Rapport n° 25 (2015-2016) de M. André TRILLARD , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 8 octobre 2015

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N° 25

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 octobre 2015

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l' accord relatif aux mesures du ressort de l'État du port visant à prévenir , contrecarrer et éliminer la pêche illicite , non déclarée et non réglementée ,

Par M. André TRILLARD,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Raffarin , président ; MM. Christian Cambon, Daniel Reiner, Jacques Gautier, Mmes Josette Durrieu, Michelle Demessine, MM. Xavier Pintat, Gilbert Roger, Robert Hue, Mmes Leila Aïchi, Nathalie Goulet , vice-présidents ; M. André Trillard, Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Joël Guerriau, Alain Néri , secrétaires ; MM. Michel Billout, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Pierre Charon, Robert del Picchia, Jean-Paul Emorine, Philippe Esnol, Hubert Falco, Bernard Fournier, Jean-Paul Fournier, Jacques Gillot, Mme Éliane Giraud, MM. Gaëtan Gorce, Alain Gournac, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Jean-Noël Guérini, Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, M. Alain Joyandet, Mme Christiane Kammermann, M. Antoine Karam, Mme Bariza Khiari, MM. Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Jeanny Lorgeoux, Claude Malhuret, Jean-Pierre Masseret, Rachel Mazuir, Christian Namy, Claude Nougein, Philippe Paul, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, MM. Cédric Perrin, Jean-Vincent Placé, Yves Pozzo di Borgo, Henri de Raincourt, Alex Türk, Raymond Vall .

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

794 (2013-2014) et 26 (2015-2016)

INTRODUCTION

Mesdames et Messieurs,

Le Sénat est saisi du projet de loi n° 794 (2013-2014) autorisant l'approbation de l'accord relatif aux mesures du ressort de l'Etat du port visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche illicite.

Cet accord a pour objet d'éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, dite « pêche INN » , afin de permettre la conservation à long terme et l'exploitation durable des ressources biologiques marines et des écosystèmes marins . Pour ce faire, il prévoit l'application par l'Etat du port de mesures dites « mesures de l'Etat du port », qui se présentent comme une norme mondiale minimale, sur le fondement de laquelle les Parties peuvent interdire l'entrée dans leur port et l'accès aux services de celui-ci aux navires ne battant pas leur pavillon et se livrant à des activités de pêche INN.

L'application des mesures de l'Etat du port est présentée, par l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (OAA/FAO) , comme un outil efficace pour lutter contre la pêche INN.

Compte tenu des effets hautement préjudiciables de la pêche illicite sur l'environnement, sur les populations vivant de la pêche et sur les économies des pays en développement, et convaincue de la nécessité de la contrecarrer par tous les moyens utiles , la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a adopté ce projet de loi .

PREMIÈRE PARTIE : LE PREMIER INSTRUMENT MONDIAL CONTRAIGNANT DE LUTTE CONTRE LA PÊCHE ILLICITE, NON DÉCLARÉE ET NON RÈGLEMENTÉE

I. LES EFFETS DÉVASTATEURS DE LA PÊCHE ILLICITE, NON DÉCLARÉE ET NON RÈGLEMENTÉE

La pêche illicite, non déclarée et non réglementée, bien que pratiquée depuis toujours, devient de plus en plus préoccu pante, même s'il est difficile d'en évaluer l'ampleur avec exactitude, compte tenu de son caractère clandestin. Une étude de 2009 , citée par le rapport 2014 1 ( * ) de la FAO, estime que les pertes attribuées à la pêche INN seraient comprises entre 10 milliards d'USD et 23 milliards d'USD 2 ( * ) par an à l'échelle mondiale . Pour prendre un exemple français, l'Ifremer estime, qu'en 2010, la pêche illégale, en Guyane, était 2,5 à 3 fois plus importante, en termes de captures, que la pêche autorisée locale.

Elle peut prendre diverses formes : pêche non autorisée dans les eaux sous juridiction nationale, dans des zones couvertes par des organisations régionales de gestion des pêches (ORGP) ou dans des zones protégées, captures d'individus trop jeunes ou d'espèces protégées, utilisation d'engins de pêche prohibés, non-déclaration des prises, etc.

