Rapport n° 134 (2015-2016) de M. Jean-Marie VANLERENBERGHE , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 4 novembre 2015

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N° 134

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 novembre 2015

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, de financement de la sécurité sociale pour 2016 ,

Par M. Jean-Marie VANLERENBERGHE,

Sénateur,

Rapporteur général.

Tome I :

Équilibres financiers généraux

(1) Cette commission est composée de : M. Alain Milon , président ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général ; M. Gérard Dériot, Mmes Colette Giudicelli, Caroline Cayeux, M. Yves Daudigny, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Gérard Roche, Mme Laurence Cohen, M. Gilbert Barbier, Mme Aline Archimbaud , vice-présidents ; Mme Agnès Canayer, M. René-Paul Savary, Mme Michelle Meunier, M. Jean-Louis Tourenne, Mme Élisabeth Doineau , secrétaires ; M. Michel Amiel, Mme Nicole Bricq, MM. Olivier Cadic, Jean-Pierre Caffet, Mme Claire-Lise Campion, MM. Jean-Noël Cardoux, Daniel Chasseing, Olivier Cigolotti, Mmes Karine Claireaux, Annie David, Isabelle Debré, Catherine Deroche, M. Jean Desessard, Mme Chantal Deseyne, M. Jérôme Durain, Mmes Anne Emery-Dumas, Corinne Féret, MM. Michel Forissier, François Fortassin, Jean-Marc Gabouty, Mme Françoise Gatel, M. Bruno Gilles, Mmes Pascale Gruny, Corinne Imbert, MM. Éric Jeansannetas, Georges Labazée, Jean-Baptiste Lemoyne, Mmes Hermeline Malherbe, Brigitte Micouleau, Patricia Morhet-Richaud, MM. Jean-Marie Morisset, Philippe Mouiller, Louis Pinton, Mmes Catherine Procaccia, Stéphanie Riocreux, M. Didier Robert, Mme Patricia Schillinger, MM. Michel Vergoz, Dominique Watrin, Mme Evelyne Yonnet .

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

3106 , 3127 , 3129 et T.A. 600

Sénat :

128 , 134 tomes I à VIII et 139 (2015-2016)

Les observations du rapporteur général sur les équilibres financiers généraux

Réunie le mercredi 4 novembre sous la présidence de Gérard Dériot, vice-président, la commission des affaires sociales a procédé, sur le rapport de Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général, à l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, n° 128 (2015-2016) de financement de la sécurité sociale pour 2016.

Le rapporteur général a indiqué que la tendance était à l'amélioration des comptes mais avec un faible résultat sur la période 2012-2014 (-0,3 point de PIB) au regard des efforts consentis en termes de prélèvements (0,8 point de PIB).

Il a également formulé les observations suivantes :

Le ralentissement des dépenses n'est confirmé que pour les branches pour lesquelles de réels efforts ont été demandés aux assurés (vieillesse et famille). Le déficit maladie se maintient en revanche à un niveau très élevé, ce qui appelle des mesures correctives plus importantes.

Avec le pacte de responsabilité, le niveau de prélèvements obligatoires affecté à la protection sociale retrouverait, en 2016, le niveau de 2013 en part de la richesse nationale.

Les prévisions de solde se fondent sur des hypothèses d'inflation, d'évolution de la masse salariale et d'économies, qui restent à confirmer, en particulier, pour l'assurance-chômage, dont les négociations ne sont pas encore ouvertes.

La réaffectation du produit des prélèvements sociaux sur les revenus du capital, à la suite de l'arrêt de Ruyter de la CJUE, est une solution qui comporte certaines fragilités et pourrait susciter une réflexion sur la répartition des produits et des charges entre l'Etat et la sécurité sociale.

Les perspectives pluriannuelles définies à l'annexe B reportent le retour à l'équilibre des comptes sociaux au-delà de l'échéance fixée par la loi de programmation des finances publiques et font apparaître un nouveau déficit de la branche vieillesse en 2019.

La commission des affaires sociales a décidé de proposer au Sénat le rejet des objectifs de recettes et de dépenses fixés par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 et d'adopter le projet de loi ainsi amendé.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Confronté à une crise persistante des finances publiques dans un contexte de croissance économique atone depuis trois ans, le Gouvernement a amorcé un changement d'orientation pour l'année 2015.

Après trois années de croissance continue des prélèvements obligatoires affectés au champ social, qu'accompagnaient une ambition de redistribution accrue et une augmentation parallèle des dépenses, le pacte de responsabilité a marqué l'intention d'entamer tout à la fois une décrue des prélèvements obligatoires et un ralentissement des dépenses.

S'il est encore un peu tôt pour en dresser le bilan, ce changement d'orientation se traduit, pour le moment, par un déport du déficit de la sécurité sociale vers celui de l'État, sous l'effet de la compensation des mesures prises, mais aussi par un net ralentissement du rythme de réduction des déficits sociaux.

L'évolution des différentes branches illustre toute la difficulté du mouvement engagé : la branche vieillesse bénéficie certes d'une embellie conjoncturelle avec une croissance des produits supérieure à celle des charges mais aussi des réformes paramétriques des années récentes, le redressement annoncé de la branche famille s'explique par la remise en cause des prestations pour certains allocataires, alors que la branche maladie, qu'aucune révision douloureuse n'est venue affecter, est installée dans un déficit structurel malgré l'importance des transferts de la branche AT-MP.

La panne de croissance dont souffre notre pays pourrait ne pas être qu'un épisode passager que le temps suffirait à résoudre. A l'inverse, le ralentissement de la croissance mondiale qui garantit, peut-être, pour un temps encore, le financement de notre dette à moindre coût, rend plus aigüe encore la question de la soutenabilité et de la pérennité de notre modèle.

Le soixante-dixième anniversaire de la sécurité sociale a donné l'occasion de célébrer un modèle parfois fantasmé : la sécurité sociale d'aujourd'hui n'a plus que peu à voir avec celle des origines qui mobilisait, en tout et pour tout, quelque 15 % de la richesse nationale. Loin de s'éloigner d'un âge d'or, elle a au contraire connu une expansion continue.

La population française augmente, vieillit, bénéficie de soins plus efficaces et plus sophistiqués. C'est précisément pour faire face à ces besoins légitimes que notre système de protection sociale doit évoluer et s'adapter, interroger son organisation et ses pratiques dans une logique de solidarité mais aussi d'équité entre les Français et entre les générations.

La persistance de déficits à des niveaux élevés, qui alimente une dette sociale devenue préoccupante, malgré le niveau élevé des prélèvements, ne répond pas à un impératif d'équité, devenu crucial pour l'adhésion de tous à un système solidaire.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LA PROTECTION SOCIALE DANS LA CRISE : UN EFFET AMORTISSEUR AMPLIFIÉ PAR DES DÉPENSES ACCRUES

A. LA PROTECTION SOCIALE EN 2013 : 33,8 % DE LA RICHESSE NATIONALE

Le projet de loi de financement ne retrace qu'une partie du financement du système de protection sociale de notre pays. Il ne rend compte, en particulier, que d'une partie des dépenses consacrées au financement des retraites, premier poste de dépenses.

1. Une part prépondérante du risque vieillesse-survie

En 2013, dernière année disponible des comptes de la protection sociale, les dépenses de protection sociale s'élevaient à 715,5 milliards d'euros, soit 33,8 du PIB, dont 672 milliards d'euros de prestations.

Les recettes s'élevant à 707,6 milliards d'euros, le déficit de la protection sociale, tous financements confondus, publics et privés, s'établissait à 7,9 milliards d'euros.

Figure n° 1 : Prestations de protection sociale en 2013

Source : Drees, comptes de la protection sociale 2013

La part la plus importante des dépenses est consacrée au risque vieillesse-survie qui représente 46 % de l'ensemble des prestations sociales , soit 14,5 % du PIB, la maladie a représenté 183,6 milliards d'euros de prestations, soit 8,7 % du PIB.

La part de la richesse nationale consacrée à l'effort social en faveur des enfants (prestations légales, dépenses d'action sociale, droits familiaux de retraite et mécanismes fiscaux) calculée pour la première fois par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) s'élève à 4 % en 2013.

Sur l'évolution des dépenses, le ralentissement de la croissance des dépenses en 2013 est davantage imputable à la baisse des emplois hors prestations (intérêts acquittés par les caisses, baisse de l'investissement hospitalier et moindres provisions des mutuelles et des institutions de prévoyance) mais aussi à la faiblesse de l'inflation, base d'indexation de nombreuses prestations.

2. Un financement aux trois-quarts par des prélèvements obligatoires

Figure n° 2 : Ressources de la protection sociale en 2013

Source : Drees comptes de la protection sociale

Les trois-quarts des ressources de la protection sociale, soit 534,9 milliards d'euros, sont constituées de prélèvements obligatoires directement affectés.

Ces ressources sont complétées de 101,3 milliards d'autres prélèvements obligatoires (contributions publiques, cotisations imputées du régime des agents de l'État, prestations extra-légales financées par les administrations publiques) et de ressources en provenance des administrations publiques non constituées de prélèvements obligatoires (11,2 milliards d'euros), de cotisations perçues par les régimes de la mutualité et de la prévoyance (28,7 milliards d'euros) et de ressources diverses (régimes extralégaux, produits financiers... pour 31,5 milliards d'euros).

Malgré un chômage important et une faible progression de la masse salariale, les cotisations progressent sous l'effet notamment de l'augmentation des cotisations de retraite.

Si l'on considère le versement des prestations par secteurs institutionnels, les administrations publiques ont versé 90 % des prestations sociales en 2013, soit 609,4 milliards d'euros.

Sur ce total, les dépenses de prestations des administrations de sécurité sociale, ensemble des régimes pour lesquels l'affiliation a été rendue obligatoire par les pouvoirs publics, représentaient 454,3 milliards d'euros.

3. Une structure comparable, une dépense globale plus élevée que celle de nos partenaires

Notre pays se caractérise par un niveau élevé des dépenses sociales dans la richesse nationale, se situant au-dessus de la moyenne européenne à quinze sur l'ensemble des risques. Elle se distingue également, en matière de santé, par la faiblesse du reste à charge des ménages (7,8 % en 2012) et par une forte socialisation des risques.

Figure n° 3 : Dépenses sociales publiques en pourcentage du PIB

Source OCDE

B. UNE FORTE CROISSANCE DES RECETTES ET DES DÉPENSES DES ADMINISTRATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE

En 2014, les dépenses publiques s'élevaient à 1 226,7 milliards d'euros, soit 57,5 % du PIB.

Sur ce total, les dépenses des administrations de sécurité sociale (ASSO) s'élevaient à 575,3 milliards d'euros, soit 47 % des dépenses publiques et 27 % du PIB.

Depuis 2008, la part de la richesse nationale allouée à ces dépenses a progressé de 3,1 point, dans un contexte de très faible croissance.

Figure n° 4 : Dépenses, recettes et solde des ASSO depuis 2008

(en milliards d'euros)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Dépenses

476,2

497,1

515,6

532,4

550,2

562,3

575,3

579,9

582,6

Recettes

490,3

482,6

492,3

519,5

537,5

553,2

567,5

573,7

583,8

Solde

14

-14,6

-23,2

-12,9

-12,7

-9,1

-7,8

-6,2

1,3

en % PIB

0,7 %

-0,75 %

-1,16 %

-0,62 %

-0,61%

-0,43%

-0,4%

-0,3%

0,1%

Source : Insee et projet de loi

C. UNE RÉDUCTION LIMITÉE DES DÉFICITS AU REGARD DES EFFORTS CONSENTIS EN RECETTES

Comparé à l'augmentation continue de la période précédente (+ 3,4 points entre 2010 et 2013), l'accroissement de la part des prélèvements obligatoires dans le PIB a été limité en 2014 (+ 0,2 point de PIB), mais il était entièrement imputable aux administrations de sécurité sociale.

Votre rapporteur général rappelle qu'entre 2011 et 2014, la part de PIB des prélèvements obligatoires affectés aux ASSO est passée de 23,2 à 24,4 % du PIB, sans apporter pour autant une contribution décisive à la réduction des déficits.

Figure n° 5 : Comparaison des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires à la réduction des déficits sociaux entre 2012 et 2014

Source : Rapport économique social et financier annexé aux PLF pour 2015 et 2016

Après s'être fortement dégradé, le solde ne s'est ainsi amélioré que de manière limitée sur la période 2011-2015.

Figure n° 6 : Solde des administrations de sécurité sociale depuis 2008

Source : Insee et projet de loi pour les années 2015 et 2016

II. RÉDUCTION DES PRÉLÈVEMENTS, MAÎTRISE DES DÉPENSES ET ÉQUILIBRE DES COMPTES PUBLICS : L'ÉQUATION DIFFICILE DU PROGRAMME DE STABILITÉ ET DU PACTE DE RESPONSABILITÉ

L'année 2015 marque une rupture avec la période précédente en matière de comptes sociaux.

La synthèse du compte des administrations de sécurité sociale, rappelée dans le tableau ci-après, illustre bien cette rupture marquée par un ralentissement des dépenses et des recettes et une maîtrise de l'évolution des prestations. Les cotisations resteraient relativement dynamiques en 2016 en raison des augmentations de cotisations de retraite et d'une hypothèse de progression de la masse salariale plus élevée.

Figure n° 7 : Synthèse du compte des administrations de sécurité sociale (ASSO)

2014

2015

2016

Évolution des dépenses

2,30%

0,80%

0,50%

Évolution des prestations

2,30%

1,90%

0,30%

Évolution des recettes

2,36%

1,10%

1,80%

Évolution des cotisations sociales

2,60%

1,10%

2%

Source : RESF

A. UNE FAIBLE PROGRESSION DES RECETTES, UN RETOUR AU NIVEAU DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES DE 2013

1. Un ralentissement des recettes

En 2015, l'augmentation des recettes est ralentie (+ 1,1 % contre + 2,6 % en 2014) par les effets du pacte de responsabilité, 6,3 milliards sur le champ des administrations de sécurité sociale, compensés majoritairement par la réduction du périmètre des dépenses et le transfert à l'État du financement des APL.

Pour 2016, les recettes ne progresseraient que faiblement (+ 1,8 %) en raison de la deuxième étape du pacte de responsabilité (4,1 milliards d'euros), compensé par un nouveau transfert de charges à l'État.

2. 24 % du PIB en prélèvements obligatoires au profit des ASSO

Le taux de prélèvements obligatoires des administrations de sécurité sociale diminuerait de 0,2 point en 2015 à 24,2 % du PIB. En 2016, une baisse de même ampleur est attendue, ce qui ramènerait le taux de prélèvements obligatoires affectés aux ASSO à 24 % du PIB, soit son niveau de 2013.

Figure n° 8 : Évolution des prélèvements obligatoires depuis 2008.

PO

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

ASSO (en % du PIB)

22,1

22,8

22,5

23,2

23,6

24

24,4

24,2

24

ASSO (en Mds€)

441,6

442,4

450,1

476,7

493,1

507,9

521,3

527,1

535,6

APU (en % du PIB)

41,9

41

41,3

42,6

43,8

44,7

44,9

44,6

44,5

APU (en Mds €)

836,5

795,8

825,1

876,7

914,7

946,7

957,7

970,5

992,7

Source : RESF

3. Un effet sur le coût du travail

Les effets du pacte de responsabilité ne se sont pas fait sentir en termes d'emploi en 2015.

En revanche, les marges des entreprises, très dégradées en 2014, ont progressé de près de 2 points depuis leur point bas mi-2014, soit les deux tiers de la baisse observée depuis la crise, sans que les effets du pacte de responsabilité puissent être isolés de ceux d'autres mesures comme le CICE ou de facteurs exogènes, comme la baisse du coût de l'énergie.

En 2014, malgré le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) le taux de marge des sociétés non financières (SNF) s'était inscrit en baisse, pénalisé par la stagnation de la productivité et le dynamisme des salaires réels en raison notamment d`une inflation plus faible qu'attendu.

En 2015, le taux de marge se redressait fortement, augmentant de 1,2 point, puis de 0,4 point pour atteindre 31,0 % en 2016. Cette amélioration viendrait tout d'abord du soutien apporté par la montée en charge du CICE et l'entrée en vigueur des mesures d'allègement du cout du travail, inscrites dans le Pacte de responsabilité. En 2015, les entreprises bénéficieraient également de la baisse du prix du pétrole. En revanche, les salaires réels resteraient dynamiques, du fait d'une nouvelle surprise à la baisse sur l'inflation, et compenseraient les gains générés par l'accélération de la productivité.

Figure n° 9 : Mesures en faveur des entreprises

(en milliards d'euros)

2014

2015

2016

2017

CICE

-10

-17,5

-18,5

-19,5

Pacte de responsabilité

-6,5

-13,5

-20,5

Allègements généraux

-5,5

-9

-10

Abattements C3S

-1

-2

-5,5

Mesures IS (fin de la contribution exceptionnelle et baisse)

-2,5

-4,5

Plans d'investissement et mesures TPE-PME

-0,5

-1

-1

Total

-10

-24

-33

-41

Source : RESF

Dans le secteur manufacturier, où ils étaient proches, les salaires sont désormais moins élevés en France qu'en Allemagne (au 1 er trimestre 2015, le coût horaire s'élevait à 37,4 euros en France contre 38,9 euros en Allemagne).

Le CICE a permis une réduction du coût du travail de plus de 17 milliards d'euros pour les entreprises au titre des salaires versés en 2014. Au total, ce sont 24 milliards d'euros d'allégements dont les entreprises ont bénéficié en 2015 par rapport à 2013.

À titre de comparaison, sur le même période, les ménages du bas de barème de l'impôt sur le revenu auront bénéficié de 5 milliards d'euros de baisses d'impôt.

B. EN DÉPENSES : UN PROGRAMME D'ÉCONOMIES PERTURBÉ PAR UNE FAIBLE INFLATION

1. Le programme de 50 milliards d'économies

Le programme de stabilité pour 2014 a défini un objectif d'économies de 50 milliards d'euros pour la période 2015-2017 par rapport à la croissance tendancielle des dépenses, dont 21 milliards d'euros devaient être réalisés sur le champ des ASSO.

Ces 21 milliards se répartissaient entre 10 milliards d'euros dans le champ de l'assurance-maladie et 11 milliards d'euros sur d'autres dépenses, soit 7 milliards d'euros d'économies chaque année. Cet objectif suppose de contenir, sur la période, le dynamisme des dépenses de sécurité sociale dans un contexte de vieillissement de la population et de besoin accru de dépenses de santé, à + 1,3%, ce qui paraît ambitieux au regard de la tendance observée sur la période 2007-2012 (+ 3,5%/an).

Figure n° 10 : Les économies prévues par le programme de stabilité 2014 dans le champ des ASSO

(en milliards d'euros)

Assurance-maladie

10

Réformes déjà mises en oeuvre dans le champ social

2,9

Non-revalorisation de certaines prestations

2

Nouvelle réforme des retraites complémentaires

2

Réforme de l'indemnisation du chômage

2

Nouvelle réforme de la politique familiale

0,8

Amélioration de la gestion des organismes de protection sociale

1,2

Total

21

Source : programme de stabilité 2014

L'étape de 2015 était particulièrement exigeante, avec un objectif de 9,6 milliards d'économies qui se répartissaient de la façon suivante :

- 3,2 milliards d'euros au titre de l'assurance maladie et 700 millions d'euros au titre des mesures « famille », au sein du périmètre du PLFSS ;

- 500 millions d'euros d'amélioration de la gestion des caisses ;

- 4 milliards d'euros au titre de « mesures déjà prises », contre 2,9 milliards initialement prévus sur l'ensemble de la période ;

- 1,2 milliard d'euros relevant des retraites complémentaires et de l'assurance-chômage.

