Rapport n° 134 (2015-2016) de M. Gérard DÉRIOT , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 4 novembre 2015

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N° 134

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 novembre 2015

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, de financement de la sécurité sociale pour 2016 ,

Par M. Gérard DÉRIOT,

Sénateur,

Rapporteur.

Tome VI :

Accidents du travail et maladies professionnelles

(1) Cette commission est composée de : M. Alain Milon , président ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général ; M. Gérard Dériot, Mmes Colette Giudicelli, Caroline Cayeux, M. Yves Daudigny, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Gérard Roche, Mme Laurence Cohen, M. Gilbert Barbier, Mme Aline Archimbaud , vice-présidents ; Mme Agnès Canayer, M. René-Paul Savary, Mme Michelle Meunier, M. Jean-Louis Tourenne, Mme Élisabeth Doineau , secrétaires ; M. Michel Amiel, Mme Nicole Bricq, MM. Olivier Cadic, Jean-Pierre Caffet, Mme Claire-Lise Campion, MM. Jean-Noël Cardoux, Daniel Chasseing, Olivier Cigolotti, Mmes Karine Claireaux, Annie David, Isabelle Debré, Catherine Deroche, M. Jean Desessard, Mme Chantal Deseyne, M. Jérôme Durain, Mmes Anne Emery-Dumas, Corinne Féret, MM. Michel Forissier, François Fortassin, Jean-Marc Gabouty, Mme Françoise Gatel, M. Bruno Gilles, Mmes Pascale Gruny, Corinne Imbert, MM. Éric Jeansannetas, Georges Labazée, Jean-Baptiste Lemoyne, Mmes Hermeline Malherbe, Brigitte Micouleau, Patricia Morhet-Richaud, MM. Jean-Marie Morisset, Philippe Mouiller, Louis Pinton, Mmes Catherine Procaccia, Stéphanie Riocreux, M. Didier Robert, Mme Patricia Schillinger, MM. Michel Vergoz, Dominique Watrin, Mme Evelyne Yonnet .

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

3106 , 3127 , 3129 et T.A. 600

Sénat :

128 , 134 tomes I à VIII et 139 (2015-2016)

LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR
POUR LA BRAN CHE ACCIDENTS DU TRAVAIL ET MALADIES PROFESSIONNELLES


Les observations du rapporteur
sur la branche accidents du travail et maladies professionnelles


• Par la voix de son rapporteur, Gérard Dériot, la commission se félicite du maintien d'une trajectoire excédentaire qui devrait rendre possible un apurement de la dette de la branche dès 2016.


• Elle réitère cependant la double réserve émise l'année dernière au sujet du désengagement de l'État du financement du Fiva, d'une part, et du montant significatif du versement de la branche AT-MP à la branche maladie au titre de la sous-déclaration des maladies professionnelles, d'autre part.


• Elle déplore l'annonce d'un nouveau transfert en faveur de la branche maladie à hauteur d'un demi-milliard d'euros en 2016 et 2017. La hausse incessante des dépenses de transferts à la charge de la branche AT-MP contrarie les travaux engagés pour renforcer l'incitation à la prévention auprès des employeurs.


• La commission constate par ailleurs que le projet de loi ne comporte aucune mesure nouvelle de couverture des risques professionnels.


Compte tenu de ces éléments, la commission émet un avis défavorable à l'adoption des objectifs de dépenses de la branche AT-MP pour 2016.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) se distingue des autres branches de la sécurité sociale par les spécificités de son mode d'organisation et de financement. Presque exclusivement financée par des cotisations employeurs, elle a vocation à être structurellement équilibrée conformément à un principe assurantiel établi bien avant l'intégration des risques professionnels à la sécurité sociale en 1946.

Le retour aux excédents depuis 2013 permet d'envisager un apurement de la dette de la branche dès l'année prochaine. Ces résultats n'auraient pas été atteints sans l'ajustement régulier des taux de cotisations et le maintien d'un dialogue social fructueux au sein de la branche.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 prévoit cependant la mise en place d'un nouveau transfert de 500 millions d'euros en deux ans en faveur de la branche maladie au titre de « l'approche solidaire entre branches ». Comme les autres dépenses de transferts, qui représentent aujourd'hui 20 % des charges de la branche, ce transfert sera entièrement supporté par la part mutualisée des cotisations employeurs.

Votre commission ne peut s'accommoder d'un tel ajustement comptable dont les justifications avancées font craindre qu'il devienne pérenne ou, du moins, réitérable. La hausse des dépenses de transfert est en effet de nature à affaiblir l'ensemble des efforts entrepris pour renforcer la logique de prévention des risques professionnels qui doit rester au coeur des ambitions poursuivies par la branche.

A cet égard, l'approche retenue par le Gouvernement est contradictoire avec les ambitions définies dans la convention d'objectifs et de gestion de la branche pour 2014-2017, et plus encore dans le troisième plan Santé au travail pour 2015-2019. Arrêté fin 2014 par les partenaires sociaux dans une démarche de consensus, ce plan érige la prévention au rang de priorité absolue pour la branche afin de permettre l'appropriation des enjeux de santé publique par l'ensemble des acteurs de l'entreprise.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. UNE ÉVOLUTION DE LA SINISTRALITÉ MARQUÉE PAR LA HAUSSE PERSISTANTE DES MALADIES PROFESSIONNELLES

La diminution de la fréquence et de la gravité des sinistres d'origine professionnelle constitue un enjeu de tout premier plan de la branche AT-MP. Derrière la baisse des niveaux de sinistralité observée au cours du temps se profilent cependant des évolutions différenciées selon le type de risque, et l'ampleur toujours croissante des maladies professionnelles ne cesse d'interpeller votre commission.

Figure n° 1 : Evolution du nombre d'accidents du travail, d'accidents de trajet et de maladies professionnelles reconnus au régime général de 2008 à 2014

Catégorie
de sinistres

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014 (p)

En % entre 2008
et 2014

Accidents
de travail

1 132 400

1 021 400

996 900

1 001 500

943 000

904 200

895 600

- 20,9

dont accidents de travail avec arrêt

704 000

651 500

658 800

669 900

640 900

618 300

621 100

- 11,8

Accidents de trajet

125 300

129 700

137 600

133 400

123 000

129 700

119 400

- 4,7

dont accidents
de trajet avec arrêt

87 900

93 800

98 400

100 000

90 100

93 400

86 700

- 1,4

Maladies professionnelles

62 000

71 600

71 400

80 400

71 600

68 100

67 700

+ 9,2

dont maladies professionnelles avec arrêt

45 400

49 300

50 700

55 100

54 000

51 500

51 600

+ 13,7

TOTAL AT-MP

1 319 700

1 222 600

1 205 900

1 215 300

1 137 600

1 102 000

1 082 700

- 18

dont AT-MP
avec arrêt

837 200

794 600

808 000

825 000

785 000

763 100

759 500

- 9,3

Source : Annexe 1 au PLFSS pour 2016 (programme de qualité et d'efficience de la branche AT-MP), page 15

En 2014, près de 1,082 million d'accidents du travail, d'accidents de trajet et de maladies professionnelles ont été reconnus au régime général, ce qui représente une baisse de 1,8 % par rapport à 2013 et de 3,2 % en moyenne annuelle entre 2008 et 2014. Sur ce total, près de 70 % ont entraîné un arrêt de travail, contre 63 % en 2008.

La diminution globale des sinistres reste cependant largement imputable aux accidents du travail qui représentent près de 82 % des sinistres ayant fait l'objet d'un premier règlement au régime général en 2014.

