- 1,8 % du PIB en 2014
, soit un niveau équivalent à celui observé en 2013 ; un solde primaire négatif signifie que la charge d'intérêts doit être couverte par de nouveaux emprunts, donc qu'il faut de nouveau emprunter pour rembourser la dette publique. Le graphique ci-après permet de distinguer l'augmentation, entre 2013 et 2014, de l'encours de la dette publique liée au déficit primaire et celle imputable à l'effet « boule de neige » 36 ( * ) .

Graphique n° 9 : Décomposition du surcroît de dette publique accumulé
en 2014 par rapport à 2013

(en % de PIB)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données transmises par le Gouvernement)

E. LES DIFFÉRENTES CATÉGORIES DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES

Les développements qui suivent détaillent l'évolution de la situation financière des différentes catégories d'administrations publiques au cours de l'exercice 2014 . Ainsi, il apparaît que si le déficit des administrations publiques centrales (APUC) - comprenant l'État, qui porte la plus large part du déficit public - s'est légèrement accru, le besoin de financement des administrations publiques locales (APUL) a, quant à lui, reculé, à l'instar de celui des administrations de sécurité sociale (ASSO).

Tableau n° 10 : Capacité (+) ou besoin (-) de financement des administrations publiques

(en points de PIB)

2011

2012

2013

2014

État

- 91,2

- 81,6

- 69,8

- 74,7

Organismes divers d'administration centrale

- 0,2

- 2,6

+ 1,0

+ 2,9

Administrations publiques locales

- 0,7

- 3,5

- 8,5

- 4,5

Administrations de sécurité sociale

- 12,9

- 12,7

- 9,1

- 8,5

Ensemble des administrations publiques

- 105,0

- 100,4

- 86,4

- 84,8

Source : Insee

1. Une hausse du déficit des administrations publiques centrales

La situation financière de l'État fait l'objet d'une analyse approfondie infra , dans une partie dédiée du présent rapport. Toutefois, il convient de relever que le déficit de l'État a progressé en 2014, celui-ci s'étant élevé, en comptabilité nationale, à 74,7 milliards d'euros (3,5 % du PIB) - en hausse de 4,9 milliards d'euros par rapport à 2013. La capacité de financement des organismes divers d'administration centrale (ODAC) s'est de nouveau améliorée, atteignant 2,9 milliards d'euros en 2014 , contre 1 milliard d'euros en 2013. Dans sa publication relative aux comptes des administrations publiques de mai dernier 37 ( * ) , l'Insee précise que des « transferts exceptionnelles [ont] amélior[é] le solde des Odac et dégrad[é] symétriquement celui de l'État ; il s'agi[ssait] des dotations de l'État à certains Odac dans le cadre du programme d'investissements d'avenir, qui représent[aient] 7,1 milliards d'euros » 38 ( * ) .

Au total, le besoin de financement des administrations publiques centrales (APUC) était de 71,8 milliards d'euros en 2014 (3,4 % du PIB) , en augmentation de 3,1 milliards d'euros par rapport à 2013. Si les dépenses des APUC ont crû modérément, de 1,4 % contre 0,3 % en 2013, les recettes ont également affiché un faible dynamisme, progressant de 0,9 % alors qu'elles avaient augmenté en 2013 de 4,3 % - les principaux déterminants de cette évolution, qui concernent essentiellement les dépenses et les recettes de l'État, sont examinés ultérieurement.

En 2014, la dette de l'État s'est élevée à 1 612,2 milliards d'euros (75,6 % du PIB) et celle des organismes divers d'administration centrale (ODAC) à 22,6 milliards d'euros (1,1 % du PIB). Aussi la dette des administrations publiques centrales (APUC) a-t-elle représenté 76,7 % du PIB , donnant lieu au paiement de 39,5 milliards d'euros d'intérêts, contre 40,8 milliards d'euros en 2013.

2. Une forte baisse des dépenses des collectivités territoriales

Au cours de l'exercice 2014, le besoin de financement des administrations publiques locales (APUL) a reculé de 4,1 milliards d'euros , pour atteindre 4,5 milliards d'euros (0,2 % du PIB). Ceci résulte principalement d'un fort ralentissement des dépenses, qui ont baissé de 0,3 %, alors qu'elles avaient progressé de 3,4 % en 2013. Cette décélération est à attribuer à la diminution de l'investissement, de 9,6 % , après une hausse de 5,2 % en 2013, en lien avec la tenue des élections municipales. En effet, dans le cadre du « cycle électoral », il est usuellement constaté que les dépenses d'investissement des communes reculent l'année des élections 39 ( * ) .

Toutefois, le recul constaté en 2014 est particulièrement marqué et excède ce qui a pu être observé par le passé, laissant soupçonner que d'autres facteurs sont intervenus dans la réduction de l'investissement des collectivités territoriales. En effet, la baisse des dotations de l'État (cf. infra ) additionnée à la dégradation des conditions économiques ont, de toute évidence, contribué à l'évolution des dépenses d'investissement des collectivités en 2014 ; à cet égard, dans une note de conjoncture de mai 2015, la Banque postale a relevé qu'outre le contexte électoral, « les investissements locaux [avaient] également subi le contrecoup de l'érosion des moyens d'autofinancement et l'absence d'effet contra cyclique dans les départements et les régions » 40 ( * ) .

Les charges d'intérêts ont, elles, continué de reculer , de 0,3 %, contre 1,9 % en 2013, pour atteindre 5,4 milliards d'euros. À l'inverse, les dépenses de prestations et de transferts sociaux sont restées dynamiques , progressant de 4,2 %, après avoir augmenté de 4,4 % en 2013. De même, la réforme des rythmes scolaires, la hausse du nombre de contrats aidés, le relèvement des taux de cotisations retraites employeurs et les revalorisations salariales pour certaines catégories de fonctionnaires ont participé à une accélération des rémunérations, qui ont crû de 3,9 % en 2014 , contre 3,2 % en 2013. Enfin, dans un contexte de faible inflation, les consommations intermédiaires ont faiblement augmenté en 2014, de seulement 0,3 % , après avoir progressé de 2,9 % en 2013.

S'agissant des recettes, les prélèvements obligatoires des administrations publiques locales (APUL) ont augmenté de 3,1 milliards d'euros , en raison d'une hausse des impôts sur les produits et la production. En particulier, les départements se sont vus conférer la possibilité d'augmenter les taux des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) ; cette possibilité a été largement utilisée - puisqu'en 2014, 90 départements sur 101 ont choisi de porter à leur plafond les taux des DMTO, soit 4,5 % - et a été à l'origine de 0,7 milliard d'euros de recettes supplémentaires. À cela est venu s'ajouter un transfert de recettes de la taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques (TICPE) de l'État aux régions dans le cadre des réformes de la formation professionnelle et de l'apprentissage, pour un montant de 0,4 milliard d'euros.

Enfin, la dotation globale de fonctionnement (DGF) a été réduite de 1,4 milliard d'euros en 2014 - diminution qui n'a été que partiellement compensée par un nouveau transfert représentatif des frais de gestion de la taxe foncière, à hauteur de 0,8 milliard d'euros.

La dette des administrations publiques locales s'est également accrue en 2014, de 4,9 milliards d'euros (+ 2,7 %), pour atteindre 188,2 milliards d'euros (8,8 % du PIB) . La charge de la dette a représenté 2,1 milliards d'euros, contre 2,7 milliards d'euros en 2013, compte tenu de la réduction des taux d'intérêt.

3. Une légère amélioration des comptes sociaux
a) La situation globale des administrations de sécurité sociale

À l'issue de l'exercice 2014, le déficit des administrations de sécurité sociale (ASSO) s'élevait à 8,5 milliards d'euros (0,4 % du PIB) , marquant une légère amélioration, de 0,6 milliard d'euros, par rapport à 2013. La publication de l'Insee relative aux comptes des administrations publiques de mai dernier 41 ( * ) relève un ralentissement des recettes des ASSO en 2014, qui ont augmenté de 2,4 % après 2,9 % en 2013 , en dépit d'une accélération de la masse salariale privée (cf. supra ) - qui constitue l'assiette principale des cotisations sociales. En effet, « les mesures nouvelles en termes de prélèvements obligatoires ont moins soutenu les recettes en 2014 (5,5 milliards d'euros) qu'en 2013 (10 milliards d'euros). En outre, les prélèvements sociaux sur le capital restent peu dynamiques, sous l'effet notamment de la baisse des taux de rendement des actifs financiers » 42 ( * ) .

Les dépenses des administrations de sécurité sociale se sont, elles, stabilisées progressant de 2,3 % , soit un niveau proche de celui observé en 2013 (+ 2,2 %). La décélération des prestations a été particulièrement marquée pour les pensions de retraite de base et complémentaires, qui étaient « gelées » en 2014. De même, les prestations familiales ont été faiblement revalorisées - de 0,6 % le 1 er avril - du fait de la modération de l'inflation. S'agissant des dépenses d'indemnisation chômage, celles-ci ont connu une hausse sensiblement moins forte en 2014, de 1,9 %, en comparaison de 2013 (+ 5,7 %), du fait d'une évolution moins défavorable du marché du travail.

La dette des administrations de sécurité sociale (ASSO) s'est élevée à 216,8 milliards d'euros en 2014 (10,2 % du PIB) , en progression de 5,1 milliards d'euros en 2013. La charge d'intérêt supportée par les ASSO s'est élevée à 4,7 milliards d'euros en 2014, soit un niveau proche de celui constaté en 2013 (4,8 milliards d'euros).

b) Le champ des lois de financement de la sécurité sociale

Dans le champ des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS), plus restreint que celui des administrations de sécurité sociale (ASSO), il apparaît que le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) 43 ( * ) a reculé de 2,2 milliards d'euros en 2014, s'élevant à 13,2 milliards d'euros - soit un niveau plus élevé que la prévision retenue par la LFSS pour 2014 (13 milliards d'euros), mais significativement plus faible que celle arrêtée par la LFSS pour 2015 (15,2 milliards d'euros).

Tableau n° 11 : Capacité (+) ou besoin (-) de financement des administrations

(en points de PIB)

2012

2013

2014

Maladie

- 5,9

- 6,8

- 6,5

Accident du travail

- 0,2

0,6

0,7

Retraite

- 4,8

- 3,1

- 1,2

Famille

- 2,5

- 3,2

- 2,7

Régime général

- 13,3

- 12,5

- 9,7

FSV

- 4,1

- 2,9

- 3,5

Vieillesse y compris FSV

- 8,9

- 6,0

- 4,6

Régime général + FSV

- 17,5

- 15,4

- 13,2

Source : Comptes de la sécurité sociale (juin 2015)

Les autres régimes de base ont, quant à eux, vu leur solde s'améliorer en 2014 . Les régimes des indépendants sont en équilibre, alors qu'ils étaient en déficit de 0,5 milliard d'euros en 2013, sous l'effet de la forte réduction du déficit du régime des exploitants agricoles, et les autres régimes salariés ont affiché un excédent global de 0,3 milliard d'euros - en raison du redressement significatif des comptes de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL). Par suite, le déficit de l'ensemble des régimes de base, y compris le régime général, s'est réduit de 3,8 milliards d'euros pour atteindre 9,3 milliards d'euros en 2014 .

Les ressources affectées au régime général et au FSV se sont élevées à 332,8 milliards d'euros en 2014, en hausse de 3 % par rapport à 2013 . Les cotisations sociales perçues par le régime général ont représenté 192,9 milliards d'euros, progressant de 2,4 %, et la contribution sociale généralisée (CSG) a dégagé une recette nette de 91,6 milliards d'euros, ce qui représente une augmentation de seulement 1,2 % en 2014. Le régime général et le FSV ont bénéficié de 11,1 milliards d'euros de contributions sociales et de 41,3 milliards d'euros d'impôts et taxes en 2014 ; les recettes fiscales qui leur sont attribuées ont augmenté de 9,2 % en raison, notamment, de la hausse du montant de la TVA nette affectée à la caisse nationale d'assurance maladie (CNAM). Les contributions de l'État ont, elles, diminué de 4,3 %.

Pour ce qui est des dépenses, les prestations nettes versées par le régime général ont atteint 314,8 milliards d'euros en 2014, en hausse de 2,4 % par rapport à 2013 . Selon le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale publié en juin 2015, « cette progression, légèrement plus forte qu'en 2013, a été principalement portée par la croissance des prestations versées par la CNAM (+ 2,8 %) et par la CNAV (+ 2,5 %) » 44 ( * ) .

Toutefois, les pensions servies par la caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) ont été nettement moins dynamiques en 2014 , progressant de 2,5 % pour atteindre 108,2 milliards d'euros, alors qu'elles avaient augmenté de 4 % en 2013. Ce ralentissement est à attribuer à une baisse de 4 % des départs en retraite au régime général - en lien avec la réforme de 2010 - et à une revalorisation des retraites en forte baisse, de 0,3 % en 2014 après 1,5 % en 2013.

Les prestations familiales ont continué de décélérer en 2014, augmentant de 1,2 % en 2014 après avoir crû de 1,9 % en 2013 . Selon le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale précité, la faible croissance de la masse des prestations familiales versées serait le résultat de la modération de l'inflation - qui a conduit à une progression de la base mensuelle de calcul des allocations familiales (BMAF) de 0,75 % en moyenne annuelle - et du resserrement des conditions d'attribution de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE) - dont la dépense globale a diminué pour la première fois depuis sa mise en place.

Enfin, les dépenses entrant dans le champ de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) se sont élevées à 177,9 milliards d'euros en 2014 , soit 0,4 milliard d'euros de moins que l'objectif voté dans le cadre de la loi de financement pour 2014. Cet écart est imputable aux versements aux établissements de santé ; en effet, le dépassement de la part tarifs des établissements sous dotation globale a été compensé par l'annulation des crédits gelés - à laquelle sont venues s'ajouter les annulations de crédits réalisées en fin d'année, pour un montant de 250 millions d'euros.

Il apparaît donc que la régulation budgétaire infra-annuelle, qui repose sur un large recours aux annulations, constitue dans le périmètre des administrations de sécurité sociale (ASSO), comme dans celui de l'État, l'un des principaux instruments utilisés par le Gouvernement afin de redresser des comptes publics - et ce, au détriment de mesures aux effets plus pérennes.

c) L'évolution de la dette sociale

À la fin de l'année 2014, la dette restant à amortir par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) s'élevait à 130,2 milliards d'euros, soit 6,1 % du PIB . Au cours de l'exercice, la CADES a repris 10 milliards d'euros de dette et en a amorti 12,7 milliards d'euros - soit un niveau proche de l'objectif fixé en loi de financement pour 2014 (12,8 milliards d'euros) -, ayant bénéficié de 16 milliards d'euros de recettes.

Au total, le 31 décembre 2014, la CADES avait repris, depuis sa création, 226,9 milliards d'euros de dette et en avait amorti 96,7 milliards d'euros.

DEUXIÈME PARTIE - L'EXÉCUTION DU BUDGET DE L'ÉTAT EN 2014

I. L'APPARENTE MAÎTRISE DES DÉPENSES MASQUE L'ABSENCE D'ÉCONOMIES PÉRENNES ET DE CHOIX STRATÉGIQUES CLAIRS

A. LES NORMES « ZÉRO VOLUME » ET « ZÉRO VALEUR » ONT ÉTÉ RESPECTÉES GRÂCE À DES ÉCONOMIES DE CONSTATATION ET DES OPÉRATIONS IRRÉGULIÈRES

La dépense, sur le périmètre de la norme « zéro valeur » , c'est-à-dire les dépenses du budget général hors dette et pensions, les taxes affectées plafonnées et les prélèvements sur recettes, est passée de 280 milliards d'euros en 2013 à 276,7 milliards d'euros en 2014. Elle a donc diminué de 3,3 milliards d'euros d'une exécution l'autre.

Sur le périmètre de la norme « zéro volume » , la baisse atteint 4 milliards d'euros : les dépenses s'élevaient à 368,8 milliards d'euros en 2013 contre 364,8 milliards d'euros en 2014.

L'examen de la répartition et du détail de la moindre dépense constatée en 2014 par rapport à 2013 conduit cependant à nuancer très fortement la gestion budgétaire « sérieuse et responsable » affichée par le Gouvernement .

1. Près de 2,5 milliards d'euros d'« économies » ne proviennent pas d'efforts budgétaires de l'État
a) La sous-exécution de la norme « zéro valeur » est liée pour plus d'un tiers à la diminution des prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales

Comme le montre le graphique ci-après, sur les 3,3 milliards de diminution des dépenses de l'État entre l'exécution 2013 et l'exécution 2014, près de la moitié de la baisse (1,6 milliard d'euros) est liée à la réduction des prélèvements sur recettes, dont 1,2 milliard d'euros de diminution des prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales. Plus du tiers de la réduction de la dépense sur la norme « zéro valeur » ne provient donc pas d'un effort budgétaire de l'État, mais d'une contrainte accrue sur les dépenses des collectivités territoriales .

Graphique n° 12 : Évolution des dépenses sur le périmètre
de la norme « zéro valeur »

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données budgétaires

b) Le respect de la norme « zéro volume » a pour seul motif la réduction de la charge de la dette

De même, concernant la norme « zéro volume », celle-ci est mécaniquement respectée dès lors que c'est le cas pour la norme « zéro valeur » et que la diminution de la charge de la dette a fait plus que compenser l'augmentation des contributions au compte d'affectation spéciale « Pensions ».

Graphique n° 13 : Évolution des dépenses sur le périmètre
de la norme « zéro volume »

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données budgétaires

Au total , plus de la moitié des économies sur le périmètre « zéro volume » (3,3 milliards d'euros sur un total de 4 milliards d'euros) a reposé sur des dépenses qui ne sont pas directement impactées par la gestion budgétaire de l'État : la diminution des prélèvements sur recettes (1,6 milliard d'euros) et la baisse de la charge de la dette (1,7 milliard d'euros).

2. La sincérité des normes de dépenses est remise en cause par les nombreuses opérations irrégulières au regard de la charte de budgétisation

La norme de dépenses en valeur est censée représenter l'ensemble des dépenses de l'État pilotables par le gestionnaire public : à ce titre, elle exclut un certain nombre de dépenses, comme la charge de la dette et les contributions au CAS « Pensions », dont les paramètres ne sont pas directement pilotés par le Gouvernement. S'il est aisément compréhensible qu' un agrégat trop large et peu maîtrisable viderait la norme en valeur de sa substance , en conditionnant son respect à la conjoncture économique plus qu'aux choix de l'exécutif, il convient aussi de limiter les dépenses exclues de son périmètre : pour que la norme constitue un outil fiable de suivi de la gestion budgétaire du Gouvernement, elle ne doit pas être trop facile à contourner .

C'est pourquoi la charte de budgétisation , annexée aux lois de programmation des finances publiques et rappelée dans le cadre du projet de loi de finances initiale, pose des règles de calcul de la norme visant à assurer une comparaison pluriannuelle fiable, sur un champ constant . Le principe général posé par la charte est que « les mouvements constituant une simple réimputation au sein du périmètre de la norme (par exemple, entre budget général et prélèvements sur recettes) ou les mouvements équilibrés en recettes et en dépenses, entre ce périmètre et une autre entité (par exemple, les collectivités locales), ne doivent pas être comptabilisés dans ce calcul ». En d'autres termes, il faut neutraliser les sorties du périmètre de la norme qui ne correspondent pas à une réelle diminution des dépenses. De même, l'intégration de nouvelles dépenses au sein de la norme doit être neutralisée : un élargissement du périmètre de la norme ne traduit pas une augmentation des dépenses à périmètre constant.

Or force est de constater que le nombre et l'ampleur des opérations budgétaires qui ont fait l'objet, en 2014, d'un traitement irrégulier au regard de la charte de budgétisation , interrogent quant à la sincérité du respect de la norme de dépenses.

a) Des irrégularités récurrentes, relatives aux comptes d'affectation spéciale et aux fonds de concours

L 'exclusion de l'ensemble des comptes d'affectation spéciale (CAS), ne paraît pas justifiée dès lors que les dépenses de certains d'entre eux ne présentent pas de différence de nature avec celles du budget général. Ces opérations font l'objet d'interrogations récurrentes de votre commission des finances ainsi que de la part de la Cour des comptes 45 ( * ) . Il s'agit d'une fraction des dépenses de gestion du patrimoine immobilier de l'État, des dépenses du CAS « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien » pour la norme « zéro valeur » d'une part, de la variation du solde du CAS « Pensions » correspondant à son fonds de roulement pour la norme « zéro volume » d'autre part.

Loin de connaître une décrue, l'usage des CAS pour limiter artificiellement l'exécution des dépenses sous norme s'est maintenu en 2014. Est notamment visé un rétablissement de crédits donnant lieu à l'utilisation de 125 millions d'euros pour des dépenses auparavant effectuées à partir du programme 212 « Soutien de la politique de défense » sur le CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ». Sur la même mission « Défense », le programme militaire « Syracuse » a été financé à hauteur de 16 millions d'euros  à partir du CAS « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien ». Enfin, l'inscription, sur le CAS « Participations financières de l'État », d'une souscription obligataire en faveur de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) ainsi que d'une avance d'actionnaire au profit de la société nationale Corse Méditerranée paraissent également similaires à des dépenses d'ordinaire portées par le budget général.

Le rattachement tardif de certains fonds de concours permet lui aussi de diminuer artificiellement la dépense , puisque leur montant est déduit de l'exécution sans que les crédits rattachés ne puissent être consommés au cours du même exercice. Le cas du fonds de concours relatif au fonds de péréquation adossé à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) est particulièrement significatif dans la mesure où son rattachement à l'exercice 2014, intervenu le 31 décembre pour un montant de 190 millions d'euros, paraît largement fictif.

b) Des transferts fiscaux aux collectivités territoriales n'ont pas été neutralisés

Plusieurs dispositions de la loi de finances initiale pour 2014 semblent avoir été traitées de manière non conforme à la charte de budgétisation régissant le calcul des normes de dépense, conduisant là aussi à une diminution « en trompe-l'oeil » des crédits. Ainsi, les dispositifs prévus aux articles 41 et 42 n'ont pas été neutralisés par des mesures de périmètre , alors même qu'ils consistent en l'affectation de nouvelles ressources fiscales aux collectivités territoriales, sans transfert de compétences associé 46 ( * ) . Les montants en jeu sont considérables : ils s'élèvent, au total, à plus de 1,7 milliard d'euros . Le Premier président de la Cour des comptes, auditionné par la commission des finances le 28 mai 2015, a confirmé que ces opérations constituaient « une source de préoccupation » en ce qu'elles « altèrent le suivi et la lisibilité de l'évolution des dépenses ».

c) Le programme d'investissements d'avenir : d'importantes débudgétisations qui interrogent le caractère « exceptionnel » des dépenses du programme

Les dépenses effectuées dans le cadre du programme d'investissements d'avenir sont considérées « exceptionnelles » et ne sont, à ce titre, pas prises en compte dans la norme de dépenses .

La définition du périmètre de ces dépenses exceptionnelles n'est pas clairement établie et pose des problèmes de doctrine, n'excluant pas l'usage de cette notion par le Gouvernement pour des questions d'opportunité. Si la question n'est pas nouvelle - dans son rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l'exercice 2012, la Cour des comptes soulignait déjà la fragilité des justifications permettant de qualifier certaines dépenses d'exceptionnelles - elle est posée avec d'autant plus d'acuité que la mise en oeuvre du programme d'investissements d'avenir (PIA) conduit à sortir du périmètre de la norme des sommes importantes et ce, de façon récurrente : les dépenses exceptionnelles s'élevaient à 10,1 milliards d'euros en 2013 et 14,3 milliards d'euros en 2014, dont 11 milliards d'euros de PIA 47 ( * ) .

Le PIA 2, lancé en 2014 et qui fait suite au premier programme d'investissements d'avenir créé en 2009, concerne neuf missions du budget général et un compte de concours financiers, pour un montant total de 12 milliards d'euros 48 ( * ) , dont la répartition est précisée dans le graphique ci-après.

Graphique n° 14 : Répartition des crédits du PIA 2 entre missions, après redéploiements intervenus en 2014

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'annonce d'un troisième programme d'investissements d'avenir, qui traduit la pérennisation d'un dispositif initialement pensé comme temporaire , renforce encore davantage la nécessité de préciser la nature des dépenses « exceptionnelles » afin d'éviter, comme la Cour des comptes en identifiait le risque dès 2012, que ce ne soit « l'incapacité à absorber des dépenses aussi significatives dans la norme qui motive leur classement en ?dépenses exceptionnelles? ». La Cour des comptes a ainsi recommandé, dans son rapport relatif à la gestion budgétaire et aux résultats de l'exercice 2014 49 ( * ) , d'élargir le périmètre des normes de dépenses aux décaissements annuels effectués par les opérateurs dans le cadre des programmes d'investissements d'avenir (PIA).

Sans se prononcer sur l'opportunité d'une telle inclusion, qui remettrait en cause la notion même de dépenses exceptionnelles, il paraît nécessaire, a minima , que les crédits des programmes d'investissements d'avenir (PIA) soient utilisés pour financer des dépenses conformes à leur objet : l'exposé général des motifs de la loi qui les a créés 50 ( * ) prévoyait à cet égard « un cloisonnement total des crédits [du PIA] avec les autres dépenses du budget général ». Cette condition minimale n'a pas été respectée en 2014 : les fonds PIA ont financé plusieurs dépenses qui relevaient auparavant, ou auraient pu relever, du budget général de l'État.

Dès la répartition initiale des fonds du PIA en loi de finances étaient patentes plusieurs irrégularités, dont la plus manifeste concerne la mission « Défense » : le PIA a ainsi compensé l'insuffisance des recettes exceptionnelles prévues dans la loi de programmation militaire, à hauteur 1,5 milliard d'euros , alors même que les dépenses financées n'étaient pas conformes à l'objet des investissements d'avenir. Paraît également critiquable le financement par le PIA, pour 150 millions d'euros, de la modernisation du système d'information de l'État à travers la mission « Direction de l'action du Gouvernement ». Le PIA a également été mis au service du financement de projets préexistants , notamment le prototype de quatrième génération Astrid et le réacteur expérimental Jules Horowitz, à hauteur de 900 millions d'euros.

Les redéploiements intervenus entre les différents programmes par loi de finances rectificative, que retrace le tableau ci-après, ont parfois eu pour seul objet de compenser par le PIA l'insuffisance des crédits budgétaires apparue en cours de gestion : c'est notamment le cas pour la mission « Défense », qui a vu 500 millions d'euros supplémentaires se substituer à des crédits budgétaires annulés . Il en est de même pour les deux nouvelles actions, « Nano 2017 » et « Projets agricoles et alimentaires d'avenir » créées en deuxième loi de finances rectificative : l'un comme l'autre projet préexistaient à leur intégration au périmètre du PIA et étaient jusque-là financés par des crédits du budget général.

Tableau n° 15 : Redéploiements intervenus en 2014 au titre du programme des investissements d'avenir, par mission et programme budgétaire

(en millions d'euros)

Missions

Programmes

LFI 2014

LFR 1

LFR 2

Allocation finale

Écart prévision LFI / allocation finale

Agriculture

0

0

120

120

120

Économie et développement durable de l'agriculture et des territoires

0

0

120

120

120

CCF Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

1000

0

0

1000

0

Prêts aux petites et moyennes entreprises

1000

0

0

1000

0

Défense

1500

250

250

2000

500

Excellence technologique des industries de défense

1500

250

250

2000

500

Direction de l'action du Gouvernement

150

0

-24

126

-24

Transition numérique de l'État et modernisation de l'action

150

0

-24

126

-24

Écologie, développement et mobilité durables

1940

-220

-146

1574

-366

Innovation pour la transition écologique et énergétique

1100

-170

-100

830

-270

Projets industriels pour la transition écologique et énergétique

470

0

0

470

0

Villes et territoires durables

370

-50

-46

274

-96

Économie

1680

-30

192

1842

162

Économie numérique

570

0

0

570

0

Innovation

690

-30

192

852

162

Projets industriels

420

0

0

420

0

Enseignement scolaire

150

0

-12

138

-12

Internats de la réussite

150

0

-12

138

-12

Recherche et enseignement supérieur

5340

0

-341

4999

-341

Écosystèmes d'excellence

4120

0

-129

3991

-129

Recherche dans le domaine de l'aéronautique

1220

0

-212

1008

-212

Sport, jeunesse et vie associative

100

0

-16

84

-16

Projets innovants en faveur de la jeunesse

100

0

-16

84

-16

Travail et emploi

150

0

-24

126

-24

Formation et mutations économiques

150

0

-24

126

-24

Total général

12010

0

0

12010

0

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Au total, plus de la moitié (cinq sur neuf) des missions bénéficiant de fonds PIA ont fait l'objet d'opérations de débudgétisations, pour un montant total supérieur à 2,5 milliards d'euros, soit 20 % des fonds PIA. Le graphique ci-après présente leur répartition entre les différentes missions concernées.

Graphique n° 16 : Répartition des débudgétisations sur crédits PIA
entre missions

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

B. LA RÉPARTITION DE LA DIMINUTION DES DÉPENSES ENTRE LES DIFFÉRENTES MISSIONS RELÈVE DAVANTAGE DE NÉCESSITÉS DE CIRCONSTANCES QUE DE CHOIX STRATÉGIQUES

1. Des exécutions contrastées

Au total, hors missions « Provisions », « Remboursements et dégrèvements » et « Engagements financiers de l'État », dont l'évolution obéit à des facteurs peu pilotables par le gestionnaire public, la consommation finale de crédits s'avère inférieure à l'autorisation parlementaire prévue en loi de finances initiale pour dix-huit missions . Neuf missions connaissent au contraire une consommation de crédits dépassant les plafonds fixés en loi de finances initiale.

Tableau n° 17 : Crédits alloués en loi de finances initiale et consommés en 2014, par mission

(en millions d'euros, classement par ordre croissant de l'écart entre crédits ouverts et consommés)

LFI 2014

Crédits consommés

PLR 2014

Écart crédits ouverts/ consommés

(en valeur)

Écart crédits ouverts/ consommés

(en %)

Mission

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Recherche et enseignement supérieur

31050,8

31337,7

30692

30554,2

-358,8

-783,5

-1,2%

-2,5%

Égalité des territoires, logement et ville

8306,3

8122

7567,5

7614,9

-738,9

-507

-8,9%

-6,2%

Travail et emploi

12271,1

11125,4

11648,7

10674

-622,5

-451,4

-5,1%

-4,1%

Action extérieure de l'État

2942

2949,4

2765,1

2782,4

-176,9

-167,1

-6,0%

-5,7%

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

11649,6

11426,2

11215,2

11263,2

-434,4

-163

-3,7%

-1,4%

Aide publique au développement

4163,5

2898,9

3720,7

2752,8

-442,8

-146,1

-10,6%

-5,0%

Justice

7579,4

7806

7385,2

7661,2

-194,3

-144,8

-2,6%

-1,9%

Sécurités

18260,2

18237,8

17977,5

18096,5

-282,6

-141,3

-1,5%

-0,8%

Direction de l'action du Gouvernement

1386,7

1345,2

1161,1

1227

-225,6

-118,2

-16,3%

-8,8%

Culture

2575,2

2589,6

2502,8

2554,8

-72,4

-34,7

-2,8%

-1,3%

Administration générale et territoriale de l'État

2840,9

2738,6

2880,5

2713,4

39,6

-25,2

1,4%

-0,9%

Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation

2965,3

2968,7

2924,4

2945,9

-40,9

-22,8

-1,4%

-0,8%

Médias, livre et industries culturelles

865

811,2

839,7

788,9

-25,3

-22,3

-2,9%

-2,7%

Outre-mer

2145,1

2057,6

2049,9

2038,1

-95,2

-19,4

-4,4%

-0,9%

Conseil et contrôle de l'État

645,1

630,8

612,5

616,7

-32,6

-14,1

-5,0%

-2,2%

Politique des territoires

306,8

319,1

241,2

306

-65,6

-13,1

-21,4%

-4,1%

Sport, jeunesse et vie associative

539,7

546,1

531,1

534,9

-8,6

-11,2

-1,6%

-2,0%

Régimes sociaux et de retraite

6513,3

6513,3

6506,3

6506,3

-7

-7

-0,1%

-0,1%

Pouvoirs publics

990

990

990

990

0

0

0,0%

0,0%

Relations avec les collectivités territoriales

2759,9

2711,2

2775,9

2738

16

26,8

0,6%

1,0%

Immigration, asile et intégration

647,4

658,8

711,7

727,2

64,3

68,4

9,9%

10,4%

Santé

1295,5

1295,5

1390,7

1389,9

95,2

94,4

7,3%

7,3%

Enseignement scolaire

65136,5

64963,9

65277,4

65111,4

140,9

147,5

0,2%

0,2%

Économie

3640,7

3646,7

3646,1

3798,2

5,4

151,5

0,1%

4,2%

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

2993,1

3195,2

3491,9

3616,3

498,9

421,1

16,7%

13,2%

Solidarité, insertion et égalité des chances

13836,1

13858,7

14381,1

14322,6

545

464

3,9%

3,3%

Défense

41898,6

38920,6

42049,7

39871

151,1

950,4

0,4%

2,4%

Écologie, développement et mobilité durables

10220,9

9749

11316,2

11591,3

1095,3

1842,3

10,7%

18,9%

Total général*

260424,5

254413,2

259251,9

255787,2

-1172,7

1374

-0,5%

0,5%

* Hors missions « Provisions », « Remboursements et dégrèvements » et « Engagements financiers de l'État ». Les crédits incluent le deuxième programme des investissements d'avenir. Les missions sont classées par ordre croissant de l'écart entre crédits ouverts et consommés, en valeur et en CP. La double ligne marque la séparation entre missions ayant dépassé la dotation prévue en loi de finances initiale et missions l'ayant respectée.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données budgétaires

2. Les mouvements budgétaires en cours d'exécution paraissent dictés davantage par des facteurs conjoncturels que par des choix stratégiques

La répartition de la diminution de la dépense au cours de l'exercice 2014 ne paraît pas imputable à un choix stratégique clair du Gouvernement mais semble découler d'arbitrages ne laissant que peu de visibilité au gestionnaire, au citoyen et au Parlement.

Ainsi, les trois missions « Recherche et enseignement supérieur », « Égalité des territoires » et « Travail et emploi » , sans que les politiques publiques qu'elles portent ne soient significativement infléchies par le Gouvernement,  connaissent une consommation particulièrement en retrait par rapport aux autorisations de la loi de finances initiale : l'écart entre consommation et budgétisation initiale atteint plus de 500 millions d'euros en AE ou en CP pour chacune d'entre elles . Sur de plus petites missions, les écarts, bien que faibles au regard de la masse budgétaire totale, peuvent représenter une part très significative des crédits alloués en loi de finances initiale : ainsi, la mission « Direction de l'action du Gouvernement » a consommé des crédits inférieurs de 16 % en AE et d'environ 9 % en CP à ceux ouverts par la loi de finances initiale.

Graphique n° 18 : Écart entre les prévisions de la loi de finances initiale et l'exécution en 2014 pour les missions « Recherche et enseignement supérieur », « Égalité des territoires » et « Travail et emploi »

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données budgétaires

Concernant la mission « Travail et emploi », l'écart constaté s'explique pour une grande partie par la très faible consommation des crédits consacrés aux contrats de génération : alors que la loi de finances initiale pour 2014 avait doté ce dispositif d'une enveloppe de 975 millions d'euros en AE et de 165 millions d'euros en CP, la dépense ne s'est élevée qu'à 256 millions d'euros en AE et 83,6 millions d'euros en CP. Ce faible taux de consommation (26,3 % en AE et 50,7 % en CP) provient d'un nombre d'entrées dans le dispositif très inférieur aux prévisions, et non de nouvelles orientations de la politique du Gouvernement .

De même, les annulations intervenues sur la mission « Recherche et enseignement supérieur » ne s'appuient pas sur une redéfinition des priorités du Gouvernement , qui continue d'affirmer sa volonté de « préserver » le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche alors même que près de 500 millions d'euros en AE et 700 millions d'euros en CP ont été annulés par décret d'avance et par les lois de finances rectificatives en cours d'année. Les programmes de recherche sont les plus touchés. Ces réductions de crédits semblent davantage découler de la nécessité de maîtriser la dépense et une part significative de la faible consommation des crédits s'explique par une opération de débudgétisation relative à la recherche duale : 132 millions d'euros ont été annulés et remplacés par des crédits issus du programme des investissements d'avenir.

Enfin, en ce qui concerne la mission « Égalité des territoires, logement et ville » , l'écart entre les crédits alloués en loi de finances initiale et la consommation finalement constatée résulte en intégralité d'une illusion d'optique : depuis 2013 est mis en oeuvre un mécanisme budgétaire de reversement d'une partie des crédits, destinés aux fonctions supports, vers la mission « Écologie », à hauteur de 804 millions d'euros. Cette procédure ne facilite pas la lisibilité des crédits alloués à l'une comme à l'autre politique publique : une fois ce mouvement neutralisé, il apparaît que les dépenses de la mission ont en réalité dépassé les plafonds de la loi de finances initiale, ce qui s'explique par la sous-budgétisation chronique de plusieurs des dispositifs qu'elle finance - en particulier les aides personnelles au logement (APL) .

De façon symétrique, le dépassement des plafonds fixés en loi de finances initiale, concentré sur les missions « Écologie, développement et mobilité durables », « Défense » et « Solidarité, insertion et égalité des chances » , ne paraît pas davantage résulter de décisions du Gouvernement mais s'explique plutôt par le dérapage de certaines dépenses : une fois de plus, l'hébergement d'urgence et plusieurs dépenses de transfert (aide médicale d'État - AME - notamment) ont dû faire l'objet d'ouvertures de crédits en cours d'année. Concernant la défense, le dépassement des autorisations votées en loi de finances initiale s'explique pour une large part du fait la sous-budgétisation des OPEX en 2014 , la loi de finances initiale ne prévoyant qu'une dotation de 450 millions d'euros alors même que leur coût annuel dépasse 800 millions d'euros depuis 2008.

Votre rapporteur général souscrit donc à l'analyse de la Cour des comptes selon laquelle « les situations de sous-budgétisations, désormais circonscrites, sont persistantes » 51 ( * ) .

Graphique n° 19 : Écart entre les prévisions de la loi de finances initiale et l'exécution en 2014 pour les missions « Solidarité », « Défense » et « Écologie »

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données budgétaires

3. La hausse de la réserve de précaution et son importante mobilisation témoignent du report, en gestion, des arbitrages qui n'ont pas été pris en amont

Comme le montre le graphique ci-après, les crédits mis en réserve pour 2014 ont été de plus de 500 millions d'euros supérieurs à ceux de l'année 2013 . Le Gouvernement a en effet fixé, pour la gestion 2014, un taux de mise en réserve des crédits de 7 % hors titre 2, majoré par rapport au taux de 6 % retenu en 2013 (et de 0,5% des crédits ouverts sur le titre 2). Plus d'un tiers des crédits de la mise en réserve ont été annulés chaque année depuis 2011.

Si la réserve de précaution constitue un outil indispensable de gestion infra-annuelle et permet au Gouvernement de faire face aux aléas au cours de l'exécution tout en assurant le financement de mesures nouvelles décidées en cours d'année, l'augmentation régulière du taux de mise en réserve depuis 2012 conduit à s'interroger sur la soutenabilité de la budgétisation des différentes missions . L'évolution du taux de mise en réserve traduit la tension croissante sur l'exécution budgétaire mais ne garantit pas un meilleur pilotage infra-annuel de la dépense , dans la mesure où les gestionnaires n'ont pas de visibilité sur les crédits qui seront finalement annulés ou dégelés.

Graphique n° 20 : Évolution de la mise en réserve depuis 2013

(en millions d'euros)

C. PLUSIEURS FACTEURS DE RISQUE PÈSENT SUR L'EXÉCUTION 2015

L'exécution 2014 induit des risques budgétaires significatifs sur l'exercice 2015 . Outre les reports de charges accrus - qui sont la manifestation la plus directe du fait que l'État repousse des dépenses inéluctables - doivent être signalés la reprise de l'augmentation des dépenses de personnel ainsi que le risque, persistant, d'une augmentation de la charge de la dette qui résulterait d'une remontée des taux d'intérêt souverains.

1. Des reports de charges importants

La gestion budgétaire de 2014 est maîtrisée au prix de reports sur la gestion 2015 en augmentation.

Restes à payer, charges à payer et report de charges

La double budgétisation , en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), correspond à la différence entre l'engagement juridique de l'État à réaliser une dépense et le paiement effectif de celle-ci . Si ces deux opérations peuvent coïncider, par exemple en matière de dépenses de personnel, il est également possible que l'engagement et le paiement n'aient pas lieu la même année.

Les restes à payer résultent de la différence entre les engagements juridiques (qui correspondent aux autorisations d'engagement) et les paiements de l'année (effectués en crédits de paiement) sans considération du service fait . Les charges à payer sont une notion proche mais différente : elles supposent que le service a été fait. En d'autres termes, si les restes à payer peuvent s'expliquer par un décalage normal entre engagement budgétaire et paiement, par exemple dans le cadre d'une opération d'investissement, les charges à payer constituent bel et bien des dettes, certaines et exigibles .

L'existence de charges à payer est inévitable : l'enregistrement du service fait et le paiement ne peuvent être tout à fait simultanés, en raison notamment du délai de traitement des factures. En effet, si l'ordonnateur certifie que le service a été fait, c'est en revanche le comptable public qui traite et enregistre les pièces justificatives telles que les factures : le décalage entre la certification du service fait et le paiement de la facture, qui ne peut intervenir qu'après l'enregistrement de celle-ci, est donc pour partie lié à l'organisation du circuit de la dépense de l'État.

Le report de charges correspond à l'ensemble des dépenses obligatoires au sens du décret de 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique 52 ( * ) , dont l'article 95 prévoit qu'il s'agit des « dépenses pour lesquelles le service fait a été certifié au cours de l'exercice précédent et dont le paiement n'est pas intervenu ». Outre les « charges à payer », le report de charges inclut aussi les dettes envers les fournisseurs . Ces dettes sont constituées dès lors que le service a été fait et la facture enregistrée, sans que le paiement ne soit intervenu faute de crédits disponibles.

En d'autres termes, le report de charges signale que l'État repousse sur les exercices suivants une dépense inéluctable.

Schéma n° 21 : restes à payer, charges à payer et report de charges

Restes à payer avec service fait, factures non enregistrées

= Charges à payer

Restes à payer sans service fait

Dettes : service fait et facture enregistrée

DONT

Report de charges

Restes à payer

Montant des CP décaissés

Montant des AE engagées

Source : commission des finances du Sénat

Les charges à payer comme les dettes de l'État ont connu une hausse importante en 2014 . Comme le montre le graphique ci-après, le total des charges à payer de l'État a augmenté de plus de 1 milliard d'euros entre 2013 et 2014, soit un accroissement de plus de 10 %.

Graphique n° 22 : Évolution des charges à payer depuis 2011

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général

Les dettes de fonctionnement s'élevaient à 8 724 millions d'euros au 31 décembre 2014, soit un montant supérieur aux crédits alloués aux missions « Logement » ou « Justice ».

Elles ont connu une hausse de plus de 30 % (+ 2 053 millions d'euros) par rapport à 2013. L'ensemble des composantes de la dette de fonctionnement tend à croître, mais la plus grande partie de l'augmentation est portée par les dettes à l'égard des fournisseur s, qui ont atteint 4 332 millions d'euros. À titre de comparaison, les dettes de fonctionnement n'avaient crû que de 30 millions d'euros entre 2012 et 2013 et elles avaient diminué entre 2011 et 2012.

Comme le souligne la Cour des comptes 53 ( * ) , la dette à l'égard de la sécurité sociale a également fortement augmenté ; elle s'élève désormais à 368 millions d'euros, soit une hausse de 50 % par rapport à 2013 .

Cette hausse exceptionnellement importante de l'endettement non financier de l'État témoigne du caractère artificiel d'une large part de la maîtrise des dépenses affichée par l'exécutif. Elle fait peser un risque budgétaire significatif sur les années à venir : si l'ensemble des créances détenues sur l'État ne seront pas toutes exigées en 2015, ces dettes n'en devront pas moins être acquittées.

2. Une maîtrise incertaine des dépenses de personnel

Les dépenses de personnel ont repris leur hausse en 2014 : la masse salariale totale de l'État (y compris budgets annexes) est passée de 81,1 milliards d'euros en 2013 à 82,1 milliards d'euros en 2014.

Comme le montre le graphique ci-après, cette augmentation est portée par la reprise en base de l'exécution 2013 pour 272 millions d'euros, les effectifs s'étant finalement avérés supérieurs à l'estimation du projet de loi de règlement pour 2013, la sous-estimation du GVT solde (138 millions d'euros). Les « autres variations » expliquent la hausse observée à hauteur de 195,3 millions d'euros, dont 182 millions d'euros de surcoûts OPEX .

Le « rebasage de dépenses au profil atypique » , qui vise à neutraliser les changements de périmètre intervenus en cours d'année , s'élève à 298 millions d'euros . La plus grande partie de cet agrégat correspond à une opération particulière du ministère de l'écologie : suite au transfert des parcs et ateliers et à la mise à disposition des personnels auprès des collectivités locales, la masse salariale correspondante est remboursée par fonds de concours au ministère.

Graphique n° 23 : Décomposition de l'évolution de la masse salariale totale de l'État entre 2013 et 2014

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données budgétaires

Si son impact est plus important que prévu en termes de masse salariale, le schéma d'emplois n'en a pas moins été sous-exécuté de presque 700 ETP : alors qu'une réduction de 3 280 ETP était prévue, elle n'a été réalisée qu'à hauteur de 2 584 ETP.

Graphique n° 24 : Schémas d'emplois prévus et réalisés en 2013 et en 2014

(en emplois équivalents temps plein - ETP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général

Les incertitudes exprimées par la Cour des comptes dans son rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l'exercice 2013 54 ( * ) se sont donc concrétisées : « dans le contexte nouveau d'une stabilisation des effectifs , les mesures salariales déjà mobilisées pourraient se révéler insuffisantes pour maintenir la stabilisation en valeur de la masse salariale. Les risques identifiés dans le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de juin 2013 se sont matérialisés et pourraient se prolonger en 2014, en particulier les moindres départs en retraite qui compliquent la réalisation du schéma d'emplois, les dépassements de la mission Défense et le dynamisme des ?mesures diverses? ».

Pourtant, contrairement aux deux années précédentes, les départs en retraite effectifs, à hauteur de 44 691 ETP, se sont avérés très proches des prévisions initiales qui les estimaient à 44 788 ETP . Le taux de non-remplacement a de nouveau diminué et s'élève à 6 %, contre 15 % environ en 2013, traduisant l'objectif du Gouvernement d'une stabilisation des effectifs.

Graphique n° 25 : Départs en retraite et taux de non remplacement depuis 2011

(en ETP et en %)

L'écart entre prévisions de la loi de finances initiale et réalisation du schéma d'emplois, dont le tableau ci-après détaille la répartition, repose en grande partie sur le dépassement des schémas d'emploi du ministère de la justice (+ 172 ETP) ainsi que de celui de l'intérieur (+ 619 ETP) et de l'agriculture (+ 158 ETP). Les actions conduites par ces deux derniers ministères ne relevaient pourtant pas des politiques publiques prioritaires du Gouvernement. De même que pour les mouvements budgétaires intervenus en cours d'année, ce dérapage des effectifs en 2014 par rapport aux prévisions ne paraît pas résulter de décisions de l'exécutif mais de facteurs plus conjoncturels.

Tableau n° 26 : Écart entre prévisions de la loi de finances initiale et réalisation du schéma d'emplois en 2014 par ministère (classé par ordre croissant)

(en ETP)

Ministères

Écart entre prévision de la LFI et réalisation du schéma d'emplois en 2014

Défense

-126

Économie et finances

-108

Éducation nationale

-84

Écologie, développement durable et énergie et Égalité des territoires et logement

-45

Affaires étrangères

-5

Redressement productif

-3

Outre-mer

0

Réforme de l'État, décentralisation et fonction publique

0

Affaires sociales et santé

3

Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social

9

Enseignement supérieur et recherche

15

Culture et communication

40

Services du Premier ministre

50

Agriculture, agro-alimentaire et forêt

158

Justice

172

Intérieur

619

Total du budget général

695

Contrôle et exploitation aériens

0

Publications officielles

1

Total des budgets annexes

1

Total général

696

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général

La capacité du Gouvernement à tenir ses engagements et à maîtriser l'évolution de ses effectifs en accord avec ses priorités stratégiques paraît d'autant moindre que l'objectif d'une stabilisation des effectifs n'est pas respecté : depuis le début du quinquennat, environ 6 500 ETP ont été supprimés. Si le ministère de l'éducation nationale a bénéficié de la création d'environ 18 000 postes, d'autres ont au contraire connu d'importantes réductions, parmi lesquels le ministère de l'intérieur et surtout celui de la défense (- 15 000 ETP depuis l'été 2012).

L'évolution de la masse salariale en 2015 paraît donc incertaine, selon que le Gouvernement poursuivra la politique qu'il affiche, c'est-à-dire celle de la stabilisation, ou celle qu'il mène depuis quelques années : une réduction modérée mais réelle des effectifs.

3. Le double risque du bas niveau des taux d'intérêt sur la dette souveraine

La faiblesse actuelle des taux d'intérêt permet une relative maîtrise de la charge de la dette malgré l'augmentation continue de son encours . Ainsi, alors même que la dette de l'État a augmenté de plus de 100 milliards d'euros entre 2013 et 2014, soit une hausse d'environ 4,6 %, la charge de la dette a diminué de 1,7 milliard d'euros sur la même période (soit une baisse de près de 4 %).

Graphique n° 27 : Évolution de l'encours et de la charge de la dette de 2008 à 2015

(en milliards d'euros)

Note de lecture : l'encours de la dette de l'État se lit par rapport à l'échelle de gauche, la charge de la dette par rapport à celle de droite. Ainsi, en 2014, la charge de la dette s'est élevée à 43,2 milliards d'euros pour un encours de 1 602,8 milliards d'euros.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Il peut sembler paradoxal que la France emprunte dans de meilleures conditions alors que sa note a été dégradée par l'agence Standard & Poor's début 2012, que l'objectif de déficit budgétaire n'est pas atteint et que la dette publique augmente continûment. Cette situation, liée à la politique accommodante menée par la BCE et au rôle central de la France en zone euro, qui rend peu probable un éventuel défaut du pays, porte deux risques budgétaires .

Le premier réside dans une remontée soudaine des taux d'intérêt réels , pouvant par exemple résulter d'un éventuel resserrement la politique monétaire de la BCE.

Le second serait que le Gouvernement substitue des économies liées à la faiblesse prolongée de la charge de la dette à des réformes de politiques publiques, plus pérennes . Cette possibilité est, certes, restreinte par la définition d'une norme de dépenses « en valeur » qui exclut la charge de la dette. Elle demeure cependant réelle en ce qui concerne la norme « zéro volume ». Cette dernière a ainsi été respectée en 2014 alors que l'augmentation des dépenses du CAS « Pensions » en 2014, à hauteur de 2,3 %, a été bien supérieure à l'inflation.

II. LES RECETTES NETTES DE L'ÉTAT DIMINUENT DE PLUS DE NEUF MILLIARDS D'EUROS PAR RAPPORT À L'EXÉCUTION 2013

Au total, les recettes nettes (fiscales et non fiscales) de l'État, hors fonds de concours et prélèvements sur recettes, se sont élevées à 288,3 milliards d'euros en 2014 contre 297,7 milliards d'euros en 2013, soit une baisse de 9,7 milliards d'euros (- 3,2 %). Cette baisse résulte principalement de celle des recettes fiscales.

A. LES RECETTES FISCALES BAISSENT D'ENVIRON 10 MILLIARDS D'EUROS PAR RAPPORT À L'EXÉCUTION 2013

Les recettes fiscales nettes en 2014 connaissent une baisse marquée , tant au regard de l'exécution 2013 (réduction de 9,7 milliards d'euros par rapport à l'exécution 2013) que par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale (moins-value de 10,0 milliards d'euros).

Graphique n° 28 : Évolution des recettes fiscales entre 2010 et 2014

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données budgétaires

L'exécution des différents impôts est cependant contrastée et, si le produit de l'impôt sur les sociétés (IS) ou la TICPE diminuent, d'autres impôts augmentent faiblement, comme l'impôt sur le revenu (IR).

Le produit de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) a, quant à lui, connu une hausse importante entre 2013 et 2014 : il a augmenté de 800 millions d'euros, soit de plus de 18 %. Outre une reprise en base l'exécution 2013, cette hausse est liée à l'évolution dynamique des marchés financiers et des prix de l'immobilier d'une part, et à l'accélération des recouvrements issus du service de traitement des déclarations rectificatives (STDR) d'autre part. La hausse de l'ISF et la mise en place en première loi de finances rectificative pour 2014 d'une réduction d'impôt exceptionnelle en faveur des ménages modestes traduisent une concentration toujours accrue de l'imposition des ménages sur les plus hauts revenus.

Graphique n° 29 : Évolution du produit des recettes fiscales par grands impôts

entre 2013 et 2014

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général

Comme le montre le graphique ci-après, l'écart total entre prévision de la loi de finances initiale et exécution est principalement imputable à la baisse du produit attendu de l'impôt sur le revenu (IR) et de l'impôt sur les sociétés (IS) pour lesquels l'évolution spontanée a été revue à la baisse (2,7 milliards d'euros pour l'IR et 3,8 milliards d'euros pour l'IS). Les mesures nouvelles ont, elles aussi, contribué à la baisse des recettes fiscales (- 3,2 milliards d'euros), notamment en raison de la mise en oeuvre d'une réduction d'impôt pour les ménages les plus modestes en première loi de finances rectificative (- 1,3 milliard d'euros).

L'impact des mesures antérieures à la loi de finances initiale a également été révisé , mais à la hausse (+ 5,7 milliards d'euros) : il s'agit pour plus de la moitié (+ 3,4 milliards d'euros) de la baisse du coût budgétaire du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), qui a été moins demandé que cela n'était prévu.

Graphique n° 30 : Décomposition des facteurs d'évolution des recettes entre prévision initiale et exécution en 2014

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'évolution spontanée de l'impôt sur le revenu comme de l'impôt sur les sociétés a été légèrement négative et s'est établie à 0,2 % pour l'IR et - 0,8 % pour l'IS.

Concernant l'IR, cette faible évolution spontanée s'explique principalement par la diminution des émissions sur les revenus catégoriels. D'après les informations transmises par le Gouvernement, « les revenus des capitaux mobiliers distribués en 2013 ont connu un fort repli spontané sur les dividendes comme sur les intérêts, en lien notamment avec la baisse des taux d'intérêts. Ce recul a été accentué par un recul des revenus des indépendants , en particulier les bénéfices non commerciaux ».

L'évolution spontanée de l'impôt sur les sociétés est plus difficile à analyser , dans la mesure où elle dépend tout à la fois de la croissance du bénéfice fiscal de l'année précédente, via les acomptes et le solde, et du bénéfice de l'année en cours, via le cinquième acompte. L'évolution spontanée peut également traduire des déports éventuels de recettes d'une année sur l'autre, qui peuvent varier dans le temps selon le comportement des entreprises. Le Gouvernement indique cependant que la dégradation de l'évolution spontanée de l'IS est principalement imputable à « un environnement économique défavorable , dont les effets ont été partiellement compensés par une révision à la baisse du coût du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi ».

L'optimisme des hypothèses fondant les prévisions de recettes fiscales est donc une fois de plus à l'origine de moins-values conséquentes, qui expliquent l'augmentation du déficit par rapport aux estimations initiales.

B. UNE DÉMARCHE D'ÉVALUATION DES DÉPENSES FISCALES QUI N'EST PAS À LA HAUTEUR DES ENJEUX BUDGÉTAIRES

1. Un montant en hausse, porté par le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE)

Les dépenses fiscales prises dans leur ensemble ont crû de façon importante depuis 2007 , malgré les différentes mesures prises dans le cadre des lois de programmation pour maîtriser leur extension. Comme le montre le graphique ci-après, les dernières années ont été marquées par trois périodes successives : la réforme du crédit d'impôt recherche (CIR), en 2008, a conduit à une augmentation soutenue de leur montant. Celui-ci s'est stabilisé un peu au-delà de 70 milliards d'euros entre 2009 et 2013. À partir de 2014, la création du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) a produit ses effets et la dépense fiscale de l'État a augmenté de nouveau fortement, pour atteindre près de 80 milliards d'euros en 2014.

Graphique n° 31 : Évolution du montant total des dépenses fiscales de 2007 à 2015

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général

2. L'absence de mise en oeuvre d'une démarche d'évaluation globale

La démarche d'évaluation prévue par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 55 ( * ) n'a, dans les faits, quasiment pas été suivie.

Le tableau ci-après, transmis par le Gouvernement, récapitule les dépenses fiscales ayant fait l'objet d'une évaluation en 2014. Aucun de ces travaux ne s'inscrit dans une analyse globale et harmonisée de la dépense fiscale et la plupart d'entre eux ne sont même pas réalisés par les services du Gouvernement mais par la Cour des comptes.

La plupart des « évaluations » gouvernementales renvoient en réalité à des évaluations préalables en loi de finances, c'est-à-dire à des travaux prospectifs, le plus souvent très brefs , et non à une analyse a posteriori de « l'efficience et de l'efficacité » de l'incitation fiscale, comme le prévoit la loi. Selon le Gouvernement, la suppression d'une dépense fiscale par voie d'amendement en loi de finances rectificative tient même lieu d'évaluation.

La loi de programmation des finances publiques n'est donc pas respectée , et les modalités actuelles d'évaluation des niches fiscales ne permettent pas au Parlement de débattre de ces sujets en pleine connaissance de cause.