Les mesures déjà prises se décomposaient de la façon suivante :

Figure n° 11 : Chiffrage gouvernemental des économies en 2015 au titre de mesures déjà prises

(en milliards d'euros)

Convention Unédic

1

Réforme des retraites

1,5

Retraites complémentaires

0,9

Réformes famille (dont Fnas)

0,6

Total

4

Sur le plan d'économies de 50 milliards d'euros, 6 milliards ont été « perdus » du fait de la faible inflation.

Afin de compenser l'effet d'une moindre inflation, cet effort a été complété, à l'occasion du programme de stabilité d'avril 2015, avec 4 milliards d'euros de mesures complémentaires, portant pour l'essentiel sur la dépense. Au total, ces mesures permettraient d'atteindre, en 2015, un solde des administrations publiques de - 3,8 % du PIB, contre un objectif de - 4,1 % retenu dans la LPFP.

En 2015, les ASSO doivent effectuer 1 milliard d'euros d'économie en « rattrapage », dont 0,4 milliard d'euros de correction de l'Ondam, par rapport à l'objectif voté en LFSS 2015, mais voient leur objectif global d'économies légèrement corrigé à la baisse.

Figure n° 12 : Plan de 50 milliards d'euros d'économies 2015-2017

(en milliards d'euros)

2015

2016

2017

Total

Ondam

3,2

3,4

3,4

10

Autres

3,2

3,2

3,1

10,3

Économies ASSO

6,4

7,4

6,5

20,3

Source : RESF

En 2015, un ralentissement de la progression des dépenses (+ 1,6 % contre + 2,3 % en 2014) serait effectivement constaté tenant, en particulier, aux mesures adoptées dans la loi de financement pour 2015 sur la branche famille, à la faiblesse de l'inflation et aux mesures d'économie intervenues dans le champ de l'assurance maladie. En 2015, les administrations de sécurité sociale contribueraient à hauteur de 0,8 point à la croissance de la dépense publique.

Cette contribution intègre notamment l'effet des réformes des retraites de 2014, la mesure de stabilisation des pensions, la réforme des prestations familiales et une progression de l'Ondam contenue à 2 %, tandis que les dépenses d'assurance chômage resteraient dynamiques.

En 2016, la deuxième étape du plan d'économies de 50 milliards d'euros sur le tendanciel d'évolution des dépenses publiques devrait se traduire par 7,4 milliards d'économies sur le champ des administrations de sécurité sociale.

Lors de son intervention dans la discussion générale à l'Assemblée nationale, le ministre Christian Eckert les a détaillés comme suit :

- 3,4 milliards d'euros dans le champ de l'Ondam (contre 3,2 milliards d'euros en 2015) ;

- 1 milliard d'euros au titre de l'impact de mesures déjà décidées (modulation des allocations familiales, mesures de la dernière loi retraite et, en particulier, cumul emploi-retraites, décalage de la revalorisation des prestations) ;

- 3 milliards d'euros au titre d'autres mesures dont :

- 500 millions d'euros d'économies sur les coûts de gestion des organismes de sécurité sociale ;

- 500 millions d'euros sur le mode de revalorisation des prestations ;

- 300 millions d'euros au titre de la lutte contre la fraude et du ralentissement des dépenses d'action sanitaire et sociale ;

- 1 milliard d'euros au titre des régimes de retraite complémentaires ;

- 800 millions d'euros au titre du régime d'assurance-chômage.

2. 0,5 % d'augmentation des dépenses en 2016

La dépense des administrations de sécurité sociale progresserait de 0,5 % en 2016 (1,3 % à périmètre constant) sous l'effet du nouveau mode de revalorisation des prestations, des économies attendues dans le champ de l'Ondam et de l'impact de l'accord sur les régimes de retraite complémentaire, que le Gouvernement évalue à 1 milliard d'euros en 2016.

La progression de l'Ondam sera limitée à 1,75 %, soit une économie supplémentaire de 0,5 milliard par rapport à la programmation. D'autres économies permettront de dégager 1,7 milliard d'euros. Les prestations sociales ralentiraient notamment sous l'effet de la montée en charge de la réforme du cumul emploi retraite (0,25 milliard d'euros), de la montée en charge, plus progressive que prévue, de la loi d'adaptation de la société au vieillissement (0,1 milliard d'euros) et d'économies sur l'action sociale et sur les dépenses de gestion des organismes de protection sociale (0,2 milliard d'euros).

Des économies complémentaires seront permises par un meilleur contrôle des ressources des bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) et de l'aide à la complémentaire santé (0,1 milliard d'euros). L'atteinte de l'objectif d'économie de 2 milliards d'euros sur le régime d'assurance chômage (y compris effets de la convention de 2014) nécessitera de dégager 500 milliards d'euros d'économie.

Le ratio de dépense publique, hors crédits d'impôt, serait en baisse en 2015 et 2016, à 55,8 % puis 55,1 % du PIB après 56,4 % en 2014. Ce rythme de baisse est conforme à ce qui était prévu au moment de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2014-2019. En effet, le rythme de croissance de la dépense a été abaissé via des mesures d'économies complémentaires afin de compenser les effets négatifs sur la trajectoire de finances publiques d'une inflation moindre qu'anticipé.

En 2016, le taux de croissance de la dépense publique (hors crédits d'impôt) s'élèverait à 1,3 %. L'effort en dépense de 0,5/0,6 point de PIB serait partiellement réduit par les mesures nouvelles en prélèvements obligatoires en lien avec le CICE et le Pacte de responsabilité (- 0,1 point de PIB). Au total, l'ajustement structurel atteindrait 0,5 point de PIB.

En 2016, la contribution des dépenses sociales à la progression de la dépense publique ne serait plus que de 0,5 point , à périmètre constant (hors effet de la budgétisation des allocations de logement à caractère familial). Au-delà des économies mises en oeuvre en 2016 sur le champ des dépenses de santé comme des autres dépenses de protection sociale, l'amélioration progressive du marché de l'emploi entraînerait une amélioration sur le front des dépenses de chômage.

Figure n° 13 : Contribution des sous-secteurs à la croissance de la dépense publique en valeur (en points de contribution)

2015

2016

APU (hors crédits d'impôt)

1

1,3

État (hors crédits d'impôt)

0,2

0,5

ODAC

0,1

0

APUL

-0,1

0,2

ASSO

0,8

0,5

Source : RESF

La contribution de l'Etat porte notamment la marque des transferts de charges issus du pacte de responsabilité et de la budgétisation de la nouvelle prime d'activité.

C. SOLDES ET ENDETTEMENT

1. Un déficit de 6,2 milliards d'euros en 2015

Dans son avis du 25 septembre 2015, le Haut Conseil des finances publiques considère que la prévision de croissance du Gouvernement de 1 % « devrait se réaliser », que l'hypothèse d'une hausse des prix de 0,1 % en moyenne annuelle est « réaliste » et que la prévision de masse salariale, de 1,7 % « a été révisée à juste titre ».

En 2015, le solde des administrations de sécurité sociale s'établirait à - 6,2 milliards d'euros, soit - 0,3% du PIB, après - 7,8 milliards d'euros en 2014. Le déficit se réduirait de 1,6 milliards d'euros et 0,1 point de PIB.

2. Un retour à l'équilibre attendu en 2016

En 2016, la conjoncture continue de peser sur l'effort de redressement des comptes publics. Dans son avis du 25 septembre 2015, le Haut conseil des finances publiques considère que l'hypothèse d'une croissance de 1,5 % en 2016 ne peut plus être qualifiée de « prudente » mais qu'elle demeure « atteignable ». Il estime que la hausse des prix pourrait être « inférieure à l'hypothèse de 1% » et que la progression de la masse salariale de 2,8 % « pourrait être moindre ». En dépenses, comme en recettes, une conjoncture plus dégradée aurait à l'évidence un impact négatif sur les comptes sociaux.

Votre rapporteur général s'interroge plus particulièrement sur l'évolution de la masse salariale qui semble relativement déconnectée de la croissance et du niveau du chômage et qui reste, en dépit d'un contexte défavorable, relativement dynamique : elle était ainsi de 0,9 % au premier trimestre de l'année 2015, avant de se replier ensuite, sans explication apparente. C'est pourquoi l'hypothèse de 2,8 % en 2016 lui paraît difficile à évaluer de même que les relations entre cette évolution de la masse salariale et le niveau de l'emploi, dans un contexte de dualité du marché du travail. Il lui semblerait intéressant de tenter d'évaluer l'impact sur l'évolution de la masse salariale des mesures prises en faveur de la compétitivité des entreprises qui n'avaient, a priori, pas cet objectif d'augmentation des salaires, alors que ces mesures vont s'étendre jusqu'à des niveaux de salaires plus élevés.

En 2016, les comptes des administrations de sécurité sociale renoueraient avec l'équilibre pour la première fois depuis 2008 avec un solde positif de 1,3 milliard d'euros, soit une très forte amélioration du solde, de 7,5 milliards d'euros par rapport à 2015.

Ce résultat ne sera toutefois atteint qu'à la condition de réunir plusieurs conditions favorables parmi lesquelles ramener, dès 2016, le déficit de l'assurance chômage à - 2,2 milliards d'euros, soit une réduction de 1,4 milliard d'euros par rapport aux prévisions actuelles de l'Unédic. On peut par ailleurs souligner qu'un tel solde comporte le résultat de la Cades, en dehors duquel le besoin de financement resterait supérieur à 14 milliards d'euros.

Figure n° 14 : Solde, recettes et dépenses des ASSO en 2015 et 2016

(en milliards d'euros)

2015

2016

évolution

ASSO

-6,2

1,3

-121,0%

Recettes

573,7

583,8

1,8%

Dépenses

579,9

582,6

0,5%

Unédic

-4,2

-2,2

-47,6%

Recettes

34,9

35,9

2,9%

Dépenses

39,1

38

-2,8%

Régimes complémentaires

-2

-1,7

-15,0%

Recettes

80,7

82,9

2,7%

Dépenses

82,7

84,6

2,3%

Cades

12,9

13,4

3,9%

Recettes

16,6

16,9

1,8%

Dépenses

3,7

3,5

-5,4%

Organismes divers de sécurité sociale

-1,7

-1,5

-11,8%

Recettes

89,9

91,4

1,7%

Dépenses

91,6

93

1,5%

Source : RESF

3. Une dette sociale de plus de 217 milliards d'euros

La dette des administrations de sécurité sociale serait portée à 220,1 milliards d'euros en 2015 contre 216,8 en 2014. La dette portée par la Cades reculerait de 2,9 milliards d'euros tandis que celle de l'Unédic augmente de 4,2 milliards d'euros.

En 2016, la dette des ASSO diminuerait pour s'établir à 217,7 milliards d'euros.

D. LES PERSPECTIVES PLURIANNUELLES

1. Les hypothèses macro-économiques

Par rapport aux hypothèses retenues en construction de la loi de programmation des finances publiques, révisées à la baisse, l'hypothèse de croissance de la masse salariale du secteur privé, qui était de 3,5 % en 2016 et de 4,2 % les années suivantes, a été revue avec une prévision de croissance plus progressive et moins forte en fin de période.

Figure n° 15 : Principaux indicateurs économiques 2014-2019

Croissance en %

2014

2015

2016

2017

2018

2019

PIB (volume)

0,2

1

1,5

1,5

1 ¾

1,9

Déflateur du PIB

0,6

1

1

1,3

1,7

1,7

IPC (hors tabac)

0,4

0,1

1

1,4

1 ¾

1 ¾

Masse salariale du secteur privé

1,4

1,7

2,8

3,1

3,7

3,8

Source : RESF 2016

2. Les écarts à la loi de programmation

Par rapport aux prévisions de la loi de programmation des finances publiques 2014-2019, le solde a été plus dégradé de 0,1 point de PIB en 2014, serait conforme aux prévisions en 2015 et amélioré de 0,1 point de PIB en 2016 et 2017.

Figure n° 16 : Prévisions de solde des ASSO (en points de PIB)°

Source :

Le niveau de la croissance potentielle ayant été révisé à l'occasion du dernier programme de stabilité, il est difficile de se référer à la loi de programmation pour le solde et l'effort structurel.

Celle-ci prévoyait qu'en 2015, l'effort en dépenses serait équivalent à l'effort en recettes avec un effort structurel nul en 2015 et de -0,1 en 2016.

Figure n° 17 : Solde public par sous-secteur : capacité (+) ou besoin (-) de financement, en % du PIB

2014

2015

2016

État

-3,5

-3,4

-3,3

Organismes divers d'administration centrale

0,1

0

0

Administrations publiques locales

-0,2

0

0

Administrations de sécurité sociale

-0,4

-0,3

0,1

Solde public

-3,9

-3,8

-3,3

Variation du solde structurel (en % du PIB potentiel)

0,6

0,4

0,5

dont effort structurel

0,5

0,6

0,5

dont effort structurel ASSO

0

0

0,2

mesures nouvelles en prélèvements obligatoires

0,2

-0,1

-0,1

effort en dépenses

0,4

0,7

0,5

Source : RESF 2016

E. LES RÉGIMES À GESTION PARITAIRE

1. La situation de l'assurance chômage avant la négociation de 2016

Pour ses prévisions, le régime d'assurance chômage se fonde sur le consensus des économistes.

Le consensus des économistes de septembre a légèrement revu ses prévisions de croissance pour 2015 à 1,2 % et à 1,5 % pour 2016. L'inflation serait de 0,2 % en 2015 et de 1,1 % en 2016.

Sur l'année 2015, la progression du salaire moyen par tête serait de 1,5 % ; elle s'établirait à 1,4 % en 2016. Avec la reprise de créations d'emplois, la progression de la masse salariale serait de 1,7 % en moyenne annuelle en 2015 ; elle serait de 2,2 % en 2016.

L'évolution des contributions d'assurance chômage serait de 1,2 % en 2015 sous l'effet net négatif de l'augmentation des contributions (suppression de la limite d'âge de 65 ans) et de paiements par anticipation en 2014. Ce dernier élément contribuerait en revanche à la hausse de 2,3 % des contributions, prévue pour l'année 2016.

A la fin de l'année 2015, avec 62 000 demandeurs d'emploi supplémentaires en catégorie A, le taux de chômage s'élèverait à 10 %. En 2016, leur nombre diminuerait de 51 000, le taux de chômage s'établissant à 9,7 % en fin d'année.

Sous l'effet des différentes réformes issues de la convention de mai 2014, les dépenses d'allocation ARE progresseraient de 2,2 % en 2015 et de 0 ,9 % en 2016. L'impact net des mesures nouvelles intervenues sur la période récente est de 800 millions d'euros en 2015 et en 2016.

Figure n° 18 : Impact financier estimé de la convention assurance chômage

en millions d'euros

2014

2015

2016

2017

2018

Impact cumulé 2014-2018

en recettes

90

190

190

190

190

850

en dépenses

-210

-640

-580

-420

-260

- 2 110

solde

300

830

770

610

450

2 960

Source : Unédic note d'impact de la convention de mai 2014

A la fin de l'année 2016, sous l'effet de la progression des contributions et du ralentissement des dépenses, la variation de trésorerie, s'établissant à - 4,4 milliards d'euros, se réduirait de près de 850 millions d'euros par rapport à 2015 mais porterait néanmoins la dette de l'assurance chômage à 29,4 milliards d'euros.

Figure n° 19 : Situation financière de l'Assurance chômage

(en millions d'euros au 31 décembre)

2014

2015 (p)

2016 (p)

2017 (projection)

2018 (projection)

Contributions et autres recettes

33 774
(+1,7 %)

33 924
(+0,4 %)

34 664
(+2,2 %)

35 533
(+2,5 %)

36 475
(+2,6 %)

Total des recettes

33 936

33 945

34 674

35 533

36 475

Dépenses allocataires

34 086 (+1,2 %)

34 478
(-0,4 %)

34 603
(+0,4 %)

34 991
(+1,1 %)

Total des dépenses

37 746

38 555

38 350

38 546

39 107

Solde

-3 810

-4 610

-3 676

-3 013

-2 632

Éléments exceptionnels

71

24

180

0

0

Variation de trésorerie

-3 739

-4 586

-3 496

-3 013

-2 632

Endettement net bancaire

-21 327

-25 913

-29 409

-32 422

-35 054

Source : Unédic pour les années 2014 à 2016 : situation financière de l'assurance chômage (20 octobre 2015), pour les années 2017 et 2018 : perspectives financières de l'assurance-chômage (juin 2015)

L'article 29 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 prévoit que « l'Unédic transmet au Parlement et Gouvernement, au plus tard le 30 juin, ses perspectives financières triennales ». Le même article prévoit que le Gouvernement transmet ses observations avant la fin de l'année.

Ces travaux rappellent le fait que l'effet de la conjoncture sur l'assurance chômage est quatre fois plus fort que sur les organismes de sécurité sociale (un point en recettes : lorsque l'emploi diminue de 1 % les recettes diminuent d'autant, et trois points en dépenses : 160 000 emplois de moins représentent 80 000 chômeurs indemnisés de plus, soit 3 % de dépenses supplémentaires) mais aussi le fait qu'il existe un déficit structurel du régime de l'assurance chômage dont l'ampleur, bien que difficile à évaluer, est estimée à 1 milliard d'euros.

Les projections réalisées font apparaitre une dette de 35 milliards d'euros à l'horizon 2018, soit l'équivalent de 11,5 mois de contributions. Elles mettent en évidence un possible doublement du coût de la dette en trois ans, de 400 millions d'euros en 2015 à plus de 800 millions d'euros en 2018 d'après les projections de taux associées au programme de stabilité 2015-2018. Dans cette hypothèse, le coût de la dette serait de même ampleur que les recettes nouvelles apportées par la convention de 2014.

La convention d'assurance chômage du 14 mai 2014 arrive à échéance le 30 juin 2016. A la différence des années précédentes, le Gouvernement a fixé des objectifs financiers très clairs, 800 millions d'euros d'économies nouvelles dès 2016, à la négociation qui devra s'ouvrir au premier trimestre de l'année 2016.

Il appartiendra au rapport que le Gouvernement doit transmettre au Parlement avant la fin de l'année, de tracer les perspectives pour parvenir à ce volume d'économies, la décision appartenant, in fine , aux partenaires sociaux.

2. La situation des régimes de retraites complémentaires des salariés du secteur privé après la négociation de 2015

En 2014, sur les deux régimes de retraite complémentaires, 69,6 milliards d'euros de charges et 60,2 milliards d'euros de produits aboutissaient à un résultat technique avant transfert de - 9,69 milliards d'euros. Les deux régimes bénéficient d'une contribution de l'AGFF et l'Agirc a reçu un transfert de l'Arcco de 1,2 milliards d'euros, ce qui aboutit à un résultat technique global négatif, après transfert, de 5,6 milliards d'euros.

A la différence du régime d'assurance chômage, les régimes de retraite complémentaires des salariés du secteur privé ne peuvent avoir recours à l'endettement. Depuis 2009, les résultats techniques négatifs des régimes sont équilibrés par le recours aux réserves constituées pour faire face au déséquilibre démographique annoncé.

Dans ce contexte, les régimes étaient confrontés à la perspective de court terme d'épuisement des réserves qui représentaient, à fin 2013, 90 % des allocations : 2018 pour l'Agirc, 2026 pour l'Arcco, 2023 pour les deux régimes.

En l'absence de mesures, les régimes s'exposaient à la nécessité de baisser les pensions servies par l'Agirc de 10 % en 2018 et celles servies par l'Arrco en 2027.

Figure n° 20 : Projections financières Agirc+Arcco

(en millions d'euros 2013)

Année

Résultat technique après transfert

Réserves

2013

- 4 442

64 401

2014

- 5 781

58 507

2015

- 5 771

62 310

2016

- 6 402

56 008

2017

- 6 741

49 332

2018

- 7 517

41 765

2019

- 7 873

33 776

2020

- 8 354

25 199

2025

- 10 288

- 24 631

2030

- 12 728

- 89 079

2035

- 15 320

-  70 387

2040

- 14 095

- 257 241

Source : Agirc-Arcco avril 2015

A l'issue de négociations ouvertes en février 2015, les partenaires sociaux sont parvenus, le 30 octobre 2015, à un accord soumis à signature.