A. LA POURSUITE DE LA TENDANCE DE LONG TERME À LA DIMINUTION DES ACCIDENTS DU TRAVAIL

La diminution des accidents du travail est une tendance de long terme engagée dans le milieu des années 1960, que la période récente n'a pas démentie.

Au cours des six dernières années, le nombre total d'accidents du travail s'est en effet contracté de 21 %, pour s'établir à moins de 896 000 en 2014 contre plus de 1 132 000 en 2008. Le nombre d'accidents ayant entraîné un arrêt de travail s'est quant à lui stabilisé à 700 000 en moyenne dans les années 1990 puis à environ 650 000 entre 2008 et 2012. Il est estimé à environ 621 000 en 2014, soit une contraction de 12 % par rapport à 2008.

Trois causes principales expliquent cette évolution, sans qu'il soit possible de déterminer avec précision la contribution respective de chacune : l'accroissement indéniable des efforts de prévention, l'effet de structure lié à la réduction du poids du secteur industriel, le plus « accidentogène », dans l'économie française, et la dégradation de la conjoncture économique en ce qui concerne la dernière décennie.

1. Fréquence et gravité des accidents du travail

En 2014, l'indice de fréquence des accidents du travail ayant entraîné un arrêt de travail s'établit à 34 pour 1 000 salariés contre 42,8 en 2001, soit une baisse de 21 % sur la période. La fréquence des accidents du travail ayant entraîné une incapacité permanente diminue elle aussi, avec une baisse de 25 % entre 2001 et 2014.

Figure n° 2 : Indices de fréquence et de gravité des accidents du travail de 2001 à 2014 (pour 1 000 salariés)

2001

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Accidents du travail avec arrêt

42,8

39,4

39,4

38,0

36,0

36,0

36,2

35,0

33,8

34,0

AT ayant entraîné une IP

2,5

2,6

2,5

2,4

2,4

2,3

2,2

2,2

2,1

2,0

AT avec décès

n.d

n.d

n.d

0,03

0,03

0,03

0,03

0,03

0,03

0,03

Source : Annexe 1 au PLFSS pour 2016 (programme de qualité et d'efficience de la branche AT-MP), page 38

Les indicateurs statistiques semblent refléter de moins bons résultats en ce qui concerne la gravité des accidents.

Selon le programme de qualité et d'efficience annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, le taux moyen d'incapacité partielle permanente (IPP) des accidents du travail est stable depuis 2011 (10,2 % en 2014) mais stagne à un niveau supérieur à celui du milieu des années 2000 (9,8 % en 2005).

Quant au nombre de journées de travail perdues en raison d'un accident du travail, en nette progression depuis 2001, il s'élève à 1,42 journée pour 1 000 heures travaillées en 2014 contre 1,38 en 2013 et 1,06 en 2001.

Cette évolution ne reflète cependant pas uniquement un accroissement de la gravité des accidents car elle résulte en partie d'une meilleure reconnaissance par les médecins prescripteurs des dommages subis par les victimes.

2. Secteurs d'activité concentrant les plus forts risques

La majorité des accidents du travail avec arrêt se concentre dans quelques secteurs bien identifiés :

- les activités de services II et de travail intérimaire (24 % du nombre total d'accidents en 2014) ;

- les services, commerces et industries de l'alimentation (18 %) ;

- le secteur du BTP (16 %) ;

- et le secteur des transports, eau, gaz et électricité (EGE), livre et communication (14 %).

Les secteurs les plus « accidentogènes » sont le BTP (64 accidents avec arrêt pour 1 000 salariés en 2014), suivi du secteur des services, commerces et industries de l'alimentation (47 pour 1 000), des industries du bois, ameublement, papier carton et du secteur des transports, EGE, livre et communication (43 pour 1 000).

Dans ces secteurs, l'indice de fréquence des accidents du travail avec arrêt continue cependant de diminuer en 2014 pour s'établir à 52,6 accidents pour 1 000 salariés en moyenne. Il est en diminution sensible depuis le début des années 2000 (- 1,84 % en moyenne annuelle).

B. UNE BAISSE DES ACCIDENTS DE TRAJET EN 2014

L'évolution des accidents de trajet apparaît quant à elle plus fluctuante. Après une augmentation de près de 6,5 % entre 2008 et 2011, leur nombre a diminué de 8 % en 2014 par rapport à 2013. Le nombre d'accidents de trajet avec arrêt est revenu l'année dernière à un niveau quasi identique à celui de 2008.

De la même façon, l'indice de fréquence des accidents de trajet, qui a connu des évolutions contrastées entre 2008 et 2014, a retrouvé en 2014 le niveau enregistré avant 2009, avec 4,7 accidents pour 1 000 salariés.

Figure n° 3 : Indice de fréquence des accidents de trajet (pour 1 000 salariés)

2001

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Accidents de trajet
avec arrêt

5,0

4,7

4,7

4,7

5,1

5,2

5,3

4,8

5,0

4,7

AT ayant entraîné une IP

0,5

0,5

0,5

0,4

0,5

0,4

0,5

0,4

0,4

0,4

AT avec décès

n.d

n.d

n.d

0,02

0,02

0,02

0,02

0,02

0,02

0,02

Source : Annexe 1 au PLFSS pour 2016 (programme de qualité et d'efficience de la branche AT-MP), page 38

Comme l'indique la commission des comptes de la sécurité sociale dans son rapport de septembre 2015, cette tendance « peut être expliquée, bien que de façon partielle, par une amélioration de la sécurité routière : le nombre d'accidents corporels impliquant un véhicule automobile a baissé de près d'un tiers entre 2005 et 2014. Ainsi, à l'inverse des autres sinistres indemnisés par la branche, l'évolution du nombre d'accidents de trajet dépend davantage de facteurs exogènes que des efforts de prévention déployés par les employeurs . »

Les secteurs d'activité dans lesquels les accidents de trajet avec arrêt sont les plus nombreux en valeur absolue sont les services :

- activités de service II (action sociale, santé, nettoyage...) et de travail temporaire (26 % de l'ensemble des accidents de trajet). La fréquence des accidents de trajet avec arrêt y est également la plus élevée (6,8 pour 1 000 employés en 2014) ;

- activités de services I (banques, assurances, administrations...) (19 %) ;

- et services, commerces et industries de l'alimentation (18 %).

C. LA HAUSSE CONTINUE DES MALADIES PROFESSIONNELLES

D'un peu plus de 55 000 en 2007, le nombre de maladies professionnelles reconnues au régime général a été porté à 80 400 en 2011, soit une hausse de 46 % sur la période.

1. Evolution du nombre total de maladies professionnelles reconnues au régime général

Pour faire reconnaître l'origine professionnelle de sa maladie dans les conditions du droit commun, un salarié doit remplir quatre critères précisés dans l'un des 98 tableaux de maladies professionnelles annexés au code de la sécurité sociale :

- souffrir de l'une des maladies qui y sont énoncées ;

- respecter le délai de prise en charge qui correspond à la durée maximale entre la cessation de l'exposition et la survenue de la maladie (et, pour certains tableaux, la durée minimale d'exposition à la nuisance responsable de la maladie) ;

- exercer ou avoir exercé l'un des travaux mentionnés dans le tableau ;

- être ou avoir été exposé à la nuisance précisée dans le titre du tableau.

Toute affection qui répond à ces conditions est systématiquement présumée d'origine professionnelle, sans qu'il y ait besoin d'en établir la preuve.