Tableau n° 32 : Liste des dépenses fiscales ayant fait l'objet d'une évaluation en 2014 et nature de l'évaluation réalisée

Libellé

Évaluation

Demi-part supplémentaire pour les contribuables invalides

Rapport de la Cour des comptes sur la fiscalité du handicap

Réduction d'impôt pour frais de comptabilité et d'adhésion à un centre de gestion ou une association agréés

Rapport de la Cour des comptes sur les organismes de gestion agréés, 40 ans après

Réduction d'impôt au titre des frais de dépendance et d'hébergement pour les personnes dépendantes accueillies en établissement spécialisé

Rapport de la Cour des comptes sur la fiscalité du handicap

Réduction d'impôt au titre de l'emploi, par les particuliers, d'un salarié à domicile pour les contribuables n'exerçant pas une activité professionnelle ou demandeurs d'emploi depuis moins de trois mois

Rapport de la Cour des comptes sur le développement des services à la personne et le maintien à domicile des personnes âgées en perte d'autonomie

Prime pour l'emploi en faveur des contribuables modestes déclarant des revenus d'activité

Évaluation préalable en projet de loi e finances rectificative 2014

Crédit d'impôt pour dépenses d'équipements de l'habitation principale en faveur de l'aide aux personnes

Rapport de la Cour des comptes sur la fiscalité du handicap

Crédit d'impôt au titre de l'emploi d'un salarié à domicile pour les contribuables exerçant une activité professionnelle ou demandeurs d'emploi depuis au moins trois mois

Rapport de la Cour des comptes sur le développement des services à la personne et le maintien à domicile des personnes âgées en perte d'autonomie

Réduction d'impôt sur le revenu en faveur de l'investissement locatif intermédiaire (dispositif Pinel)

Évaluation préalable en projet de loi de finances pour 2015

Exonération des prestations familiales, de l'allocation aux adultes handicapés ou des pensions d'orphelin, de l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée, de l'allocation de garde d'enfant à domicile, et, depuis le 1er janvier 200

Rapport de la Cour des comptes sur la fiscalité du handicap

Déduction forfaitaire de 3 % déclarée par les médecins conventionnés

Rapport de la Cour des comptes sur les organismes de gestion agréés, 40 ans après

Prêt à taux zéro (crédit d'impôt au titre d'une avance remboursable ne portant pas intérêt) et prêt à taux zéro renforcé PTZ+ (crédit d'impôt sur les bénéfices au titre de prêts ne portant pas intérêts destinés à financer l'acquisition d'une résidence pri

Évaluation préalable en projet de loi de finances pour 2015

Crédit d'impôt en faveur de la compétitivité et de l'emploi

Évaluation préalable en projet de loi de finances pour 2015 pour les DOM
Rapport du comité de suivi du CICE - France Stratégie

Exonération des cessions réalisées par les SAFER

Rapport de la Cour des comptes sur les SAFER, les dérives d'un outil de politique d'aménagement agricole et rural

Exonération du droit d'enregistrement de 1,20 % pour les ventes publiques d'objet d'art, d'antiquité ou de collection réalisées au profit de certains organismes d'intérêt général ayant une vocation humanitaire d'assistance ou de bienfaisance

Dépense supprimée par voie d'amendement en projet de loi de finances pour 2015

Taux de 5,5% pour les ventes portant sur certains appareillages, ascenseurs et équipements spéciaux pour les handicapés

Rapport de la Cour des comptes sur la fiscalité du handicap

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général relatif au présent projet de loi de règlement

La nouvelle loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 56 ( * ) prévoit désormais que les dépenses fiscales et niches sociales créées à partir du 1 er janvier 2015 soient « revues » à l'issue d'une période de trois années . En outre, « le Gouvernement présente au Parlement, au plus tard six mois avant l'expiration du délai pour lequel la mesure a été adoptée, une évaluation de celle-ci et, le cas échéant, justifie son maintien pour une durée supplémentaire de trois années ». L'efficacité de ce nouveau dispositif, beaucoup moins ambitieux puisqu'il ne concerne que les « niches » nouvellement créées, reste à confirmer.

C. LES RECETTES NON FISCALES SONT RELATIVEMENT STABLES

Les recettes non fiscales connaissent quant à elle une relative stabilité : elles s'élèvent à 13,9 milliards d'euros en 2014 contre 13,7 milliards d'euros en 2013 soit une hausse de 0,2 milliard d'euros.

Graphique n° 33 : Évolution du produit des recettes non fiscales par catégorie
entre 2013 et 2014

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général

Détail de l'évolution des recettes non fiscales

Le niveau des dividendes et recettes assimilés est proche, en 2014, du niveau observé en 2013 . La baisse du dividende versé par GDF-Suez est compensée par le versement en 2014 d'un dividende de la Caisse des Dépôts et consignations, ce qui n'avait pas été le cas en 2013.

Le niveau des produits du domaine de l'État est en légère hausse par rapport à 2013 (+ 0,1 milliard d'euros) , du fait principalement de la perception d'une recette exceptionnelle liée à l'apurement par l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) du solde des greffes de tribunaux ouverts auprès de la Caisse des dépôts et consignations.

Le niveau des produits de la vente de biens et services ne connaît pas d'évolution significative .

Le montant des prêts et avances est légèrement inférieur à celui de 2013 , en raison de la baisse des intérêts des prêts à des banques et à des États étrangers qui provient pour partie du report d'opérations de refinancement .

Le produit des amendes et sanctions s'élève à un montant comparable à celui de 2013. Le moindre produit des amendes prononcées par l'Autorité de la concurrence est équilibré par la perception de recettes supplémentaires liées à la lutte contre la fraude (recettes enregistrées par le service de traitement des déclarations rectificatives - STDR).

Les produits divers connaissent une hausse de 0,2 milliard d'euros par rapport à 2013 , du fait notamment de la perception en 2014 de prélèvements sur le fonds d'épargne (0,7 milliard d'euros), partiellement contrebalancée par la diminution du montant des régularisations d'opérations comptables et de la baisse des produits de la rémunération de la garantie de l'État.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général

III. LE DÉRAPAGE DU DÉFICIT BUDGÉTAIRE ENTRETIENT L'AUGMENTATION DE LA DETTE DE L'ÉTAT

A. LE DÉFICIT REPREND SA HAUSSE ET S'ÉLÈVE À 85,6 MILLIARDS D'EUROS

Comme le note la Cour des comptes 57 ( * ) , « la réduction du déficit budgétaire constatée depuis plusieurs années a été interrompue en 2014 ». Le déficit de l'État s'élève à 85,6 milliards d'euros, soit 3 milliards d'euros de plus que la prévision de la loi de finances initiale et 11 milliards d'euros supplémentaires de plus que le déficit constaté en 2013.

Cette augmentation n'a pas pour unique motif les dépenses « exceptionnelles » effectuées dans le cadre du PIA : même après neutralisation de ces agrégats, le déficit budgétaire reste supérieur en 2014 à son montant de 2013.

Graphique n° 34 : Évolution du déficit budgétaire de l'État entre 2013 et 2014

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Comme le montre le graphique ci-après, l'augmentation du déficit par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale provient principalement des moins-values en recettes constatées en 2014 , qui n'ont pas été compensées dans leur intégralité par de moindres dépenses.

Graphique n° 35 : Décomposition de l'évolution du déficit entre prévisions de la loi de finances initiale pour 2014 et exécution

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'augmentation du déficit, alors même que le Gouvernement s'était engagé à le réduire, ne traduit pas seulement le contexte économique tendu de l'année 2014 : elle signale aussi un échec de la politique budgétaire du Gouvernement , dont les ajustements budgétaires importants en cours d'année n'ont pas suffi à compenser l'excès d'optimisme quant au produit des recettes fiscales.

B. LE BESOIN DE FINANCEMENT A ÉTÉ SUPÉRIEUR AUX PRÉVISIONS ET LA DETTE DE L'ÉTAT CONTINUE D'AUGMENTER

L'augmentation du déficit a conduit à revoir à la hausse le besoin de financement de l'État : celui-ci, prévu à 176,4 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2014, s'est finalement élevé à 179,1 milliards d'euros. Il est composé de deux grands agrégats principaux : l'amortissement de titres d'État à moyen et long terme (103,8 milliards d'euros) et le déficit à financer 58 ( * ) (73,6 milliards d'euros).

Graphique n° 36 : Évolution du besoin de financement de l'État en 2014

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'encours de la dette de l'État a de nouveau augmenté en 2014 pour atteindre 1 602,8 milliards d'euros. Cette hausse nourrit celle de la dette publique, qui a dépassé 2 000 milliards d'euros et s'élève à 95,6 % du PIB.

IV. LA MESURE DE LA PERFORMANCE

A. UN DISPOSITIF ISSU DE LA LOLF

La loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001 (LOLF) 59 ( * ) visait notamment à rompre avec la logique de moyens , qui prévalait sous l'ordonnance de 1959 60 ( * ) , et à promouvoir une culture de résultats , davantage tournée vers l'efficacité et l'efficience des politiques publiques. Ainsi, dès son article 1 er , la LOLF précise que les lois de finances doivent tenir compte « des objectifs et des résultats des programmes qu'elles déterminent ».

La LOLF a ainsi prévu la définition d'objectifs pour chaque programme, déclinés en indicateurs et sous-indicateurs. Aux termes de son article 51, les projets annuels de performance (PAP) annexés au projet de loi de finances de l'année doivent comporter « la présentation des actions, des coûts associés, des objectifs poursuivis, des résultats obtenus et attendus pour les années à venir mesurés au moyen d'indicateurs précis dont le choix est justifié » . Comme le rappelle le guide méthodologique de la performance 61 ( * ) , ces indicateurs doivent permettre de mesurer l'une des trois dimensions de la performance :

- l'efficacité socio-économique répondant aux attentes des citoyens. Ils correspondent à des objectifs visant à modifier l'environnement économique, social, écologique, sanitaire, culturel, etc. et indiquent non pas ce que fait l'administration (ses produits), mais l'impact de ce qu'elle fait (ses résultats socio-économiques) ;

- la qualité de service intéressant l'usager. L'usager peut être externe (utilisateur d'un service public) ou interne (service bénéficiaire d'un programme de gestion interne - gestion des ressources humaines de la mission, par exemple) assuré par un programme dit de « soutien » ;

- l' efficience de la gestion intéressant le contribuable et qui vise, pour un même niveau de ressources, à accroître les produits des activités publiques ou, pour un même niveau d'activité, à nécessiter moins de moyens.

Enfin, dans le cadre du « chaînage vertueux » fondé sur la confrontation entre les prévisions et les réalisations, l'examen de la loi de règlement doit permettre au Parlement et aux citoyens de mesurer l'atteinte des objectifs fixés dans le projet de loi de finances afférent à la même année. Aux termes de l'article 54 de la LOLF, les rapports annuels de performances (RAP) annexés au projet de loi de règlement doivent ainsi comporter « les objectifs, les résultats attendus et obtenus, les indicateurs et les coûts associés ».

B. BILAN DE LA DÉMARCHE DE PERFORMANCE DANS L'EXÉCUTION 2014

Depuis 2011, dans le cadre de la programmation budgétaire pluriannuelle retracée dans les lois de programmation des finances publiques, le Gouvernement fixe, pour chaque indicateur, une cible à trois ans tous les deux ans, ainsi qu' une prévision annuelle .

Des valeurs cibles ont ainsi été établies pour 2013 (par le PLF 2011) et 2015 (par le PLF 2013). Les cibles pour 2017 ont, quant à elles, été fixées dans les projets annuels de performance annexés au projet de loi de finances pour 2015.

L'année 2014, qui n'était pas une année « cible », a fait l'objet d'une simple prévision dans les projets annuels de performance annexés au projet de loi de finances pour 2014.

1. La poursuite de l'effort de rationalisation

L'effort de rationalisation des indicateurs de performance a été poursuivi dans le projet de loi de finances pour 2014.

Comme le rappelle le ministère des finances et des comptes publics dans un document sur les données de la performance 2015 62 ( * ) , les PAP annexés au PLF 2014 comptaient 400 objectifs déclinés en 837 indicateurs, contre 417 objectifs déclinés en 872 indicateurs l'année précédente, soit une diminution de 4 % du nombre d'objectifs et d'indicateurs.

Par ailleurs, entre 2013 et 2014, 45 indicateurs ont été modifiés (5 %), parmi lesquels 40 ont été remplacés et 5 ont été ajustés.

Une certaine stabilité peut donc être constatée s'agissant de la maquette relative à la performance, plus de 90 % des indicateurs n'ayant pas été modifiés entre les PAP 2013 et 2014.

Si la modification, voire la suppression, de certains indicateurs peut apparaître nécessaire afin d'améliorer la qualité et la pertinence de l'information qu'ils retracent, ces évolutions ne devraient intervenir qu'au moment de la fixation de la cible triennale, afin de permettre une véritable analyse de moyen terme . En tout état de cause, elles ne devraient pas conduire à « effacer » les données relatives à la performance de l'indicateur devant être modifié ou supprimé, au regard de la cible initialement fixée, la conservation de ces données à titre informatif étant indispensable pour permettre des comparaisons dans le temps.

Par ailleurs, la multiplication des types d'indicateurs nuit à la lisibilité de la performance globale des missions . Ainsi, quatre types d'indicateurs peuvent être utilisés pour analyser les résultats des missions :

- les « indicateurs de mission » identifiés au sein des programmes ;

- les indicateurs « les plus représentatifs de la mission » s'appuyant sur les données d'un ou plusieurs indicateurs de mission ;

- les indicateurs « les plus représentatifs de la mission » spécifiques ;

- les indicateurs transversaux.

Il conviendrait de réduire ce nombre en ne conservant, par exemple, que les indicateurs « les plus représentatifs de mission », quel que soit leur mode de construction (qui devrait être précisé), ainsi que les indicateurs transversaux.

2. Une qualité de renseignement inégale selon les missions

Comme le montre le tableau ci-après, sur les 323 sous-indicateurs que comptent les 99 indicateurs de mission, 246 ont été renseignés, soit un taux de renseignement s'élevant à 76 % .

Au total, près d'un sous-indicateur de mission sur quatre n'a donc pas été renseigné . Ce chiffre apparaît excessivement élevé, d'autant qu'il s'agit des sous-indicateurs censés retracer les éléments de performance jugés les plus significatifs d'une mission.

Par ailleurs, parmi les 246 sous-indicateurs renseignés, 222 avaient fait l'objet d'une prévision dans le PAP 2014, soit 68,7 % de l'ensemble des sous-indicateurs de missions.

Au total, à peine plus des deux tiers des sous-indicateurs de mission permettent donc de confronter des résultats obtenus à une prévision initiale.

Ce faible taux de renseignement interroge la capacité des indicateurs retenus à s'imposer comme de véritables outils d'information et d'analyse à disposition du Parlement et des citoyens. Il invite à s'interroger sur l'arbitrage entre la pertinence d'un indicateur et la disponibilité des informations qu'il utilise.

L'absence de renseignement de la réalisation comme de la prévision devrait être systématiquement justifiée afin d'apprécier si l'indicateur est voué à disparaître ou à être remplacé ou si cette absence résulte simplement de l'indisponibilité temporaire de certaines données. En effet, actuellement, les justifications sont soit laconiques, se limitant à la mention « non déterminant » ou « sans objet », soit inexistantes .

Il convient cependant de noter que des différences significatives existent selon les missions s'agissant de la qualité du renseignement des indicateurs et sous-indicateurs.

Sur les 26 missions du budget général disposant d'indicateurs de mission, 12 seulement affichent des taux de renseignement et de sous-indicateurs « exploitables » (c'est-à-dire dont la prévision était renseignée dans le PAP 2014) s'élevant à 100 %.

En revanche, trois missions enregistrent des taux de renseignement inférieurs ou égaux à 50 % .

La performance des missions « Enseignement scolaire » et « Travail et emploi », qui représentent pourtant une dépense cumulée de près de 77 milliards d'euros en AE et de 75,4 milliards d'euros en CP, apparaît ainsi particulièrement peu documentée.

Sur les 50 sous-indicateurs de la mission « Enseignement scolaire », 18 seulement sont renseignés, parmi lesquels 8 seulement avaient fait l'objet d'une prévision dans le PAP 2014. Par ailleurs, comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport sur l'exécution 2014 du budget de l'État 63 ( * ) , si la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République du 8 juillet 2013 64 ( * ) prévoyait la mise en place de moyens supplémentaires, « les objectifs et les cibles des indicateurs existants n'ont pas été modifiés ». On peut ainsi regretter « le fait qu'aucune information relative aux créations de postes et à leur affectation telle que l'envisageait la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école » ne figure dans les rapports annuels de performance. Or, les dépenses de titre 2 (personnel) ont représenté en 2014 près de 92 % du total de la dépense de la mission « Enseignement scolaire ». Une telle information apparaît donc indispensable à la bonne information du Parlement et il serait souhaitable qu'un indicateur dans ce sens soit mis en place dès le projet de loi de finances pour 2016 . Cet indicateur pourrait retracer, au niveau de la mission, l'exécution du schéma d'emplois au regard d'une prévision (correspondant à la déclinaison annuelle de l'objectif fixé par loi du 8 juillet 2013) par programme et par catégorie de personnel (enseignants titulaires, stagiaires, contractuels, personnels de vie scolaire, administratifs, médico-sociaux etc.).

S'agissant de la mission « Travail et emploi », sur les 11 sous-indicateurs de mission, seul un sous-indicateur dont la prévision figurait dans le PAP 2014 a été renseigné. Si, comme l'a rappelé Emmanuelle Wargon, déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle, lors de son audition devant la commission des finances le 10 juin 2015, « s'agissant du volet performance, dans un souci de précision, nous nous appuyons sur les données produites par la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) », il est regrettable que les documents budgétaires ne contiennent aucune information concernant l'efficacité des contrats aidés, dont le coût s'est pourtant élevé à 3,7 milliards d'euros en AE et à près de 3 milliards d'euros en CP en 2014.

Tableau n° 37 : Sous-indicateurs* 2014 renseignés
et sous-indicateurs* dont la prévision 2014 était connue

Mission

Nombre de sous-indicateurs 2014 de la mission

Sous-indicateurs 2014 renseignés

Sous-indicateurs 2014 renseignés dont la prévision était inscrite dans le PAP 2014

Nombre

Proportion

Nombre

Proportion

Action extérieure de l'État

7

7

100%

7

100%

Administration générale et territoriale de l'État

4

4

100%

4

100%

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

3

2

67%

2

67%

Aide publique au développement

4

2

50%

2

50%

Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation

3

3

100%

3

100%

Conseil et contrôle de l'État

7

7

100%

7

100%

Culture

10

10

100%

7

70%

Défense

13

13

100%

13

100%

Direction de l'action du Gouvernement

6

6

100%

2

33%

Écologie, développement et aménagement durables

8

7

88%

5

63%

Économie

2

2

100%

2

100%

Égalité des territoires, logement et ville

19

19

100%

19

100%

Engagements financiers de l'État

4

4

100%

4

100%

Enseignement scolaire

50

18

36%

8

16%

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

7

7

100%

7

100%

Immigration, asile et intégration

4

4

100%

4

100%

Justice

13

11

85%

10

77%

Médias, livre et industries culturelles

37

27

73%

23

62%

Outre-mer

6

6

100%

6

100%

Recherche et enseignement supérieur

33

23

70%

23

70%

Régimes sociaux et de retraite

5

5

100%

5

100%

Santé

5

4

80%

4

80%

Sécurités

44

38

86%

38

86%

Solidarité, insertion et égalité des chances

9

7

78%

7

78%

Sport, jeunesse et vie associative

9

9

100%

9

100%

Travail et emploi

11

1

9%

1

9%

Total

323

246

76%

222

69%

* Sous-indicateurs de mission

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

3. Une majorité de sous-indicateurs qui manquent la prévision pour 2014

Le tableau infra détaille la performance des sous-indicateurs de chaque mission au regard des prévisions fixées dans les PAP 2014. Seuls les sous-indicateurs de mission dont les résultats ont été renseignés et pour lesquels les prévisions étaient connues sont donc pris en compte. Afin de permettre une analyse plus fine de ces résultats, il est fait état, au sein des sous-indicateurs manquant la prévision, des sous-indicateurs pour lesquels l'écart constaté est supérieur à 25 % et, parmi ces derniers, de ceux manquant la prévision de plus de 50 %.

Tableau n° 38 : Résultats des RAP 2014 au regard des prévisions 2014 des PAP 2014

Mission

Sous-indicateurs 2014 renseignés dont la prévision était inscrite dans le PAP 2014 manquant la prévision

dont sous-indicateurs manquant la prévision 2014 PAP 2014 de plus de 50%

dont sous-indicateurs manquant la prévision 2014 PAP 2014 de plus de 25%

Sous-indicateurs atteignant ou dépassant la prévision 2014 PAP 2014

Nombre

Proportion

Nombre

Proportion

Nombre

Proportion

Nombre

Proportion

Action extérieure de l'État

3

43%

0

0%

0

0%

4

57%

Administration générale et territoriale de l'État

3

75%

0

0%

0

0%

1

25%

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

1

50%

0

0%

0

0%

1

50%

Aide publique au développement

0

0%

0

0%

0

0%

2

100%

Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation

1

33%

1

33%

1

33%

2

67%

Conseil et contrôle de l'État

3

43%

0

0%

0

0%

4

57%

Culture

4

57%

0

0%

0

0%

3

43%

Défense

10

77%

1

8%

2

15%

3

23%

Direction de l'action du Gouvernement

2

100%

0

0%

2

100%

0

0%

Écologie, développement et aménagement durables

4

80%

0

0%

0

0%

1

20%

Économie

0

0%

0

0%

0

0%

2

100%

Égalité des territoires, logement et ville

8

42%

0

0%

1

5%

11

58%

Engagements financiers de l'État

1

25%

0

0%

0

0%

3

75%

Enseignement scolaire

2

25%

0

0%

0

0%

6

75%

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

1

14%

0

0%

0

0%

6

86%

Immigration, asile et intégration

2

50%

1

25%

1

25%

2

50%

Justice

7

70%

0

0%

1

10%

3

30%

Médias, livre et industries culturelles

12

52%

0

0%

0

0%

11

48%

Outre-mer

3

50%

2

33%

3

50%

3

50%

Recherche et enseignement supérieur

21

91%

2

9%

2

9%

2

9%

Régimes sociaux et de retraite

2

40%

0

0%

0

0%

3

60%

Santé

2

50%

0

0%

0

0%

2

50%

Sécurités

26

68%

2

5%

2

5%

12

32%

Solidarité, insertion et égalité des chances

5

71%

0

0%

0

0%

2

29%

Sport, jeunesse et vie associative

4

44%

0

0%

0

0%

5

56%

Travail et emploi

1

100%

0

0%

0

0%

0

0%

Total

128

58%

9

4%

15

12%

94

42%

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Les taux d'atteinte des prévisions fixées dans les PAP 2014 apparaissent, cette année encore, décevants . En effet, comme le montre le tableau ci-dessus, 58 % des sous-indicateurs renseignés et pour lesquels une prévision était connue pour 2014 - soit 128 sous-indicateurs sur 222 - manquent les prévisions fixées dans les PAP 2014.

Pour 15 sous-indicateurs concernant neuf missions, l'écart est supérieur à 25 % .

Par ailleurs, parmi ces sous-indicateurs, neuf manquent la prévision 2014 de plus de 50 %. Il s'agit :

- pour la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation », de l'indicateur « Délai moyen de traitement d'un dossier de pension militaire d'invalidité » ;

- pour la mission « Défense », de l'indicateur « Évolution annuelle moyenne des devis à terminaison des opérations d'armement principales » ;

- pour la mission « Immigration, asile et intégration », de l'indicateur « Délai de l'examen d'une demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) » ;

- pour la mission « Outre-mer », des deux sous-indicateurs de l'indicateur « Impact des exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale sur l'évolution des effectifs salariés dans les départements d'outre-mer » ;

- pour la mission « Recherche et enseignement supérieur », des sous-indicateurs « titulaire de DUT » et « titulaire de Master » de l'indicateur « Insertion professionnelle des jeunes diplômés » ;

- pour la mission « Sécurités », du sous-indicateur « Nombre d'hectares brûlés en fonction de l'intensité de l'aléa climatique pendant la campagne "saison feux" » de l'indicateur « Efficacité du dispositif de protection des forêts pendant la campagne "saison feux" » et de l'indicateur « Taux d'évolution des stocks collectés de munitions anciennes (explosive ordonnance disposal ou EOD) ».

Ces sous-indicateurs et indicateurs devront donc faire l'objet d'une vigilance particulière à l'occasion de l'examen de la loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2015, qui permettra de mesurer l'écart à la cible triennale fixée en 2013 . Il conviendra également, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2016, de s'assurer que les moyens alloués aux politiques publiques concernées et les réformes mises en oeuvre, le cas échéant, prennent en compte les résultats enregistrés par ces indicateurs et visent effectivement à leur amélioration.

C. UNE MESURE TRANSVERSALE DE LA PERFORMANCE À POURSUIVRE ET DÉVELOPPER

À compter de 2008, des indicateurs transversaux ont été progressivement mis en place afin de permettre une analyse comparative de l'efficience des fonctions de support entre les missions, en fonction de critères harmonisés.

Au nombre de six , ces indicateurs visent respectivement à évaluer :

- les délais de publication des textes d'application des lois ;

- l'efficience de la fonction achat ;

- l'efficience de la gestion des ressources humaines ;

- l'efficience de la gestion immobilière ;

- l'efficience de la gestion informatique et bureautique ;

- la part des bénéficiaires de l'obligation d'emploi prévue par la loi n° 87-51 du 10 juillet 1987 en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés.

Ces indicateurs figurent au sein du programme support de chaque mission ou, en l'absence d'un tel programme, du programme portant l'action support majoritaire.

En 2014, douze missions du budget général disposaient d'un ou plusieurs indicateurs transversaux 65 ( * ) (cf. tableau ci-après).

Il conviendrait cependant de généraliser ces indicateurs à l'ensemble des missions. Ainsi, l'absence de renseignement de l'indicateur « informatique » est regrettable s'agissant de la mission « Défense » compte tenu des difficultés rencontrées par le ministère de la défense pour la gestion informatisée de la paie de ses personnels.

Tableau n° 39 : Missions du budget général disposant d'indicateurs transversaux

Mission

Programme

Type de programme

Culture

224

Programme portant l'intégralité du support

Écologie, développement et aménagement durables

217

Programme portant l'intégralité du support

Solidarités, insertion et égalité des chances

124

Programme portant l'intégralité du support

Travail et emploi

155

Programme portant l'intégralité du support

Administration générale et territoriale de l'État

216

Programme dont la spécialité relève exclusivement du support

Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales

215

Programme dont la spécialité relève exclusivement du support

Défense

212

Programme dont la spécialité relève exclusivement du support

Direction de l'action du Gouvernement

333

Programme dont la spécialité relève exclusivement du support

129

Programme portant l'action support majoritaire

Enseignement scolaire

214

Programme dont la spécialité relève exclusivement du support

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

218

Programme dont la spécialité relève exclusivement du support

Justice

310

Programme dont la spécialité relève exclusivement du support

Action extérieure de l'État

105

Programme portant l'action support majoritaire

Source : Direction du budget, Guide de la performance , édition mars 2013 pour le PLF 2014

Si ces indicateurs peuvent constituer un outil utile au Parlement pour analyser de manière croisée les performances des différentes missions, il conviendrait néanmoins d'en faciliter la lecture en prévoyant l'utilisation d'une nomenclature identique (même dénomination, même unité, etc.) pour la totalité d'entre eux.

1. Délais de publication des textes d'application des lois

Tableau n° 40 : Délais de publication des textes d'application des lois

Mission

Délai moyen de publication des textes (mois)

Réalisation 2012

Réalisation 2013

Réalisation 2014

Prévision 2014 PAP 2014

Relation avec les collectivités territoriales

13,95

8,5

6

6

Administration générale et territoriale de l'État

11,95

1,99

6,15

6

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

8,6

6,6

6,3

6

Écologie, développement et mobilité durables

18,4

5

9

12

Solidarité, insertion et égalité des chances

12,1

14,6

12,3

<=12

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Cet indicateur vise à permettre un suivi des délais de publication des textes d'application des lois et, si cela est pertinent, de transposition des directives européennes.

Cette année encore, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » affiche des délais de publication des textes d'application des lois significativement supérieurs à toutes les autres missions disposant de cet indicateur. Par ailleurs, seules les missions « Écologie, développement et mobilité durables » et « Relation avec les collectivités territoriales » atteignent les prévisions fixées dans le PAP 2014.

L'analyse de cet indicateur est complexe tant les résultats enregistrés dépendent de facteurs multiples sur lesquels l'administration ne dispose pas nécessairement de moyens d'actions (nombre de textes, complexité, etc.). On peut cependant noter que, depuis 2012, la tendance est plutôt à l'amélioration de la performance de cet indicateur, l'ensemble des missions concernées, à l'exception de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », affichant des délais moyens de publication des textes d'application en diminution.

2. Efficience de la fonction achat

Tableau n° 41 : Efficience de la fonction achat

Mission

Gain relatif aux actions achat (M €)

Réalisation 2012

Réalisation 2013

Réalisation 2014

Prévision 2014 PAP 2014

Défense

98

118

125,50

103

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

76,00

104,30

102,00

100,00

Administration générale et territoriale de l'État

67,2

109

65,00

50

Justice

43,9

19,5

31,00

26,75

Écologie

11,3

32,4

19,90

10,0

Solidarité, insertion et égalité des chances

2,074

6,1

14,10

3

Direction de l'action du Gouvernement

5,38

1,18

14,00

NC

Enseignement scolaire

11,4

10,1

10,40

11,00

Agriculture

1,60

1,70

3,20

1,7

Action extérieure de l'État

-

2,31

2,39

10,24

Culture

4,2

1,8

1,50

4,75

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

L'indicateur « Efficience de la fonction achat » permet de mesurer les gains théoriques résultant des actions mises en oeuvre par les ministères (mutualisation, standardisation, externalisation, négociation, etc.) destinées à réduire la dépense liée à la fonction d'achat.

Comme le rappellent les documents budgétaires, la méthode de calcul des gains d'achats ministériels est fondée sur la comparaison entre :

- des prix (ou situations) de « référence », éventuellement révisés selon les termes du marché et prenant en compte l'évolution du marché ;

- des prix (ou une situation) « nouveaux », après intervention de l'acheteur ministériel.

Les prévisions et les constats de gains d'achats sont suivis via le logiciel interministériel IMPACT déployé à partir de 2010.

En 2014, trois missions enregistrent des gains relatifs aux actions d'achat inférieurs aux prévisions : « Action extérieure de l'État », « Culture » et « Enseignement scolaire ».

Sept des onze missions disposant de cet indicateur ont cependant enregistré une amélioration de leur performance en 2014. Par ailleurs, plus de la moitié des missions (six sur onze) enregistrent des gains supérieurs à ceux de 2012.

3. Efficience de la gestion des ressources humaines

Tableau n° 42 : Efficience de la gestion des ressources humaines

Mission

Ratio d'efficience de la gestion des ressources humaines (%)

Réalisation 2012

Réalisation 2013

Réalisation 2014

Prévision 2014 PAP 2014

Enseignement scolaire

0,7

0,7

0,7

0,7

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

2,1

2,04

2,04

2,05

Administration générale et territoriale de l'État

2,15

2,15

2,15

2,14

Justice

2,24

2,14

2,16

2,2

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

2,3

2,3

2,3

2,2

Conseil et contrôle de l'État

2,17

2,3

2,34

2,32

Direction de l'action du Gouvernement

2,2975

2,33

2,4875

2,4125

Culture

2,5

2,6

2,6

2,5

Défense

2,82

2,68

2,87

2,71

Écologie, développement et mobilité durables

3,2

3,36

3,3

3,00

Solidarité, insertion et égalité des chances

2,93

2,89

3,42

<=2,64

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

L'efficience de la gestion des ressources humaines est calculée sur la base du ratio entre le nombre de personnels « gestionnaires » (personnels des services centraux et déconcentrés affectés à la gestion des ressources humaines lato sensu ) rapporté aux effectifs « gérés » (personnels émargeant sur le plafond d'emplois de la mission).

Une grande homogénéité entre les missions peut être constatée s'agissant de cet indicateur, le ratio d'efficience de la gestion des ressources humaines étant généralement compris entre 2 % et 3 %. En outre, les résultats enregistrés semblent relativement stables dans le temps pour l'ensemble des missions concernées.

4. Efficience de la gestion immobilière

L'efficience de la gestion immobilière est mesurée à travers cinq sous-indicateurs :

- ratio surface utile brute (SUB 66 ( * ) ) / surface hors oeuvre nette (SHON) ;

- ratio surface utile nette (SUN) / poste de travail ;

- ratio entretien courant / SUB ;

- ratio entretien lourd / SUB ;

- coût des travaux structurants.

Tableau n° 43 : Ratio SUN/Poste de travail

Mission

Efficience de la gestion immobilière Ratio SUN/Poste de travail (m²/poste ou m²/agent)

Réalisation 2012

Réalisation 2013

Réalisation 2014

Prévision 2014 PAP 2014

Administration générale et territoriale de l'État

8,60

8,66

8,61

8,60

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

13,47

13,67

12,76

13,73

Enseignement scolaire

13,5

13,2

12,9

13,2

Défense

12,28

11,76

13,19

13,64

Écologie, développement et mobilité durables

13,48

13,28

13,24

12,83

Solidarité, insertion et égalité des chances

13,5

13,45

13,25

13,25

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

13,6

13,4

13,4

13,6

Action extérieure de l'État

15,65

15,2

15,1

15

Direction de l'action du Gouvernement

15,35

15,03

15,6

15

Culture

15,5

15,84

15,85

13,58

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Le ratio « SUN /agent ou poste de travail » (cf. tableau ci-dessus) mesure la surface utile nette en m² rapportée au nombre d'agents ou de postes de travail de la mission. La norme fixée par l'État propriétaire est de 12 m² par poste de travail.

Six missions sur les dix pour lesquels ce sous-indicateur est renseigné enregistrent des résultats en amélioration par rapport à 2012 .

Tableau n° 44 : Ratio entretien courant/SUB

Mission

Efficience de la gestion immobilière Ratio entretien courant/SUB (€/m²)

Réalisation 2012

Réalisation 2013

Réalisation 2014

Prévision 2014 PAP 2014

Administration générale et territoriale de l'État

6,13

6,73

7,03

6,58

Action extérieure de l'État

5,64

5,36

7,24

2,74

Enseignement scolaire

12,70

12,00

11,90

13,4

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

14,57

14,23

15,84

15,57

Solidarité, insertion et égalité des chances

21,56

23,22

30,00

19,27

Écologie, développement et mobilité durables

39,17

32,28

32,80

39

Culture

63,00

32,00

37,00

nc

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

33,30

36,30

34,70

32,8

Direction de l'action du Gouvernement

Ratio mission

66,07

66,00

72,00

70

Ratio d'entretien courant du Défenseur des droits

75,00

82,84

63,37

73

Ratio entretien courant du CSA

34,00

50,00

104,00

40

Ratio entretien courant de la CNIL

124,00

114,00

97,00

100

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Seules deux missions sur les neuf pour lesquelles le sous-indicateur « Ratio entretien courant/SUB » est renseigné (cf. tableau ci-dessus) atteignent la prévision fixée dans le PAP 2014 (« Enseignement scolaire » et « Écologie, développement et mobilité durables ») .

Par ailleurs, sept missions voient leur performance se dégrader par rapport à l'exercice 2013.

Tableau n° 45 : Ratio entretien lourd/SUB

Mission

Efficience de la gestion immobilière Ratio entretien lourd/SUB (€/m²)

Réalisation 2012

Réalisation 2013

Réalisation 2014

Prévision 2014 PAP 2014

Action extérieure de l'État

2,98

1,40

1,61

1,12

Administration générale et territoriale de l'État

9,55

7,76

6,47

6,10

Enseignement scolaire

25,70

18,30

17,30

34,80

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

70,90

24,30

26,10

58,20

Direction de l'action du Gouvernement

85,21

88,00

61,00

60,00

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

63,84

17,57

33,42

39,45

Culture

79,00

59,00

208,00

nc

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Moins de la moitié des missions pour lesquelles le sous-indicateur « Ratio entretien lourd/SUB » (cf. tableau ci-dessus) est renseigné atteignent la prévision pour 2014 (« Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », « Enseignement scolaire » et « Gestion des finances publiques et des ressources humaines »).

Par ailleurs, la mission « Culture » enregistre une dégradation de sa performance de près de 254 % par rapport à l'exercice 2013 et affiche le ratio « Entretien lourd/SUB » le plus élevé .

Six missions sur sept voient cependant la dépense consacrée à l'entretien lourd rapportée à la surface utile brute diminuer par rapport à 2012.

Il convient de noter que les prévisions retenues comme les résultats enregistrés pour ces trois sous-indicateurs doivent s'analyser en tenant compte de la grande hétérogénéité des bâtiments occupés .

5. Efficience de la gestion informatique et bureautique

Tableau n° 46 : Efficience de la gestion informatique et bureautique

Mission

Efficience de la gestion informatique et bureautique (€/poste)

Réalisation 2012

Réalisation 2013

Réalisation 2014

Prévision 2014 (PAP 2014)

Administration générale et territoriale de l'État

412

438

384

384

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

635

654

673

673

Culture

528

675

677

677

Direction de l'action du Gouvernement

1494,2

895,4

918,4

918,4

Écologie, développement et mobilité durables

880

876

880

861

Enseignement scolaire

837,5

894

875,5

825

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

598,7

606,6

595,99

880

Justice

405

415

494

595,99

Solidarité, insertion et égalité des chances

1 004

876

1178

1178

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Introduit dès le projet de loi de finances pour 2008, l'indicateur « Efficience de la gestion informatique et bureautique » mesure le coût agrégé par poste (agents utilisateurs et personnes non agents de l'État bénéficiant d'un équipement informatique) de l'ensemble des achats de matériels, de droits de licence, de formation, d'assistance aux utilisateurs, de maintenance des matériels et des logiciels bureautiques, etc.

Compte tenu des besoins propres à chaque ministère, cet indicateur ne se prête pas à une analyse comparative des performances entre les missions, mais permet un suivi dans le temps du niveau de dépense consacrée à l'informatique et à la bureautique.

Ainsi, si sept missions sur neuf atteignent les prévisions pour 2014, quatre seulement connaissent une amélioration de cet indicateur depuis 2012.

Par ailleurs, il conviendrait de prévoir l'extension de cet indicateur à d'autres missions et, en particulier, à la mission « Défense » eu égard aux difficultés rencontrées par le ministère avec le logiciel unique à vocation interarmées de la solde (Louvois).

6. Action en faveur de l'emploi des personnes handicapées

Tableau n° 47 : Part des bénéficiaires de l'obligation d'emploi prévue par la loi n° 87-517 du 10 juillet 1987

Mission

Part des bénéficiaires de l'obligation d'emploi prévue par la loi n°87-517 du 10 juillet 1987 (%)

Réalisation 2012

Réalisation 2013

Réalisation 2014

Prévision 2014 PAP 2014

Écologie, développement et mobilité durables

6,70

7,23

7,86

6,50

Travail et emploi

7,40

7,10

6,60

7,00

Défense

6,93

7,00

6,33

6,93

Solidarité, insertion et égalité des chances

6,12

6,10

6,00

6,00

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

5,40

5,60

5,70

5,75

Culture

4,49

4,74

5,03

5,03

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

4,09

4,55

4,70

4,70

Direction de l'action du Gouvernement

4,14

4,08

4,30

5,34

Justice

3,44

3,77

4,13

3,92

Enseignement scolaire

2,16

2,56

nd

2,77

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

La loi n° 87-517 du 10 juillet 1987 en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés a fixé les principes et les règles applicables aux travailleurs handicapés dans le secteur privé et dans le secteur public. Elle prévoit ainsi une obligation d'emploi de 6 % de l'effectif réel.

Comme le montre le tableau ci-dessus, cet objectif n'est pas atteint par l'ensemble des missions disposant de cet indicateur . Cependant, à l'exception de la mission « Défense », pour laquelle un recul du pourcentage de travailleurs handicapés peut être constaté, les résultats enregistrés par la quasi-totalité des missions disposant de cet indicateur sont en progression depuis 2012.

V. LE RÉSULTAT PATRIMONIAL ET LE BILAN DE L'ÉTAT

A. UNE DÉGRADATION DU BILAN ET DE LA SITUATION PATRIMONIALE DE L'ÉTAT DE 79 MILLIARDS D'EUROS EN 2014

Les particularités du bilan de l'État et de sa situation patrimoniale

Depuis l'entrée en vigueur de la LOLF, le compte général de l'État comporte une présentation de son bilan comptable. Le bilan de l'État est une présentation de son actif et de son passif. L'actif représente l'ensemble de son patrimoine. Le passif est constitué de l'ensemble des engagements financiers de l'État à l'égard des tiers, essentiellement des dettes financières.

Cependant, le bilan de l'État se différencie du bilan des entreprises privées en raison des spécificités de son action, qui trouvent leur traduction dans ses états financiers. Il ne possède notamment pas, à son passif, de capital social (le capital social étant l'apport des actionnaires à une société). Sa capacité à lever l'impôt ne peut constituer un actif incorporel, certains de ses monuments historiques ne sont valorisés, à l'actif de l'État, qu'à l'euro symbolique. Si, pour une entreprise, un résultat net négatif traduit une destruction de richesse, le déséquilibre entre actif et passif de l'État est quant à lui structurel. C'est donc l'évolution du résultat de l'État qui peut être interprétée et non sa valeur.

C'est pourquoi le bilan de l'État n'est pas équilibré, à la différence d'un acteur privé, et est présenté sous la forme d'un tableau de situation nette, correspondant à la différence entre son actif et son passif.

La situation nette de l'État est déficitaire à hauteur de 1 018 milliards d'euros en 2014, soit une dégradation de 79 milliards d'euros par rapport au solde de l'année 2013.

Graphique n° 48 : Évolution de l'actif, du passif et de la situation nette de 2012 à 2014

(en milliards d'euros)

Note de lecture : Les chiffres 2012 et 2013, présentés dans le Compte général de l'État, ont été retraités afin de prendre en compte les changements de méthode comptable intervenus en 2014 et les corrections d'erreurs.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les comptes généraux de l'État

L'alourdissement de la situation nette négative de l'État provient d'une forte augmentation du passif (+ 97,2 milliards d'euros), qui n'est que partiellement compensée par l'actif (+ 17,5 milliards d'euros).

Le résultat patrimonial de l'État, à savoir le solde de ses produits et de ses charges ou solde des opérations de l'exercice, s'est établi, au 31 décembre 2014, à - 77,3 milliards d'euros , soit une dégradation de 17 milliards d'euros par rapport au résultat retraité 2013 (- 60 milliards d'euros). Il y a donc eu une augmentation forte du besoin de financement en 2014, après l'amélioration constatée en 2013.

Graphique n° 49 : Solde des opérations de l'exercice

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le compte général de l'État 2014

1. La dérive des dettes de fonctionnement au sein des dettes non financières

Les dettes de fonctionnement ont augmenté de 30,8 % en 2014 . Elles sont composées pour l'essentiel des dettes envers les fournisseurs, qui en constituent près de la moitié.

Graphique n° 50 : Répartition des dettes de fonctionnement de l'État

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le compte général de l'État 2014

La progression des dettes de fonctionnement provient majoritairement d'une augmentation des charges à payer de personnel et des pensionnés (+ 6,3 %) et de la hausse de la dette envers les fournisseurs (+ 73,3 %) . Environ un quart des dettes envers les fournisseurs est constitué de dettes exigibles. Le retard de paiement sur les fournisseurs atteint un montant avoisinant le milliard d'euros . Le reste de la dette comprend des factures non parvenues, pour un montant de 3,3 milliards d'euros (soit une progression de 90 % par rapport à 2013 ) . Sur le total, 484 millions d'euros correspondent à l'indemnité de résiliation du contrat Ecomouv'.

Les dettes d'intervention, à savoir les dettes liées au transfert aux ménages, aux entreprises et aux collectivités territoriales, ont également progressé, bien que plus modérément, de 1,03 % entre 2013 et 2014 (soit 109 millions d'euros de plus).

La hausse des dettes de fonctionnement fait état des difficultés du Gouvernement à maîtriser les dépenses courantes et complique les perspectives budgétaires.

2. La part croissante des contrats de partenariats dans la dette financière de l'État

La dette financière de l'État est composée des titres négociables, estimés à 1 546 milliards d'euros, (+ 4,7 % par rapport à 2013), et des « dettes financières et autres emprunts » pour 4,8 milliards d'euros.

Les dettes liées aux contrats de location-financement mobiliers et immobiliers et de partenariats public-privé (PPP) ont sensiblement progressé. Elles constituent 68 % des « dettes financières et autres emprunts » (le reste provenant de reprises de dettes) et sont en hausse de 20 % sur l'exercice 2014 , par rapport à l'exercice 2013.

Elles se décomposent comme suit : 2 573 millions d'euros au titre de l'immobilier, 578 millions d'euros au titre du mobilier (dont le contrat de partenariat annulé relatif à la mise en oeuvre de la taxe poids-lourds pour 86,8 % de ce montant) et 93 millions d'euros au titre de biens incorporels (acquisition de logiciels par le ministère de la défense).

L'essentiel de ces dettes (2 175 millions d'euros) sera exigible dans plus de 5 ans (306 millions d'euros seront exigibles dans moins d'un an et 763 millions d'euros seront exigibles dans 1 à 5 ans). L'ampleur des dettes exigible à long terme laisse à penser que le risque budgétaire est important.

3. Une augmentation importante des charges nettes

Charges nettes, charges de fonctionnement, charges d'interventions et charges financières

Les charges nettes sont l'ensemble formé par les charges de fonctionnement, les charges d'intervention et les charges financières.

Les charges de fonctionnement comprennent notamment les charges de personnels et les achats.

Les charges d'interventions sont les charges liées à la mission de régulateur économique et social de l'État (c'est-à-dire les transferts aux ménages, aux entreprises et aux collectivités territoriales) et les charges résultant de la mise en jeu de la garantie de l'État.

Les charges financières correspondent essentiellement aux intérêts de la dette financière.

Les charges nettes ont augmenté en 2014 (354 milliards d'euros en 2014 contre 340 milliards d'euros en 2013).

Ce sont les charges d'intervention qui ont le plus fortement progressé , passant de 139 milliards d'euros en 2013 à 148 milliards d'euros en 2014. Cette augmentation provient essentiellement de la hausse mécanique des dotations nettes aux provisions, à cause de la diminution des reprises sur provision. Elles s'élevaient à 29 milliards d'euros en 2014, alors qu'elles correspondaient à 36,6 milliards d'euros en 2013 (- 20,8 %). Certains dispositifs de transfert ont été revalorisés en raison de l'application du taux d'actualisation 67 ( * ) , ou du changement de référentiel de taux.

Les dotations aux provisions et les reprises sur provisions

Les dotations nettes correspondent à la différence entre les dotations aux provisions et les reprises sur provisions.

Les dotations aux provisions regroupent les dotations relatives à l'anticipation de dépenses prévisibles.

Les provisions devenues sans objet, c'est-à-dire les provisions pour lesquelles l'État n'a plus d'obligation ou pour lesquelles le risque a disparu, font l'objet d'une reprise sur provisions.

Les charges financières nettes progressent en raison de l'effet conjugué de la diminution des produits financiers (produits des immobilisations financières, gains de change, etc.) et de la baisse insuffisante des charges financières.

B. UNE PROGRESSION SENSIBLE DES ENGAGEMENTS HORS BILAN

Les engagements hors bilan de l'État

Les engagements hors bilan de l'État constituent l'ensemble des obligations potentielles , subordonnées à la réalisation de conditions ou d'opérations ultérieures, qui s'imposent à lui et sont susceptibles d'avoir un impact significatif sur sa situation financière.

Ces engagements regroupent un grand nombre d'éléments marqués par une relative hétérogénéité. Cependant, trois grands ensembles se dégagent : les engagements pris dans le cadre d'accords bien définis, les engagements découlant de la mission de régulateur économique et social de l'État et les engagements de retraites de l'État.

Graphique n° 51 : La répartition des engagements hors bilan donnés

(en %)

Note de lecture : la catégorie « autres » regroupe, par exemple, les concessions de service public, ou encore les engagements afférents aux opérations menées en PPP.

Source : commission des finances du Sénat, d'après le compte général de l'État 2014

Les engagements donnés, inscrits au hors bilan de l'État, ont augmenté de 16,7 % en 2014. Ils sont passés de 3 566 milliards d'euros en 2013 à 4 163 milliards d'euros en 2014.

Cette progression provient essentiellement de la hausse des engagements découlant de la mission de régulateur économique et social de l'État et de ses engagements de retraite.

Il faut souligner que la Cour des comptes maintient, dans le cadre de la certification des comptes de l'État, ses réserves relatives au contrôle interne des engagements hors bilan : « l'efficacité du contrôle interne de certains engagements hors bilan, notamment ceux reçus par l'État, est insuffisante en raison des faiblesses relevées dans la mise en oeuvre des procédures de recensement et d'évaluation » 68 ( * ) . Autrement dit, les procédures d'enregistrement des engagements hors bilan actuelles doivent être renforcées pour améliorer la qualité des contrôles effectués par l'État et par la Cour des comptes.

Graphique n° 52 : Évolution des engagements hors bilan donnés inscrits
au hors bilan

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le compte général de l'État 2014

1. Un poids de plus en plus important des retraites et des aides au logement dans le hors bilan

Les missions de régulateur économique et social de l'État sont celles qui ont connu la plus forte augmentation au sein des engagements hors bilan de l'État (+ 32,6 %).

Cela s'explique d'abord par l'augmentation des subventions de l'État aux régimes de retraites et aux régimes spéciaux (+ 70,9 milliards d'euros), en particulier les régimes de retraites de la SNCF, de la RATP, et de l'ENIM.

L'augmentation de la contribution de l'État aux aides au logement , induite par la modification de la part de l'État dans le financement du dispositif, est également source d'une augmentation importante des engagements hors bilan. La valorisation de cet engagement est aussi supérieure, au 31 décembre 2014, de 59 milliards d'euros, par rapport à 2013 .

Les déficits reportables en avant dans le cadre de l'impôt sur les sociétés augmentent fortement (les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés (IS), qui subissent un déficit au cours d'un exercice, peuvent le reporter pour le déduire des bénéfices suivants). Ces déficits sont estimés, au 31 décembre 2014, à 392 milliards d'euros (contre 381 milliards d'euros en 2013), dont 188 milliards d'euros sont susceptibles de générer une moindre imposition. Cela se traduit par des engagements inscrits au hors bilan de 63 milliards d'euros (par application du taux d'imposition de 33,3 %), soit une augmentation de 14,5 % par rapport à 2013 .

2. La hausse des charges à payer et du soutien au commerce extérieur

Restes à payer, charges à payer et engagements budgétaires

Les restes à payer sont l'ensemble des dépenses, engagées, qui n'ont pas fait l'objet de décaissements, sans considération du service fait.

Les charges à payer ont donné lieu à service fait au cours de l'exercice, mais n'ont pas été comptabilisées avant la clôture de celui-ci.

Les charges à payer sans engagement budgétaire correspondent à la différence entre les restes à payer et les charges à payer, soit les dépenses pour lesquelles le service fait au moment de la clôture de l'exercice n'a pas été enregistré.

Les engagements budgétaires relatifs à des opérations pour lesquelles le service fait n'est pas intervenu présentent une très légère augmentation dans le budget général (83 milliards d'euros en 2014 contre 82,5 milliards d'euros en 2013). Si les charges à payer diminuent (- 9,5 %), le reste à payer augmente faiblement (+ 0,5%).

En revanche, les charges à payer sans engagement budgétaire préalable progressent de 12,5 % au sein des comptes spéciaux (59,5 milliards d'euros en 2014 contre 52,9 milliards d'euros en 2013). Cette augmentation signifie que le système d'information Chorus, qui fait l'objet de réserves substantielles par la Cour des comptes dans le cadre de la certification des comptes, reste mal utilisé. Cela n'est pas sans répercussion sur la sincérité des comptes puisque des charges pour lesquelles le service a pu être effectué sans être enregistré sont présentées au hors bilan au lieu du bilan .

L'enregistrement des dépenses dans Chorus

Chorus est un progiciel de gestion intégré, créé pour répondre aux exigences budgétaires et comptables de la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Il a notamment pour objectif de permettre une meilleure gestion des flux de dépenses.

En principe, la chaîne de la dépense avec Chorus est composée de trois étapes : l'engagement juridique, l'enregistrement du service fait et la demande de paiement. Exceptionnellement, il est possible de ne pas réaliser les deux premières étapes.

Lorsque les dépenses sont mal enregistrées, c'est-à-dire lorsque la chaîne de la dépense n'est pas respectée, elles sont enregistrées comme des charges à payer sans engagement budgétaire. Généralement, il s'agit de la non-réalisation des deux premières étapes de la chaîne de dépense.

Il faut souligner qu'une partie des charges à payer sans engagement budgétaire provient du décalage entre le moment de la réception de la facture et le moment du paiement.

Les dettes garanties par l'État diminuent globalement de 4,1 % (193,9 milliards d'euros en 2014 contre 202,2 milliards d'euros en 2013). La dette libellée en euros augmente légèrement (192,1 milliards d'euros en 2014 contre 191,9 milliards d'euros en 2013) et la dette garantie libellée en devises diminue fortement (- 8,6 milliards d'euros par rapport 2013). Cela s'explique par la fin du dispositif mis en place avec la Société de financement de l'économie française (SFEF). De novembre 2008 à septembre 2009, la SFEF avait levé des fonds, dont une partie en devises, afin de prêter aux banques pour assurer leur financement, dans une période de forte crise de liquidité. Le dernier prêt de la SFEF aux établissements bancaires a été remboursé le 22 septembre 2014.

Concernant les garanties liées à des missions d'intérêt général, il faut relever l'augmentation des garanties dont bénéficie la COFACE (+ 4,9 %), soit 88,5 milliards d'euros en 2014 contre 84,3 milliards d'euros en 2013. Pourtant, la Cour des comptes avait relevé, suite à la hausse des encours en 2013, que le « soutien au commerce extérieur... appelle à la vigilance» 69 ( * ) . Dans un « contexte financier défavorable », la diversité des risques couverts et la progression des encours fragilisent l'équilibre de la COFACE et augmentent les risques associés aux garanties.

C. LA CERTIFICATION DES COMPTES : LE MAINTIEN DE RÉSERVES SUR LE SYSTÈME INFORMATIQUE ET L'ÉVALUATION DE L'ACTIF DE L'ÉTAT

Les cinq réserves substantielles formulées sur les comptes de l'État de 2014 reprennent celles relevées en 2013 ; elles portent sur le système d'information de l'État, le contrôle et l'audit internes ministériels, les produits régaliens, le patrimoine de la défense et les immobilisations financières. La Cour des comptes a cependant levé un certain nombre de parties de réserves, notamment relatives au contrôle interne, aux immobilisations financières et à la défense.

1. Une évaluation des actifs de l'État qui demeure imprécise

La Cour des comptes souligne l'existence de nombreuses incertitudes quant à la valeur de l'actif de l'État.

En ce qui concerne les actifs de la défense , des travaux de fiabilisation restent à effectuer, le recensement des stocks manque d'exhaustivité et les normes comptables de l'État ne sont pas respectées pour l'évaluation du stock et des encours immobiliers.

Selon la Cour, les données fiscales relatives aux produits régaliens sont insuffisamment contrôlées et l'évaluation des risques reste insatisfaisante.

Enfin, le traitement comptable des immobilisations financières fait également l'objet de critiques . Une part importante des entités contrôlées par l'État produit des comptes insuffisamment fiables. En particulier, la SNCF, Voies navigables de France (VNF) et l'Établissement de Préparation et de réponses aux urgences sanitaires (EPRUS) n'arrivent pas à comptabiliser ou à justifier leurs immobilisations, ce qui rend difficile le contrôle de ces organismes.

2. Les lacunes du système d'information financière et comptable de l'État et de ses dispositifs de contrôle et d'audit interne

Les retraitements dans Chorus

L'enregistrement des recettes et des dépenses de Chorus font l'objet de processus standardisés qui ne sont pas toujours respectées lors des enregistrements comptables (cf. supra). Afin de s'assurer de la cohérence des résultats obtenus, des saisies manuelles sont effectuées et des retraitements sont nécessaires.

Les réserves relatives aux systèmes d'information de l'État sont reconduites. Ainsi, la Cour des comptes regrette le maintien d'un fort risque d'erreur au niveau de Chorus en raison de l'importance des saisies manuelles, de la nécessité des retraitements et de l'insuffisance des contrôles automatiques et manuels. D'autres applications présentent des « limites fonctionnelles importantes » 70 ( * ) . Il s'agit des applications Cep et Catloc dédiées aux dépôts des correspondants du Trésor, Hélios pour les collectivités territoriales et les établissements publics locaux et Médoc pour le recouvrement des impôts professionnels.

Enfin, les processus d'audit et de contrôle internes de l'État font encore l'objet de réserves substantielles . Ces processus restent insuffisamment décrits et documentés. Surtout, la gestion des risques actuelle, par les ministères, ne leur permet pas de disposer d'une vision assez exhaustive pour prioriser leurs actions.


EXAMEN DES ARTICLES

ARTICLE LIMINAIRE - Solde structurel et solde effectif de l'ensemble des administrations publiques de l'année 2014

Commentaire : le présent article retrace le solde structurel et le solde effectif de l'ensemble des administrations publiques résultant de l'exécution de l'année 2014 ainsi que l'écart aux prévisions de la loi de programmation des finances publiques.

Conformément à l'article 8 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, le présent projet de loi de règlement comprend un article liminaire qui présente « un tableau de synthèse retraçant le solde structurel et le solde effectif de l'ensemble des administrations publiques résultant de l'exécution de l'année à laquelle elle se rapporte » ainsi que, le cas échéant, « l'écart aux soldes prévus par la loi de finances de l'année et par la loi de programmation des finances publiques ».

Outre la contribution qu'il apporte à l'information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques, l'article liminaire du projet de loi de règlement présente une importance toute particulière dans le cadre du mécanisme de correction budgétaire prévu par l'article 23 de la loi organique relative à la gouvernance et à la programmation des finances publiques précitée. En effet, ce dernier dispose qu'en vue du dépôt du projet de loi de règlement, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) rend un avis identifiant, le cas échéant, les écarts importants « que font apparaître la comparaison des résultats de l'exécution de l'année écoulée avec les orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques » 71 ( * ) .

Si de tels écarts sont identifiés, le Gouvernement doit en exposer les raisons dans le cadre de l'examen du projet de loi de règlement . Puis, dans un second temps, il doit présenter les mesures de correction envisagées dans le rapport sur l'évolution de l'économie nationale et sur les orientations des finances publiques 72 ( * ) , présenté au Parlement préalablement au débat d'orientation des finances publiques (DOFP), et tenir compte des écarts importants identifiés « au plus tard dans le prochain projet de loi de finances de l'année ou de loi de financement de la sécurité sociale de l'année ».

Toutefois, au titre de l'année 2014, cet aspect présente un intérêt mineur dans la mesure où les orientations pluriannuelles ont été modifiées par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2014 à 2019 73 ( * ) adoptée en décembre dernier , le Gouvernement ayant préféré modifier la trajectoire de solde structurel plutôt que de corriger les « écarts importants » à la trajectoire initiale identifiés par le HCFP au cours de l'année passée 74 ( * ) .

Tableau de synthèse de l'article liminaire du projet de loi de règlement

(en points de PIB)

(a)

(b)

(c)=(a)-(b)

(d)

(e)

(f)=(d)-(e)

Exécution 2014

Soldes prévus par la LPFP 2014-2019

Écarts aux soldes prévus par la LPFP 2014-2019

Exécution 2014 : Métrique de la LPFP 2012-2017

Soldes prévus par la LFI 2014

Écarts aux soldes prévus par la LFI 2014

Solde structurel (1)

- 2,1

- 2,4

0,4

- 2,2*

- 1,7

- 0,5

Solde conjoncturel (2)

- 1,9

- 1,9

0,0

- 1,7*

- 1,8

0,0

Mesures ponctuelles et temporaires (3)

0,0

0,0

0,0

0,0*

- 0,1

+ 0,1

Solde effectif (1)+(2)+(3)

- 4,0

- 4,4

0,4

- 3,9*

- 3,6

- 0,3

* Estimations

Source : article liminaire du projet de loi de règlement

Les facteurs de l'évolution du solde structurel en 2014 font l'objet d'une analyse approfondie dans la première partie de l'exposé général du présent rapport. Toutefois, il convient de relever que l'article liminaire du présent projet de loi de règlement (cf. tableau ci-avant) fait apparaître :

- un écart de 0,4 point de PIB entre le solde structurel de l'exercice 2013 (- 2,1 % du PIB) et la prévision de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2014 à 2019 (- 2,4 %) ;

- un écart de 0,4 point de PIB entre le solde effectif de l'exercice 2013 (- 4,0 % du PIB) et la prévision de la LPFP (- 4,4 % du PIB).

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, votre commission vous propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE PREMIER - Résultats du budget de l'année 2014

Commentaire : le présent article a pour objet d'arrêter les résultats définitifs de l'exécution des lois de finances pour 2014.

Conformément à l'article 37 de la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001, la loi de règlement «  arrête le montant définitif des recettes et des dépenses du budget auquel elle se rapporte, ainsi que le résultat budgétaire qui en découle ». Tel est l'objet du présent article.