Celui-ci constitue un panier de mesures jouant, entre 2016 et 2019, sur les différents paramètres disponibles : niveau des pensions, taux de remplacement, âge de départ et niveau des cotisations. Mesure plus systémique, il prévoit également la fusion des deux régimes en un régime unifié à l'horizon 2019.

Cet accord permettrait de réaliser 6,1 milliards d'euros d'économie à l'horizon 2020, ce qui ramènerait le déficit technique à cet horizon à 2,3 milliards d'euros.

Figure n° 21 : Impact des mesures Agirc-Arcco à l'horizon 2020

Mesures applicables en 2016

Effets

2017

2020

2030

Sous-indexation

1,3

2,1

2,6

Décalage de la revalorisation

0,3

1,3

1,5

Baisse du rendement du point

-

0,1

1,1

Economies de gestion

-

0,2

0,2

Cotisation AGFF en tranche C

0,1

0,1

0,1

Mesures applicables en 2019

Coefficient de solidarité

-

0,5

0,8

Bonus

Augmentation du taux d'appel

0,8

1,2

Répartition des charges en tranche B

0,6

0,6

Fusion des tranches B, 2 et C

-

0,3

0,3

Redressements URSSA

-

0,1

0,2

Total

5

4,1

Source :

Comme pour le régime de base, il laisse entière la question de la « bosse démographique » que devront passer les régimes de retraite jusqu'en 2035.

III. LE PROJET DE LOI DE FINANCEMENT POUR 2016 : LA DEUXIÈME ÉTAPE DU PACTE DE RESPONSABILITÉ

A. EN RECETTES, UN PROJET DE LOI MARQUÉ PAR LES EFFETS DU PACTE DE RESPONSABILITÉ ET LA RÉAFFECTATION DU PRODUIT DES PRÉLÈVEMENTS SOCIAUX SUR LES REVENUS DU CAPITAL

1. Les mesures du pacte de responsabilité

Le projet de loi de financement pour 2015 ne comportait pas de mesures de recettes nouvelles significatives. En 2015, hors transferts liés au pacte de responsabilité, les recettes nouvelles provenaient essentiellement des hausses de cotisations retraites (plafonnée et déplafonnée) décidées antérieurement pour un montant de 1,3 milliards d'euros.

Figure n° 22 : Mesures nouvelles en recettes 2015

Source : réponse au questionnaire du rapporteur.

En recettes, l'année 2015 a été marquée par la première étape du pacte de responsabilité qui s'est traduit par 6,34 milliards de réduction  des prélèvements sur les entreprises : approfondissement des allègements généraux pour un montant de 760 millions d'euros, réduction de la cotisation famille de 1,8 point pour les salaires jusqu'à 1,6 Smic, pour un montant de 3,58 milliards d'euros et pour un montant de 1 milliard d'euros pour les travailleurs indépendants et abattement d'assiette de la contribution sociale de solidarité des sociétés à hauteur de 1 milliard d'euros.

L'année 2016 poursuit ce mouvement avec la deuxième étape du pacte de responsabilité pour un montant de 4 milliards d'euros, le Gouvernement ayant intégré dans l'assiette initialement prévue, de 5,3 milliards d'euros , des mesures prises en faveur des entreprises dans d'autres textes, en particulier dans la loi croissance et activité et sur d'autres périmètres que celui du PLFSS.

Il faut souligner que, lorsque ces mesures ont été prises, le Gouvernement n'a pas d'emblée fait l'annonce qu'elles seraient financées dans l'enveloppe prévue pour le pacte de responsabilité et il a ainsi donné à penser qu'elles pourraient être additionnelles. Trois mois avant l'entrée en vigueur attendue de la baisse du taux de cotisation famille, en annoncer le report d'un trimestre porte à l'évidence atteinte à la prévisibilité et à la stabilité nécessaires au développement des entreprises, mais aussi à la confiance dans les engagements du Gouvernement.

Votre rapporteur général s'interroge pour autant sur le financement à mobiliser pour conserver l'échéance du premier janvier, qui supposerait d'alourdir les prélèvements, de supprimer d'autres dépenses ou de creuser davantage le déficit.

Décalé d'un trimestre pour la mesure sur les cotisations famille, le pacte de responsabilité est compensé comme suit :

Figure n° 23 : Les mesures d'allégements de charges sur les entreprises en 2016 et leur compensation.

(en milliards d'euros)

Moindre recette

Moindre dépense ou affectation de recettes

Compensation du pacte de responsabilité

Baisse du rendement du prélèvement à la source des cotisations des caisses

-1,02

Total à compenser pour la phase I du pacte

-1,02

Réduction de la cotisation famille pour les salaires jusqu'à 3,5 Smic

-3,08

Hausse de l'abattement d'assiette sur la C3S

-1

Total à compenser pour la phase II du pacte

-4,08

Régime social des cotisations applicables aux attributions gratuites d'actions

-0,13

Règles d'assujettissement au forfait social

-0,07

Total à compenser pour la loi "croissance et activité"

-0,19

Total à compenser

-5,28

Transfert au budget de l'État des dépenses d'ALF

4,69

Transfert au budget de l'État des dépenses d'aide juridique aux majeurs

0,38

Total compensation du pacte

5,07

Autres mesures du PLF
(minimum vieillesse versé aux anciens travailleurs migrants)

0,07

Ajustement de la fraction de TVA affectée à la sécurité sociale

0,15

Total des transferts

5,29

Source : PLFSS

Les mesures du pacte n'ont pas d'effet sur la part des cotisations dans le financement global de la sécurité sociale, où elles représenteront toujours 55 % en 2016.

Figure n° 24 : Impact sur la structure des recettes de la sécurité sociale 2014 ROBSS + FSV

2014 2015 2016


Source
: PLFSS

Elles n'ont également qu'un impact limité sur la structure de financement des différentes branches. La branche famille reste financée majoritairement par des cotisations et les mesures de compensation seront traduites par des mesures de périmètre et l'affectation de charges à l'Etat.

Figure n° 25 : Impact sur le financement des différentes branches

Source PLFSS

2. La réaffectation des prélèvements sociaux sur les revenus du capital

Outre la compensation du pacte de responsabilité, qui se traduit par les mouvements de recettes usuels entre les différentes branches, le projet de loi de financement procède à la réaffectation du produit des prélèvements sociaux sur les revenus du capital pour tenir compte de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE 26 février 2015, de Ruyter), confirmée par le Conseil d'État.

Dans sa décision, la Cour de justice considère que « des prélèvements sur les revenus du patrimoine, tels que ceux en cause au principal, présentent, lorsqu'ils participent au financement des régimes obligatoires de sécurité sociale, un lien direct et pertinent avec certaines des branches de sécurité sociale énumérées à l'article 4 1 ( * ) de ce règlement n° 1408/71, et relèvent donc du champ d'application dudit règlement, alors même que ces prélèvements sont assis sur les revenus du patrimoine des personnes assujetties, indépendamment de l'exercice par ces dernières de toute activité professionnelle ».

Le projet de loi modifie l'affectation des prélèvements sociaux sur les revenus du capital en les répartissant entre le FSV, principal affectataire, la Cades et la Cnsa, ce qui supprimerait le lien « direct et pertinent avec certaines branches de sécurité sociale » et a pour effet de modifier la structure et le mode de financement du fonds de solidarité vieillesse ainsi que la répartition des recettes entre les différentes branches.

Figure n° 26 : Affectation des prélèvements sociaux sur les revenus du capital

Prélèvement

Affectataire

2015

PLFSS 2016

CSG

CNAM

5,90%

_

CNAF

0,87%

_

Cades

0,48%

0,60%

FSV

0,85%

7,60%

CNSA

0,10%

_

Prélèvement social

CNAM

2,05%

_

CNSA

_

1,15%

CNAV

1,15%

_

FSV

_

3,35%

Cades

1,30%

_

Prélèvement de solidarité

CNAM

2,00%

_

FSV

_

2,00%

Prélèvement additionnel

CNSA

0,30%

0,30%

CRDS

Cades

0,50%

0,50%

Total

15,50%

15,50%

Source : Commission des affaires sociales d'après PLFSS

Il semble à votre commission que cette solution n'est pas de nature à tarir définitivement les sources de contentieux et que l'issue de tels contentieux, par nature incertaine, lui paraît fragilisée par plusieurs éléments.

En premier lieu, l'arrêt de la CJUE est très clair sur le fait que des prélèvements ne sauraient être supportés par des personnes affiliées à la sécurité sociale dans un autre État membre, si ils sont affectés « directement et spécifiquement au financement de certaines branches de sécurité sociale ou à l'apurement des déficits de ces dernières ». Or le projet de loi maintient l'affectation de prélèvements sociaux sur les revenus du capital à la Cades, contrevenant en cela directement à la jurisprudence.

En second lieu, une ambiguïté demeure quant la possibilité de distinguer, au regard du règlement communautaire de 1971, au sein des prélèvements sociaux, ceux qui sont destinés à financer une prestation non contributive. Le champ couvert par le règlement porte ainsi l'ensemble des risques et la définition des prestations concernées est très large.

Sauf à obtenir une modification du règlement de 1971 qui établisse clairement la distinction entre contributif et non-contributif, il semble que seule une affectation de ces produits à l'État, qui soulève par ailleurs des questions de principe, soit de nature à répondre totalement à la décision de la Cour de justice.

B. LA RECHERCHE D'ÉCONOMIES EN DÉPENSES

Le projet de loi de financement ne comporte en dépenses que des mesures nouvelles très limitées, en faveur des agriculteurs.

La partie dépenses est marquée par la recherche d'économies par rapport aux soldes tendanciels. On peut noter que, s'agissant du FSV, le tendanciel est égal au prévisionnel et que le fonds ne fait par conséquent l'objet d'aucune mesure qui soit susceptible d'améliorer son solde.

Figure n° 27 : Soldes tendanciels 2016

(en milliards d'euros)

2016

Maladie

-10,1

Vieillesse

0,4

Famille

-1,2

AT-MP

0,7

FSV

3,7

Total

- 13,8

Source : PLFSS

Par rapport au tendanciel, l'écart le plus important concerne la branche maladie, l'essentiel des économies se portant sur l'Ondam.

La construction de l'Ondam 2015 prévoyait la réalisation de 3,2 milliards d'économies.

Les dépenses constatées dans le champ de l'Ondam en 2015 s'établiraient à 181,9 milliards d'euros, soit une sous-exécution de 450 millions d'euros par rapport à l'objectif voté en loi de financement pour 2015 mais une exécution conforme à l'objectif rectifié, de 2,05 % à 2 %, par le programme de stabilité en avril 2015.

Ce résultat serait atteint par une légère sous-exécution des dépenses de ville et surtout par la mise en oeuvre d'un plan d'économies supplémentaires de 425 millions d'euros qui a pris la forme d'annulation de crédits des établissements de santé et des établissements médicaux sociaux, du fonds d'intervention régional et des opérateurs financés par l'assurance maladie.

Sans son avis du 6 octobre 2015, le comité d'alerte sur le respect de l'Ondam indiquait que, compte-tenu des annulations déjà réalisées, les mises en réserve de crédits restantes s'élevaient à 372 millions d'euros, un niveau jugé suffisant pour « faire face au risque de dépassement identifié à hauteur de 125 millions d'euros pour les établissements de santé en 2015 ».

Il souligne que « si l'annulation de crédits hospitaliers peut effectivement permettre le respect de l'Ondam, elle peut conduire, parallèlement, si elle ne s'accompagne pas de mesures structurelles de maîtrise de la dépense, à un accroissement du déficit des établissements, tout particulièrement si elle concerne le financement de projets déjà mis en oeuvre ».

La construction de l'Ondam 2016 repose sur l'hypothèse d'une croissance tendancielle des dépenses, inférieure à celle des années précédentes, 3,6 % contre 3,9 % en 2015. Le Gouvernement estime que les soins de ville devraient progresser de 4,4 % en tendance, après 5 % en 2015 et une dynamique des dépenses de médicaments, d'honoraires para-médicaux, de dispositifs médicaux et d'indemnités journalières.

Par rapport à ce tendanciel, un objectif de 3,4 milliards d'euros d'économies est fixé pour limiter la progression de l'Ondam à 1,75 %.

Sur ce montant, 270 millions d'euros résultent de la baisse du taux de cotisation maladie des praticiens et auxiliaires médicaux de 9,81 à 6,5 %. Comme le note le comité d'alerte « cette mesure, sans effet sur le solde de la Cnam, ne constitue pas une véritable mesure d'économie mais permet de réduire le taux facial d'évolution de l'Ondam ville de 0,3 point.

Le niveau des économies à réaliser s'établit donc à 3,1 milliards d'euros, un montant relativisé par le comité d'alerte qui « estime que le programme d'économies annoncé doit pouvoir être réalisé et ne formule pas de réserve sur l'objectif fixé ». Il recommande une mise en réserve de 0,3 %, soit 556 millions d'euros, tout en soulignant que la réduction de 136 millions d'euros de la dotation annuelle de financement des établissements de santé réduit potentiellement le montant des crédits susceptibles d'être mis en réserve.

C. UNE AMÉLIORATION ATTENDUE DES SOLDES

1. Les régimes obligatoires de base et le FSV

En 2016, le déficit de l'ensemble des régimes obligatoires de base et du FSV s'établirait à 9,2 milliards d'euros.

Après une amélioration de 400 millions d'euros entre 2014 et 2015, le solde s'améliorerait de 3,2 milliards d'euros entre 2015 et 2016.

Le solde des autres régimes obligatoires de base restant stable à + 400 millions d'euros et le solde du FSV se s'améliorant qu'à la marge, le solde des régimes obligatoires de base serait de - 5,6 milliards d'euros, le régime général portant l'intégralité de l'amélioration du solde en 2016.

Figure n° 28 : solde de l'ensemble des régimes obligatoires de base et du FSV de 2012 à 2016

(en milliards d'euros)

2012

2013

2014

2015

2016

Régime général

- 13,3

- 12,5

- 9,7

- 9,0

- 6,0

Autres régimes de base

- 1,8

- 0,6

+ 0,4

+ 0,4

+ 0,4

Ensemble des régimes de base

- 15,1

- 13,1

- 9,3

- 8,6

- 5,6

FSV

- 4,1

- 2,9

- 3,5

- 3,8

- 3,7

Ensemble des régimes et FSV

- 19,2

- 16,0

- 12,8

- 12,4

- 9,3

Les charges du régime général et du FSV seraient en croissance très modérée (+ 0,5 %), tandis les produits augmenteraient de 1,2 %. Les cotisations augmenteraient de façon plus dynamique que les produits (+ 1,8 %).

Figure n° 29 : Charges et produits des régimes obligatoires de base et du FSV

ROBSS+FSV (en milliards d'euros)

2014

2015

2016

2015/2016

Charges

472,7

476,4

478,7

0,48%

Prestations

450

458,2

460,6

0,52%

Transferts nets

8,7

4,1

4,2

2,44%

Charges financières

0,1

0,1

0,2

100,00%

Charges de gestion courante

13,1

13,2

13

-1,52%

Autres charges

0,7

0,7

0,7

0,00%

Produits

459,9

463,9

469,5

1,21%

Cotisations effectives

252,6

255,5

260,2

1,84%

Cotisations prises en charges par l'État

3,2

3,5

3,6

2,86%

Contribution de l'employeur

38,9

39,1

39,7

1,53%

Contributions impôts et taxes

150,3

150,6

151,3

0,46%

Transferts

9,9

10,2

9,8

-3,92%

Produits financiers

0,2

0,2

0,2

0,00%

Autres produits

4,9

4,9

4,7

-4,08%

Solde

-12,8

-12,4

-9,2

-25,81%

Source : Annexe 4 PLFSS 2016

2. Le régime général

Le déficit du régime général se résorberait d'un tiers en 2016 pour s'établir à 6 milliards d'euros.

Figure n° 30 : Soldes par branche du régime général 2012-2016

(en milliards d'euros)

2012

2013

2014

2015

2016

Maladie

- 5,9

- 6,8

- 6,5

- 7,5

- 6,2

Vieillesse

- 4,8

- 3,1

- 1,2

- 0,6

+ 0,5

Famille

- 2,5

- 3,2

- 2,7

- 1,6

- 0,8

AT-MP

- 0,2

+ 0,6

+ 0,7

+ 0,6

+ 0,5

Total

- 13,3

- 12,5

- 9,7

- 9,0

- 6,0

Source :

Les charges progresseraient faiblement (0,5 %) et les produits de façon modérée (1,4 %).

Figure n° 31 : Charges et produits du régime général

Régime général

2014

2015

2016

Évolution 2015/2016

Charges

343,7

348,3

350

0,5%

Prestations

315,2

312,9

323

3,2%

Transferts nets

17,1

14,9

15,7

4,7%

Charges financières

0

0

0,1

NS

Charges de gestion courante

10,9

11

10,8

-1,8%

Autres charges

0,5

0,5

0,5

0,0%

Produits

334,1

339,3

344

1,4%

Cotisations effectives

192,8

194,2

197,5

1,7%

Cotisations prises en charge par l'État

2,5

2,8

3

8,0%

Contribution de l'employeur

0

0

0

NS

Contributions impôts et taxes

111,6

115,1

115,1

0,0%

Transferts

22,8

22,7

24,2

6,6%

Produits financiers

0

0

0

NS

Autres produits

4,3

4,4

4,2

-4,7%

Solde

-9,7

-9

-6

-30,9%

Source : PLFSS

La hausse des transferts résulte de la mise en place de la protection universelle maladie. Cette mesure se traduit par la suppression de la compensation bilatérale maladie, la révision du mécanisme actuel de répartition de la CSG et l'équilibrage des régimes maladie par des dotations de la Cnam.

Les cotisations progresseraient de 1,7 % sous l'effet conjugué, de la baisse du taux de cotisation famille et à la hausse du dynamisme de la masse salariale et des cotisations de retraite.

La hausse des cotisations prise en charge par l'État résulte de la modification du mode de compensation des exonérations au titre des services à la personne, précédemment compensées par affectation d'une fraction de TVA et qui feront désormais l'objet d'une compensation budgétaire.

Le produit des contributions impôts et taxes serait stable : les pertes de recettes liées au pacte de responsabilité s'effectuant par une mesure de réduction du périmètre, l'apport de recettes fiscales nouvelles est limité à une augmentation de 150 millions d'euros de la fraction de TVA allouée à la Cnam. La dynamique spontanée des prélèvements compenserait la diminution du produit de la C3S.

D. LA PROGRAMMATION PLURIANNUELLE : L'ÉCHÉANCE DU RETOUR À L'ÉQUILIBRE UNE NOUVELLE FOIS REPOUSSÉE

Le retour à l'équilibre des comptes est reporté au-delà de l'horizon couvert par le rapport annexé , le solde, FSV compris, étant de - 1 milliard d'euros pour le régime général en 2019 et de -2 milliards d'euros pour les régimes obligatoires de base.

Figure n° 32 : Soldes prévisionnels des régimes obligatoires de base et du FSV

(en milliards d'euros)

2016

2017

2018

2019

Régime général

- 6,0

- 3,3

- 1,0

+ 1,8

Autres régimes de base

+ 0,4

0,0

- 0,5

- 1,0

Ensemble des régimes de base

- 5,6

- 3,3

- 1,5

+ 0,8

FSV

- 3,7

- 3,6

- 3,1

- 2,8

Ensemble des régimes et FSV

- 9,3

- 6,9

- 4,6

- 2,0

Source : annexe B

Le fonds de solidarité vieillesse est installé dans un déficit supérieur à 3 milliards d'euros sur l'ensemble de la période avec des dépenses en progression malgré la résorption annoncée du chômage, en raison d'un mode de calcul des cotisations prises en charge qui a pour effet de la compenser. Sur la période, le taux de couverture des dépenses par les recettes est en moyenne de 83 % sans que le surcroit de recettes constaté en fin de période, et qui permet d'améliorer légèrement de taux de couverture, ne soit explicité.