Entre 2008 et 2014, le nombre de maladies professionnelles reconnues au régime général affiche une croissance de plus de 9 %. Sur la même période, le nombre de maladies professionnelles avec arrêt progresse lui aussi de manière soutenue (+ 13,7 %). La hausse a été largement concentrée sur la période 2008-2011, marquée par un doublement. La baisse entamée en 2012 et qui se poursuit en 2014 pourrait indiquer une rupture de tendance mais l'importance de cette évolution ne pourra être appréciée que sur une période plus longue.

Le nombre de maladies professionnelles nouvellement reconnues est largement tiré à la hausse par les troubles musculo-squelettiques (TMS), en particulier les affections péri-articulaires. Sur les 51 631 maladies professionnelles avec arrêt dénombrées en 2014, 79 % sont des TMS, 7 % sont des maladies dues à l'amiante, 7 % des affections chroniques du rachis lombaire et 7 % des maladies diverses (notamment, surdité, allergies ou encore affections respiratoires).

Figure n° 4 : Une croissance des maladies professionnelles portée par les troubles musculo-squelettiques, en particulier par les affections péri-articulaires (maladies professionnelles du tableau 57)

Figure n° 5 : La part des TMPS passe de 26 % en 1990 à 87 % en 2014

Source : Réponses de la Cnam-AT-MP au questionnaire de votre rapporteur

La fréquence des maladies professionnelles est relativement stable depuis 2009 mais elle a doublé par rapport à son niveau de 2001.

Figure n° 6 : Indice de fréquence des maladies professionnelles (pour 1 000 salariés)

2001

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Maladies professionnelles
avec arrêt

1,4

2,4

2,4

2,5

2,7

2,7

2,9

2,9

2,8

2,8

MP ayant entraîné une IP

0,6

1,3

1,2

1,2

1,3

1,4

1,5

1,6

1,5

1,4

MP avec décès

n.d

n.d

n.d

0,02

0,03

0,03

0,03

0,03

0,02

0,02

Source : Annexe 1 au PLFSS pour 2016 (programme de qualité et d'efficience de la branche AT-MP), page 38

Les secteurs où la sinistralité est la plus importante sont les industries du bois, ameublement et papier-carton (6,7 maladies professionnelles nouvellement reconnues pour 1 000 employés en 2014), devant le secteur des services, commerces et industries de l'alimentation (4,4 pour 1 000).

En tant que telle, la croissance du nombre de maladies professionnelles reconnues n'indique pas nécessairement une aggravation de l'état de santé des salariés car ce nombre est particulièrement sensible aux évolutions réglementaires et aux modifications apportées aux critères inscrits dans les tableaux de maladies professionnelles. Elle renvoie également à la meilleure information dont bénéficient progressivement, quoique encore insuffisamment, tant les médecins que les salariés sur les règles de reconnaissance en vigueur. Les spécificités des maladies professionnelles, comme les délais de latence entre l'activité professionnelle et l'apparition de la maladie, rendent par ailleurs plus difficiles les enseignements à tirer de l'évolution de l'indicateur de fréquence.

2. Maladies professionnelles reconnues par dérogation

Parallèlement à la procédure de droit commun, deux voies dérogatoires, prévues aux alinéas 3 et 4 de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, autorisent depuis 1993 la reconnaissance du caractère professionnel de maladies qui ne répondent pas aux critères définis dans les tableaux ou qui n'y figurent pas 1 ( * ) :

- en vertu de l'alinéa 3 , si une ou plusieurs des conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau, peut être reconnue d'origine professionnelle par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime ;

- l' alinéa 4 prévoit que le CRRMP peut également reconnaître le caractère professionnel d'une maladie non désignée dans un tableau, lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne une incapacité permanente d'un taux d'au moins 25 % ou le décès.

Ces procédures dérogatoires aboutissent à une progression toujours plus importante du nombre de maladies dont l'origine est reconnue comme professionnelle. Plus de 7 700 maladies, soit 15 % de l'ensemble des maladies professionnelles nouvellement reconnues, ont été considérées comme d'origine professionnelle au titre des alinéas 3 et 4 en 2014. Ce nombre a augmenté de 3 400 depuis 2006.

En 2014, les CRRMP ont donné 7 118 avis favorables sur le fondement de l'alinéa 3. Ce nombre est en très légère augmentation par rapport à 2013, après une hausse de plus de 68 % entre 2006 et 2013. Quant au nombre de maladies professionnelles reconnues au titre de l'alinéa 4, après une multiplication par deux entre 2006 et 2012, il a augmenté de près de 25 % entre 2013 et 2014.

Figure n° 7 : Nombre de maladies professionnelles reconnues par dérogation aux critères des tableaux (alinéa 3) et en dehors des tableaux (alinéa 4)

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Evolution 2006-2014 en %

Pathologies reconnues au titre de l'alinéa 3

4 169

4 181

4 675

5 463

5 913

6 564

7 598

7 021

7118

+ 70,7

Affections rhumatologiques

3 158

3 150

3 634

4 429

4 926

5 527

6 501

6 002

6120

+ 93,8

Affections amiante

509

524

458

462

466

510

515

492

476

- 6,5

Surdité

285

245

272

248

233

230

249

199

244

- 14,4

Affections respiratoires

151

84

166

113

146

158

176

162

119

-21,2

Affections de la peau

28

16

26

79

29

37

38

30

25

- 10,7

Autres pathologies

38

162

119

132

113

102

119

136

134

+ 252,6

Pathologies reconnues au titre de l'alinéa 4

150

176

186

227

235

258

299

491

612

+ 308

Source : Annexe 1 au PLFSS pour 2016 (programme de qualité et d'efficience de la branche ATMP), pages 50 et 52

La hausse du nombre d'avis donnés est essentiellement due à l'augmentation des avis donnés pour des affections rhumatologiques qui représentent 91 % des demandes traitées avec un taux de reconnaissance de 39 %.

Au titre de l'alinéa 3, quatre tableaux de MP représentent à eux seuls près de 95 % des avis donnés par les CRRMP pour le régime général :

- les affections péri-articulaires provoquées par certains gestes et postures (tableau MP 57), qui représentent plus de trois-quarts des avis ;

- les affections chroniques du rachis lombaire, dues à la manutention manuelle de charges lourdes (tableau MP 98), avec 12 % des avis ;

- les affections professionnelles consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante (tableaux MP 30 et 30 bis), près de 4 % des avis.

Pour l'ensemble de ces tableaux, le pourcentage de reconnaissance est en augmentation par rapport à 2013.

Au titre de l'alinéa 4, trois groupes de pathologies représentent 88 % des demandes soumises :

- les affections psychiques qui continuent d'augmenter (les 693 demandes représentent 35 % des dossiers soumis et le taux d'avis favorables est de 49 %) ;

- les affections malignes, qui restent stables ;

- les 611 pathologies ostéo-articulaires représentent 31 % des demandes traitées.

Avec 612 avis favorables sur les 1963 avis donnés, le pourcentage d'avis favorables rendus au titre de l'alinéa 4 dépasse 30 % pour la première fois depuis trente ans.

3. La question de la reconnaissance du « burn-out »

L'article 27 de la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi 2 ( * ) a consacré explicitement la possibilité de reconnaître l'origine professionnelle de certaines pathologies psychiques par la voie dérogatoire.

En l'état actuel du droit, seules des pathologies physiques peuvent en effet faire l'objet d'une reconnaissance sur le fondement des tableaux de maladies professionnelles. Selon l'étude réalisée par l'Eurogip 3 ( * ) , cette situation n'est pas propre à la France ; aucun pays européen étudié ne fait figurer des pathologies psychiques dans la liste des maladies professionnelles.