Le I arrête le résultat budgétaire de l'État en 2014 à la somme de - 85 555 043 923,85 euros ; et le II détaille, pour cette même année, le montant définitif des recettes et des dépenses du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux.

L'analyse détaillée du solde arrêté au présent article figure dans l'exposé général du présent rapport. L'analyse des dépenses exécutées sur les missions du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux fait l'objet du tome II du présent rapport.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, votre commission vous propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 2 - Tableau de financement de l'année 2014

Commentaire : le présent article retrace le montant définitif des ressources et des charges de trésorerie ayant concouru à la réalisation de l'équilibre financier en 2014.

Le présent article arrête le montant définitif des ressources et des charges de trésorerie ayant concouru à la réalisation de l'équilibre financier de l'année 2014. Le tableau de financement 75 ( * ) qui y figure arrête ainsi à 179,1 milliards d'euros le besoin de financement de l'État et décrit les ressources mobilisées pour y répondre.

Une analyse du besoin et des ressources de financement de l'État en 2014 figure dans l'exposé général du présent rapport.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, votre commission vous propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 3 - Résultats de l'exercice 2014 - Affectation au bilan et approbation du bilan et de l'annexe

Commentaire : le présent article, dans lequel figurent le compte de résultat et le bilan de l'État, a pour objet d'approuver le bilan après affectation du résultat comptable de l'exercice.

Conformément au III de l'article 37 de la LOLF, la loi de règlement affecte au bilan le résultat comptable de l'exercice, tel qu'il procède du compte de résultat établi à partir des ressources et des charges constatées dans les conditions prévues à l'article 30 de la loi organique, et approuve le bilan après affectation ainsi que l'annexe.

Le résultat comptable de l'État en 2014 est arrêté à - 77,260 milliards d'euros , soit la différence entre 354,735 milliards d'euros de charges nettes et 277,475 milliards d'euros de produits régaliens nets. Le bilan, après affectation du résultat comptable, se compose d'un actif net de 989,150 milliards d'euros et d'un passif de 2 007,206 milliards d'euros. La situation nette s'établit à - 1 018,055 milliards d'euros.

Le compte de résultat et le bilan font l'objet de présentations détaillées dans le compte général de l'État annexé au présent projet de loi de règlement et dans le rapport de présentation qui l'accompagne. Par ailleurs, les principales évolutions du résultat patrimonial, de la situation nette et les conditions de la certification des comptes de l'État en 2014 sont analysées dans l'exposé général du présent rapport.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, votre commission vous propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 4 - Budget général - Dispositions relatives aux autorisations d'engagement et aux crédits de paiement

Commentaire : le présent article a pour objet d'ajuster et d'arrêter, pour le budget général, le montant par mission et par programme des autorisations d'engagement consommées et des dépenses au titre de l'année 2014.

Le présent article ajuste et arrête, pour le budget général, les montants définitifs, par mission et par programme, des autorisations d'engagement engagées (399,212 milliards d'euros) et des dépenses (399,013 milliards d'euros).

Les ajustements opérés sont les suivants :

- une ouverture de crédits à hauteur de 1,33 euro en AE et 7,10 euros en CP ;

- des annulations de crédits restés sans emploi et non reportés en 2014 qui s'élèvent à 5,41 milliards d'euros en AE et 390 millions d'euros en CP.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, votre commission vous propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 5 - Budgets annexes - Dispositions relatives aux autorisations d'engagement et aux crédits de paiement

Commentaire : le présent article a pour objet d'ajuster et d'arrêter, pour les budgets annexes, le montant par mission et par programme des autorisations d'engagement consommées et les résultats desdits budgets au titre de l'année 2014.

Le I du présent article ajuste et arrête, pour les budgets annexes, les montants définitifs, par mission et par programme, des autorisations d'engagement consommées, soit 2,34 milliards d'euros . 63,5 millions d'euros d'AE non engagées et non reportées sont par ailleurs annulés.

Le II ajuste et arrête les recettes et les dépenses, soit 2,37 milliards d'euros . Il annule 73,93 millions d'euros de crédits non consommés et non reportés et procède à l'ouverture de 64,77 millions d'euros de crédits complémentaires, soit 44,60 millions d'euros sur le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » et 20,17 millions d'euros sur le budget annexe « Publications officielles et information administrative ». Comme chaque année, ces ouvertures complémentaires sont des opérations d'ordre correspondant à l'augmentation du fonds de roulement en fonction des résultats de 2014.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, votre commission vous propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 6 - Comptes spéciaux - Dispositions relatives aux autorisations d'engagement, aux crédits de paiement et aux découverts autorisés - Affectation des soldes

Commentaire : le présent article récapitule le montant des ouvertures complémentaires et annulations de crédits de l'exercice 2014, s'agissant des comptes spéciaux. Il arrête le solde de ces derniers au 31 décembre 2014 et, sauf exceptions, le reporte à la gestion 2015.

Le I du présent article ajuste et arrête le montant des autorisations d'engagement consommées sur les comptes spéciaux dont les opérations s'élèvent en 2014 à 67,45 milliards d'euros pour les comptes d'affectation spéciale (CAS) et à 113,17 milliards d'euros pour les comptes de concours financiers. 3,75 milliards d'euros d'AE non engagées et non reportées sont annulés sur les comptes d'affectation spéciale et 5,12  milliards d'euros sur les comptes de concours financiers.

Le II ajuste et arrête les résultats des comptes spéciaux dont les opérations se poursuivent en 2014 ; les crédits de paiement (CP) ouverts et les découverts autorisés sont modifiés comme suit :

- 67,47 milliards d'euros de dépenses et 67,66 milliards d'euros de recettes pour les comptes d'affectation spéciale (3,71 milliards d'euros de crédits non consommés et non reportés sont annulés) ;

- 118,53 milliards d'euros de dépenses et 118,23 milliards d'euros de recettes pour les comptes de concours financiers (5,16 milliards d'euros de crédits non consommés et non reportés sont annulés) ;

- 49,14 milliards d'euros de dépenses et 49,33 milliards d'euros de recettes pour les comptes de commerce ;

- 3,27 milliards d'euros de dépenses et 2,45 milliards d'euros de recettes pour les comptes d'opérations monétaires. Cette ligne supporte en outre une majoration d'autorisation de découvert de 9,360 milliards d'euros correspondant à la traditionnelle dotation pour mémoire des opérations avec le Fonds monétaire international (voir encadré).

L'imputation en loi de règlement des opérations avec le FMI

Le montant inscrit au projet de loi de règlement correspond au solde débiteur repris au 1 er janvier 2014 augmenté du solde débiteur des opérations menées en 2014 . Il est inscrit pour mémoire , dans la mesure où les opérations de prêt au FMI sont réalisées par la Banque de France , sur ses propres ressources. Cette « médiatisation » par la Banque de France des relations financières de la France avec le FMI assure la neutralité des opérations pour la trésorerie et le budget de l'État .

Concrètement, lorsque le FMI appelle auprès de la France sa participation à un prêt consenti dans le cadre d'accords d'emprunt, la somme requise est prélevée sur le Trésor (en dépenses du compte), mais fait l'objet d'une compensation immédiate, à due concurrence, par la Banque de France (en recettes du compte). L'État, pour cette opération, mobilise auprès de la Banque de France les créances qu'il acquiert sur le Fonds à l'occasion même des prêts qu'il accorde à ce dernier ; parallèlement, la disponibilité par la Banque de France des avoirs du Fonds, dont elle est le dépositaire, lui autorise l'exécution à partir d'une provision permanente. En contrepartie, les remboursements et intérêts versés par le FMI au titre du prêt sont immédiatement et intégralement reversés à la Banque de France par le Trésor .

Les opérations financières du FMI étant déterminées par ses propres besoins et ceux de ses pays membres, et s'avérant donc imprévisibles ex ante pour le Gouvernement, le compte « Opérations avec le Fonds monétaire international » ne fait apparaître aucune prévision au stade de la loi de finances initiale . De même, eu égard à la spécificité de son objet, aucun objectif de performances n'est associé à ce compte. Le résultat des opérations afférentes se trouve enregistré ex post , en loi de règlement . Le compte résulte alors de la juxtaposition de deux sections :

- d'une part, une section « Relations avec le FMI », qui retrace les flux d'opérations du Trésor avec le FMI . Cette partie du compte, dont le solde est par nature débiteur, enregistre ainsi les variations de la créance que le Trésor détient sur le Fonds ;

- d'autre part, une section « Relations avec la Banque de France », qui retrace les flux d'opérations du Trésor avec la Banque de France à raison des opérations avec le FMI. Cette partie du compte, dont le solde est par nature créditeur, enregistre ainsi les variations de la dette du Trésor envers la Banque de France née de la compensation, par cette dernière, des versements au Fonds.

Le solde consolidé de ces deux sections représente la créance de la France sur le FMI, nette de la dette du Trésor à l'égard de la Banque de France. Ce solde n'est pas pris en compte pour le calcul du solde budgétaire de l'État , les opérations du Trésor avec le FMI ne donnant lieu à décaissements et encaissements réels que pour la Banque de France , et n'affectant que son bilan.

Source : annexe « Comptes d'opérations monétaires » au projet de loi de règlement

Le III du présent article arrête les soldes des comptes spéciaux dont les opérations se poursuivent en 2014, à la date du 31 décembre 2014, soit :

- un solde débiteur global de 38,20 milliards d'euros ;

- un solde créditeur global de 13,07 milliards d'euros.

Le IV reporte à la gestion 2015 les soldes arrêtés au III, à l'exception :

- d'un solde débiteur global de 1 055 millions d'euros concernant les deux comptes de concours financiers « Prêts à des États étrangers » (1 054 millions d'euros), correspondant aux montants des remises de dettes de l'année 2014 aux pays étrangers, et « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » (0,22 million d'euros), au titre d'abandon de créances ;

- d'un solde créditeur de 4,29 millions d'euros relatif au compte d'opérations monétaires « Pertes et bénéfices de change » qui n'est jamais repris en balance d'entrée de l'année suivante.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, votre commission vous propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 7 - Règlement du compte spécial « Avances aux organismes de sécurité sociale » clos au 31 décembre 2014

Commentaire : le présent article procède au règlement du compte spécial « Avances aux organismes de sécurité sociale ».

I. LA CRÉATION ET LA CLÔTURE DU COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE

Le premier compte d'affectation spéciale « Avances aux organismes de sécurité sociale » a été créé par l'article 2 de la loi de finances rectificative n° 2012-354 du 14 mars 2012, à l'occasion de la création de la TVA sociale. Il a été clôturé par loi de finances rectificative pour 2012 n° 2012-958 du 16 août 2012, en raison de la suppression de la TVA sociale (avant sa mise en oeuvre).

Un compte, ayant le même objet, a été ouvert par l'article 53 de la loi de finances pour 2013 n° 2012-1509 du 29 décembre 2012.

Ce compte avait pour objet de centraliser l'ensemble des flux de TVA affectée à la sécurité sociale et d'améliorer le suivi des versements. Il recevait les avances de fiscalité des fractions de TVA affectées à la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et à différents régimes de sécurité sociale, et il retraçait en recettes les trois fractions de TVA nette affectées aux organismes de sécurité sociale, et en dépenses les reversements de ces recettes à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS). Il comportait trois programmes, sous la responsabilité du directeur général des finances publiques, correspondant à trois affectations de TVA nette :

- programme 837 : affectation à la CNAMTS d'une fraction de 5,88 % de la TVA nette ;

- programme 840 : affectation à différents régimes de sécurité sociale d'une fraction de 0,33 % de la TVA nette au titre de la compensation des exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires ;

- programme 849 : nouvelle affection à la CNAMTS d'une fraction de 0,14 % de la TVA nette au titre de la compensation de l'exonération de cotisations maladie de 0,75 euro par heure travaillée pour les salariés employés par des particuliers.

Il a été clos en vertu de l'article 45 de la loi de finances initiale pour 2015 n° 2014-1654 du 29 décembre 2014.

En effet, la Cour avait relevé que le compte ne respectait pas l'article 24 de loi organique n° 2001-692 du 1 er août relative aux lois de finances (LOLF). Selon elle, « les avances aux organismes de sécurité sociale ne donnent pas lieu à remboursement et ne sont pas assorties d'intérêts. Elles ne font pas non plus l'objet d'amortissements et ne peuvent donner lieu à un recouvrement, un rééchelonnement, ou la constatation d'une perte » 76 ( * ) .

Selon le Gouvernement, « le compte de concours financiers, support actuel des compensations par la TVA, est [...] source de lourdeurs en gestion sans apporter d'améliorations ni en termes de prévisions, ni en termes de suivi financier ou d'évaluation de la performance. La suppression du compte [permettrait d'unifier] le pilotage financier, [de clarifier] l'information du Parlement et [de simplifier] la gestion administrative » 77 ( * ) , et n'aurait aucun impact sur le suivi des fractions de TVA nette affectées à la sécurité sociale, ni sur les relations financières entre l'État et la sécurité sociale 78 ( * ) .

Votre commission des finances avait proposé d'adopter l'article prévoyant la clôture dudit compte, lors de l'examen de la loi de finances initiales pour 2015, sans modification.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article propose de régler le compte « Avances aux organismes de sécurité sociale ». En effet, aux termes du 4° du IV de l'article 37 la LOLF, il revient aux lois de règlement d'arrêter les soldes des comptes spéciaux non reportés sur l'exercice suivant.

Le solde débiteur de 34 081 292, 84 euros sera apuré par la présente loi de règlement. Il correspond à la différence entre les avances de fiscalité à l'ACOSS (au titre des fractions de TVA affectées à la CNAMTS et aux différents régimes de sécurités sociales) et les recettes de l'ACOSS, à savoir les fractions de TVA nette effectivement reçue par elle.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Cet article se contente de tirer les conséquences de la loi en notant le solde constaté au moment de sa clôture.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, votre commission vous propose de ne pas adopter cet article.


ARTICLE 8 - Modification de l'article 60 de la loi de finances pour 1963

Commentaire : le présent article procède à la modification de l'article 60 de la loi de finances pour 1963 relatif à la responsabilité des comptables publics et assimilés, et des régisseurs, afin de permettre son application à l'ensemble du territoire de la République.

I. LE DROIT EXISTANT

L'article 60 de la loi de finances pour 1963 est relatif à la responsabilité des comptables publics et assimilés, et des régisseurs. Cet article définit l'essentiel du régime de responsabilité de ces derniers. Il précise notamment le domaine de responsabilité du comptable public, les modalités d'engagement de sa responsabilité, les garanties qu'il est tenue de constituer, et les modalités de mise en débet.

Les dispositions de l'article 60 ont été modifiées à plusieurs reprises : par l'article 33 de la loi n° 2008-1091 du 28 octobre 2008 relative à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes (réduisant le délai de prescription extinctive de six à cinq ans), par l'article 109 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 (apportant des précisions quant aux modalités de computation du délai de prescription extinctive résultat de l'article 33 de la loi n° 2008-1091 précité), et par l'article 90 de la loi de finances rectificatives pour 2011 n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 (modifiant les conditions d'engagement de la responsabilité du comptable public et précisant les sanctions du comptable selon que l'organisme auquel il est affecté ait subi ou non un préjudice financier).

L'article 74 de la Constitution  dispose que le statut des collectivités qu'il régit détermine « les conditions dans lesquelles les lois et règlements y sont applicables ». Selon l'article 21 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, l'État est compétent en matière de responsabilité des comptables publics dans les îles Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises. En outre, il ressort des articles 13 et 14 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française que l'État est compétent pour ses services et les comptables des communes, de leurs groupements et établissements, mais pas en matière de responsabilité des comptables du Territoire et de ses établissements.

Ces collectivités sont soumises au principe dit de « spécialité législative », en vertu duquel les lois et règlements n'y sont applicables que sur mention expresse du texte en cause. Une disposition expresse, permettant l'application de la loi aux collectivités régies par l'article 74 de la Constitution, a été prise suite à la loi n° 2008-1091 précitée. Le projet de loi initial habilitait le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, les mesures d'extension et d'adaptation des dispositions du projet de loi pour l'Outre-mer. Toutefois, le Sénat avait amendé ledit projet de loi, afin qu'il procède directement à l'extension et à l'adaptation desdites dispositions. Il a été inséré, dans l'article 60, la disposition suivante : « XIII - Le présent article est applicable aux comptables publics et assimilés et aux régisseurs en Nouvelle-Calédonie, dans les Terres australes et antarctiques françaises et dans les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution. »

Si la précédente disposition expresse, insérée par la loi du 28 octobre 2008 susmentionnée, n'a pas été modifiée ou supprimée, elle est insuffisante. Les lois n° 2009-1674 et 2011-1978 précitées n'ont pas fait l'objet d'une disposition similaire, alors que chacune d'elle aurait dû comporter une disposition expresse visant à faire appliquer l'article 60 modifié à ces territoires.

Du fait de ces oublis, des versions différentes de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 s'appliquent dans les collectivités d'Outre-mer, sans que cela ne se justifie au regard d'éventuelles spécificités.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article a pour objectif l'application de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 à l'ensemble du territoire de la République, sauf exception prévue par une loi organique.

Le I du présent projet propose la modification suivante : « XII - Le présent article est applicable, dans sa version en vigueur au 1 er juillet 2012, aux comptables publics et assimilés et aux régisseurs en Nouvelle-Calédonie, dans les Terres australes et antarctiques françaises, dans les îles de Wallis et Futuna et, en Polynésie française, aux comptables publics et assimilés et aux régisseurs des services et des établissements publics de l'État ainsi que des communes, de leurs groupements et de leurs établissements publics ».

Le II du présent projet rappelle l'absence de rétroactivité de l'article 60 de la loi du 23 février 1963.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Cet article a pour seul objet d'effectuer les modifications nécessaires pour permettre à l'article 60 de la loi du 23 février 1963 de s'appliquer à l'ensemble du territoire de la République.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, votre commission vous propose de ne pas adopter cet article.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITIONS PRÉPARATOIRES

A. AUDITION DE M. DIDIER MIGAUD, PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES (28 MAI 2015)

Réunie le jeudi 28 mai 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a entendu M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, sur la certification des comptes d'Etat - Exercice 2014 - et sur le rapport relatif aux résultats et à la gestion budgétaire de l'exercice 2014.

Mme Michèle André , présidente . - Je souhaite la bienvenue à Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes ainsi qu'aux magistrats qui l'accompagnent pour cette audition que nous avons dû décaler par deux fois en raison des cérémonies d'hier au Panthéon.

Le Premier président va nous présenter, comme chaque année, deux documents précieux pour la préparation de l'examen du projet de loi de règlement, auquel la commission des finances est très attachée : l'acte de certification des comptes de l'État pour 2014 et le rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l'exercice 2014.

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes . -Comme chaque année, je suis très heureux d'être entendu par votre commission, au moment de la publication des travaux que la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) commande à la Cour des comptes de produire pour le Parlement, en amont de la discussion du projet de loi de règlement. Ces travaux portent respectivement sur les comptes et le budget de l'État en 2014.

Consacrés uniquement à l'État pour le dernier exercice clos, ces travaux ne portent pas sur les autres administrations publiques. Ils vous apporteront un matériau utile pour l'analyse des comptes et du budget de l'État. Le rapport annuel de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques, qui couvre l'ensemble des administrations publiques et sera public fin juin, vous apportera des informations complémentaires et actualisées. L'exercice est parfois frustrant mais ce décalage dans le temps est nécessaire.

Je suis accompagné pour vous présenter ces rapports de Raoul Briet, président de chambre, qui préside la formation inter-chambres chargée de leur préparation, et Henri Paul, président de chambre et rapporteur général du comité du rapport public et des programmes. Les travaux sur lesquels s'appuient ces documents ont été réalisés, pour l'acte de certification, par des équipes animées respectivement par Dominique Pannier, conseiller maître, Lionel Vareille, conseiller référendaire, et Laurent Zérah, expert, et, pour le rapport sur le budget de l'État et 2014, par les équipes animées par Catherine Périn, conseiller maître, Sébastien Justum, auditeur, et Louis-Paul Pelé, rapporteur. Les contre-rapporteurs étaient respectivement Jean-Pierre Laboureix et Christian Charpy, conseillers maîtres.

Je vais vous présenter le contenu de ces deux documents, qui synthétisent chacun un travail très riche, avant de répondre à vos questions. Auparavant, je souhaite mentionner devant vous une innovation ayant accompagné la publication de ces travaux. En effet, pour la première fois, la Cour des comptes a profité de cette occasion pour mettre en ligne sur son site des données publiques, répertoriées sur la plateforme « data.gouv.fr », notamment relatives à l'exécution budgétaire, de 2012 à 2014, mission par mission, programme par programme, action par action, mais aussi du bilan et du compte de résultats, de 2006 à 2011. Cette mise en ligne permet à chacun d'accéder à ces informations dans un format numérique directement et librement réutilisable, afin de réaliser des infographies ou encore refaire les calculs de la Cour des comptes! Cela s'inscrit dans une démarche globale de l'État de plus grande ouverture des données publiques et d'une gouvernance publique plus transparente, en cohérence avec les articles 14 et 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Depuis 2006, en application des dispositions de la LOLF, la Cour des comptes a procédé, à neuf reprises, à un examen approfondi des comptes de l'État. Arrêtés par le ministre des finances, ces comptes sont intégrés dans le projet de loi de règlement qui vous est soumis par le Gouvernement.

L'acte de certification porté à votre connaissance a pour objet de vous fournir une information, une opinion motivée sur la régularité, la sincérité et la fidélité de l'image que donnent les documents produits par l'État sur sa situation financière.

Trois chiffres-clés permettent d'appréhender synthétiquement le bilan de l'État au 31 décembre 2014. Premièrement, le passif total s'élève à environ 2 000 milliards d'euros. Deuxièmement, le total des actifs atteint presque 1 000 milliards d'euros - la situation nette de l'État est donc négative d'environ 1 000 milliards d'euros. Enfin, les engagements hors bilan de l'État dépassent 3 000 milliards d'euros.

En 2014, pour la neuvième fois depuis 2006, la Cour des comptes assortit de réserves la certification des comptes de l'État, dont, en particulier, cinq réserves substantielles ayant le même libellé que l'an dernier.

Trois d'entre elles présentent ainsi un caractère systémique.

Premièrement, le système d'information financière de l'État, constitué de Chorus et de plus de trois cents autres applications informatiques, reste complexe, coûteux, peu sûr et exposé à des risques d'erreur.

Deuxièmement, les ministères peinent encore à organiser et à piloter de manière satisfaisante leurs dispositifs ministériels de contrôle interne et d'audit interne.

Troisièmement, la comptabilisation des produits régaliens, c'est-à-dire du produit des impôts, pâtit des insuffisances des données fiscales et des contrôles qui leur sont appliqués.

Les deux autres réserves concernent, d'une part, les actifs et passifs du ministère de la défense et, d'autre part, les immobilisations financières de l'État.

S'agissant des actifs et passifs du ministère de la défense, des incertitudes persistent sur les inventaires de stocks et de matériels, sur l'évaluation de ces biens, et sur le recensement et l'évaluation par le ministère de ses actifs immobiliers.

Pour ce qui est des immobilisations financières de l'État, il n'est pas possible de se prononcer sur la fiabilité de l'évaluation d'un grand nombre de participations financières.

La synthèse de l'acte de certification comporte un tableau retraçant l'évolution des réserves dans le temps et met ainsi en évidence les efforts réalisés par l'administration depuis 2006, premier exercice soumis à la certification, qui ont permis la levée progressive de réserves substantielles. Au départ, nous avions treize réserves dont onze étaient substantielles.

Le fait que les réserves substantielles pour l'exercice 2014 soient, comme l'année dernière, au nombre de cinq et qu'elles aient le même libellé ne veut pas dire que rien n'a changé sur le fond, ni qu'aucun progrès n'a été enregistré, ni qu'aucun constat d'audit nouveau n'est apparu.

La stabilité globale apparente cache en réalité une poursuite de la dynamique d'amélioration de ce que l'on appelle parfois la « qualité comptable ». La Cour des comptes a ainsi constaté de multiples évolutions qui vont dans le bon sens. Tout d'abord, trente-sept parties de réserves font l'objet d'une levée dans l'acte, dont près de la moitié (dix-sept levées) porte sur la réserve n° 4 concernant les actifs et passifs du ministère de la défense, notamment l'évaluation des stocks de munitions, des biens mis à la disposition d'industriels et des coûts de démantèlement des réacteurs des sous-marins nucléaires, et du porte-avions Charles-de-Gaulle.

D'autres levées interviennent sur des sujets anciens et sensibles, tels que l'évaluation de la quote-part de la France au FMI ou la comptabilisation des contrats de désendettement et de développement.

Nous sommes conscients et attentifs au fait que la production des comptes certifiés demande un effort aux administrations, qui paraît toutefois particulièrement utile car, d'une part, il permet d'accroître la fiabilité des comptes, sous le regard attentif du certificateur, et, d'autre part, il est un levier décisif de modernisation de l'organisation et du fonctionnement des administrations.

Une publication de la Cour des comptes, prévue pour sortir d'ici la fin de l'année 2015 ou le début de 2016, devrait dresser le bilan, dix ans après, de la mise en place de la comptabilité générale de l'État ainsi que des perspectives d'évolution suggérées pour tirer pleinement partie de cette innovation, en particulier dans la gestion publique.

S'agissant maintenant du rapport sur le budget de l'État en 2014, il apporte un éclairage sur les finances de l'État, par l'analyse de l'exécution budgétaire sous deux perspectives : par rapport à l'exécution de l'année précédente, en l'occurrence 2013, d'une part, au regard des prévisions qui figurent dans la loi de finances initiale de l'année, d'autre part. Assorti de cinquante-neuf analyses de la gestion des missions budgétaires, de deux analyses de l'exécution des recettes, fiscales et non fiscales, et, ce qui est nouveau de cette année, d'une analyse des dépenses fiscales, soit plus de 2 000 pages au total, il devrait vous apporter une information riche, dans la perspective de l'examen du projet de loi de règlement. Le rapport mis en ligne sur le site de la Cour des comptes comportera des liens directs vers chacune de ces analyses, pour en faciliter l'exploitation.

Ce rapport ne traite que du seul budget de l'État en 2014 et non de l'ensemble des finances publiques. Celui de juin sur la situation et les perspectives des finances publiques apportera un regard portant sur l'ensemble des administrations publiques et reviendra de façon détaillée sur les risques qui pèsent sur l'exercice 2015, en dépenses et en recettes.

Dans son rapport sur le budget de l'État en 2014, la Cour des comptes a dressé quatre constats : la réduction du déficit budgétaire a été interrompue ; la dette de l'État a continué de progresser à un rythme soutenu ; les recettes fiscales se sont à nouveau révélées inférieures aux prévisions ; les dépenses de l'État ont été stabilisées, moyennant des opérations budgétaires parfois contestables.

En premier lieu, s'agissant de la réduction du déficit budgétaire, amorcée depuis 2010 et interrompue en 2014, celui-ci s'élève ainsi à 85,6 milliards d'euros, soit une hausse de 10,7 milliards d'euros par rapport à 2013 et ce qui représente plus de 3 mois de dépenses du budget général.

Contrairement à ce qu'on pourrait penser, ce ne sont pas les dépenses exceptionnelles, notamment le lancement du deuxième programme d'investissements d'avenir, qui seraient responsables de cette hausse puisque, même retraité de ces dépenses, le déficit augmente de 5,5 milliards d'euros par rapport à 2013.

La croissance et l'inflation, plus faibles que prévu, ont affecté fortement l'exécution du budget.

D'une part, les prévisions de recettes ont certainement été calculées de façon trop optimiste. Les recettes totales nettes, après remboursements et dégrèvements d'impôts, ont diminué de 6 milliards d'euros par rapport à 2013. C'est une situation inhabituelle puisqu'il s'agit de la première baisse observée depuis 2009.

D'autre part, les ajustements en dépenses ont été trop tardifs et insuffisants pour contenir le dérapage du solde budgétaire, les dépenses nettes du budget général ayant ainsi augmenté de 4,2 milliards d'euros.

En deuxième lieu, la dette de l'État a continué de progresser à un rythme soutenu en 2014. Elle a, en effet, atteint 1 528 milliards d'euros à la fin de l'année, contre 1 457 milliards d'euros fin 2013, soit une augmentation de 71 milliards d'euros en seulement un an. En conséquence, compte tenu du renouvellement des emprunts arrivant à échéance, l'État a connu un besoin de financement total de 179 milliards d'euros, ce qui représente un montant supérieur aux prévisions.

Le besoin de financement en 2015 devrait atteindre un montant encore plus élevé, avec 188 milliards d'euros, ce qui s'explique notamment par l'arrivée à échéance des emprunts contractés au plus fort de la crise.

La charge de la dette, qui s'est élevée à 43,2 milliards d'euros en 2014, continue de baisser, avec 1,7 milliard d'euros de moins qu'en 2013, grâce à des taux d'intérêt exceptionnellement bas. Toutefois, ces taux d'intérêt nominaux très bas ne garantissent pas la soutenabilité de la dette. En effet, en 2014, la seule stabilisation du poids de la dette dans le produit intérieur brut (PIB) aurait nécessité de limiter le déficit à 11 milliards d'euros, soit un montant sept à huit fois moins élevé que celui constaté (85,6 milliards d'euros).

En outre, il existe un risque que ces taux d'intérêt bas n'agissent comme des anesthésiants, empêchant l'État de prendre les décisions propres à redresser les comptes publics. Le réveil n'en serait que plus douloureux.

En troisième lieu, la Cour des comptes a observé qu'en 2014, les recettes fiscales nettes se sont à nouveau révélées inférieures aux prévisions, avec 274,3 milliards d'euros, soit 9,7 milliards d'euros de moins que prévu. Ce constat s'explique avant tout par plusieurs mesures importantes de diminution des recettes fiscales adoptées par le Parlement.

Ainsi, plusieurs mesures ont réduit le rendement de l'impôt sur le bénéfice des sociétés de 11,3 milliards d'euros, notamment l'entrée en vigueur du crédit d'impôt pour la compétitivité et de l'emploi (CICE), pour un montant de 6 milliards d'euros.

En outre, la réduction de l'impôt sur le revenu issue de la loi n° 2014-891 du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014 a engendré un coût de 1,3 milliard d'euros.

Par ailleurs, les prévisions de recettes fiscales en loi de finances initiale restent toujours aussi fragiles. En effet, pour la troisième année consécutive, la croissance spontanée des recettes fiscales a été inférieure à la prévision initiale, les hypothèses économiques retenues par le Gouvernement ayant été trop optimistes et l'estimation de l'élasticité des recettes par rapport à la croissance fixée à un niveau trop élevé, puisqu'elle avait été prévue à 1,3 et qu'elle a finalement été constatée à - 0,1. La Cour des comptes formule donc, à nouveau, la recommandation de continuer à renforcer la qualité et la transparence des prévisions de recettes fiscales, même si quelques pas en ce sens ont été réalisés.

La Cour des comptes relève deux points a priori positifs s'agissant des recettes fiscales, pour malgré tout les nuancer.

D'une part, en matière de lutte contre la fraude fiscale, le nouveau service de traitement des déclarations rectificatives a permis d'encaisser 1,7 milliard d'euros, soit 300 millions d'euros de plus que prévu en loi de finances initiale. Cette bonne nouvelle doit toutefois être nuancée puisque ce surcroît de recettes n'a pas permis, contrairement aux prévisions, de compenser le coût de la réduction forfaitaire d'impôt sur le revenu adoptée dans la loi de finances rectificative pour 2014 du 8 août 2014.

D'autre part, s'il est positif, par rapport à la tenue des recettes, que les dépenses fiscales aient été revues à la baisse, en raison du moindre coût du CICE, avec 6,5 milliards d'euros constatés au lieu des 9,8 milliards d'euros prévus, il convient de relever que le montant des dépenses fiscales, hors CICE, avait été revu à la hausse à l'occasion du projet de loi de finances pour 2015. Plus généralement, la Cour constate que la maîtrise des dépenses fiscales reste déficiente, l'évaluation de l'efficience de ces dépenses continuant à relever de l'exception et étant rarement le fait des administrations.

Enfin, en quatrième lieu, les dépenses de l'État ont été stabilisées en 2014, ce qui constitue un progrès même si la Cour des comptes n'obtient pas tout à fait les mêmes résultats que l'exécutif qui constatait pour sa part une baisse des dépenses. Toutefois, cette stabilité a été obtenue au prix parfois d'opérations budgétaires contestables.

D'un point de vue méthodologique, je rappelle que, pour apprécier l'effort réalisé en termes de maîtrise de la dépense, il est nécessaire de raisonner sur des périmètres comparables. Plusieurs retraitements sont donc nécessaires, à l'instar des dépenses exceptionnelles qui doivent en être exclues, telles que les programmes d'investissements d'avenir (PIA) et le financement du mécanisme européen de stabilité et de la Banque européenne d'investissement. De manière symétrique, il faut réintégrer les décaissements réalisés par les opérateurs pour le compte de l'État dans le cadre des PIA.

Si la Cour constate la stabilité des dépenses de l'État entre 2013 et 2014, grâce à une charge de la dette en recul de 1,7 milliard d'euros entre ces deux années, il convient d'être conscient que certains postes de dépenses croissent de nouveau. Ainsi en est-il des dépenses de personnel qui augmentent globalement de 1 %, ce qui reste raisonnable par rapport à certaines hausses constatées par le passé, pour atteindre un montant de 80,6 milliards d'euros. La masse salariale connaît une légère progression en 2014, alors qu'elle avait été stabilisée en 2012 et 2013, et la contribution de l'État employeur au CAS « Pensions » continue, elle aussi, à augmenter de près de 3 %.

Les normes de dépenses, plus strictes, ont été respectées, moyennant toutefois des opérations budgétaires parfois contestables. Ainsi, si le plafond de la norme « 0 valeur » a été abaissé de 3,3 milliards d'euros, ce qui était ambitieux, la définition restrictive du périmètre de cette norme de dépense a conduit à l'exclusion de certaines dépenses, notamment celles issues des décaissements réalisés dans le cadre des PIA, soit 3,3 milliards d'euros.

Le dispositif dérogatoire mis en place pour les PIA a d'ailleurs été largement utilisé pour combler des insuffisances de crédits budgétaires, en particulier au profit du ministère de la défense à hauteur de 2 milliards d'euros.

Ces opérations de débudgétisation et de substitution de crédits dérogent aux principes fondamentaux d'annualité, d'universalité et d'unité budgétaires et peuvent fausser l'appréciation des résultats de l'exécution.

Par ailleurs, comme les années précédentes, la dépense a davantage été contenue par l'effet de la régulation infra annuelle que par des mesures pérennes. La réserve de précaution a ainsi atteint un montant inégalé de 9,3 milliards d'euros alors que la Cour des comptes constate in fine que les annulations, hors charge de la dette, se sont élevées à 4,3 milliards d'euros, soit un montant quasi identique à celui de 2013 (4,4 milliards d'euros). Les reports de charges sur 2015 sont, quant à eux, croissants, comme en atteste l'augmentation de la dette de l'État à l'égard de la sécurité sociale.

S'agissant des conditions de l'exécution du budget de l'État en 2014, la Cour a observé, comme les années précédentes, des sous-budgétisations persistantes, notamment pour les opérations extérieures de la défense, l'hébergement d'urgence, les aides personnelles au logement, l'allocation adulte handicapé (AAH), l'aide médicale d'État (AME) ou encore le revenu de solidarité active (RSA).

Dans ce contexte, la Cour observe plusieurs incertitudes sur l'exécution du budget en 2015, par exemple l'évolution des recettes fiscales, avec la montée en charge du CICE et du pacte de responsabilité et de solidarité. La Cour constate également que la dette de l'État envers les organismes de sécurité sociale augmente, s'élevant ainsi à 368 millions d'euros à la fin de l'année 2014 contre 249 millions d'euros fin 2013. Le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques qui sera remis en juin prochain reviendra de façon détaillée et complémentaire sur ces risques, pas seulement pour l'État mais bien sur le périmètre « toutes administrations publiques ».

S'agissant de la performance, la Cour des comptes remarque que la qualité des indicateurs s'améliore mais que les outils d'analyse font toujours défaut. Les résultats des indicateurs de performance devraient être rapprochés des coûts afin d'éclairer au mieux les choix budgétaires. C'est notamment le cas du suivi de la performance des missions prioritaires « Enseignement scolaire » et « Travail et emploi », dont les indicateurs n'ont pas été complétés pour mesurer les effets des moyens supplémentaires attribués.

Avant de conclure cette présentation, je veux évoquer le compte-rendu du suivi des recommandations contenues dans les précédents rapports sur le budget de l'État qui fait l'objet d'un développement détaillé à la fin du rapport.

Ce suivi met en évidence une meilleure mise en oeuvre des recommandations, y compris pour celles formulées dans le rapport sur le budget de l'État en 2013 : en moins d'un an, près de deux tiers d'entre elles ont été totalement ou partiellement mises en oeuvre.

La démarche de la Cour des comptes est donc bien comprise par l'administration : il s'agit à la fois d'un contrôle de l'exécution du budget de l'État et d'un accompagnement dans le sens de son amélioration continue. Je souhaite que ces échanges, positifs pour l'intérêt général, se poursuivent pour les recommandations n'ayant pas encore été mises en oeuvre.

En conclusion, en 2014 comme en 2013, nos travaux mettent en évidence l'intérêt de faire des hypothèses prudentes pour l'appréciation des recettes, notamment fiscales. Nous constatons aussi les limites de la politique du « rabot » qui peut produire des effets pervers sur le fonctionnement de certains services régaliens. Elle illustre aussi l'absence de choix ou de priorités fortes fixés au niveau de l'État.

La soixantaine d'analyses par mission, qui sont jointes au rapport, sont riches en informations. Ainsi, la note portant sur la mission « Défense » détaille la sous-budgétisation ou l'absence de budgétisation de dépenses récurrentes et prévisibles, comme les opérations extérieures ou Louvois. L'analyse de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » conclut à la suppression de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), ce qui constitue une recommandation récurrente de la Cour des comptes. S'agissant de la mission « Justice », la Cour des comptes observe une sous-exécution des crédits accordés, alors même qu'elle est considérée par le Gouvernement comme prioritaire et que, dans le même temps, certaines réformes structurelles, comme la mise en place de la plateforme des interceptions judiciaires, n'ont pas toujours produit les effets escomptés.

En conclusion, lorsque la Cour des comptes a publié son rapport public annuel 2015, son premier message portait sur le décalage observé entre les annonces, les engagements et les résultats réellement obtenus au niveau de beaucoup de politiques publiques, et je sais que c'est une préoccupation que partage votre commission des finances. Qualité du service public ne rime pas forcément avec quantité de dépense publique.

L'examen du projet de loi de règlement constitue probablement la meilleure occasion pour le Parlement de vérifier la mise en oeuvre effective des décisions prises et l'atteinte des objectifs fixés. Par ses travaux, la Cour des comptes souhaite vous apporter son éclairage et contribuer à ce qu'une attention plus grande soit accordée à la performance réelle de l'action publique.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - L'analyse de la Cour diffère parfois de celle du Gouvernement sur certains points : serait-elle plus objective ?

Certains des problèmes relevés sont récurrents : je pense par exemple aux sous-budgétisations chroniques de certaines missions ou à l'optimisme du Gouvernement quant aux prévisions de recettes fiscales. D'autres éléments, que Didier Migaud vient de souligner, sont nouveaux et extrêmement inquiétants, comme l'interruption de la diminution du déficit de l'État qui entraîne l'augmentation importante de l'encours de la dette. La maîtrise de la dépense, comme la Cour l'indique, a reposé sur des artifices comptables et sur l'augmentation des reports de charge et de la réserve de précaution : en d'autres termes, aucune réforme de structure n'a été entreprise.

Les dépenses de personnel, vous l'avez indiqué, ont augmenté - quoique faiblement - en 2014, à hauteur de 1 %. Pendant plusieurs années, la hausse des crédits de titre 2 a été contenue grâce aux efforts du ministère de la défense, qui a contribué à 80 % aux efforts de réduction de postes pour permettre des créations d'emplois dans d'autres ministères comme celui de l'éducation nationale. Il me semble qu'un sujet d'inquiétude découle du changement de contexte intervenu depuis le début d'année, avec une priorité désormais claire sur les questions de sécurité intérieure et extérieure et de récentes annonces en matière d'emploi militaire. Quels leviers vont-ils subsister pour maîtriser les dépenses de personnel ? Identifiez-vous un risque de dérapage ?

Vous avez souligné le caractère anesthésiant des faibles taux d'intérêt sur la dette souveraine que nous connaissons aujourd'hui. Or on ne peut exclure une remontée des taux. Disposez-vous d'une évaluation de l'impact budgétaire éventuel résultant d'une augmentation des taux d'intérêt de 1 % ?

Ma dernière question concerne la norme de dépenses : le projet de loi de finances pour 2014 prévoyait, à ses articles 25 et 26, que soient transférées aux collectivités territoriales, en remplacement de subventions budgétaires, de nouvelles recettes fiscales. Dès lors que ces affectations n'ont pas pour contrepartie un transfert de compétences, il s'agit bien de remplacer des dotations budgétaires par des ressources fiscales, sans que cela n'ait d'impact sur la dépense. Les montants en jeu sont considérables et s'élèvent au total à plus de 1,7 milliard d'euros. Étrangement, ces dispositifs n'ont pas fait l'objet de mesures de périmètre pour neutraliser leur impact sur la norme de dépenses. Quelle est votre appréciation sur ces transferts de subvention budgétaire à ressource fiscale, non pris en compte dans la norme de dépenses ? S'agit-il, à vos yeux, d'une irrégularité pouvant remettre en cause la sincérité de la norme de dépenses ?

M. Serge Dassault . - Je voudrais vous dire bravo pour votre action, la sincérité de vos propos et votre clairvoyance, qui n'est malheureusement pas partagée par le Gouvernement. Comme vous le montrez, il n'y a actuellement aucune maîtrise des dépenses mais au contraire une permanente augmentation. L'État ne cesse d'inventer des dépenses et des recettes nouvelles, pour faire plaisir aux syndicats ou pour faire de l'action sociale, ce qui apparaît difficile dans le contexte budgétaire tendu que nous connaissons. La prime d'activité en fournit un bon exemple. Concernant le droit d'asile, pourquoi donner de l'argent aux gens qui viennent chez nous ? Qu'ils viennent chez nous, pourquoi pas, s'ils se tiennent bien - mais pourquoi leur donner des revenus ? On ne vend pas de bateau aux Russes pour des raisons politiques et, dans le même temps, on augmente les dépenses. L'aide aux entreprises, c'est très bien, mais là aussi, il s'agit d'augmenter la dépense.

En somme, la dette s'accumule et, si les taux d'intérêt venaient à augmenter, nous serions foutus ! Nous pourrions connaître la cessation de paiement, comme les Grecs. La France est en risque de faillite.

M. Philippe Dallier . - La Cour des comptes a relevé que cet exercice 2014 marquait un coup d'arrêt à la réduction du déficit. Il me semble que l'exercice 2014 est marqué par une seconde caractéristique : jamais l'écart à la prévision n'a été aussi important par rapport à la dernière loi de finances rectificative. L'exécution est souvent analysée au regard de l'écart avec la loi de finances initiale. Je voudrais pour ma part évoquer les deux lois de finances rectificatives qui ont été votées en 2014. La Cour des comptes indique que les ajustements des dépenses aux moins-values de recettes ont d'abord été insuffisants, en première loi de finances rectificative, puis assez largement excessifs lors de la loi de finances rectificative de fin de gestion. Ainsi, les prévisions étaient beaucoup plus noires que le résultat : on annonçait en décembre un déficit de 4,4 % du PIB, qui finalement s'est élevé à 4 % du PIB - c'est mieux, mais cela reste mauvais.

Estimez-vous qu'au-delà d'inévitables difficultés de prévision, d'autres facteurs plus opportunistes ont pu intervenir pour expliquer ce soudain revirement en fin de gestion ? A-t-on essayé de fabriquer une fausse bonne nouvelle ? Il est tout de même surprenant que de telles imprécisions subsistent dans des prévisions associées à une loi votée fin décembre ! Peut-être l'administration de Bercy a-t-elle été en mesure de vous expliquer ces écarts lors de vos échanges ?

S'agissant du logement, comme chaque année - j'ai parfois l'impression de me répéter... - des sous-budgétisations sont manifestes sur les aides personnelles au logement et conduisent notamment à une nouvelle augmentation de la dette de l'État à l'égard du FNAL, pour des sommes désormais considérables. Au total, quel est selon la Cour des comptes le montant des reports de charges qui pèseront directement sur l'exercice 2015 et qui devraient d'ores et déjà être ajoutés aux dépenses prévues en loi de finances initiale ?

M. Vincent Delahaye . - Quand le Gouvernement ou l'opposition bataillent sur les chiffres, l'un comme l'autre peuvent être accusés d'un parti pris : ce n'est pas le cas de la Cour des comptes, et cela contribue à l'intérêt de vos travaux. Ces rapports devraient être connus de tous les Français et constituer la base de leur jugement sur la situation financière et budgétaire du pays.

Les réserves associées à la certification des comptes de l'État perdurent, mais plusieurs améliorations sont identifiées. À quelle échéance peut-on s'attendre à la levée des réserves au vu de la rapidité des progrès constatés ? La France est un des rares pays dont l'État fait certifier ses propres comptes, et cela constitue déjà un gros effort qui doit être reconnu, mais la levée des réserves serait une bonne garantie de la fiabilité des comptes pour le citoyen.

Par ailleurs, je rejoins Philippe Dallier sur les écarts de prévision : je suis effaré par leur ampleur, que ce soit par rapport à la loi de finances initiale ou au regard de la loi de finances rectificative - et ce d'autant plus que celle-ci est préparée et votée en fin d'année. Dans nos collectivités, les prévisions de décembre sont proches du résultat final.

M. Michel Bouvard . - Les analyses de la Cour des comptes me semblent particulièrement intéressantes en ce qu'elles permettent de porter un regard sur des séries et de regarder ce qui s'est passé dans la durée.

J'aimerais connaître votre point de vue sur l'évolution du rapport entre l'actif et le passif de l'État. Sur l'actif de l'État et ses engagements hors bilan, dispose-t-on d'une vision satisfaisante du côté des opérateurs ? Des engagements avaient été pris et des instructions données par le Premier ministre il y a quelques années pour mieux suivre leur parc immobilier et leur endettement : ces travaux ont-ils pleinement porté leurs fruits ?

Par ailleurs, quelle est votre appréciation quant au retour sur investissement des systèmes d'information de l'État ? Leur mise en place a entraîné des coûts. Quand ils ont été déployés, des engagements avaient été pris devant le Parlement : les systèmes d'information devaient permettre des économies en termes de fonctionnement et d'effectifs. Je pense en particulier à Chorus. Qu'en est-il réellement ?

S'agissant de l'exécution 2014, vous évoquez la démarche de performance. C'est un sujet qui appelle à l'humilité, car il a traversé plusieurs années et plusieurs majorités... Avez-vous constaté une amélioration de la procédure budgétaire en matière de performance ? Les conférences budgétaires et les conférences de performance sont-elles enfin conjointes, ou restent-elles différenciées ?

Concernant les sous-budgétisations chroniques sur les OPEX, l'aide médicale d'État (AME), l'hébergement d'urgence, j'aimerais savoir si elles ont tendance à se réduire ou au contraire à augmenter. Le Gouvernement tend-il vers plus de sincérité ou bien laisse-t-on « filer » la dépense ?

M. Didier Guillaume . - Entendre la Cour des comptes présenter ses observations présente l'avantage de placer chacun devant ses responsabilités. Depuis des années, ses analyses sont globalement les mêmes, qu'elles visent d'ailleurs un gouvernement de gauche ou un gouvernement de droite. Quelle que soit la politique conduite, l'objectif reste de réduire les déficits, la dette et les impôts tout en conservant notre modèle républicain. Cette double contrainte ne facilite pas le respect des observations de la Cour des comptes. On souhaite maintenir ou augmenter le budget de la défense, celui de la justice, celui de la police, celui de l'éducation nationale : ce sont des choix politiques. De même, je suis d'accord avec François Baroin qui s'exprimait à la radio ce matin : il faut être vigilant concernant les dotations aux collectivités territoriales.

S'agissant des dépenses de personnel, une hausse de 1 % en 2014 doit être considérée comme un exploit. C'est impossible de faire mieux à moins de réduire soit les rémunérations soit, de manière forte, les effectifs de fonctionnaires. Nous connaissons bien les contraintes liées aux dépenses de personnel dans les collectivités territoriales : y sont transférées des compétences croissantes en matière de routes, de revenu de solidarité active, de handicap, mais sans adjoindre à ces nouvelles compétences les dotations et les effectifs nécessaires. Ces collectivités sont ensuite pointées du doigt car leurs dépenses augmentent, mais comment pourraient-elles faire autrement ?

Vous avez dit que les taux d'intérêt bas jouaient un rôle anesthésiant et que les écarts favorables dans les prévisions pouvaient conduire à nous contenter de la situation. Personne dans cette commission ne s'en contente. Nous avons la volonté d'avancer. Les performances de l'État vont-elles, selon vous, s'améliorer, compte tenu des orientations budgétaires prises ? Le pire serait que les choses n'avancent pas en termes d'efficacité économique. On ne peut pas laisser le pays dans cet état. Il n'est pas certain qu'une amélioration de la situation économique ait des effets positifs sur les finances publiques mais le citoyen, lui, en bénéficierait.

M. Richard Yung . - Je relève un paradoxe : les outils d'évaluation et de mesure s'améliorent, avec la création du Haut Conseil des finances publiques ou la certification des comptes de l'État. Mais cela ne suffit pas à éviter de traditionnelles querelles sur les chiffres, comme le montre votre dernier rapport. En dépit de cela, et c'est positif, vous avez certifié les comptes de l'État, certes avec cinq réserves substantielles mais qui évoluent à la baisse. Cela montre que les gouvernements, l'actuel mais pas seulement, tiennent compte de vos réserves pour améliorer la gestion publique.

Les systèmes d'information de l'État ne fonctionnent pas correctement, comme en témoigne l'une des réserves. Je pense à l'exemple des applications de gestion du ministère des affaires étrangères, que je connais bien : soit les outils sont développés en interne par l'administration qui n'est pas équipée pour le faire, soit ils sont confiés à des prestataires extérieurs et les résultats ne sont bien souvent pas meilleurs. Comment doter l'État de systèmes d'information rationnels et qui fonctionnent de manière satisfaisante ?

La réserve de précaution et les « rabots » me choquent profondément. Nous discutons savamment, chaque année, pendant trois semaines, d'un projet de loi de finances qui n'a pas de portée réelle à ce sujet : les réserves sont fixées à un taux de plus en plus important et sont souvent annulées. La Cour des comptes ne devrait-elle pas proposer des recommandations afin d'éviter ce mode de gestion qui, certes, vise à faire des économies mais qui place les administrations dans des situations difficiles ?

Le déficit structurel a été ramené à 2,1 %, soit le niveau le plus bas jamais enregistré depuis l'an 2000. Nous nous souvenons des critiques formulées devant notre commission par le vice-président de la Commission européenne Valdis Dombrovskis, ancien Premier ministre letton, qui disait avoir amélioré la situation de son pays en réduisant les salaires de 20 %. Qui osera baisser les salaires en France ? Nathalie Kosciusko-Morizet demande une baisse de 100 milliards d'euros d'impôts dès l'année prochaine, ce qui laisse admiratif. La Cour des comptes peut-elle nous dire si nous atteindrons l'objectif de 0 % de solde structurel en 2017 ?

M. Bernard Lalande . - Je souhaite faire part de mon étonnement devant les cinq réserves substantielles émises par la Cour des comptes. Deux en particulier me surprennent : la réserve relative à la comptabilisation des produits régaliens, dont on pourrait imaginer qu'ils font l'objet d'un suivi attentif, ainsi que celle ayant trait aux immobilisations financières. L'évaluation de ces dernières repose largement sur des données extérieures à l'État, telles que celles de grandes entreprises publiques comme EDF, GDF ou encore la Banque de France. Les informations fournies par ces entités ne sont-elles pas fiables ?

Mme Michèle André , présidente . - Nous constatons dans nos activités de contrôle le maintien de difficultés liées au progiciel Chorus. Comment améliorer la fiabilité de cet outil et son utilisation ?

Par ailleurs, les engagements hors bilan restent insuffisamment évalués. Un rapport de la Cour des comptes demandé par notre commission a donné lieu à la formulation de recommandations en mai 2013 : des progrès ont-ils, selon vous, été accomplis depuis et quelles faiblesses subsistent-elles ?

En outre, nous partageons avec vous une certaine réserve quant aux débudgétisations que constituent ces investissements d'avenir. Un troisième programme est annoncé à l'horizon 2017, appelé de ses voeux par Louis Schweitzer, commissaire général à l'investissement. Quelles caractéristiques ce « PIA 3 » devra-t-il présenter pour ne pas encourir les mêmes critiques que celles que vous avez adressées au « PIA 2 » ?

M. Didier Migaud . - Merci Madame la Présidente, je vais m'attacher à répondre à vos nombreuses questions et le président Raoul Briet, qui m'accompagne, pourra vous fournir des précisions complémentaires.

Tout d'abord, il est utile de préciser que la certification des comptes de l'État et le contrôle de l'exécution des comptes de l'État sont deux exercices qui ont des logiques et des finalités différentes. La France n'est pas le seul pays en Europe à certifier ses comptes, le Royaume-Uni aussi, et il me semble qu'il a d'ailleurs formulé six réserves sur le dernier exercice. Aux États-Unis, la certification existe mais ils s'estiment dans l'incapacité de certifier leurs comptes, en raison principalement du budget du Pentagone... En ce qui concerne l'Allemagne, elle ne pratique pas la certification, mais il est vrai que ses comptes sont plus robustes et que la nécessité de maîtrise de la dépense y fait davantage consensus !

Il y a tout de même des progrès réalisés depuis quelques années, puisque la Cour des comptes ne formule plus que cinq réserves contre treize lors de la première certification.

S'agissant des systèmes d'information, vous avez été plusieurs à vous interroger sur Chorus. Le basculement sur Chorus est plutôt globalement positif : la difficulté principale réside dans le fait que les administrations ont du mal à utiliser toutes les potentialités du logiciel. Il faudrait donc investir davantage, tout en étant attentif à l'efficacité des investissements réalisés. La question des relations avec d'autres systèmes d'information existant devra du reste aussi être examinée. Il est vrai, en tout cas, que des problèmes se posent, notamment en ce qui concerne l'évaluation des immobilisations financières que nous avons toujours du mal à identifier correctement.

Plusieurs de vos questions seront développées dans le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, notamment les risques qui pèsent sur l'exercice 2015 mais aussi l'impact budgétaire des taux. À l'évidence, une augmentation des taux a une incidence budgétaire, même si elle n'est pas immédiatement perceptible du fait de l'échelonnement de différentes durées ou échéances. Mais nous avions déjà calculé qu'une augmentation des taux de 100 points de base aurait un impact de 2,5 milliards d'euros sur le budget de l'État, ce qui n'est pas rien.

En ce qui concerne les collectivités territoriales, nous aurons l'occasion d'aborder ce sujet plus précisément en juin et en octobre dans le rapport sur la situation des finances locales. Ce que nous constatons en 2014, c'est que les transferts de l'État en direction des collectivités territoriales n'ont pas diminué et ont même légèrement augmenté, contrairement à ce que l'on entend !

M. Didier Guillaume . - Exactement.

M. Didier Migaud . - Vous le savez en 2014, la réduction des dotations aux collectivités territoriales a représenté 1,5 milliard d'euros mais elle a été, de différentes façons, plus que largement compensée. En 2015, la situation sera peut-être différente.

S'agissant de l'efficacité de l'action publique, vous êtres plusieurs à partager les préoccupations de la Cour des comptes sur la démarche de la performance. Bien évidemment, je le dis à nouveau, la Cour des comptes n'a pas à juger l'opportunité des choix politiques, qui vous appartiennent en tant qu'élus, mais il nous revient d'apprécier l'écart entre les engagements pris et la réalité. La France a fait le choix d'un redressement des comptes publics progressif, plus lent que certains pays, et s'il ne nous appartient pas de commenter cette décision politique, nous devons, en revanche, vérifier si la trajectoire fixée est respectée. On a pu constater par le passé que la France a rarement respecté ses objectifs, presque jamais pourrais-je dire !

L'équilibre structurel dont a parlé Richard Yung n'est plus un objectif pour 2017 : il a été reporté en 2019. Le respect de ces engagements tiendra beaucoup à la capacité de la France à maîtriser ses dépenses. C'est le sujet fondamental et il rejoint vos interrogations sur l'efficience et l'efficacité de l'action publique. Par rapport à la plupart des autres pays, nous sommes bien obligés de constater que la France consacre davantage de moyens à la mise en oeuvre de ses politiques publiques pour de moindres résultats.

Sur les dépenses de personnel, là encore, nous raisonnons sur les engagements pris et l'on observe de légers dépassements. Il est vrai que lorsque nous prenons en compte le temps long, ces dépenses ont été contenues mais si l'on veut respecter les engagements, il faudra aller au-delà, ou mettre en place des redéploiements et se poser la question des effectifs dans la fonction publique.

Vous avez évoqué les conférences budgétaires, les conférences de performance, les conférences fiscales... Mais il n'y a aucune coordination entre ces différentes conférences. On voit bien que la démarche de performance imprègne insuffisamment les administrations publiques françaises, d'où le rôle essentiel de contrôle que doit jouer le Parlement, aussi bien en matière de dépenses (y compris fiscales) que de recettes. Leurs niveaux dépendent certes des décisions que vous prenez, mais aussi d'un certain nombre de facteurs comme le calcul de l'élasticité ou les hypothèses de croissance. L'an dernier, on a constaté davantage de prudence dans les hypothèses économiques, que par le passé. Vraisemblablement, la loi de finances initiale avait été construite sur des hypothèses très optimistes, et les ajustements opérés par la première loi de finances rectificative n'ont pas été suffisants, nonobstant les remarques de la Cour des comptes. La deuxième loi de finances rectificative a, en revanche, mis en place des ajustements que je qualifierais d'excessivement prudents. Pourtant, au moment de l'examen du collectif de fin d'année, nous disposons déjà d'éléments suffisamment précis pour apprécier la réalité, sinon des recettes, avec un bémol pour l'impôt sur les sociétés ou la TVA, au moins de la dépense.

Les sous-budgétisations sont, comme nombre d'entre vous l'ont souligné, récurrentes. En ce qui concerne les dépenses liées aux opérations extérieures (OPEX), c'est en 2012 que l'écart entre prévisions et exécution était le plus faible, mais l'amélioration ne s'est pas poursuivie. Il faut noter que le décalage entre la budgétisation et les besoins réels est parfois voulu, car il permet de porter une certaine pression sur les gestionnaires. Les reports de charges suscitent évidemment de l'inquiétude : des risques réels pèsent sur l'exécution 2015.

Les investissements d'avenir sont un des principaux sujets de discussion entre la Cour et le Gouvernement. Ils étaient initialement conçus comme tout à fait exceptionnels, ce qui pouvait justifier un traitement budgétaire dérogatoire. Mais nous savons désormais que les programmes d'investissement d'avenir se suivent, comme certaines séries télévisées américaines ou françaises qui peuvent connaître de longs développements : plus la série s'allonge, plus les investissements d'avenir deviennent ordinaires, et plus leur traitement budgétaire différencié posera problème. Est-il impossible de financer des investissements d'avenir sur le budget de l'État ? S'il s'agit de les préserver de la régulation budgétaire, la sortie du budget n'est pas nécessaire : l'État peut changer ses propres règles de régulation et décider qu'elles ne s'appliquent pas aux dépenses d'investissement ! Si la débudgétisation des PIA se justifie par le fait que les règles relatives au budget de l'État ne sont pas efficaces, changeons ces règles ! La débudgétisation des PIA produit des effets très pervers, en particulier du point de vue du contrôle parlementaire et votre réaction devrait être vigoureuse...