Après une période conjoncturelle d'amélioration de son solde, la branche vieillesse renoue avec les déficits dès l'année 2019 , à hauteur de 100 millions d'euros pour le régime général et d'un milliard d'euros pour l'ensemble des régimes obligatoires de base, attestant du caractère structurel des déséquilibres, notamment pour des raisons démographiques.

Figure n° 33 : Recettes, dépenses et solde de l'ensemble des régimes obligatoires de base

(en milliards d'euros)

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Maladie

Recettes

186,7

190,5

194,9

201,4

207,0

213,4

Dépenses

193,2

198

201,1

206,1

209,9

213,7

Solde

-6,5

-7,5

-6,2

-4,7

-2,9

-0,3

AT-MP

Recettes

13,8

13,9

14

14,1

15,1

15,7

Dépenses

13,1

13,2

13,4

13,5

13,6

13,8

Solde

0,7

0,6

0,6

0,6

1,5

1,9

Famille

Recettes

56,3

52,8

48,8

50,1

51,6

53,1

Dépenses

59,0

54,4

49,6

50,4

51,6

52,8

Solde

-2,7

-1,6

-0,8

-0,3

-0,0

0,3

Vieillesse

Recettes

219,1

223,5

228,7

234,1

240,0

247,2

Dépenses

219,9

223,8

227,8

232,9

240,1

248,3

Solde

-0,8

-0,2

0,9

1,2

0

-1

Toutes branches

Recettes

462,8

467,3

472,8

485,9

499,7

515,2

Dépenses

472,1

475,9

478,3

489,2

501,2

515,4

Solde

-9,3

-8,6

-5,6

-3,3

-1,5

0,8

FSV

Recettes

17,2

16,5

16,4

16,6

17,0

17,4

Dépenses

20,6

20,3

20,1

20,2

20,0

20,2

Solde

- 3,5

-3,8

-3,7

-3,6

-3,1

-2,8

Solde tous régimes + FSV

-12,8

-12,4

-9,3

-6,9

-4,6

-2

Source : Annexe B PJLFSS 2016

Le déficit du régime général suivrait la même tendance, passant à 6 milliards en 2016 et 3,3 milliards en 2017. Il se concentrerait sur la branche maladie, la branche vieillesse redevenant cependant déficitaire en 2019.

Figure n° 34 : Soldes par branche du régime général 2016-2019

(en milliards d'euros)

2016

2017

2018

2019

Maladie

- 6,2

- 4,7

- 2,9

- 0,3

Vieillesse

+ 0,5

+ 1,1

+ 0,4

- 0,1

Famille

- 0,8

- 0,3

0,0

+ 0,3

AT-MP

+ 0,5

+ 0,6

+ 1,5

+ 1,9

Total

- 6,0

- 3,3

- 1,0

+ 1,8

Source : annexe B

E. UN TRANSFERT À LA CADES QUI AVANCE LE CALENDRIER DES DÉCISIONS À PRENDRE

Le projet de loi modifie l'ordonnance du 24 janvier 1996 pour supprimer le plafond annuel de 10 milliards d'euros et permettre, dès 2016, une reprise de dette à hauteur du solde du plafond de transfert de 62 milliards d'euros fixé par la loi de financement pour 2011, soit 23,6 milliards d'euros.

Cette reprise concernerait :

- les déficits 2015 de la Cnav et du FSV (4,4 milliards d'euros minoré d'une régularisation de 0,7 milliards d'euros) ;

- les déficits de la Cnam et de la Cnaf antérieurs à 2015 (reliquat 2013 de 6,5 milliards d'euros et déficit 2014 de 6,5 milliards d'euros pour la Cnam, déficits 2013 de 3,2 milliards d'euros et déficit 2014 de 2,7 milliards d'euros pour la Cnaf) ;

- 1 milliard d'euros du déficit de la Cnam de 2015.

Elle laisse entière la question de la reprise des déficits antérieurs à 2016 qui ne pourront entrer dans le cadre de cette reprise (8,2 milliards d'euros) mais aussi des déficits annoncés pour 2016 à 2019 qui représenteront plus de 30 milliards d'euros auxquels ils faut ajouter du régime agricole.

Trois leviers sont disponibles pour gérer cette situation : le niveau du plafond de découvert de l'Acoss, largement sollicité actuellement, qui n'apporte pas de solution de fond, l'horizon d'extinction de la dette sociale, dont l'allongement conduirait à reporter encore davantage le poids de la dette sur les générations futures et l'augmentation des recettes affectées à la Cades.

Sur ce dernier point, le transfert de 30 milliards d'euros de dette à la Cades suppose une augmentation de 0,086 point de CRDS par tranche de 10 milliards d'euros, soit 0,25 point pour 30 milliards transférés.

L'anticipation du calendrier de reprise par la Cades des déficits portés par l'Acoss conduit à avancer également, à l'année prochaine, la date à laquelle une décision devra être prise.

TRAVAUX DE LA COMMISSION
AUDITION DES MINISTRES

Audition de M. Christian ECKERT, secrétaire d'État au budget

Réunie le jeudi 8 octobre 2015 sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission procède à l'audition de M. Christian ECKERT, secrétaire d'État au budget, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe , président . - Bienvenue, monsieur le ministre. Je vous prie d'excuser l'absence de M. Milon, retenu dans son département, ainsi que celle de M. Roche, rapporteur pour la branche vieillesse. La situation des comptes sociaux est plus satisfaisante, comme vous l'avez déclaré à la commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS). Les déficits sont revenus à leur niveau d'avant la crise. Un bémol à ce satisfecit : la situation d'alors n'était pas brillante et cette amélioration résulte surtout d'un niveau record des prélèvements obligatoires affectés à la sphère sociale. Les défis sont encore nombreux. Le retour à l'équilibre des régimes de base et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) n'est pas encore en vue : nous aurons encore 2 milliards de déficit en 2019. Les retraites complémentaires, comme l'assurance-chômage, appellent de la part des partenaires sociaux des mesures urgentes et difficiles. J'ai eu la surprise de constater, le jour de la dernière réunion de la CCSS, que le retour à l'équilibre de la branche retraite faisait la une d'un grand quotidien du soir. Une telle nouvelle méritait certes les honneurs de la presse mais c'était oublier un peu vite les quelque 3,7 milliards d'euros du déficit du FSV ! Aussi ne serez-vous pas surpris que celui-ci fasse aujourd'hui l'objet de plusieurs questions.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Le PLFSS pour 2016 a été examiné hier en conseil des ministres. Il ne sera discuté au Sénat que dans quelques semaines. Secrétaire d'État chargé du budget, je ne pourrai sans doute pas répondre à toutes vos questions - mais je sais que vous auditionnerez prochainement Mme Touraine. Traditionnellement, je présente plutôt les recettes et celle-ci évoque les dépenses. Le ministre des finances est aussi en charge des « comptes publics », au sein desquels les dépenses sociales sont prépondérantes, puisqu'elles avoisinent 500 milliards d'euros, sans compter les dépenses qui sont hors du champ de la sécurité sociale. Il s'agit du premier poste des quelques 1 200 milliards d'euros de dépenses publiques. D'où l'importance d'une bonne coopération entre le ministre des finances et celui chargé des affaires sociales. Ma relation de travail avec Mme Touraine est étroite et confiante.

Loin de l'augmentation, voire de l'explosion des comptes sociaux évoquée par certains, la réduction du déficit se poursuit et plus rapidement que prévu. Cela témoigne de l'efficacité de notre démarche budgétaire. Nous la prolongerons en 2016, grâce à des efforts d'économie prévus par ce PLFSS, en particulier en matière de santé, sans renoncer à nos priorités et tout en accordant de nouveaux droits aux affiliés. Ce PLFSS poursuit la mise en oeuvre de notre politique économique, puisqu'il prévoit une baisse des prélèvements sociaux et de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), en application des engagements du pacte de responsabilité et de solidarité.

Il illustre notre crédibilité budgétaire, que vous avez bien voulu reconnaître, monsieur le président - quoiqu'avec quelques nuances - puisque nos comptes sociaux se redressent et que nous enregistrons des résultats. Je vous avais présenté en mars dernier l'exécution du budget en 2014 : nous avions constaté une amélioration très nette du solde budgétaire de la sécurité sociale, qui s'établit à 13,2 milliards d'euros, soit 2 milliards d'euros de moins que prévu. Depuis, la Cour des comptes, qui a certifié pour la deuxième année consécutive les comptes de chacune des branches du régime général, a confirmé ce résultat. Le solde des comptes de l'ensemble des administrations publiques pour 2014 a été récemment révisé à la baisse par l'Insee. Il s'établit désormais à 3,9 % du PIB. En 2015, nous devrions atteindre 3,8 %. Pour l'heure, aucun signal ne nous permet de mettre en doute cette prévision. Ce sera la première fois depuis longtemps que les recettes correspondent aux prévisions - peut-être à un milliard d'euros près.

Depuis le début de la législature, le déficit de la sécurité sociale recule chaque année. Il est passé de 21 milliards d'euros en 2011 à 12,8 milliards d'euros prévus en 2015. Cela nous ramène à la situation d'avant la crise - ce qui n'est pas, je vous l'accorde, la meilleure jauge ! L'an prochain, deux des quatre branches du régime général seront à l'équilibre : la branche « accidents du travail » et la branche « vieillesse » qui devient excédentaire. Le déficit de la branche « famille » ne sera plus que de 800 millions d'euros, et l'équilibre devrait être atteint en 2017, incontestablement grâce à nos réformes. Quant à la branche « vieillesse », des calculs d'apothicaires sont faits pour savoir si l'amélioration est due à la réforme récente ou à la précédente. C'est probablement le cumul des deux - même si elles ne sont pas de même nature - qui a été efficace.

Pour la première fois, le montant de la dette sociale va reculer : la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) va rembourser 13,6 milliards d'euros, alors que le déficit qu'elle prendra en charge sera de 12,8 milliards d'euros. Cette inversion de la tendance devrait persister l'an prochain, puisque le déficit devrait être encore moindre. L'horizon de remboursement intégral de la dette sociale, fixé à 2024, ne s'éloigne plus, au contraire. Nous allons donc transférer à la Cades 23,6 milliards d'euros de dettes de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), ce qui nous portera au plafond, fixé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, à 62 milliards d'euros. Nous profiterons ainsi des taux d'intérêt favorables et nous nous mettrons à l'abri d'une remontée des taux, puisque la Cades, contrairement à l'Acoss, emprunte à long terme.

En 2016, la contribution des administrations de sécurité sociale au plan d'économies de 50 milliards d'euros sera de 7,4 milliards d'euros et elle se fera sans suppression de droits ni augmentation des franchises. Le rythme d'évolution des dépenses sociales en 2016 sera le plus faible enregistré : 0,5 % après 0,8 % en 2015.

Certains doutent que nous puissions parler d'économies dès lors que les dépenses augmentent. Mais les Français sont de plus en plus nombreux, ils vivent de plus en plus longtemps et les soins sont de plus en plus coûteux. Chaque année, nous comptons 200 000 Français supplémentaires. Il faut bien des maternités, des soins au coût croissant pendant une durée de vie de plus en plus longue. Par exemple, l'hépatite C nous a coûté 650 millions d'euros l'an passé. Tant mieux puisque nous avons ainsi guéri plus de 10 000 personnes - qui, du coup, n'auront plus à être soignées. D'ailleurs, le Parlement a adopté une disposition limitant le coût de ce traitement, sans laquelle nous aurions dépensé 1 milliard d'euros. En l'absence de mesures, les dépenses d'assurance maladie augmenteraient chaque année d'environ 3,8 %. En prévoyant un objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) de 1,75 %, nous prétendons avec aplomb faire des économies. Ce n'est pas de l'esbroufe, c'est ainsi que les standards européens, qu'il s'agisse de Bruxelles ou des agences de notation, apprécient ce type d'évolution.

Pour contenir les dépenses, nous allons favoriser la prévention : gratuité du dépistage du cancer du sein et des examens complémentaires, programme de prévention de l'obésité chez les jeunes enfants, gratuité et confidentialité du parcours de contraception des mineures... Nous allons également modifier les parcours de prise en charge, par exemple en soutenant la modernisation de la filière visuelle pour raccourcir les délais d'attente en ophtalmologie. Nous favoriserons l'accès aux soins des salariés précaires en soutenant la souscription d'un contrat complémentaire santé et celui des retraités par une mesure diminuant le coût des contrats souscrits par les plus de 65 ans. Nous créons la protection universelle maladie, qui sera l'une des réformes sociales importantes de cette législature. Désormais, les assurés seront tous rattachés individuellement à la sécurité sociale, et ce à vie, pourvu qu'ils continuent à remplir les conditions de résidence, qui demeurent inchangées. Leur affiliation ne dépendra plus de leur statut professionnel ni de leur situation personnelle. De nombreuses personnes bénéficient de la sécurité sociale en tant qu'ayant-droit d'un autre assuré. Comme la couverture maladie universelle (CMU) couvre des personnes qui ne sont pas des ayants-droit, cette situation n'a plus guère de sens. L'ensemble des personnes en situation régulière qui résident en France depuis plus de six mois auront droit à leur carte Vitale, ce qui simplifiera beaucoup la vie de certains assurés.

Le PLF et le PLFSS prévoient, chacun pour ce qui le concerne, de nouvelles modalités de revalorisation des prestations sociales. Beaucoup de prestations étaient indexées sur l'inflation prévue. Une correction était effectuée une fois l'inflation exacte connue. Cette règle aurait dû conduire, le 1 er avril dernier, à diminuer les prestations familiales de 0,7 % ! Nous allons harmoniser les dates de revalorisation, dont le nombre passera de cinq à deux : le 1 er octobre pour les retraites et le 1 er avril pour les autres. En cas d'inflation négative, les prestations ne pourront être diminuées.

Cette année, le Gouvernement a décidé de ne pas appliquer la formule de revalorisation. Personne n'a protesté, mais il est curieux de voir un Gouvernement ne pas appliquer la loi... À long terme, cette réforme est neutre, puisque l'inflation constatée et l'inflation prévisionnelle ont vocation à converger. En période de faible inflation, il s'agit d'une source d'économies, partagées entre l'État et la sécurité sociale, d'un montant compris entre 400 et 600 millions d'euros pour 2016.

Ce PLFSS met en oeuvre les mesures du pacte de responsabilité en prévoyant une baisse de 1,8 point des cotisations sociales pour les salaires allant jusqu'à 3,5 fois le SMIC. Certes, cette mesure entrera en vigueur le 1 er avril et non le 1 er janvier. Certains ont hurlé à la trahison. Mais en 2015 des mesures ont été prises : suramortissement pour les entreprises - qui correspond en fait à une subvention d'un montant égal à 40 % de l'investissement -, mesures concernant l'apprentissage, mesures relatives aux seuils qui déclenchent le versement transport ou des modifications de la fiscalité, modification des charges sociales sur les attributions gratuites d'actions. Cumulées, elles représentent une dépense annuelle de 1,3 milliard d'euros en faveur des entreprises. Le pacte a prévu 9 milliards d'euros de réduction d'impôts et de cotisations. C'est pour respecter ce volume que nous avons décalé de trois mois l'entrée en vigueur de la baisse des cotisations sociales, qui est une mesure à un coup, quand les 1,3 milliard d'euros que j'ai évoqués constituent un coût renouvelé chaque année. D'autres décisions auraient pu être retenues, y compris par le Parlement.

La contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), qui suscite de nombreux commentaires, est un impôt curieux, puisqu'il porte sur le chiffre d'affaires. Pour une entreprise en difficulté, qui ne fait pas de bénéfices mais dont le chiffre d'affaires augmente, ce n'est pas très pertinent... Aussi allons-nous poursuivre sa diminution : après un milliard d'euros en moins l'an dernier, nous souhaitons supprimer encore un milliard d'euros en augmentant jusqu'à 19 millions d'euros l'abattement sur le chiffre d'affaires que nous avions créé. Alors que 300 000 entreprises payaient la C3S, nous en avons dispensé 200 000 l'an dernier et en exemptons cette année 80 000. Seulement 20 000 entreprises continueront à y être assujetties. Il s'agit notamment des entreprises du secteur bancaire et financier. Les entreprises individuelles constituent 25 % des bénéficiaires de cette mesure, alors qu'elles ne comptent que pour 14 % de la valeur ajoutée.

Ce PLFSS tient compte des conséquences de l'arrêt de Ruyter. Nous devrons rembourser les sommes indûment prélevées pendant la période non prescrite, selon des modalités que je serai à même de vous préciser dans une dizaine de jours. En France, la CSG a toujours été classée parmi les impositions de toute nature : même si son produit est versé à la sécurité sociale, elle n'ouvre pas de droits comme une cotisation. Le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel l'ont toujours confirmé. Mais la Cour de justice de l'Union européenne a considéré, au nom du principe d'unicité du régime d'assurance sociale, qu'on ne pouvait pas prélever la CSG sur les revenus du capital d'une personne affiliée à la sécurité sociale d'un autre Etat membre. Il ne s'agit pas seulement du cas des Français qui résident à l'étranger mais aussi, et surtout, de celui des travailleurs frontaliers : la règle, en Europe, est qu'on est affilié au régime de sécurité sociale du pays où l'on perçoit ses revenus salariaux.

Pour ne pas être privé, à l'avenir, des quelques 300 millions d'euros de recettes dont il est question, nous les affecterons au FSV, qui n'est pas un régime contributif. Nous pensons ainsi nous mettre en conformité. Certains souhaiteraient que nous traitions aussi le cas des contribuables résidant aux États-Unis ou au Japon, mais l'arrêt de Ruyter ne concerne que les pays de l'espace économique européen - ce qui inclut la Suisse, le Liechtenstein et la Norvège.

Je m'abstiendrai de faire un historique du régime social des indépendants (RSI) car cela pourrait mettre mal à l'aise certain d'entre vous...

Mme Nicole Bricq . - Surtout sur certains bancs !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Nous poursuivons nos efforts de redressement et de mise aux normes du RSI. Sur le plan financier, la situation est loin d'être rétablie : rappelons que le RSI perçoit 11 milliards de cotisations et verse environ 17 milliards d'euros de prestations ! Si ses affiliés étaient au régime général, leurs cotisations seraient plus élevées. Pour l'heure le RSI fonctionne mal malgré des progrès certains, effectués sous notre pression - ou sous la vôtre. Nous avons développé la médiation, réinternalisé l'accueil téléphonique, imposé, depuis le mois d'avril, un calcul des cotisations sur l'année n-1 et non plus sur l'année n-2, harmonisé le délai de carence - mais il s'agit d'une mesure réglementaire -, travaillé sur le nombre de trimestres de retraite pour les faibles revenus et nous allons supprimer les cotisations minimales maladie pour les ressortissants du régime agricole et du RSI. Bref, nous avons pris en compte les préconisations du rapport de M. Verdier et Mme Bulteau ainsi que celles du rapport sénatorial de MM. Cardoux et Godefroy.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe , président . - Merci pour la précision de cette présentation.

Quelle proportion du produit global des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et sur les produits de placement représentent, d'une part, les prélèvements sur des résidents fiscaux non-affiliés au régime français de sécurité sociale et, d'autre part, les prélèvements sur des non-résidents non-affiliés au régime français de sécurité sociale ? Quel montant la France va-t-elle être amenée à rembourser ? Vous avez évoqué un chiffre de 300 millions d'euros ; lors de la CCSS, vous aviez parlé de 150 millions d'euros... Avez-vous, sur ce même sujet, obtenu des assurances sur le fait que l'affectation au FSV des recettes des prélèvements sociaux sur les revenus du capital suffise à satisfaire à l'arrêt de Ruyter ? Le règlement sur l'unicité de législation n'opère aucune distinction entre le contributif et le non-contributif et le FSV est intégré administrativement, sinon financièrement à la caisse nationale d'assurance vieillesse. N'était-il pas envisageable d'affecter ces produits, collectés par la direction générale des finances publiques, à l'État ?