Dans les faits, dans un nombre croissant de cas, la procédure dérogatoire permet toutefois d'ores et déjà de prendre en compte l'origine professionnelle de certaines affections psychiques.

Les troubles psycho-sociaux représentent d'ailleurs les affections pour lesquelles les CCRMP ont eu à se prononcer le plus souvent au titre de l'alinéa 4 en 2014 (693 demandes).

Le nombre de reconnaissances d'une affection psychique au titre d'une maladie professionnelle a ainsi quasiment quadruplé en l'espace de deux ans (339 reconnaissances en 2014, après 239 en 2013 et 90 en 2012). Le nombre d'avis favorables des CRRMP relatifs à des affections psychiques s'est accru de 73 % entre 2010 et 2014 pour les dépressions, de 13 % pour les troubles anxieux et de 13,4 pour les états de stress post-traumatique.

Figure n° 8 : Nombre d'avis favorables des CRRMP relatifs à des affections psychiques de 2010 à 2014

Année

2010

2011

2012

2013

2014

Cumul
sur 5 ans

Dépressions

41

59

58

157

243

558

+ 73.3 %

Troubles anxieux

11

15

6

30

39

101

+ 13.3 %

Etats de stress post-traumatique

3

12

18

36

33

102

+ 13.4 %

Total

55

86

82

223

315

761

+ 100.0 %

Source : Rapport de gestion 2014 de l'Assurance maladie - Risques professionnels

Cet accroissement s'explique en partie par l'interprétation plus souple donnée par le Gouvernement, dans une lettre ministérielle de mars 2012, à l'alinéa 4 de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale. Cette nouvelle interprétation supprime l'exigence de stabilisation et permet aux caisses de transmettre un plus grand nombre de dossiers aux CRRMP dès lors que le taux d'incapacité permanente prévisible évalué à la date de la demande est supérieur ou égal à 25 %.

Sur le fondement de la loi d'août 2015, des modalités spécifiques de traitement des demandes de reconnaissance de pathologies psychiques devraient prochainement être précisées par décret. La composition des CRRMP appelées à se prononcer sur la reconnaissance de ces affections pourrait ainsi évoluer pour intégrer, le cas échéant, des médecins psychiatres.

Parallèlement, la Cnam poursuit ses travaux relatifs à l'amélioration de la reconnaissance des pathologies psychiques d'origine professionnelle. En 2012, le groupe de travail de la commission des pathologies professionnelles du Conseil d'orientation sur les conditions de travail (COCT) a achevé la rédaction d'un rapport sur les affections susceptibles d'être prise en compte par les médecins-conseils et de recommandations destinées à guider les CRRMP dans l'appréciation des liens entre ces pathologies et l'activité professionnelle. En mai 2014, les travaux d'élaboration d'un référentiel permettant de faciliter le travail des agents des caisses lors de leurs enquêtes ont été présentés lors de la commission des pathologies professionnelles. Il est à noter que le « burn out », ou syndrome d'épuisement professionnel, n'a pas fait l'objet d'analyses en tant que tel parce qu'il ne figure pas dans les nosographies d'usage international. Les pathologies concernées sont la dépression, l'anxiété généralisée et les états de stress post-traumatique.

Selon le droit en vigueur, la reconnaissance de l'origine professionnelle d'une pathologie psychique ne peut cependant toujours intervenir qu'à la condition que l'origine professionnelle de la maladie soit établie par un CRRMP et que le taux d'IPP est supérieur ou égal au seuil de 25 %. Or l'objectivation du lien entre cette pathologie, reposant sur des causes le plus souvent multifactorielles, et le travail, reste, la plupart du temps, particulièrement difficile à établir.

De nouveaux éléments d'appréciation sur la possibilité de franchir une nouvelle étape dans la reconnaissance de l'origine professionnelle des pathologies psychiques devraient être mis à la disposition du Parlement par le Gouvernement avant le 1 er juin 2016 en application de l'article 33 de la loi du 17 août 2015.

Un rapport du Gouvernement est en effet attendu sur l'intégration des affections psychiques dans le tableau des maladies professionnelles ou l'abaissement du seuil d'incapacité permanente partielle pour ces mêmes affections. Votre rapporteur y sera particulièrement attentif ; il s'agit de l'une des préconisations émises par le rapport sur le mal-être au travail adopté par la commission des affaires sociales le 7 juillet 2010 4 ( * ) .

II. LE MAINTIEN D'UNE TRAJECTOIRE EXCÉDENTAIRE QUI DEVRAIT PERMETTRE D'APURER LA DETTE DÈS 2016

La branche AT-MP a renoué avec les excédents en 2013 suivant une évolution qui doit être considérée comme un retour à la normale. La trajectoire excédentaire s'est confirmée en 2014 et 2015. L'excédent prévisionnel de 525 millions d'euros en 2016 permet d'envisager un apurement de la dette de la branche dès l'année prochaine.

A. LA CONFIRMATION DE LA TRAJECTOIRE EXCÉDENTAIRE EN 2016

Dès 2009, la branche AT-MP a été affectée, comme les autres branches de la sécurité sociale, par l'incidence de la crise économique sur ses recettes. Après un déficit continu jusqu'en 2012, la branche AT-MP du régime général a toutefois renoué avec les excédents en 2013 à la suite d'un rééquilibrage amorcé en 2011. La situation excédentaire se confirme pour les exercices suivants, malgré des prévisions à la baisse pour 2015 et 2016.

Figure n° 9 : Solde constaté et prévisionnel de la branche AT-MP du régime général depuis 2008

(en millions d'euros)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015 (p)

2016 (p)

+ 241

- 713

- 726

- 221

- 174

+ 638

+ 691

+ 603

+ 525*

*après prise en compte des mesures du PLFSS pour 2016

Source : Direction de la sécurité sociale (DSS/SDEPF/6A), réponses du ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes au questionnaire de la commission des affaires sociales du Sénat

1. L'exercice 2014 : un solde toujours excédentaire

Déficitaire de 174 millions d'euros en 2012, la branche AT-MP a présenté un excédent de 638 millions d'euros en 2013 sous l'effet d'un recul ponctuel des charges et d'une croissance importante des produits. En 2014, l'excédent est porté à 691 millions d'euros sous l'effet :

- d'une croissance relativement dynamique des charges (+ 2,8 % après - 3,1 % en 2013), qui s'explique principalement par le contrecoup des effets positifs ponctuels observés en 2013. Cet exercice avait été marqué par une baisse de la dotation au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva) et par une régularisation des charges hospitalières favorable au régime ;

- compensée par le maintien d'une croissance soutenue des produits (+ 3,1 % après + 3,9 % en 2013) grâce au dynamisme des cotisations sociales (+ 3,8 %) lié principalement à la réduction des remboursements de cotisations versées par la branche à la suite de litiges avec les employeurs et à la réduction des charges liées au recouvrement, elle-même due en grande partie à une forte reprise sur provision relative à des contentieux.

2. L'exercice 2015 : un solde prévisionnel excédentaire plus réduit

En 2015, l'excédent serait ramené à 603 millions d'euros en raison de l'effet conjoint :

- d'un ralentissement de la croissance des charges (+ 1,6 %) malgré la hausse de 210 millions d'euros du transfert à la branche maladie au titre de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles. La hausse des prestations sociales progresserait à un rythme légèrement supérieur à celui de 2004 (+ 0,7 % après + 0,6 %), du fait d'une hausse des indemnités journalières (+ 2,7 %) compensée par une baisse des allocations de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (- 11,1%) et par une croissance modérée des prestations d'incapacité permanente (+ 0,1 % après + 0,8 % en 2014). Les prestations exécutées en établissements resteraient stables (+ 0,3 %) ;

- et d' une progression relativement faible des produits (+ 0,8). Les cotisations sociales progresseraient à un rythme inférieur à celui de la masse salariale du secteur privé (+0,9 % contre +1,7 %), contrecoup des reprises sur provisions enregistrées en 2014.