Le rapport de la FAO précité souligne que la pêche joue un rôle important dans l'élimination de la faim, la promotion de la santé et la réduction de la pauvreté. En effet, le poisson est un produit alimentaire riche au plan nutritif, qui représente un aliment essentiel pour de nombreuses populations rurales à faible revenu. En outre, le secteur de la pêche emploie et assure des moyens d'existence à des millions de personnes, notamment dans les pays en voie de développement . Dans ce contexte, la pêche INN , en diminuant les quantités de captures, a pour effet d'augmenter la malnutrition et de réduire les revenus des communautés vivant de la pêche artisanale, ce qui n'est pas sans conséquence sur le développement des pays concernés.

Par ailleurs, la pêche INN compromet les actions entreprises en faveur d'une pêche responsable et constitue une menace pour la gestion et l'exploitation durable des ressources halieutiques , entraînant l'épuisement des stocks de poisson et la détérioration des écosystèmes.

En pratique, la pêche INN se concentre dans les zones faiblement contrôlées et les exploitants de ce type de pêche changent fréquemment de zones de pêche, de nom de navire, d'Etat du pavillon et de port de débarquement.

Si la pêche INN apparaît fortement préjudiciable à la sécurité alimentaire et à la protection de l'environnement, il faut ajouter que elle se déroule le plus souvent dans des conditions de travail déplorables, voire d'esclavage et sans grande considération pour la sécurité en mer. Le rapport précité ajoute que cette pratique s'accompagne également d'actes de piraterie et d'activités criminelles , telles que le trafic de drogue et la traite des êtres humains.

II. UN ACCORD INTERNATIONAL CONTRAIGNANT POUR LUTTER EFFICACEMENT CONTRE CE FLÉAU

A la suite de l'adoption, en 1993 , dans le cadre de la FAO, de l'Accord visant à promouvoir le respect par les navires pêchant en haute mer des mesures internationales de conservation et de gestion , puis en 1995 , dans le cadre de l'Organisation des Nations unies , de l'Accord aux fins de l'application des dispositions de la convention des Nations unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 relatives à la conservation et à la gestion des stocks de poissons dont les déplacements s'effectuent tant à l'intérieur qu'au-delà des zones économiques exclusives (stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs , ainsi que du Code de conduite pour une pêche responsable , sous l'égide de la FAO , des travaux ont été menés, toujours dans cette enceinte, en vue de lutter plus spécifiquement contre la pêche INN.

Un plan d'action international visant à prévenir, à contrecarrer et à éliminer la pêche illicite non déclarée et non règlementée (PAI) a été ainsi adopté par consensus à la vingt-quatrième session du Comité des pêches de la FAO en mars 2001 , puis entériné par le Conseil de la FAO à sa vingtième session en juin 2001, après plusieurs consultations techniques. Cet instrument non contraignant, élaboré dans le cadre du code de conduite pour une pêche responsable, donne la définition de la pêche illicite, de la pêche non déclarée et de la pêche non règlementée.

Selon la présentation des services du ministère des affaires étrangères et du développement international, le plan d'action vise à encourager la participation et la coordination entre les États, par le biais des organisations régionales de gestion des pêches (ORGP), de la FAO, de l'industrie hauturière, des communautés de pêcheurs locaux et des organisations non gouvernementales (ONG), dans le but d'assurer la conservation et utilisation durable des stocks de poissons, ainsi que la protection de l'environnement marin.

Conformément à l'approche systématique et intégrée retenue par le PAI, l'ensemble des mesures de lutte contre la pêche INN doit porter sur tous les facteurs intéressant les pêches . Dans cette optique, les États doivent prendre des mesures s'appuyant sur le principe de la responsabilité première de l'État du pavillon, compte tenu des pouvoirs dont ils disposent au titre des mesures relevant de l'État du port ou de l'État côtier, ainsi que des mesures à caractère commercial.