L'article 17 du projet de loi transfère par anticipation à la Cades 13,6 milliards d'euros supplémentaires, soit 23,6 milliards d'euros en tout, saturant ainsi le plafond fixé par la loi de financement pour 2011. Ce transfert laisse entière la question de la dette sociale restant en trésorerie à l'Acoss, dont le montant atteindra environ 30 milliards d'euros. Le Gouvernement envisage-t-il un nouveau transfert ? Conservez-vous l'objectif d'une extinction de la dette en 2024 ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Oui, environ 30 milliards d'euros de dettes resteront à l'Acoss. À ceux qui s'en émeuvent, je rappelle qu'en 2010 ce montant était de 60 milliards d'euros. Certains régimes reviennent à l'équilibre, ou deviennent même légèrement excédentaires. Soyons réalistes : les excédents se chiffrent plutôt en centaines de millions d'euros qu'en dizaines de milliards... Pour l'heure, le Gouvernement n'a pas prévu de stratégie supplémentaire de réduction de cette dette.

Le coût de l'arrêt de Ruyter sera d'environ 300 millions d'euros. Le PLFSS en tient compte. Il s'agit d'une évaluation car il est difficile d'obtenir les chiffres précis. Pour les plus-values immobilières, les notaires disposent des informations utiles et pourront indiquer au Trésor les montants à rembourser. Les informations sur les revenus locatifs figurent sur les déclarations d'impôts : la direction générale des finances publiques en dispose, certes, mais comment peut-elle savoir à quel régime chaque contribuable est affilié ? Je ne puis, hélas, appuyer sur un bouton pour obtenir la liste de ceux qui doivent être remboursés ! Les sommes prélevées sur les revenus des capitaux mobiliers ont été perçues par les banques, qui, pas plus que la direction générale des finances publiques, ne peuvent savoir où leurs clients sont affiliés. Bref, nous devons attendre que les contribuables se manifestent.

Nous aurions pu décider d'affecter ces sommes à l'État, ce qui aurait à coup sûr évité tout risque de contentieux. Nous avons refusé car cela aurait été contraire aux principes qui ont présidé à la création de la CSG. Bien sûr, il y a des tuyaux entre le budget de l'État et celui la sécurité sociale. D'ailleurs, la réduction des cotisations est entièrement compensée par le budget de l'État. Évitons donc de dire que le déficit de l'État se réduit moins vite que celui de la sécurité sociale ! Il baissera d'un milliard d'euros l'an prochain mais en tenant compte des cinq milliards de dépenses de la sécurité sociale qu'il prend à sa charge. Transférer la CSG au budget de l'État, quitte à la reverser la sécurité sociale, aurait été un coup de canif à la vocation de la CSG, que la Cour de Luxembourg aurait aussi pu interpréter comme un contournement de ses décisions.

Tel est notre choix. Vous dire qu'il est d'une solidité juridique totale serait exagéré.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe , président. - L'intégration administrative du FSV à la Cnav débouchera-t-elle sur une intégration financière ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Non, il s'agit simplement du transfert d'une dizaine d'ETP.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe , président. - C'était une recommandation de la Cour des Comptes. L'intégration financière aurait posé problème vis-à-vis de cet arrêt.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Nous distinguerons bien, au sein du FSV, ce qui est contributif de ce qui ne l'est pas. Nous affecterons les recettes à la partie non contributive du FSV.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe , président . - La parole est à M. Cardoux qui préside la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss).

M. Jean-Noël Cardoux . - Vous avez évoqué le risque de dérive des taux à court terme qui pèse sur le stock de dette demeurant à l'Acoss. J'espère qu'il se réalisera le plus tard possible mais il existe. Aussi conviendrait-il de transférer au plus vite ces 30 milliards d'euros à la Cades.

En vitesse de croisière, la C3S rapportait chaque année environ 5 milliards d'euros, qui étaient affectés pour moitié au FSV et pour moitié au RSI. Pour le FSV, la compensation se fera sur les fonds de la sécurité sociale. Comment sera-t-elle faite pour le RSI qui souffre déjà d'un déficit de 6 milliards d'euros ? Le rapport que j'avais rédigé avec M. Godefroy a fait son chemin : ayant récemment représenté le président Larcher devant le Conseil économique, social et environnemental, qu'il avait saisi pour recueillir son avis sur le dysfonctionnement du RSI, j'ai constaté que le rapport établi par deux députés à la demande du Premier ministre est parvenu presque aux mêmes conclusions que nous. Il ne faut pas mélanger le poids des cotisations et la façon dont elles sont recouvrées par le RSI. Les professions indépendantes cotisent moins que les salariés, pour lesquels il faut aussi prendre en compte la part patronale. La baisse de la cotisation forfaitaire pour les nouveaux entrants me paraît une bonne décision. Le passage de l'année n-1 à l'année n-2 me convainc moins : par définition, les revenus des professions indépendantes sont très fluctuants.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 permet aux contributeurs de limiter les provisions appelées au montant qu'ils auront calculé en fonction de leurs revenus. Il en va de même, d'ailleurs, en matière fiscale. À l'inverse, en cas de gros résultat en fin d'exercice, les contributeurs ont la possibilité de calculer ses conséquences sur leur charge de RSI et de le déduire de leur résultat fiscal. Malgré nos efforts de sensibilisation de l'ordre des experts comptables à ces possibilités, elles restent peu exploitées alors qu'elles pourraient apaiser la situation. Cela dit, le fond du problème est l'obsolescence du logiciel informatique de l'Acoss et sa non-compatibilité avec les logiciels qui fonctionnaient avec les anciennes caisses. Tant que ce problème n'est pas abordé, on ne parle que de toilettage. Un gros effort s'impose.

M. Jean-Pierre Godefroy . - Je souscris pleinement à ces propos de M. Cardoux.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Je n'ai pas de certitude sur le niveau futur des taux - sinon je serais riche ! Il y a trois mois, tout le monde affirmait que les problèmes de la Grèce allaient faire exploser les taux d'intérêt. Rien de tel ne s'est produit. La France emprunte à 0,9 %, et nous tablons, prudemment, sur des taux de 1,4 % en fin d'année et de 2,6 % fin 2016. Actuellement, les emprunts à court terme se font à taux négatif ! En tout cas, les taux auxquels l'Acoss a accès sont proches de ceux qui s'appliquent à la Cades. Il est vrai que la structure des emprunts est différente. Pour l'heure, nous n'avons pas prévu d'accélérer.

La compensation de la suppression de la C3S pour le RSI sera faite par des mouvements internes de sécurité sociale. Le RSI étant désormais adossé à la caisse nationale d'assurance maladie, il y aura pas de problème de trésorerie. Je me réjouis que les principales conclusions de votre rapport soient proches de celle du rapport de M. Verdier et Mme Bulteau et que presque toutes aient été appliquées. Le n-1 vaut mieux que le n-2.

Vous avez raison, les assujettis n'utilisent pas suffisamment la possibilité d'ajuster leur versement provisionnel, non plus d'ailleurs que les contribuables : sur 30 % de personnes dont l'impôt sur le revenu diminue, seulement 2 % utilisent ce dispositif. Tant est vive la crainte de la pénalité ! Pourtant, en déclarant en ligne, on dispose immédiatement d'une simulation du montant de l'impôt. En 2014, 200 000 cotisants au RSI, soit 10 % du total, ont choisi de moduler leur cotisation : c'est un progrès substantiel. Nous avons supprimé la pénalité en cas d'erreur de calcul. La pédagogie envers les experts comptables donne des résultats mitigés.

M. Jean-Noël Cardoux . - Le président de l'Ordre avait pris le ferme engagement de communiquer sur ce dispositif. Une piqûre de rappel de votre part ou de la nôtre serait peut-être utile auprès de son successeur.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Comme vous l'avez rappelé, les indépendants s'acquittent à la fois de la part salariale et de la part employeur. Il faut y songer lorsqu'on établit des comparaisons avec les autres régimes. Nous pourrions travailler sur le mode de calcul car le pourcentage des cotisations est établi par rapport au résultat net, ce qui rompt le parallélisme des formes et donne l'impression d'un taux excessif. Le problème du logiciel est bien identifié. Vous avez raison de le mentionner : les députés ont aussi, par écrit, attiré notre attention sur ce point.

M. Jean-Marie Morisset . - Vous avez déclaré être davantage spécialiste des recettes que des dépenses. Mais un déficit résulte-t-il de recettes insuffisantes ou de dépenses excessives ? Malgré une amélioration très nette de la gestion des caisses et un recul des déficits, le Premier président de la Cour des comptes nous a annoncé que le retour à l'équilibre des comptes sociaux était repoussé à un horizon indéterminé. On entend dire que la branche vieillesse revient à l'équilibre, mais le FSV s'enfonce davantage chaque année : 3,7 milliards d'euros à présent. La Cour des comptes a recommandé de mettre fin au sous-financement structurel de ce fonds. Comment comptez-vous suivre cette préconisation récurrente ? Pour respecter un budget, une technique consiste à annuler des crédits en fin d'exercice. Confirmez-vous que le Gouvernement projette d'annuler 500 millions d'euros de crédits pour les hôpitaux ? Je n'ose le croire.

M. Jean-Pierre Caffet . - Merci, monsieur le ministre, d'avoir confirmé que la tranche 2016 du pacte de responsabilité serait bien appliquée, même si la baisse des cotisations interviendra avec un décalage de trois mois - décalage compensé par un montant équivalent de mesures en faveur des entreprises. Je partage votre analyse sur la réduction des déficits : en quatre ans, de 2010 à 2014, les déficits de la sécurité sociale ont été divisés par deux, passant de 28 à 13 milliards d'euros. Pourtant, en 2012, 2013 et 2014, la croissance a été très faible. Les économies réalisées ont donc été efficaces. On peut les désapprouver, qu'il s'agisse de l'allongement de la durée de cotisation de retraite, de la modulation des prestations familiales en fonction des revenus ou des économies programmées sur l'assurance-maladie. Mais le taux de remboursement a augmenté au cours des dernières années et le reste à charge a diminué. Ainsi, ces économies n'ont pas été faites sur le dos des assurés. En 2015, il semble que la réduction du déficit marque le pas, puisqu'elle se limite à 400 millions d'euros. De plus, elle pèsera essentiellement sur l'assurance-maladie, dont le déficit se creusera d'un milliard d'euros en 2015 alors même que l'Ondam de 2,1 % semble devoir être respecté. Que s'est-il passé ?

M. Yves Daudigny . - Merci, monsieur le ministre, pour votre optimisme, raisonné naturellement, car le contexte n'est pas facile, vu la faible progression du PIB et de la masse salariale. Aussi prévoyez-vous la poursuite des efforts. Ce PLFSS s'inscrit dans la continuité des décisions du Gouvernement et de la loi de modernisation de notre système de santé autour de trois piliers : réduction des déficits, refus de mesures défavorables aux assurés sociaux et dispositions nouvelles, telles que la garantie de paiement des pensions alimentaires ou la protection universelle maladie, qui pourrait marquer le basculement d'un système « bismarckien » de protection sociale vers un système « beveridgien ». Quelle part de la TVA finance les budgets sociaux ? Si nous transférons plus de dettes à la Cades, il faudra lui affecter davantage de recettes ou modifier la loi organique pour allonger sa durée de vie au-delà de 2025. Le taux de la CRDS est fixé à 0,5 % et sa modification semble taboue. Peut-être s'avère-t-elle nécessaire, cependant. Le rapporteur général a cité un grand quotidien du soir, dont le titre lui semblait trop optimiste. Aujourd'hui, un grand quotidien du matin titre : « La sécu transfère son déficit aux hôpitaux pour tenir ses objectifs : le Gouvernement a supprimé 425 millions d'euros de crédits. » Qu'en dites-vous ?

M. Olivier Cadic . - L'an dernier, j'avais déposé un amendement relatif à la procédure en cours devant la Cour de Luxembourg, par lequel je demandais que, pour les contribuables concernés, la CSG et la CRDS soient suspendues en 2015. Je n'ai pas été suivi. Résultat : nous avons été condamnés en février dernier, par un arrêt confirmé par le Conseil d'État en juillet. Et en septembre, alors que tous les non-résidents s'attendaient à une procédure de remboursement, voilà qu'ils reçoivent un nouvel appel de fonds ! Vous prenez cela avec un certain flegme, alors que plus de 15 000 appels téléphoniques ont été passés au centre des impôts des non-résidents, qui a cessé de répondre depuis trois semaines : on tombe sur un message enregistré, d'ailleurs très clair. Vous annoncez des remboursements pour toutes les périodes non prescrites. Pouvez-vous être plus précis ? Quelles périodes sont prescrites ? L'État aurait alors prélevé de l'argent à tort et, même après condamnation, ne le rembourserait pas !

L'article 15 du PLFSS n'assure pas la conformité des prélèvements sociaux sur le capital avec le droit de l'Union européenne. Il contrevient directement à l'autorité de la chose jugée et contourne des décisions judiciaires, dont l'arrêt de la Cour de Luxembourg. Les prélèvements sociaux sont déjà en partie affectés au FSV et à la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Vous donnez l'impression de faire de la cavalerie : votre démarche amènera inévitablement à une nouvelle condamnation de la France vers 2018 ou 2019. Ne prendre en compte que les Français affiliés à un régime de sécurité sociale de l'espace économique européen, c'est une rupture d'égalité devant l'impôt ! Quant à ceux qui résident aux États-Unis, en Australie ou au Canada, ils sont en situation de double imposition. Confirmez-vous que vous n'allez rien y faire ? Vous avez avoué que ce montage n'était pas d'une grande solidité juridique...

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Dire autre chose serait prétentieux !

M. Olivier Cadic . - En 2012, j'ai écrit à la ministre que nous serions condamnés. Elle m'a répondu que ce ne serait pas le cas. C'est grave ! Vous annoncez des précisions sous huit jours sur les modalités de remboursement. Mais ce n'est pas d'hier que nous avons appris le risque de condamnation ! Quelle note donneriez-vous, sur dix, à votre administration, qui est incapable de vous dire comment nous allons rembourser ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Lorsqu'un contentieux est engagé, il n'est pas d'usage de reconnaître avant l'arrêt que l'on a tort : ce serait fragiliser notre position. Plusieurs autres condamnations ont frappé la France, qui portent sur des sommes dix à quinze fois supérieures à ce dont nous parlons : précompte mobilier, contentieux sur l'agriculture, OPCVM étrangères... Il s'agissait non de 300 millions mais de cinq à six milliards d'euros. Et les ministres n'étaient pas informés ! Nous n'avons donc pas de leçons à recevoir en matière de contentieux. D'ailleurs, quand celui-ci a-t-il commencé ?

M. Olivier Cadic . - En 2008.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Et même avant, au début des années 2000. Ce n'est donc pas la disposition prise en 2012 qui a été sanctionnée. La procédure a pris beaucoup de temps et M. de Ruyter est décédé depuis... Non, nous ne ferons pas droit aux demandes faites par les affiliés de régimes sociaux n'appartenant pas à l'espace économique européen, car nous n'avons aucun fondement juridique pour le faire. Vos propos sont contradictoires : vous considérez la CSG à la fois comme un impôt et comme une cotisation sociale.

M. Olivier Cadic . - Comment ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Vous avez parlé d'égalité devant l'impôt. En effet, les revenus du capital perçus en France, d'origine française, doivent être assujettis à la CSG, que nous considérons, avec le Conseil constitutionnel, comme un impôt. Je n'ai pas de certitude : sur les prévisions de croissance, de taux, sur le résultat d'un procès, j'essaie de ne pas être prétentieux. J'ai vu tant d'avocats qui promettaient la victoire... Vous prétendez avoir annoncé l'issue du procès. Si vous aviez eu tort, vous en seriez-vous vanté ?

Je n'ai pas à noter mon administration, je prétends plutôt la piloter. J'ai tendance à la soutenir, même s'il m'arrive de la mettre sous pression. En cette affaire, elle rencontre des difficultés que je vous ai expliquées. Prenez, par exemple, un couple marié, où lui travaille au Luxembourg et elle en France, et qui perçoit un loyer sur un immeuble possédé en commun. Que faire ? Vous voudriez qu'en une semaine nous traitions ces sujets ? Les années non prescrites sont les années 2013, 2014 et 2015. Nous sommes en train de réfléchir à une mesure législative qui intégrerait aussi l'année 2012. En tout état de cause, les réclamations faites interrompent le délai de prescription. Nous nous efforçons de gérer cette situation au mieux et en toute transparence.

Les transferts de TVA à la sécurité sociale s'élèvent à 8 ou 9 milliards d'euros, montant relativement stable. Par ailleurs, la sécurité sociale transfère à l'État environ 4,5 milliards d'euros d'allocations logement, pour compenser les exonérations de cotisations. Sur le transfert de la dette de l'Acoss à la Cades, je n'ai pas encore de position arrêtée. En tout cas, nous n'avons pas aggravé la dette de l'Acoss.

Le FSV est très sensible à la situation du chômage. Vu le nombre de créations d'emplois industriels, la situation devrait s'améliorer.

Les mises en réserve sur les dépenses hospitalières, d'un montant de 500 millions d'euros, ne font l'objet d'aucune mesure particulière. Les 425 millions d'euros évoqués par les médias sont une partie de l'effort supplémentaire prévu dans le cadre du programme de stabilité transmis en août 2015. Nous avons abaissé l'Ondam de 182,3 à 181,9 milliards d'euros et nous rectifierons ces montants dans le PLFSS. Cet effort correspond largement à la pérennisation de la sous-exécution de 300 millions d'euros constatée en 2014.

La réduction du déficit en 2015 a peut-être été un peu faible, mais les résultats de 2014 ont été meilleurs que prévu, ce qui génère un effet de base pour l'année suivante. Et je répète que c'est la cinquième année consécutive que l'Ondam est respecté. Que ceux qui expliquent qu'il faut réduire les dépenses publiques de 100 milliards d'euros m'expliquent où ils trouvent les économies !

Mme Aline Archimbaud . - Merci pour vos explications. Existe-t-il un moyen de calculer les économies générées par les mesures de prévention, ou par celles qui facilitent l'accès à la santé ? Le secrétariat général pour la modernisation de l'action publique a constaté qu'après un an, les familles ayant accès à la CMU-C sont moins malades, ce qui réduit les dépenses de santé. Lutter contre le non-recours aux soins, aussi, générerait des recettes : un rapport de l'Igas, que nous a présenté M. Chérèque en mai dernier, a montré que des sommes prévues pour l'aide sociale ne sont pas utilisées. Bien sûr, les budgets sont conçus de manière annuelle...

M. Gilbert Barbier . - Je vous félicite, monsieur le ministre, pour l'habileté sémantique avec laquelle vous avez présenté ce PLFSS. Il s'agit, je suppose, du langage de Bruxelles. Je ne crois pas que les Français le parlent. Ils voient plutôt, pour citer un hebdomadaire satirique, une baisse de la hausse...

Mme Nicole Bricq . - C'est déjà pas mal !

M. Gilbert Barbier . - Il y a sur les comptes de l'Acoss quelque 25 milliards d'euros qui ne correspondent pas à ses besoins courants. M. Daudigny a évoqué plusieurs pistes : augmenter le taux de la CRDS, allonger la durée de vie de la Cades ou imaginer d'autres solutions fiscales. Qu'en pensez-vous ? Vous êtes optimiste mais, pour les retraites, il y aura un passage difficile dans cinq à sept ans. Quelles sont les perspectives ? La prise en charge des maladies lourdes aggrave-t-elle le déficit ? On est passé du taux K au taux L, puis au taux W... N'est-ce pas trop complexe ? Les dépenses consacrées à certaines pathologies, comme le cancer, vont exploser. Mieux vaudrait que les prévisions soient faites par le spécialiste des recettes...