3. L'exercice 2016 : un solde prévisionnel excédentaire amputé par la mise en place d'un nouveau transfert à la branche maladie

En 2016, une amélioration du solde de près de 90 millions d'euros est attendue grâce à la croissance des cotisations sociales. L'évolution prévue est la suivante :

- une légère accélération des charges (+ 1,9 % après + 1,6 %). La progression des prestations s'accélèrerait (+ 1,7 % après + 0,7 % en 2015) du fait d'une croissance importante des prestations d'incapacité temporaire (+ 3,9 %) et permanente (+ 0,8 %). Les charges hors prestations progresseraient à un rythme inférieur à celui de 2015 (+ 2,4 %) en raison d'une baisse des charges de compensation (+ 3,4 %) et des prises en charge de cotisations au titre de l'Acaata (- 8,5 %), atténuant la hausse de 50 millions d'euros de la dotation au Fiva ;

- et une accélération de la croissance des produits (+ 2,5 %), qui s'expliquerait principalement par la progression des cotisations sociales (+ 2,6 % pour une augmentation de la masse salariale de 2,8 %).

Les mesures du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 ont un impact négatif sur le solde prévisionnel. Celles intégrées à l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) pour 2016 devraient diminuer le montant des prestations de 48 millions d'euros et les nouvelles modalités de revalorisation des prestations sociales conduiraient à une économie de 37 millions d'euros, permettant un gain de 84 millions d'euros en dépenses. Cependant, du fait d'un transfert de cotisations de 0,05 point de la branche AT-MP vers la branche maladie du régime général, annoncé à l'annexe B du PLFSS, les cotisations augmenteraient de 0,5 %, à un rythme inférieur de 2,2 points à la masse salariale du secteur privé (+ 2,8%). Ceci conduira à amputer l'excédent de la branche AT-MP de 250 millions d'euros en 2016 et du même montant en 2017.

4. Un apurement de la dette envisagé pour 2016

Le maintien d'une situation excédentaire permet d'envisager dès 2016 un apurement de la dette de la branche AT-MP constituée à partir de l'exercice 2007.

Selon les informations communiquées à votre rapporteur par la direction des risques professionnels de la Cnam, le report à nouveau, constitué des déficits cumulés de la branche et des écritures au bilan qui s'y imputent, s'élevait à un peu plus d'un milliard d'euros fin 2014. De 2009 à 2012, la dette s'est accrue du fait du cumul des résultats déficitaires de ces exercices. La progression modérée des charges et l'augmentation substantielle des recettes au cours des exercices 2013 et 2014 ont ensuite permis de diminuer son niveau.

Après affectation du résultat de l'exercice 2015, la dette serait ramenée à 466 millions d'euros à la fin de cette année . Pour 2016, le PLFSS prévoit un excédent de la branche de 525 millions d'euros, en tenant compte du transfert de cotisations de 0,05 point entre la branche AT-MP et la branche maladie du régime général. Le résultat prévisionnel de 2016 permettrait donc un excédent cumulé de 59 millions .

Sous ces hypothèses, la branche aurait remboursé la totalité de sa dette dès l'année prochaine.

Figure n° 10 : Evolution de la dette de la branche AT-MP du régime général

Source : Rapport de gestion de l'assurance maladie - risques professionnels, août 2015

B. LA CONTRIBUTION DE LA BRANCHE AT-MP AUX FONDS AMIANTE

Au-delà de l'intervention des régimes de sécurité sociale, l'indemnisation des victimes de l'amiante repose sur deux dispositifs principaux : le fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata) et le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva). Bien que les sommes versées par ces fonds n'entrent pas dans le champ des prestations du régime général, la branche AT-MP en est le principal financeur.

Les dépenses de la branche AT-MP du régime général permettant la prise en charge et l'indemnisation des victimes de l'amiante représentent près de 18,8 % de ses charges en 2014, après 17 % en 2013 et 12,8 % en 2001.

Cette évolution s'explique par la gravité des pathologies en cause, engendrant une hausse des prestations liées à l'amiante, et par la croissance des dotations au Fcaata (multipliées par trois entre 2001 et 2014). En effet, les affections et les cancers liés à l'amiante comptent pour 7 % de l'ensemble des maladies professionnelles mais représentent un montant total de prestations et d'indemnisations versées (936 millions d'euros) supérieur à celui imputable aux affections péri-articulaires (808 millions d'euros) qui représentent pourtant 79 % des maladies professionnelles.

Les fonds amiante


Le Fcaata

Institué par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, le dispositif d'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Acaata) est ouvert aux salariés du régime général à partir de l'âge de 50 ans. Pour y être éligibles, ces derniers doivent être atteints de maladies professionnelles liées à l'amiante ou avoir travaillé dans des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, du flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparation navales. La liste de ces établissements est fixée par arrêté. Le dispositif a été étendu aux dockers professionnels en 2000, aux personnels portuaires de manutention en 2002 et aux salariés agricoles atteints de maladies professionnelles liées à l'amiante en 2003.

Le Fcaata prend en charge :

- les allocations de cessation anticipée d'activité ;

- les cotisations au régime de l'assurance volontaire vieillesse au titre des régimes de retraite de base et complémentaire ;

- et depuis 2011, la dépense induite pour les régimes de retraite de base par le maintien à 60 ans de l'âge de départ en retraite des travailleurs de l'amiante. Cette charge prend la forme d'un transfert de compensation aux caisses de retraite des régimes de base, au premier rang desquels la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (Cnav).

Le financement du fonds est assuré par une contribution de la branche AT-MP du régime général fixée chaque année par la LFSS et qui représentait 96 % des produits du fonds en 2013, une fraction du produit des droits de consommation sur le tabac et une contribution de la branche AT-MP du régime des salariés agricoles dont le montant est fixé annuellement par arrêté.

La gestion du fonds est partagée entre la Cnam et la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Depuis 2012, le Fcaata est consolidé dans les comptes de la branche AT-MP. Un peu moins de 1 700 établissements sont aujourd'hui inscrits sur les listes ouvrant un droit d'accès au dispositif Acaata. Fin juin 2014, 85 156 personnes au total avaient pu bénéficier de l'allocation.


Le Fiva

Etablissement public administratif créé par la LFSS pour 2001, le Fiva assure quant à lui la prise en charge de la réparation intégrale des préjudices des personnes atteintes de maladies liées à l'amiante et de leurs ayants droit, que ces maladies soient ou non d'origine professionnelle. Le barème d'indemnisation prend en compte à la fois l'incapacité fonctionnelle (préjudice patrimonial ou économique) et les préjudices extrapatrimoniaux ou personnels. Les dépenses du fonds dépendent du nombre d'offres et de la mise en oeuvre du barème voté par le conseil d'administration de l'établissement ainsi que de l'issue des contentieux relatifs aux offres du Fiva qui peuvent aboutir à une majoration des offres.

Outre les dotations versées par la branche AT-MP et, selon les années, par l'État, le Fiva dispose d'autres ressources financières constituées notamment de reprises sur provisions et des produits des actions engagées par le fonds à l'encontre des employeurs au titre de la faute inexcusable.