Mme Michèle André , présidente . - Et elle l'a été depuis l'origine !

M. Didier Migaud . - La Cour des comptes mène actuellement des travaux sur les investissements d'avenir, qui devraient être publiés avant la fin de l'année. Il apparaît que le PIA sert parfois de moyen de substitution pour pallier le manque de crédits budgétaires.

J'espère avoir répondu à vos questions.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - J'aimerais revenir sur mes interrogations relatives à la prise en compte, dans la norme de dépenses, du transfert de recettes fiscales aux collectivités locales intervenu en projet de loi de finances pour 2014. N'est-il pas surprenant que ce transfert n'ait pas été pris en compte dans la norme de dépenses ?

M. Didier Migaud . - Ces transferts altèrent le suivi et la lisibilité de l'évolution des dépenses. Ils sont, pour nous, une source de préoccupation.

M. Serge Dassault . - Quel est votre sentiment sur le danger de l'augmentation des taux d'intérêt, compte tenu du fait que la politique française n'est pas conforme aux orientations données par Bruxelles ?

M. Didier Migaud . - Bruxelles semble avoir validé le programme national de réforme français. Dans notre rapport de juin sur la situation et les perspectives des finances publiques, nous essaierons de chiffrer le risque associé à une remontée des taux. La politique menée par la BCE laisse espérer une relative stabilité financière, mais l'augmentation des taux de moyen et court terme ces derniers mois incite à la prudence. L'incertitude sur les évolutions du marché financier renforce la nécessité, pour le Gouvernement, de respecter les engagements pris en matière de redressement des comptes publics.

M. Raoul Briet . - Concernant vos interrogations sur les dépenses de personnel, j'attire votre attention sur le fait que la Cour a entrepris, à la demande de la commission des finances, une étude sur la masse salariale de l'État : nous pourrons certainement vous apporter des éléments détaillés à cette occasion.

M. Didier Migaud . - Sur ce sujet, il est d'ailleurs intéressant de noter que si les effectifs du ministère de la défense ont connu une évolution très négative, point auquel la commission des finances accorde beaucoup d'intérêt, la masse salariale n'a pas, quant à elle, décru dans les mêmes proportions.

M. Raoul Briet . - S'agissant des erreurs d'estimation sur les prévisions fiscales, celles-ci découlent au moins pour partie de difficultés techniques évidentes : l'appréciation de l'élasticité n'est pas une science exacte. Notre souhait est celui d'une plus grande transparence, à la fois ex ante et ex post . Des progrès ont été réalisés avec la présentation des hypothèses de prévision dans l'annexe « Voies et Moyens » annexée au projet de loi de finances pour 2015, mais il est possible d'aller plus loin.

Quant à la perspective d'une levée des réserves, toutes ne sont pas dans la même situation : trois réserves sont « dures », systémiques et font l'objet d'une démarche d'amélioration programmée, qui prendra du temps. Deux autres (les réserves 4 et 5) ont vocation à être levées si l'administration déploie toute l'énergie souhaitable pour y parvenir. 10 % des constats d'audit ont été levés sur les comptes 2014, tandis que d'autres apparaissent : il ne s'agit pas d'un stock fini qu'il faudrait petit à petit écouler.

La réserve sur les produits régaliens, sur laquelle certains d'entre vous se sont interrogés, est liée à la nécessité de prendre en compte les droits constatés dans la comptabilité générale. Or la direction du budget n'est pas outillée pour cela et la chaîne d'information devra sensiblement évoluer pour que cette réserve puisse être levée.

M. Raoul Briet . - Les difficultés rencontrées au cours de la certification des produits régaliens résident principalement dans le fait que l'administration peine à les comptabiliser en droits constatés car les chaînes d'information de Bercy ne sont pas adaptées à cette logique comptable. Ces réserves, qui sont lourdes, prendront du temps pour être levées.

Sur Chorus, la bascule a demandé beaucoup d'efforts financiers de la part des administrations mais on a le sentiment qu'aujourd'hui on se satisfait d'un certain statu quo . Il serait souhaitable que l'on essaie de tirer le meilleur parti de cet investissement initial lourd en réfléchissant aux améliorations possibles, c'est-à-dire la modernisation et la fiabilisation des chaînes d'informations mais surtout de meilleurs retours pour les gestionnaires. C'est d'ailleurs l'objet du rapport que nous préparons sur le bilan de la mise en place de la comptabilité générale de l'État.

Sur les opérateurs, pour répondre à Michel Bouvard, il y a, en effet, dans les entités contrôlées par l'État, des réserves importantes sur les valorisations immobilières, c'est un point de faiblesse récurrent chez la plupart des opérateurs. S'agissant du hors bilan des opérateurs, il n'est pas recensé dans la comptabilité générale de l'État, il reste donc de nombreuses améliorations potentielles.

Sur les immobilisations financières, il est important de savoir que, lorsque des commissaires aux comptes émettent des réserves voire refusent de certifier les comptes d'entités contrôlées par l'État, cela rejaillit automatiquement sur l'écriture du compte général de l'État qui retrace la valorisation de ses participations financières.

Enfin, pour répondre à la présidente, toujours au sujet du hors bilan, nous avons remis un rapport il y a deux ans dans lequel nous formulions douze recommandations. Une a été totalement mise en oeuvre fin 2014, cinq le sont aujourd'hui partiellement. Il reste des progrès à accomplir et nous y veillerons année après année.

B. AUDITION DE M. DIDIER MIGAUD, PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES, PRÉSIDENT DU HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES (28 MAI 2015)

Réunie le jeudi 28 mai 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a entendu M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques, sur l'avis du Haut Conseil relatif au solde structurel des administrations publiques en 2014.

Mme Michèle André , présidente . - Conformément à l'article 23 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, en vue du dépôt du projet de loi de règlement, le Haut Conseil des finances publiques rend un avis portant sur les résultats de l'exécution de l'année écoulée. À cette occasion, l'avis identifie, le cas échéant, les écarts importants apparus entre le solde structurel et la trajectoire définie par la loi de programmation des finances publiques ; il convient de rappeler que l'identification de tels écarts par le Haut Conseil « déclenche » le mécanisme de correction institué en application du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG).

Le 22 mai 2015, le Haut Conseil a donc rendu un avis portant sur les résultats de l'année 2014 ; à cet égard, il a examiné le solde structurel constaté au titre de cet exercice à l'aune des orientations arrêtées par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, adoptée en décembre dernier.

Afin d'éclairer les travaux de notre commission sur le projet de loi de règlement, Didier Migaud, en qualité de président du Haut Conseil des finances publiques, a bien voulu nous présenter les appréciations formulées par le Haut Conseil dans l'avis précité. Monsieur le Président, je vous laisse maintenant la parole.

M. Didier Migaud, président du Haut Conseil des finances publiques . - C'est donc à présent en tant que président du Haut Conseil des finances publiques que je prends la parole pour vous rappeler brièvement les principales conclusions de l'avis relatif au solde structurel des administrations publiques présenté dans le projet de loi de règlement de 2014.

Cet avis est rendu en application de l'article 23 de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. Pour mémoire, cet article prévoit que le Haut Conseil rend un avis identifiant, le cas échéant, un « écart important » entre le solde structurel constaté et les orientations pluriannuelles présentées dans la loi de programmation des finances publiques en vigueur.

Comme l'y invite la loi organique, le Haut Conseil a donc comparé l'exécution constatée en 2014 avec la trajectoire de solde structurel définie dans la loi de programmation pour les années 2014 à 2019 promulguée le 29 décembre 2014. Cette nouvelle loi constitue désormais la référence, alors que pour les deux années précédentes, les écarts étaient appréciés par rapport à la loi de programmation pour les années 2012 à 2017 promulguée en décembre 2012.

Je rappelle, à cet égard, que l'avis du Haut Conseil porte uniquement sur le solde structurel, c'est-à-dire le solde des administrations publiques corrigé des effets liés à la conjoncture économique et déduction faite des mesures ponctuelles et temporaires.

Le solde effectif s'établit, d'après les données des comptes nationaux publiées par l'Insee le 13 mai 2015, à - 4,0 % contre - 4,4 % prévu dans la loi de programmation. Cet écart de 0,4 point de PIB se retrouve intégralement sur le solde structurel, la composante conjoncturelle (- 1,9 % de PIB) et l'estimation des mesures ponctuelles et temporaires (0 point de PIB) étant inchangées.

En 2014, le déficit structurel s'établit ainsi à 2,1 % du PIB contre 2,4 % prévu par la loi de programmation. Le Haut Conseil constate donc que le déficit structurel des administrations publiques présenté dans le projet de loi de règlement est inférieur de 0,4 point de PIB - aux arrondis près - à ce qui était prévu par la loi de programmation en vigueur.

Cet écart résulte, en partie, d'une moindre croissance de la dépense publique (+ 0,9 % en valeur contre 1,4 % initialement prévu), notamment du fait d'un recul marqué de l'investissement local et de la poursuite de la baisse des charges d'intérêt.

Par rapport à 2013, le solde structurel se redresse de 0,6 point de PIB au lieu de 0,1 point prévu dans la loi de programmation. L'ajustement structurel, soit la variation du solde structurel, est supérieur de 0,5 point à celui prévu. En cumulé sur les années 2013 et 2014, l'amélioration du solde structurel est de 1,4 point de PIB contre 1,2 point prévu dans la loi de programmation, soit un écart limité à 0,2 point. En effet, si l'ajustement structurel est supérieur à la prévision en 2014, il est en revanche révisé à la baisse pour l'année 2013.

S'agissant de l'effort structurel, qui reflète à proprement parler l'impact des décisions des pouvoirs publics en matière de dépenses et de recettes, il s'établit à 0,5 % de PIB en 2014 et porte à 70 % sur les dépenses, hors crédits d'impôts, dont la croissance en volume a été de 0,3 % en 2014.

Le Haut Conseil s'exprimait pour la troisième fois ex post sur le solde public des administrations publiques présenté dans un projet de loi de règlement. Lors de son dernier avis relatif à la loi de règlement de 2013, il avait constaté un « écart important », de 1,5 point de PIB, par rapport à la trajectoire prévue par la précédente loi de programmation. Plutôt que de corriger cet écart, le Gouvernement a fait le choix de définir une nouvelle trajectoire, intégrant les déviations passées et fixant de nouveaux objectifs dont l'ambition est revue à la baisse.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Ma première question est quelque peu rhétorique : n'y a-t-il pas eu une volonté de surestimer les soldes effectif et structurel de l'exercice 2014 à la fin de l'année dernière, et ce afin d'afficher de meilleurs résultats budgétaires aujourd'hui ? Chacun est libre d'apporter la réponse qu'il souhaite... En outre, l'avis du Haut Conseil note qu'une part de l'amélioration du solde structurel en 2014 résulte « d'une élasticité des recettes à la croissance plus élevée qu'attendu dans la LPFP » ; quels sont, selon vous, les facteurs explicatifs d'un tel « rebond » de l'élasticité des recettes ?

M. François Marc . - Tout d'abord, je relève que les comptes de l'État sont certifiés, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter. Il n'en demeure pas moins que, de toute évidence, l'évaluation des immobilisations financières de l'État se doit encore d'être approfondie ; le chiffrage demeure approximatif et provient d'une multitude de sources. Peut-être serait-il souhaitable que le Parlement se saisisse de cette question ; à cet égard, une enquête parlementaire pourrait être envisagée.

Ensuite, je note que les résultats pour l'exercice 2014 sont meilleurs que prévus, les déficits effectif et structurel ayant été inférieurs à la prévision ; aussi le Gouvernement semble-t-il avoir fait preuve d'une véritable prudence dans ses anticipations budgétaires, alors qu'un certain optimisme en la matière lui était reproché lors des années passées.

Enfin, en ma qualité de rapporteur spécial en charge des affaires européennes, je souhaiterais revenir sur le traitement comptable réservé par le Gouvernement à la moindre dépense résultant du budget rectificatif européen n° 6. L'avis du Haut Conseil relève, me semble-t-il pour le critiquer, que cette moindre dépense a été comptabilisée parmi les mesures ponctuelles et temporaires, également appelées one-offs , au titre de l'exercice 2014 ; pour autant, cette décision du Gouvernement me semble justifiée et s'inscrire dans une démarche prudente. Aussi l'opinion du Haut Conseil sur ce point pourrait-elle être précisée ?

M. Charles Guené . - Ainsi que le relève l'avis du Haut Conseil, l'effort en dépenses consenti en 2014 s'est élevé à 0,35 point de PIB ; est-il possible de préciser la part de cet effort imputable au ralentissement de l'investissement local ?

M. Claude Raynal . - Je souhaiterais, quant à moi, solliciter l'avis du président du Haut Conseil quant à l'estimation de l'élasticité des recettes à la croissance et, en particulier, sur les possibles incidences d'un rebond de l'activité sur celle-ci. L'avis du Haut Conseil note que l'élasticité s'est révélée plus forte que prévu en 2014 ; par suite, dans le contexte actuel, je me demandais quelle pouvait être l'élasticité des recettes qu'il était raisonnable d'attendre au titre de l'exercice en cours.

M. Michel Bouvard . - Le déficit public de l'année 2014 est certes meilleur que ce que prévoyait la dernière loi de programmation des finances publiques ; pour autant, un tel résultat n'est pas sans lien avec le recul significatif des taux d'intérêt, de même qu'avec le ralentissement de l'investissement local - et ne saurait donc être attribué à une diminution de la dépense ordinaire.

Par ailleurs, disposons-nous d'ores et déjà d'éléments permettant de comparer la réduction du déficit public de la France à celui des autres pays de la zone euro ?

M. Didier Migaud . - Concernant le rebond de l'élasticité des recettes à la croissance, celui-ci est à attribuer au fait que le niveau des recettes est resté inchangé alors que le produit intérieur brut (PIB), lui, a été revu à la baisse. En effet, si les recettes de l'État n'ont pas évolué de manière particulièrement favorable, celles des administrations publiques locales et des administrations de sécurité sociale ont mieux résisté ; en particulier, la masse salariale est restée relativement dynamique.

D'aucuns se sont félicités de ce que les résultats de l'année 2014 aient été meilleurs que ce que prévoyait la loi de programmation ; mais il est heureux que ces résultats soient en ligne avec des objectifs qui ont été arrêtés en décembre dernier...

Pour ce qui est de l'inscription de la moindre dépense résultant du budget rectificatif européen n° 6 parmi les mesures exceptionnelles et temporaires, le Haut Conseil n'a formulé aucune critique à l'encontre du Gouvernement à ce titre ; seulement, il relève que le traitement réservé à cette opération s'éloigne de la doctrine qui avait, jusqu'à présent, été celle du Gouvernement - aussi aurait-il été préférable que, si changement de doctrine il y a eu, cela soit explicité. Sur le fond, la décision du Gouvernement nous semble, d'ailleurs, plutôt justifiée ; toutefois, il est essentiel que ce dernier soit constant dans ses pratiques.

Le ralentissement de l'investissement des collectivités territoriales a représenté un effort en dépenses de 0,05 point de PIB, soit 15 % environ de l'effort en dépenses total, qui s'est élevé à 0,35 point de PIB en 2014.

Quant à la comparaison de la situation budgétaire de la France avec celle des autres pays européens, la Cour des comptes s'attachera à examiner ce point dans le rapport à venir sur la situation et les perspectives des finances publiques. Néanmoins, l'on peut d'ores et déjà indiquer qu'en 2014 la zone euro, considérée dans son ensemble, a eu une politique budgétaire neutre, dans la mesure où la majorité des États membres sont parvenus à ramener leur déficit public en deçà de 3 % du PIB, ce qui n'est pas le cas de la France - qui est le seul grand pays, avec l'Espagne, à présenter un déficit supérieur au seuil de 3 % à ce jour.

M. Claude Raynal . - S'agissant de l'élasticité des recettes à la croissance, pouvez-vous nous indiquer la prévision qu'il serait, selon vous, raisonnable de retenir ?

M. Didier Migaud . - Nous considérons qu'il faut faire preuve de prudence en la matière. Force est de constater que l'élasticité des recettes à la croissance est égale à 1 en moyenne sur longue période. Celle-ci est généralement supérieure à cette moyenne en période de croissance et inférieure lorsque la conjoncture est plus morose. Les calculs de l'élasticité présentent une fragilité certaine ; la Cour des comptes avait, d'ailleurs, publié un référé à ce sujet en octobre 2013. La Cour estime qu'il faut donc que le Gouvernement fasse preuve de prudence et qu'il s'applique à expliquer les modalités de calcul de l'élasticité qu'il retient.

M. Claude Raynal . - Je vous remercie d'avoir proposé un chiffre malgré tout !

C. AUDITION DE MME VIRGINIE MAGNANT, ADJOINTE À LA DIRECTRICE GÉNÉRALE, CHEFFE DE SERVICE DES POLITIQUES D'APPUI DE LA DIRECTION GÉNÉRALE DE LA COHÉSION SOCIALE (3 JUIN 2015)

Réunie le mercredi 3 juin 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'audition de Mme Virginie Magnant, adjointe à la directrice générale, cheffe de service des politiques d'appui de la direction générale de la cohésion sociale, sur le RSA activité (programme 304 « Inclusion sociale, protection des personnes et économie sociale et solidaire »).

Mme Michèle André , présidente . - Nous entamons ce matin une série d'auditions préparatoires à l'examen du projet de loi de règlement. Cette année, nous avons pris le parti d'entendre des responsables de programme sur des sujets bien identifiés et à fort enjeu budgétaire.

Nous débutons donc ces travaux avec Virginie Magnant, cheffe du service des politiques d'appui et adjointe à la directrice générale de la cohésion sociale au sein du ministère des affaires sociales, de la santé et du droit des femmes, afin d'examiner l'exécution des crédits du programme 304 consacrés au RSA « activité ».

Je voudrais saluer la présence parmi nous de notre collègue Philippe Mouiller, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Je rappelle que le RSA « activité » est une prestation sociale qui vient compléter les revenus d'activité des ménages modestes afin de leur garantir un niveau de ressources minimum. Il est financé pour majeure partie par des crédits budgétaires.

Le projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi, qui sera examiné par le Sénat en séance publique à partir du 22 juin, prévoit de remplacer le RSA « activité » et la prime pour l'emploi par une nouvelle prestation, appelée « prime d'activité », à compter du 1 er janvier 2016. La préparation de cette réforme ne manquera pas de susciter des questions.

Afin que cette réunion soit aussi vivante que possible, je vais d'emblée donner la parole au rapporteur spécial Éric Bocquet pour une première séquence de questions-réponses.

M. Éric Bocquet , rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » . - Le RSA « activité » constitue la principale dépense du programme 304 de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » dont je suis rapporteur spécial. En 2014, il a représenté une dépense de près de 2 milliards d'euros, pour environ 822 000 bénéficiaires.

Je commencerai par une série de questions, dont certaines ont déjà été posées lors des exercices antérieurs, mais qui demeurent d'actualité.

Tout d'abord on constate, en 2014 un écart très important entre les crédits ouverts en loi de finances initiale et ceux exécutés s'agissant de la contribution de l'État au Fonds national de solidarité active (FNSA), qui finance principalement le RSA « activité ». Les crédits ouverts étaient d'environ 600 millions d'euros, mais 970 millions d'euros de crédits ont été consommés, soit un dépassement de plus de 61 %. Pourtant, les facteurs de risque semblaient connus : une augmentation du nombre de bénéficiaires du RSA « activité » et de son montant compte tenu de sa revalorisation de 2 % en 2013 et de 2 % en 2014 d'une part, et la baisse des recettes du FNSA en raison de la baisse du taux du prélèvement de solidarité qui lui est affecté d'autre part. Comment s'explique donc cette sous-budgétisation ?

Par ailleurs, la Cour des comptes relève un important report de charges en 2014 au titre de l'année 2013, de 147 millions d'euros. À quoi ce report est-il dû et pourquoi ne figure-t-il pas dans le rapport annuel de performance annexé à la loi de règlement ?

Enfin, connait-on l'impact qu'ont eu les revalorisations que j'ai mentionnées sur le montant total de la dépense de RSA « activité » ?

Mme Virginie Magnant, cheffe de service des politiques d'appui et adjointe à la directrice générale de la cohésion sociale . - Je commencerai par rappeler que la contribution que l'État verse au FNSA constitue l'une des deux sources de financement du RSA « activité ». Le solde du FNSA résulte, en effet, d'un équilibre entre ses charges, principalement constituées par le financement du RSA « activité », et ses recettes, constituées du prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine et des placements, pour une part initialement importante, ainsi que d'une contribution d'équilibre versée par l'État.

Le décalage entre la prévision initiale du montant de la contribution de l'État et l'exécution s'explique à la fois par des raisons classiques, ou du moins récurrentes, et par des facteurs nouveaux intervenus au cours de l'exercice 2014. Pour ce qui est des explications récurrentes, il faut souligner que, depuis sa mise en place pour accompagner la généralisation du RSA en 2009, il extrêmement difficile de prévoir le rendement du prélèvement de solidarité au moment de la budgétisation. Ce prélèvement se caractérise en effet par une assez grande volatilité. En conséquence, il est compliqué d'arriver à ajuster correctement la contribution d'équilibre de l'État au FNSA. Un facteur de complexité supplémentaire est intervenu en 2014, du fait de la baisse du taux de ce prélèvement de 1,45 % à 1,37 %. La baisse de son rendement a été plus que supérieure à ce qui était attendu et ainsi, l'exécution de la recette a été significativement inférieure au montant initialement prévu.

Parallèlement à cela, la dépense de RSA a été plus dynamique que prévu. Vous avez mentionné, Monsieur le rapporteur, la revalorisation exceptionnelle du RSA de 2 % en 2013. Il est vrai que cette revalorisation a provoqué un « effet de champ » qui était difficile à simuler, et qui a conduit à faire entrer dans la prestation davantage de bénéficiaires. Une note récente de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) a fait le point sur l'évolution du RSA entre juin 2013 et juin 2014. Elle souligne qu'en plus de l'effet produit par la revalorisation, la dynamique du RSA « activité » s'est infléchie à la hausse au cours de cette période. Ainsi, sur la période de l'exécution 2014, le nombre de bénéficiaires du RSA « activité » a augmenté de 8 %, en lien avec les premiers signes d'amélioration sur le marché du travail. Or, lors de la budgétisation, les calculs consistent souvent à poursuivre une projection de manière linéaire.

Pour résumer, nous avons eu en 2014 une recette difficile à prévoir et dont le rendement a été inférieur aux prévisions, et une dépense de RSA « activité » supérieure à ce qui était attendu. Il a donc été nécessaire d'ajuster la contribution d'équilibre de l'État en fin de gestion. Il est vrai que cet ajustement n'a pas permis un rétablissement complet de l'équilibre du FNSA. Il a en revanche permis de régler le solde de 2013 sur 2014, et de réduire l'écart entre les dépenses des organismes qui servent le RSA et les recettes du FNSA.

Vous m'avez également interrogée sur la mesure de l'impact de la revalorisation du RSA de 2 % en septembre 2013 et en 2014. Nous pouvons mesurer précisément l'évolution du nombre de bénéficiaires du RSA « activité » et celle du montant moyen de prestation versé, associées à la revalorisation exceptionnelle de 2013. Celle-ci a permis l'accès à la prestation d'environ 15 000 à 16 000 personnes supplémentaires, et le montant moyen du RSA versé a progressé, tant concernant sa part « socle » que sa part « activité », s'établissant à 400 euros par mois pour l'ensemble du dispositif. En revanche, il n'est à ce stade pas possible de mesurer précisément l'impact de ces revalorisations sur l'insertion dans l'activité des travailleurs pauvres.

M. Éric Bocquet , rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » . - Vous l'avez évoqué, le nombre de bénéficiaires du RSA « activité » a augmenté de 8 % en 2014. Cela m'amène à vous interroger sur la problématique du taux de non-recours du RSA « activité », qui a été estimé à plus de 60 % en 2011. Avez-vous des éléments nouveaux concernant l'évolution de ce taux ?

Mme Virginie Magnant, cheffe de service des politiques d'appui et adjointe à la directrice générale de la cohésion sociale . - La mesure du taux de non-recours est une question délicate. Lorsque la réforme du RSA est entrée en vigueur, un certain nombre de simulations avaient été effectuées afin d'évaluer le nombre de foyers potentiellement bénéficiaires de ce nouveau dispositif. Dans un premier temps, la notion de non-recours a été appréciée en rapportant le nombre de bénéficiaires réels, enregistrés par le réseau des caisses d'allocations familiales (CAF) et des mutualités sociales agricoles (MSA), au volume de bénéficiaires simulé lors de la réforme. D'un point de vue méthodologique, il est évidemment compliqué de comparer une projection théorique et une situation réelle.

La commission d'évaluation du RSA, qui était présidée par François Bourguignon et rassemblait un certain nombre d'économistes et de chercheurs, a été conduite, lors de la conclusion de ses travaux, à apprécier à partir d'un échantillon de personnes potentiellement éligibles celles qui avaient effectivement recouru à ce dispositif. Elle a abouti à un chiffre de taux de recours de 32 % s'agissant du RSA « activité ». Compte tenu de la complexité de ces travaux, nous ne les avons pas actualisés depuis, mais on considère généralement que la situation, si elle s'est un peu améliorée, n'a pas évolué de manière radicale.

Ce constat d'un faible taux de recours au RSA « activité », qui est peut être le signe de sa faible lisibilité pour les bénéficiaires potentiels ou de sa faible efficacité, est directement à l'origine de la réforme de la prime d'activité,

M. Éric Bocquet , rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » . - La mise en place de la prime d'activité devrait donc prendre en compte les difficultés constatées s'agissant du recours au RSA « activité » ?

Mme Virginie Magnant, cheffe de service des politiques d'appui et adjointe à la directrice générale de la cohésion sociale . - Oui, tout à fait.

M. Éric Bocquet , rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » . - Le dernier point que je souhaiterais aborder concerne le RSA « jeunes actifs ». Ce dispositif a du mal à trouver son public. En 2011, il y avait 6 590 jeunes bénéficiaires du RSA « activité » seul. Ce nombre a baissé régulièrement pour atteindre 4 968 en 2014. Comment expliquez-vous l'ampleur de cette baisse ?

Mme Virginie Magnant, cheffe de service des politiques d'appui et adjointe à la directrice générale de la cohésion sociale . - Il est vraisemblable que ce faible succès tienne aux conditions d'accès très restrictives qui ont été imaginées lors de l'ouverture du RSA aux jeunes actifs de 18 à 25 ans. Un certain nombre de conditions ont en effet été mises en place qui ne favorisent pas l'entrée des jeunes dans le dispositif, puisque ceux-ci doivent attester d'une activité continue de deux années à temps plein durant les trois ans précédant la demande. Il s'agit d'une condition difficile à réunir pour les jeunes, a fortiori dans la période économique que l'on connait. Les conditions initiales pour bénéficier du dispositif et le contexte économique sont les deux facteurs qui expliquent que le nombre de jeunes bénéficiaires du RSA « activité » soit faible, et qu'il ait même décru sur la période récente.

Cette problématique est également prise en compte dans la réforme de la prime d'activité puisque celle-ci sera ouverte à cette part de la population très sensible aux évolutions de la conjoncture, et qui connait des périodes d'insertion professionnelle délicates. L'ambition est de permettre à un million de jeunes de bénéficier à l'avenir d'un soutien à leurs revenus à travers la nouvelle prime.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Pourriez-vous nous préciser si les revenus qui seront pris en compte dans le calcul de la prime d'activité seront les mêmes que pour le RSA « activité »?

Quel sera le nombre de « perdants » et quels seront les ménages concernés ? Ces estimations tiennent-elles bien compte des personnes qui bénéficiaient auparavant de la prime pour l'emploi (PPE) mais qui ne recourront pas à la prime d'activité ?

Le Gouvernement a prévu, par voie d'amendement déposé à l'Assemblée nationale, d'inclure dans les bénéficiaires de la prime d'activité les étudiants et les apprentis. La ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, Marisol Touraine, a annoncé que ce coût serait compensé par une réduction du montant de la prime pour le restant des bénéficiaires. Quel sera le montant moyen mensuel ainsi « prélevé » pour financer cette extension ?

Mme Virginie Magnant, cheffe de service des politiques d'appui et adjointe à la directrice générale de la cohésion sociale . - S'agissant de votre première question, qui a trait à la comparaison des assiettes des dispositifs, les revenus qui seront pris en compte pour le calcul de la prime d'activité qui, je le rappelle, constituera un différentiel entre un montant cible et des revenus perçus, seront, pour l'essentiel, les mêmes que ceux pris en compte pour le calcul de la plupart des prestations sociales, dont le RSA. Il s'agit d'un point important, l'ambition de ce nouveau dispositif consistant précisément à ne pas revenir sur ce qui a constitué le coeur de la réforme précédente du RSA, c'est-à-dire garantir une fluidité entre les situations. Je précise cependant que les revenus du patrimoine non imposables, qui sont pris en compte dans le RSA, ne le seront pas dans le calcul de la prime d'activité. Dans la mesure où ces revenus ont un impact peu significatif sur l'accès aux prestations, il a été jugé préférable de privilégier l'allègement des formalités administratives et la diminution du volume de justificatifs à produire.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Dans la mesure où les paramètres de calcul retenus sont proches de ceux qui existent actuellement, les caisses d'allocations familiales seront-elles en mesure de mettre en place rapidement ce nouveau dispositif ?

En effet, le montant de la prime pour l'emploi résultait d'un calcul simple réalisé par la direction générale des finances publiques, ce qui ne sera plus le cas pour la nouvelle prime d'activité. Or, j'ai été, comme Éric Bocquet, rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » et je sais les difficultés entraînées pour les caisses d'allocations familiales par ce type de réformes, à l'origine d'une augmentation importante du nombre de bénéficiaires.

Mme Virginie Magnant, cheffe de service des politiques d'appui et adjointe à la directrice générale de la cohésion sociale . - Cette réforme constitue évidemment un défi pour le réseau de la branche famille. Je pense notamment à la nécessité pour les caisses d'allocations familiales de procéder au reparamétrage du système de gestion et de liquidation Cristal, ou de former les conseillers afin qu'ils puissent renseigner le public et gérer l'afflux de public au guichet. Néanmoins, il a été tenu compte de ces difficultés d'adaptation en essayant, lorsque cela était possible, de s'inscrire dans la continuité afin d'éviter qu'il y ait des « perdants » à cause de difficultés techniques.

S'agissant justement de votre question sur les « perdants » de la réforme, je vous confirme que les chiffres qui ont été annoncés prennent en compte les bénéficiaires actuels de la prime pour l'emploi. La réduction du nombre de bénéficiaires de la future prime d'activité par rapport au nombre de bénéficiaires cumulés du RSA « activité » et de la prime pour l'emploi s'explique par le choix qui a été fait de cibler cette aide sur les personnes dont les revenus sont compris entre 800 euros et 1 300 euros par mois, c'est-à-dire trop élevés pour bénéficier de certaines prestations sociales, mais trop faibles pour être concernés par les baisses d'impôts qui entreront en vigueur en septembre prochain.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Pourriez-vous nous préciser quelle sera la perte moyenne pour les personnes qui bénéficiaient des dispositifs précédents et qui seront exclus du bénéfice de la prime d'activité ?

Mme Virginie Magnant, cheffe de service des politiques d'appui et adjointe à la directrice générale de la cohésion sociale . - Cette perte sera d'environ 53 euros pour les personnes dont les revenus dépassent 1 400 euros par mois. Cela correspond au point de sortie de la prime d'activité.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - L'extension par amendement adopté à l'Assemblée nationale du bénéfice de la prime aux apprentis et aux étudiants sera financée par une diminution du montant de la prime pour les autres publics. Pourriez-vous nous indiquer de combien sera cette baisse ?

Mme Virginie Magnant, cheffe de service des politiques d'appui et adjointe à la directrice générale de la cohésion sociale . - L'amendement adopté lors de la discussion à l'Assemblée nationale vise en effet à étendre le bénéfice de la future prime aux apprentis et aux étudiants. Le seuil de revenu d'activité sera fixé à 78 % du plafond de référence, soit environ 900 euros par mois, ce qui correspond à la situation d'un apprenti en troisième année. Ce seuil a été fixé par référence au seuil retenu pour les prestations familiales à partir duquel le jeune est considéré comme autonome.

La diminution résultant de cette extension pour les autres publics sera de l'ordre de 5 à 10 euros par mois. Elle concernera la bonification individuelle qui, je le rappelle, se superposera à la composante familialisée du dispositif.

M. Philippe Mouiller . - Merci pour cette intervention et d'avoir accepté de vous plier à un exercice difficile, alors que vous manquez d'éléments de prévision tant sur les dépenses que sur les recettes.

Sur la question du financement du dispositif justement, il me semble que de nombreuses interrogations demeurent en suspens. Cela est compréhensible dans la mesure où les recettes dépendent de l'évolution de la situation économique.

S'agissant des dépenses en revanche, je rappelle que l'augmentation annuelle de 2 % était connue et a été votée. De même, l'augmentation du taux de recours fait également l'objet d'un objectif chiffré. La progression était donc connue et nous avions d'ailleurs alerté sur la probabilité d'un décalage entre le budget voté et la réalité.

Je souhaiterais vous poser trois questions.

Avec la mise en place de la prime d'activité, disposez-vous d'une meilleure prévision de l'évolution de la dépense, alors que le nombre de bénéficiaires risque d'augmenter ?

Disposez-vous d'instruments permettant de consolider l'ensemble des aides auxquelles ont accès les bénéficiaires du RSA ? Je pense notamment à la couverture maladie universelle ou aux diverses exonérations. Cela nous permettrait de mesurer l'écart de revenus entre les bénéficiaires du RSA et les personnes rémunérées au SMIC.

Enfin, pourriez-vous nous préciser quels sont les objectifs de la réforme en matière de retour à l'emploi ?

M. Éric Doligé . - Mes questions vont déborder la problématique du RSA « activité ». On se souvient des déclarations de François Chérèque selon lesquelles 40 % des personnes pouvant bénéficier du RSA n'y ont pas recours. Avez-vous constaté une évolution sur ce point ? Pourriez-vous nous indiquer comment sera financée l'éventuelle augmentation du taux d'utilisation ?

Par ailleurs, avez-vous eu connaissance de collectivités qui n'auraient pas inscrit dans leur budget 2015 l'ensemble des dépenses de RSA ? On m'a cité le cas d'un département qui n'aurait pas inscrit le mois de décembre. C'est une question importante tant les sommes concernées sont considérables.

Vous avez indiqué que l'augmentation de la dépense relative au RSA « activité » résultait d'une amélioration du marché du travail. Avez-vous davantage d'informations sur cette tendance ? Quelles sont les perspectives en matière d'emploi ?

Vous avez qualifié les dépenses en augmentation de « dynamiques ». Le caractère dynamique de la dépense semble être positif dans votre propos. Est-il effectivement positif que la dépense augmente ?

Enfin, l'augmentation du chômage devrait avoir un impact sur les dépenses de RSA. Disposez-vous d'évaluations des risques d'augmentation des dépenses de RSA au-delà de l'objectif de 2 % par an pendant cinq ans ?

M. Serge Dassault . - Je souhaiterais compléter les questions de mes collègues par des questions simples. Pourriez-vous nous indiquer quelle est l'utilité de ce nouveau dispositif, qui inclura l'actuelle prime pour l'emploi, dont on connait la faible efficacité et son coût qui s'élevait à plusieurs milliards d'euros. Constituera-t-il réellement une incitation à la reprise d'emploi ? Comment sera financé ce dispositif alors que l'État est en quasi faillite ? Enfin, qui versera cette nouvelle aide : l'État ou les conseils départementaux ?

M. André Gattolin . - Vous avez exposé la difficulté à évaluer les entrées et les dépenses du futur dispositif à partir de modélisations. Ne pensez-vous pas que nous pourrions avoir davantage recours à l'expérimentation ? Ne serait-il pas plus judicieux de procéder à des expérimentations locales, comme cela été le cas lors de la mise en place du revenu minimal d'insertion, plutôt que de se fier à des modélisations très audacieuses de recettes et de dépenses dont on découvre a posteriori qu'elles ne correspondent pas à ce qu'on a envisagé ?

Mme Virginie Magnant, adjointe à la directrice générale, cheffe de service des politiques d'appui de la direction générale de la cohésion sociale . - Vous m'avez interrogée sur les difficultés de prévision en dépenses et en recettes ainsi que sur la fiabilité et la crédibilité qui peut leur être apportée, notamment au moment de la présentation en loi de finances.

S'agissant des prévisions de dépenses, il me paraît important de souligner que l'année 2014 a été marquée par le plein effet d'une première revalorisation exceptionnelle de 2 %, décidée et appliquée en septembre 2013, de manière relativement rapide. Cette décision résultait du plan de lutte contre la pauvreté et avait été mal prise en compte lors de la budgétisation.

Il faut rappeler à cet égard que le projet de loi de finances se prépare très tôt. S'il est déposé sur le bureau des assemblées en octobre, le travail technique entre les services et la direction du budget commence dès le début de l'année. Les premières simulations et projections sont échangées au printemps, puis les lettres plafonds du Premier ministre sont adressées aux ministres à la fin du mois de juin ou début juillet. Par conséquent, les simulations et projections traduites dans le projet de loi de finances reposent sur des chiffrages du premier semestre, lesquels, compte tenu du fonctionnement de l'appareil statistique, rendent compte des données de l'année précédente. Il existe donc un décalage entre les données disponibles au moment de la construction budgétaire et l'exécution réelle. Les collectifs budgétaires ont précisément pour vocation de tenir compte des évolutions de conjoncture entre la prévision et l'exécution. Car il peut effectivement exister des évolutions importantes en cours d'année, avec un impact sur les prestations, ces dernières constituant des revenus monétaires qui s'ajustent à différents paramètres, tels que la situation macroéconomique ou la situation de l'emploi.

Je ne pense pas, pour autant, que ces contraintes calendaires et techniques invalident l'exercice de projection et de simulation.

Il n'est pas rare, d'ailleurs, que des prestations connaissent des évolutions dynamiques. Par exemple, l'allocation adulte handicapé (AAH), financée sur le programme 157 « Handicap et dépendance », et dont le montant est proche de 7 milliards d'euros, a connu par le passé une telle évolution, en lien notamment avec la revalorisation de 25 % de son montant décidée sous la précédente mandature.

Tout au long de la mise en oeuvre de cette revalorisation exceptionnelle, nous avons a constaté des effets sur les publics bénéficiaires et une dynamique de la dépense significativement supérieurs aux évolutions liées à « l'effet prix » - à savoir la revalorisation régulière du montant de la prestation en lien avec l'inflation - et à « l'effet volume », c'est-à-dire l'augmentation régulière du nombre de bénéficiaires. Des effets de champ se sont ainsi cumulés avec des changements de contexte économique. En conséquence, le nombre de bénéficiaires du dispositif s'est avéré supérieur à nos prévisions.

La fin de la revalorisation exceptionnelle a permis un retour à des évolutions plus classiques. Les deux effets majeurs ont repris leur importance, nos prévisions sont désormais plus fiables et les ouvertures en collectif de fin d'année, qui ont été importantes par le passé, ont été réduites. On constate ainsi peu d'écart entre la prévision de la loi de finances initiale pour 2014 et l'exécution, ainsi que des ouvertures de crédits limitées en collectif.

Les dynamiques de prestations sont donc plus ou moins complexes à estimer. Nous travaillons avec des statisticiens en nous efforçant d'intégrer dans nos projections les phénomènes qui peuvent faire évoluer les paramètres. Il est compliqué de s'ajuster mais je ne crois pas que cela invalide pour autant la sincérité et le sérieux de nos prévisions.

En ce qui concerne la fiabilité des prévisions relatives à la prime d'activité par rapport à la future exécution budgétaire, je voudrais ici rappeler l'histoire récente de la généralisation du RSA en juin 2009 et insister sur la difficulté inhérente au passage d'une simulation théorique, à partir de modèles statistiques, à la réalité. En effet, il nous est impossible de simuler quel sera le taux de recours à la prestation.

S'agissant du RSA, à l'époque, nous avions fait le choix de considérer que le taux de recours serait maximal. Autrement dit, dès la première année de la mise en place de la réforme, il était nécessaire de budgéter le dispositif à son montant cible. Or, en pratique, on a constaté que la prestation ne trouvait pas son public et que le taux de non-recours demeurait important dans la durée. En outre, avant d'atteindre le palier connu par cette prestation sur les années récentes, on s'est heurté à un phénomène de montée en charge, sur lequel aucun statisticien ne peut s'engager, dans la mesure où chaque montée en charge de chaque prestation a été différente.

Pour conclure, je dirais que nos simulations sont les plus fiables possibles, nos données étant issues de micro-simulations croisées et convergentes entre plusieurs départements statistiques. Elles nous permettent de produire des études d'impact fournissant à la fois des montants individuels par composition du foyer ou par tranche de revenus, et de simuler un impact budgétaire.

En revanche, une donnée demeure une inconnue dans la présentation du prochain projet de loi de finances pour 2016, même si l'on en a tenu compte dans la projection budgétaire. Nous évaluons le taux de recours à 50 %, et nous émettons des hypothèses sur les conditions de montée en charge. Mais cela reste des hypothèses et il sera temps de revenir sur leur pertinence lorsque nous discuterons de l'exécution 2016.

Vous m'avez par ailleurs interrogée sur l'intérêt de l'expérimentation pour sortir des modèles théoriques. Pour la direction générale de la cohésion sociale, il est clair que l'expérimentation en matière sociale constitue un outil précieux. Toutefois, encore faut-il réaliser de telles expérimentations dans des conditions sérieuses, comme nous l'avons fait pour le RSA, à travers la mise en place de territoires pilotes d'un côté et de territoires témoins de l'autre, ainsi que d'un dispositif de collecte d'indicateurs et de suivi. L'expérimentation présentait un réel intérêt dans le cas du RSA « activité ». En effet, celui-ci poursuivait plusieurs objectifs, notamment le soutien au revenu des travailleurs modestes et le retour à l'activité pour éviter la discontinuité entre des situations de non-emploi et des situations d'emploi. Dans ce cas, il était décisif de pouvoir disposer d'informations sur l'effectivité des reprises d'emploi associées. Effectivement, lorsque l'on a comparé le revenu des personnes percevant le RSA « activité » à celui de celles qui ne le recevaient pas dans la phase expérimentale, on a pu constater clairement que les bénéficiaires avaient des revenus plus élevés que les autres.

Pour autant, l'expérimentation présente peut-être moins d'intérêt au regard de la prime d'activité. En effet, cette prestation poursuit avant tout un objectif primordial de soutien au pouvoir d'achat. Doit-elle viser un effet incitatif sur le retour à l'emploi ? Ce n'est pas son but premier. Il s'agit de mettre en place une aide monétaire différente, concentrée sur des publics qui disposent d'un revenu d'activité qui ne correspond pas, pour la plupart d'entre eux, à un revenu d'activité à temps plein, mais qui sont d'ores et déjà en voie d'insertion sur le marché du travail. Le Gouvernement a d'abord visé un objectif de rapidité dans le déploiement de cette réforme.

M. Serge Dassault . - Vous n'avez pas répondu sur le financement de la prime d'activité.

Mme Virginie Magnant, cheffe de service des politiques d'appui et adjointe à la directrice générale de la cohésion sociale . - Le financement de la prime d'activité sera assuré par l'État. Le RSA bénéficiait d'un double financement en provenance des conseils généraux pour le RSA « socle » et de l'État pour le RSA « activité ».

La prime d'activité sera quant à elle exclusivement financée par l'État, à travers deux sources existantes : les crédits consacrés au RSA « activité », qui continueront d'être alloués à la prime d'activité, et les financements auparavant dédiés à la prime pour l'emploi, qui seront réorientés vers la prime d'activité.

M. Serge Dassault . - Quel sera le montant total de ces recettes ?

Mme Virginie Magnant, cheffe de service des politiques d'appui et adjointe à la directrice générale de la cohésion sociale . - Cela représente un montant total estimé à 3,8 milliards d'euros.

D. AUDITION DE MME EMMANUELLE WARGON, DÉLÉGUÉE GÉNÉRALE À L'EMPLOI ET À LA FORMATION PROFESSIONNELLE (10 JUIN 2015)

Réunie le mercredi 10 juin 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'audition de Mme Emmanuelle Wargon, déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle, responsable des programmes 102 « Accès et retour à l'emploi » et 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi », sur les contrats aidés et de génération .

Mme Michèle André , présidente . - Nous poursuivons notre série d'auditions préparatoires à l'examen du projet de loi de règlement. Je vous rappelle que nous avons souhaité entendre, cette année, des responsables de programme sur des sujets bien identifiés et à fort enjeu budgétaire. Je vous précise en outre que ces auditions sont ouvertes à la presse.

Nous accueillons notre collègue Michel Forissier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales sur la mission « Travail et emploi ».

Aux termes de l'article 70 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, les responsables de programme sont chargés de trois missions principales : établir le projet annuel de performances prévu à l'article 51 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), dans lequel il leur est demandé de préciser les orientations stratégiques ainsi que les objectifs du programme et de justifier des crédits et des autorisations d'emplois demandés ; assurer le pilotage du programme dont ils ont la charge ; établir le rapport annuel de performances prévu à l'article 54 de la LOLF.

Nous recevons aujourd'hui Emmanuelle Wargon, déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle du ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, afin d'examiner l'exécution des crédits du programme 102 consacrés aux contrats aidés et du programme 103 consacrés au contrat de génération.

M. François Patriat , rapporteur spécial de la mission « Travail et emploi » . - Le programme 102 « Accès et retour à l'emploi », sur lequel sont financés les contrats aidés, était doté pour 2014 de 7,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 7,2 milliards d'euros en crédits de paiement (CP).

La loi de finances initiale pour 2014 prévoyait la conclusion de 430 000 contrats aidés, dont 340 000 contrats d'accompagnement dans l'emploi dans le secteur non-marchand (CUI-CAE), 40 000 contrats d'initiative emploi dans le secteur marchand (CUI-CIE) et 50 000 emplois d'avenir.

Ces objectifs ont été dépassés puisque 495 000 contrats aidés ont été conclus en 2014, dont 350 000 CUI-CAE, 50 000 CUI-CIE et 95 000 emplois d'avenir, dont 10 000 emplois d'avenir professeur.

La dépense en faveur de ces contrats s'est élevée à 3,7 milliards d'euros en AE, soit un écart de 3,5 % par rapport aux prévisions, qui s'explique notamment par la décision prise au mois de juin 2014 d'augmenter l'enveloppe de contrats aidés.

Par ailleurs, 256 millions d'euros en AE et 83,5 millions d'euros en CP ont été consacrés aux contrats de génération.

Mes premières questions portent sur les contrats aidés. La performance de ces dispositifs n'est plus mesurée depuis l'exercice 2013. Il serait pourtant utile pour le Parlement de connaître l'impact de ces dispositifs sur l'emploi. Pourriez-vous nous indiquer les raisons pour lesquelles les indicateurs de performance ne sont plus renseignés ? Disposez-vous de statistiques, même provisoires, sur les taux d'insertion dans l'emploi après la sortie d'un contrat aidé ?

Par ailleurs, le rapport annuel de performance ne dit rien sur la qualité de l'emploi. Pourriez-vous nous préciser quelle est la répartition entre CDD et CDI pour chacun de ces types de contrats ?

Enfin, dans une note de septembre 2014, la DARES relevait que moins d'un tiers des bénéficiaires de contrats aidés avaient suivi une formation. Or, cette même étude rappelait que « le fait d'avoir suivi une formation s'accompagne d'une probabilité supérieure d'être en emploi six mois après la sortie de contrat aidé et ce quel que soit le contrat ». Pourriez-vous nous indiquer si ces chiffres sont toujours d'actualité et si des mesures sont envisagées pour améliorer l'accès à la formation de ces personnes ?

Mme Emmanuelle Wargon, déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle . - S'agissant du volet performance, dans un souci de précision, nous nous appuyons sur les données produites par la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES). La précédente étude portait sur la cohorte de bénéficiaires de contrats aidés sortis en 2012. La DARES réalisant ce type d'enquêtes tous les quatre ans environ, la prochaine devrait avoir lieu l'an prochain.

La DARES a en outre publié, au premier semestre 2015, une enquête qualitative dans laquelle il est précisé que près de 90 % des personnes ayant bénéficié d'un contrat aidé ou qui ont été accueillies par des structures d'insertion économique étaient satisfaites de cette expérience et considéraient qu'elle avait constitué une aide dans leur processus de réinsertion. Il ressort également de cette étude que l'accompagnement est modulé en fonction de l'intensité des difficultés des personnes.

Par ailleurs, il me semble nécessaire de distinguer la performance de chacun des types de contrats. S'agissant de l'accès à l'emploi à l'issue d'un contrat aidé dans le secteur marchand, le taux d'insertion est compris entre 60 et 70 %. Ce taux est de 30 % pour le secteur non-marchand. Je précise cependant qu'un effet d'aubaine existe dans le secteur marchand, que la DARES estime à deux tiers des recrutements en contrats aidés environ.

Au cours des trois dernières années, la politique du ministère s'est concentrée sur deux actions visant à améliorer les caractéristiques qualitatives de ces contrats :

- allonger la durée des contrats afin de permettre aux bénéficiaires d'avoir un parcours d'insertion plus solide. La durée moyenne des contrats est ainsi passée de 6 ou 7 mois en 2012 à 11 ou 12 mois aujourd'hui ;

- développer la formation des bénéficiaires de contrats aidés, avec un effort particulier pour les emplois d'avenir, conformément aux engagements du Gouvernement. Plus des deux tiers des emplois d'avenir bénéficient ainsi d'un engagement de formation, qui se réalise dans la première année. Pour répondre à votre question sur la répartition entre CDI et CDD, environ un tiers des emplois d'avenir sont conclus en CDI pour deux tiers en CDD.

Par ailleurs, au cours de l'année 2014, il a été décidé de basculer une partie de la dotation destinée aux contrats aidés vers des aides au poste dans le cadre de l'insertion par l'activité économique. Il est en effet plus structurant pour ces employeurs de bénéficier d'un financement par poste plutôt que d'une enveloppe de contrats aidés dont la taille varie en fonction des décisions prises en la matière.

Nous avons lancé une expérimentation dans sept ou huit régions destinée à développer une logique de contractualisation de moyen terme avec les employeurs de contrats aidés « classiques », associations et collectivités territoriales, afin de leur permettre de bénéficier d'une meilleure visibilité sur le volume de contrats aidés qui leur sera octroyé. En contrepartie, ces employeurs doivent prendre des engagements en matière de qualité de l'accompagnement des personnes en contrats aidés.

S'agissant de votre question relative à la formation, les actions à destination des bénéficiaires d'emplois d'avenir sont financées par une contribution exceptionnelle des employeurs publics versée au centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), par des crédits issus des fonds de la formation professionnelle « classique » pour les personnes bénéficiant d'un contrat dans le secteur privé et par des crédits mutualisés de la formation professionnelle, du fonds paritaire dédié à la formation des emplois d'avenir et des crédits communautaires de l'initiative pour l'emploi des jeunes.

Cette question du financement de la formation des bénéficiaires de contrats aidés est une question majeure pour les structures d'insertion, qu'il s'agisse des structures d'insertion par l'activité économique ou des employeurs « classiques » de contrats aidés. Des discussions sont en cours avec les partenaires sociaux sur une éventuelle participation des fonds mutualisés de la formation professionnelle, au-delà de l'effort qui a été consenti pour les emplois d'avenir.

Une autre solution pourrait consister à étendre le principe d'une contribution versée par les employeurs au CNFPT, comme cela est déjà le cas pour les emplois d'avenir, à l'ensemble des employeurs de contrats aidés du secteur public.

M. François Patriat , rapporteur spécial de la mission « Travail et emploi » . - Un nouveau type de contrat aidé a été mis en place depuis le 14 avril 2015 : le CIE starter à destination des jeunes de moins de trente ans rencontrant des difficultés particulières d'insertion professionnelle. Pourriez-vous nous en préciser les modalités ainsi que les objectifs ? Ce dispositif ne figurait pas dans la loi de finances pour 2015 : quel en sera le coût ? Sur quelle enveloppe ce nouveau dispositif sera-t-il financé ?

De manière plus prospective, 170 millions d'euros supplémentaires pourraient être consacrés aux contrats aidés en 2015. Pourriez-vous nous confirmer cette information ? À quelles actions précises sera consacrée cette enveloppe et comment sera-t-elle financée ?

Mme Emmanuelle Wargon, déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle . - Le CIE starter repose sur la même base juridique que le CUI-CIE. Il vise à majorer le taux d'aide pour les entreprises employant un jeune rencontrant des difficultés. En moyenne, le taux normal s'élève, je le rappelle à 30,7 %. Dans le cadre du CIE starter, ce taux sera porté à 45 %. Ce dispositif doit bénéficier aux jeunes diplômés issus des quartiers de la politique de la ville ou aux jeunes rencontrant des difficultés particulières. Il est donc complémentaire aux emplois d'avenir, qui sont destinés aux jeunes sans qualification.

La dépense au titre de ce nouveau dispositif est estimée à 10 millions d'euros en 2015. Elle s'ajoutera à celle destinée au financement des 100 000 contrats aidés supplémentaires déjà prévus pour 2015, dont 70 000 CUI-CAE et 30 000 emplois d'avenir. Comme vous le rappeliez, cette dépense supplémentaire n'était pas inscrite en loi de finances pour 2015. Elle sera donc financée par les mécanismes traditionnels de « dégel » de la réserve de précaution ou de décret d'avance.

M. François Patriat , rapporteur spécial de la mission « Travail et emploi » - Enfin, ma dernière série de questions porte sur le contrat de génération. La loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale a facilité l'accès à l'aide pour les entreprises de 50 à 299 salariés qui ne sont plus soumises à l'obligation de négociation préalable. Par ailleurs, le décret du 12 septembre 2014 a porté le montant de l'aide versée à 8 000 euros pour les entreprises qui recrutent un jeune de moins de 26 ans en CDI et embauchent, simultanément un salarié d'au moins 55 ans. Ces mesures se sont-elles traduites par une accélération du nombre de contrats signés ?

S'agissant du volet collectif, pourriez-vous nous indiquer combien d'accords et plans ont été conclus ainsi que leur contenu ?

Enfin, pourriez-vous nous indiquer le nombre de pénalités prononcées par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) à l'encontre d'entreprises employant plus de 300 salariés non couvertes par un accord collectif ou un plan d'action intergénérationnel ?

Mme Emmanuelle Wargon, déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle . - La mesure à laquelle vous faites référence, qui était prévue par la loi du 5 mars 2014, vise à ouvrir le dispositif du contrat de génération afin qu'il soit plus favorable à l'emploi des jeunes comme des séniors. L'aide du contrat de génération est ainsi doublée lorsqu'une entreprise recrute simultanément un jeune et un sénior. Je ne dispose pas de chiffres sur le nombre de recrutements qui ont eu lieu dans ce cadre. Au niveau agrégé, le ministère a recensé 45 000 demandes d'aides et 38 500 contrats en cours, à la fin du mois de mai 2015. Ces chiffres sont inférieurs aux estimations du Gouvernement, qui prévoyait la conclusion de 40 000 contrats en 2014, alors que 20 000 seulement ont été signés. Cet écart est dû à une difficulté de prévision initiale, qui reposait sur une hypothèse plus optimiste de reprise économique.

S'agissant de votre question sur le nombre d'accords, toutes les grandes entreprises sont désormais couvertes par des accords, qu'ils soient spécifiques sur le contrat de génération ou plus globaux, et il n'y a pas eu, à ma connaissance, de pénalités prononcées.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Lors de l'examen de la loi de finances pour 2015, le Sénat a adopté plusieurs amendements visant notamment à diminuer le nombre de contrats aidés dans le secteur non-marchand tout en préservant les crédits destinés aux contrats aidés dans le secteur marchand. Le Sénat a en effet considéré, d'une part, que le taux d'insertion dans l'emploi des contrats dans le secteur marchand était plus élevé et, d'autre part, que les employeurs publics, en particulier les collectivités territoriales, avaient atteint leurs limites en termes de recrutements de contrats aidés.

Ne pensez-vous pas que, dans un contexte de réduction du budget des collectivités territoriales, le programme de stabilité prévoyant une baisse supplémentaire de leurs dépenses de 1,2 milliard d'euros, celles-ci auront de plus en plus de difficultés à s'engager dans ce type de contrats ?

Par ailleurs, pourriez-vous nous indiquer pourquoi le ministère est encore réticent à avoir davantage recours aux contrats aidés dans le secteur marchand alors que ceux-ci ont de meilleurs résultats en matière d'accès à l'emploi durable ?

Mme Emmanuelle Wargon, déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle . - Je souhaiterais tout d'abord rappeler que l'enveloppe de contrats aidés dans le secteur marchand pour 2014, qui s'élevait en loi de finances initiale à 40 000, a été portée en cours d'année à 50 000. Par ailleurs, 80 000 contrats de ce type sont programmés pour 2015. Le Gouvernement a donc suivi votre raisonnement en faisant le choix de doubler le nombre de CUI-CIE entre les deux lois de finances.

S'agissant des contrats aidés dans le secteur non marchand, la budgétisation était en effet élevée. En 2014, après débasage lié au basculement d'une partie de la dotation vers l'aide au poste des chantiers d'insertion, 300 000 contrats ont ainsi été conclus.

Il me semble néanmoins nécessaire de s'intéresser à l'intégralité de l'effort consenti en faveur de l'insertion, qu'il s'agisse de l'insertion par l'activité économique comme des contrats aidés pris en charge par les collectivités territoriales et certaines associations. Nous nous trouvons en effet dans une situation paradoxale où les structures d'insertion par l'activité économique, je pense notamment aux chantiers d'insertion et aux entreprises d'insertion, souhaiteraient une augmentation du nombre d'aides au poste, alors que, dans le même temps, les collectivités territoriales ou les associations semblent atteindre les limites de leurs capacités en matière de recrutements de contrats aidés.

C'est la raison pour laquelle, le ministère souhaite développer une fongibilité entre ces deux secteurs. Un basculement de crédits destinés aux contrats aidés vers l'insertion par l'activité économique a eu lieu pour la première fois en 2014. Cela devrait aussi être le cas en 2015. Concrètement, les DIRECCTE, sous l'autorité des préfets, pourront, en fonction des situations locales, privilégier le recours à des contrats aidés ou à des aides au poste. Je rappelle d'ailleurs que les structures d'insertion par l'activité économique sont des employeurs dits « de transition », dont le métier est précisément d'accompagner ce type de personnes.

Enfin, s'agissant de l'impact sur l'emploi de ces dispositifs, les taux d'insertion dans l'emploi six mois après la sortie d'un contrat aidé sont, en effet, plus élevés dans le secteur marchand que dans le secteur non-marchand : 68 % pour les CIE contre 48 % pour les CAE. Je souhaiterais néanmoins apporter deux précisions. Tout d'abord, si le CIE permet de « contourner la file d'attente », il n'est pas à l'origine de la décision d'embaucher, l'effet déclencheur de ce dispositif étant, en réalité, relativement faible. A contrario , les contrats aidés dans le secteur non marchand constituent des créations nettes d'activité. Ils permettent en outre à des personnes souvent éloignées de l'emploi de renouer avec le marché du travail. En effet, pour les chômeurs de longue durée, plus l'expérience professionnelle est ancienne, plus le recrutement est difficile, quelle que soit d'ailleurs la nature du recruteur. Dès lors, même si la création d'emploi n'est pas pérenne, il convient de conserver ces opportunités pour maintenir l'employabilité.