M. Dominique Watrin . - Merci pour vos réponses claires, monsieur le ministre. Vous avez reconnu qu'en 2016 l'État verserait 5 milliards d'euros à la sécurité sociale pour compenser les exonérations de cotisations sociales des entreprises, notamment au titre de la branche famille. Nous arrivons à presque 30 milliards d'euros d'exonérations, ce n'est pas rien ! Encore ce chiffre ne tient-il pas compte du crédit d'impôt compétitivité emploi (Cice)... Ces exonérations devraient être modulées en fonction des politiques d'emploi, de salaires et de formation des entreprises. La Cour des comptes, qui n'est pas d'extrême gauche, commence à s'interroger sur l'efficacité de cette politique sur l'emploi et sur son coût. Elle souligne le manque d'outils fiables pour mesurer les effets des exonérations de cotisations sociales sur les emplois à bas salaires, et pointe l'apparition d'une trappe à bas salaires. Quelles conséquences en tirez-vous ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Comment mesurer l'effet de la prévention ? Question délicate ! Les budgets sont annuels. Je ne sais comment vous répondre, étant concentré sur les recettes plutôt que sur les dépenses. Un de mes interlocuteurs m'a récemment confirmé que cet été la chaleur avait causé une légère surmortalité : en fait, la date du décès des personnes les plus fragiles est un peu avancée par la canicule. Certains vont jusqu'à en analyser les conséquences sur les dépenses de retraites. Voilà à quelles réflexions affreuses peut mener l'exigence de tout chiffrer. Dans le même esprit cynique, on pourrait dire qu'une meilleure prévention accroît l'espérance de vie, ce qui coûte plus cher en termes de retraites !

Baisse de la hausse, peut-être, mais où souhaitez-vous faire des économies ? Quelles dépenses supprimez-vous ? Les Français comprennent bien que, s'ils sont de plus en plus nombreux, qu'ils vivent de plus en plus longtemps et que les soins coûtent de plus en plus cher, les dépenses d'assurance-maladie ont vocation à augmenter. Contenir cette hausse est, en soi, un bon résultat.

Vous évoquez à nouveau l'Acoss. Certains gouvernements avaient prélevé une somme importante dans le fonds de réserve des retraites et allongé la durée de remboursement de la dette...

M. Gilbert Barbier . - Regardons vers l'avenir !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Le passé éclaire l'avenir. Nous verrons s'il faut puiser dans le fonds de réserve des retraites. Il n'est pas actuellement dans notre intention de le faire, ni d'augmenter la CRDS ou de changer les paramètres d'affectation des recettes. La réduction des déficits devrait produire ses effets.

Mesurer l'efficacité des exonérations de cotisations sociales n'est pas simple. Nous vous avons envoyé un très bon rapport sur le sujet en juillet. Ce PLFSS comporte aussi une réforme des exonérations de cotisations outre-mer. Je vois d'ici le débat : celles-ci sont parfois devenues moins favorables que le droit commun ! Nous allons donc les retravailler.

Mme Nicole Bricq . - Difficile !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Certaines exonérations vont jusqu'à des salaires de 6 500 euros ! Pour éviter des trappes à bas salaires, nous avons toujours veillé à ce que nos dispositifs aient des sorties en sifflet, plutôt qu'en marches d'escalier. Globalement, les taux de marge des entreprises se reconstituent et dans certains secteurs, l'activité repart. Nous ne comprenons pas toutes les évolutions des recettes. Par exemple, au premier trimestre, la masse salariale a crû de 0,9 %, sans que la croissance soit extraordinaire : du jamais vu ! Cette hausse continue au deuxième trimestre. Bref, il y a de l'espoir...

M. Jean-Marie Vanlerenberghe , président. - Merci pour la précision et la franchise de vos réponses.

Audition de Mme Marisol TOURAINE, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Réunie le mercredi 14 octobre 2015 sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission procède à l'audition de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016.

M. Alain Milon , président . - Nous poursuivons nos travaux en accueillant Mme la ministre des affaires sociales, venue nous présenter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes . - Le PLFSS pour 2016 marque une étape nouvelle dans l'action du Gouvernement visant à moderniser notre système de protection sociale en créant de nouveaux droits qui répondent à l'évolution de la société et des attentes des Français, et en réduisant les déficits de manière structurelle, afin de garantir la pérennité de ce système.

Les résultats sont là. Les droits progressent : le reste à charge diminue régulièrement depuis 2012. Il est passé de 9,1% en 2011 à 8,5% en 2014, alors même qu'il n'avait cessé d'augmenter au cours des cinq années précédentes. Le déficit de la sécurité sociale diminue : nous l'avons déjà réduit de 40 % en trois ans. L'enjeu, avec ce PLFSS, est de poursuivre et d'amplifier ce mouvement. Cela passe d'abord par des mesures structurantes qui feront progresser durablement les droits sociaux et l'accès aux soins de nos concitoyens.

Nous instaurons la protection universelle maladie, soixante-dix ans après la création de la sécurité sociale et plus de quinze ans après la création de la couverture maladie universelle, parce que plusieurs millions de Français peinent, chaque année, à faire valoir concrètement leur droit à l'assurance maladie. La protection universelle maladie n'est pas un droit nouveau, mais un ensemble de dispositions rendant plus facile de faire valoir ses droits. Qu'il s'agisse d'un changement de situation professionnelle, de situation familiale ou de domicile, les Français doivent parfois affronter un véritable parcours du combattant. Cette rupture dans les droits n'est pas acceptable.

C'est pourquoi nous prenons des mesures très concrètes qui sont autant de simplifications radicales. Les conditions requises pour ouvrir droit à remboursement seront simplifiées. Les changements de caisse de sécurité sociale se feront sur internet en deux ou trois clics. Tout majeur deviendra un assuré à part entière, sans passer par la case ayant droit : l'on ne sera plus l'ayant droit de son conjoint ou de ses parents, la carte Vitale pourra être obtenue dès douze ans.

Les cotisations minimales maladie que doivent acquitter les travailleurs indépendants et les exploitants agricoles seront supprimées. Cet allègement concernera de très nombreux travailleurs qui perçoivent de faibles revenus pour leur activité. A prélèvement inchangé, nous relevons la cotisation minimale vieillesse des travailleurs indépendants afin de garantir une validation d'au moins trois trimestres de retraite par année travaillée, même les mauvaises années. En 2012, un travailleur indépendant connaissant une année difficile n'avait la certitude de valider qu'un seul trimestre. Certains annoncent le grand soir de la protection sociale des indépendants, après avoir provoqué les dégâts que l'on sait lors de la mise en place de leur régime social. De notre côté, nous agissons très concrètement depuis trois ans pour offrir aux indépendants une protection sociale plus juste. Les prélèvements auront baissé, de façon très significative, pour les 70 % d'entre eux qui ont les revenus les moins élevés, avec une protection sociale renforcée. J'ai la conviction que le niveau de la couverture sociale des travailleurs indépendants constitue un enjeu d'avenir, car les mutations de l'économie peuvent conduire davantage de personnes à travailler dans ce cadre.

Deuxième avancée, la généralisation de l'accès à une complémentaire santé de qualité. Cela concerne d'abord les salariés précaires, c'est-à-dire ceux qui sont en contrat à durée déterminée très court ou qui travaillent simultanément chez plusieurs employeurs. Concrètement, l'employeur leur versera une aide individuelle destinée à faciliter l'acquisition d'une complémentaire santé. Ces travailleurs auront ainsi les mêmes droits que les autres salariés à partir du 1 er janvier 2016, puisqu'il sera alors obligatoire pour toute les entreprises de mettre en place une complémentaire santé.

Nous nous adressons aussi à ceux qui sont assurés individuellement. C'est le cas des plus de 65 ans qui sont confrontés à une hausse du coût de leur complémentaire. Deux mesures concrétisent cet engagement fort de solidarité : nous rendons plus attractif le dispositif issu de la loi Evin de 1989 et nous mettons en place une sélection non fermée de contrats de complémentaire santé par mise en concurrence pour que les plus de 65 ans bénéficient d'une complémentaire moins chère ou apportant de meilleures garanties. L'examen du texte par le Parlement permettra de répondre aux inquiétudes, de préciser les objectifs et le fonctionnement de ces mesures. Leur sens et leur ambition est de permettre aux personnes âgées d'accéder à des contrats moins chers et de meilleure qualité car un nombre croissant d'entre elles n'ont pas de complémentaire santé. Ces deux objectifs sont indissociables.

Nous renforçons la prévention et l'accès aux soins de premier recours dans nos territoires. Nous lançons notamment une expérimentation fondée sur le repérage, par le médecin traitant, d'un risque d'obésité chez les enfants de trois à huit ans et la prise en charge financière de bilans d'activité physique et de l'intervention de diététiciens et de psychologues. Dans le même esprit, nous renforçons l'accès des mineures à la contraception, déjà entièrement prise en charge par l'assurance maladie depuis 2013. La consultation, la prescription et les analyses biologiques qui y sont liées seront désormais gratuites et confidentielles. Enfin, comme je l'ai annoncé à l'occasion du lancement d'Octobre rose, nous étendons la prise en charge intégrale du dépistage du cancer du sein aux examens supplémentaires que doivent faire les femmes présentant un risque élevé ou très élevé. Cela fera l'objet d'un amendement du Gouvernement.

Enfin, ce PLFSS accentue le virage ambulatoire, ce qui est cohérent avec le projet de loi de modernisation de notre système de santé et améliorera l'accès aux soins. Concrètement, nous confortons le modèle retenu dans certaines régions pour financer la permanence des soins ambulatoires. En outre, nous renforçons le développement de l'offre de soins visuels sans dépassements d'honoraires en soutenant la modernisation des cabinets d'ophtalmologistes et la mise en place de binômes entre orthoptistes et ophtalmologistes. Nous avions engagé ce débat lors du vote de la loi de modernisation de notre système et je vous avais indiqué que certaines mesures figureraient dans le présent PLFSS.

Nous généralisons la garantie des impayés de pension alimentaire. Cette mesure était expérimentée dans plusieurs départements et nous avons constaté son rôle indispensable dans le soutien aux familles monoparentales dont le conjoint est défaillant. Désormais, la garantie d'une pension alimentaire minimale de cent euros par enfant sera mise en place. Les moyens de recouvrement des pensions non ou irrégulièrement payées seront en outre renforcés.

Enfin, ce PLFSS comporte un engagement fort en direction des personnes âgées et des personnes handicapées. L'Ondam médico-social progressera en 2016 davantage que les autres objectifs de dépense. Concrètement, nous augmentons les moyens médico-sociaux de 405 millions d'euros, qui permettront notamment de poursuivre la médicalisation des Ehpad. Vous êtes nombreux à connaître, en tant qu'élus de terrain, la situation de certaines familles, contraintes de se tourner vers la Belgique par exemple pour trouver une solution d'accueil à leur enfant. C'est pourquoi je viens d'annoncer que 15 millions d'euros supplémentaires permettront de trouver des solutions concrètes, adaptées et, surtout, de proximité, à nos concitoyens en situation de handicap.

Ce PLFSS pour 2016 marque également une nouvelle étape du redressement des comptes sociaux. Réduire les déficits est une exigence vis-à-vis des Français et de notre modèle social. En trois ans, nous sommes parvenus à réduire très fortement le déficit de la sécurité sociale. Entre 2011 et 2015, le déficit du régime général et du fonds de solidarité-vieillesse (FSV) aura diminué de plus de huit milliards d'euros. Si la conjoncture économique a pu ralentir le rythme, la direction est restée la bonne et les résultats sont là : le déficit a été réduit de 40 %. Avoir su maîtriser les dépenses est un motif de fierté.

En 2014, alors que nous avons pris en charge pour la première fois les traitements innovants de l'hépatite C qui ont entraîné des dépenses importantes - plusieurs centaines de millions d'euros - l'Ondam a été respecté. En 2015, alors que le coût des traitements innovants de l'hépatite C a continué de progresser avec une nouvelle génération de produits plus efficace, l'Ondam sera à nouveau tenu.

Nous prolongerons cette dynamique en 2016. Nous devrions ramener le déficit du régime général et du FSV sous la barre des 10 milliards d'euros. La Cnav devrait revenir à l'équilibre, pour la première fois depuis 2005. En 2016, le déficit de l'assurance maladie sera d'environ 6 milliards d'euros. C'est trop, mais c'est 2,6 milliards de moins qu'en 2011.

En ce qui concerne l'assurance maladie, je porte une double détermination depuis 2012 : engager des réformes structurelles, d'une part, ne jamais recourir aux franchises ou aux déremboursements, d'autre part. Pour 2016, nous avons défini une progression de l'Ondam de 1,75 %, ce qui représente un effort historique de 3,4 milliards d'euros, contre 3,2 milliards en 2015. Nous atteindrons cet objectif en mobilisant les quatre axes structurants qui nous permettent déjà de maîtriser les dépenses depuis 2012.

Il s'agit d'abord de lutter contre le gaspillage en évitant les actes inutiles ou redondants, comme les examens pré-anesthésiques, les examens biologiques ou le recours aux transports sanitaires. Nous attendons, comme en 2015, 1,2 milliard d'euros d'économies à ce titre en 2016. Il s'agit ensuite de faire baisser les prix des produits de santé et de développer les génériques. Nous avons pris l'engagement l'an dernier de stabiliser les dépenses de médicaments remboursés entre 2015 et 2017. Stabiliser, ce n'est pas diminuer drastiquement, comme je l'entends parfois : cela suppose déjà un effort. Nous trouverons les ressources pour développer des traitements innovants et les rendre accessibles à tous les patients à cette condition. Pour cela, nous reconduirons en 2016 les dispositifs de régulation des prix adoptés l'an dernier : la clause de sauvegarde permanente, le taux L et le mécanisme de régulation spécifique aux traitements de l'hépatite C. Nous poursuivrons aussi le recours aux génériques. Les médecins, en ville comme à l'hôpital, seront davantage incités à les prescrire et une campagne de communication sera lancée dans le courant du premier semestre 2016 pour sensibiliser les Français. Les pharmaciens, eux, sont engagés depuis longtemps dans cet effort. Il importe à présent de sensibiliser les Français pour faciliter le dialogue entre les professionnels de santé et leurs patients. Grâce aux baisses de prix et au développement des génériques, nous attendons un milliard d'euros d'économies en 2016, ce qui est proche des montants réalisés l'an dernier.

Nous allons aussi accroître l'efficience de la dépense hospitalière, notamment grâce aux économies d'échelle. Cette dynamique a été engagée il y a plusieurs années : l'hôpital n'est pas resté à l'écart des efforts demandés aux professionnels de santé. Les professionnels et les hôpitaux ont engagé un effort sans précédent d'évolution de leurs organisations et de leurs pratiques.

Le projet de loi de modernisation de notre système de santé prévoit, avec les groupements hospitaliers de territoires, de doter les hôpitaux d'outils nouveaux pour accompagner ces évolutions : à ce titre, 700 millions d'euros sont attendus en 2016, contre 500 millions d'euros l'an dernier. Ces économies permettent de maîtriser l'évolution de l'Ondam hospitalier, dont, pour la première fois depuis plusieurs années, l'évolution correspondra à celle de l'Ondam général : 1,75 %.

Ce PLFSS traduit aussi plusieurs engagements forts. Les ressources dédiées à la prise en charge à l'hôpital des personnes précaires seront sensiblement renforcées en 2016, en particulier dans les établissements les plus mobilisés pour ces prises en charge. En ce qui concerne les soins palliatifs, je présenterai prochainement le plan triennal souhaité par le Président de la République. Sans attendre, le PLFSS prévoit une enveloppe de 40 millions d'euros supplémentaires pour réduire les inégalités d'accès, dont nous savons qu'elles restent fortes.

Enfin, la transformation de l'hôpital passe aussi par une réforme profonde de son financement. Cette réforme a été engagée dès 2012, avec des dispositifs de soutien aux activités isolées ou la mise en oeuvre d'un financement à la qualité. Je poursuis cette dynamique dans ce PLFSS, avec la mise en place d'un modèle de financement innovant pour les soins de suite et de réadaptation (SSR) : la dotation modulée à l'activité. Concrètement, il s'agit de mettre un terme au « tout T2A » en instaurant davantage de dotation dans les financements pour plus de stabilité.

Enfin, nous favorisons le virage ambulatoire. L'innovation génère une progression très rapide dans ce domaine et permet aux patients de rester plus longtemps chez eux, auprès de leurs proches. Nous avons déjà beaucoup progressé : le taux de chirurgie ambulatoire est passé de 40 % en 2012 à 45 % en 2014. L'objectif que j'ai fixé d'une intervention chirurgicale sur deux en ambulatoire est en donc en passe d'être atteint. Avec ce texte, nous continuons à soutenir les soins de ville. Les ressources qui leur sont effectivement allouées augmenteront de 2 %. Cette progression, nettement supérieure à celle de l'Ondam global, témoigne de notre engagement à tourner davantage notre système de santé vers la ville. Nous prévoyons 500 millions d'euros d'économies liées au virage ambulatoire en 2016. C'est un peu plus que les 400 millions d'euros réalisés en 2015.

Le PLFSS est actuellement examiné par l'Assemblée nationale en commission et dans quelques semaines, c'est vous qui aurez la responsabilité de l'étudier. Je veux vous dire mon entière disponibilité, celle de mes équipes et de mes services, pour travailler avec vous, ainsi que ma totale détermination à porter ce texte de progrès pour les Français et de modernisation pour notre modèle social.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général . - Comment ne pas saluer l'effort de réduction des déficits ? Il a commencé il y a un certain temps, et il est vrai, comme l'a souligné la Cour des Comptes, qu'il se ralentit cette année. Quoi qu'il en soit, vous avez agi sur les dépenses. C'est exactement ce que notre commission avait souhaité l'an dernier. Vous avez amplifié un mouvement déjà amorcé, notamment sur les actes redondants et inutiles, qui constituent un gisement considérable d'économies, tout comme le virage ambulatoire. Vous nous avez présenté des mesures intéressantes, et en particulier celles relatives à la liaison entre ville et hôpital, porteuse elle aussi d'économies et de meilleur suivi des patients.

L'article 4 du PLFSS propose des adaptations de la clause de sauvegarde de l'Ondam. Cette réforme accroît la complexité du dispositif et son imprévisibilité : ni les entreprises ni les administrations concernées ne sont en mesure de dire si le taux L se déclenchera en 2015. Pourquoi ne pas revenir à des montants bruts de chiffre d'affaires en les pilotant par le taux d'évolution ?

Comment les caisses percevront-elles les cotisations qui leur sont dues si elles ont parmi leurs affiliés des personnes relevant des cotisations sociales d'entreprise, des professions indépendantes, d'anciens ayants droit et des personnes relevant de la couverture maladie universelle ?

Pourquoi l'article 48 prolonge-t-il les dérogations à la T2A, alors qu'il s'agit d'une inégalité entre les établissements ?

Mme Colette Giudicelli , rapporteure pour le secteur médico-social . - L'article 46 du projet de loi prévoit le transfert du financement des dépenses de fonctionnement des établissements et services d'aide par le travail (Esat) de l'Etat vers l'assurance-maladie. N'aurait-il pas été préférable de maintenir un financement par l'Etat, dans la mesure où ces structures ont une vraie vocation d'insertion dans l'emploi des personnes handicapées et de production de biens et de services marchands ? Comme l'aide au poste restera financée par l'Etat, leur pilotage ne sera-t-il pas plus difficile ? Quelles garanties l'Etat apportera-t-il à la CNSA pour assurer une compensation pérenne de ce transfert ? Il s'agit surtout de trisomiques, parfois recrutés par les villes. Certains n'ayant plus de parents, la situation serait catastrophique si les Esat ne pouvaient plus les accueillir.