Les États du pavillon doivent notamment prendre toutes les mesures nécessaires pour s'assurer que leurs ressortissants ne soutiennent, ni ne pratiquent la pêche INN , conformément à leurs obligations au titre de la Partie VII relative à la haute mer de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982 et de l'Accord des Nations unies de 1995 sur les stocks de poissons chevauchants et grands migrateurs, ainsi que l'Accord de la FAO de 1993. Ils doivent ainsi les sanctionner et les priver des profits qui découlent de la pratique de la pêche illicite . Cela implique la mise en place d'un système de contrôle et une surveillance systématiques et efficaces de la pêche, du commencement des opérations jusqu'à la destination finale. Les Etats du pavillon doivent ainsi :

- enregistrer les navires sous leur juridiction qui sont autorisés à pêcher et leur délivrer des autorisations de pêche ;

- exiger que ces navires soient munis d'un système de surveillance électronique infalsifiable et qu'ils embarquent des observateurs indépendants chargés de veiller à la conformité des opérations de pêche avec les règles établies dans la zone concernée ainsi qu'à la sincérité des déclarations permettant d'assurer la traçabilité des captures ;

- veiller à la mise en place par le secteur de la pêche d'une procédure d'acquisition, d'archivage et de diffusion des données de pêche ;

- procéder à l'inspection et le cas échéant à l'arraisonnement des navires soupçonnés de pratiquer la pêche INN, dans le respect du droit international de la mer et des dispositions des organisations régionales de gestion des pêches ;

- et éviter d'accorder un soutien économique, y compris des subventions, à des sociétés, navires ou personnes se livrant à la pêche INN.

L'application du PAI , qui doit se faire de manière transparente et sans discrimination à l'encontre des autres États ou de leurs navires de pêche, s'appuie sur la mise en oeuvre progressive de plans d'action nationaux. Toute législation nationale découlant du PAI doit inclure un volet relatif au régime de la preuve d'actes constitutifs de la pêche INN, et notamment des dispositions sur la recevabilité des preuves électroniques et l'utilisation des nouvelles technologies.

Ces mesures de l'État du port sont rapidement apparues comme un outil déterminant dans la lutte contre la pêche INN et ont été intégrées , au fil des années, dans des instruments nationaux ou régionaux comme les organisations régionales de gestion de pêche.

Dans le contexte de lutte contre la pêche INN, la FAO a travaillé à la rédaction de normes de contrôle dans les ports de pêche, qui ont été regroupées sous la forme d'un « Dispositif type relatif aux mesures du ressort de l'État du port dans le contexte de la lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée » . Ce dispositif type a été approuvé, en 2005 , par le Comité des pêches de la FAO, qui a également décidé la création d'une base de données répertoriant les mesures de l'Etat du port par pays. Il recommande des normes internationales minimales non contraignantes à mettre en oeuvre au niveau régional ou national.

En mars 2007, le Comité des pêches de la FAO , répondant à une demande de la communauté internationale, a décidé l'élaboration d'un instrument international juridiquement contraignant relatif aux mesures du ressort de l'État du port, s'appuyant sur le plan international d'action et le dispositif type précités . Sur la base d'un projet préparé par un groupe d'experts en septembre 2007, les membres du FAO ont négocié le texte final, article par article, dans le cadre de quatre sessions d'une semaine, entre juin 2008 et août 2009.

La Résolution 12/2009 portant approbation de l'accord a été adoptée par la Conférence des Parties, le 22 novembre 2009 , par 106 voix contre 2 et 12 abstentions. Cet accord a été signé le jour même par l'Union européenne ainsi que dix États membres de la FAO (Angola, Brésil, Chili, États-Unis, Indonésie, Islande, Norvège, Samoa, Sierra Leone, Uruguay).

Cet accord poursuit les mêmes objectifs que le dispositif communautaire, principalement mis en place par le règlement (CE) n°1005/2008 du Conseil du 29 septembre 2008 établissant un système communautaire destiné à prévenir, à décourager et à éradiquer la pêche illicite, non déclarée et non règlementée, dit « règlement INN » . Ce règlement est entré en vigueur le 1 er janvier 2010.