M. Michel Forissier . - Mes collègues ont déjà abordé les aspects budgétaires et comptables. Je souhaiterais, pour ma part, poser une question d'ordre général, relative à l'esprit du système. Je vous l'ai déjà indiqué lors d'une précédente audition, je suis, pour ma part, favorable à un contrat unique d'insertion pour renforcer la lisibilité de ce dispositif.

Par ailleurs, l'effort consenti dans le secteur marchand est logique dans la mesure où les taux d'insertion sont plus élevés.

S'agissant du recours aux contrats aidés par les collectivités territoriales, il me semblerait préférable que les recrutements répondent à un besoin réel et non au « plaisir de faire du contrat », comme cela est parfois le cas.

Sur la question de la formation de ces personnes, nous gagnerions à adopter une approche plus globale. J'ai conduit une délégation sénatoriale en Allemagne et en Autriche en avril dernier et nous avons été surpris de la grande cohérence des actions menées en faveur de la formation dans ces deux États pourtant fédéraux. Cela contraste avec la situation en France, pays de tradition jacobine, où il n'existe pas de pilotage homogène et cohérent de la formation dans l'ensemble des régions.

Enfin, je rejoins mes collègues sur la nécessité pour les parlementaires de pouvoir s'appuyer sur des indicateurs de performance renseignés chaque année. Il n'est, en effet, pas normal le budget soit voté alors que les résultats de l'année précédente ne sont pas connus. De ce point de vue, l'État devrait respecter les mêmes contraintes que celles qu'il impose aux collectivités.

Mme Emmanuelle Wargon, déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle . - Il me semble important de différencier le suivi budgétaire, qui est déjà effectué par le ministère, et l'analyse de l'efficacité. Sur ce dernier aspect, le déploiement de la déclaration sociale nominative devrait permettre un meilleur suivi des parcours des bénéficiaires de contrats aidés.

S'agissant de l'utilisation des contrats aidés par les collectivités territoriales, les deux approches existent. Certaines considèrent ces contrats comme une forme de pré-recrutement. D'autres les perçoivent davantage comme un appui à un parcours professionnel individuel. Cette utilisation est en outre variable selon le type de contrats. Les collectivités privilégient plutôt le recours aux emplois d'avenir lorsqu'elles envisagent un recrutement pérenne.

D'une manière générale, le sujet de formation des personnes en insertion ne me semble pas suffisamment traité. Les efforts consentis par le CNFPT sont, à cet égard, encourageants, mais les moyens consacrés demeurent limités. Le financement de la formation pour ce type de personnes, qui ne sont pas des demandeurs d'emploi et qui n'ont donc pas accès à la formation des demandeurs d'emploi, mais dont les besoins sont supérieurs à ceux des autres salariés, est un vrai sujet.

Cette question devrait être abordée dans le cadre de la gouvernance nationale quadripartite, qui rassemble l'État, les organisations syndicales et patronales, et les régions, afin de parvenir à une meilleure articulation entre les fonds destinés à la formation des demandeurs d'emplois et ceux destinés à la formation des salariés.

M. Michel Bouvard . - Je partage les observations de François Patriat : nous ne pouvons-nous satisfaire de l'absence de documentation sur un certain nombre d'indicateurs depuis maintenant trois ans. Ce n'est ni l'esprit, ni la lettre de la LOLF. Nous savons, certes, que la DARES est performante. Mais ce qui m'inquiète le plus, c'est sans doute l'indication du rapport annuel de performance selon laquelle l'indicateur relatif au contrat unique d'insertion ne serait pas pertinent : un commentaire précise que « sans comparaison avec les individus témoins, l'indicateur ne constitue pas une mesure d'efficacité du passage en contrat aidé ». Dans ce cas, quels sont les travaux entrepris pour obtenir un indicateur qui soit non seulement renseigné mais aussi judicieux ?

J'aimerais aussi connaître la part des crédits du fonds social européen (FSE) dans l'action menée par l'État. Nous ne disposons pas, au travers des documents budgétaires, d'éléments sur ce sujet. Quelle évolution connaissent-ils ? Quel est le taux de mobilisation ?

Il est fait état, dans le rapport annuel de performance, de consommations de crédits imputées par erreur sur l'action 01 « Amélioration de l'efficacité du service public de l'emploi » dans l'applicatif Chorus : s'agit-il d'une simple erreur technique ou est-ce un problème qui porte sur le système lui-même ?

Je m'interroge également quant aux contrats d'insertion par l'activité : initialement, ils ont été créés pour favoriser le retour à l'emploi des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA). Les départements et Pôle Emploi étaient ainsi responsables de la mise en oeuvre de ces contrats. En 2014, l'enveloppe allouée à ce dispositif, d'environ 3,5 millions d'euros, n'a pas du tout été consommée : aucun département, aucune structure de Pôle emploi n'a fait de demande. Cela signifie-t-il que ce dispositif est abandonné ? Sait-on pourquoi ?

Enfin, j'aimerais savoir quand est prévue la signature du contrat d'objectifs et de moyens de l'Agence de services et de paiement (ASP) et si les observations et recommandations de la Cour des comptes seront prises en compte.

M. Philippe Dallier . - J'aimerais souligner les difficultés que peuvent rencontrer les collectivités territoriales dans la mise en oeuvre des contrats aidés. Il existait, il y a une petite dizaine d'années, un accord-cadre avec l'Unédic, qui permettait aux collectivités d'adhérer au régime d'assurance chômage pour la seule prise en charge de l'indemnisation des anciens bénéficiaires de contrats aidés. Ce dispositif, qui est arrivé à échéance au 31 décembre 2007 et qui n'a pas été reconduit ensuite, avait, certes, un coût, mais cela permettait aux collectivités territoriales, qui sont normalement leur propre assureur en matière d'indemnisation du chômage, d'accepter de prendre en charge et de donner leur chance à des personnes en difficulté, ce qu'elles ont arrêté de faire. Face au coût de l'assurance chômage pendant un ou deux ans, les avantages procurés pendant la période du contrat aidé n'apparaissent pas suffisants pour emporter la décision. En effet, aujourd'hui, le risque de devoir payer, à la suite d'un contrat aidé, un voire deux ans de chômage, est trop élevé pour que les collectivités territoriales acceptent de le prendre. En tant que maire, je sais que nous avions à une époque, dans ma commune, jusqu'à trente contrats aidés ! Ces recrutements étaient, pour certains, liés à l'anticipation de départs en retraite, mais il s'agissait aussi d'essayer de former des publics en difficulté et de leur remettre le pied à l'étrier. Aujourd'hui, nous n'en avons plus un seul, dans un souci de limiter les risques financiers qui en découlent. L'État nous demande de faire des économies, notamment en matière de dépenses de personnel : nous ne pouvons pas être schizophrènes ! Je veux bien jouer le jeu en matière de formation, mais la collectivité territoriale ne peut assumer seule le risque financier.

Avez-vous évoqué, dans le cadre de vos travaux, la possibilité de revenir à un système comparable à ce qui existait auparavant ? Le sujet est-il sur la table ? Dispose-t-on d'une évaluation des coûts que cela impliquerait ? Il me semble qu'une telle solution conduirait à une plus forte implication des collectivités territoriales sur ces dispositifs.

M. Serge Dassault . - Vous nous avez expliqué que les emplois d'avenir concernent des jeunes sans qualification. Il me semble essentiel de se demander pourquoi ces personnes sortent du système scolaire sans qualification. L'éducation nationale ne fonctionne pas correctement, et au lieu d'essayer d'améliorer son organisation, on supprime peu à peu toute forme de sélection, de note, d'examen...

La formation professionnelle des jeunes est la clé de leur intégration sur le marché du travail. Sans elle, les contrats aidés ne servent à rien !

M. Antoine Lefèvre . - Je voudrais faire remonter quelques informations et questions du terrain. Après un an, subsistent beaucoup d'incompréhensions, auprès des partenaires, autour de la réforme intervenue dans le domaine des contrats d'insertion. Les DIRECCTE ont souvent des difficultés à répondre à nos interrogations. La période transitoire a été un peu compliquée, puisque les informations ne sont parfois arrivées qu'après la signature des contrats... On sent que la réforme n'est pas encore tout à fait « digérée ».

En outre, je m'interroge quant aux difficultés administratives de gestion des dispositifs, notamment du fait du logiciel de paiement de l'ASP : la différenciation du suivi entre contrat unique d'insertion (CUI) et CDD d'insertion (CDDI) par l'ASP complexifie considérablement la gestion de ces contrats et conduit à des problèmes de suivi des remboursements.

Une piste consisterait peut-être à mutualiser un certain nombre d'outils entre les maisons départementales de l'emploi et de la formation et Pôle emploi, notamment en termes de base de données d'offres, de profils de candidats, de subventions... La création d'une plate-forme départementale serait judicieuse pour aider les petites communes, qui ne disposent pas de l'expertise nécessaire pour utiliser, seules, le dispositif.

M. Maurice Vincent . - La meilleure gestion possible des financements doit bien entendu être recherchée et il faut garantir l'efficacité des contrats aidés. Mais leur effet positif ne doit pas seulement être apprécié en termes d'emploi et d'insertion sur le marché du travail. Il faut aussi tenir compte des effets psychologiques majeurs qui découlent de ces contrats : comme j'ai pu le constater sur le terrain, il est très important de « mettre le pied à l'étrier » de personnes en difficulté. Il faut tenir compte de tous les avantages et de tous les inconvénients du dispositif. Ces dépenses peuvent, certes, paraître lourdes pour les collectivités, mais en intégrant tous les bénéfices du dispositif, elles me semblent pleinement justifiées.

Mme Michèle André , présidente . - J'aimerais savoir si vous suivez plus particulièrement les personnes handicapées. En période de crise économique et de chômage élevé, celles-ci sont encore davantage fragilisées. En 2011 déjà, la Cour des comptes recommandait de porter une attention particulière à ces publics. Comment s'organise et se matérialise votre suivi sur ces questions ?

Mme Emmanuelle Wargon, déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle . - S'agissant des indicateurs, il est en effet important de poursuivre nos efforts en vue de renseigner plus rapidement et de façon plus précise les données concernées, par exemple sur le nombre de personnes qui rentrent dans les parcours, tout en les renforçant par des enquêtes réalisées par la DARES.

En ce qui concerne le Fonds social européen (FSE), il me paraîtrait pertinent de rendre compte dans les documents budgétaires de l'usage des crédits communautaires qui en sont issus. Il est vrai qu'actuellement, les systèmes sont relativement segmentés. Au sein de la DGEFP, nous nous efforçons de faire en sorte que les équipes qui mobilisent des crédits européens travaillent de concert avec les équipes chargées des dispositifs classiques. On essaie aussi d'adopter cette démarche au niveau des DIRECCTE, sachant que le FSE est désormais géré, pour un tiers des crédits, par les régions. On pourrait donc tout à fait introduire des innovations dans les prochains documents budgétaires, en y ajoutant au moins quelques éléments de contexte et des données macroéconomiques sur la place du FSE.

S'agissant de l'erreur d'affectation dans Chorus, je ne suis pas capable de vous répondre maintenant, mais je pourrai vous apporter une réponse plus précise par écrit.

Monsieur Bouvard, vous avez évoqué les contrats d'insertion - je pense que vous faites allusion à des dispositifs en extinction, datant d'avant le contrat unique d'insertion, qui existent encore dans les DOM.

Je voudrais également attirer votre attention sur un sujet qui pourrait s'avérer rapidement préoccupant, et qui concerne les partenariats avec les conseils départementaux en matière de contrats aidés. En effet, comme vous le savez, les textes prévoient que l'État signe une convention avec chacun des conseils départementaux, qui précise une cible d'entrée dans les dispositifs de contrats aidés des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA). Cette disposition permet un co-financement de ces contrats, lequel mobilise l'allocation qui aurait été versée au bénéficiaire du RSA s'il n'était pas en contrat aidé. De mémoire, le taux doit être à 80 % de l'allocation versée à cette occasion.

Cette contractualisation existe pour les contrats aidés ; elle devrait aussi exister pour les structures d'insertion par l'activité économique. Or, on se heurte à des difficultés, certains conseils départementaux ne souhaitant pas contractualiser, ou bien sur des volumes très faibles. Alors que le taux de co-contractualisation devrait être de 15 % à 20 % pour les contrats aidés, il oscille plutôt entre 5 % et 10 %. Toutes choses égales par ailleurs, cette situation renchérit le coût de prise en charge des contrats aidés pour l'État et contribue au dépassement de l'enveloppe en cours d'exercice budgétaire.

Pour des raisons presque éthiques, nous ne souhaitons pas bloquer l'entrée des bénéficiaires du RSA dans tous les dispositifs d'insertion. Je me refuse absolument à le faire, car on ne peut évidemment pas répercuter sur les publics en difficulté les problèmes de contractualisation existant entre l'État et les conseils départementaux.

En conséquence, le nombre réel de bénéficiaires du RSA dans les contrats aidés ou dans l'insertion par l'activité économique est supérieur à celui qui est affiché dans les contractualisations entre les conseils départementaux et État.

Par exemple, si l'on décide, au niveau d'un département, que le conseil départemental financera 100 contrats aidés, on ne va pas pour autant renvoyer la 101 e personne, que l'on intégrera de fait dans les dispositifs. Or, il est évident que l'écart croissant entre le nombre de personnes qui bénéficient des contrats aidés ou de l'insertion par l'activité économique et la contractualisation sous-jacente financière entre le conseil départemental et l'État finira par nous poser une vraie difficulté.

À cet égard, je voudrais insister sur un progrès acquis sur la période précédente, qui me paraît très important, et qui concerne le nouveau mode de contractualisation entre Pôle Emploi et les départements sur les modalités d'accompagnement.

En effet, Pôle emploi a accepté d'internaliser, avec des crédits du FSE, la prise en charge professionnelle renforcée des bénéficiaires du RSA. Nous sommes ici en amont de la prescription des contrats. Pôle Emploi requiert simplement des départements, en retour, qu'ils s'engagent sur l'accompagnement et la prise en charge sociale, qu'il s'agisse des bénéficiaires du RSA ou des autres publics en difficulté.

Ce mécanisme, dénommé accompagnement global, est proposé par Pôle emploi à tous les départements, dont environ un sur deux y a actuellement souscrit. Cette démarche constitue une véritable avancée dans la mesure où, auparavant, l'opérateur facturait aux départements l'accompagnement professionnel renforcé.

En ce qui concerne le contrat de performance de l'ASP, il devrait être examiné lors du conseil d'administration de cette dernière fin juin ou début juillet.

La question relative au financement de l'assurance-chômage des personnes en contrats aidés n'est pas revenue récemment sur la table, mais je comprends qu'elle constitue une difficulté et un sujet de préoccupation. Il est vrai que l'on demande désormais à chaque collectivité d'être son propre assureur ou de contractualiser avec Pôle Emploi pour qu'il joue le rôle d'assureur, moyennant un coût. Cette question pourrait donc être reposée à la suite de votre intervention.

En réponse aux questions de Serge Dassault, je peux vous indiquer que nous travaillons de plus en plus en partenariat avec l'éducation nationale pour effectuer la meilleure prise en charge précoce possible des jeunes. Nous avons ainsi systématisé les plateformes de lutte contre le décrochage, action qui nous permet, dans la France entière, d'identifier tous les jeunes qui quittent en cours ou en fin d'année le système scolaire sans qualification, à travers une gestion des données entre l'éducation nationale et le service public de l'emploi - à commencer par les missions locales. Nous sommes donc capables de faire des propositions à tous les jeunes en situation de décrochage. L'éducation nationale a par ailleurs mis en place un droit au retour à la formation initiale sous statut scolaire.

En outre, le Gouvernement a mis en place un conseil national école-entreprise actuellement présidé par Pierre Ferracci. Cet organe, qui regroupe à la fois des entrepreneurs et des personnels de l'éducation nationale, travaille à une meilleure connaissance du monde de l'entreprise dans le cadre des parcours des jeunes et des scolaires, à travers la multiplication d'expériences innovantes du type « mini entrepreneurs ». Nous structurons donc du mieux que nous le pouvons des passerelles avec l'éducation nationale.

En ce qui concerne la réforme de l'insertion par l'activité économique (IAE), il est vrai que l'année de transition a été une année difficile en matière de contractualisation avec les structures. La situation me paraît meilleure cette année que l'an dernier. Nous étudions cela très attentivement dans le cadre du comité de suivi de la réforme, présidé par la sénatrice Christiane Demontès. On se heurte toutefois à un problème de système d'information. En effet, tout cela est gêré par l'ASP dans deux systèmes d'information distincts, mais la refonte du système d'information de l'IAE est en cours et devrait être livrée début 2016.

Enfin, en réponse à la remarque de Maurice Vincent, il est vrai que le fait de donner une opportunité aux jeunes par les emplois d'avenir change assez fondamentalement leur manière d'évoluer par la suite, et l'on a des retours qualitatifs extrêmement positifs à cet égard.

S'agissant des personnes en situation de handicap, nous faisons preuve d'une grande vigilance au niveau des indicateurs de pilotage des différents types de contrats aidés : nous suivons ainsi à la fois les volumes d'entrée mais aussi la situation qualitative. Nous nous efforçons de ne pas piloter ces dispositifs que par les chiffres, mais également en prenant en compte des éléments qualitatifs, tels que la durée. En effet, il est plus facile de réaliser 300 000 contrats aidés de six mois que 300 000 contrats aidés de douze mois. Nous suivons aussi les personnes issues des quartiers prioritaires de la politique de la ville, pour nous assurer que les personnes les plus fragiles ne sont pas évincées des dispositifs au moment où l'on mène un effort particulier.

Enfin, nous développons peu à peu les postes en entreprises adaptées et nous veillons à faire en sorte que l'on consomme bien 100 % des enveloppes budgétaires, notamment en mettant en place une sorte de bourse aux postes entre les régions et les départements. Ainsi, si l'on constate que, dans une région, les postes ne peuvent pas être consommés, cela permet de les réallouer dans les régions qui en ont besoin.

E. AUDITION DE M. M. THOMAS FATOME, DIRECTEUR DE LA SÉCURITÉ SOCIALE (10 JUIN 2015)

Réunie le mercredi 10 juin 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, puis de M. Yvon Collin, vice-président, la commission a procédé à l'audition de M. Thomas Fatome, directeur de la sécurité sociale, responsable du programme 183 « Protection maladie », sur l'aide médicale d'État.

Mme Michèle André , présidente . - Je vous propose de poursuivre cette matinée d'auditions préparatoires à l'examen du projet de loi de règlement en entendant le directeur de la sécurité sociale, Thomas Fatome, qui a participé à notre audition de la semaine dernière consacrée au fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie (fonds CMU), et que nous recevons ce matin en sa qualité de responsable du programme 183 « Protection maladie » de la mission « Santé ». Comme précédemment, cette audition est ouverte à la presse.

Ce programme regroupe quasi-exclusivement les crédits finançant l'aide médicale d'État (AME). Comme vous le savez tous, l'AME apporte une couverture médicale gratuite aux étrangers qui se trouvent de façon irrégulière sur le sol français depuis plus de trois mois et qui sont sans ressources. Cette dépense a très fortement augmenté ces dernières années, et pose des problèmes récurrents de dépassement des crédits prévus en loi de finances initiale. L'année passée, nous avions d'ailleurs entendu la ministre des affaires sociales et de la santé, Marisol Touraine, sur l'exécution des crédits de la mission « Santé » et plus particulièrement de ceux relatifs à l'AME. Constatant une nouvelle sur-exécution - de plus de 25 % - des crédits du programme 183 dédiés à l'AME, nous avons souhaité inviter le responsable du programme, Thomas Fatome, afin qu'il nous explique plus en détails les causes de cette augmentation.

Je salue la présence parmi nous de notre collègue René-Paul Savary, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales sur la mission « Santé ». Sans plus attendre, je donne la parole au rapporteur spécial de la mission « Santé », Francis Delattre.

M. Francis Delattre, rapporteur spécial de la mission « Santé » . - Nos questions seront ciblées sur le programme 183 qui regroupe les crédits de l'AME.

L'AME comporte trois volets. Premièrement, l'AME de droit commun, financée en intégralité sur les crédits du programme 183, et ouverte à tous les étrangers en situation irrégulière, résidant depuis au moins trois mois en France, et possédant des ressources inférieures au plafond d'éligibilité à la couverture maladie universelle (CMU). Deuxièmement, l'AME pour soins urgents, qui est financée à hauteur de 40 millions d'euros par l'État et ne pose pas de véritables problèmes. Troisièmement, l'AME dite « humanitaire », dont le ministre chargé de la santé dispose en fonction de critères laissés à leur appréciation.

Ma première question porte sur les crédits du programme 183 : le projet de loi de finances pour 2014 avait prévu une dépense de 560 millions d'euros pour l'AME de droit commun, alors que l'exécution constatée en 2013 s'élevait à 702 millions d'euros. Quels sont les éléments qui expliquent cette prévision ? Nous n'avions pas obtenu d'explication en première lecture du projet de loi de finances. Cela est d'autant plus gênant que ce sont les crédits du programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » qui sont de ce fait sollicités, et notamment les crédits des agences sanitaires.

Ma deuxième question porte sur les causes de la hausse des dépenses de l'AME. Au-delà de l'augmentation du nombre de bénéficiaires, avez-vous observé une évolution du profil des bénéficiaires en 2014 ? Quelle est la proportion des jeunes mineurs ? Quelles sont les pathologies les plus souvent relevées ?

Ma troisième question porte sur le délai moyen d'instruction des dossiers : l'un des indicateurs de performances fait apparaître une nette hausse de ce délai moyen, qui passe de 31 jours en 2012, à 40 jours en 2013, puis 50 jours en 2014. Cette hausse est-elle liée à l'augmentation du nombre de demandeurs ? Ou aux difficultés à instruire les dossiers, notamment dans certains départements ?

Enfin, les comparaisons européennes font apparaître la grande générosité de l'AME française. Elle offre un accès gratuit à un panier de soins très large. En Allemagne, où un système comparable mais moins coûteux existe, la situation ne me semble pas être aussi difficile. Avez-vous réfléchi à un éventuelle modification du panier de soins, afin de le rapprocher de celui utilisé en Allemagne ?

M. Thomas Fatome, directeur de la sécurité sociale . - La prévision des dépenses de l'AME est un exercice délicat, et ceci de longue date puisque les ouvertures de crédits en loi de finances rectificative sont récurrentes. Nos difficultés à anticiper précisément les dépenses de l'année à venir au moment de l'élaboration de la loi de finances initiale s'expliquent par le fait que nous ne disposons, à ce moment-là, que des résultats du premier semestre de l'année en cours. L'année 2014 n'a pas échappé à la règle et des ouvertures de crédits relativement importantes - 155 millions d'euros - sont intervenues.

Pour autant, la dépense d'AME effectivement supportée par l'Assurance maladie, soit 722 millions d'euros, n'a augmenté que de 1,1 % par rapport à l'année 2013. C'est l'indicateur qui permet d'appréhender l'évolution de la dépense de la manière la plus fine possible. Ce résultat est le fruit de deux tendances contraires. D'une part, une augmentation du nombre de bénéficiaires de 4 % sur l'année 2014, et plus précisément une augmentation de 5,6 % du nombre de bénéficiaires qui consomment des soins. D'autre part, et dans le sens inverse, une meilleure maîtrise de la dépense du fait de la modification de la tarification hospitalière. Nous avons depuis trois ans adapté les règles de la tarification hospitalière, qui étaient auparavant assise sur 100 % des tarifs journaliers de prestation, pour les aligner sur les tarifs du régime général - c'est-à-dire 80 % pour les groupes homogènes de séjour et 20 % pour le tarif journalier de prestation. Nous avons également supprimé progressivement les coefficients de majoration pérennes et transitoires, qui avaient été mis en place pour accompagner cette réforme. Ces différentes mesures ont permis, sur l'année 2014, des économies à hauteur de 95 millions d'euros liées à la pleine montée en charge de la réforme de la tarification, auxquelles s'ajoutent 26 millions d'euros d'économies liées à la suppression des coefficients de majorations - en année pleine, à partir de 2015, cette suppression permettra d'économiser 55 millions d'euros. Ces mesures permettent de baisser la dépense hospitalière, et donc de maîtriser l'augmentation des dépenses d'AME aux alentours de 1 % sur l'année 2014.

M. Francis Delattre, rapporteur spécial de la mission « Santé » . - Ce n'était pas ma question ; pourquoi avoir inscrit 560 millions d'euros en loi de finances initiale, pour l'AME de droit commun, et non pas un montant plus proche de 700 millions d'euros ?

M. Thomas Fatome, directeur de la sécurité sociale . - Il est difficile d'estimer la réalité de la dynamique de la dépense sur l'année à venir, dans la mesure où, au moment de la construction budgétaire, nous ne disposons que des six premiers mois de l'année en cours.

M. Francis Delattre, rapporteur spécial de la mission « Santé » . - L'écart est tout de même considérable entre le montant inscrit en loi de finances initiale et la dépense réelle constatée... Mais au moins peut-on se réjouir que la dépense globale soit presque stabilisée en 2014 par rapport à 2013.

M. Thomas Fatome, directeur de la sécurité sociale . - En ce qui concerne le profil des bénéficiaires de l'AME, nous n'observons pas d'évolution. Les bénéficiaires sont à plus de 60 % des hommes, plutôt jeunes. Un sixième d'entre eux sont des enfants. En ce qui concerne les profils de dépense, le recours à l'hôpital représente les deux tiers des dépenses pour un peu moins d'un tiers de soins de ville ; le recours à l'hôpital est donc beaucoup plus important que pour la population générale. Par ailleurs, les dépenses d'AME sont très concentrées sur quelques caisses primaires d'assurance maladie (CPAM), l'essentiel des bénéficiaires relevant de Paris, Bobigny et Marseille.

Je signale que la hausse des bénéficiaires de l'AME que j'évoquais tout à l'heure, soit 4 % pour les bénéficiaires de l'AME et 5,6 % pour les bénéficiaires « consommants », est en nette décélération par rapport à 2013. Nous retrouvons maintenant le rythme moyen d'augmentation des années 2008-2013.

S'agissant des comparaisons européennes effectuées régulièrement, à la fois par les travaux des deux assemblées et les inspections, elles me semblent devoir être prises avec beaucoup de prudence. Il importe de distinguer entre ce qui relève des règles nationales et de la pratique. L'Espagne, par exemple, a introduit des dispositions très restrictives en 2012, qu'elle est aujourd'hui en train de modifier. En Allemagne, nos travaux montrent que, dans la plupart des cas, les municipalités complètent les dispositifs d'accès aux soins, pour des raisons de santé publique. Par rapport à la Belgique, à l'Italie ou aux Pays-Bas, le panier de soins offert par la France est sans doute dans la moyenne supérieure, mais tout de même proche de la moyenne.

Nous ne sommes pas restés inactifs pour autant. Ces dernières années, nous avons procédé à quelques ajustements du panier de soins. En 2011, les cures thermales et la procréation médicalement assistée (PMA) en ont été retirées. En 2015, nous avons supprimé de la liste, pour les bénéficiaires majeurs de l'AME, les médicaments à service médical rendu faible, remboursés à 15 %.

Faut-il aller plus loin ? Il s'agit avant tout d'une question politique. Toutefois, nous observons qu'un resserrement supplémentaire du panier de soins risquerait de retarder la prévention et la prise en charge de proximité dans le cadre des soins de ville, et donc d'aboutir à un transfert des dépenses de cette population vers des soins hospitaliers plus coûteux. Il faut également regarder avec attention les effets de bord entre l'AME et les dépenses au titre des soins urgents. Quoi qu'il en soit, au niveau technique, nous n'avons pas, à ce stade, instruit de nouvelles hypothèses d'évolution du panier de soins pour les bénéficiaires de l'AME.

M. Francis Delattre, rapporteur spécial de la mission « Santé » . - Il pourrait être opportun d'étudier la possibilité d'un recours aux assurances privées, pour les personnes étrangères en situation irrégulière qui disposent de ressources.

M. Thomas Fatome, directeur de la sécurité sociale . - L'AME est placée sous condition de ressource : en théorie, une personne dont les revenus dépasseraient le plafond de la CMU de base, soit environ 9 600 euros, par an n'a pas accès à l'AME et doit souscrire une assurance privée.

M. Francis Delattre, rapporteur spécial de la mission « Santé » . - Ce plafond est impossible à vérifier en pratique.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général . - Vous faisiez allusion aux éléments permettant de vérifier l'admission à l'AME. J'ai un doute à ce sujet. Il me semble que la loi de finances rectificative pour 2003 avait prévu une obligation de produire certains documents justificatifs, dont la liste devait être fixée par décret. Pouvez-vous me confirmer que le décret n'est jamais sorti, et que le système est par défaut déclaratif ?

M. Thomas Fatome, directeur de la sécurité sociale . - Ce que prévoit la loi depuis 2002 ou 2003, c'est la possibilité pour le pouvoir réglementaire de mettre à la charge des bénéficiaires de l'AME un ticket modérateur. Ce décret n'a effectivement pas été pris depuis maintenant plus de douze ans, les gouvernements successifs étant attachés à ce que les bénéficiaires de l'AME continuent à bénéficier de soins gratuits.

J'ajoute que les CPAM vérifient bien la réalité des ressources des bénéficiaires de l'AME, sur le fondement du décret du 28 juillet 2005 qui fixe la liste des pièces justificatives nécessaires. Celles-ci sont contrôlées de manière semblable à ce qui se fait pour d'autres prestations placées sous condition de ressources.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général . - Le décret de 2011, que vous avez évoqué, restreint quant à lui l'accès à un certain nombre de soins, dont le plus choquant était sans doute le thermalisme. Lors de son audition devant la commission des affaires sociales l'année dernière, la ministre avait affirmé qu'il existait encore des abus et des fraudes. Par exemple, des sites étrangers continuent à vendre des cartes d'AME, des publicités proposent des « packs » de tourisme médical, des personnes qui ne sont pas résidentes en France font des allers retours pour bénéficier de soins, etc. Ces cas existent-ils toujours ? Pourquoi le décret de 2011 a-t-il fixé un seuil d'accord préalable aux soins coûteux hospitaliers, à 15 000 euros ? Ce seuil n'est-il pas trop élevé, au regard du risque de tourisme médical sur des soins lourds ?

M. Thomas Fatome, directeur de la sécurité sociale . - Je ne m'aventurerais pas à nier la réalité de tentatives de fraudes, mais celles-ci sont largement à mettre en relation avec la politique migratoire, qui ne relève pas du ministère de la santé. Quoi qu'il en soit, depuis 2010, les titres d'admission à l'AME sont sécurisés, comportent une photo d'identité pour les adultes, et sont systématiquement remis en main propre par les agents des CPAM.

Des contrôles réguliers sont menés sur l'activité de certains professionnels de santé qui peuvent éventuellement s'inscrire dans une logique de filière ou de consommation excessive ou anormale de soins pour les bénéficiaires de l'AME. Ces contrôles ont abouti en 2014 à près d'une dizaine de procédures pénales engagées par les CPAM - on peut juger que c'est peu mais c'est l'aboutissement de procédures de contrôle qui sont relativement lourdes.

S'agissant du dispositif d'accord préalable que vous avez évoqué, il a été abrogé en même temps que le droit de timbre en 2012, le gouvernement considérant qu'il était en réalité inopérant et difficile à mettre en oeuvre, et qu'il ne répondait pas à son objectif. Par ailleurs, depuis 2011, le bénéfice de l'AME est subordonné à la vérification de la stabilité de la condition de résidence, ce qui entraîne également des contrôles menés par les CPAM.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général . - Existe-t-il un seuil d'accord préalable pour les soins hospitaliers coûteux des assurés du régime général ?

M. Thomas Fatome, directeur de la sécurité sociale . - Non, il n'en existe pas pour les soins hospitaliers, mais des seuils existent pour certains types de soins, par exemple les soins dentaires ou de kinésithérapie. Les procédures d'accord préalable pour ces soins s'appliquent de la même façon pour les assurés du régime général que pour les bénéficiaires de l'AME.

M. René-Paul Savary , rapporteur pour avis de la mission « Santé » . - Je comprends que l'effet de la hausse des bénéficiaires de 4 % en 2014 soit estompé par l'impact de la réforme de la tarification hospitalière. Mais si le rythme de progression des bénéficiaires se maintient et que les mesures d'économies cessent de produire leurs effets, les crédits de l'AME augmenteront nécessairement après 2015.

J'ai une question concernant l'AME pour soins urgents. L'État finance ce dispositif à hauteur de 40 millions d'euros. Quel est le montant des dépenses prises en charge par l'assurance maladie en 2014 ?

M. Thomas Fatome, directeur de la sécurité sociale . - Nous sommes attentifs à l'évolution de la dépense sur l'année 2015, même si l'exercice est difficile. Je souhaiterais préciser que la réforme de la tarification hospitalière finira de produire ses effets en 2015, ce qui représentera une économie de 55 millions d'euros. L'hypothèse sous-jacente d'évolution du nombre de bénéficiaires est d'un peu moins de 4 % en 2015. Par ailleurs, nous estimons que l'évolution des règles en matière de droit d'asile, et l'accélération du traitement des demandes, pourrait permettre de limiter la progression du nombre de demandeurs d'AME.

Concernant les soins urgents, le montant total de la dépense d'AME dépasse un effet le forfait de 40 millions d'euros pris en charge par l'État. Le total de la dépense s'est élevé à 129 millions d'euros en 2013 et à 105 millions d'euros en 2014. L'assurance maladie a donc financé le différentiel, soit près de 90 millions d'euros en 2013 et 65 millions d'euros en 2014.

M. Roger Karoutchi . - La commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la réforme du droit d'asile se tiendra au Sénat ce jour-même. Monsieur le directeur, vous dites que la situation actuelle concernant l'AME est une conséquence de la politique migratoire, qui ne dépend pas de votre ministère, et que l'accélération des procédures de demande d'asile devrait réduire la progression des demandes - alors qu'en réalité la durée des procédures s'allongera, du fait de la création de nouvelles possibilités de recours. Cela signifie, qu'en réalité, nous allons continuer de voir les dépenses d'AME progresser. Comme l'a dit le rapporteur général, nous savons bien qu'il existe, dans un certain nombre de pays, et pas seulement en Chine, des réseaux et des filières proposant d'aller en France pour se faire soigner. Les hôpitaux franciliens sont submergés. D'ailleurs, il y a quelques années, certains grands médecins hospitaliers avaient lancé une pétition contre le tourisme médical en Île-de-France. La seule chose que l'on nous dit est, qu'en effet, le nombre de bénéficiaires de l'AME augmente de 4 % à 5 % par an, qu'en effet, les dépenses sont sous-évaluées chaque année, que si une autre politique migratoire était mise en place, les choses changeraient... Et le système continue de tourner, tout en sachant pertinemment qu'il implosera tôt ou tard. Pourquoi n'y a-t-il pas de réflexion, au sein du ministère des affaires sociales et de la santé, sur la définition de l'AME et les possibilités de la recentrer sur une aide pour les cas urgents et non pas un système général et générique, qui attire un nombre croissant de personnes.

M. Serge Dassault . - La France n'a plus les moyens d'assurer une politique sociale, vis-à-vis de qui que ce soit, y compris des étrangers. Nous dépensons trop ; les déficits budgétaires augmentent. Le jour où les taux d'intérêt augmenteront, nous ne pourrons plus rembourser - comme les Grecs ! Je suis contre le dispositif de l'AME tel qu'il existe et je suis très inquiet de la progression des dépenses des hôpitaux.

M. André Gattolin . - Nous connaissons le coût de l'AME. Il est possible de la présenter, à l'instar de certains collègues, comme une aide indue aux étrangers en situation irrégulière. Mais on oublie souvent qu'il s'agit d'un instrument de santé publique, qui met en oeuvre des mesures de prophylaxie. Disposez-vous d'une évaluation des conséquences financières et sanitaires d'une suppression ou d'une réduction du périmètre de l'AME ? Il faut en effet tenir compte des bénéfices que l'AME procure à la société dans son ensemble, en termes de prévention et de prophylaxie.

M. Éric Doligé . - Peut-être avez-vous déjà donné ces chiffres, mais je souhaiterais connaître la progression du nombre de demandeurs d'AME ainsi que la situation dans d'autres pays européens - ont-ils une AME ou un équivalent ? Aura-t-on encore longtemps les capacités d'assumer une dépense sociale d'une telle ampleur sans surcroît de recettes ?

M. Michel Bouvard . - Je souhaiterais que vous nous éclairiez sur la façon dont se déroule la conférence budgétaire pour déterminer le montant des crédits dévolus à l'AME. Il y a une sous-budgétisation chronique du programme 183 ; ceci n'est pas une nouveauté et remonte à avant 2012. Quels chiffres fournissez-vous et comment s'opère l'arbitrage lors de la conférence budgétaire ? Tenez-vous compte de l'exécution des crédits de l'année précédente ? La sous-budgétisation est-elle délibérée ?

M. Richard Yung . - Tout d'abord, je souhaiterais poser la même question qu'André Gattolin sur l'incidence, en termes sanitaire et financier, d'une suppression de l'AME. Ensuite, j'aimerais avoir des explications complémentaires concernant l'évolution des dépenses : les conséquences financières de la progression des bénéficiaires semblent avoir été en partie compensées par des mesures d'économies importantes. Ces mesures ont-elles seulement un effet ponctuel ? Avez-vous d'autres mesures d'économies dans votre besace ? Comment devrait évoluer la dépense dans les trois à quatre prochaines années ?

Mme Marie-France Beaufils . - Je ne reviendrai pas sur les propos d'André Gattolin, que je partage pleinement. Nous entendons beaucoup parler d'un soi-disant tourisme médical, lié à l'AME. Avez-vous des outils pour mesure ce phénomène ? Je souhaite également rappeler que, de temps à autres, lorsque l'AME ne peut pas être utilisée, ce sont les collectivités territoriales et leurs centres communaux d'action sociale qui sont sollicités. Il faut donc être vigilant. Nous avons besoin de l'AME au niveau national pour éviter des répercussions très lourdes au niveau local.

M. Thomas Fatome, directeur de la sécurité sociale . - Tout d'abord, l'année 2014 ne marque pas une dérive des dépenses d'AME. La progression de 1,1 % est inférieure au rythme d'accroissement des dépenses de l'assurance maladie. Il n'y a donc pas de dérapage de l'AME de ce point de vue.

Cela résulte des mesures mises en oeuvre par le ministère des affaires sociales et de la santé, qui ne reste pas inactif face à cette situation. Ces mesures ont concerné le panier de soins, la tarification à l'activité à l'hôpital... À l'issue de leur montée en charge, fin 2015, l'ensemble de ces mesures représenteront au total près de 155 millions d'euros d'économies. Ceci n'est pas négligeable pour le programme 183 « Protection maladie ». Je rappelle également, compte tenu de la nature des dépenses en cause, que nous attachons une attention particulière à la vérification des droits et à la juste dépense. Néanmoins, 722 millions d'euros représentent moins de 0,5 % de la dépense publique de santé, qui est supérieure à 180 milliards d'euros. Par ailleurs, l'ensemble des actions que nous menons en matière de maîtrise des dépenses de santé ont un effet sur l'AME. Lorsque nous baissons les prix de médicaments, que nous encourageons l'utilisation des génériques, ceci a un effet sur l'ensemble des utilisateurs du système de santé, qu'ils bénéficient ou non de l'AME.

S'agissant des éventuelles conséquences sanitaires et financières d'une suppression de l'AME, les deux rapports successifs de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'Inspection générale des finances (IGF), rendus il y a plus de cinq ans, indiquent qu'une restriction importante du panier de soins de l'AME pourrait créer des risques en matière de santé publique. Ceux-ci ne sont pas quantifiés mais ils sont néanmoins soulignés, à la fois par l'IGAS et par l'IGF.

Je souhaiterais compléter les éléments chiffrés : à la fin de l'année 2014, il y avait 294 000 bénéficiaires de l'AME. Ce chiffre était de 215 000 en décembre 2010 et de 155 000 en décembre 2004. La hausse n'est donc pas nouvelle.

Les économies annoncées ne sont pas « one shot » mais viennent bien minorer de façon pérenne l'évolution de la dépense.

Comme toutes les conférences budgétaires concernant des dépenses de guichet telles que le revenu de solidarité active (RSA) « activité » ou l'allocation pour adulte handicapé (AAH), celle concernant l'AME est compliquée. Nous échangeons avec les services de la direction du budget, de l'assurance maladie et les équipes statistiques de la direction de la sécurité sociale, pour évaluer le tendanciel des dépenses, et nous discutons de la faisabilité des mesures d'économie. Ces réunions préparatoires se traduisent ensuite par des réunions entre les ministres en charge du budget et de la santé - je suis d'ailleurs sous l'autorité des deux ministres concernés.

La réalité est simple : nous sommes incapables d'anticiper quel sera le nombre réel de bénéficiaires de l'AME car il s'agit d'une population en situation irrégulière et dont l'évolution dépend de multiples facteurs ! À titre d'exemple, en 2010, nous avons enregistré une hausse de 8 % des bénéficiaires et en 2011, une baisse de 5 %. Il est effectivement difficile de déterminer le tendanciel d'évolution de la dépense, en raison de l'évolution très erratique du nombre de bénéficiaires. Par ailleurs, je rappelle que les hypothèses techniques de budgétisation sont fournies au Parlement dans les projets annuels de performances.

Je souhaiterais également compléter mon propos concernant la situation en Allemagne. Les personnes en situation irrégulière se voient appliquer la législation relative aux demandeurs d'asile, ce qui signifie qu'elles ont droit à des prestations médicales dites « de base », en cas de grossesse, de maladie grave et lorsque leur état nécessite une intervention urgente. Nous avons interrogé les services de l'ambassade de France à Berlin. Il s'avère que les professionnels de santé ont, dans la plupart des cas, des difficultés à différencier les différents types de soins, notamment pour des raisons éthiques et déontologiques. Par ailleurs, un certain nombre de municipalités - Munich, Berlin, Francfort, Cologne - mettent en place des dispositifs complémentaires à travers des centres de santé ou des aides financières.

Enfin, concernant l'éventuel tourisme médical lié à l'AME, par définition, face à une population en situation irrégulière, nos outils statistiques sont limités. Nous menons beaucoup d'enquêtes sur la population du régime général mais ceci est nettement plus compliqué pour les bénéficiaires de l'AME. Il n'y a pas de fichier national, vous comprendrez bien pourquoi... Même si les échanges que nous avons avec les hôpitaux, y compris avec l'assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP), confirment qu'il existe des filières d'accès aux soins, qui peuvent entraîner des arrivées sur le territoire français.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Le rapporteur spécial vous a adressé un questionnaire récemment, dans lequel il était demandé de fournir des éléments de comparaison avec les autres pays européens. Je constate que vous avez cité une note préparée par les services des ambassades. Pourriez-vous nous transmettre ces éléments afin d'éviter d'avoir, à notre tour, à solliciter ces services ?

M. Thomas Fatome, directeur de la sécurité sociale . - Bien entendu. Je vous transmettrai ces éléments par écrit.

M. Francis Delattre , rapporteur spécial de la mission « Santé » . - J'avais cru comprendre que, dès lors qu'un demandeur d'asile déposait son dossier, il avait droit à la CMU de base et complémentaire. L'augmentation du nombre de demandeurs d'asile ne peut donc pas avoir un impact sur l'AME. Je ne comprends pas le lien que vous faites avec la réforme du droit d'asile.

M. Thomas Fatome, directeur de la sécurité sociale . - Vous avez raison sur le fait que les demandeurs d'asile se voient attribuer le droit à la CMU.

M. Francis Delattre , rapporteur spécial de la mission « Santé » . - Ce que je ne conteste pas !

M. Thomas Fatome, directeur de la sécurité sociale . - Mais à partir du moment où le demandeur d'asile est débouté, il peut recourir à l'AME. C'est le lien entre la gestion du droit d'asile et la reconduite à la frontière des déboutés qui joue sur le flux de bénéficiaires potentiels de l'AME.

- Présidence de M. Yvon Collin, vice-président -

M. Daniel Raoul . - Monsieur le directeur, je sais que vous ne disposez pas d'outil statistique très performant. Je souhaiterais rebondir sur la question d'André Gattolin : a-t-on une estimation du rôle de prophylaxie de l'AME, bénéficiant à l'ensemble de la population ? Nous constatons en ce moment des épidémies de rougeole en Alsace, ce qui entraîne la fermeture de certaines écoles. Grâce à l'AME, ne protège-t-on pas aussi notre population des maladies infectieuses ? Certains spécialistes d'épidémiologie seraient peut-être capable de concevoir un modèle de développement de certaines maladies en l'absence d'AME.

M. Michel Canevet . - Vous avez évoqué le fait que l'assurance maladie supportait un « reste à charge » important au titre des dépenses d'AME pour soins urgents. N'est-il pas envisagé que l'État finance l'intégralité des dépenses effectivement constatées ? Sinon, ce seront les entreprises, par le biais des cotisations sociales, qui devront financer cette dépense.

M. Thomas Fatome, directeur de la sécurité sociale . - À ma connaissance, aucun travail n'a été engagé pour développer un modèle de prévision du coût, notamment en termes de dépenses de santé, de la suppression ou de la réduction du champ de l'AME. Nous allons tout de même vous transmettre les extraits des rapports de l'IGAS et de l'IGF sur un certain nombre de pathologies. Si l'on analyse de plus près les pathologies au titre desquelles les bénéficiaires utilisent l'AME, on constate que 20 % des cas concernent des accouchements. Il existe également de nombreux cas d'infections, hépatiques, de l'appareil respiratoire ou de l'appareil circulatoire, dont certaines peuvent être contagieuses, parmi les dépenses hospitalières des bénéficiaires de l'AME. Nous compléterons notre réponse sur ce point par écrit.

S'agissant de l'AME pour soins urgents et de son financement forfaitaire par l'État, cette situation résulte d'une décision prise en 2008. On peut s'interroger sur la logique consistant à mettre une partie de ces dépenses à la charge de l'assurance maladie. Pour autant, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 a transposé les mesures de réforme de la tarification hospitalière, prises précédemment pour l'AME de droit commun, à l'AME pour soins urgents. Ceci se traduira par une économie substantielle en 2015, estimée à 50 millions d'euros, ce qui devrait permettre de diminuer très fortement le reste à charge de l'assurance maladie.

F. AUDITION DE M. M. JEAN-YVES LE DRIAN, MINISTRE DE LA DÉFENSE (10 JUIN 2015)

Réunie le mercredi 10 juin 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2014 et sur le projet de loi n° 494 (2014-2015), actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense .

Mme Michèle André , présidente . - Monsieur le ministre, nous vous souhaitons la bienvenue et sommes sensibles au fait que vous ayez pu vous libérer. Nous vous entendons dans le cadre de la préparation de l'examen du projet de loi de règlement du budget 2014. Notre commission est également saisie pour avis du projet de loi visant à actualiser la loi de programmation militaire (LPM) 2015-2019 et portant diverses dispositions concernant la défense. Toutes les informations que vous pourrez nous donner seront précieuses.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. - Comme vous le savez, la loi de programmation militaire a significativement renforcé le contrôle parlementaire de l'exécution de la loi de programmation, dans ses dimensions financières, capacitaires, industrielles et sociales. Son article 10 prévoit que le Gouvernement présente chaque année au Parlement un rapport sur l'exécution de la loi de finances avant le débat d'orientation des finances publiques. L'article 8 ajoute à cela une présentation semestrielle aux commissions compétentes d'un bilan détaillé de l'exécution des crédits de la mission défense. Ces documents sont en cours de finalisation dans les délais prévus, c'est-à-dire pour la fin du mois de juin. Il n'est malheureusement pas possible de les produire avant cette date.

L'année 2014 a été marquée par plusieurs événements majeurs. Sur le plan opérationnel, les engagements sont importants. L'année 2014 a connu à la fois la fermeture de trois théâtres d'opérations extérieures, Afghanistan, Kosovo et Côte d'Ivoire, la réduction drastique de notre participation à Atalante, mais aussi la montée en puissance de l'opération Barkhane sur l'ensemble du Sahel, le déclenchement de l'opération Chammal contre Daesh en Irak, la prolongation de Sangaris en République centrafricaine, les mesures de réassurance en Europe de l'Est ou encore l'opération Tamarin en Guinée.

Dans le domaine capacitaire, l'année 2014 s'est traduite par le lancement de programmes structurants pour les armées, en particulier le programme de modernisation Scorpion, l'avion ravitailleur A330 MRTT, le missile océanique stratégique M51.3 ou encore la commande du quatrième sous-marin nucléaire d'attaque Barracuda. Cette année a également marqué la fin des renégociations de contrats prenant en compte les orientations de la LPM.

Sur le plan organique, nous avons poursuivi les chantiers de réforme du ministère : au 31 décembre, plus des deux tiers des mandats de réforme étaient au stade de la mise en oeuvre. La transformation du soutien interarmées, dans une logique dite de bout en bout, s'est traduite par le placement des groupements de soutien des bases de défense (GSBdD) sous l'autorité hiérarchique du service du commissariat des armées.

Au plan financier, l'exécution 2014 s'établit à 31,5 milliards d'euros, comme en 2013. Au sein de ce total, les dépenses de personnel s'élèvent à 11,1 milliards d'euros, en baisse de 0,3 milliard par rapport à 2013. L'effort de maîtrise de la masse salariale du ministère porte ses fruits avec cette deuxième baisse consécutive. La cible de déflation d'effectifs a été respectée, avec 8 007 réductions de postes, pour une cible initiale de 7 881.

Les dépenses d'équipement s'élèvent à 15,7 milliards d'euros, contre 15,3 milliards en 2013, car l'effort d'équipement des forces est l'une de mes préoccupations prioritaires. Enfin, les dépenses de fonctionnement s'établissent à 3,5 milliards d'euros et les dépenses liées aux opérations extérieures (OPEX) à 1,1 milliard d'euros.

Ce niveau d'exécution a été atteint grâce à la mise en oeuvre de la clause de sauvegarde prévue à l'article 3 de la LPM et à la couverture interministérielle des surcoûts nets des OPEX, conformément à l'article 4. Ainsi, 500 millions d'euros de crédits supplémentaires ont été ouverts au titre du programme d'investissements d'avenir (PIA) par les lois de finances rectificatives d'août et de décembre 2014 au profit des dépenses d'équipement du ministère. S'agissant des opérations extérieures, le 1,1 milliard d'euros de dépenses pour 2014 a été couvert par la dotation de 450 millions d'euros en loi de finances initiale, des remboursements internationaux à hauteur de 56 millions d'euros et un abondement interministériel de 611 millions d'euros par décret d'avance en fin de gestion.

S'agissant plus spécifiquement des équipements, l'année 2014 a été conforme dans son exécution à la LPM. Pour les commandes, le niveau des engagements s'est élevé en 2014 à 18,6 milliards d'euros, en hausse de près de 3 milliards d'euros, ce qui nous place en position de respecter les orientations fixées en loi de programmation. Les livraisons prévues ont été respectées : 13 Rafale dont deux mises à niveau, 3 hélicoptères Tigre et 9 hélicoptères NH90, 4 avions A400M, plus de 4 000 équipements Félin, 25 torpilles légères MU 90, etc.

Le report de charges s'établit fin 2014 à 3,5 milliards d'euros, soit un niveau globalement stable par rapport à la fin 2013, même s'il reste trop élevé. Toutefois, en tenant compte des 247 millions d'euros de reports de crédits constatés sur 2015 et des 250 millions d'euros de PIA ouverts fin 2014, le report de charges net du ministère est ramené à environ 3 milliards d'euros fin 2014, soit l'hypothèse prise en compte dans la LPM.

Au bilan, et sous réserve d'informations complémentaires, l'année 2014 a été conforme aux objectifs fixés par la LPM. Elle a également mis au jour des tensions dans certains domaines comme les capacités critiques, le vieillissement des parcs et la difficile régénération des matériels engagés en opérations.

Ces points, précisément, ont été traités à l'occasion de l'actualisation de la LPM. Neuf orientations majeures sont à retenir dans le projet de loi. D'abord, le Président de la République a fait le choix de définir un nouveau contrat de protection sur le territoire. L'objectif est désormais que nos armées puissent déployer durablement 7 000 soldats sur le territoire national, et monter presque instantanément jusqu'à 10 000 pendant un mois, comme nous l'avons fait après les attentats de janvier.

Les effectifs de la force opérationnelle terrestre (FOT) seront portés à 77 000 hommes au lieu des 66 000 initialement prévus. La contribution de la réserve opérationnelle sera également accrue. Cette augmentation représente un tournant majeur dans notre histoire militaire récente. Ces dispositions ont vocation non pas à créer une armée à deux vitesses, mais au contraire à assurer une complémentarité entre les missions de projection à l'extérieur et les missions de protection du territoire national.

Le Président a également décidé un allègement des déflations d'effectifs dans le but de renforcer nos capacités opérationnelles et faire face à certains besoins majeurs de nos services de renseignement et de cyberdéfense.

Plus globalement, cette réduction de la déflation offrira la possibilité de gager les postes à créer au bénéfice de la FOT ; de gager les créations de postes dans le renseignement (650 postes supplémentaires) et la cyberdéfense (500 postes) ; et de poursuivre et de parachever les transformations des armées et services de la défense.

En troisième lieu, la dépense de défense est accrue de 3,8 milliards d'euros par rapport à la LPM initiale. Les crédits supplémentaires bénéficieront d'abord au nouveau contrat de protection, avec 2,8 milliards d'euros consacrés aux effectifs et aux coûts d'infrastructure et de soutien. Une dotation de 500 millions d'euros supplémentaires sera affectée à la régénération des matériels, sujet préoccupant. J'avais déjà renforcé ce poste dans la loi de programmation, ce qui s'est traduit par une augmentation des crédits de 4 % par an. Nous pourrons accentuer cet effort. Il est peu spectaculaire mais indispensable, car les matériels s'usent, dans les climats peu propices des zones où nous intervenons.

Les 500 millions d'euros restants iront à des acquisitions, pour nous adapter à la nouvelle donne sécuritaire. À ce total s'ajoute 1 milliard d'euros issu de la réaffectation des gains de pouvoir d'achat liés à l'évolution favorable des indices économiques depuis le vote de la LPM à la fin 2013. Ce montant n'est pas une approximation, il a été chiffré conjointement par l'inspection des finances et le contrôle général des services de mon ministère. Au total, 1,5 milliard d'euros de crédits supplémentaires pourront ainsi être alloués au renforcement de la composante hélicoptère. Nous serons en mesure d'acquérir 7 hélicoptères Tigre et 6 NH 90 supplémentaires, de renforcer nos capacités de transport aérien tactique avec la mise à disposition de 4 appareils C130, et enfin d'accélérer notre programme de satellites optiques avec la mise du service du troisième satellite, issu d'une collaboration avec l'Allemagne.

Au total, l'effort budgétaire s'élèvera à 162 milliards d'euros sur la période 2015-2019 contre 158,6 milliards d'euros votés dans la LPM initiale.

En quatrième lieu, la structure des ressources financières de la programmation militaire est simplifiée : nous mettons un terme à la pratique contestée des ressources extrabudgétaires (REX), qui seront désormais remplacées par des ressources budgétaires nettes. La conversion s'effectuera dans le collectif budgétaire de fin d'année. Si des besoins de trésorerie devaient apparaître entretemps, des dégels et décrets d'avance y pourvoiraient. Et en 2016, plus de REX ! J'avoue ma satisfaction, que votre commission des finances comprendra...

Cinquième point, notre industrie de défense : le ministère dépensera 17,6 milliards d'euros par an en équipements au bénéfice de l'industrie nationale. Un creux dans les acquisitions de Rafale, en LPM initiale, se manifestait entre 2016 à 2019. Je devais encore déterminer comment le combler ; c'est chose faite, grâce aux marchés récemment remportés. Le bilan des exportations s'est établi à 8,4 milliards d'euros en 2014 ; pour 2015, dès aujourd'hui il atteint 15 milliards d'euros, auxquels s'ajoute une commande d'hélicoptères qui m'a été confirmée il y a une heure par l'émir du Koweït.

Je passerai rapidement sur les autres points, création des associations professionnelles nationales de militaires, nouvelle politique des réserves qui porte le nombre de réservistes de 28 000 à 40 000, expérimentation sur trois sites d'un service volontaire en métropole sur le modèle du service militaire adapté (SMA) dans les outre-mer, poursuite de la transformation du ministère, nouvelle organisation de l'armée de terre que le général Bosser a formalisée dans le plan stratégique « Au contact ». Je donne la priorité à la brigade aéro-combat et l'hélicoptère de combat, pour tenir compte de l'évolution des caractéristiques des conflits.

M. Dominique de Legge , rapporteur spécial pour les crédits de la mission « Défense » . -

Vous avez indiqué que 450 millions d'euros ont été provisionnés pour les OPEX, dont le coût total s'élève à 1,12 milliard d'euros. Il manque donc environ 650 millions d'euros, qui ont été remboursés à la défense, pour partie par les contributions d'organismes internationaux, mais surtout par ouverture de crédits au titre de la solidarité interministérielle. Cependant, je rappelle que votre ministère a été ponctionné de 400 millions d'euros au titre de cette même solidarité interministérielle, après avoir été prélevé de 200 millions d'euros au titre de la réduction des dépenses publiques. Malgré le financement interministériel, les OPEX sont donc très couteuses pour le ministère de la défense.

Dans le même temps, le ministère a perçu deux fois 250 millions d'euros de crédits de paiement dans le cadre du programme d'investissements d'avenir (PIA), pour répondre à la dégradation du report de charges liée aux annulation de crédits de l'année 2013. Ces abondements correspondent-ils réellement à la philosophie du PIA ? Je n'ose prononcer le mot de détournement d'investissements...

Des questions se posent quant au mode de calcul de la solidarité interministérielle pour compenser le surcoût des OPEX. La contribution devrait être proportionnelle au montant du budget de chaque ministère, or selon le périmètre retenu par la direction du budget, c'est-à-dire en excluant les crédits de titre 2, le vôtre représente 16 % du total mais contribue à hauteur de 19 %. Cela représente un écart de 54 millions d'euros.

Les 253 millions d'euros de crédits non consommés en 2014 en raison d'un gel prolongé se retrouveront-ils en 2015 en report ?

Concernant le report de charges, les fournisseurs qui ne sont pas payés à temps reçoivent-ils une compensation ?

Enfin, où en est-on dans le recouvrement des trop-perçus liés aux dysfonctionnements de Louvois et dans le remplacement de ce logiciel ? Les sommes recouvrées sont-elles restituées au ministère de la défense ?

Quelques questions, maintenant, sur l'actualisation de la LPM.

Je me félicite du remplacement des REX par des recettes budgétaires nettes, qui valide a posteriori les réserves que nous avions exprimées au moment du vote du budget 2015. La LPM actualisée comporte-t-elle un nouvel objectif de réduction des reports de charges ? Vous avez indiqué que sur les 3,8 milliards d'euros de crédits supplémentaires, 500 millions seraient consacrés au maintien en condition des matériels qui ont le plus souffert, notamment dans les opérations du Sahel. Or les estimations de votre ministère faisaient état d'un besoin de financement de 800 millions d'euros. Il semble que notre armée consomme ses ressources matérielles : 20 % des matériels mobilisés au Mali sont désormais irréparables.