M. Gérard Roche , rapporteur pour la branche vieillesse . - On ne peut que se réjouir de l'amélioration des comptes du régime de retraite. En 2010, le déficit était de 11 milliards d'euros ! La réforme de cette année-là et la loi de 2014 ont bien eu des effets. Le déficit des caisses complémentaires de retraite est entre les mains des partenaires sociaux. Le FSV, lui, enregistre toujours plus de trois milliards d'euros de déficit, car il doit compenser les cotisations de ceux qui n'ont pas de travail. Vous avez prévu par décret de l'intégrer à la Cnav. Si celle-ci devient excédentaire, devra-t-elle absorber une part de son déficit ? Est-ce la cause de votre décision ? Une compensation financière de l'Etat est-elle prévue ? La loi sur la pénibilité affectera-t-elle l'équilibre financier des régimes de retraite dans les prochaines années ?

Mme Marisol Touraine, ministre . - Ce texte est plus important que ce qu'il contient, car il est l'occasion de mesurer les efforts engagés dans les précédents PLFSS. Notre ligne constante a été de garantir la qualité des soins et celle des droits auxquels nos concitoyens peuvent prétendre, tout en restructurant notre protection sociale, en particulier l'assurance-maladie et la branche vieillesse, afin de rétablir les comptes. Tout cela réclame de la persévérance. Trop souvent, les commentateurs ne se soucient pas de la manière dont nous inscrivons notre action dans la durée. Indépendamment des mesures d'économie, les choix répétés d'année en année produisent des résultats.

La clause de sauvegarde fait l'objet de discussions avec les industriels. Au sein d'un cadre financier global défini par la loi, le mécanisme de régulation ne changera pas, mais son seuil de déclenchement sera connu début 2016.

La généralisation de la couverture maladie ne supprime en aucun cas les régimes existants : nous ne construisons pas un régime unique. Nous pensons simplement que c'est aux régimes de suivre leurs affiliés et non l'inverse. Actuellement, le régime général sert de dernier recours. A cet égard, rien ne changera, et il n'aura pas plus de mal qu'aujourd'hui à percevoir les cotisations. Un étudiant qui devient salarié, ou un détenu qui retrouve la liberté, doit parfois compter six mois avant de pouvoir faire valoir ses droits. Une femme mariée qui divorce, et qui était ayant droit de son mari, le reste pendant un an avant de bénéficier de la CMU si elle n'a pas d'activité professionnelle propre. Ces ruptures sont parfois difficiles. Pourquoi demander aux gens de démontrer leurs droits, puisque ceux-ci sont acquis ?

Vous évoquez une différence de statut entre des établissements qui ne justifierait pas des règles différentes. Il ne s'agit pas de prolonger une dérogation à la T2A mais de définir un calcul de la participation des assurés sur la base des tarifs T2A. En 2016, l'application de ce calcul entraînerait des pertes de plus d'un million d'euros pour les établissements de santé et provoquerait des changements de situations très brutaux. Le financement des établissements de santé doit évoluer pour incorporer une part forfaitaire indépendante de leur activité.

L'évolution du financement des Esat est très favorablement accueillie par les acteurs du secteur, puisque les différents établissements gérés par un même organisme auront un seul financeur, ce qui facilitera le passage d'un mode de prise en charge à l'autre. La mesure entrera en vigueur en 2017 et sera durablement compensée à l'assurance maladie. L'aide aux postes, qui reste financée par l'Etat, est une dépense de nature très différente de celle qui est transférée à l'assurance maladie. Il s'agit de financer des places et non l'activité elle-même. L'objectif recherché est d'aider le parcours de personnes handicapées d'un établissement à un autre.

Oui, nous devons nous réjouir des bonnes nouvelles concernant l'assurance vieillesse, qui n'a pas été à l'équilibre depuis douze ans. L'avenir des retraites est sans doute le sujet de préoccupation majeur des Français. A quelques jours des négociations entre les partenaires sociaux, nous souhaitons que ceux-ci trouvent un accord. Le rapprochement entre le FSV et la Cnav ne porte que sur la gestion et la gouvernance. Il ne s'agit en aucun cas d'une intégration financière du FSV à la Cnav. Ce qui relève de la solidarité restera bien distinct de ce qui relève du contributif et de l'assuranciel. Seules les règles de gestion seront homogénéisées. La pénibilité est financée par une cotisation dédiée. Son coût sera identifié. Les premiers points seront accumulés sur le compte pénibilité cette année. Ce n'est qu'à partir de fin 2016 que les premiers bénéficiaires se manifesteront. Une compensation intégrale sera versée à la Cnav, selon une montée en charge progressive.

M. Yves Daudigny . - Je salue l'objectivité du rapporteur général, qui tire toute sa finesse - comme la musique - des bémols qu'il sait apporter à ses constats. Je salue aussi la détermination habituelle de la ministre et la cohérence des dispositifs qui, année après année et texte après texte, sont progressivement mis en place.

Le rétablissement des équilibres s'opère grâce à de nouvelles recettes, mais aussi par la maîtrise des dépenses. Ainsi, la maîtrise de l'Ondam entre 2013 et 2015 représente dix milliards d'euros de moindre progression des dépenses. Comme nous pouvons attendre le même résultat pour 2015-2017, il y va de vingt milliards entre 2012 et 2017, - et je ne prends pas en compte l'exercice 2012, voté par la majorité précédente.

Pour la troisième année consécutive, en 2014, la part des dépenses de soins à la charge des ménages a reculé pour s'établir à 8,5 % contre 9,1 % en 2011. Cette diminution correspond à 1,1 milliard d'euros de réduction pour les patients.

Pour la première fois depuis 2006, la part mise à la charge des complémentaires a à nouveau baissé en 2014 et la part prise en charge par la solidarité nationale a augmenté, passant de 77,2 % en 2011 à 78 % en 2014. Tous les types de soins sont concernés, mais surtout les secteurs où la part de la prise en charge publique est inférieur à la moyenne ; en médecine de ville, la part de la solidarité nationale a augmenté de 0,5 point en 2014.

Je souscris aux objectifs que vous avez énoncés, mais le dispositif proposé dans l'article 21 aura pour conséquence inévitable une segmentation du marché des complémentaires santé. La mise en concurrence pourrait produire un effet dumping, de nature à fragiliser certaines mutuelles ; ces dernières auraient souhaité une forme de labellisation. Prévoyez-vous des modifications du texte à l'Assemblée nationale pour faire en sorte que le dispositif conjugue ces deux objectifs contradictoires que sont la mise en concurrence et la solidarité nationale ?

M. Philippe Mouiller . - La croissance prévue de l'Ondam est-elle à même de pallier le manque de places dans certains établissements accueillant les personnes handicapées, en particulier les autistes ? Il manque 50 000 places pour ces derniers.

Vous prévoyez un apport de 15 millions d'euros pour les établissements transfrontaliers, afin éviter le départ de nombreuses personnes handicapées vers des établissements belges. On estime à 250 millions d'euros le montant qui correspond, pour l'assurance maladie et les départements français, à ces places dans les établissements frontaliers concernés. Pourquoi ne pas consacrer ces sommes à la création de places supplémentaires ?

Enfin, quelles mesures avez-vous prévues dans le PLFSS pour lutter contre la désertification médicale touchant les zones rurales ?

M. Michel Amiel . - Il conviendrait de mettre en place une tarification spécifique pour les unités de soins palliatifs et les équipes mobiles intervenant en Ehpad ; aucune dépense supplémentaire n'en résulterait, car les personnes qui sortent du dispositif sont soit hospitalisées, soit placées en réanimation. Nous améliorerions ainsi la culture de soins palliatifs, qui fait défaut dans notre pays.

M. Jean-Marie Morisset . - Après avoir promis l'équilibre pour 2017, vous reportez le terme à 2020 - et le Haut Conseil des finances publiques et la Cour des comptes restent sceptiques. Nous verrons...

La suppression des exonérations sociales pour les zones de revitalisation rurales (ZRR) concerne-t-elle seulement les contrats à venir ? Les intervenants du secteur médico-social s'en inquiètent. Comment les 15 millions d'euros annoncés pour l'accueil des personnes handicapées seront-ils utilisés ? Les départements frontaliers ne sont pas seuls concernés par l'exode. Prévoyez-vous une dotation supplémentaire par lit ?

Quelles mesures pour la démographie médicale ? Nous attendons une aide pour le maintien des médecins en zone rurale.

Le dernier rapport de la Cour des comptes préconise, dans sa recommandation 36 relative aux infirmiers et masseurs-kinésithérapeutes, la mise en place d'un forfait par patient ; dans la suivante, une enveloppe par médecin. Quelle option allez-vous prendre ?

M. Daniel Chasseing . - L'augmentation de 400 millions d'euros des sommes allouées à la médicalisation des Ehpad est une mesure bienvenue, d'autant que l'explosion des indicateurs Pathos met en évidence le besoin d'infirmiers et d'aides-soignants pour les autistes, mais aussi pour la formation de personnes en maisons d'accueil spécialisées (MAS).

Un grand nombre d'Ehpad, de foyers ou de MAS sont gérés par des associations, qui bouclent souvent leur budget grâce aux exonérations prévues pour les ZRR. Leur suppression appellerait une adaptation conséquente de la dotation.

Avec 15 000 médecins retraités qui travaillent, et 25 % des jeunes médecins qui ne s'installent pas, le déficit atteindra environ 10 % en 2020 ; nous ne retrouverons la situation actuelle qu'en 2030. Les médecins roumains ne suffiront pas à résorber le déficit. Comme je l'ai dit à deux présidents de la République, il est nécessaire d'augmenter le numerus clausus de 5 à 10 % sur cinq ans.

Mme Marisol Touraine, ministre . - L'indéniable progrès que représente l'élargissement de l'accès des salariés d'entreprise à une complémentaire santé en entreprise s'accompagne mécaniquement d'une segmentation. Un fonds pour l'ensemble des non-salariés pourrait être imaginé. Les retraités voient le coût de leur complémentaire augmenter fortement en quittant leur entreprise, parce qu'ils reprennent alors à leur charge la part de l'employeur, d'où l'idée de la mise en concurrence. Il est par conséquent indispensable de faire évoluer le texte pour prendre en compte la qualité de la garantie, et pas seulement le coût, afin que les retraités puissent se repérer dans les offres. L'aide au paiement d'une complémentaire santé a entraîné des baisses de prix pouvant atteindre 40 %. Le dispositif, ici, est différent puisque le nombre de contrats sélectionnés n'est pas limité : il suffira de répondre aux critères de l'appel d'offres. Ne laissons pas le dumping et les offres low cost s'immiscer dans le marché.

L'Ondam apportera 60 millions d'euros en 2015 pour le plan autisme, monsieur Mouiller ; 14 000 places en établissement seront ouvertes aux personnes en situation de handicap d'ici quatre ans, dont 4 500 pour les autistes. Les 15 millions d'euros que j'ai évoqués viendront en sus pour financer des interventions directes auprès des personnes, un renforcement du dispositif d'accueil dans les établissements et la création de places dans les services spécialisés ou les établissements médico-sociaux. Ils amorcent la mise en place du dispositif « Zéro sans solution », traduction de l'engagement de proposer une solution adaptée à chacun. Quant aux ZRR, l'exonération pour les organismes d'intérêt général n'est pas touchée. En outre, la mesure concerne les nouveaux entrants, les personnes embauchées à compter du 1 er octobre 2015.

Je conviens avec vous que les soins palliatifs ne peuvent être strictement encadrés par la tarification à l'activité. La dotation modulée à l'activité offre des possibilités d'exploration de mécanismes de financement au parcours. Sa mise en place interviendra en priorité dans le secteur des soins palliatifs. Le financement des équipes mobiles par le fonds d'intervention régional (FIR) est global, et non corrélé au nombre d'interventions. Dans le cadre du plan « soins palliatifs », au moins trente équipes seront créées dès 2016. La prise en charge en soins palliatifs à l'hôpital sortira, quant à elle, de la tarification à l'activité et sera financée par d'autres mécanismes.

Le transfert d'une partie des soins de l'hôpital à l'ambulatoire se traduit inévitablement par une augmentation des dépenses en soins infirmiers et en kinésithérapie. Il convient néanmoins de s'assurer que ces dépenses correspondent à des soins utiles et nécessaires. Le développement de l'ambulatoire ne saurait justifier toutes les dérives.

La démographie médicale a été longuement évoquée lors de l'examen du projet de loi sur la santé ; en 2020, la situation sera plus favorable. Faire évoluer le numerus clausus est inutile si les nouveaux médecins viennent s'installer en face de mon ministère... La question ne se pose que dans les régions en déficit. Il ne faut pas tout attendre du numerus clausus. Des mesures existent déjà, d'autres seront prises dans les prochaines semaines dans le cadre du pacte territoire santé II. Ce que nous faisons pour les ophtalmologistes est destiné à favoriser leur présence dans les territoires ruraux sous-dotés (il n'y a pas de véritables déserts médicaux en France).

Mme Catherine Procaccia . - Je forme le voeu que le prix ne soit pas le seul critère de choix des complémentaires santé ; la qualité de service et la rapidité d'intervention sont essentielles, à plus forte raison dans le cadre de la généralisation du tiers payant. L'expression de « sélection non fermée par voie d'appel d'offres » n'est-elle pas quelque peu alambiquée ?

Avez-vous prévu la suppression de la délégation de gestion à la mutuelle des étudiants (LMDE) ? D'après M. Bapt, une loi est indispensable. J'ai été un peu surprise par une campagne d'affichage de la LMDE annonçant que les adhérents étaient désormais directement pris en charge par l'assurance maladie... Enfin, contrairement aux assurances de l'ancienne ministre de l'enseignement supérieur devant le Sénat, les étudiants sont encore assurés à partir du 1 er octobre, et non du 1 er septembre.

Avez-vous évalué l'économie que représentent à moyen terme les nouveaux médicaments contre l'hépatite C ? Elle est réelle, puisque les malades le resteront moins longtemps.

M. Gilbert Barbier . - La réduction des dépenses est en réalité un ralentissement de leur hausse : d'après vous, la tendance normale serait de 3,6 % par an ; mais en prenant en compte certaines données comme l'inflation presque nulle ou le prix bas du pétrole, ce chiffre est ramené à 1,7 %.

Vous avez évoqué les observations de la Cour des comptes sur les dépenses en soins infirmiers et en kinésithérapie. L'augmentation s'explique-t-elle exclusivement par le transfert de l'hospitalier à l'ambulatoire ? En dépit des normes édictées par la Haute Autorité de santé, les prescriptions de ce type de soins après la sortie de l'hôpital varient considérablement. Il y a là un problème qualitatif. Quant au sous-objectif soins de ville, je suis quelque peu perplexe. Vous affichez un objectif de croissance de 1,7 %, et de 2 % en fait.

En Franche-Comté, quatre gynécologues ont cessé leur activité cette année, pour un poste d'interne en gynécologie médicale créé. La situation est tout aussi difficile en pédiatrie. Il faudrait revoir la carte des postes d'interne compte tenu de la densité des spécialistes : il n'y a plus d'oncologue dans le Jura.

M. Jean-Louis Tourenne . - Je salue votre détermination, madame la Ministre. Une baisse du déficit conjuguée à une amélioration de l'accès aux soins : je ne boude pas mon plaisir.

Certains salariés français, comme ceux de Condor Ferries, vivent et travaillent en France mais dépendent désormais, pour leur couverture sociale, du bon vouloir de leur employeur basé à Guernesey, qui choisit souvent le moins-disant. C'est pour eux un changement douloureux.

Les urgences souffrent d'embolisation. Dans 80 % des cas, les pompiers interviennent pour des secours à la personne, le plus souvent à domicile, et pour des pathologies comme des crises d'angoisse ou des malaises vagaux ; en l'absence d'un médecin, la loi les oblige à orienter ces personnes vers les urgences. De plus, le 15 ou le 115, qui devraient rassurer ce type de patients ou les orienter vers le Samu, les dirigent vers les urgences. Dans mon département, ce sont cent personnes par jour, plus le week-end, qui arrivent ainsi aux urgences où elles n'ont rien à faire.

Mme Françoise Gatel . - Il ne suffit pas d'augmenter le numerus clausus : il faut mailler le territoire. Les communes, les intercommunalités construisent des maisons de santé qui restent parfois vides. Je prends acte de votre volonté de développer les soins palliatifs. Comment corriger les inégalités territoriales dans l'accès à ces soins ? Enfin, qu'en est-il des expérimentations en cours de services bucco-dentaires en Ehpad ?

Mme Annie David . - Je regrette que le PLFSS 2016 prolonge une politique d'austérité loin de répondre aux besoins et qu'il soit construit sur une approche comptable. Vous limitez les dépenses et réduisez les ressources en diminuant, voire en supprimant des cotisations sociales patronales. Pour les soixante-dix ans de notre sécurité sociale, ce n'est pas un beau cadeau.

Baisser les cotisations patronales n'a guère de résultats sur l'emploi, pourquoi continuer dans cette voie ? Par quels financements compensez-vous la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) qui représente 18 % des cotisations patronales ?

L'Ondam est le plus faible jamais présenté ; si vous n'atteignez pas l'objectif de baisse des dépenses pour les médicaments, il est à craindre que l'ajustement s'effectue, sous la pression du comité de surveillance, au détriment des assurés sociaux et des personnels hospitaliers. Enfin, le PLFSS confie à l'Urssaf de nouvelles missions, mais la convention d'objectifs et de gestion de l'organisme ne lui donne pas les moyens de les assurer. Comment allez-vous faire ?

Une remarque de satisfaction sur l'installation des médecins. Je défends en effet une politique plus ferme - vous m'aviez, monsieur le Président, accusée de remettre le STO au goût du jour ; je suis plus modérée, mais ces mesures sont nécessaires.

M. Michel Forissier . - Nous souscrivons à vos objectifs mais nous avons des doutes sur vos capacités à les financer. Vous avez évoqué l'accès aux soins des plus fragiles : les populations jeunes des quartiers relevant de la politique de la ville, les personnes âgées à domicile, les personnes écartées de l'emploi. Il est nécessaire de financer des soins et des actions de prévention auprès de ces publics qui, par définition, ne peuvent y contribuer. Vous n'avez rien dit de l'accompagnement des personnes âgées à domicile ; or il y a là une cause nationale à défendre.

M. Georges Labazée . - La loi arrive.

M. Michel Forissier . - Elle viendra en son temps ; mais quels sont les objectifs prévus à cet égard dans le projet de loi de financement ? Les collectivités territoriales se désengagent de la prévention. Pour ma part, je crois à la prévention de l'obésité, pour laquelle j'ai engagé voilà quatorze ans, avec une dizaine de communes réparties sur le territoire, l'action « Vivons en forme » mobilisant l'éducation nationale, la communauté médicale des territoires concernés autour d'actions du projet éducatif de territoire. De telles initiatives ont évidemment des incidences sur le budget des collectivités territoriales et appellent une implication financière à la mesure des actions de prévention.

Je crois aux études d'impact et aux graphiques plutôt qu'aux grands discours. Les courbes doivent évoluer dans le bon sens. Nous avons besoin d'un suivi technique et non, comme c'est souvent le cas, littéraire.

Mme Marisol Touraine, ministre . - Dans la formule d'une sélection non fermée par appel d'offres, « non fermée » signifie que le nombre de candidats retenus n'est pas prédéterminé. Je veux rassurer Mme Procaccia sur la délégation de gestion, l'article 39 n'en codifie pas les dispositions, il ménage la possibilité d'un retrait en cas de défaillance. Il ne s'agit pas d'une suppression générale de la délégation ; je suis prête à ce qu'un amendement le précise. La réussite de l'adossement de la LMDE au régime général a rendu nécessaire une ouverture de la couverture au 1 er octobre, mais dès l'année prochaine elle sera ouverte au 1 er septembre par un décret d'application de l'article 39.

Les nouveaux médicaments contre l'hépatite C auxquels Mme Procaccia a fait référence représentent un coût net de 600 millions d'euros en 2015. A moyen terme, les services d'hépatologie auront moins de malades atteints du VHC ; mais le temps médical libéré sera réorienté vers d'autres maladies. Nous attendons un gain plus qualitatif que financier.