Selon les services du ministère des affaires étrangères et du développement international, ce règlement INN tend à imposer des contrôles plus stricts dans les eaux de l'Union, mais vise aussi à garantir que les États tiers respectent les obligations découlant du droit international . À cette fin, il permet d'inscrire sur une liste noire les pays qui feignent d'ignorer les activités de pêche illégale. En même temps, ce règlement prévoit la publication régulière d'une liste de navires INN , sur la base des listes établies par les organisations régionales de gestion des pêches, qui doit être régulièrement mise à jour. Les règles communautaires visent à garantir que seuls les produits de la pêche validés comme étant légaux par l'État du pavillon ou le pays exportateur concerné peuvent être importés dans l'Union européenne ou exportés à partir de l'Union européenne. Elles prévoient qu' un navire de pêche est présumé pratiquer la pêche INN lorsqu'il ne possède pas de licence de pêche en cours de validité, néglige de transmettre ou d'enregistrer les données de capture, pêche dans une zone interdite, pêche des espèces non autorisées, utilise des engins interdits ou non conformes, falsifie ou dissimule son identité, falsifie ou dissimule des éléments de preuve concernant une enquête, entrave le travail des inspecteurs, embarque, transborde ou débarque du poisson en-dessous de la taille réglementaire, participe à des activités avec des navires figurant sur la liste des navires INN, exerce des activités de pêche dans une zone couverte par une ORGP sans en respecter les mesures de conservation et de gestion, ou s'il bat pavillon d'un État non partie à cette organisation. S'agissant des opérations de débarquement , seuls les ports désignés par les États membres de l'Union européenne sont ouverts aux navires des pays tiers. Les transbordements entre navires de pays tiers et navires de l'UE sont interdits en mer et ne peuvent avoir lieu que dans les ports désignés. L'État sur le territoire duquel le port est situé est chargé de contrôler les produits de la pêche débarqués. Cela permet d'attester que lesdits produits sont licites et que le navire est en règle, c'est-à-dire qu'il possède les licences et permis requis, et respecte les quotas de pêche. Un certificat de capture garantit que les produits débarqués dans l'UE ne proviennent pas de la pêche INN. Ces certificats sont délivrés par l'État du pavillon . Ils accompagnent les produits de la pêche tout au long de la chaîne d'approvisionnement pour faciliter les contrôles.

Les États membres sont tenus d'appliquer des sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives à l'encontre des personnes physiques ou morales liées aux activités de pêche INN. Une sanction maximale d'un montant égal à au moins cinq fois la valeur des produits de la pêche obtenus est prévue dans le cadre de ladite infraction. En cas d'infraction répétée sur une période de cinq ans, les États membres imposent une sanction maximale d'un montant égal à au moins huit fois la valeur des produits de la pêche obtenus dans le cadre de ladite infraction. Ainsi, les opérateurs européens qui pratiquent la pêche illégale, partout dans le monde et sous quelque pavillon que ce soit, risquent des amendes considérables, proportionnelles à la valeur économique de leurs captures, visant à les priver de tout profit.

La réglementation nationale découle directement de la législation communautaire. Dès lors, les territoires français dans lesquels s'applique le droit communautaire connaissent des dispositions relatives à la lutte contre la pêche INN d'un niveau d'exigence au moins égal à celui de l'accord. Les collectivités françaises d'outre-mer appliquent, quant à elles, les dispositions du code rural et de la pêche maritime, qui prévoit déjà notamment un dispositif de contrôle et de sanctions dans les ports.

DEUXIÈME PARTIE : LES MESURES DE L'ÉTAT DU PORT, DES NORMES MONDIALES MINIMALES

I. LES DISPOSITIONS GÉNÉRALES ET LE CHAMP D'APPLICATION DE L'ACCORD

L'article 1 er fixe les définitions des termes employés . Pour la définition de la pêche illicite, non déclarée et règlementée, renvoi est fait au Plan d'action international de la FAO de 2001 précité et à sa définition longue et détaillée mentionnée au paragraphe II. Les activités liées à la pêche INN sont entendues au sens large et comprennent « toute opération de soutien, ou de préparation, aux fins de la pêche, y compris le débarquement, le conditionnement, la transformation, le transbordement ou le transport de poissons qui n'ont pas été précédemment débarqués dans un port, ainsi que l'apport de personnel et la fourniture de carburant, d'engins et d'autres provisions en mer » . De même, la définition du navire s'étend à « tout navire, vaisseau (...) ou bateau utilisé ou équipé pour être utilisé ou prévu pour être utilisé, pour la pêche ou pour des activités liées à la pêche », comme des navires de transport frigorifique ou des navires de ravitaillement .