A son article 37, le PLFSS pour 2016 prévoit une contribution totale de la branche AT-MP du régime général au Fiva et au Fcaata de 1,030 milliard, après 1,076 milliard en 2015.

1. Le fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata)

a) La poursuite de la baisse des dépenses en lien avec la décroissance du nombre d'allocataires

Après une croissance régulière du nombre d'allocataires entre 2000 et 2006 pendant la période de montée en charge du dispositif, le nombre de bénéficiaires du Fcaata s'est stabilisé avant de décroître progressivement à partir de 2008. Les flux de sortie du dispositif ont été multipliés par deux entre 2009 et 2013 tandis que le nombre de nouveaux allocataires n'a augmenté que d'un tiers. Depuis 2013, le nombre d'entrées dans le dispositif est inférieur au nombre de sorties. Dans la quasi-totalité des cas, les sorties du dispositif résultent du départ à la retraite des bénéficiaires. Le nombre d'allocataires est ainsi passé de 3 800 en 2000 à 23 000 en 2013 avant d'être ramené à 21 500 en 2014.

Selon la commission des comptes de la sécurité sociale dans son rapport de septembre dernier, les effectifs d'allocataires diminueraient de 12 % en 2015 et de 9% en 2016. Dans un contexte de très faible revalorisation, les allocations de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Acaata) poursuivraient leur baisse tendancielle (- 18,5 % en 2016 après - 11,1 % en 2015 et - 8,7 % en 2014).

En revanche, le transfert compensatoire à la Cnav continuerait sa montée en charge. Après 81 millions d'euros en 2013, son niveau est estimé à 97 millions d'euros en 2015 et 111 millions d'euros en 2016.

Le fonds a été excédentaire de 109 millions d'euros en 2013 puis de 81 millions d'euros en 2014. En 2015, l'excédent serait ramené à 12 millions d'euros, ce qui entraînerait un excédent du solde cumulé de 42 millions d'euros fin 2015.

Pour 2016, la contribution de la branche AT-MP au Fcaata est fixée à 600 millions d'euros , en baisse de 13,4 % par rapport à 2015. Compte tenu d'un solde net prévisionnel déficitaire à - 42 millions d'euros, cette dotation permettrait de maintenir à l'équilibre le solde net cumulé .

Figure n° 11 : Charges et produits du Fcaata de 2012 à 2016

(en millions d'euros)

Année

2012

2013

2014

2015 (p)

2016 (p)

Charges

858

819

779

717

678

taux d'évolution

- 1,8%

- 4,5%

- 4,9%

- 8,0%

- 5,4%

Acaata

573

533

486

432

395

Prise en charge de cotisations d'assurance volontaire vieillesse

129

119

109

97

89

Transfert à la Cnav

35

55

81

92

111

Prise en charge de cotisations retraite complémentaire

107

101

93

82

75

Autres*

13,1

11,1

10

14

8

Produits

922

928

860

729

636

taux d'évolution

- 0,2%

+ 0,6%

- 7,3%

- 15,3%

- 12,7 %

Dotation Cnam-AT-MP

890

890

821

693

600

Droits sur les tabacs

33

35

37

35

36

Autres produits**

- 0,5

2,8

2

1

0

Résultat net

64

109

81

12

- 42

Résultat net cumulé

- 160

- 51

30

42

0

* Les autres charges sont essentiellement constituées des charges de gestion des Cram et de la MSA. Il s'agit en outre des charges de gestion de la CDC et de dotations aux provisions.

**Les autres produits sont essentiellement constitués de contribution du régime AT-MP des salariés agricoles. Il s'agit en outre de produits financiers de la CDC.

Source : Annexe 8 du PLFSS pour 2016

b) La question de l'ouverture d'une nouvelle voie d'accès individuelle

La question de l'ouverture d'une nouvelle voie d'accès individuelle au dispositif de l'Acaata a fait l'objet d'un récent rapport du Gouvernement transmis au Parlement le 7 août 2015 en application de l'article 90 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013. L'accès à ce dispositif ne serait plus seulement fondé sur les pathologies reconnues ou sur le fait d'avoir été employé dans l'un des établissements définis par arrêté mais également sur les expositions subies, quel que soit le régime de protection sociale.

Le rapport identifie deux obstacles principaux auxquels se heurterait un tel dispositif. Le premier concerne les difficultés liées à l'évaluation de l'exposition individuelle à l'amiante tout au long du parcours professionnel et les modalités de preuve. Le second est relatif à la rupture d'égalité que risque de générer la mise en place de conditions d'accès différentes par rapport au dispositif collectif actuel.

Si des conditions minimales d'exposition ou un relèvement de l'âge d'entrée dans le dispositif étaient prévues, elles devraient obligatoirement être étendues au dispositif collectif actuel. Votre rapporteur estime donc peu probable que le Gouvernement s'engage dans cette réforme. En tout état de cause, il apparaît particulièrement difficile, et peu opportun, de remettre en cause le dispositif collectif qui, bien que largement imparfait, continue de faire la preuve de son utilité puisque 4 000 nouvelles personnes en bénéficient encore chaque année.

Votre rapporteur ne peut en revanche qu'approuver l'élargissement du dispositif de l'Acaata à l'ensemble des fonctionnaires et agents contractuels de droit public tel qu'il est prévu à l'article 57 du projet de loi de finances pour 2016. Cette mesure était très attendue.

2. Le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva)

L'exercice 2014 a été marqué par une nouvelle hausse des demandes d'indemnisation adressées au Fiva (+ 3%), ce dynamisme reposant principalement sur les demandes émanant des ayants droit. Comme l'année dernière, votre rapporteur se félicite des efforts engagés par le fonds dans le cadre du deuxième contrat d'objectifs et de performance (2014-2016) pour améliorer le traitement des dossiers.

Depuis 2013, l'activité du Fiva connaît en effet un rythme soutenu qui lui a permis de raccourcir les délais de réponse et d'augmenter le nombre d'offres d'indemnisation. En 2014, le nombre d'offres (20 170) dépasse ainsi celui des demandes (19 110) pour la troisième année consécutive, permettant de poursuivre la résorption du stock de dossiers en attente de traitement.

Les délais de présentation et de paiement des offres ont poursuivi leur baisse entre 2013 et 2014. En moyenne, les délais de décision ont diminué d'un tiers en 2014 pour atteindre 7 mois. Pour les victimes de pathologies graves, le délai moyen de décision constaté a été ramené à 5 mois et 2 semaines en 2014 au lieu de 7 mois et 2 semaines en 2013, ce qui permet une présentation de l'offre dans le délai légal de six mois. Pour l'ensemble des catégories de victimes, les offres ont été payées dans le délai réglementaire de deux mois.

Figure n° 12 : Evolution de l'activité du Fiva entre 2009 et 2014

Année

2009

2010

2011

2012

2013

2014

nombre de dossiers déposés

6 645

6010

5508

4414

5 202

4404

taux d'évolution

+ 1,2 %

- 9,6 %

- 8,4 %

- 19,9 %

+ 17,9 %

- 15,3 %

nombre de dossiers traités

6180

6844

7125

7567

7944

8205

taux d'évolution

- 17 %

+ 11 %

+ 4,1 %

+ 6,2 %

+ 5 %

+ 3,3 %

NB : Un dossier contient nécessairement une demande de victime et potentiellement une demande d'ayants droit. Il peut donner lieu à plusieurs offres. Pour le nombre de dossiers traités, les chiffres correspondent au nombre de dossiers pour lesquels au moins une offre a été faite à la victime.