M. Barbier me demande comment je peux attendre une économie par rapport à la progression naturelle des dépenses de santé, estimée à 3,6 %, alors que l'inflation est presque nulle. Il faut prendre en compte l'accroissement et le vieillissement de la population et les innovations en matière de santé, comme la télémédecine, dont la diffusion représente un coût.

Quant aux actes redondants, il faut en effet respecter les référentiels mis en place. Il existe des programmes d'accompagnement et de contrôle des professions de santé, en particulier pour la médecine de ville et la kinésithérapie. Dans cette dernière spécialité, le respect des référentiels a entraîné une économie de 50 millions d'euros.

L'Ondam pour la médecine de ville augmente de 2 %. Le chiffre de 1,7 % fait référence à la prise en charge par l'assurance maladie des cotisations sociales de certains professionnels de santé : la baisse de celles-ci entraîne automatiquement une baisse du montant de celle-là.

En gynécologie médicale, monsieur Barbier, j'ai ouvert 68 postes en 2015 et 51 en 2014, malgré l'idée très répandue que la gynécologie obstétrique suffisait à répondre aux besoins.

L'article 19 assure l'affiliation de salariés comme ceux de Condor Ferries au régime général. Nous sommes vigilants sur la couverture sociale de nos compatriotes qui travaillent pour des entreprises étrangères et signons, le cas échéant, des conventions avec les pays dont ces entreprises ressortissent.

En dix-huit mois, les relations entre les blancs et les rouges, entre les urgentistes et les pompiers se sont renforcées. Lors de mes déplacements pendant la canicule ou pendant la grippe, j'ai remercié les pompiers. La prochaine étape est d'orienter la régulation vers les professionnels de santé de ville, soit en intégrant des médecins dans les équipes de pompiers, soit en dirigeant les patients vers des maisons médicales de garde.

Les inégalités territoriales en matière de soins palliatifs sont un enjeu important du plan à venir, dont l'un des quatre axes est la priorité à donner aux régions où l'offre est insuffisante. Il conviendra d'abonder les FIR pour développer la prise en charge de proximité à domicile ou en Ehpad et développer la formation.

Dix expérimentations de soins bucco-dentaires en Ehpad ont été portées à ma connaissance, qui portent à la fois sur la prévention dans les Ehpad et sur les soins dans le Buccobus. Une évaluation sera conduite avec l'ordre des chirurgiens-dentistes, qui semble satisfait des premiers résultats.

Je veux bien établir des courbes pour M. Forissier, mais en attendant, nous avons engagé des actions en direction des personnes âgées et augmenté le nombre d'heures d'aide à domicile allouées par l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) pour un coût moindre. C'est aussi l'initiative Monalisa contre l'isolement des personnes âgées ; ce sont les parcours Paerpa (personnes âgées en risque de perte d'autonomie), mis en place dans huit régions. Enfin, les personnes âgées bénéficient, au même titre que les autres, de nos actions en matière de transport sanitaire et d'intervention à domicile ; elles ne font pas l'objet d'un Ondam à part.

Je ne vois pas ce que nous gagnerions à un dérapage des dépenses, madame David, parce qu'il entraînerait des coupes non maîtrisées. Je comprendrais parfaitement que vous contestiez notre volonté de dégager des économies sur le prix des médicaments, la mutualisation de certaines fonctions des hôpitaux ou la lutte contre les actes redondants ; mais non, nous ne manions pas le rabot.

Mme Annie David . - Vous caricaturez...

Mme Marisol Touraine, ministre . - C'est un effort d'économie, de réorganisation de nos activités, j'ai plus conscience que personne de la difficulté de l'exercice et des contraintes qu'il emporte. Nous devons l'accompagner, changer certaines habitudes de travail. Notre objectif est ambitieux mais réaliste.

L'extension des missions de l'Urssaf, d'ailleurs marginale, se traduira par l'intégration des personnes qui assurent pour le moment ces missions. Enfin, la baisse des cotisations sociales patronales liée au pacte de responsabilité sera compensée par l'Etat à l'euro près. Désormais, les allocations logement seront versées par ses soins et non plus l'assurance maladie. Cela accroît la tuyauterie, et je reconnais que nous devrons rendre le financement plus lisible.

M. Alain Milon , président . - Je vous remercie.

AUDITION DE L'AGENCE CENTRALE DES ORGANISMES DE SÉCURITÉ SOCIALE (ACOSS)

Audition de M. Jean-Louis REY, directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale

Réunie le mercredi 14 octobre 2015 sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission procède à l'audition de M. Jean-Louis Rey, directeur général de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) accompagné de M. Alain Gubian, directeur financier sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016.

M. Alain Milon , président . - Nous poursuivons nos auditions avec M. Jean-Louis Rey, directeur général de l'Acoss, accompagné de M. Alain Gubian, directeur financier. Nous avons souhaité faire le point sur l'évolution des recettes, sur la situation de la trésorerie ainsi que sur les transferts de dette à la Cades.

M. Alain Gubian, directeur financier de l'Acoss . - Par rapport aux prévisions de la commission des comptes de septembre 2014, nous avons enregistré un surcroît de recettes de 500 millions d'euros de cotisations, notamment sur le champ des travailleurs indépendants et de 400 millions d'euros de CSG, notamment sur les revenus de remplacement. Il n'y a pas de changement majeur sur les hypothèses économiques.

En revanche, pour 2015, le taux d'évolution de la masse salariale avait été estimé à 2 % en LFSS ; il a été révisé à 1,3 % en juin dernier et à 1,7 % par la commission des comptes de septembre, taux repris dans le PLFSS. Cette évolution est cohérente avec les remontées d'informations des Urssaf. Nous avons assisté à une très forte hausse de la masse salariale au premier trimestre de 0,9 % et à un contrecoup avec une évolution de 0,3 % au deuxième trimestre. L'hypothèse de 1,7 % pour l'année est donc tout à fait crédible.

Cette hypothèse crédible conforte celle d'une hausse des cotisations de 600 millions d'euros pour l'année 2015. On observe un petit retrait sur la CSG lié à un fort recul sur les produits de placement mais un léger mieux sur les revenus d'activité. Il y a peu de changement entre les prévisions de juin et celles de septembre.

Vous nous avez interrogés sur l'élasticité. C'est un sujet technique sur lequel je relèverai simplement que, quand l'écart entre le Smic et le salaire moyen par tête se creuse de 1 %, on observe un effet sur les allègements de l'ordre de - 3 %. L'effet est bien sûr inverse lorsque le Smic évolue plus vite que la moyenne des salaires.

Pour ce qui concerne les reprises de dette, le schéma arrêté en 2011, après la reprise des déficits anciens, prévoyait un plafond global de reprise des déficits de la Cnav et du FSV de 62 milliards d'euros pour les années 2011 à 2018. Les mesures prises pour le retour à l'équilibre de la branche vieillesse ayant porté leurs fruits, la loi de financement pour 2014 a élargi le champ des reprises aux autres branches. C'est ainsi qu'en 2015, sur une reprise de dette de 10 milliards, 4,4 milliards correspondaient aux reprises des déficits de 2012 de la Cnam et de la Cnaf, 0,3 milliard à l'ajustement des déficits 2013 de la Cnav et du FSV et un peu de déficit Cnam, et 5,3 milliards aux déficits 2014 de la Cnav et du FSV.

A la fin de l'année 2015, 18,3 milliards de déficits resteront portés en trésorerie à l'Acoss, pour l'essentiel des déficits 2013 et 2014 de la Cnam et de la Cnaf.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 propose de reprendre dès 2016 les montants de dettes dont la reprise était programmée en 2016, 2017 et 2018 pour un montant total de 23,6 milliards d'euros. La Cades doit être capable de lever sur les marchés 13,6 milliards de plus que les années précédentes, ce qui nécessite un calendrier de reprise sur neuf mois.

Cette mesure est une très bonne chose sur le plan économique. La Cades bénéficie de taux très faibles et pourra sécuriser pour le risque de taux une part importante de la dette. Ceci, même s'il est possible actuellement, à court terme, d'emprunter à des taux négatifs pour l'emprunteur. L'Acoss, comme les autres administrations publiques, a une excellente note à court terme.

M. Jean-Louis Rey, directeur général de l'Acoss . - A titre d'exemple, les 28,5 milliards d'euros empruntés en moyenne par l'Acoss en 2015 ont représenté un gain compris entre 5 et 10 millions d'euros.

M. Alain Gubian . - A ce stade, la reprise des déficits résiduels de l'année 2016 et des années suivantes n'est pas organisée.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général . - Quels sont les montants en cause ?

M. Alain Gubian . - A la fin 2016, il restera 8,2 milliards de déficits des années antérieures auxquels s'ajouteront les déficits non repris de l'année 2016, pour un total de 30 milliards à la fin de période de programmation. Il s'agit de la dette du régime général, à laquelle il convient d'ajouter 4 milliards de dette du régime agricole.

Le plafond d'emprunt de l'Acoss est ajusté au calendrier de reprise de dette. De 36,3 milliards en 2015, il est porté à 40 milliards, sous l'effet de la dette de la branche vieillesse du régime agricole, jusqu'à la mi-année. Il est ensuite abaissé à 30 milliards d'euros, une fois la reprise de dette opérée.

Voici les principales observations qu'appellent les questions que vous nous aviez adressées.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général . - La rédaction de l'article 11, relatif à la proportionnalité des redressements lorsque les régimes de protection sociale complémentaire d'entreprises perdent le bénéfice de l'exclusion d'assiette, vous semble-t-elle suffisamment claire pour être véritablement protectrice des cotisants. Il y est notamment fait mention de « tout autre document » ou encore de « méconnaissance des règles d'une particulière gravité ».

L'article 12 prévoit le transfert aux Urssaf du recouvrement des cotisations maladie des professions libérales, jusqu'ici assuré par les organismes conventionnés du RSI. Ce transfert vous semble-t-il pouvoir s'opérer sans répéter la crise de l'interlocuteur social unique ?

Dans le cadre de la protection universelle maladie, comment procéderont les différents régimes pour retracer les cotisations ouvrant des droits?

M. Jean-Louis Rey . - L'article 11 permet la proportionnalité des redressements opérés lors du contrôle des régimes complémentaires d'entreprise. L'enjeu est important car l'assiette est considérable, 18,3 milliards, avec un enjeu de 5,3 milliards d'euros de cotisations en 2015. Nous sommes très favorables à cet article car ces contrôles sont source de difficultés permanentes. Le cadre légal actuel ne permet pas la proportionnalité, cet article va donc dans le bon sens. La notion de « tout autre document justificatif » est déjà connue, notamment aux articles R. 242-1 et suivants du code de la sécurité sociale, elle ne soulève pas de difficulté particulière. Les entreprises y sont habituées, il n'y a pas de liste de pièces justificatives. En revanche la notion de « méconnaissance d'un particulière gravité »  est nouvelle et n'est pas définie. Une première solution serait, qu'au minimum, une circulaire indique les cas précis dans lesquels elle peut s'appliquer. L'autre solution serait d'y renoncer en considérant que le premier cas visé par l'article est suffisant.

Pour ce qui concerne l'article 12, je suis surpris que vous me parliez de l'ISU. Cet article ne met pas les professions libérales dans l'ISU. Seules les Urssaf seront acteurs de ce recouvrement, par une délégation complète du RSI. Un des enjeux, que vous avez bien identifié, est celui des flux retours d'informations sur les cotisations effectivement recouvrées vers les organismes conventionnés pour qu'ils puissent servir les prestations. C'est un sujet que nous avons traité avec le RSI et nous sommes aujourd'hui en mesure d'assurer des flux retours de qualité. Je ne suis pas en mesure de vous dire quel est le nombre de personnels qui pourrait être concerné par une intégration aux Urssaf. Il est probable qu'à l'issue du processus, ils seront peu nombreux. Les deux organismes concernés ont une activité en Ile-de-France où l'Urssaf emploie 2 700 personnes et a la capacité d'absorber quelques dizaines d'unités. Je n'ai pas le souvenir qu'une indemnité ait été versée aux organismes conventionnés lors du transfert à l'ISU du recouvrement des cotisations des travailleurs indépendants mais ce serait à vérifier.

Avec la protection universelle maladie (Puma), la cotisation à la CMU de base va disparaître au profit de la cotisation Puma, due individuellement et assise sur les revenus du capital. Pour la gestion de la nouvelle cotisation, un flux d'information sera organisé directement depuis la DGFIP et n'impliquera plus les CPAM. Ce seront les Urssaf qui interrogeront chaque année les intéressés sur leur régime d'affiliation.

M. Jean-Noël Cardoux . - Pouvez-vous préciser la composition du stock résiduel de dette de 30 milliards, dont je voudrais rappeler qu'il reste exposé à une hausse des taux d'intérêt à court terme, qui finira forcément par intervenir, la situation idyllique actuelle n'étant pas appelée à perdurer ? La principale source de dysfonctionnement du RSI réside dans l'inadaptation des systèmes d'information utilisés. Où en sommes-nous de ce chantier ?

Mme Annie David . - L'ensemble des chiffres annoncés et les questions du rapporteur général figureront bien au compte-rendu ?

Mme Pascale Gruny . - Je voudrais des précisions sur l'état d'avancement de la déclaration sociale nominative. Elle est présentée comme une source de diminution du travail administratif des entreprises mais c'est aussi le cas pour les Urssaf. Elle représente un coût pour les entreprises, qui doivent investir de l'ordre de 10 000 euros. Pour les plus petites, c'est difficile.

M. Alain Gubian . - A la fin de la période visée par l'annexe C, en 2018, la dette portée par l'Acoss serait de 30 milliards d'euros, auxquels il faut ajouter 4 milliards d'euros de dette agricole. L'Acoss porte cette dette pour optimiser la trésorerie de la MSA mais cela ne résout pas le problème sur le fond.

M. Jean-Louis Rey . - La CCMSA entretient une relation traditionnelle avec le Crédit agricole, aujourd'hui présent au sein d'un pool bancaire, mais les conditions sont plus onéreuses qu'un financement sur les marchés.

Mme Nicole Bricq . - C'est de bonne gestion.

M. Alain Gubian . - Nous sommes optimistes quant à l'évolution des taux courts à horizon de l'année qui vient, en raison de la faiblesse de la croissance. En cela, les prévisions sont difficiles.

M. Jean-Noël Cardoux . - Ne serait-il pas opportun de relever le plafond des transferts à la Cades afin d'anticiper un dérapage des taux ?

M. Jean-Louis Rey . - Cela impliquerait de lui attribuer des ressources supplémentaires. C'est une équation de prélèvements obligatoires.

Il y a de réels problèmes de systèmes d'information pour gérer l'ISU ; ils sont anciens et doivent évoluer. L'essentiel des opérations de recouvrement s'effectuent dans des conditions normales. Le système d'information n'est pas défaillant, sinon cela ne serait pas tenable, mais les choses doivent évoluer. Dans les deux années qui viennent, des avancées technologiques significatives seront opérées. D'ici à 2018, le système d'information ne sera plus un sujet. Le sujet est pris en main en étroite concertation avec le RSI.

50 000 entreprises mettent en oeuvre la déclaration sociale nominative. Ce nombre est certes inférieur au 1,5 million attendu. Mais ces entreprises emploient 9 des 17 millions de salariés. La DSN fonctionne très bien. Passé un temps de 2 à 3 mois d'apprentissage, il n'y a pas de difficultés particulières. Nous allons reporter d'un an la généralisation prévue au 1 er janvier 2016. Il y a deux difficultés dans ce dossier. La première, c'est la difficulté des éditeurs de logiciel à mettre sur le marché de bons produits. Ils ont sous-estimé l'ampleur de la tâche et les premiers produits n'étaient pas au niveau. Ce sujet est sur le point d'être clos. La seconde difficulté, c'est le comportement des experts comptables qui n'ont pas donné les signes nécessaires pour accompagner cette réforme. Il ne s'est rien passé depuis un an. Seules 450 entreprises sont accompagnées par un expert-compatble. Ces professionnels ont été resensibilisés il y a quelques jours et ont pris des engagements. Leurs logiciels sont prêts, c'est une question plus politique. Cette profession vit de la complexité.

Mme Pascale Gruny . - Il en reste, qu'ils ne s'inquiètent pas !

M. Jean-Louis Rey . - C'est de la sociologie. Pour ce qui concerne les logiciels, 10 000 euros, c'est totalement exorbitant pour mettre en place la DSN. Il n'y a aucune autorité de régulation de la qualité et du coût des logiciels.

Les entreprises qui ont intégré la DSN en sont très satisfaites et commencent à calculer leur retour sur investissement. C'est une vraie simplification. Dans l'immédiat, le retour est moindre pour les organismes de recouvrement, qui ont réalisé de gros investissements mais, dès l'année prochaine, avec la suppression de la DADS, il y aura des bénéfices pour tout le monde. D'ici à quelques années, on pourra en tirer.

M. Alain Milon , président . - Les experts-comptables n'ont rien à ajouter ?

M. Jean-Noël Cardoux . - Je suis tout à fait d'accord. J'ai moi-même été pris à partie pour mon intervention à la tribune du Cese, où je représentais le président Larcher pour la présentation du rapport qu'il avait demandé sur le RSI, pour avoir rappelé l'engagement pris devant notre collègue Jean-Pierre Godefroy et moi-même, par le président de l'ordre, qui a changé depuis, engagement qui n'a pas été suivi d'effet. Il s'agissait d'inciter, via l'édition d'une norme professionnelle, à recourir à un dispositif dont je suis persuadé qu'il est de nature à répondre à bien des difficultés : la possibilité de limiter, sous sa responsabilité, ses acomptes et de passer, lors du constat d'un bon résultat, les cotisations sociales en provisions afin d'en limiter l'impact fiscal. Je ne peux pas contredire ce que vous exprimez.

M. Alain Milon , président . - Il me reste à vous remercier pour l'intérêt de votre exposé et de vos réponses.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

__________

• Association générale des institutions de retraite des cadres - Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (Agirc-Arrco)

François-Xavier Selleret , directeur général

Pierre Chaperon , directeur de cabinet

• Fonds de réserve des retraites (FRR)

Alain Vasselle , président du conseil de surveillance

Yves Chevalier , membre du directoire

• Fonds de solidarité vieillesse (FSV)

Bernard Billon , directeur

Frédéric Favié , directeur adjoint

• Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades)

Patrice Ract-Madoux , président du conseil d'administration

Geneviève Gauthey , inspecteur des finances publiques, chargée des affaires budgétaires et de la communication

• Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (Unédic)

Vincent Destival , directeur général

Pierre Cavard , directeur des études et analyses

• Comité économique des produits de santé (CEPS)

Dominique Giorgi , président

• Direction générale des douanes

Hélène Crocquevieille , directrice générale des douanes et droits indirects

Jean-Michel Thillier , chef de service, adjoint à la directrice générale

Corinne Cleostrate , sous directrice des droits indirects

Laurence Jaclard , chargée de mission - relations institutionnelles

• Direction de la sécurité sociale (DSS)

Thomas Fatome , directeur de la sécurité sociale

Virginie Leheuzey , chef du bureau des prestations familiales et des aides au logement

• Régime social des indépendants (RSI)

Stéphane Seillier , directeur général de la caisse nationale

Philippe Magrin , président de la caisse de la protection sociale et des études techniques (CPSET), président de la caisse RSI Bretagne.

Olivier Maillebuau , chargé de mission auprès du Cabinet de la Présidence

• Les Entreprises du Médicament (LEEM)

Patrick Errard, président

Philippe Lamoureux, directeur général

Eric Baseilhac, directeur des affaires économiques et internationales

Marianne Bardant, conseiller juridique et fiscal


* 1 « 1. Le présent règlement s'applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent :

a) les prestations de maladie et de maternité ;

b) les prestations d'invalidité, y compris celles qui sont destinées à maintenir ou à améliorer la capacité de gain ;

c) les prestations de vieillesse ;

d) les prestations de survivants ;

e) les prestations d'accident du travail et de maladie professionnelle ;

f) les allocations de décès ;

g) les prestations de chômage ;

h) les prestations familiales.

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