L'article 3 précise le champ d'application de l'accord et oblige chaque Partie à l'appliquer de manière équitable, transparente et non discriminatoire à « tous les navires qui ne sont pas autorisés à battre son pavillon et qui cherchent à entrer dans son port ou qui se trouvent dans un de ses ports » sous réserve de deux exceptions. La première profite aux « navires d'un Etat voisin se livrant à une pêche artisanale de subsistance, à condition que l'Etat du port et l'État du pavillon coopèrent pour faire en sorte que les navires » ne participent pas à des activités de pêche INN et la seconde au bénéfice des « navires porte-conteneurs qui ne transportent pas de poisson ou s'ils en transportent, seulement du poisson qui a été débarqué auparavant » sous réserve de l'absence de suspicion d'activité de pêche INN.

L'article 4 relatif aux relations avec le droit international et les autres instruments internationaux a un contenu classique.

Les Parties sont invitées par l'article 5 à intégrer les mesures de l'État du port dans leur droit interne et leur système de contrôle des pêches et à prendre des mesures pour assurer l'échange d'informations.

L'article 6 organise la coopération et l'échange d'informations des Parties entre elles, avec la FAO, d'autres organisations internationales et les organisations régionales de gestion des pêches. A cet effet, la FAO a mis en place une base de données des autorisations des navires en haute mer . Le rapport de la FAO précité précise que cette base de données qui répertorie environ 6 300 navires rassemble des éléments descriptifs portant sur la pêche en haute mer, ainsi que des informations relatives aux immatriculations, autorisations, infractions, etc. 3 700  d'entre eux sont autorisés à pêcher en haute mer.

II. LES MESURES DE L'ÉTAT DU PORT PROPREMENT DITES

A. L'AUTORISATION OU LE REFUS D'ENTRÉE DANS LE PORT

Les Parties désignent les ports dans lesquels les navires peuvent entrer et en communiquent la liste à la FAO qui en assure la publicité . Les ports doivent être équipés de moyens suffisants pour mener des inspections (Article 7).

L'autorisation d'entrée dans le port est subordonnée à la transmission préalable d'informations listées à l'annexe A , suffisamment à l'avance pour permettre leur examen (Article 8).

L'autorisation ou le refus d'entrée dans le port fait l'objet de l'article 9 qui prévoit que les Parties prennent leur décision au vu des informations détenues leur permettant de déterminer si le navire s'est livré à la pêche INN ou à des activités liées à la pêche en soutien à la pêche INN. En cas de preuves avérées d'une telle pratique, les Parties ont l'obligation d'interdire l'accès à leur port . À titre dérogatoire, elles peuvent le laisser entrer dans le seul but de l'inspecter et de prendre « d'autres mesures appropriées conformes au droit international et au moins aussi efficaces ». Dans ce cas, la Partie concernée interdit au navire concerné d'utiliser son port pour le débarquement, le transbordement, le conditionnement et la transformation du poisson, ainsi que pour d'autres services portuaires (approvisionnement en carburant et l'avitaillement, l'entretien et la mise en cale sèche, etc).

L'autorisation d'entrée est communiquée au navire qui doit ensuite la présenter aux autorités compétentes du port à son arrivée.

Le refus d'entrée au port est transmis au navire, à l'Etat du pavillon du navire, ainsi que dans la mesure du possible, aux Etats côtiers, aux organisations régionales de gestion des pêches et autres organisations internationales concernés.

En cas de force majeure, de danger ou de détresse , l'interdiction de l'accès au port n'est pas applicable (Article 10).