Source : Réponse au questionnaire de la commission des affaires sociales du Sénat

Si la part des pathologies bénignes (plaques pleurales et épaississements pleuraux) demeure prépondérante dans le nombre total des demandes d'indemnisation adressées au Fiva, la part des pathologies graves augmente . En particulier, la proportion de mésothéliomes a plus que doublé entre 2007 et 2013, passant de 7,1 % à 16,3 %. Celle des cancers broncho-pulmonaires est passée de 19,0 % à 22,4 % entre 2011 et 2014. Les sommes versées au titre des pathologies lourdes représentent 82 % du montant total des indemnisations versées toutes pathologies confondues en 2014.

Selon la commission des comptes de la sécurité sociale dans son rapport de septembre dernier, le montant total des dépenses du Fiva pour 2015 est estimé à 525 millions d'euros, en diminution de 1 % par rapport à 2014, sous l'hypothèse de la hausse de nouvelles demandes et du renchérissement du coût moyen des dossiers. Les produits diminueraient en raison du contrecoup de la forte hausse de la dotation de la branche AT-MP entre 2013 et 2014. Compte tenu du niveau élevé des réserves du fonds fin 2012, la LFSS pour 2013 avait en effet ramené la dotation de la branche AT-MP de 315 à 115 millions d'euros entre 2012 et 2013. En 2014, le versement de la branche AT-MP a ensuite été porté à 435 millions d'euros.

Pour 2016, le total des dépenses du fonds est estimé à 525 millions d'euros comme en 2015. Sur la base d'un résultat cumulé estimé à -24 millions fin 2015, d'une dotation de l'État de 10 millions et des autres produits du fonds, la dotation de la branche AT-MP est fixée à 430 millions d'euros en 2016.

Figure n° 13 : Charges et produits du Fiva de 2010 à 2016

(en millions d'euros)

Année

2010

2011

2012

2013

2014

2015 (p)

2016 (p)

Charges

465

400

481

556

520,5

525

525

taux d'évolution

+ 10 %

- 14 %

+ 20 %

+ 15,5 %

- 6,3 %

+ 0,8 %

-

Produits

429,5

484,5

433

240,5

547

492

543

taux d'évolution

+ 3 %

+ 13 %

- 10 %

- 45 %

+ 128,5 %

- 10,1 %

+ 10,4

Dotation Cnam-AT-MP

315

340

315

115

435

380

430

Dotation Etat

47,5

47,5

47

0

0

10

13,4

Reprises sur provisions

41

70

39

80

79,1

72

70

Autres produits

26

27

32

45,5

33

30

30

Résultat net

- 36

84

- 48

- 316

27

- 33

15

Résultat net cumulé

261

346

298

- 18

8,7

- 24

- 9

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2015

Fin 2016, le résultat net serait égal à 15 millions d'euros et le résultat cumulé s'établirait à -9 millions d'euros. Le fonds de roulement du Fiva (70 millions d'euros) lui permettrait d'assurer ses dépenses d'indemnisation et garantirait une réserve prudentielle d'environ deux mois d'activité.

Comme l'année dernière, votre rapporteur regrette le désengagement dont continue de faire preuve l'État dans le financement du Fiva depuis plusieurs années. Bien que le projet de loi de finances pour 2016 prévoie une dotation complémentaire de l'Etat de 10 millions d'euros comme en 2015, après deux exercices successifs où sa participation était nulle, cette contribution reste notoirement insuffisante. Elle ne correspond qu'à environ un cinquième du montant des participations assurées par l'Etat avant 2013. La mission sénatoriale sur l'amiante avait jugé légitime de prévoir un engagement de l'Etat à hauteur d'un tiers du budget du Fiva, au regard tant de ses missions régaliennes que de son rôle assumé en tant qu'employeur.

C. LA SITUATION FINANCIÈRE DES RÉGIMES DE BASE AUTRES QUE LE RÉGIME GÉNÉRAL

En 2014, le régime général représente à lui seul 8,1 milliards d'euros sur un total de 9,8 milliards de prestations légales versées au titre des AT-MP, soit près de 83 % du total. Trois autres régimes se distinguent par leur part importante dans le total des prestations : le régime des salariés et des exploitants agricoles (7,3 % des prestations versées en 2014, y compris le Fcaata), le régime des fonctionnaires d'Etat et de l'allocation temporaire d'invalidité des agents des collectivités locales Atial (3,9 %) et le régime des mines (3,3 %). Chacun des autres régimes, pris isolément, représente moins de 1 % du total des prestations en 2014.

Le résultat net global des branches AT-MP hors régime général est marqué par d'importantes fluctuations dans la période récente. Excédentaire de 88 millions d'euros en 2011, il s'est révélé déficitaire de 407 millions d'euros en 2012 avant de redevenir positif en 2013 à hauteur de 47 millions d'euros. En 2014, l'excédent a été ramené à 20 millions d'euros.

Cette évolution est principalement due aux évolutions qui caractérisent le fonds d'allocation temporaire d'invalidité des agents des collectivités locales (Fatiacl) 5 ( * ) et les régimes agricoles.

Après un excédent de 80 millions d'euros en 2011, le solde du Fatiacl est devenu déficitaire de 374 millions d'euros en 2012 à la suite du transfert exceptionnel, prévu par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, d'une partie des réserves du fonds à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) pour un montant de 450 millions d'euros. En 2013, le solde est redevenu excédentaire de 26 millions d'euros mais son niveau demeure inférieur de 54 millions d'euros à celui observé en 2011 en raison du transfert, également prévu par la LFSS pour 2013, de 0,1 point de cotisation AT-MP vers la cotisation vieillesse. En 2014, l'excédent a été ramené à 25 millions d'euros.

S'agissant des régimes agricoles, après un déficit de 31 millions d'euros en 2012, un excédent de 21 millions d'euros a été enregistré en 2013, en raison principalement d'une augmentation du provisionnement des rentes d'accidents du travail des exploitants agricoles dont le financement est assuré par une hausse des cotisations étalée sur trois ans. L'exercice 2014 se clôture néanmoins par un nouveau déficit de 5 millions d'euros.

Figure n° 14 : Résultat net des branches AT-MP des régimes de base entre 2008 et 2014

(en millions d'euros)

Enim : Etablissement national des invalides de la marine

Fcat : Fonds commun des accidents du travail

Fcata : Fonds commun des accidents du travail agricole

Fatiacl : Fonds d'allocation temporaire d'invalidité des agents des collectivités locales

CANSSM : Caisse nationale de sécurité sociale pour les mines

Source : Direction de la sécurité sociale (SDAF/6A), réponses du ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes au questionnaire de la commission des affaires sociales du Sénat

III. PRÉSERVER LA VOCATION ASSURANTIELLE ET PRÉVENTIVE DE LA BRANCHE AT-MP

A. UN PRINCIPE FONDATEUR DE LA BRANCHE

Après la consécration en 1898 du régime de responsabilité sans faute de l'employeur reposant sur une présomption de responsabilité en cas d'accident du travail, la loi du 25 octobre 1919 a préfiguré les principes fondateurs de la branche AT-MP en renvoyant le coût de la réparation à un principe assurantiel. Forte de cet héritage, la branche se distingue depuis 1946 par un mode d'organisation et de fonctionnement spécifique.

Conformément à sa logique assurantielle, la branche se finance à hauteur de 97 % sur des recettes issues de cotisations employeurs, les autres produits provenant de recettes fiscales et de ressources tirées de produits financiers ou de recours contre tiers. Le mode de fixation des cotisations repose sur une tarification du risque qui combine le principe d'une incitation de chaque employeur à la prévention avec celui d'une mutualisation de certains coûts.