L'une des justifications de l'actualisation de la LPM est le dépassement important qui touche les OPEX. Envisagez-vous de prendre en compte le coût que représente la participation financière du ministère aux opérations en cours, qui s'effectue au travers de sa contribution à la solidarité interministérielle ? Paradoxalement, c'est au moment où les armées sont le plus sollicitées qu'on les ponctionne pour financer les OPEX.

La clause de garantie sur la vente d'actifs a été introduite à la demande de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat dans la LPM pour garantir les recettes exceptionnelles de ventes de fréquences. La vente de biens immobiliers ne justifie-t-elle pas les mêmes garanties ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - La clause de garantie sur les ventes d'immeubles a été introduite par l'amendement Lamour à l'Assemblée nationale, avec le soutien du Gouvernement.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Quel coût représente l'augmentation des effectifs de sécurité intérieure de 7 000 à 10 000 hommes dans le cadre de l'opération Sentinelle ?

La LPM prévoit 630 millions de recettes immobilières. Or si la décote pour les logements sociaux prévue par la loi Duflot est intégralement appliquée à la vente des bâtiments parisiens, le manque à gagner sera considérable. L'îlot Saint-Germain pourrait être cédé pour 1 euro !

M. Vincent Capo-Canellas . - Si je vous ai bien compris, les REX seront désormais remplacées par des crédits votés dans la loi de finances initiale ; en cas de besoin, le gel sera levé cette année en attendant le collectif budgétaire. Faut-il en conclure qu'il n'y aura pas de décret d'avance ni de report sur 2016 ? Deuxième point, peut-on dire que c'est la fin des sociétés de projet ? Je m'interroge enfin sur l'impact des exportations d'hélicoptères pour nos forces armées. Les industriels ont-ils la capacité de produire à la fois pour notre armée et pour les exportations ? Des livraisons prévues à court terme ne sont-elles pas remises en cause ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Parmi les acquisitions d'hélicoptères en projet, vous n'avez pas cité le Caracal, dont 19 modèles équipent nos forces spéciales. Une décision a-t-elle été prise concernant le regroupement envisagé de cette flotte à Cazaux ?

Mme Fabienne Keller . - Je salue la décision du conseil de défense et de sécurité nationale d'accorder des marges de manoeuvre à votre ministère. Considérez-vous que notre armée est prête pour faire face aux obligations internationales de la France, en particulier vis-à-vis de Daesh au Moyen-Orient ? Vous avez indiqué que le futur service militaire adapté (SMA) serait réparti sur trois sites. Confirmez-vous que la LPM marque la fin de l'Établissement public d'insertion de la défense (ÉPIDE) ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - L'ÉPIDE ne relève pas de la défense.

Mme Fabienne Keller . - Très bien.

Enfin, je vous enjoins de ne pas casser l'outil d'excellence qu'est l'École polytechnique, alors que d'autres formations françaises remarquables ont récemment été diluées dans des ensembles plus vastes.

M. Jean-Claude Requier . - Louvois fut un bon secrétaire d'État à la guerre de Louis XIV. Le logiciel qui porte son nom a été beaucoup moins brillant. Où en est son remplacement ?

Mme Michèle André , présidente . - Une proposition de résolution européenne adoptée lundi par l'Assemblée nationale a demandé la prise en compte de l'effort de défense dans le calcul des déficits publics. Pensez-vous que Bruxelles y sera sensible ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - S'agissant de Louvois, les indus versés en 2014 s'élèvent à 77 millions d'euros ; les recouvrements ont représenté 42 millions d'euros, qui reviennent au ministère de la défense. L'impact net est donc de 35 millions d'euros. Le logiciel qui remplacera Louvois est en phase d'expérimentation au sein de la Marine. S'il donne satisfaction, il sera étendu en 2017 à l'armée de terre.

M. Jean-Claude Requier . - Le nouveau logiciel portera-t-il le nom de Le Drian ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Plus modestement, il s'appellera Source Solde.

Les cessions immobilières se présentent au niveau prévu, soit 200 millions d'euros par an. Quant au site de Balard, nous n'y serons installés qu'à l'automne. Nous allons engager des discussions avec les acquéreurs potentiels des sites actuels, dont la Ville de Paris fait partie. Souvent, les recettes se révèlent nettement supérieures aux évaluations de France Domaine.

Vous évoquez un possible détournement du PIA. Le très vigilant commissaire général à l'investissement ne l'autoriserait pas !

Les 500 millions d'euros perçus au titre de 2014, considérés comme des ressources exceptionnelles, s'inscrivent dans mon exigence de retrouver un budget de 31,4 milliards d'euros pour le ministère de la défense. C'est dans ce cadre que, pour compenser les annulations, j'ai renforcé les REX : les recettes ont été en 2014 supérieures aux prévisions de la LPM.

Ce supplément de recettes exceptionnelles dont fait partie le PIA a été affecté, pour 500 millions d'euros, au Centre national d'études spatiales (CNES), et pour 368 millions d'euros au programme de recherche sur la dissuasion. La destination du PIA a été donc respectée.

M. Dominique de Legge , rapporteur spécial . - Ce n'est pas ce que dit le commissaire général...

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Sur le financement des OPEX, vous dénoncez des pertes en ligne, nous sommes pourtant très vigilants.

Je confirme à Vincent Capo-Canellas qu'il n'existe plus de sociétés de projet. Je ne regrette pas pour autant de les avoir portées. La LPM disposait que les REX pouvaient être issues du PIA, de ressources immobilières, de ventes de fréquences ou de cessions d'actifs. Comme je ne croyais pas à la vente des fréquences 700 MHz, je me suis rabattu sur les cessions, qui nécessitaient la création de telles sociétés, en raison des exigences de la LOLF. Puisque toutes les recettes sont désormais budgétaires, la question ne se pose plus. Peut-être même est-ce le spectre de cette nouvelle catégorie de sociétés qui a incité Bercy à avancer sur le sujet !

L'entretien programmé des matériels est une véritable préoccupation. L'effort budgétaire que j'ai détaillé fera néanmoins sentir ses effets prochainement. Concernant les reports de charge et les fournisseurs payés en retard, je vous transmettrai des réponses détaillées par écrit. Nous avons obtenu une levée de gel de crédits pour assurer la gestion jusqu'à la fin de l'année. Quoi qu'il en soit j'arriverai aux 31,4 milliards d'euros. Un arbitrage important a été rendu en notre faveur.

Enfin, l'impact des ventes à l'export sur les disponibilités, évoqué par Vincent Capo-Canellas, est extrêmement réduit. Nous avons prélevé la frégate Normandie sur notre stock dans le cadre de notre vente à l'Égypte, mais elle sera remplacée dans le délai prévu pour la livraison des six premières frégates à notre flotte, soit fin 2019. Quant aux Rafale, 3 appareils seront remis à l'Égypte en août et 3 en décembre : au lieu de livrer 11 Rafale à l'armée de l'air en 2015, nous n'en livrerons que 5, mais le rattrapage sera effectué en 2016.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Le Koweït nous achète des hélicoptères Caracal. Nos armées vont-elles en recevoir elles aussi ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Non. La demande de notre armée ne portait que sur des hélicoptères NH 90 et Tigre.

Le surcoût lié à l'opération Sentinelle est réel. Il consiste notamment en une prime spéciale pour les opérations intérieures et représente 260 millions d'euros en 2015.

Quant au dispositif de financement des OPEX, j'en suis satisfait et je l'ai défendu contre les tentatives de modification. Nous en avons besoin pour faire face à des opérations dont le contenu et la durée ne sont pas connus à l'avance. Seules la Justice et l'Éducation nationale sont dispensées de contribution.

Si nous laissons l'École polytechnique continuer comme cela, elle perdra toute sa substance. Certains s'inquiètent que l'on « casse ce qui marche bien ». Je ne suis pas sûr que l'école aille si bien, lorsqu'on la voit disparaître du classement de Shanghai...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - C'est une question de taille.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Il ne s'agit pas de casser la baraque, mais bien de la consolider ! Je me réjouis qu'elle reste dans le giron du ministère de la défense. Je compte bien la réformer avant la fin de l'année pour qu'elle garde son image. Comparez son évolution et celle de l'École polytechnique de Lausanne : c'est à la fois spectaculaire et inquiétant pour nous. J'ai rencontré beaucoup de monde la semaine dernière à l'École polytechnique ; je ne crois pas que cela posera tant de problèmes. Je ne suis pas sur des mesures gadgets - sortir l'école du giron du ministère de la défense ou supprimer la solde des élèves - mais sur le fond : j'élargirai son périmètre et j'établirai des liens avec d'autres grandes écoles.

Mme Michèle André , présidente . - La résolution de l'Assemblée nationale vous rend-elle service à Bruxelles ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre . - Oui, mais il faudrait que cette position soit partagée. C'est la bataille d'après-demain. Nous commençons toutefois à avoir des alliés, comme les Polonais et les Italiens...

Mme Michèle André , présidente . - Nous vous remercions.

G. AUDITION DE M. LUC DEREPAS, DIRECTEUR GÉNÉRAL DES ÉTRANGERS EN FRANCE ET MME VIRGINIE MAGNANT, ADJOINTE À LA DIRECTRICE GÉNÉRALE (17 JUIN 2015)

Réunie le mercredi 17 juin 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'audition de M. Luc Derepas, directeur général des étrangers en France, responsable du programme 303 « Immigration et asile » et Mme Virginie Magnant, adjointe à la directrice générale, cheffe de service des politiques d'appui de la direction générale de la cohésion sociale (programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables »), sur l'hébergement d'urgence.

Mme Michèle André , présidente . - Nous poursuivons ce matin les auditions organisées dans le cadre de la préparation à l'examen du projet de loi de règlement pour 2014, en abordant le sujet de l'hébergement d'urgence. Pour cela, nous accueillons Luc Derepas, directeur général des étrangers en France, responsable du programme 303 « Immigration et asile » et Virginie Magnant, cheffe du service des politiques d'appui et adjointe à la directrice générale de la cohésion sociale au sein du ministère des affaires sociales, de la santé et du droit des femmes, concernant le programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » et qui est déjà venue devant nous le 3 juin dernier pour une réunion de commission consacrée à l'exécution des crédits du programme 304 relatifs au RSA « activité ». Comme précédemment, cette audition est ouverte à la presse.

Je souhaite saluer la présence parmi nous de nos collègues Dominique Estrosi Sassone et Jean-Marie Morisset, rapporteurs pour avis de la mission « Égalité des territoires et logement » au nom respectivement de la commission des affaires économiques et de la commission des affaires sociales ainsi que de François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la mission « Immigration, asile et intégration » au nom de la commission des lois.

En guise d'introduction, je rappellerai simplement que, selon le principe de l'hébergement inconditionnel des personnes en situation de détresse, posé par l'article L. 345-2-2 du code de l'action sociale et des familles, « toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique et sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence ».

Le financement de l'hébergement d'urgence, sous tension depuis plusieurs années, est un sujet qui nous revient année après année au fil des décrets d'avances et des ouvertures de crédits en cours d'exercice. Il est assuré à partir des deux programmes dont les responsables sont présents ce matin et vont être dès à présent interrogés par nos deux rapporteurs spéciaux compétents pour ces programmes, Philippe Dallier et Roger Karoutchi.

M. Philippe Dallier , rapporteur spécial de la mission « Égalité des territoires et logement ». - Depuis plusieurs années, le programme 177 connaît une surexécution de ses crédits. En 2014, la loi de finances initiale avait ainsi prévu 1,32 milliard d'euros et la dépense s'est finalement élevée à 1,47 milliard d'euros au 31 décembre. Le budget a donc été abondé, en cours d'exercice, de 153,8 millions d'euros, par deux décrets d'avance de respectivement 56 millions d'euros en octobre 2014 et 54 millions d'euros en décembre 2014, ainsi que par la loi de finances rectificative de fin d'année pour 43,8 millions d'euros.

Ce dépassement s'explique essentiellement par l'hébergement d'urgence, poste budgétaire particulièrement sollicité ayant engendré une dépense de 475,2 millions d'euros en crédits de paiement en 2014, correspondant à un écart de 48 %, soit plus de de 153 millions d'euros, par rapport à la prévision initiale et une hausse d'environ 16 % par rapport à la dépense constatée en 2013.

Entre 2011 et 2014, la dépense liée à l'hébergement d'urgence « généraliste », qui se distingue de l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile financé par le programme 303, a augmenté de plus de 70 % !

En outre, on assiste à une sous-budgétisation récurrente de la ligne budgétaire, avec une prévision initiale largement inférieure à la dépense enregistrée l'année précédente et souvent tout juste équivalente à celle de l'année n-2.

Compte tenu de ces constats, quelles sont les hypothèses sur lesquelles repose la détermination de l'enveloppe budgétaire pour la loi de finances initiale ? Comment la prévision de la dépense a-t-elle été élaborée pour 2014 ? Des évolutions sont-elles prévues afin d'éviter cette sous-budgétisation systématique pour les prochains exercices, sachant qu'en 2015, j'ai déjà mis en évidence dans mon rapport spécial le fait que le programme 177 serait une nouvelle fois, à n'en pas douter, en surexécution, en raison des dépenses d'hébergement d'urgence et de veille sociale ?

Ensuite, malgré l'augmentation indéniable du nombre de places d'hébergement d'urgence, celui des places d'hôtel explose, avec notamment une hausse de 18 % en six mois entre le 31 décembre 2013 et le 30 juin 2014. Le niveau des dépenses est lui-même très élevé puisque les nuitées d'hôtel représentent 45 % des dépenses liées à l'hébergement d'urgence hors places d'urgence en centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et une augmentation de 33 % par rapport à 2013. Le développement du recours aux nuitées d'hôtel, dernière solution, s'expliquerait principalement par la hausse des demandeurs d'asile, qu'ils aient ou non été déboutés, ainsi que par le nombre croissant de famille avec enfants devant être hébergées. Confirmez-vous cette analyse ? Savez-vous quelle est la proportion de familles avec enfants parmi les personnes ayant demandé un hébergement d'urgence au cours de l'année et parmi les populations hébergées ? De même, êtes-vous capable de mesurer l'impact de l'augmentation du nombre de demandeurs d'asile ou, plus largement, des étrangers ayant des « titres de séjour incomplets » ?

Pour une meilleure appréhension de la dépense et améliorer la mesure de la performance du programme 177, où en sont les travaux annoncés afin d'améliorer votre connaissance du nombre de demandes d'hébergement d'urgence ainsi que la nature des réponses qui y ont été apportées, à partir d'un système d'information unique et plus efficace pour tous les services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO) ?

Enfin, les difficultés de financement rencontrées en cours d'année, en raison notamment de la sous-budgétisation, ont-elles eu un impact au niveau local sur la gestion des centres d'hébergement d'urgence ? Les gestionnaires ont-ils rencontré des difficultés pour mener à bien leurs missions comme cela a pu être le cas par le passé ?

Mme Virginie Magnant, cheffe de service des politiques d'appui et adjointe à la directrice générale de la cohésion sociale . - Les chiffres de l'exécution pour 2014 ont effectivement été présentés avec précision par le rapporteur spécial, avec une surexécution qui caractérise le programme 177 cette année comme les précédentes. Les hypothèses avancées pour expliquer cette situation sont également exacts, la progression de la dépense liée à l'hébergement d'urgence étant très importante. Quelques années auparavant, les CHRS représentaient plus des deux tiers de la dépense, cette part relative n'a cessé de diminuer depuis.

Le principal déterminant de la dépense du programme est constitué par le parc d'hébergement qui inclut à la fois les CHRS, les centres d'hébergement et, comme vous l'avez souligné, le recours à des nuitées d'hôtel. Les autres types de dépenses sont plus modestes, à l'instar de la veille sociale, l'accompagnement vers et dans le logement et les dispositifs de logement adapté.

L'évaluation du budget de l'année n se fonde principalement, au cours de l'année n-1, sur le nombre de places d'hébergement existant, à partir de l'enquête menée semestriellement permettant de mesurer l'évolution du parc ainsi que par le suivi de la mise en oeuvre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale dans le cadre desquels des crédits ont été accordés pour créer de nouvelles places d'hébergement d'urgence. En 2014, le rebasage des crédits visait ainsi à créer ou pérenniser 3 600 places supplémentaires, soit 500 places déjà prévues dans la programmation triennale et 3 100 places résultant du plan pluriannuel précité. Le budget initial prévoyait également la pérennisation de 1 400 places passées de places subventionnées à des places autorisées au sens de l'article du code de l'action sociale et des familles. Ce changement de statut ne change en rien les modalités d'accueil ou d'accompagnement des publics concernés mais permet aux opérateurs de disposer d'une visibilité pluriannuelle de leur parc puisque ces places sont autorisées pour quinze ans et financées par douzième dans le cadre d'une tarification annuelle. Au contraire, les associations subventionnées critiquent parfois les retards de conventionnement et les difficultés rencontrées pour obtenir les paiements correspondant aux engagements souscrits avec l'État. Le recours à ces places autorisées peut également permettre une meilleure régulation, en créant des parcs d'hébergement plus grands, garantir une évaluation de la qualité de l'accompagnement puisqu'elles sont soumises à l'obligation d'évaluation préalable lors du renouvellement de l'autorisation et s'inscrire dans une trajectoire pluriannuelle en intégrant des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens.

La dépense du programme 177 se caractérise également par une très grande maîtrise des coûts. Alors que le nombre de places n'a cessé d'augmenter au cours des cinq dernières années, le coût unitaire a, quant à lui, baissé. La contractualisation opérée avec les CHRS a notamment permis une convergence de ces coûts. L'enquête nationale des coûts, qui est désormais annuelle, permet de suivre cette tendance et d'objectiver les différences de coûts entre les structures.

Les nuitées hôtelières constituent une solution à la fois souple, en permettant d'accueillir dans l'urgence des personnes dont la situation le justifie, et économique puisqu'elles constituent le mode d'hébergement le moins onéreux. En revanche, elles ne sont pas adaptées socialement car elles ne permettent pas de développer un confort et un accompagnement satisfaisant, d'autant que ces places d'hôtel sont majoritairement occupées par des familles avec enfants. C'est la raison pour laquelle la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité a engagé un plan de réduction des nuitées hôtelières pour la période 2015-2017. Pour les familles avec enfants, il est prévu de développer en particulier l'intermédiation locative et les pensions de famille, plus adaptées à leur situation.

M. Philippe Dallier , rapporteur spécial . - En Seine Saint Denis, une solution, soi-disant plus économique, a été trouvée, en mettant à disposition de familles hébergées par la Croix Rouge, des appartements de deux pièces pour 2 000 euros par mois ! Comment est-ce possible ? Pour la femme avec ses cinq enfants que j'ai rencontrée, en tenant compte du versement des aides personnelles au logement auxquelles elle pouvait prétendre, d'une allocation de l'aide sociale à l'enfance et de ses revenus. Lorsque j'ai appelé les services du département pour leur signaler cette situation, il m'a été répondu que cette solution était mieux pour les familles, ce que je ne peux contester, et moins onéreuse que l'hôtel ! Le département a finalement arrêté de procéder ainsi mais désormais c'est la Croix-Rouge du Val-de-Marne qui installe des familles en Seine-Saint-Denis, et dans les mêmes conditions... Je suis sidéré... On contribue ainsi à enrichir les propriétaires de ces logements alors que l'argent public manque ! Comment développer des dispositifs d'intermédiation locative efficaces ?

Virginie Magnant . - Les dispositifs que vous mentionnez ne sont pas financés par des crédits du programme 177 et résultent du cumul d'un certain nombre d'aides sociales comme les aides personnelles au logement.

S'agissant de l'intermédiation locative, elle est en cours de développement. Le coût annuel d'un tel dispositif se situe à environ 3 000 euros, contre 8 000 euros pour une prise en charge en CHRS.

Elle se développe, pour le moment, prioritairement en Île-de-France. Les places proposées dans ce cadre, bien que significatives, restent inférieures à celles proposées par d'autres dispositifs d'hébergement. Les dernières données de décembre 2014 montrent qu'il existe 32 000 places d'hébergement en hôtel, 30 000 places d'hébergement hors CHRS, 40 600 places d'hébergement en CHRS et 21 000 places en intermédiation locative.

Ces dispositifs ont du sens pour orienter plus rapidement certaines personnes vers le logement ordinaire, afin d'éviter le passage par l'hébergement d'urgence ou les CHRS, ou pour permettre une transition en cas de sortie du dispositif d'urgence. Ils sont pertinents et doivent être soutenus. Toutefois, nous sommes évidemment très attentifs au coût qu'ils représentent.

M. Philippe Dallier , rapporteur spécial - Nous voilà rassurés !

Mme Michèle André , présidente . - Ne soyez pas défaitiste de bon matin mon cher collègue ! Je donne la parole à Roger Karoutchi, rapporteur spécial de la mission « Immigration, asile et intégration ».

M. Roger Karoutchi , rapporteur spécial de la mission « Immigration, asile et intégration » . - Nous sommes désespérés, pas défaitistes !

J'aimerais faire trois remarques.

Tout d'abord, sur le plan budgétaire et sur l'exécution du programme 303, nous dénonçons depuis des années la sous-budgétisation des crédits prévus, et pourtant celle-ci continue. L'hébergement d'urgence représente annuellement une dépense d'environ 140 à 150 millions d'euros. Or le Gouvernement continue d'inscrire 110 millions d'euros en loi de finances. Comme cette pratique existe par ailleurs sur d'autres postes de dépense de l'asile, comme par exemple l'allocation temporaire d'attente, il y a une sous-évaluation systématique du coût réel du droit d'asile !

Pourquoi, alors que l'on fait le constat année après année de ce que coûtent réellement ces dispositifs, inscrit-on l'année suivante 40 % de moins que ce qui a été dépensé précédemment, alors même que l'on sait que la dépense ne va pas baisser ?

Deuxièmement, on ne comprend pas bien comment la dépense est suivie. Des instructions sont-elles données aux préfets en cours d'exécution ? Par exemple, lorsque l'on s'aperçoit, dès le mois d'avril, que 40 % des crédits prévus ont déjà été consommés dans un département, que se passe-t-il ?

Ma troisième remarque porte sur la concentration géographique. Il existe à Paris des dizaines d'hôtels insalubres, qui devraient être fermés, mais qui ne vivent que parce que l'on y loge d'office des demandeurs d'asile. J'entends dire que certaines mairies d'arrondissement demandent la création de centres d'accueil dans Paris, mais 87 % des demandeurs d'asile hébergés à l'hôtel le sont déjà en Île-de-France ! Où en est-on du soi-disant rééquilibrage territorial que le Gouvernement a annoncé ?

Les nuitées hôtelières devaient être exceptionnelles, pour des cas d'urgence absolue, mais elles deviennent la règle. Elles coûtent plus de 200 millions d'euros par an. D'année en année le système dérape, mais on persiste dans la même voie. Il ne reste que la prière...

M. Luc Derepas, directeur général des étrangers en France . - Je commencerai par expliquer rapidement le schéma d'ensemble de l'accueil des demandeurs d'asile en France. Il existe deux types de structures d'accueil financées par le programme 303 : les centres d'accueil de demandeurs d'asile (CADA) et l'hébergement d'urgence dédié aux demandeurs d'asile. Il existe 25 000 places en CADA, et il y en aura 29 000 à la fin de cette année puisque nous sommes en train de créer 4 000 places supplémentaires, et 25 000 places d'hébergement d'urgence.

L'hébergement d'urgence pour les demandeurs d'asile avait initialement vocation à être résiduel et était destiné aux demandeurs d'asiles placés dans une procédure juridique particulière, appelée « procédure prioritaire », devant conduire à un traitement rapide de leur demande d'asile. Mais du fait de l'explosion de la demande d'asile ces dix dernières années, ce qui était résiduel a tendu à devenir un complément aux CADA, de sorte qu'aujourd'hui l'hébergement d'urgence représente le même nombre de places que les CADA.

Le poste budgétaire associé à cet hébergement a augmenté sans que nous l'anticipions et sans que nous ayons mis en place les mécanismes permettant de prévoir et de réguler la dépense. Cela se traduit par une sous-évaluation systématique, en loi de finances, des dépenses dédiées à l'asile. Ainsi, en 2014, 115 millions d'euros de crédits étaient prévus ; or, en exécution, ce sont 142 millions d'euros qui ont été dépensés. L'écart a dû être comblé par des abondements en cours d'année.

Nous essayons de réduire ce problème par plusieurs moyens. Le Gouvernement s'est engagé à créer davantage de places en CADA et à diminuer corrélativement le nombre de places d'hébergement d'urgence. Actuellement, dans le cadre de la programmation budgétaire triennale, l'objectif est de créer 10 000 places en CADA et de supprimer 7 500 places d'hébergement d'urgence. Nous souhaitons donc conforter les dispositifs permettant un prix de journée prévisible et un accompagnement social et juridique. Au sein de ce processus de destruction de places d'hébergement d'urgence, nous privilégions la destruction des places d'hôtel, qui sont les moins adaptées pour les demandeurs d'asile et les moins faciles à contrôler.

Ces efforts commencent à porter leurs fruits et se sont traduits par une moindre hausse de la dépense associée aux places d'hébergement d'urgence. Depuis deux ans, le nombre de demandeurs d'asile diminue, de même que le coût unitaire moyen des places d'hébergement d'urgence, ce qui a permis une baisse des dépenses d'hébergement d'urgence de 5 % de 2014.

Mme Dominique Estrosi-Sassone, rapporteur pour avis de la mission « Égalité des territoires et logement » au nom de la commission des affaires économiques . - Dans sa note d'exécution budgétaire, la Cour de comptes a soulevé la nécessité de poursuivre le conventionnement avec les structures d'accueil afin de permettre une convergence tarifaire qui soit basée sur une analyse précise des coûts. Pourquoi ce processus n'est-il pas accéléré ?

Par ailleurs, le préfet des Alpes-Maritimes a récemment indiqué la mise en place d'un diagnostic territorial associant l'État, les collectivités territoriales et les bailleurs sociaux, afin de faire un repérage des lieux potentiels d'accueil. Des dispositifs similaires semblent avoir été expérimentés dans une dizaine de départements. Quel retour d'expérience avez-vous sur ces expérimentations ?

Mme Virginie Magnant . - Nous partageons les observations de la Cour des comptes sur la pertinence du conventionnement avec les structures d'accueil et d'hébergement. Il s'agit d'un des leviers d'action prioritaires pour le ministère. D'ailleurs, la contractualisation entre les opérateurs et l'État fait l'objet d'un indicateur de performance au sein du programme 177. Le conventionnement permet, d'une part, de s'assurer que la prestation d'hébergement correspond bien aux besoins des publics, qui sont divers, si l'on pense par exemple aux personnes sortant de prison, aux femmes victimes de violence, ou aux personnes ayant des difficultés psychiatriques. Il permet, d'autre part, de s'assurer que le coût de la prise en charge est calculé au plus juste.

Le taux de contractualisation suivi dans le cadre du rapport annuel de performance progresse, en s'établissant à 26 %, ce qui est bien supérieur à la cible de 16 % fixée en loi de finances initiale.

Toutefois, il est difficile de conventionner, pour deux raisons principales. D'une part, les fédérations et organismes, en particulier ceux gestionnaires de CHRS, étaient au départ réticents à conclure des conventions avec les services déconcentrés car ils estimaient que celles-ci n'étaient pas en mesure de leur offrir une visibilité pluriannuelle suffisante. Il est vrai qu'elles ne sont pas aisément conciliables avec le principe de l'annualité budgétaire. D'autre part, certains opérateurs ont ponctuellement eu, pour des questions de principe, une opposition à la signature des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens. Pour les services déconcentrés de l'État, la signature de telles conventions est une opération difficile, qui implique de s'accorder avec l'opérateur sur un constat de départ, en particulier s'agissant du service assuré et du coût de la prise en charge.

En lien avec la contractualisation, il y a la programmation de l'offre et l'analyse des besoins. Le conventionnement avec les gestionnaires permet de décliner des engagements pour satisfaire la demande et réguler l'offre. C'est le sens du diagnostic 360 dont vous avez parlé, qui permet de faire une photographie des besoins d'hébergement et de logement d'un département et des hébergements disponibles. Ce diagnostic est réalisé en concertation avec l'ensemble des acteurs, y compris les services de la cohésion sociale et les services du logement, afin d'orienter les personnes vers le logement ordinaire chaque fois que cela est possible. Dès 2014, le « diagnostic 360 » a été mis en place dans six départements pilotes et permet de mieux réguler le dispositif et de mieux coordonner les acteurs. Nous faisons actuellement une première consolidation de ces diagnostics à l'échelle régionale et nous aurons normalement une vision complète à l'échelle nationale à la fin de cette année.

M. Jean-Marie Morisset , rapporteur pour avis de la mission « Égalité des territoires et logement » au nom de la commission des affaires sociales . - Comme cela a été déjà dit, je suis moi aussi frappé par l'écart, année après année, entre la prévision budgétaire et la consommation effectivement constatée. 100 millions d'euros sont ainsi ajoutés environ tous les trois à quatre ans ; j'espère que, cette année, une actualisation de ce type sera opérée et que les crédits prévus correspondront au moins au montant de la dépense constatée en 2014.

Je ne suis pas d'accord avec Virginie Magnant pour dire que les places en hôtel sont une solution économique et adaptée. En tout cas, ce n'est pas une solution sociale, puisqu'il n'y a pas d'accompagnement adéquat.

L'an passé, lors des auditions, il nous avait été dit que la situation devrait s'améliorer grâce à plusieurs outils qui se mettaient en place et qui devaient permettre de mieux planifier : l'étude nationale de coûts, qu'on attend avec impatience ; les diagnostics territoriaux à 360 degrés, sur lesquels j'ai quelques réserves étant donné le nombre des acteurs autour de la table et leur renouvellement à la faveur des élections en 2014 et 2015 ; enfin, la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (loi ALUR) qui consacre juridiquement les services intégrés d'accueil et d'orientation. Va-t-on vraiment, grâce à ces outils, mieux planifier et mieux budgéter ?

Mme Virginie Magnant . - Comme je l'ai indiqué précédemment, nous nous basons sur l'analyse et le suivi du parc d'hébergement. Celui-ci est en progression et le point de fuite est constitué par les nuitées d'hôtel et l'hébergement d'urgence. Je ne crois pas avoir dit que les nuitées d'hôtel étaient une solution adaptée, mais budgétairement c'est une solution de prise en charge apparemment économe. Elles ont pu sembler adaptées à un moment donné, de façon résiduelle, alors que le parc généraliste avait été constitué principalement pour l'accueil collectif d'hommes isolés. Ces places d'hébergement d'urgence ne sont donc pas adaptées pour la mise à l'abri de familles avec enfants. C'est la raison pour laquelle le recours à l'hôtel a pu être développé, lequel n'est toutefois pas adapté lorsque ce mode d'hébergement se prolonge. D'autres solutions doivent être trouvées et c'est le sens du plan de réduction des nuitées hôtelières.

S'agissant du programme 177, le sens de notre effort pour le projet de loi de finances pour 2016 est effectivement de parvenir à une budgétisation plus proche du niveau d'exécution.

Concernant les outils de pilotage, l'étude nationale de coûts a bien été réalisée ; nous pourrons vous en adresser les conclusions, qui permettront d'opérer une tarification plus adéquate des structures. Nous mettons la dernière main au décret sur les SIAO, pour définir leurs missions et faire converger les structures existantes dans des structures uniques lorsque ce n'est pas déjà le cas. Ces instruments ne vont certainement pas concourir à une meilleure prévision budgétaire, mais ils doivent favoriser une meilleure régulation entre l'offre et la demande pour diriger les personnes concernées vers les structures les plus adaptées, avec un accompagnement adéquat.

Le programme est marqué par l'accueil inconditionnel et la continuité de prise en charge, ce qui est le principal obstacle à une maîtrise de la dépense ; mais le SIAO permettra une régulation efficace, en assurant que le meilleur service soit rendu au plus juste coût.

M. Éric Doligé . - Quel est le coût moyen par jour en CADA et en centre d'hébergement ? Quelle est la taille moyenne des familles hébergées ? Les familles peuvent-elles percevoir les allocations familiales, même lorsque les enfants sont pris en charge par les collectivités ? Roger Karoutchi a parlé de la répartition géographique : est-ce prévu, comme cela a été le cas pour les mineurs isolés étrangers (MIE), dont le nombre a considérablement augmenté ? Je rappelle que le coût mensuel d'un MIE est de 7 000 euros. Enfin, il a été décidé il y a quelques années que les femmes avec des enfants de moins de trois ans seraient prises en charge par les départements dans les maisons de l'enfance : a-t-on l'intention de continuer à faire supporter cette charge croissante par les départements ?

M. Luc Derepas . - Je peux répondre pour ce qui concerne l'hébergement des demandeurs d'asile. Le coût journalier est de 24 euros dans les CADA et de 16 euros en hébergement d'urgence. Le différentiel est lié à l'accompagnement qui existe en CADA, et à l'allocation versée, qui est incluse dans le prix de journée des CADA.

Les familles hébergées dans les structures d'hébergement pour les demandeurs d'asile n'ont pas droit aux allocations familiales ni à aucune prestation sociale, à l'exception de la couverture maladie universelle.

S'agissant de la répartition géographique, la demande d'asile est fortement concentrée aujourd'hui en Île-de-France et en Rhône-Alpes. Nous avons augmenté le nombre de places d'hébergement dans les autres régions ; par ailleurs, la loi sur l'asile en cours de discussion au Parlement prévoit un système d'hébergement directif qui permettra de mieux orienter sur l'ensemble du territoire les demandeurs d'asile.

S'agissant des MIE, la politique mise en place vise à une répartition des mineurs sur l'ensemble du territoire pour que la charge qu'ils représentent ne pèse pas seulement sur les services d'aide sociale à l'enfance de quelques départements.

H. AUDITION DE M. CHRISTIAN ECKERT, SECRÉTAIRE D'ÉTAT CHARGÉ DU BUDGET (17 JUIN 2015)

Réunie le mercredi 17 juin 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'audition de Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2014 et mise en oeuvre de la recommandation du 10 mars 2015 du Conseil de l'Union européenne visant à ce qu'il soit mis fin à la situation de déficit excessif en France.

Mme Michèle André , présidente . - Nous accueillons avec grand plaisir le secrétaire d'État chargé du budget, Christian Eckert, dont le retard s'explique par le fait qu'il a dû se rendre au conseil de ministres pour traiter d'un sujet qui va sans doute nous occuper dans les mois qui viennent.

L'ordre du jour initial portait sur le projet de loi de règlement pour 2014 que nous examinerons en commission le 8 juillet, et en séance publique le 9 juillet dans l'après-midi, ainsi que la mise en oeuvre de la recommandation adressée à la France par le Conseil de l'Union européenne le 10 mars, en application de laquelle des informations supplémentaires devaient être transmise à la Commission avant le 10 juin.

Je suis persuadée que le ministre souhaitera également revenir sur le sujet d'actualité du moment ; je lui cède donc sans plus tarder la parole.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget . - Je vous prie d'accepter mes excuses. Le conseil des ministres a commencé tardivement, le conseil de défense qui le précédait ayant duré plus longtemps que prévu ; en outre, le dossier concernant les migrants a retenu l'attention du Président de la République et du conseil des ministres. Ce n'est donc pas le sujet consacré au prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu qui est donc la seule cause de ce retard !

Traditionnellement, nous évoquons lors de cette séance la loi de règlement pour 2014 ; elle est l'occasion de parler également de 2015, voire de 2016. Nous sommes aujourd'hui dans une phase très active de la préparation de la loi de finances pour 2016 et, très souvent, les questions portent sur ces points. Je suis prêt à y répondre.

La loi de règlement est soumise à votre approbation. Vous en connaissez les grandes lignes : le 28 janvier dernier, nous avons échangé à ce sujet, ainsi que le 15 avril, lors de la présentation du programme de stabilité. C'est l'occasion de montrer que, parfois, le passé éclaire l'avenir.

Je sais que le rapport de la Cour des comptes a fait l'objet de nombreux commentaires. Je rappelle que la France est le seul État de la zone euro à présenter des comptes certifiés. C'est un gage de crédibilité et de qualité de l'information pour les finances de l'État.

Les comptes de l'État, ce sont les opérations budgétaires bien sûr, ce sont les dettes et autres passifs, mais aussi les actifs détenus par l'État, qui représentent un montant considérable. Je reviendrai le cas échéant sur la question du patrimoine immobilier et de la politique immobilière de l'État, qui fait souvent l'objet de commentaires qui méritent une réaction.

Il faut saluer l'amélioration continue de la qualité des comptes que l'on constate depuis 2006. La démarche de qualité comptable est d'ailleurs transversale dans l'ensemble des administrations publiques, aussi bien dans les hôpitaux que dans les universités, même si des progrès restent à réaliser.

J'en viens aux résultats obtenus en 2014 sur la maîtrise de la dépense de l'État. Dans le budget de l'État, les indicateurs les plus élémentaires, ceux qui structurent notre gestion budgétaire, ce sont les normes de dépenses. Or, la Cour des comptes n'a de cesse que de modifier les périmètres. Les interprétations sur ce qui entre dans la norme de dépenses peuvent être différentes : programme d'investissements d'avenir (PIA), prélèvements, etc.

Ce sont des débats qui ne datent pas d'aujourd'hui ; toujours est-il que la norme en vigueur que le Gouvernement utilise a été créée lors de la loi de finances pour 2011 - la date est importante - et exclut la charge de la dette et des pensions. Il serait donc faux de dire que la présentation que nous en faisons « surfe » sur la diminution de la charge de la dette, puisqu'elle est en est exclue.

Sur ce périmètre, la dépense passe de 280 milliards d'euros en 2013 à 276,7 milliards d'euros en 2014, soit une baisse en exécution de 3,3 milliards d'euros. On peut toujours décider de changer la norme si on le souhaite ! C'est bien sur cette base que le Gouvernement a présenté le budget.

Le déficit de l'État s'élève pour sa part à 85,6 milliards d'euros en 2014. Comme c'était prévu dès la loi de finances initiale, il augmente par rapport à 2013, du fait du lancement du PIA.

Le déficit de l'ensemble des administrations publiques, quant à lui, est évalué par l'INSEE - et non par le Gouvernement - à 4 % du PIB en 2014, contre 4,1 % en 2013. C'est son niveau le plus bas depuis 2008. Les dépenses publiques ont augmenté dans une proportion limitée de 0,9 %, hors crédit d'impôt, ce qui est le plus faible chiffre enregistré depuis des lustres - auraient dit nos prédécesseurs !

Le déficit structurel enfin, qui a fait l'objet de l'article liminaire, s'établit à 2,1 %. Cet effort, nous allons le poursuivre. La baisse continuera en 2015 et 2016.

Madame la présidente, vous faisiez allusion aux mesures déjà prises pour 2015 ; un récent décret d'annulation de près de 700 millions d'euros de crédits vous a été transmis pour information. Il vient très récemment de matérialiser les mesures complémentaires pour 2015, conformément à ce que nous avons annoncé dans la transmission du programme de stabilité que nous avons déjà évoqué ensemble.

En parallèle, nous avons engagé plusieurs dépenses nouvelles depuis le début de l'année. Un premier décret d'avance a été pris en avril dernier : des crédits supplémentaires ont été ouverts, en particulier pour soutenir la lutte contre le terrorisme, et des économies ont été dégagées sur les autres ministères pour gager ces dépenses.

Le Gouvernement a également annoncé des moyens supplémentaires en faveur de l'emploi : là encore, nous ferons les économies nécessaires pour compenser le coût de ces nouvelles mesures.

Enfin, le débat d'orientation des finances publiques, début juillet, sera la prochaine étape pour évoquer les premières orientations sur la dépense de l'État en 2016.

Vous savez, à cet égard, que certaines dépenses nouvelles seront à financer l'an prochain : nous prenons évidemment en compte ces mesures dans la construction du budget pour 2016, et elles devront s'intégrer dans la trajectoire fixée par le programme de stabilité.

Je vous remercie de votre attention.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - On peut indéfiniment discuter des divergences d'appréciation avec la Cour des comptes, mais vous venez de citer le même chiffre que la Cour des comptes, celui du déficit budgétaire de l'État en 2014, soit 85,6 milliards d'euros, en augmentation d'environ 10 milliards d'euros par rapport à 2013.

Il est vrai que l'on retrouve dans ce déficit l'impact des dépenses du PIA ; cependant, la Cour des comptes affirme que si l'on neutralise celles-ci, le déficit s'est aggravé en 2014 de 5,5 milliards d'euros par rapport à 2013. Peut-on s'accorder sur ce point ?

Ma première question portera sur les risques. Il existe aujourd'hui un certain nombre de contentieux dont on parle régulièrement. Où en est-on ? Je pense au contentieux agricole avec l'Europe, au contentieux concernant la contribution sociale généralisée (CSG) pour les non-résidents. Quels en sont les montants ? Si j'ai bien compris, on attend une décision du Conseil d'État sur ce dernier point mi-juillet. À quel niveau ce risque se situe-t-il ? Il existe aussi un certain nombre d'autres contentieux. Peut-on en avoir une idée ?

Par ailleurs, la montée en puissance du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) étant moins importante que prévue, ne risque-t-on pas de connaître un report de la créance sur les années à venir ?

Une question sur la procédure de déficit excessif : vous avez adressé à la Commission le détail à propos des 4 milliards d'euros. Je vois qu'on annonce même 5 milliards d'euros. Ce détail a-t-il été porté à la connaissance des institutions européennes ? Le Parlement va-t-il en être informé ? À quel moment ?

Enfin, une communication vient d'intervenir devant le conseil des ministres à propos du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu. Le Gouvernement semble vouloir inscrire un certain nombre de principes dans le projet de loi de finances pour 2016. Confirmez-vous le fait que, si ce système devait être mis en place, les contribuables paieraient en 2017 sur les revenus de l'année n - 1 et, en 2018, sur les revenus de 2018 ? Il n'y aurait donc pas, pour le contribuable, d'année sans impôt ; en revanche, il y aurait bien une année blanche pour l'État. Est-il possible de clarifier ce principe ?

Cette réforme est certainement utile, mais elle est aussi complexe, notamment du fait que la France recourt à un système de barème familialisé et une imposition par foyer fiscal.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Vous m'interrogez sur les contentieux en cours ou à venir. Commençons par les contentieux passés. Vous avez fait allusion au contentieux agricole. Je suis preneur d'une réunion avec votre commission entièrement consacrée à ce sujet, sur lequel il est nécessaire d'informer le Parlement quand nous aurons un peu plus de temps.

On a parlé à ce sujet de 4 milliards d'euros de risques. C'était la position initiale de la Commission européenne. Nous sommes arrivés à un accord avec la Commission sur environ 1,1 milliard d'euros. Le paiement est étalé sur trois ans. Il s'agit d'un sujet qui part avec un « handicap » d'environ 360 millions d'euros, dont ce Gouvernement n'est en rien responsable.

Vous évoquez la question de la CSG des non-résidents et l'arrêt « de Ruyter ». Le risque est actuellement évalué à environ 500 millions d'euros. Prenez ce chiffre avec prudence, tout n'étant pas terminé. Nous attendons la décision du Conseil d'État. Nous travaillons beaucoup sur la question de la dérégularisation envisagée pour le passé, ainsi que sur l'attitude à avoir pour le présent et pour l'avenir. Nous sommes mobilisés sur ce sujet très complexe et très technique.

S'agissant du CICE, nous ne sommes pas très loin du chiffre annoncé au moment de sa mise en place - certes un peu en-dessous, mais pas très loin - puisqu'on est autour de 10,8 milliards d'euros, alors qu'une douzaine de milliards étaient prévus en termes de dépenses fiscales. Il faut en outre tenir compte du fait que les demandes de versement pour les grandes entreprises s'étalent sur les trois années à venir. Elles sont bien entendu incluses dans notre trajectoire : les créances déjà établies par les entreprises sont prises en compte dans nos prévisions budgétaires. Il n'y a donc pas de surprise à craindre de ce côté.

Votre deuxième question portait sur la déclinaison des différentes mesures que nous avons transmises à Bruxelles pour 2015. Les 4 milliards d'euros ont fait l'objet d'une communication le 10 juin à la Commission. Elles ont été matérialisées par les décrets qui vous ont été transmis. Elles sont également parfaitement documentées concernant les autres secteurs de la dépense publique.

Nous attendons l'analyse de la Commission européenne sur cette transmission, qui doit intervenir d'ici une quinzaine de jour si mes informations sont bonnes, même si c'est le ministre des finances qui se charge de ces questions.

En ce qui concerne les 5 milliards, je pense que vous évoquez ce qui est prévu pour 2016 ; nous aurons l'occasion, lors du débat d'orientation sur les finances publiques, d'en voir la déclinaison encore plus concrètement que ce que vous en connaissez déjà. Nous avions indiqué une ventilation par secteur. Nous travaillons sur ce sujet dans le cadre de la préparation de la loi de finances. Je ne sais à quelle date le débat d'orientation des finances publiques (DOFP) a lieu au Sénat.

Mme Michèle André , présidente . - Le 9 juillet, dans l'après-midi.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - C'est donc le même jour à l'Assemblée nationale et au Sénat. Nous le ferons avec plaisir, et avec le maximum de précisions possibles.

Troisième élément concernant la retenue à la source, qui fait l'objet de nombreux commentaires ou interrogations légitimes. C'est un débat qui agite la classe politico-fiscale depuis quarante ans et qui a donné lieu à la production de beaucoup d'ouvrages ou de rapports, comme celui du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO). Didier Migaud s'est également livré à cet exercice en son temps. Beaucoup y ont contribué.

Le conseil des ministres de ce matin a adopté la mise en place de la retenue à la source au 1 er janvier 2018 . Pourquoi aussi tard ? La question n'est pas aussi simple qu'on pourrait le penser, vous le savez. Il existe quelques difficultés techniques sur lesquelles je reviendrai.

Cela change-t-il le mode de calcul de l'impôt ? Cela remet-il en cause le principe de la familialisation, le quotient familial, les crédits d'impôt ? La réponse est non ! Il s'agit d'un changement du moment où l'on prélève l'impôt, ou on le paie. Les Français sont assez allants à ce sujet. Pourquoi ?

Prenons quelqu'un qui part à la retraite ou qui son emploi : il se retrouve, l'année durant laquelle il perçoit moins, à payer l'impôt sur l'année précédente, qui a généré un impôt important. C'est là une source de difficultés, chacun peut le comprendre.

À l'inverse quelqu'un qui entre dans l'emploi ou dans la vie active pense la première année que ses revenus bruts sont égaux à ses revenus nets, s'y habitue et, l'année suivante, découvre que l'on doit payer des impôts.

On rapproche le moment où l'on paie l'impôt du moment où l'on perçoit ses revenus. Il existe déjà des moyens de le faire. Aujourd'hui, si l'on télédéclare, on connaît immédiatement, dans la majorité des cas, l'impôt qui sera notifié en septembre ou en octobre, et l'on peut adapter ses mensualités. Que constate-t-on ? Seuls un peu moins de 40 % des Français télédéclarent ! Si 60 % d'entre eux sont mensualisés, une petite minorité modifie ces mensualités. On peut le faire en ligne, en deux clics, mais très peu de personnes le font, même s'ils savent qu'ils auront moins d'impôt à payer l'année suivante. Ils se privent ainsi d'un revenu pourtant disponible immédiatement.

En outre, les contribuables qui utilisent la télédéclaration peuvent prétendre à des remboursements plus rapides que ceux qui ne télédéclarent pas. Il faut donc encourager la télédéclaration pour ces raisons-là, ainsi que la mensualisation. Ce sont des choses que nous essayerons de faire assez rapidement.

J'entends parler de cadeau, d'année blanche ou d'année à risque pour l'État, qui se priverait de recettes pendant un an. Soyons clairs sur ce point : si, par hypothèse, nous mettons en oeuvre la retenue à la source le 1 er janvier 2018, cela signifie qu'en 2017, les contribuables paieront comme d'habitude leur impôt sur le revenu sur la base de leurs revenus 2016. Le 1 er janvier 2018, ils paieront toujours des impôts, mais sur la base de leurs revenus perçus en 2018.

Certains nous reprochent de faire cadeau de l'année 2017. Il s'agit en fait d'une sorte de report d'une année ou de décalage à l'infini. C'est l'année de référence qui va disparaître, non l'année de paiement ! Conclusion : les contribuables paieront tous les ans leur impôt sur le revenu, et l'État encaissera tous les ans une année d'impôt sur le revenu. C'est le cas le plus simple pour les salariés dont la situation n'aurait pas changé, ou peu changé. Cela permettra une continuité parfaite.

Se poseront quelques difficultés, à propos desquelles nous vous proposons de travailler avec nous : il se peut qu'en 2017, certains décident de percevoir des revenus exceptionnels. Lesquels ? Pas les plus-values des valeurs immobilières, celles-ci faisant l'objet d'une retenue à la source calculée et perçue par les notaires sur le produit de la vente. Il peut s'agir de plus-values de valeurs mobilières, de la perception de rentes ou de produits capitalisés. Nous devrons travailler pour éviter les effets d'aubaine ou d'optimisation. Il nous faudra bien sûr élaborer des dispositifs pour éviter ce genre de difficultés.

Une autre question se pose à propos des revenus non-salariés, bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ou revenus des professions libérales. Il faudra mettre en place un dispositif pour que nous puissions prévoir, au fil de l'eau, une modalité de paiement. Ce ne sera pas nouveau que de faire payer des acomptes, des dixièmes, des douzièmes, ni qu'une régularisation intervienne en fin d'année.

Pour maintenir les principes généraux - quotient familial, familialisation, mode de calcul de l'impôt -, chaque contribuable sera conduit à faire une déclaration annuelle, ne serait-ce que pour agréger l'ensemble des questions touchant à sa fiscalité.

L'attente est aujourd'hui très vive. J'ai d'ailleurs renoncé à un certain nombre de communications sur des chaînes de télévision ou des stations de radio pour vous rejoindre mais, si vous avez d'autres questions, je suis prêt à y répondre.

M. Vincent Delahaye . - On aura un débat de fond en séance, mais j'aimerais savoir si vous avez une vue globale des reports de charge pour 2014. A-t-on la comparaison avec 2013 ?

Par ailleurs, la Cour des comptes a réalisé une évaluation des dépenses de personnel, qui augmentent de 1 %, alors qu'on nous avait annoncé qu'elles n'augmenteraient pas. Cela étant, je ne suis pas étonné : je n'y croyais pas.

Parmi les augmentations figure l'évaluation des jours de grève, qui présente un surcoût de 75 millions d'euros. De quelle base part-on pour évaluer les retenus sur les jours de grève ?

Parmi les économies proposées, pouvez-vous nous communiquer la décomposition des 670 millions d'euros, entre les mesures qui l'on peut considérer comme structurelles, qui vont avoir des effets sur plusieurs exercices, et celles qui n'ont d'effet que sur 2015 ?

Mme Fabienne Keller . - Je me permets de revenir sur le prélèvement à la source. Il y a quelques semaines était apparue dans la presse l'idée d'une transition en sifflet entre le système actuel et le prélèvement à la source. Des chiffrages de 15 %, 40 %, 60 % avaient été évoqués. Cette hypothèse est-elle écartée ou est-elle encore à l'étude ?

Deuxièmement, des baisses d'impôt pour la même année ont été annoncées par Michel Sapin en même temps que le prélèvement à la source. Pouvez nous communiquer des éléments factuels à ce sujet ?

M. Michel Bouvard . - Je crois qu'on peut se réjouir collectivement de la démarche de certification engagée avec la mise en place de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), à laquelle le Premier président Philippe Séguin s'était beaucoup consacré.

Au-delà, je voudrais revenir sur la dette. L'annuité de la dette bénéficie de la baisse des taux d'intérêt et de la faiblesse de l'inflation, qui représentent 3,5 milliards d'euros de moins que ce qui était inscrit dans la loi de finances initiale. Certes, on peut s'en réjouir, et sans modifier la norme de dépenses à l'infini, comme vous l'évoquez, on peut néanmoins s'inquiéter du fait que l'on ait parallèlement une dette dont le stock continue de s'accroître et surtout, depuis 2008, un effet boule de neige.

En clair, la croissance du stock de dettes et les intérêts liés à cette croissance sont plus rapides que la croissance du PIB du pays. C'est ce qu'il y a de plus inquiétant. Le seul moyen d'enrayer cette situation serait d'avoir un excédent budgétaire primaire, ce qui est loin d'être le cas, moyennant quoi nous allons atteindre 95 % du PIB en termes d'endettement.

Sans parler du respect de la norme de dépenses et de la problématique de l'annuité de la dette qui lui est liée, considérez-vous qu'il existe une vraie menace ? Doit-on prendre des mesures radicales à cet effet boule de neige ?

Enfin, je fais partie de ceux qui ont soutenu la création du PIA en son temps. Je n'ai donc pas d'état d'âme à ce sujet. Force est de constater que le PIA est devenu, au fil des années, un outil de débudgétisation d'une partie de l'investissement. C'était déjà le cas au départ, et cela s'est accru. Pour autant, on ne doit pas s'en satisfaire, et la norme de dépenses a peut-être eu le tort de ne pas prendre suffisamment les choses en compte.

Pouvez-vous indiquer les mesures qui sont prises pour éviter l'emploi de ces outils de débudgétisation, surtout quand on en voit d'autres poindre à l'horizon ? Je suis à moitié rassuré de ce qui figure dans la loi de transition énergétique concernant le mode de financement du fonds de financement de la transition énergétique, dont je découvre qu'il serait alimenté par un prélèvement amont sur le reversement de la Caisse des dépôts et consignations à l'État qui, en toute logique, devrait partir vers le budget général.

L'imagination est sans limite en matière de débudgétisation. Ce n'est pas de votre fait et ce n'est pas nouveau, mais que fait-on pour arriver à ferme les sabords qui ne font que s'ouvrir ?

M. Philippe Dallier . - Voici un moment qui est devenu un classique : en tant que ministre, vous êtes dans votre rôle en regardant le verre à moitié plein, et l'opposition dans le sien en vous interrogeant et en considérant le verre à moitié vide. Cela ne changera pas !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - J'ai connu des époques où il était complètement vide !

M. Philippe Dallier . - En tous cas, cette loi de règlement est marquée - et la Cour des comptes le souligne - par un événement particulier qui n'était pas arrivé depuis 2010 : le déficit s'est en effet accru d'environ 10 milliards d'euros ! Même sans tenir compte des sommes relevant du PIA, on est à plus de 5 milliards d'euros.

En outre, un certain nombre de dettes de l'État sont en train de se reconstituer dans les différentes missions : 173 millions d'euros en matière de logement sur l'aide personnalisée au logement (APL) qui, nous dit-on, s'élèveront à 300 millions d'euros à la fin de l'année ! Un certain nombre de chiffres ne figurent pas dans l'exécution. Si l'on en faisait la somme, il y aurait sans doute plusieurs centaines de millions d'euros, voire plus d'un milliard d'euros à y rajouter. On ne peut donc vous décerner de satisfecit aujourd'hui.

Combien manquerait-il s'il fallait jouer le jeu de la vérité des chiffres ? La Cour des comptes a également relevé le fait que l'État ne verse pas les pénalités qu'il doit au fameux Fonds national d'accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL) lorsqu'il a été condamné par le tribunal administratif pour défaut de relogement, dans le cadre de la loi sur le droit au logement opposable (DALO). On pourrait multiplier ainsi les exemples. Il serait donc intéressant de connaître le chiffre global.

La Cour des comptes évoque d'ailleurs la légalité de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS), qui permet de financer les aides à la pierre par la mutualisation.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - La CGLLS dispose pourtant de réserves !

M. Philippe Dallier . - Je partage votre point de vue : j'ai toujours été favorable à cette mutualisation des moyens, mais si les aides à la pierre figuraient auparavant dans le budget de l'État, il n'en existe aujourd'hui quasiment plus, et l'on va piocher l'argent ailleurs. C'est pourquoi la Cour des comptes s'interroge sur la légalité de ce moyen.

Un mot sur le prélèvement à la source. Nos concitoyens y sont en effet favorables, mais je ne suis pas sûr qu'ils aient tous compris ce qui allait se passer. Certains pensent qu'il y aura une année blanche durant laquelle on ne paiera pas d'impôts. On a bien vu que ce ne serait pas le cas. Tout le monde n'a pas compris qu'on devra quand même faire une déclaration en fin d'année. Pour certains, un reliquat sera probablement à verser ou un chèque à percevoir du Trésor public. C'est la même mécanique qu'aujourd'hui !

Pourquoi se lancer dans cette opération, qui va être extrêmement compliquée et qui présente un autre inconvénient, celui de devoir demander à toutes les entreprises, petites, moyennes ou grandes, de jouer au percepteur, avec les difficultés que cela va engendrer ? On a développé la déclaration par Internet, qui commence à donner de bons résultats. Elle va monter en puissance. C'était déjà une simplification. On peut être prélevé mensuellement. On n'était donc pas très loin de ce qui va être proposé, mais l'inconvénient de ce système, c'est que l'on va transformer les entreprises et les collectivités locales en percepteurs. En tant que maire, je m'inquiète quelque peu !

La commission des finances du Sénat travaille sur la TVA et l'évaporation des bases fiscales. On a en effet demandé aux entreprises de jouer ce rôle : elles prélèvent et compensent, mais l'on voit les difficultés que cela pose en matière de recouvrement. On est en train de travailler sur une logique inverse, qui ferait que l'on prélèverait la TVA à la source au moment des paiements, afin d'alléger le travail des entreprises et de vous rendre le contrôle plus simple.

En matière d'impôt sur le revenu, on va mettre en place un système complexe qui n'en vaut pas la peine ! Existe-t-il une évaluation du coût de la mise en place de cette affaire ? Il va falloir adapter tous les systèmes informatiques : cela va être d'une certaine complexité ! A-t-on une étude comparative pour s'en faire au moins une idée ?

M. Yannick Botrel . - La retenue de l'impôt à la source est un grand sujet de débat chez nos concitoyens : il suffit de prendre le taxi ou un café le matin au comptoir pour être interpellé sur ce sujet.

Que peut-on répondre à nos concitoyens qui craignent la perte de la confidentialité, à laquelle ils tiennent particulièrement, que pourrait provoquer la retenue à la source, puisqu'il appartiendra en effet à l'employeur de collecter l'impôt ?

En second lieu, on met souvent en avant le fait qu'en l'état actuel 47 % de nos concitoyens échappent à l'imposition sur le revenu : est-il envisagé un élargissement de la base des contributeurs ?

M. François Marc . - Je pense que les choses sont relativement claires et transparentes à propos de la loi de règlement. En France, la certification des comptes constitue une garantie. Si, dans d'autres pays, aujourd'hui en situation délicate, cette certification avait existé au cours des décennies passées, on n'aurait peut-être pas connu les crises que nous traversons !

Par ailleurs, vous avez souligné que la dépense publique était maîtrisée pour la première fois depuis nombre d'années. C'est une évolution qu'on ne peut que saluer.

Vous indiquez également que, s'agissant du déficit des comptes, vous avez transmis avant le 10 juin les éléments nécessaires à Bruxelles. Il n'y a pas de contestation sur ce point, la France respectant ses engagements. Je crois donc qu'il faut vous décerner un satisfecit, sinon sur le niveau du déficit, que tout le monde déplore, du moins sur la façon dont la tenue des comptes et le budget sont maîtrisés.