B. LE REFUS DE L'UTILISATION DES PORTS

L'utilisation des ports et de leur service est régie par l'article 11 qui stipule qu'une Partie conserve le droit de refuser celle-ci pour le débarquement, le transbordement, le conditionnement et la transformation du poisson, ainsi que l'approvisionnement en carburant, l'avitaillement, l'entretien et la mise en cale sèche par exemple, à un navire auquel elle a accordé préalablement une autorisation d'accès , si elle constate que celui-ci ne dispose pas d'autorisation valide et applicable de se livrer à la pêche ou si le poisson à bord a une origine illicite ou encore si elle a des motifs raisonnables de penser que le navire s'est livré à la pêche INN ou à des activités liées à la pêche en soutien à la pêche INN.

L'Etat du port doit notifier l'interdiction d'utilisation de ses ports , dans les meilleurs délais, à l'Etat du pavillon et éventuellement aux Etats côtiers, aux organisations régionales de gestion des pêches et autres organisations internationales concernés. La levée de l'interdiction fait l'objet de la même publicité.

L'utilisation des services du port ne peut pas être refusée pour des raisons de sécurité, de santé de l'équipage ou de mise au rebut du navire .

C. LES INSPECTIONS ET ACTIONS DE SUIVI

Les Parties sont tenues d'effectuer un nombre annuel d'inspections suffisant pour atteindre l'objectif de l'accord . Elles sont invitées à s'accorder sur des niveaux minimaux d'inspection , par l'intermédiaire notamment des organisations régionales de gestion des pêches ou de la FAO (Article 12). Les inspecteurs doivent être correctement formés selon les lignes directrices mentionnées à l'annexe E (Article 17).

La conduite des inspections se fait selon les prescriptions minimales mentionnées à l'article 13 et à l'annexe B .

Chaque inspection fait l'objet d'un rapport écrit (Article 14) mentionnant au minimum les informations figurant à l'annexe C .

Les résultats de l'inspection sont transmis à l'Etat du pavillon, ainsi qu'aux autres Etats et organisations concernées y compris la FAO (Article 15).

La mise en place d'un système électronique, coordonné de préférence par la FAO, permettant l'échange électronique direct d'informations et répondant aux critères mentionnés à l'annexe D est encouragée (Article 16).

Si l'inspection fait apparaître un cas de pêche INN, l'Etat du port informe dans les meilleurs délais l'Etat du pavillon, ainsi que le cas échéant, les Etats côtiers, les organisations régionales de gestion des pêches et autres organisations internationales concernées, ainsi que l'Etat dont le capitaine est ressortissant et prend une décision pour interdire l'utilisation des services du port, sauf si ceux-ci sont indispensables à la santé de l'équipage ou à la sécurité (Article 18).

L'article 19 prévoit que chaque Partie fournit au propriétaire, à l'exploitant, au capitaine ou au représentant du navire, sur leur demande écrite, des informations relatives aux voies de recours . Le résultat du recours exercé doit leur être également communiqué.

III. LA RESPONSABILITÉ DE L'ÉTAT DU PAVILLON

L'article 20 récapitule les obligations de l'Etat du pavillon.

L'État du pavillon doit demander à ses navires de coopérer avec l'État du port lors des inspections menées par celui-ci . Il peut également solliciter l'État du port afin qu'il inspecte un de ses navires sur lequel pèseraient des présomptions sérieuses de pêche INN et de prendre le cas échéant toute mesure appropriée.

En outre, l'État du pavillon doit mener une enquête immédiate et complète et prendre les mesures coercitives prévues par son droit interne lorsqu'il reçoit un rapport d'inspection suspectant un cas de pêche commis par un de ses navires. Il doit faire rapport de ces mesures aux autres Parties, aux États du port appropriés, et le cas échéant, à d'autres États et organisations régionales de gestion des pêches concernées, ainsi qu'à la FAO. Ces mesures doivent être moins aussi efficaces que celles qu'il applique aux navires étrangers transitant dans ses ports.

Il doit également encourager ses navires à utiliser les ports des États qui agissent conformément à l'accord ou de façon compatible avec celui-ci.

IV. LA PRISE EN COMPTE DES BESOINS DES ÉTATS EN DÉVELOPPEMENT POUR LA MISE EN oeUVRE DES MESURES DE L'ETAT DU PORT

Cet instrument international accorde une considération particulière aux besoins spécifiques des États en développement, notamment les moins avancés et des petits États insulaires en développement , afin d'éviter que l'application mesures de l'État du port ne crée pas pour eux une charge excessive.