S'agissant du prélèvement à la source, la modification que l'on veut introduire en France est tout à fait légitime. On ne peut pas vraiment la contester. Parmi les 47 % de Français qui paient l'impôt, beaucoup ont des trajectoires professionnelles qui les conduisent dans des pays étrangers à un moment ou un autre de leur carrière. Il n'est pas maladroit de rapprocher nos dispositifs de ce qui est en vigueur dans les autres pays. C'est une forme de standardisation des modes de prélèvement de l'impôt qui paraît légitime. La France est l'un des trois pays au monde, avec Singapour, qui n'a pas encore adopté ce mode de fonctionnement.

Une question sur l'organisation de cette réforme, tant en ce qui concerne la préparation du budget 2016 que du budget 2017 : on sait que celle-ci entrera en application le 1 er janvier 2018, mais quelles dispositions va-t-on déjà introduire dans la loi de finances pour 2016 ? Je pense en particulier à la télédéclaration et à la mensualisation. Je sais que cela soulève un problème constitutionnel, mais ne pourrait-on, dès le budget 2016, obliger tout le monde à s'inscrire dans un mode de fonctionnement qui facilite les choses ? Si on n'introduit pas de garde-fous, de contraintes, et si on ne manifeste pas d'exigences du point de vue réglementaire, peut-être les choses seront-elles plus difficiles à mettre en place. Dès lors quelles dispositions verra-t-on apparaître dans la loi de finances initiale pour 2016 ? Qu'est-il prévu pour 2017 ?

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Un contribuable mensualisé qui utilise la télédéclaration a la possibilité de demander la modification de ses prélèvements, voire leur interruption, si ses revenus changent. Qu'est-ce que cela va apporter concrètement ? Il est vrai que si l'on se trompe de plus de 10 %, on risque des pénalités. C'est peut-être ce qui explique le peu de recours à ce système...

Or, aujourd'hui, si les contribuables utilisent beaucoup la mensualisation, peu ont recours à la télédéclaration, alors que le système fonctionne objectivement bien. Il faut rendre hommage à la DGFiP sur ce point.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - François Marc m'a interrogé sur les méthodes de retenue de l'impôt à la source et les méthodes de travail. Nous aurons à y travailler. Dès septembre, le Gouvernement lancera un débat avec l'ensemble des partenaires. Nous aurons jusqu'au premier semestre 2016 pour mettre noir sur blanc les principes, les difficultés, les méthodes qui pourraient faire consensus. Quelles pourraient être les premières mesures ? Nous travaillerons ensemble sur ces sujets...

Vous souhaitez que l'on incite le contribuable à télédéclarer et à se mensualiser. La meilleure incitation, c'est d'en faire la promotion et d'expliquer, comme vient de le faire à l'instant le rapporteur général, qu'elles fonctionnent bien.

J'ai par exemple été surpris que ceux qui utilisent le chèque emploi service universel (CESU) trouvent préremplis les montants de leurs dépenses au titre de l'emploi de salariés à domicile, ainsi que le nom et l'adresse de ceux-ci.

Tout cela s'améliore régulièrement, tous les ans, grâce au travail de nos équipes. Certains pensent que c'est facile : or on compte 37 millions de foyers fiscaux et 150 millions d'informations transmises aux services fiscaux d'origine diverses - banques, employeurs, CESU, etc. ! Tout est vérifié, et il faut saluer ce travail.

Qu'est-ce qui va changer ? Principalement le fait que l'impôt à payer concernera l'année des revenus que l'on percevra : cela évitera les décalages temporels que j'évoquais tout à l'heure. Ce sont des difficultés que vous rencontrez dans vos permanences : on demande des délais, des facilités de paiement, etc. L'un des objectifs est de rapprocher le moment où l'on paie l'impôt de celui où l'on perçoit le revenu : c'est essentiel !

Nous n'avons pas l'intention d'obliger l'ensemble des contribuables à télédéclarer. Un certain nombre de personnes ne sont en effet pas en mesure de le faire, et ce pour diverses raisons - raisons personnelles, idéologiques, matérielles, du fait d'une mauvaise connexion à Internet, par exemple. Il faut continuer à travailler sur ces sujets.

Vincent Delahaye s'interroge sur les reports de charges. C'est très clair dans les comptes de l'État, même s'il est vrai qu'on ne le voit pas dans la comptabilité budgétaire. Fin 2013, l'État devait 6,7 milliards d'euros à ses fournisseurs ; fin 2014, l'État doit 7 milliards d'euros, hors effet des apurements communautaires, soit une très légère augmentation de 300 millions d'euros. On a donc contenu les choses. Tous les rapporteurs spéciaux ont accès à toutes les informations concernant les comptes détaillés de chacun de leur secteur.

Pour ce qui est des jours de grève, je n'ai pas de réponse, j'en suis désolé. La question est précise.

Parmi les économies réalisées en 2015, lesquelles sont structurelles, lesquelles sont conjoncturelles ? Je vous propose d'ouvrir le débat ce soir et, peut-être, d'y passer la nuit ! J'entends souvent le mot « structurel » répété quinze de fois de suite dans certaines interventions - je n'ai pas dit que c'était le cas ici, mais cela arrive... Je préférerais que ceux qui appellent sans cesse de leurs voeux des réformes structurelles en proposent seulement quatre. C'est un bon débat, mais il est difficile à trancher. Le débat d'orientation des finances publiques, j'imagine, nous permettra d'y revenir.

Fabienne Keller a posé deux questions. En premier lieu, a-t-on conservé l'idée d'un règlement en sifflet de la retenue à la source, avec une répartition de l'année que certains qualifient un peu à tort de « blanche » les années suivantes ? C'est une proposition qui circule. J'ai dit clairement ce qu'il en était pour les revenus salariés : il n'est pas question de reporter l'impôt dû en 2017 sur les années suivantes, et de le cumuler avec l'impôt dû au titre de 2018.

Nous aurons à traiter le cas des revenus exceptionnels, ponctuels - plus-values mobilières perçues ou réalisées en 2017. Cela ne change rien : un revenu exceptionnel, en 2017, aurait de toute façon donné lieu à un impôt exceptionnel en 2017 ! Si l'impôt exceptionnel est réparti sur les années suivantes, en quoi cela pénaliserait-il le contribuable ? J'ai même le sentiment qu'il peut en tirer un avantage. ! Cela fait partie des points que nous aurons à traiter dans le cadre de nos travaux.

Vous évoquez en second lieu des baisses d'impôt. Vous avez raison, madame la sénatrice, il existe des baisses d'impôt : avec la suppression de la première tranche, 9 millions de foyers vont voir leur impôt diminuer dès 2015. Nous le vérifierons ensemble. Y en aura-t-il d'autres en 2016 et 2017 ? Nous sommes en train de travailler sur la loi de finances initiale. Nous verrons bien dans quelle mesure les propositions du Gouvernement ou les propositions parlementaires pourront modifier la structuration. Le Gouvernement n'acceptera en tout cas aucune hausse d'impôt supplémentaire, même si elles sont proposées par les parlementaires. Il ne vous en proposera pas non plus, et il tentera de s'y opposer, même si le Parlement décide en dernier ressort.

Michel Bouvard a évoqué la question de la dette et des taux d'intérêt, question régulièrement posée à juste titre, parfois sous forme de risque. J'ai failli anticiper ma réponse tout à l'heure...

Les documents et les trajectoires budgétaires ont été élaborés suivant des prévisions concernant le taux des obligations assimilables du Trésor (OAT) qui sont les suivantes : le taux des OAT devrait s'élever à 1,2 % en 2015, 2,1 % en 2016, 3 % en 2017, et 3,5 % en 2018. Aujourd'hui, le taux des OAT, qui vient d'augmenter, tourne entre 1,1 % et 1,2 %. Ces OAT ont dix ans, et un spread qui a assez peu varié par rapport à nos voisins. À ce stade de l'année, nos émissions couvrent déjà une large part de nos besoins. Nous avons essayé de profiter des taux faibles, qui sont en train de légèrement remonter - je pense que l'incertitude que peut engendrer la situation grecque n'y est pas complètement étrangère. Nous l'avons évoquée en conseil des ministres il y a deux heures.

Les taux d'OAT inclus dans nos trajectoires budgétaires sont particulièrement prudents, puisqu'il faudrait un doublement de l'OAT pour que cela ait des conséquences en 2016.

Il existe un autre impact, celui de l'inflation. Beaucoup de nos produits sont indexés sur l'inflation. À ce stade, nous en avons assez généreusement profité. L'inflation, semble-t-il, connaît un regain de hausse selon les dernières prévisions. Comme le disait Pierre Dac : « Les prévisions sont toujours difficiles, surtout quand elles concernent l'avenir. » !

M. Michel Bouvard . - Il disait aussi que les économistes avaient été inventés pour que les météorologues se sentent moins seuls !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Vous m'interrogez également sur le PIA et les possibilités de débudgétisation, et vous vous inquiétez à propos du fonds de financement de la transition énergétique. Je crois reconnaître là des propos du commissaire-surveillant de la Caisse des dépôts, que vous fûtes !

C'est une interrogation traditionnelle. Nous essayons, avec le Commissariat général à l'investissement (CGI), de piloter au mieux les dépenses du PIA, qui sont bien qualifiées de « dépenses publiques », et sont prises en compte dans le champ des dépenses de l'État. Nous en suivons les décaissements. Ils sont souvent très progressifs, et nous faisons régulièrement le point à ce sujet.

Quant aux questions concernant la transition énergétique, je reçois ce soir Ségolène Royal pour travailler sur la loi de finances initiale. Nous aurons l'occasion d'en reparler.

Pour répondre à Philippe Dallier, combien manque-t-il ? Il n'y a pas de poussière sous le tapis ! Vous dites que la CGLLS a été critiquée par la Cour des comptes. On demande aux organismes sociaux de se garantir contre un risque bancaire par une cotisation à la CGLLS, qui n'a d'ailleurs été que très rarement appelée en recours comme garantie d'emprunt, sauf une fois, je crois, à hauteur de 400 000 euros, ce qui est sans rapport avec les centaines de millions d'euros actuellement capitalisés dans la CGLLS.

Un travail est mené sur la mutualisation ; nous aurons peut-être l'occasion de l'évoquer avec le sénateur Georges Patient au sujet d'une difficulté que connaît son département. Nous travaillons sur ce sujet avec Alain Cacheux, qui préside le conseil d'administration et Jean-Louis Dumont, au titre de l'Union sociale pour l'habitat (USH), pour optimiser les fonds de la CGLLS.

Vous dites qu'il s'agit d'un transfert des aides à la pierre : l'important est qu'elles puissent être mises en oeuvre pour accompagner les opérations de construction de logements. Pourquoi immobiliser de l'argent ? Cela a été le cas très longtemps. Pourquoi ne pas les mettre au service du logement social ? C'est ce que nous nous employons à faire.

Vous avez posé une question très précise et légitime sur les charges que pourrait occasionner la retenue à la source aux entreprises. Nous travaillons sur plusieurs pistes en ce qui concerne celui qui prélèvera l'impôt. Vous craignez que les entreprises ne se transforment en percepteurs. C'est déjà assez largement le cas : le bulletin de paye comporte ainsi plusieurs lignes concernant la TVA, la CSG, etc. Nous travaillons d'ailleurs sur une simplification du bulletin de paye. Si on enlève cinq lignes et qu'on en ajoute une, on en aura néanmoins supprimé quatre !

Des réunions ont lieu tous les quinze jours avec les concepteurs de logiciels de paye, avec les entreprises, les organisations professionnelles. Si c'est l'entreprise qui joue le rôle de collecteur, il faudra veiller que cela respecte certains principes.

D'autres pistes sont explorées : on parle d'une interface qui permettrait, dès que le salaire est versé sur le compte bancaire, d'effectuer immédiatement le prélèvement. Cela fait partie de ce qui sera mis au débat et des choix qui devront être faits dans le cadre du Livre blanc.

Se pose également la question de la confidentialité. Il faudra bien qu'à un moment donné, quelqu'un utilise un taux d'imposition : l'employeur, le banquier, ou celui qui se trouve entre les deux. Que va révéler ce taux d'imposition ? Pas grand-chose ! En effet, un grand nombre de facteurs interviennent dans le calcul de celui-ci, comme la structure familiale, l'ampleur des revenus des uns et des autres, la présence ou non de revenus exceptionnels ou d'autres revenus. Un taux s'explique par un grand nombre de choses. Il y a donc déjà là une protection. Nous aurons l'occasion d'en débattre avec l'ensemble des acteurs du secteur.

J'ajoute que nous disposons d'un outil qui se développe, celui de la déclaration sociale nominative (DSN), qui va progressivement devenir obligatoire dans toutes les entreprises. C'est un facteur très important. Cela va grandement simplifier la vie des entreprises, qui n'auront plus à renseigner les états qu'elles doivent remplir, mais pourront directement avoir communication des montants versés.

C'est un facteur de simplification très important pour les entreprises. Pour la sphère publique, cela permet d'avoir connaissance, au fil de l'eau, des revenus dans leur détail et dans leur répartition.

L'année dernière, le Parlement nous a suivis en instaurant le versement d'une prime aux retraités destinée à compenser la non-revalorisation des pensions. Nous avons eu des difficultés à mettre en place ce dispositif. Pourquoi ? Aujourd'hui, nous n'avons pas connaissance de l'ensemble des revenus que touchent les retraités - retraite principale ou retraites complémentaires. On est parvenu à le faire en croisant les données issues de plusieurs systèmes informatiques, mais cela n'a pas été simple. Avec la DSN, je pense que nous aurons davantage de facilités pour le faire. Cela nous donnera des informations statistiques.

L'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), par exemple, vient d'annoncer que la masse salariale, au premier trimestre, a augmenté de 0,9 %. Nous pourrons ainsi, mois par mois, suivre l'évolution de la masse salariale ce qui, dans le suivi de nos prévisions de recettes, ou en matière de cotisations sociales, nous permettra d'améliorer nos connaissances. Nous pourrions même accélérer le calendrier, mais je sais que cela pose quelques difficultés.

François Marc a rappelé que nous étions l'un des rares pays à ne pas pratiquer la retenue à la source, avec la Suisse et Singapour. Par ailleurs, nous ne sommes pas seuls à tenir compte de la situation familiale : c'est également le cas du Grand-Duché du Luxembourg. Ce principe n'est pas remis en cause. J'entends dire que l'on va vers une individualisation de l'impôt : non !

La déclaration annuelle continuera d'être de mise. La plupart des pays qui pratiquent la retenue à la source continuent d'en avoir une, qu'il s'agisse de l'Allemagne, des États-Unis, ou des pays du nord. En Allemagne, elle n'est pas obligatoire, ce pays prélevant systématiquement plus que l'impôt qui est dû. Beaucoup de contribuables allemands, si les sommes sont faibles ou si la complexité est trop grande, renoncent même à leur déclaration finale. On dit que quelques milliards d'euros par an sont ainsi conservés par l'État. Ce n'est pas le but : le but est que l'impôt soit juste et corresponde à ce qui est dû. Ce système sera consolidé en fin d'année par une déclaration annuelle préremplie : c'est mieux, plus rapide et plus efficace.

Aujourd'hui, comment peut-on encore gâcher des tonnes de papier, alors que la télédéclaration apparaît très efficace ? Elle est souhaitée par les entreprises, qui ont parfois un tour d'avance sur la sphère administrative en ce qui concerne les évolutions technologiques. Je pense donc que nous devons accompagner ce mouvement.

Voilà quelques éléments de réponse. Comme d'habitude, nous aurons l'occasion d'y revenir.

Mme Michèle André , présidente . - Merci pour votre disponibilité et vos réponses. Nous aurons en effet l'occasion d'y revenir.

I. AUDITION DE MME FLORENCE ROBINE, DIRECTRICE GÉNÉRALE DE L'ENSEIGNEMENT SCOLAIRE (24 JUIN 2015)

Réunie le mercredi 24 juin 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'audition de Mme Florence Robine, directrice générale de l'enseignement scolaire, responsable des programmes 140 « Enseignement scolaire public du premier degré » et 141 « Enseignement scolaire public du second degré » sur l'exécution des crédits du titre 2 et la gestion des recrutements dans l'éducation nationale.

Mme Michèle André , présidente . - Je vous propose de poursuivre notre série d'auditions préparatoires à l'examen du projet de loi de règlement en entendant la directrice générale de l'enseignement scolaire, Florence Robine, responsable des programmes 140 « Enseignement scolaire public du premier degré » et 141 « Enseignement scolaire public du second degré » de la mission « Enseignement scolaire ». Comme précédemment, cette audition est ouverte à la presse.

Je salue également la présence parmi nous de Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication sur la mission « Enseignement scolaire ».

Les dépenses de personnel se sont élevées à 120,8 milliards d'euros en 2014, soit 40 % des dépenses du budget général. Je rappelle que la mission « Enseignement scolaire » a représenté à elle seule plus de 40 % des effectifs de l'État et la moitié des dépenses de personnel.

La gestion de la masse salariale apparaît donc comme un important levier pour la maîtrise des dépenses publiques. La loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 fixe d'ailleurs l'objectif d'une augmentation maîtrisée de la masse salariale qui devra évoluer moins vite que l'inflation. Elle dispose en outre que les créations d'emplois dans les secteurs prioritaires, dont l'éducation nationale, devront être compensées par des réductions d'effectifs dans les autres secteurs.

C'est pourquoi nous avons souhaité vous entendre afin que vous puissiez nous présenter l'exécution des crédits du titre 2 et la gestion des recrutements dans l'éducation nationale en 2014. Des questions ne manqueront certainement pas de vous être posées sur la mise en oeuvre des 54 000 recrutements dans l'éducation nationale sur la législature ou sur le pilotage de la gestion de ces crédits, dont on peut comprendre qu'il s'agit d'un exercice complexe compte tenu du nombre de paramètres à prendre en compte, tels que le glissement vieillesse technicité, le nombre de départs à la retraite, etc.

M. Gérard Longuet , rapporteur spécial de la mission « Enseignement scolaire » . - L'exécution 2014 des crédits de la mission « Enseignement scolaire » est satisfaisante, les taux d'exécution s'élevant respectivement à 100,19 % en AE et à 99,64 % en CP. Les prévisions ont donc été respectées. Les dépenses de personnel ont, quant à elles, atteint un montant de 60,3 milliards d'euros en AE comme en CP. Une sous-réalisation du schéma d'emplois peut toutefois être constatée dans le premier degré à hauteur de 1 077 équivalents temps plein (ETP) en moins, alors que le bilan des entrées et des sorties dans le second degré est, quant à lui, positif et s'établit à 973 ETP supplémentaires. Cela explique l'écart très faible aux prévisions au niveau global.

Mes observations tourneront toutes autour d'une question simple : peut-on à la fois faire du qualitatif et du quantitatif ?

Ma première question a trait à l'écart salarial qui peut être constaté par rapport aux autres pays de l'OCDE au détriment des enseignants français. Dans le premier degré, les salaires sont inférieurs de près de 14 % à la moyenne des pays de l'OCDE. Or, le primaire est un moment sensible, celui où doivent être acquis les fondamentaux, dont la lecture, chère à Jean-Claude Carle. Un article des Échos du 16 juin rappelait ainsi qu'en l'absence de revalorisation, le salaire des enseignants débutants serait prochainement rattrapé par le SMIC. Cela pose des questions en termes d'attractivité de la profession alors que ces personnels disposent désormais d'un diplôme de master. Un choix gouvernemental a été fait, celui d'une politique de recrutements massifs, qui est déjà en partie engagée et qui obère les marges de manoeuvre en matière salariale. Ma question est donc la suivante : une inflexion est elle-envisagée sur ce sujet ?

Par ailleurs, pour avoir été rapporteur spécial de cette mission pendant de nombreuses années, je dois reconnaître que si vos prédécesseurs avaient pour consigne de diminuer les effectifs, il leur était également demandé de compenser cette baisse par une augmentation du nombre d'heures supplémentaires. L'offre scolaire était donc in fine la même. Nous sommes dans une situation inverse aujourd'hui : on augmente les effectifs mais on diminue les heures supplémentaires. Cela a des conséquences sur la situation matérielle des enseignants qui tend à se dégrader. Je souhaiterais par conséquent savoir si la création de postes a bien été compensée par la baisse du nombre d'heures supplémentaires effectives. Pourriez-vous également nous indiquer le montant moyen d'une heure supplémentaire ?

S'agissant toujours de la question de l'attractivité du métier, avez-vous des informations sur le nombre de démissions, dans les premières années d'exercice de la profession notamment, comme cela existe pour les militaires de carrière. À l'inverse, avez-vous connaissance de personnes qui rejoindraient l'enseignement dans le cadre d'une seconde partie de carrière ?

Enfin, ma dernière question porte sur la productivité de la classe. Il me semble que les enseignants souffrent de la dégradation relative de leur productivité par rapport à d'autres métiers. Qu'il s'agisse de l'industrie, c'est une évidence, ou des services, c'est vérifié, la productivité a crû de manière tendancielle au cours de ces dernières décennies. Or, la productivité dans l'enseignement s'est dégradée en raison de l'augmentation du taux d'encadrement, pour des raisons que nous connaissons tous. La dégradation de la situation matérielle des enseignants résulte pour partie de cette baisse de la productivité de la classe. Des réflexions sont-elles en cours sur cette question ou bien estimez-vous qu'il existe une sorte de fatalité à cela ?

Mme Florence Robine, directrice générale de l'enseignement scolaire . - Je ne reviendrai pas sur les questions d'exécution que vous avez parfaitement résumées.

Beaucoup de questions que vous m'avez posées concernent plutôt la direction des ressources humaines, que je ne représente pas ici mais à qui je transmettrai vos interrogations.

En ce qui concerne les écarts salariaux que vous avez rappelés, un effort est mené, en particulier dans le premier degré où l'écart est plus significatif, notamment en début de carrière. Cet écart est moins flagrant par la suite, les salaires des enseignants augmentant plus rapidement que dans les autres pays. En fin de carrière, les niveaux de rémunération se situent dans la moyenne de l'OCDE. Le ministère a mis en place une indemnité pour le premier degré, de l'ordre de 400 euros par an, qui devrait atteindre progressivement les montants du second degré.

S'agissant des heures supplémentaires, nous n'avons pas modifié leur taux ni diminué leur nombre depuis 2013. Les heures supplémentaires nous permettent de donner une certaine souplesse aux établissements, notamment au moment de la préparation de la rentrée. Cela permet aux enseignants d'effectuer l'intégralité de leur service dans un seul collège, par exemple, au lieu de devoir être présents dans plusieurs établissements. Pour répondre à votre question sur le montant moyen d'une heure supplémentaire, si je ne connais pas le chiffre exact, il me semble qu'il s'élève, pour une heure supplémentaire annuelle, à environ 1 370 euros en moyenne.

En ce qui concerne les démissions, je ne dispose pas de chiffres précis. Mais d'expérience, en tant que recteur dans des académies parfois difficiles, il n'y a pas de phénomène de démissions massives. Il arrive que certains stagiaires démissionnent avant leur titularisation, lorsque la réalité du métier ne correspond pas à leurs attentes, mais cela reste marginal. Je vais cependant demander des chiffres précis sur cette question que je vous transmettrai.

S'agissant de la dégradation de la productivité, il me semble que cette notion est difficile à mettre en oeuvre dans l'éducation. En ce qui me concerne, je préférerais parler d'efficacité ou d'efficience. Or, un facteur d'efficacité réside dans la qualité de la formation des enseignants. Nous avons travaillé à la reconstruction d'une formation de qualité pour permettre aux enseignants de prendre la mesure de leurs missions et de répondre aux objectifs que la Nation a fixés à l'école.

En ce qui concerne la dualité entre qualité et quantité, de mon point de vue, les deux doivent être poursuivies. On ne peut nier qu'il existe un besoin d'enseignants supplémentaires alors que la France, et nous pouvons nous en féliciter, connaît une très forte croissance démographique. Nous constatons ainsi, depuis quelques années, dans le second degré, une augmentation moyenne des effectifs d'élèves de près de 30 000 élèves par an. Nous avons donc besoin d'enseignants plus nombreux et de qualité, c'est-à-dire bien formés et accompagnés.

M. Thierry Foucaud , rapporteur spécial de la mission « Enseignement scolaire » . - Je rejoins en partie les observations de Gérard Longuet, notamment sur l'exécution, qui est en effet conforme aux prévisions, même si je ne partage pas son analyse sur la baisse de la productivité des enseignants. Je fais mienne sa remarque sur la sous-réalisation du schéma d'emplois dans le premier degré public, qui est inférieure de 1 077 ETP aux prévisions, alors que le bilan des entrées et des sorties dans le second degré est positif. Je rappelle en outre que le plafond d'emplois a été sous-consommé cette année encore.

La loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République du 8 juillet 2013 prévoit le recrutement de 7 000 personnels destinés, notamment, au renforcement des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED). Pourriez-vous nous indiquer à combien se sont élevés les effectifs des RASED en 2014 ?

En tant que rapporteur spécial de la mission « Enseignement scolaire », je me suis ému, avec d'autres collègues, à plusieurs reprises de ce que les emplois d'assistants d'éducation ne soient pas inclus dans le plafond d'emplois du ministère et soient rémunérés par des crédits d'intervention. Avez-vous envisagé de placer ces personnels, comme nous le souhaitions, sous plafond ministériel ou, le cas échéant, de créer un plafond d'emplois spécifique, ce qui permettrait au Parlement de bénéficier d'une vision plus exhaustive des effectifs de l'éducation nationale ?

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2015, je me suis prononcé en faveur de la mise en place d'un plan pluriannuel de recrutements par discipline qui permettrait aux étudiants désirant passer les concours de l'enseignement d'avoir une meilleure visibilité. Un tel projet pourrait-il être mis en place ?

Enfin, ma dernière question rejoint celle de Gérard Longuet et concerne le nombre de démissions. Vous y avez déjà répondu en partie en indiquant qu'un effort devait être fait dans l'accompagnement des enseignants, grâce, en particulier, à la reconstruction d'une formation initiale. Cela était demandé par l'ensemble des organisations syndicales que nous avions reçues ici même.

Mme Florence Robine, directrice générale de l'enseignement scolaire . - Compte-tenu de la technicité de certaines de vos questions, je ne serai pas en mesure de répondre à l'ensemble d'entre elles. Vous avez parlé d'une sous-réalisation du schéma d'emplois dans le premier degré, cet écart a également été constaté par nos services qui ont été surpris par une augmentation non prévue des temps partiels des personnels enseignants du premier degré. Si ces phénomènes sont difficiles à anticiper, nous faisons en sorte que le service soit néanmoins assuré.

S'agissant des effectifs des RASED, cette question me semble rejoindre celle plus large de la difficulté scolaire. Or, l'aide à la difficulté scolaire peut revêtir de nombreux aspects et donc engager des réponses différentes, dont le recours à des personnels spécialisés. Sur ce dernier point, nous travaillons à la reconstitution des effectifs. Cela nécessite des formations longues ainsi que des engagements de personnels et prend donc du temps.

D'autres réponses ont en outre été apportées pour traiter la difficulté scolaire, je pense en particulier, dans le premier degré, au dispositif « plus de maîtres que de classes », auquel d'importants moyens sont consacrés. Ces difficultés étaient autrefois traitées à l'extérieur de la classe par des personnels spécialisés. D'expérience, je ne suis pas convaincue que cela convienne à l'ensemble des enfants. Il me semble préférable de disposer d'une aide au sein de la classe plutôt que de séparer l'élève de ses camarades et de lui demander de rattraper des heures de cours ensuite. À cet égard, le dispositif « plus de maîtres que de classes » me semble intéressant, il donne des résultats positifs, qui font d'ailleurs l'objet d'une évaluation actuellement.

Enfin, s'agissant des assistants d'éducation, j'entends votre préoccupation, qui est légitime, sur la nécessaire visibilité et transparence en matière d'effectifs. Je précise cependant que le nombre d'emplois d'assistants d'éducation figure dans les documents budgétaires, même si, dans la mesure où l'employeur n'est pas l'État mais les établissements publics locaux d'enseignement, ces personnels ne peuvent pas, en l'état actuel du droit, être rémunérés sur des crédits de titre 2.

M. Gérard Longuet , rapporteur spécial . - La commission des finances est attachée aux chiffres. J'ai posé délibérément la question de la productivité pour faire le lien entre notre contrainte majeure de maîtrise de la dépense publique et les résultats médiocres de l'éducation nationale dans les enquêtes internationales de type PISA ( Program for international student assessment ) de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Notre système d'éducation repose sur la classe : ne faut-il pas faire évoluer son mode d'organisation ? Thierry Foucaud a soulevé implicitement cette question en évoquant les assistants d'éducation. Il y a déjà eu des évolutions sur le terrain, avec la disparition, au cours des vingt dernières années, des classes uniques dans l'enseignement primaire - ce qui est assurément un regret car cela nous a fait perdre de vue les effets positifs du tutorat des plus âgés sur les plus jeunes. Nos enseignants ont aujourd'hui un niveau de diplôme bac +5 - ce qui n'était pas le cas des hussards noirs de la République de Charles Péguy - et auraient certainement besoin d'être suppléés et soutenus. Le fonctionnement de la classe n'est certes pas un sujet dans le champ de compétence de la commission des finances mais, à partir du moment où nous avons des contraintes budgétaires, nous avons un devoir de productivité.

Nos compatriotes sont habitués à bénéficier d'un système de santé qui soigne, à des avions qui volent, à des moyens de communication performants et ils ont du mal à se faire à l'idée d'un système éducatif qui ne fonctionne pas. Il y a une part de responsabilité des parents, j'en suis convaincu, une part de responsabilité des élus locaux, mais nous devons aussi nous interroger sur la productivité - pardonnez-moi pour ce mot qui peut vous sembler grossier - d'un système qui ne tient plus suffisamment compte de la diversité.

S'agissant de la « pente » de recrutements, la Cour des comptes a indiqué qu'il faudrait recruter 34 000 enseignants en 2015 et en 2016 pour tenir l'engagement du Gouvernement de créer 54 000 emplois supplémentaires dans l'éducation nationale. Si l'on tient compte des effectifs déjà inscrits en loi de finances initiale pour 2015, qui prévoit 9 561 postes supplémentaires, plus de 24 400 postes devront être créés en 2016. Ces objectifs vous semblent-ils vraiment atteignables ? Doit-on s'attendre à un dépassement massif de l'enveloppe budgétaire en 2015 et à une explosion de la dépense en 2016 ?

L'ensemble des postes ouverts aux concours de recrutement 2014 n'ont pas été pourvus. Cette faiblesse des recrutements a été en partie compensée par un recours aux contractuels. Pourriez-vous nous indiquer précisément le nombre d'emplois de titulaires et de contractuels ouverts et ceux effectivement pourvus ?

Enfin, des annulations importantes sur les crédits de personnel sont intervenues en fin de gestion au titre de l'année 2014 sur la mission « Enseignement scolaire », 174 millions d'euros de crédits de titre 2 ont été annulés. Ces annulations faisaient suite à des ouvertures par décret d'avance, à hauteur de 327 millions d'euros. Comment expliquer de telles difficultés de calibrage des dépenses de personnel en fin de gestion ?

Mme Florence Robine, directrice générale de l'enseignement scolaire . - Sur la question de la réalisation du schéma d'emplois, nous nous astreignons à tenir l'engagement politique, maintes fois réaffirmé, de réaliser 54 000 recrutements dans l'enseignement public. Cet objectif a été difficile à mettre en oeuvre au début, pour des raisons qui ont été très bien mises en évidence par la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère de l'éducation nationale. Lorsque l'on « ferme la vanne » de recrutements pendant plusieurs années, il est extrêmement difficile de « remettre la machine en route ». Depuis le début des années 1990, les à-coups successifs de la politique de recrutement, en particulier les annonces de suppressions de postes, ont entraîné un recul très important du nombre d'étudiants se préparant au métier d'enseignant. Un enseignant se « construit » dans la durée. Nous aurons beau rouvrir des postes, la reconstitution du « vivier » prend environ quatre à cinq années.

Toutefois, nous avons, à l'heure actuelle, des signes extrêmement positifs de « reprise » : il y a eu un double recrutement en 2014 et le concours exceptionnel organisé cette année dans l'académie de Créteil pour créer 500 postes supplémentaires a attiré 11 000 inscrits. Nous mettons en oeuvre tout ce qui est possible pour inciter les étudiants à s'engager dans la préparation au métier d'enseignant. De ce point de vue, la réforme de la formation est un point important pour permettre aux futurs enseignants de se sentir confiants.

Concernant les annulations de crédits en fin de gestion, elles ont porté très majoritairement sur des crédits de titre 2 du compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » et non sur des crédits de rémunération directe.

M. Gérard Longuet , rapporteur spécial . - Ceci est-il lié au fait que certains enseignants ont prolongé leur carrière et différé leur départ à la retraite ?

Mme Florence Robine, directrice générale de l'enseignement scolaire . - Ceci s'explique effectivement en partie par un nombre moins important que prévu de départs à la retraite, en particulier dans le second degré, mais aussi par la modification de l'équilibre entre titulaires et contractuels, ce qui a un effet sur le CAS « Pensions ».

Vous avez également évoqué le décret d'avance de début décembre 2014. Il y a eu, il est vrai, un léger « surcalibrage » de 70 millions d'euros. Mais ceci paraît marginal par rapport au budget global de l'enseignement scolaire, comme l'a d'ailleurs noté la Cour des comptes dans son analyse sur l'exécution du budget 2014.

Concernant la répartition entre emplois titulaires et contractuels, je précise que nous n'ouvrons pas de façon différenciée des emplois de titulaires ou de contractuels. Il s'agit ensuite d'une problématique de ressources humaines de définir quels emplois sont occupés par des titulaires ou par des contractuels, si nous n'avons pas réussi à recruter des titulaires.

M. Gérard Longuet , rapporteur spécial . - Pourriez-vous nous indiquer la répartition entre titulaires et contractuels ?

Mme Florence Robine, directrice générale de l'enseignement scolaire . - Je vous fournirai bien sûr des chiffres précis ultérieurement. Mais je peux déjà vous indiquer que la proportion de titulaires et de contractuels est très différente selon les académies, comme vous pouvez l'imaginer...

M. Gérard Longuet , rapporteur spécial . - Y a-t-il une distinction entre le nord et le sud de la Loire, où le nombre de contractuels serait moins important ?

Mme Florence Robine, directrice générale de l'enseignement scolaire . - Exactement, je vous confirme qu'au sud de la Loire, il y a relativement peu de contractuels, sauf dans des « poches » bien identifiées à l'intérieur de certaines académies. Il y a une hétérogénéité très forte. J'ai connu personnellement des académies - le sénateur Georges Patient s'en souvient certainement - où le taux de contractuels peut atteindre 30 %.

Mme Michèle André , présidente . - Pourrez-vous nous transmettre des informations plus détaillées par écrit ?

Mme Florence Robine, directrice générale de l'enseignement scolaire . - Oui, bien entendu.

M. Jean-Claude Carle . - La France consacre environ 145 milliards d'euros à l'éducation, c'est-à-dire près de 6,5 % du produit intérieur brut (PIB) ce qui la situe dans la moyenne des pays de l'OCDE. Le budget scolaire représente quant à lui environ 64 milliards d'euros et a quasiment doublé depuis 1980. Or les résultats ne sont pas à la hauteur de nos attentes. Notre pays a l'un des systèmes scolaires les plus inégalitaires et le déterminisme social y joue un très grand rôle : aujourd'hui, un fils d'ouvrier a dix-sept fois moins de chances de préparer une grande école qu'un fils d'enseignant ou de cadre supérieur. 20 % à 30 % des jeunes qui entrent en classe de sixième ont des difficultés à maîtriser les fondamentaux. Sans parler des 150 000 jeunes qui sortent chaque année du système scolaire sans qualification.

À mon sens, ceci relève moins d'un problème de moyens que d'un problème d'affectation des ressources : l'enseignement primaire est « sous-financé » tandis que le secondaire concentre davantage de moyens. C'est d'ailleurs ce qui nous différencie des pays qui réussissent le mieux : ceux-ci ont porté leurs efforts sur le primaire car tout se joue vers l'âge de sept ans. Or, nous continuons à nier cette réalité. Cela se confirme d'ailleurs dans l'exécution du budget 2014 : le premier degré connaît une sous-réalisation de son schéma d'emplois d'environ 1 000 ETP tandis que le secondaire enregistre une sur-exécution de 973 ETP.

La deuxième distorsion caractérisant le système français concerne les salaires des enseignants. Si l'on se réfère aux comparaisons de l'OCDE, ils vont du simple au double entre la France et l'Allemagne, alors même que les enseignants du primaire français travaillent davantage d'heures qu'en Allemagne. Comment s'étonner, dans ce cas, du peu d'attractivité du métier d'enseignant et du peu de candidats aux concours ?

La troisième distorsion observée en France par rapport aux pays qui réussissent est le poids des personnels administratifs. Ils représentent 23 % de votre budget, Madame la directrice, contre 18 % en moyenne dans l'OCDE.

Le budget de l'enseignement scolaire pour 2016 tâchera-t-il de réduire ces distorsions ? Allons-nous en finir avec la logique de hausse continue des dépenses ? Va-t-on redéployer les moyens sur le premier degré ? Enfin, le poids des dépenses de personnels administratifs diminuera-t-il ?

M. Philippe Dallier . - Une audition en commission des finances sur un sujet tel que l'enseignement scolaire est nécessairement frustrante. Nous aurions tous envie de poser des questions sur l'efficacité des moyens ou la gestion des ressources humaines plutôt que sur des questions purement budgétaires.

Madame la directrice, vous avez évoqué l'académie de Créteil. Je vais vous parler plus précisément de la Seine-Saint-Denis, dont je suis l'élu. La pression démographique est forte et il existe des difficultés pour recruter. Ceci nous a amenés à ouvrir un deuxième concours, organisé après la première série de concours. J'ai lu l'argument selon lequel des recalés des autres concours régionaux pourraient venir se présenter dans l'académie de Créteil. Ce type d'arguments est difficile à accepter. Le fait même de décaler dans le temps ce concours par rapport aux autres amène à s'interroger. Pour ma part, cela me choque et je ne trouve pas cela normal. Ceci étant dit, des postes sont créés mais nous avons énormément de mal à les pourvoir, avec un taux de contractuels hors norme. Cela est encore plus compliqué de remplacer les enseignants absents. Les moyens permettant de pourvoir aux remplacements sont-ils isolés par académie ou par département ? Dispose-t-on des indicateurs de performance sur ce sujet ? Que faites-vous pour remédier à la situation actuelle ?

M. Vincent Delahaye . - Je suis surpris de ne pas trouver dans les documents budgétaires un tableau de synthèse récapitulant le nombre de classes, d'élèves et d'enseignants par niveau, et leur évolution sur plusieurs années. Est-il prévu d'inclure un tel tableau dans le prochain projet annuel de performances de la mission « Enseignement scolaire » ? Ensuite, je souhaiterais savoir quel a été, en 2014, le budget consacré à la mise en oeuvre de la réforme des rythmes scolaires, en comparaison du budget initialement prévu ?

M. Michel Bouvard . - J'ai bien entendu, Madame la directrice, que vous faites face à une augmentation des effectifs scolaires. Je me permets toutefois de rappeler qu'il y a encore trois ans, nous avions 12 % d'élèves en moins par classe par rapport à la moyenne de l'OCDE, ce qui laissait une certaine marge de manoeuvre. Ma première question concerne la « bivalence », c'est-à-dire l'enseignement de deux matières par professeur. Nous avons en effet à gérer le problème des options, tout en assurant la souplesse de gestion des enseignants. La bivalence est-elle enfin intégrée à la formation initiale des enseignants ?

Ma deuxième question concerne les indicateurs. Au moment de la loi de règlement, il est intéressant de regarder les indicateurs afin de nous renseigner sur les résultats du ministère. Je m'interroge sur le contenu de certains indicateurs et plus particulièrement deux d'entre eux : celui mesurant les absences remplacées et celui renseignant le taux d'occupation des enseignants remplacés. Il y a encore deux ans, cet indicateur prenait uniquement en compte les congés pour maladie ou maternité et excluait les absences pour motif personnel ou syndical. Surtout, il ne comptabilisait que les absences de plus de quinze jours dans le second degré, soit neuf dixièmes des absences mais seulement un tiers des journées d'absences. Enfin, le rapport de la Cour des comptes, intitulé « Gérer les enseignants autrement », indiquait que de nombreuses absences qui auraient dû être saisies ne l'étaient pas. Il y a donc un décalage entre l'indicateur donné au Parlement et la réalité des absences. Le contenu de cet indicateur a-t-il été modifié pour inclure la totalité des absences ?

M. Roger Karoutchi . - J'ai eu l'occasion, lorsqu'en 2010 je représentais la France auprès de l'OCDE, de défendre le système éducatif français pour le rapport PISA. Cela n'était pas facile. Très sincèrement, notre système dérape et dérive depuis trente ans. Il y a de plus en plus de charges et de centralisation. Le « mammouth » de l'éducation nationale a du mal à laisser plus d'autonomie aux enseignants. En 2010, on me faisait ainsi remarquer que le système éducatif de la Corée du Sud avait globalement 32 % de moins de charges administratives. Nous dépensons beaucoup mais mal ; en réalité notre système éducatif n'est pas performant. Dans les autres pays de l'OCDE, il y a un nombre d'élèves moyen par classe plus élevé avec de meilleurs résultats. L'obsession « pédagogiste » française qui considère qu'il ne faut pas plus de vingt élèves par classe est une aberration. Ne pensez-vous pas, Madame la directrice, qu'il faudrait aller vers un système laissant plus d'autonomie aux enseignants, avec moins d'enseignants mieux payés et moins d'options, qui alourdissent notre système ? Ne serait-il pas temps d'avoir un système plus décentralisé, plus attractif pour les professeurs et laissant davantage d'autonomie aux établissements ? En un mot, êtes-vous prête à faire la révolution ?

M. Serge Dassault . - Notre système éducatif actuel fabrique des chômeurs : environ 150 000 jeunes par an qui sortent du système sans aucun diplôme. Or, la seule chose qui est faite est la suppression de la sélection, des redoublements... Qu'envisagez-vous de faire ?

Mme Florence Robine, directrice générale de l'enseignement scolaire . - Je voudrais d'abord rappeler que la priorité au premier degré est inscrite dans notre action. En effet, nous partageons l'idée selon laquelle beaucoup se joue dans le primaire. C'est pourquoi des moyens supplémentaires y sont consacrés mais aussi qu'un effort a été consenti en matière d'accompagnement et de formation.

Sur la question relative au remplacement, je rappellerai que, depuis que j'ai été nommée recteur en 2009, j'ai eu l'occasion d'administrer plusieurs régions, au moment des suppressions massives de postes notamment. Or, pour éviter de mettre en difficulté les familles et les établissements tout en respectant le schéma d'emplois, nous avons massivement supprimé des postes de remplaçants et de RASED, et plus généralement de personnels qui n'étaient pas devant la classe. Le potentiel de remplacement a été affaibli, nous le reconstruisons depuis. Il revient aux recteurs - car nous sommes un ministère déconcentré - de déterminer la part respective des postes devant élèves en classe et des postes de remplacement, d'accompagnement des élèves ayant des besoins spécifiques, je pense notamment aux élèves en situation de handicap. Des efforts ont été consentis, mais cela n'est pas encore suffisant.

Vous avez évoqué la question des indicateurs sur les taux de remplacement. Je vous confirme qu'un tel indicateur existe dans les documents budgétaires, même s'il ne prend en compte que les absences de plus de quinze jours. En effet, les absences de moins de quinze jours doivent être gérées en interne, conformément au protocole de remplacement de courte durée. Dans le second degré, cela permet par exemple de remplacer un cours de mathématiques par un cours de français, etc. Il n'est donc pas prévu de modification de cet indicateur.

Je rappelle en outre que grâce aux créations d'emplois, nous avons pu reconstruire les effectifs des zones de remplacement, même si je reconnais que dans certains territoires, considérés comme moins attractifs, la situation reste tendue. Au total, il me semble que les moyens sont là mais qu'il subsiste une difficulté pour attirer et conserver les enseignants.

La politique d'éducation prioritaire, qui sera généralisée à la rentrée 2015, améliorera de manière substantielle la condition de nombre d'établissements et d'enseignants. Des primes importantes seront ainsi accordées aux enseignants dans les réseaux d'éducation prioritaires renforcés (REP +), pour un montant d'environ 2 300 euros par an. Ces enseignants bénéficieront en outre d'allègements de services qui leur permettront de bénéficier de compléments de formation ou encore de prévoir des temps de rencontre avec les familles, dont on connaît l'importance. Enfin, des mesures seront prévues pour ces personnels en termes de promotion ou de mutation. Nous travaillons donc à la mise en place d'une véritable différenciation territoriale afin de stabiliser les équipes. C'est une question complexe dans la mesure où, dans certains territoires, notamment ruraux, également prioritaires, il n'y a aucun « turn-over », contrairement à la Seine-Saint-Denis. Les incitations ne doivent donc pas être les mêmes : dans ces territoires, il serait plus pertinent d'inciter les enseignants à changer d'établissement ou d'académie. Cette politique doit être une prérogative des recteurs afin qu'elle puisse être la plus adaptée possible à la réalité de chaque territoire.

Sur la question de Jean-Claude Carle sur le poids des personnels administratifs, il me semble que ce type de comparaisons doit se faire à périmètre identique. Or, la répartition des responsabilités entre les collectivités territoriales et l'État est différente d'un pays à l'autre. Une partie des responsabilités que nous assumons est exercée, dans d'autres pays, par les collectivités territoriales. L'accompagnement administratif à la charge de l'État dans le second degré ne dépasse pas 6 % à 7 % des personnels. D'expérience, il ne me semble pas que l'institution scolaire soit suradministrée. Au contraire, la charge qui pèse sur les personnels administratifs est énorme et je profite de cette audition pour leur rendre hommage. Je ne crois pas que l'éducation nationale soit un ministère surencadré compte tenu des responsabilités qui sont les nôtres. En cette période d'examen, on ne peut que se féliciter de pouvoir compter sur les personnels d'encadrement et administratifs pour faire face aux responsabilités qui nous sont assignées.

M. Michel Bouvard . - Je ne peux pas me satisfaire, comme parlementaire et comme citoyen, d'un indicateur qui exclut de facto 50 % des absences du périmètre permettant de calculer le taux d'absences remplacées dans le secondaire. Il s'agit d'une forme d'insincérité administrative. Je ne conteste pas l'existence d'une différence de gestion selon la durée de l'absence mais l'impossibilité de savoir si une absence aboutit ou non à un remplacement. Cette opacité nourrit une défiance chez le citoyen qui, lorsqu'il regarde ces indicateurs, peut s'étonner du décalage avec la réalité. En tant que parlementaires, nous recevons de nombreux courriers dans lesquels des parents d'élèves se plaignent d'absences non remplacées. Or, les indicateurs de performance indiquent des taux de remplacement très satisfaisants. Cela est vrai, mais pour la moitié du périmètre pris en compte seulement.

Mme Florence Robine, directrice générale de l'enseignement scolaire . - Je m'interroge sur l'efficience d'un système qui nécessiterait des remontées heure par heure...

M. Michel Bouvard . - Entre quinze jours et une heure, il y a un écart...

Mme Florence Robine, directrice générale de l'enseignement scolaire . - Cela est la même chose pour nous dans la mesure où nous ne disposons pas, dans nos systèmes d'information, de remontées permettant de suivre la présence des enseignants, celle-ci étant gérée selon un principe d'autonomie, de décentralisation et de non-surcharge des personnels administratifs localement, par le chef d'établissement qui est le premier responsable de la continuité des apprentissages.

M. Vincent Delahaye . - Vous n'avez pas répondu à mes questions sur l'établissement d'un tableau de bord et sur la dépense liée au fonds d'amorçage des rythmes scolaires.

Mme Florence Robine, directrice générale de l'enseignement scolaire . - Nous ne faisons pas figurer ce type de tableaux dans les documents budgétaires dans la mesure où la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) produit une synthèse complète dans un document intitulé « Repères et références statistiques sur les enseignements, la formation et la recherche ». Je transmettrai néanmoins votre demande.

En ce qui concerne le fonds d'accompagnement des rythmes scolaires, celui-ci est doté de 400 millions d'euros pour 2015. Je n'ai pas le chiffre exact de la dépense en 2014, mais celle-ci devrait être un peu inférieure au montant de 2015 dans la mesure où on a assisté à une montée en puissance progressive de l'enseignement privé. Je vais demander que l'on vous transmette les chiffres exacts.

M. Gérard Longuet , rapporteur spécial . - Il y a un malentendu, Michel Bouvard ne demande pas une gestion centralisée des remplacements mais une remontée de l'information. Nous savons parfaitement que pour une absence de moins de quinze jours, le remplacement est de la responsabilité du chef d'établissement. Nous ne lui refusons pas cette possibilité. L'information en revanche n'est pas inintéressante. Je parlais tout à l'heure de l'aviation, de la santé et du numérique, j'évoquerai à présent les chemins de fer. En effet, les usagers sont désormais informés des retards, y compris en région parisienne. On peut imaginer qu'un système numérisé pourrait permettre d'accéder à une information centralisée, même si la gestion du remplacement demeurerait quant à elle décentralisée.

Mme Florence Robine, directrice générale de l'enseignement scolaire . - Je vais me renseigner auprès de la direction des ressources humaines sur l'existence d'une enquête sur ce sujet. À ce stade, je ne peux que rappeler que nos systèmes d'information ne nous permettent pas, à l'heure actuelle, de disposer des informations que vous demandez.

Mme Michèle André , présidente . - Vous avez pu constater que nos collègues sont attentifs à de nombreux sujets et, en particulier, à la question des absences qui constitue un élément de la récente réforme du règlement du Sénat. Je vous remercie d'avoir accepté de vous livrer à cet exercice difficile pour une fonctionnaire. La loi de règlement s'y prête peut-être davantage puisqu'elle consiste à analyser l'exécution et non à juger des orientations politiques.

J. AUDITION DE M. HERVÉ DURAND, DIRECTEUR GÉNÉRAL ADJOINT DE LA PERFORMANCE ÉCONOMIQUE ET ENVIRONNEMENTALE DES ENTREPRISES (24 JUIN 2015)

Réunie le mercredi 24 juin 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'audition de M. Hervé Durand, directeur général adjoint de la performance économique et environnementale des entreprises au ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sur le refus d'apurement des dépenses agricoles par le budget de l'Union européenne.

Mme Michèle André , présidente . - Nous poursuivons notre série d'auditions préparatoires à l'examen du projet de loi de règlement en procédant à l'audition d'Hervé Durand, directeur général adjoint de la performance économique et environnementale des entreprises du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Vous êtes entendu ce matin car vous êtes l'adjoint de la responsable du programme 154 « Économie et développement durable de l'agriculture et des territoires » de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».

Je salue la présence parmi nous ce matin de Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».

Nous avons choisi de faire porter cette audition, ouverte à la presse, sur les refus d'apurement des dépenses agricoles par le budget de l'Union européenne car les montants en jeu sont élevés. Pour la seule année 2014 ces refus d'apurement communautaires sont évalués à 429 millions d'euros et ils devraient représenter, pour les exercices 2015 à 2017, un minimum de 1,1 milliard d'euros, soit 360 millions d'euros par an. Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget a d'ailleurs confirmé ces montants la semaine dernière lors de son audition par notre commission le mercredi 17 juin.

J'ajoute qu'il demeure, de plus, un risque que la Commission européenne nous oppose de nouveaux refus d'apurement au titre de la politique agricole commune (PAC) et il s'agira de savoir à quel niveau se situent les enjeux de ces refus d'apurement pour les exercices à venir.

Il faudra donc faire la lumière sur les causes de ces phénomènes en 2014 mais également aller au-delà du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes pour comprendre ces risques budgétaires futurs considérables.

Sans plus attendre, je donne la parole à Alain Houpert, rapporteur spécial, pour une première séquence de questions-réponses. Je poserai ensuite quelques questions au nom de notre collègue Yannick Botrel, lui-aussi rapporteur spécial, retenu ce matin.

M. Alain Houpert . - Pouvez-vous revenir sur les faits marquants de l'exécution 2014 ? J'ai relevé que l'exécution était nettement supérieure aux crédits inscrits en loi de finances initiale - 499 millions d'euros en engagement, soit 16,7 % et 421 millions d'euros en paiement soit 13,2 % - et m'interroge sur cet écart, qui proviendrait d'ailleurs très largement des refus d'apurement communautaire.

De même, j'observe que sur le titre 2, la mission n'a respecté ni le plafond d'emplois ni l'enveloppe ouverte en loi de finances initiale, quels commentaires pouvez-vous faire à ce sujet, étant entendu que ma question déborde le champ du programme 154 ?

M. Hervé Durand, directeur général adjoint de la performance économique et environnementale des entreprises du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt . - Frédéric Lambert, en tant que chef du service gouvernance et gestion de la PAC du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, est plus à même de vous répondre.

M. Frédéric Lambert, chef du service gouvernance et gestion de la PAC du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt . - L'exécution 2014 du programme 154 « Économie et développement durable de l'agriculture et des territoires » se caractérise par deux faits marquants.

Tout d'abord, les 429,3 millions d'euros de refus d'apurement communautaire, ont pu être couverts par l'ouverture de crédits par la dernière loi de finances rectificative pour 2014 ainsi que par la mobilisation de la réserve de précaution, mais pas par redéploiement. Ce montant fait suite à des échanges avec la Commission européenne et a nécessité des audits par les services de la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises du ministère.

Ensuite, l'écart s'explique par une dotation de 120 millions d'euros du programme d'investissement d'avenir (PIA) au profit de projets dans les secteurs agricoles et agroalimentaires. La somme a été versée à FranceAgriMer (FAM), chargé de dépenser ces crédits.

Voici donc les deux facteurs principaux de la surexécution constatée au cours de l'exercice 2014. J'indique aussi que les dispositifs obligatoires tels que les indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN), destinées aux zones de montagne en particulier, conduisent traditionnellement à des dégels en fin d'année, mais que l'évolution des cofinancements européens étant inconnue au moment de la préparation de la loi de finances initiale pour 2014, on a inscrit des montants supérieurs à ce qui était nécessaire.

M. Michel Bouvard . -  Pour 20 millions d'euros !

M. Frédéric Lambert . - Oui, sur l'ICHN il s'agit bien de 20 millions d'euros. Mais je précise que l'intégralité des aides prévues au titre de l'ICHN a bien été versée en 2014.

M. Alain Houpert . - Pour en revenir plus précisément au sujet qui a motivé votre audition ce matin, les refus d'apurement des dépenses agricoles par le budget de l'Union européenne, sujet sur lequel j'effectue un contrôle avec nos collègues Yannick Botrel et François Marc, pouvez-vous nous dresser un portrait des masses en jeu depuis 2007 et pour les exercices à venir, en indiquant quelles en sont les causes principales.

M. Hervé Durand . - Il faut savoir que ces refus d'apurement concernent aussi d'autres États membres que la France. Ce montant de plus d'un milliard d'euros doit être rapproché des années concernées : 2008 à 2012, soit cinq ans.

Mme Michèle André , présidente . - Il était plus important au départ, non ?

M. Hervé Durand . - Oui, à l'origine c'était plus. Nous avons conduit un travail pour affiner la somme en question. Il faut noter que cette dernière ne représente que 2 % du total des aides reçues en France au titre de la PAC sur l'ensemble de la période : la question reste un sujet et une source de mobilisation mais il faut relativiser. Nous avons mis en place un plan d'action pour répondre aux observations de la Commission européenne. En 2014 et en 2015 la discussion avec celle-ci s'est faite en toute transparence.

Les corrections infligées font suite à plusieurs éléments soulignés par la Cour des comptes européenne et par la Commission européenne. Il s'agit d'abord des modalités de calcul des droits à paiement unique, mais cette question est maintenant derrière nous. Il s'agit ensuite de la mise en oeuvre des contrôles au titre de la conditionnalité, au sujet de laquelle nous avons eu un dialogue avec la Commission européenne. Enfin, la question des aides à la surface renvoie aux outils pratiques qui sont mis en oeuvre. Il s'agit à la fois des photographies aériennes ainsi que de leur traitement informatique. Il nous a été reproché l'ancienneté de ces photos - ce qui pose la question du registre parcellaire graphique - et notre travail de photo-interprétation, à savoir la façon de distinguer les éléments de paysage et donc d'identifier les surfaces admissibles.

Les sommes dues sont importantes mais nous avons engagé des plans d'action marqués par la préoccupation de réduire les difficultés. Les enjeux futurs se situent au niveau du déploiement actif de ces plans et de la progression des échanges avec la Commission européenne. En effet, nous rendons compte régulièrement à cette dernière du déploiement des plans et nous tenons compte de ce qui nous est dit en retour : nos plans doivent permettre de répondre pleinement aux critiques. Le ministère s'appuie sur les compétences de l'Institut géographique national (IGN) en particulier concernant l'actualisation des photos ainsi que sur son expertise en matière de photo-interprétation.

M. Alain Houpert . - Le satellite, toujours le satellite, je me souviens que c'est grâce à lui qu'on a sauvé l'IGN. Ma question porte sur la négociation entre le Gouvernement et la Commission européenne permettant de ramener le niveau de refus d'apurement de 4 milliards d'euros à un peu plus d'un milliard d'euros. Comment s'est-elle déroulée ?

M. Hervé Durand . - Voici la manière dont les choses se sont passées : au tout début du dialogue avec la Commission européenne, le ministère s'est mobilisé car les enjeux financiers nous paraissaient injustes et éloignés du niveau d'erreurs que nous estimions. Nous n'avons pas fait qu'écrire à la Commission européenne, nous nous sommes déplacés. Nous avons proposé de procéder à une analyse détaillée afin d'identifier le niveau réel d'erreurs. Un travail conséquent a été engagé par les services du ministère, qui ont été mobilisés dans tous les départements en s'appuyant sur des agents titulaires mais aussi sur des personnels contractuels. Nous avons pu établir nos propres chiffrages et communiquer ces informations à la Commission européenne, qui a apprécié cette démarche puisqu'elle a elle-même révisé le montant des corrections à la baisse.

M. Alain Houpert . - Lors d'un déplacement à Bruxelles, nous avons eu le sentiment que la négociation entre le Gouvernement et la Commission européenne avait été une discussion de marchands de tapis. À l'occasion de ce déplacement, il nous a été expliqué par la direction générale de l'agriculture (DG Agri) de la Commission européenne que la France avait fait le choix pour la PAC 2007-2013 de ne pas comptabiliser les « éléments paysagers » dans le calcul des aides à la surface. Dans un deuxième temps, une fois ces règles fixées, nous aurions versé des aides au mépris de la règle, qu'en est-il exactement ? Quel poids pèse ce type d'erreur dans le milliard d'euros de refus d'apurement ?

M. Hervé Durand . - Ce n'était pas une discussion de marchand de tapis : nous avons objectivé la situation réelle et concrète en nous appuyant sur un travail rigoureux.

Mme Michèle André , présidente . - C'était une négociation ?

M. Hervé Durand . - Oui c'était une négociation qui s'est déroulée selon une procédure contradictoire avec la DG Agri. Je suis fier du travail accompli par nos services. La PAC a toujours été un sujet d'importance pour nous. Dire qu'il s'agit d'une discussion de marchands de tapis serait méconnaître le travail engagé et la rigueur déployée dans la conduite de ces contrôles. La PAC est une politique d'ampleur. Or notre pays est très marqué par ses spécificités, en termes de territoires tout particulièrement. Il est difficile de prendre en compte ces spécificités surtout quand les dispositifs s'empilent et que l'éligibilité de tel ou tel élément paysager - rochers, haies etc. - est incertaine. Notre souci est de réduire les sources de griefs en retenant la définition des règles applicables au niveau national et en évitant les aménagements locaux. Nous sommes vigilants à ce sujet afin d'assurer un bon équilibre entre les règles nationales et les singularités des territoires locaux.

M. Alain Houpert . - En sus des 360 millions d'euros par an pour les exercices 2015 à 2017, on estime que les propositions de correction de la Commission européenne susceptibles d'avoir un impact sur 2015 ou sur les années suivantes se situent dans une fourchette de 200 à 300 millions d'euros. Allez-vous budgétiser dans les lois de finances pour 2016 et 2017 les sommes d'ores et déjà connues (360 millions d'euros) et même aller au-delà en intégrant une partie du risque futur de refus d'apurement ? Une telle budgétisation est réclamée chaque année, loi de finances après loi de finances, par notre commission et par la Cour des comptes...

M. Hervé Durand . - Par construction et par nature, il est difficile de prévoir ces refus d'apurement. Et surtout, répondre favorablement à cette demande, ce qui n'est pas notre position, conduirait à s'accommoder de ces corrections, ce qui constituerait un signal contreproductif. Nous devons réduire ces risques financiers et répondre point par point aux critiques de la Commission européenne. C'est pour cela que nous avons pris en compte les remarques de cette dernière et que nous avons travaillé à la réforme de la nouvelle PAC 2014-2020. Nous sommes aujourd'hui mobilisés pour éviter ces refus d'apurement, investis dans la mise en oeuvre de plans d'actions et préoccupés par le fait d'être compris des agriculteurs.

Mme Michèle André , présidente . - Yannick Botrel, qui est le second rapporteur spécial de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », m'a transmis quelques questions.

La première porte sur la répartition géographique des refus d'apurement. Je sais que les rapporteurs spéciaux ont interrogé le ministère sur ce point dans un questionnaire, et j'ai moi-même écrit au ministre de l'agriculture le 17 mars dernier pour obtenir des informations à ce sujet, après avoir entendu la directrice du budget à la Commission européenne à Bruxelles avec le rapporteur général, sur cette somme de quatre milliards d'euros renégociée à un milliard d'euros. Malheureusement, nous n'avons pas de réponse à ce jour. Il semblerait que ce travail soit difficile. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ? Pourriez-vous, en dépit de ces difficultés, nous fournir tout de même une note sur le niveau de ces refus d'apurement par département. Vous nous avez en effet indiqué avoir réalisé un travail très fin avec les directions régionales. C'est important pour nous.

La seconde question concerne les contrôles réalisés par l'administration nationale dans le versement des aides au titre de la PAC. Les difficultés rencontrées par la France en termes de refus d'apurement correspondent-elles à un problème de moyens mis en oeuvre dans les contrôles ? La responsabilité doit-elle être imputée au ministère de l'agriculture ou aux organismes payeurs dont il a la tutelle ? Quels moyens précis le ministère et les opérateurs payeurs mettent-ils en oeuvre pour améliorer leurs contrôles et leur interprétation du droit communautaire ?

La troisième question a trait aux plans d'action mis en place pour améliorer les contrôles du ministère de l'agriculture et des organismes payeurs dont il a la tutelle : ces plans d'action ne rendent-ils pas encore plus complexes le travail d'élaboration des déclarations pour les agriculteurs ? Nous avons bien noté que vous souhaitez une amélioration sur ces différents points.

Enfin, j'aurais une question plus personnelle sur la photo aérienne parcellaire et l'ancienneté des photos : à partir de quelle durée la Commission européenne considère-t-elle les photos comme caduques ?

M. Hervé Durand . - Trois ans.

Mme Michèle André , présidente . - Je suppose que ce délai complexifie encore la situation.

M. Hervé Durand . - Le délai de caducité des photos s'avère nécessairement coûteux et difficile, et nous sommes à cet égard très dépendants du travail de l'IGN. C'est pourquoi nous étions présents au Salon du Bourget la semaine dernière. En effet, nous réfléchissons à la possibilité de substituer, à terme, les images satellitaires aux photographies. Un accord de consortium a été signé. Disposer de données qui pourraient être régulièrement actualisées - par exemple tous les ans - constitue pour nous une réelle perspective de progrès, mais aucune décision n'est prise à ce stade.

Nous comprenons le point de vue de la Commission européenne qui impose la caducité des photos au bout de trois ans. En effet, comme vous pouvez tous le constater au quotidien, sur un tel laps de temps, la physionomie des territoires évolue significativement.

En ce qui concerne la ventilation de l'apurement par département, je vous répondrai que la France est une et indivisible par rapport à cette problématique. Nous parlons ici du déploiement de la PAC, soit des règles, des anomalies et des griefs qui sont intimement liés au processus mis en oeuvre globalement. Du coup, nous ne sommes pas en capacité de le faire et si nous l'étions je ne sais pas à quoi cela aboutirait. Tous ces éléments ne renvoient pas à des problématiques locales ou départementales, mais à un ensemble systémique par rapport à tout le dispositif. C'est pourquoi nous ne sommes pas en capacité d'identifier une répartition géographique par département des refus d'apurement.

En réponse à votre seconde question, je dirai que l'apurement n'est pas qu'un problème de contrôle. Pour qu'une règle soit bien appliquée, elle doit être claire. Dans la mise en oeuvre de la PAC, notre souci est donc de rester le plus fidèle possible au cadre communautaire, puis de mettre en place des règles au niveau national qui soient claires, comprises et surtout applicables. Bien sûr, une part de contrôles est nécessaire, et l'Union européenne nous y oblige d'ailleurs. Il s'agit de les conduire correctement, car les éléments qu'on peut en tirer permettent, également, d'objectiver concrètement auprès de la Commission européenne la façon dont la PAC est mise en oeuvre dans les exploitations.

Toutefois, lorsqu'on utilise dans l'outil une photo aérienne trop ancienne, il ne s'agit pas d'un problème de contrôle. C'est bien cela qu'il faut arriver à corriger. Les contrôles ne sont pas les seuls éléments à prendre en compte.

En ce qui concerne le travail de déclaration des agriculteurs, je précise qu'on vient de sortir de la période de déclaration pour l'année 2015. À ce stade, nous pouvons en dresser un bilan positif du point de vue du recours à la télédéclaration, puisqu'elle a progressé. Ainsi, nonobstant le plan d'action et le déploiement de la réforme de la PAC, nous atteignons le chiffre de 90 % de télédéclarations, qui demeure malgré tout insuffisant. Je pense aussi que, dans la mise en oeuvre de la PAC, il nous faut promouvoir des services aux agriculteurs, en nous efforçant de mobiliser toutes les structures qui travaillent à leurs côtés pour rendre les processus déclaratoires beaucoup plus fluides, objectiver les problèmes quand on en rencontre, et faire en sorte d'installer des relations professionnelles et de confiance avec nos usagers.

Mme Michèle André , présidente . - Nous supposons que c'est déjà le cas.

M. Hervé Durand . - C'est déjà le cas mais il faut renforcer encore cette relation de confiance, car c'est aussi une manière de sécuriser l'ensemble du dispositif.

M. Gérard César , rapporteur pour avis . - Permettez-moi d'excuser Jean-Jacques Lasserre retenu à la commission des affaires économiques, qui examine le projet de loi sur la biodiversité. Je voudrais revenir sur la question des télédéclarations. Aujourd'hui, ce sont les syndicats, les coopératives agricoles et les chambres d'agriculture qui aident les agriculteurs à rédiger leurs déclarations. Il est vrai que ces dernières sont de plus en plus compliquées. C'est pourquoi, les professionnels souhaiteraient que l'on puisse les simplifier. Vous avez parlé de spécificités et effectivement, s'il y avait moins de spécificités dans la PAC, ce serait déjà une bonne chose. En outre, si l'on pouvait simplifier les procédures de demandes d'aides au titre de la PAC, cela aiderait à les remplir correctement et cela contribuerait sans doute à éviter les refus d'apurement. Il me semble de ce point de vue que votre position à l'égard de la Commission européenne est excellente. Mais, sur ce sujet, il faudrait une harmonisation avec les vingt-huit pays de l'Union européenne. En effet, il ne faut pas que chaque pays ait sa propre politique en la matière ; au contraire, celle-ci doit être convergente et harmonieuse.

M. Francis Delattre . - Vous connaissez le problème des marges de nos entreprises françaises, bien que l'on constate actuellement un léger redressement. Dans le secteur agroalimentaire, avez-vous le sentiment que les marges de ces entreprises vont leur permettre de réinvestir ?

Ma deuxième question porte sur la concentration des centrales d'achat des grands groupes. Pensez-vous qu'il soit sain de n'avoir que trois ou quatre grandes centrales se partageant 90 % du marché. Quelle est votre analyse à cet égard ? Pouvez-vous intervenir ?

J'ai aussi une question sur le sujet de la cartographie. Je suis très surpris des difficultés que vous rencontrez pour analyser le territoire. En effet, il y a quinze ans déjà, les agriculteurs céréaliers connaissaient dès le début de l'année la teneur réelle de leurs futures récoltes grâce à des systèmes satellitaires. Certes, il peut y avoir un problème sur la cartographie en zone de montagne mais je ne vois pas la difficulté en plaine. Je pense que les difficultés sont arrivées au moment où l'on est passé au système des droits à produire. Il est en effet complexe de faire en sorte que le propriétaire du sol ne soit plus forcément le titulaire du droit à produire. Cela a posé beaucoup de difficultés et j'imagine que cela a complexifié la cartographie. J'ai du mal à croire qu'avec les systèmes satellitaires on ne puisse pas savoir ce qui se passe avec une très grande précision sur tel ou tel sol.

M. Serge Dassault . - Je souhaiterais savoir, s'agissant de l'activité photographique, si vous utilisez des satellites ou des drones.

En outre, en ce qui concerne la PAC, avez-vous d'ores et déjà des orientations pour 2015 et 2016 ? Cela va-t-il augmenter ou diminuer ? Quelles difficultés peut-on anticiper s'agissant de nos désaccords avec la Commission européenne ?

Ensuite, vous parlez d'apurement. Pouvez-vous nous en donner une définition ?

M. Hervé Durand . - Il s'agit d'un solde de tout compte en quelque sorte et les refus d'apurement sont des corrections financières.

M. Serge Dassault . - Mais à quoi doivent s'attendre nos agriculteurs en ce qui concerne le budget de la PAC pour les années 2015 et 2016 ?

M. François Marc . - L'audition de ce matin s'inscrit dans la préparation de l'examen du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2014, préoccupation budgétaire essentielle, qui est mise en oeuvre dans le cadre issu de la loi organique relative aux lois de finances, avec l'identification des objectifs, des missions, des programmes, des indicateurs de performance et des responsables. C'est sur ce dernier point que je souhaiterais bénéficier de votre éclairage. Pour nous expliquer les refus d'apurement, dont le niveau élevé justifie une information suffisante du Parlement, vous avez mis en avant jusqu'ici des facteurs essentiellement techniques, tenant à la caducité des photos et à leur interprétation.

Je souhaiterais éclaircir un point. En effet, lorsque nous nous sommes rendus à la direction générale de l'agriculture (DG Agri) à Bruxelles, il nous a été dit que si la France était aujourd'hui tenue de payer, c'est parce qu'elle avait eu une interprétation différente de celle d'autres pays en 2007 en matière de prise en compte des éléments paysagers. Par exemple, l'Allemagne, à situation équivalente, a défini les modalités d'attribution des droits de paiement sur une base différente. D'après la DG Agri, l'exigence de remboursement tient au fait que la France a choisi un mode d'attribution des droits qui n'a pas respecté in fine les termes prévus.

J'ai donc une question simple : que pouvez-vous nous dire de cette interprétation de la DG Agri sur la situation de la France ? A-t-on réellement pris en 2006-2007 une décision politique ou administrative inopportune et peu perspicace, qui explique la situation actuelle de refus d'apurement ? Cette décision n'explique-t-elle pas plus la situation que des explications techniques qui servent à habiller la chose ? Je voudrais que les choses soient claires sur ce point.

M. Hervé Durand . - Pour vous répondre sur les difficultés que l'on rencontre dans la gestion quotidienne de la PAC, je soulignerai deux problèmes particulièrement épineux pour nous. D'une part, un problème que l'on rencontre sur le terrain, celui des chevauchements entre parcelles, que l'on appelle des doublons, qui interviennent lorsque deux agriculteurs voisins revendiquent une portion de parcelle, et que l'on n'arrive pas à attribuer.

M. Francis Delattre . - Nous connaissons le terrain aussi bien que vous.

M. Hervé Durand . - Deuxième sujet, la mesure de la surface admissible, qui nécessite un niveau de précision extrêmement élevé. Concrètement, quand un agriculteur présente ses parcelles et son exploitation à la PAC, il faut que l'on arrive à faire le décompte de ce qui est admissible au titre des règles de la PAC. Cela implique d'enlever les écarts entre voisins, les limites parcellaires, de ne pas mordre sur le chemin, de ne pas mordre sur le fossé, autant de sujets très complexes, qui rendent le processus difficile.

En outre, actuellement, quand on mesure l'écart entre photo et satellite, le niveau de précision des images satellite qui peuvent être mises à disposition dans un processus comme le nôtre se situe à 1,5 m. Or, le niveau d'exigence de la Commission européenne est de 0,5 m. C'est cette complexité que je souhaite expliquer et traduire devant vous. Il ne s'agit pas de dire que je connais mieux le terrain que vous. Cette complexité explique d'ailleurs que, dans tous les États membres, on trouve forcément, à un moment ou à un autre, matière à redressement.

Certaines portions de territoires sont plus faciles à traiter que d'autres. C'est le cas de la Marne par rapport au Lot ou à l'Ardèche par exemple, où existent des problématiques très particulières d'espaces agricoles que l'on veut maintenir. Dans de telles situations, il faut que l'on arrive à décomposer ces surfaces pour en déterminer la part d'admissibilité, en respectant les règles européennes. Ce n'est pas toujours simple, alors que chacun revendique une spécificité pour intégrer le cadre de règle et bénéficier des aides de la PAC.

S'agissant des propos tenus par les collègues de la DG Agri, nous avons rencontré certaines difficultés d'application entre 2008 et 2013, que l'on s'emploie à surmonter. Je pense que c'est bien l'essentiel. L'une de ces difficultés concernait la problématique des normes locales, qui renvoie à une difficulté de politique publique, la question étant de déterminer quel est le bon équilibre entre le niveau national et le niveau local. Nous avons tranché en faveur du niveau national et nous nous sommes efforcés de redresser un peu les choses.

À cet égard, un sujet nous a beaucoup occupés cette année : la question de l'admissibilité des haies. Ces dernières sont admissibles depuis 2010 mais l'on a renforcé leur admissibilité. La haie fait donc partie de la surface comptabilisée au titre de l'admissibilité des surfaces. Là encore, sur le terrain, on se heurte à des réalités très diverses, les haies n'ayant pas toutes la même longueur ou la même largeur. Nous nous efforçons d'encadrer les choses au maximum et de rassurer régulièrement la DG agriculture, qui dispose, de notre part, de toutes l'information sur la manière dont on a déployé la réforme de la PAC et sur la mise en oeuvre du nouveau plan d'action pour la mise en oeuvre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) 2014-2020.

M. François Marc . - L'Allemagne n'avait pas adopté la même règle que la France concernant la prise en compte des éléments paysagers, ce qui l'aurait protégée de corrections au titre des surfaces éligibles. Est-ce vrai ou pas ? L'Allemagne subirait-elle de moindres refus d'apurement parce qu'elle se serait montrée plus souple ?

M. Hervé Durand . - Tout ce que dit la Commission européenne est vrai mais faisons attention aux approximations. La manière dont l'Allemagne met en oeuvre la PAC est très différente de la nôtre. Chez nos voisins, les länder ont la maîtrise des conditions d'application de la PAC et cette spécificité constitutionnelle conduit l'Allemagne à connaître des règles d'éligibilité différentes. Je précise également que le registre parcellaire graphique n'est pas une spécificité française mais une obligation pour tous les États membres. Nous devons donc renforcer nos photos et leur interprétation. Je répète que nos difficultés résultent largement des normes locales d'application de la PAC. Entre 2007 et 2013, nous avons offert des latitudes aux départements, ces écarts d'application ont été relevés par la Commission européenne qui les a durement critiqués. Nous les avons donc supprimés. Nos photos et nos éléments topographiques manquaient de cohérence mais nous avons progressé. Par exemple, nous disposons désormais d'un dictionnaire de photo-interprétation.

M. Frédéric Lambert, chef du service gouvernance et gestion de la PAC du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt . - L'Allemagne a rendu éligibles les éléments paysagers mais dans le respect d'une règle de maintien individuel à l'identique de chacun des éléments. Notre pays a utilisé un pourcentage d'éléments topographiques de 3 % ou 4 % mais sans obliger au maintien individuel des éléments. Nous n'avons donc pas vérifié ce maintien, qui n'a fait l'objet d'aucun traçage ni de numérisation.

M. Hervé Durand . - L'IGN est justement en train de numériser ces éléments non agricoles, les mares, les bosquets, les rochers, etc. Nous disposons déjà d'un inventaire de 200 millions d'objets. Or ces éléments paysagers conduiront à inclure 40 millions d'objets supplémentaires.

M. Bernard Lalande . - J'ai eu l'occasion de tester la télé-procédure de déclaration. C'est tout de même compliqué. Il faut déterminer la parcelle et s'assurer que la déclaration soit réaliste par rapport à la surface. En fin d'opération, on utilise une nomenclature qui ne fait pas suffisamment l'objet d'explication. Au total, chaque agriculteur agit comme un auto-contrôleur qui « fait coller pour que ça colle » : il fait sa déclaration en veillant à ce que cette dernière rentre dans un cadre prédéfini. J'estime qu'on demande aux agriculteurs des choses que l'on ne demanderait pas aux autres professions.

M. Hervé Durand . - Je suis d'accord avec vous. C'est vrai qu'il faut un investissement mais je note que 90 % des usagers recourent à la procédure. Nous devons continuer à avancer. Cette procédure de télédéclaration traduit également la complexité de certaines exploitations agricoles : quand on a cent parcelles, c'est plus compliqué. Il est intéressant d'interroger les agriculteurs sur le temps passé à cette déclaration. Ce temps est variable mais il n'est pas si long que cela : deux à trois heures, une fois par an.

M. Bernard Lalande . - Ce n'est pas une question de temps. Je prends le cas d'un vignoble dont la surface est connue de par la déclaration aux services des douanes : votre terrain fait 1,127 hectare et il vous incombe de retrouver cette surface avec la souris de votre ordinateur pendant la télédéclaration. Votre travail ne peut pas être exact et vous faites donc coller votre déclaration avec la surface connue. Personnellement, j'y ai passé trois heures.

M. Maurice Vincent . - Je m'interroge sur la raison de ces normes locales. Correspondent-elles à une demande des agriculteurs ou des responsables publics locaux ? Sont-elles abandonnées ?

M. Hervé Durand . - Les normes locales, c'est bien fini et sur leur origine, il existe plusieurs raisons de divers ordres. En réponse à Serge Dassault, je précise que l'IGN utilise quatre avions abrités dans la base de Creil et que nous n'avons pas recours à des drones. Concernant l'avenir de la PAC et ses enjeux budgétaires pour les agriculteurs, nous en sommes à la première année de mise en oeuvre de la réforme du cadre 2014-2020 mais il faut anticiper les futures échéances et commencer à formuler nos attentes. Il faut avoir en tête que nous ne sommes qu'un État membre parmi vingt-huit, nous devons donc sensibiliser nos partenaires et dialoguer avec la Commission européenne.

K. AUDITION DE M. M. ANTHONY REQUIN, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L'AGENCE FRANCE TRÉSOR (1ER JUILLET 2015)

Réunie le mercredi 1 er juillet 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'audition de M. Anthony Requin, directeur général de l'Agence France Trésor.

Mme Michèle André , présidente . - Notre cycle d'auditions préparatoires à l'examen du projet de loi de règlement s'achève avec celle de Anthony Requin, que nous n'avons pas encore eu l'occasion de recevoir depuis sa prise de fonction comme directeur général de l'Agence France Trésor (AFT), le 6 mars.

En 2014, les dépenses au titre de la charge de la dette ont été inférieures à la prévision initiale, dans une conjoncture de taux très bas mais aussi grâce à la politique de gestion active de la dette de l'État par l'AFT. Cette charge étant très sensible au niveau des taux, il est particulièrement intéressant de vous entendre dans le contexte actuel de la zone euro.

M. Serge Dassault , rapporteur spécial . - Anthony Requin cherche des investisseurs prêts à acheter nos emprunts au prix le plus bas possible, mais il n'est responsable ni de l'inflation, ni de la croissance, ni des taux d'intérêt. Il hérite d'une situation de plus en plus difficile, qu'il ne maîtrise pas. Quel niveau de taux d'intérêt peut-on supporter ? La hausse d'un point entraîne une hausse de dépense de 2,4 milliards d'euros en 2015 et jusqu'à 7 milliards d'euros en 2017, ce qui est considérable. Quel est le niveau de croissance indispensable ? La Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) a emprunté 18,2 milliards d'euros en 2014 pour financer les déficits accumulés de la Sécurité sociale. Est-ce raisonnable ? Nous laissons la dette s'accroître, par l'augmentation continue du déficit budgétaire et des emprunts, qu'il faut ensuite rembourser. Nous vivons aux crochets des autres. Nous serons perdus le jour où ils ne répondront plus à nos émissions.

Les emprunts effectués en 2007 et 2008, d'un montant important, devront être remboursés en 2015 et 2016, ce qui augmentera nos emprunts et explique peut-être la hausse de 50 milliards d'euros de la dette.

Le Gouvernement continue d'augmenter les dépenses - nous évoquions le droit d'asile tout à l'heure - et ce, sans aucune efficacité. Nous n'avons plus d'argent, mais nous nous endettons, sans écouter les recommandations de la Cour des Comptes, de la Banque de France ni de l'Union européenne. La situation est grave. Chaque année le budget est construit sur des recettes trop élevées et les réductions de dépense trop faibles.

Quelles seraient les conséquences d'une sortie de la Grèce de la zone euro ? Ne risque-t-on pas une hausse des taux d'intérêt de nos emprunts, menant à une cessation de paiement ? Nous sommes soumis à la bonne volonté des emprunteurs étrangers.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je pose la même question que le rapporteur spécial, Serge Dassault, sur la sortie de la Grèce de la zone euro. Le stock de dette a augmenté de 50 milliards d'euros en trois mois, ce qui la porte à 2 088 milliards d'euros. En politique d'émission, existe-t-il un phénomène de saisonnalité ? Emprunte-t-on plus au premier trimestre ? Est-ce lié à une situation d'opportunité ? Comment la politique d'émission de dette indexée sur l'inflation est-elle déterminée ? Il est paradoxal d'emprunter à taux variable alors qu'une hausse de l'inflation est annoncée.

La CADES emprunte parfois en devises, contrairement à l'Agence France Trésor. Pourquoi ?

Les collectivités territoriales risquent de se désengager de l'investissement public en raison de la baisse de leurs dotations. Ne pourrait-on pas dégager une marge de manoeuvre en favorisant l'emprunt à de meilleures conditions ? Celles-ci, aujourd'hui, sont plus défavorables pour les collectivités territoriales que pour l'État alors que leur situation est souvent plus saine. Le stock de dettes des collectivités est de 170 milliards d'euros, contre plus de 2 000 milliards d'euros pour l'État. Or elles assurent les deux tiers de l'investissement public civil.

M. Anthony Requin, directeur général de l'Agence France Trésor. - Pour ce qui est de la sensibilité de la charge de la dette à une hausse des taux d'intérêt, je vous renvoie à l'analyse que nous produisons dans le cadre de la préparation de la loi de finances, et qui analyse l'impact d'une hausse des taux de 1 % au 1 er janvier. Une augmentation de cent points de base par rapport à notre scénario de référence entraîne, la première année, un alourdissement de la charge de la dette de 2,4 milliards d'euros, en comptabilité maastrichtienne. Cet alourdissement est en partie imputable à la dette de court terme. Ce cas est très théorique, mais donne un ordre de grandeur. Sur les emprunts de moyen et long terme, la maturité moyenne de la dette française étant de sept ans, l'impact se fait sentir progressivement, au fil des renouvellements.

Les chocs de taux ne sont pas si brutaux, même si, entre avril et mai, la hausse a été voisine de 100 points de base. La transmission de ce choc de taux est généralement progressive, avec un décalage d'un an, notamment sur la partie moyen et long terme de la dette. C'est pourquoi la hausse est assez sensible dès la deuxième année, à 5,3 milliards d'euros, au moment où les coupons des titres à moyen et long terme émis en 2015 sont payés, avec une augmentation de cent points de base.

M. André Gattolin . - À inflation constante ?

M. Anthony Requin. - Sans hypothèse particulière sur l'inflation. En étudiant l'évolution des taux à dix ans entre janvier et avril 2015, on constate que, s'agissant de la France, les taux ont d'abord baissé d'environ 0,55 %, jusqu'à 0,33 % (point atteint le 16 avril) avant de remonter. Ils sont actuellement stabilisés autour de 1,20 %.

En allongeant la période de référence au 1 er janvier 2014, on relativise cette hausse des taux : nous sommes revenus aujourd'hui aux niveaux connus avant le discours de M. Mario Draghi à Jackson Hole annonçant la mise en place par la Banque centrale européenne (BCE) du quantitative easing , programme d'achats de titres du secteur public (PSPP). Les conditions de taux sont équivalentes à celles qui prévalaient au moment de la construction du budget 2015.

Si l'on recule plus encore la période de référence, pour mettre en perspective les conditions de taux actuelles au regard de celle prévalant en 2007, que constate-t-on ? En 2007, le niveau des taux était de 4 à 4,5 %. Depuis, nous bénéficions de conditions extrêmement favorables, et les hypothèses de la loi de finances initiale pour 2015 ne devraient pas être démenties. Grâce à des taux plus faibles que prévu en début d'année, il est encore possible de réaliser la prévision du Gouvernement établie dans le cadre du programme de stabilité de 1,2 milliard d'économies sur la charge de la dette moyen long terme. Il n'y aura pas de mauvaise surprise. En 2015, grâce à une inflation plus faible que prévu, nous économiserons environ 1,5 milliard d'euros sur la charge de la dette.

Je suis extrêmement prudent au sujet de la Grèce. Il est délicat de prévoir la réaction des marchés. Celle-ci est, à ce stade, modérée et sans panique. Lundi, à l'ouverture des marchés, en raison d'un mouvement de fuite vers la qualité, l'écart de taux a augmenté de 8 points de base entre la France et l'Allemagne, et de 35 à 40 points de base entre l'Allemagne et l'Italie ou l'Espagne. En fin de journée, ces hausses s'étaient réduites à 4 points de base pour la France et environ 20 pour l'Italie et l'Espagne.

En revanche, le niveau absolu des taux a baissé. Le taux d'emprunt à dix ans de la France a perdu 4 à 5 points de base. Sa dette reste perçue comme solide. Si les marchés se montrent calmes c'est aussi peut-être parce que la BCE peut intervenir à tout moment via les programmes PSPP et les opérations monétaires sur titres (OMT), et parce qu'ils avaient déjà intégré l'aggravation de la situation en Grèce.

Une partie de la hausse du stock de dette au premier trimestre résulte du déficit, 74 milliards d'euros pour 2015, qu'il faut financer. Le cycle infra-annuel de trésorerie explique aussi une part de la hausse, car nous accumulons une encaisse. Ce cycle n'est pas propre seulement à l'État mais aussi aux autres entités publiques. La CADES, par exemple, exécute l'essentiel de son programme annuel de financement au premier semestre, ce qui pèse dans le niveau de dette brute émise. D'importants amortissements de l'État sont intervenus fin avril - 34 milliards d'euros d'amortissements de dette (capital et intérêt) dont 15 milliards de coupons d'intérêts devaient être versés - et d'autres auront lieu fin juillet. Aussi doit-on prévoir une encaisse de trésorerie. Il ne s'agit pas d'un dérapage de l'endettement.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Comment l'endettement de l'État a-t-il progressé de plus de 50 milliards d'euros en un trimestre ?

M. Anthony Requin . - Ce chiffre concerne l'ensemble des administrations publiques, ce qui comprend les collectivités territoriales et les administrations de sécurité sociale.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - La part des collectivités territoriales est très faible.

M. Anthony Requin . - Les administrations de sécurité sociale dont la CADES et l'ACOSS représentent 16 milliards d'euros et l'État 37 milliards.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Une dette arrivée à maturité financée par une autre dette ne se traduit pas par une augmentation.

M. Anthony Requin . - Le programme d'émission est linéaire tout au long de l'année, mais il faut bâtir une encaisse de trésorerie pour le mois d'avril. Les 50 milliards d'euros doivent se trouver sur le compte du Trésor à cette date, ce qui suppose d'émettre davantage. Le delta entre la fin du premier trimestre et la fin de l'année précédente correspond à de la dette brute supplémentaire de l'État.

M. Serge Dassault , rapporteur spécial . - La hausse de 50 milliards d'euros n'est-elle pas due aux remboursements et aux coupons ?

M. Anthony Requin. - Il n'y a pas de dérive de la charge de coupons ou de principal à rembourser. Je vous renvoie à notre rapport annuel, dans lequel est détaillé le cycle infra-annuel de trésorerie de l'État. Les points hauts et bas dépendent du rythme d'encaissement des impôts, des dépenses et des amortissements sur la charge de la dette. Il n'est pas nécessaire de disposer de grosses encaisses de trésorerie en fin d'année puisqu'aucun amortissement de coupon ou de principal n'est effectué en janvier. Les premiers ont lieu fin février.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Quel sera le niveau de la dette à la fin de l'année ?

M. Anthony Requin. - À la fin du premier trimestre, elle s'élevait à 2 089 milliards d'euros.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Et à la fin de l'année ?

M. Anthony Requin. - Je ne dispose pas de ce chiffre précis avec moi mais la projection de dette sur PIB devrait être respectée.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - La dette diminuera-t-elle en fin d'année ?

M. Anthony Requin . - Elle devrait représenter 96,3 % du produit intérieur brut (PIB) en fin d'année, toutes administrations publiques confondues. En revanche, les rebasages de niveau de PIB par l'Insee peuvent augmenter légèrement. Il s'agit de la seule variable de nature à modifier l'objectif.

S'agissant de la dette indexée, la France émet des titres indexés sur l'inflation française depuis 1998, et sur l'inflation européenne depuis 2001. Cela représente aujourd'hui 170 milliards d'euros d'encours. Elle possède le marché le plus profond en titres indexés, avec un objectif de 10 % de l'encours total de la dette. Ces titres ont un intérêt particulier pour certains investisseurs qui ont besoin de se couvrir contre le risque d'inflation. Tous les gestionnaires de livrets bancaires et livrets A en achètent ; les fonds de pension néerlandais par exemple en sont friands également, comme les investisseurs de très long terme. L'intérêt de l'État est de capturer la prime d'inflation que les investisseurs sont prêts à payer, afin d'émettre à un coût moindre et de diversifier la base d'investisseurs.

Enfin, l'effet contracyclique est intéressant pour le budget de l'État. En cas de ralentissement de la croissance, celle-ci provoque une baisse des recettes fiscales, mais également un ralentissement de l'inflation. On retrouve pour partie en moindre charge ce qu'on perd en recettes fiscales. La charge d'intérêts de l'État a ainsi été amoindrie de 1,9 milliard d'euros en 2014 par l'indexation d'une partie de la dette sur l'inflation, et de 1,5 milliard d'euros en 2015.

La CADES émet un tiers environ de son programme en devises diverses (dollar, yen, franc suisse, dollar australien, dollar canadien) afin de profiter d'opportunités et de taux d'intérêt attractifs. Elle couvre le risque de change en swappant ses émissions en euros. L'État émet exclusivement en euros, de trois mois à cinquante ans, de façon prévisible et transparente. Émettre en devises, ce serait rompre avec la régularité, réaliser des coups en opportunité, sans pouvoir garantir un volume d'émissions à venir dans cette devise, ni couvrir toutes les maturités. Il s'agirait d'un changement complet d'attitude et de stratégie.

L'État et la CADES se répartissent les univers d'investisseurs. Les États-Unis émettent en dollars américains, la Chine en renminbis, et non dans une autre monnaie. L'Allemagne n'a réalisé qu'une seule opération en devises, en 2009. La France n'a pas ce projet, à ce stade.

Les collectivités territoriales n'ont pas toutes la même notation que l'État. Elles émettent à des coûts plus importants car leurs opérations sont petites et ponctuelles, contrairement à l'État qui est un émetteur régulier, entretenant une courbe des taux entière, avec des souches extrêmement liquides, ce qui est un grand avantage. Une cinquantaine de collectivités se sont rassemblées pour attirer des investisseurs par des émissions groupées à travers l'Agence France Locale. Les taux d'intérêt, la qualité du crédit et la liquidité de la dette attirent les investisseurs.

M. Claude Raynal . - La qualité du travail et le professionnalisme de l'Agence France Trésor lui confèrent une excellente image à l'extérieur ainsi que sur les marchés financiers. L'opinion des banques spécialistes en valeur du Trésor est extrêmement positive, en partie parce que l'action de l'agence est prévisible et rassurante. Son efficacité réduit de quelques points de base le coût de l'emprunt pour la France.

On dit que la dette très importante du Japon n'est pas grave puisqu'elle est financée par l'épargne japonaise. On dit aussi que les Français épargnent beaucoup et qu'une grande partie de la dette française est étrangère. Quel en est le ratio, et est-il important que l'épargne française couvre la dette de la France ?

M. Philippe Dallier . - Le secrétaire d'État au budget Christian Eckert nous a rassurés il y a quelques semaines en déclarant que le budget de l'État était à l'abri d'une évolution défavorable des taux d'intérêt puisque la quasi-totalité du programme était déjà réalisé. Le confirmez-vous ? À partir de quel niveau de taux la prévision budgétaire des intérêts à payer serait-elle dépassée ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - La part des collectivités territoriales est stable. Elle ne devrait pas être agrégée avec celle de l'État, les deux n'ayant aucun rapport. La première correspond à de l'investissement, la seconde à du déficit. C'est insupportable. Je ne suis pas du tout certaine que cet agrégat pénalise l'État. Il serait important de pouvoir constater ce qu'apportent les collectivités territoriales dans la trésorerie. On leur en demande trop.

M. Vincent Delahaye . - Quel est le montant de la dette en valeur absolue ? Les 96,3 % du PIB de fin de l'année signifient-ils un montant supérieur aux 2 089 milliards d'euros cités plus tôt ? La hausse de 1 % des taux en 2015 ajoute 2,4 milliards d'euros de charge d'intérêts. Sur quel taux d'intérêt moyen vous êtes-vous appuyés pour conclure à 1,2 milliard d'euros d'économies ?

M. Maurice Vincent . - J'ai noté que la prévision 2017 montre l'amorce d'une décrue du rapport entre la dette publique et le PIB. Nous sommes proches de 100 %. Cela inquiète nos concitoyens et il faut effectivement une décrue. L'évolution n'est pas liée à une surestimation de l'évolution du PIB, ni volontaire et ni involontaire d'ailleurs. J'imagine donc qu'elle repose sur des hypothèses de taux d'intérêt et de réduction des déficits publics. Comment arrive-t-on à ce recul du ratio d'endettement public ?

Mme Fabienne Keller . - Quel est l'impact de l'évolution des taux d'intérêt sur la charge de la dette, qui a été réajustée à la baisse, à 43 milliards d'euros cette année ? Quelle est votre évaluation de l'évolution de la charge de la dette des trois ou cinq prochaines années en cas de hausse de 1 % des taux d'intérêt ?

M. Richard Yung . - Votre prévision d'une montée modeste mais régulière des taux est liée à la politique de la BCE. Quelle est votre hypothèse quant à la Federal Reserve , pour 2015-2016 ? Elle danse un tango, je n'ose pas dire argentin mais américain depuis six à huit mois, l'annonce d'une hausse du taux de base n'étant jamais suivie d'effet.

M. François Marc . - La France tire profit de la fuite vers la qualité, dites-vous. Cela flatte l'ego national. Mais pour combien de temps ? Quelle est la définition de la qualité ? Depuis 2007, 54 pays émergents ont fait l'objet de 189 relèvements par les différentes agences de notation. Le risque émergent devient de plus et plus acceptable. Les hiérarchies peuvent-elles s'inverser, et quand ?

M. Éric Doligé . - Il faut distinguer entre l'endettement pour investir et l'endettement pour combler le déficit. L'État rembourse la charge, les collectivités territoriales remboursent la charge et le stock. Il serait intéressant d'établir des comparaisons. Avez-vous une solution pour que les collectivités ne remboursent plus que la charge ?

Mme Michèle André , présidente . - Le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) prévoit que les États-membres transmettent leur programme d'émissions de dettes à la Commission européenne afin que celle-ci en assure la coordination. Comment cette coordination se traduit-elle concrètement ?

M. Anthony Requin. - Notre dette est détenue à 64 % par des non-résidents. Les 35 % restants sont détenus par des résidents à hauteur de 20 % environ par les compagnies d'assurance, à 10 % par les institutions bancaires, le reste l'étant par des gestionnaires d'actifs, selon des données de la Banque de France. Sur les 65 % détenus par des non-résidents, à travers des enquêtes du FMI, on peut estimer que la moitié l'est par des investisseurs de la zone euro. Les autres appartiennent à des catégories et des zones géographiques diverses. Depuis 2007, la moitié des achats nets de dette française environ est réalisée par des banques centrales, qui ont accumulé d'importantes réserves qu'elles se soucient de ne pas placer uniquement en dollars, et qui recherchent des dettes de qualité, liquides et offrant un rendement. Assez peu sensibles au niveau des taux d'intérêt, elles ont tendance à détenir la dette jusqu'à son échéance, ce qui en fait des détenteurs peu volatils. Ainsi, en 2011, alors que des résidents ont pu vendre notre dette, les banques centrales du monde entier continuaient à en acheter.

Au Japon, l'épargne des ménages est très élevée et supérieure à l'endettement public. Elle finance aisément des déficits importants à des taux d'intérêt très faibles.

Le taux d'exécution de notre programme s'établit aujourd'hui à 68 %, soit un taux d'exécution en ligne avec les années précédentes. La charge de notre dette en 2015 est quasiment fixée, puisque ce n'est qu'à l'année n+1 qu'il faut s'acquitter du coupon plein de la dette émise l'année n. Comme a pu vous l'indiquer Monsieur Eckert, nous sommes en 2015 dans une situation confortable. Comme la charge d'indexation est déterminée par l'évolution des prix de mai à mai, il n'y a plus d'aléas liés à l'inflation pour le reste de l'année. De plus, cette évolution a été significativement inférieure aux prévisions de la loi de finances initiale : en France, 0,3 % au lieu de 0,8 %, et 0,2 % au lieu de 1 % en Europe. Nous économisons environ 1,5 milliard d'euros. La remontée des taux longs ne devrait pas avoir d'impact sur la charge budgétaire, car nous avions prévu un niveau plus élevé qu'il ne l'a été fin 2014 et début 2015, et leur hausse actuelle n'aura un plein impact que dans un an. Aussi la charge budgétaire de la dette en 2015 ne pourrait s'accroître que sous l'effet d'un choc très violent sur les taux courts. Notre dette à moyen ou long terme s'élève environ à 1 400 milliards d'euros, et notre endettement à court terme à 170 milliards d'euros. Les bons du Trésor à trois, six ou douze mois subiraient de plein fouet l'effet d'une hausse des taux courts. Cependant, celle-ci ne semble pas devoir se produire. Actuellement, nous empruntons même à des taux négatifs : environ - 0,19 % pour les emprunts à trois, six ou douze mois, au lieu des 0,05 % prévus au moment de la loi de finances.

C'est la comptabilité maastrichtienne qui agrège l'ensemble des dettes publiques, y compris celles des collectivités territoriales. La loi prévoit qu'en dernier recours, c'est l'État qui est d'une certaine mesure garant en dernier ressort les dettes des collectivités territoriales, c'est pourquoi elles sont incluses dans le périmètre.

Le rapport entre dette et PIB devrait atteindre en 2016 un maximum de 97 %, si l'on tient compte des opérations de soutien aux États de la zone euro, dont la Grèce. Puis il baissera légèrement, à 96,9 %, en 2017. La France a présenté aux autorités européennes sa trajectoire budgétaire, qui repose sur des hypothèses de croissance relativement prudentes : 1 % cette année et 1,5 % l'an prochain, quand l'OCDE, l'Union européenne ou le FMI tablent respectivement sur 1,2 % en 2015 et entre 1,5 et 1,8 % en 2016. Quant aux projections de taux d'intérêt présentées dans le programme de stabilité, elles prévoient, sur les OAT à dix ans, une augmentation des taux longs de 90 points de base en 2016, puis en 2017 et encore 50 points de base l'année suivante. Nous prévoyons un relèvement des taux d'intérêt courts de la Banque centrale européenne (BCE) à la fin des mesures d'assouplissement quantitatif, à partir de septembre 2016. Dans ce scénario, l'augmentation de la charge de la dette serait compensée par la hausse de la croissance et de l'inflation.

Quant à la mesure de la sensibilité de la dette, je vous renvoie aux chiffres mesurant l'impact d'une hausse de 1 % sur la charge de la dette de l'État, puisque celle-ci représente 80 % de la dette publique.

La hausse des taux de la Fed est intégrée dans nos hypothèses d'évolution des taux longs (90 points de base). Le relèvement interviendra-t-il en 2015, en 2016 ? Quelles annonces seront faites ? Quel sera le rythme et l'ampleur du relèvement ? Nous étudierons attentivement les prochaines communications de la Fed, afin d'en tenir compte dans le projet de loi de finances pour 2016.

Combien de temps durera la fuite vers la qualité ? Aussi longtemps que nous tiendrons nos engagements, les marchés continueront à nous faire crédit. Les hiérarchies se transforment lorsque les agences de notation modifient leurs notes ou lorsque les politiques économiques s'infléchissent.

Dans le programme de financement de l'État, sur les 187 milliards d'euros d'émissions à moyen long terme prévus en 2015, 74,4 milliards couvrent le déficit budgétaire, et 116 milliards amortissent la dette de moyen long terme. Comme les collectivités territoriales, l'État doit régulièrement amortir ou « roller » des encours de dette. Si sa comptabilité n'est pas soumise aux mêmes règles que celles d'une collectivité territoriale, il doit cependant respecter les traités européens.

La France communique chaque année en décembre son programme d'émission aux marchés ainsi qu'à la Commission européenne, comme les autres États membres. Nous précisons ensuite chaque trimestre les dates d'adjudication et l'ampleur des émissions que nous entendons réaliser. L'Allemagne annonce avec une grande précision le type d'émission qu'elle réalisera ; nous annonçons simplement aux marchés que, chaque premier jeudi du mois, nous émettrons des titres de maturité comprise entre sept et cinquante ans, et chaque troisième jeudi des titres entre deux et sept ans ainsi que des titres indexés sur l'inflation. Une semaine avant l'émission, nous choisissons la maturité des titres émises, après écoute des recommandations des Spécialistes en Valeurs du Trésor, afin de coller aux besoins du marché et émettre ainsi à meilleur prix.

Mme Michèle André , présidente . - Merci. Ces questions nous intéressent, et nous aurons l'occasion de vous entendre à nouveau dans l'avenir !

II. EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une réunion tenue le 8 juillet 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, sur le projet de loi de règlement et d'approbation des comptes de l'année 2014 .

À l'issue d'un large débat, la commission a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter le projet de loi de règlement et d'approbation des comptes de l'année 2014.

En conséquence, elle a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter chacun des articles du projet de loi.

Le compte-rendu de cette réunion peut être consulté sur le site Internet du Sénat :

http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/finances.html


* 1 Le revenu disponible brut (RDB) est le revenu à la disposition des ménages pour consommer et épargner ; il intègre les revenus d'activité, les revenus du patrimoine ainsi que les prestations sociales, desquels sont soustraits les impôts directs et les cotisations sociales.

* 2 Le pouvoir d'achat au niveau individuel correspond au pouvoir d'achat par unité de consommation.

* 3 Insee, « Les comptes de la Nation en 2014. Le PIB croît légèrement, le pouvoir d'achat des ménages accélère », Insee Première , n° 1549, mai 2015.

* 4 La hausse de 1,4 % des impôts sur le revenu et le patrimoine acquittés par les ménages est imputable, en particulier, à la contribution sociale généralisée (CSG), à la taxe d'habitation, ainsi qu'à l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) qui a augmenté en raison des recouvrements effectués par le service de traitement des déclarations rectificatives (STDR).

* 5 Construit à partir de données recueillies mensuellement par l'Insee auprès des ménages, l'indicateur synthétique de confiance des ménages décrit, en une variable unique, la composante commune des soldes d'opinion sélectionnés (niveau de vie passé et futur en France, situation financière personnelle passée et future, perspective de chômage, opportunité de faire des achats importants, capacité à épargner actuelle et dans les mois à venir).

* 6 Insee, op. cit. , n° 1549, Insee Première , mai 2015, p. 2.

* 7 L'indicateur de climat des affaires est calculé par l'Insee sur la base d'enquêtes réalisées auprès des chefs d'entreprise des principaux secteurs d'activité. Il s'agit d'un indicateur d'un intérêt tout particulier dès lors qu'il apparaît que les indicateurs de climats des affaires sont assez fortement corrélés aux grandeurs macroéconomiques, et notamment à l'évolution du PIB.

* 8 L'évolution du taux de marge des sociétés non financières, de même que les incidences attendues de la mise en oeuvre du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et du Pacte de stabilité et de responsabilité, font l'objet d'une analyse approfondie dans le tome I du rapport n° 159 (2014-2015) sur le projet de loi de finances rectificative pour 2014 fait par Albéric de Montgolfier au nom de la commission des finances du Sénat, p. 13-31.

* 9 En comptabilité nationale, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) est enregistré en subvention sur les rémunérations.

* 10 D'autres facteurs peuvent être envisagés afin d'expliquer l'augmentation des stocks en 2014, parmi lesquels figure, notamment, la chute des prix du pétrole - et d'autres matières premières - engagée à l'été dernier, qui a pu encourager l'accroissement des stocks de matières premières des entreprises.

* 11 Audition conjointe sur le risque de déflation dans la zone euro de Michel Aglietta, professeur émérite à l'Université Paris X-Nanterre, Anton Brender, directeur des études économiques de Candriam et professeur associé honoraire à l'Université Paris-Dauphine, Renaud Lassus, chef du service des politiques macroéconomiques et des affaires européennes de la direction générale du Trésor, et Xavier Timbeau, directeur du département analyse et prévision de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) le 28 mai 2014 par la commission des finances du Sénat.

* 12 Les effets et les risques inhérents à une faible inflation ont fait l'objet d'une analyse approfondie dans le rapport n° 108 (2014-2015) sur le projet de loi de finances pour 2015 fait par Albéric de Montgolfier au nom de la commission des finances du Sénat, p. 7-22.

* 13 Loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014.

* 14 Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

* 15 Loi n° 2014-891 du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014.

* 16 Insee, « Les comptes des administrations publiques en 2014 », Insee Première , n° 1548, mai 2015.

* 17 Il convient toutefois de noter que les flux liés au budget rectificatif n° 6 de l'Union européenne seront retracés dans la comptabilité budgétaire de l'État au titre de l'exercice 2015.

* 18 Loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

* 19 Cf. rapport n° 417 (2014-2015) sur le projet de programme de stabilité 2015-2018 fait par Albéric de Montgolfier au nom de la commission des finances du Sénat.

* 20 Les notions de solde structurel et d'effort structurel sont analysées infra dans les développements consacrés à l'évolution du solde structurel au cours de l'exercice 2014.

* 21 Le solde conjoncturel correspond à la part des fluctuations du solde public qui peut être expliquée par des facteurs conjoncturels et temporaires.

* 22 Compte tenu des crédits d'impôt, la dépense publique a progressé de 1,6 % en raison de la montée en charge du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), qui a engendré 10,2 milliards d'euros de dépenses en comptabilité nationale et contribué pour 0,8 point à l'augmentation des dépenses.

* 23 Le 1 er janvier 2014, le taux intermédiaire de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est passé de 7 % à 10 % et le taux normal de 19,6 % à 20 %.

* 24 La composante non discrétionnaire de l'ajustement structurel, qui est hors de contrôle du Gouvernement, est définie comme l'effet du décalage entre les élasticités spontanées des recettes à la variation du PIB et les élasticités usuelles auxquelles s'ajoute l'évolution des recettes hors prélèvements obligatoires.

* 25 Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

* 26 Cf. avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2015-02 du 22 mai 2015 relatif au solde structurel des administrations publiques présenté dans le projet de loi de règlement de 2014.

* 27 Le calcul du solde structurel dépend tout à la fois de l'estimation du PIB potentiel et des hypothèses de croissance potentielle retenues ; or, dans le cadre de la loi de programmation pour les années 2014 à 2019, le Gouvernement a révisé les hypothèses relatives au PIB potentiel utilisées pour définir la trajectoire de solde structurel (cf. rapport n° 55 (2014-2015) sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 fait par Albéric de Montgolfier au nom de la commission des finances du Sénat, p. 9-21).

* 28 Cf. avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2014-02 du 23 mai 2014 relatif au solde structurel des administrations publiques présenté dans le projet de loi de règlement de 2013.

* 29 Cf. rapport n° 716 (2013-2014) sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2013 fait par François Marc au nom de la commission des finances du Sénat.

* 30 Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

* 31 Par ailleurs, il convient de rappeler que la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2011 à 2014 reposait sur un engagement exprimé en termes d'effort structurel et non plus de solde effectif.

* 32 S. Duchêne et D. Lévy, « Solde "structurel" et "effort structurel" : un essai d'évaluation de la composante "discrétionnaire" de la politique budgétaire », Diagnostic Prévisions et Analyses économiques , n° 18, 2003.

* 33 Les changements induits par le nouveau système européen des comptes nationaux (SEC 2010) sont décrits dans l'annexe 3 au rapport annexé au présent projet de loi.

* 34 Dans le cadre du système européen de comptabilité (SEC 2010), les crédits d'impôts « restituables » correspondent aux crédits d'impôts tels qu'ils sont conçus dans le droit français ; il s'agit des dispositifs qui « peuvent être "à payer", dans le sens où tout montant du crédit qui dépasse la créance fiscale est payé à son bénéficiaire ». À l'inverse, les crédits d'impôts qui ne sont pas exigibles, comme les abattements ou les déductions, sont décrits comme « non récupérables ».

* 35 Le solde stabilisation le ratio d'endettement est le solde public pour lequel la dette et le PIB progressent au même rythme et le ratio dette/PIB est constant. Il correspond approximativement à l'opposé du produit de la croissance nominale du PIB par le ratio d'endettement de l'année précédente.

* 36 Lorsque le taux d'intérêt de la dette publique est supérieur au taux de croissance, la dette augmente mécaniquement plus vite que le produit intérieur brut (PIB) ; il s'agit de l'effet « boule de neige ».

* 37 Insee, op. cit. , Insee Première , n° 1548, mai 2015, p. 2.

* 38 À titre de rappel, le Gouvernement a engagé, en 2014, un second programme d'investissements d'avenir (PIA), financé par 12 milliards d'euros de crédits budgétaires. La gestion des crédits est confiée à des opérateurs entrant dans le champ des administrations publiques centrales (APUC). En comptabilité nationale, seuls les crédits relatifs à des dotations « consommables » sont enregistrés comme des transferts en capital car ils sont définitifs - ces derniers représentent 7,1 milliards d'euros ; à l'inverse, les dotations « non consommables » ne donnent lieu à aucun enregistrement en comptabilité nationale car les opérateurs ne peuvent pas consommer les crédits sur un compte du Trésor, mais uniquement les intérêts produits.

* 39 Le « cycle électoral » fait l'objet d'un examen approfondi dans le rapport n° 55 (2014-2015) sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 fait par Albéric de Montgolfier au nom de la commission des finances du Sénat, p. 62-64.

* 40 La Banque postale, Note de conjoncture sur les finances locales - Tendances 2015 , mai 2015, p. 12

* 41 Insee, op. cit. , Insee Première , n° 1548, mai 2015.

* 42 Id. , p. 4.

* 43 Toutefois, il convient de relever que le déficit du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) a progressé de 0,6 milliard d'euros en 2014, où il s'est élevé à 3,5 milliards d'euros, en raison de la progression des charges inhérentes à la progression du chômage et à la prise en charge par le FSV de la prime exceptionnelle de 40 euros due aux retraités touchant une pension inférieure à 1 200 euros.

* 44 Commission des comptes de la sécurité sociale, Les comptes de la sécurité sociale. Résultats 2014. Prévisions 2015 , juin 2015, p. 15.

* 45 Cour des comptes, « Le budget de l'État en 2014 - résultats et gestion », mai 2015, recommandation n° 9.

* 46 L'article 41 prévoit l'affectation de nouvelles ressources fiscales aux régions en substitution de la dotation générale de décentralisation (DGD), pour 901 millions d'euros, et l'article 42 le transfert aux départements de la totalité de la ressource fiscale nette perçue par l'État au titre des frais de gestion de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), à hauteur de 830 millions d'euros.

* 47 Les dépenses exceptionnelles en 2014 comprennent la cinquième tranche de la dotation en capital du MES pour 3,3 milliards d'euros et les programmes d'investissement d'avenir (PIA) à hauteur de 11 milliards d'euros.

Les dépenses exceptionnelles de l'État en 2013 étaient constituées du versement des troisième et quatrième tranches de la dotation en capital du MES (6,5 milliards d'euros), de la participation de la France à l'augmentation de capital de la banque européenne d'investissement (BEI), s'élevant à 1,6 milliard d'euros ainsi que de l'augmentation exceptionnelle du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne (PSR-UE), pour un montant de 1,79 milliard d'euros.

* 48 La différence entre les dépenses exceptionnelles au titre du PIA (11 milliards d'euros) et le montant total du PIA 2 (12 milliards d'euros) provient du milliard d'euros ouvert sur le compte de concours financier « Prêts et avances ».

* 49 Cour des comptes, « Le budget de l'État en 2014 - résultats et gestion », mai 2015, recommandation n° 8.

* 50 Premier projet de loi de finances rectificative pour 2010 en date du 21 janvier 2010, p. 11.

* 51 RGBE 2014, p. 160

* 52 Décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.

* 53 Rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l'exercice 2014, p. 118.

* 54 Cour des comptes, rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l'exercice 2013.

* 55 Article 18 de la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 : « Les dépenses fiscales, d'une part, et les réductions, exonérations ou abattements d'assiette s'appliquant aux cotisations et contributions affectées aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale ou aux organismes concourant à leur financement, d'autre part, font l'objet d'une évaluation annuelle de leur efficience et de leur efficacité.

Ces évaluations sont réalisées chaque année par cinquième des dépenses fiscales, réductions, exonérations ou abattements d'assiette et sur l'ensemble de ceux qui, aux termes du texte qui les a institués, cesseront de s'appliquer dans les douze mois.

Ces évaluations sont transmises au Parlement. »

* 56 Articles 21 et 23 de la loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

* 57 Rapport relatif à la gestion budgétaire et aux résultats de l'exercice 2014.

* 58 La différence entre déficit budgétaire nominal (85,6 milliards d'euros) et déficit à financer (73,6 milliards d'euros) correspond au montant de 12 milliards d'euros du deuxième plan d'investissements d'avenir (PIA). Les dotations PIA sont en effet inscrites simultanément en tant que ressources sur les comptes de dépôt relatifs aux investissements d'avenir et ne génèrent pas de besoin de financement per se . Le PIA est pris en compte dans le besoin de financement à travers la ligne « Autres besoins de trésorerie » qui comptabilise, en négatif, les provisions pour indexation du capital des titres indexés et, en positif, les dépenses d'investissements d'avenir, nettes des intérêts versés sur les fonds « non consommables ».

* 59 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 60 Ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.

* 61 La démarche de performance : stratégie, objectifs, indicateurs. Guide méthodologique pour l'application de la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001, juin 2004. Document réalisé en concertation entre le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, les commissions des finances du Sénat et de l'Assemblée nationale, la Cour des comptes et le Comité interministériel d'audit des programmes (CIAP).

* 62 Les données de la performance 2015, Missions du budget général de l'État , ministère des finances et des comptes publics, 2015.

* 63 Cour des comptes, Le Budget de l'État en 2014 - Résultats et gestion , mai 2015

* 64 Loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République.

* 65 Les autres missions ne disposent pas de fonctions supports ou celles-ci sont partagées avec l'une des douze missions figurant dans le tableau, compte tenu du fait que leurs fonctions support relèvent de l'une de ces missions.

* 66 La surface hors oeuvre brute (SHOB) est définie par l'article R. 112-2 du code de l'urbanisme comme « la somme des surfaces de plancher de chaque niveau de la construction ».

La surface hors oeuvre nette (SHON) est égale à la SHOB après déduction des combles, sous-sols non aménageables, toitures-terrasses, balcons, garages de véhicules, etc.

La surface utile brute (SUB) est égale à la SHON, moins les surfaces qui ne sont pas utilisables, pour des raisons tenant à la structure de l'immeuble (poteaux, murs extérieurs, circulations verticales, locaux techniques, etc.).

La surface utile nette (SUN) correspond à la SUB effectivement réservée aux espaces de travail (bureaux, ateliers, laboratoires, salles de réunion, etc.).

* 67 Le taux d'actualisation correspond aux évolutions d'anticipation des taux d'intérêt.

* 68 Certification des comptes de l'État, exercice 2014, Cour des comptes, mai 2015.

* 69 Le recensement et la comptabilisation des engagements hors bilan de l'État, mai 2013, Cour des comptes.

* 70 Certification des comptes de l'État, exercice 2014, mai 2015, Cour des comptes.

* 71 L'article 23 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques dispose qu'« un écart est considéré comme important au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel de l'ensemble des administrations publiques définies par la loi de programmation des finances publiques lorsqu'il représente au moins 0,5 % du produit intérieur brut sur une année donnée ou au moins 0,25 % du produit intérieur brut par an en moyenne sur deux années consécutives ».

* 72 La présentation, chaque année, au cours du dernier trimestre de la session ordinaire, d'un rapport sur l'évolution de l'économie nationale et sur les orientations des finances publiques par le Gouvernement, est prévue par l'article 48 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Ce rapport a vocation à préparer l'examen et le vote du projet de loi de finances de l'année suivante par le Parlement.

* 73 Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

* 74 Cf. rapport n° 716 (2013-2014) sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2013 fait par François Marc au nom de la commission des finances du Sénat.

* 75 Le tableau de financement retrace les flux de trésorerie ayant concouru à l'équilibre financier de l'État et non son équilibre comptable tel qu'il ressort de la comptabilité générale et budgétaire.

* 76 Analyse de l'exécution du budget de l'État par mission et programme, exercice 2012, Compte de concours financiers, avances aux organismes de sécurité sociale, Cour des comptes, mai 2013.

* 77 Évaluations préalables des articles du projet de loi de finances pour 2015.

* 78 « En particulier, la suppression du CCF « Avances aux organismes de sécurité sociale » :

- ne modifie en rien le mécanisme ou les montants des versements de la TVA nette à la sécurité sociale, qui feront l'objet d'une convention au même titre que les autres produits d'imposition versés à l'ACOSS ;

- ne réduit pas la qualité de l'information sur les montants de TVA collectés et versés, qui continueront à être suivis comme les autres recettes fiscales affectées à la sécurité sociale ;

- ne réduit pas la qualité du suivi du montant des exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires : celles-ci seront budgétées et suivies dans le cadre de l'état semestriel des relations financières entre l'État et la sécurité sociale et des groupes trimestriels de suivi des exonérations... », Évaluations préalables des articles du projet de loi de finances pour 2015.

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