Les Parties leur fournissent une assistance technique et financière, soit directement, soit indirectement par l'intermédiaire de la FAO, d'autres institutions spécialisées des Nations Unies ou d'autres organisations ou organes internationaux appropriés, y compris les organisations régionales de gestion des pêches. Pour ce faire, les Parties réalisent une évaluation des besoins et coopèrent à l'établissement de mécanismes de financement qui seront affectés , notamment à l'élaboration de mesures nationales et internationales du ressort de l'Etat du port, au renforcement et au développement de capacités et des activités en matière de suivi, de contrôle et de surveillance ainsi que pour la formation des personnels affectés à ces tâches, ainsi que pour le règlement des différends qui résultent des actions prises en vertu de l'accord.

Un groupe de travail ad hoc est constitué en vue de l'élaboration de ces mécanismes de financement .

V. LES DISPOSITIONS FINALES

La partie 7 est consacrée au règlement des différends . La voie du « règlement pacifique » est privilégiée.

La partie 8 est relative aux tiers à l'accord , qui sont encouragés à en devenir Parties ou à adopter des dispositions compatibles avec ses dispositions.

La partie 9 prévoit que les Parties, dans le cadre de la FAO, assurent un suivi et un examen systématiques et réguliers de la mise en oeuvre de l'accord , ainsi que l'évaluation des progrès par rapport à l'objectif fixé. Quatre ans après l'entrée en vigueur de l'accord, une réunion des Parties sera convoquée par la FAO pour tirer un premier bilan.

La partie 10 traite de la signature, de l'adhésion, de la ratification, de l'entrée en vigueur, ainsi que des réserves, déclarations et amendements. L'accord n'admet ni réserves, ni exceptions dans la mesure où il prévoit des normes minimales (Article 30). Son entrée en vigueur aura lieu trente jours après la date du dépôt, auprès de la FAO désignée comme dépositaire, du vingt-cinquième instrument de ratification.

Bien qu'adopté en 2009, les membres de la FAO ont tardé à ratifier cet accord qui n'est toujours pas entré en vigueur. Au 11 août 2015, 23 Etats avaient signé l'accord (Angola, Australie, Bénin, Brésil, Canada, Chili, Union Européenne, France, Gabon, Ghana, Islande, Indonésie, Kenya, Mozambique, Nouvelle-Zélande, Norvège, Pérou, Russie, Samoa, Sierra Leone, Turquie, États-Unis et Uruguay) et 7 États l'avaient ratifié (Australie, Chili, Islande, Mozambique, Nouvelle-Zélande, Norvège et Uruguay).

CONCLUSION GÉNÉRALE

L'instauration de la norme minimale mondiale contenue dans cet accord apparaît nécessaire pour prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche illicite, même si cela ne suffira pas, à l'évidence, à régler définitivement les problèmes rencontrés par ce secteur d'activité en proie à la criminalité organisée. Ce premier instrument mondial de lutte contre ce fléau devrait se révéler relativement efficace, conjugué à des programmes de suivi, contrôle et surveillance nationaux et régionaux, ainsi qu'à la mise en place d'un fichier mondial des navires de pêche, des navires de transport frigorifique et des navires de ravitaillement par la FAO qui centraliserait les données sur les navires qui pratiquent la pêche et les activités connexes.

Après un examen attentif des stipulations de cet accord, la commission recommande l'adoption de ce projet de loi , d'autant que la ratification française accélérera l'entrée en vigueur de ce texte adopté en 2009 et dont la communauté internationale attend beaucoup.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 7 octobre 2015, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de M. André Trillard et du texte proposé par la commission sur le projet de loi n° 794 (2013-2014) autorisant l'approbation de l'accord relatif aux mesures du ressort de l'Etat du port visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté le rapport ainsi que le projet de loi précité.


* 1 FAO. 2014. La situation mondiale des pêches et de l'aquaculture. Rome. 255 pages.

* 2 Entre 9 milliards d'euros et 20,5 milliards d'euros environ.

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