La logique d'assurance garantit en principe l'équilibre structurel de la branche. Elle a justifié des ajustements réguliers des ressources en fonction de l'évolution du risque à couvrir. Le taux net moyen national est ainsi passé de 2,18 % en 2004 à 2,44 % en 2015.

Figure n° 15 : Evolution du taux net de cotisation entre 2004 et 2015

Année
de tarification

Taux brut moyen national

M1

M2

M3

M4

Taux net moyen national

2004

0,88%

0,33%

44,00%

0,44%

2,18%

2005

0,90%

0,30%

43,00%

0,47%

2,18%

2006

0,95%

0,29%

42,00%

0,52%

2,28%

2007

0,94%

0,28%

40,00%

0,57%

2,28%

2008

0,94%

0,27%

38,00%

0,61%

2,28%

2009

0,93%

0,27%

38,00%

0,62%

2,28%

2010

0,91%

0,28%

39,00%

0,63%

2,28%

2011

0,92%

0,26%

43,00%

0,69%

2,38%

2012

0,93%

0,26%

43,00%

0,66%

0,02%

2,38%

2013

0,95%

0,27%

51,00%

0,59%

0,00%

2,43%

2014

0,94%

0,25%

51,00%

0,64%

0,00%

2,44%

2015

0,93%

0,25%

55,00%

0,61%

0,00%

2,44%

Source : Réponse de la Cnam-AT-MP au questionnaire de votre rapporteur

Après deux exercices déficitaires, une hausse des taux de 0,1 point en moyenne a permis d'engager le retour à l'équilibre dès 2011. Cette mesure a permis de majorer de 470 millions d'euros le produit des cotisations nettes. En 2013, un nouveau relèvement des taux de 0,05 point a contribué à une évolution propice au retour des excédents. Les cotisations sociales ont progressé à un rythme sensiblement supérieur à celui de la masse salariale privée (+5,0 % contre +1,2 %) et la branche a bénéficié d'un supplément de recettes de l'ordre de 0,2 milliard d'euros.

Au total, le taux de cotisation employeurs n'a pas baissé depuis 2002. Cette situation a été particulièrement favorable au remboursement de la dette de la branche.

Les perspectives pluriannuelles de la branche AT-MP, présentées à l'annexe B du PLFSS, prévoient une solide consolidation des excédents dans les quatre prochaines années. En 2019, l'excédent s'élèverait à 1,9 milliard d'euros, après 1,5 milliard en 2018 et 0,6 milliard en 2017.

Figure n° 16 : Perspectives pluriannuelles de la branche AT-MP (2016-2019)

(en milliards d'euros)

2016 (p)

2017 (p)

2018 (p)

2019 (p)

Régime général

Dépenses

12,0

12,1

12,2

12,3

Recettes

12,5

12,7

13,6

14,2

Solde

0,5

0,6

1,5

1,9

Ensemble des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale

Dépenses

13,4

13,5

13,6

13,8

Recettes

14,0

14,1

15,1

15,7

Solde

0,6

0,6

1,5

1,9

Source : Annexe B du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016.

B. UNE INCITATION A LA PRÉVENTION CONTRARIÉE PAR L'IMPORTANCE DES DÉPENSES MUTUALISÉES

Le renforcement de la prévention constitue l'une des priorités de la branche AT-MP, reconnue par les partenaires sociaux dans le cadre d'une démarche consensuelle. Signée le 30 décembre 2013, la convention d'objectifs et de gestion (Cog) de la branche, qui couvre la période 2014-2017, réaffirme la nécessité d'« assurer une prévention des risques fondée sur le ciblage et l'évaluation ». A cet égard, la branche a choisi de concentrer son activité sur les trois risques principaux que sont les TMS, les risques de chute dans le secteur du BTP et l'exposition à certains agents cancérogènes.

La prévention est également inscrite au coeur du troisième plan « Santé au travail » pour 2015-2019. Les sept orientations de ce plan ont été proposées par les partenaires sociaux au sein du comité permanent du conseil d'orientation des conditions de travail (COCT) avant d'être actées par le ministre chargé du travail le 27 janvier 2015.

Les sept orientations du troisième plan
« Santé au travail » (2015-2019)

- Faire de la prévention une priorité, en rupture avec une approche faisant prévaloir la réparation ;

- Développer l'accompagnement des travailleurs et des entreprises dans la prévention de la désinsertion professionnelle ;

- Faire de la qualité de vie au travail un objet stratégique et en favoriser la mise en oeuvre ;

- Simplifier les normes, les rendre plus intelligibles et plus accessibles aux employeurs ainsi qu'aux salariés et à leurs représentants, pour une plus grande efficience des règles de prévention ;

- Renouveler la démarche préventive en priorisant quelques risques récurrents (chutes de hauteur et de plain-pied, exposition aux substances classées cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques, et risques psychosociaux), émergents (nanotechnologies) et multifactoriels (pratiques addictives au travail et maladies cardiovasculaires au travail) ;

- Rassembler et mettre en perspective les données de santé au travail ;

- Assurer une gouvernance partagée et opérationnelle de la santé au travail.

Parmi les nombreux travaux menés pour renforcer l'incitation à la prévention, la poursuite de l'adaptation des règles de tarification constitue l'un des axes stratégiques de l'actuelle Cog. La tarification constitue en effet un levier important de la prévention puisqu'elle permet l'imputabilité aux entreprises des coûts des risques là où ils se réalisent.

Les règles de tarification ont été modifiées par un décret de 2010 6 ( * ) qui prévoit une simplification des modes d'imputation du coût des sinistres sur le compte des entreprises en tarification mixte ou individuelle, une modification des seuils d'effectifs pour le mode de tarification, et la possibilité pour une entreprise d'opter pour un taux unique applicable à l'ensemble de ses établissements appartenant à une même catégorie de risque. L'objectif est d'améliorer la lisibilité de la tarification du risque pour les employeurs et d'en renforcer le rôle incitatif.

Les principes de la réforme de la tarification

Le taux des cotisations AT-MP d'une entreprise au titre d'une année N était déterminé en fonction des dépenses de sinistralité qu'elle a générées au titre de l'antépénultième année et des deux années précédant celle-ci (N-3 et N-4).

Le taux net de cotisation est constitué d'un taux brut moyen, auquel s'ajoutent quatre majorations destinées à couvrir les accidents de trajet (M1), les charges générales de la branche, notamment les dépenses de prévention et la moitié du versement à la branche maladie au titre de la sous-déclaration des AT-MP (M2), les dépenses correspondant aux compensations inter-régimes, les dotations en faveur des fonds amiante et la seconde moitié du versement à la branche maladie (M3), les dépenses générées par le dispositif de retraite anticipée au titre de la pénibilité prévue par la loi portant réforme des retraites du 9 novembre 2010 (M4).

Le taux net moyen des cotisations, qui s'élève à 2,44 % en 2014 après 2,43 % en 2013 et 2,38 % en 2012, est pondéré en fonction de la taille de l'entreprise, de son effectif ou de se son secteur d'activité.

Les modalités de cette pondération ont évolué entre 2010 et 2014 dans le cadre de la réforme de la tarification qui se fonde sur trois principes :

- une répercussion plus rapide dans la tarification de l'entreprise du coût des sinistres sur la base de coûts moyens (le part individuelle du taux de cotisation n'est plus calculée sur la base du coût de chaque sinistre pris isolément mais en fonction du coût moyen de la catégorie de sinistres dont relève l'accident ou la maladie professionnelle dont les dépenses sont imputées) ;

- la modification des seuils d'effectifs pour le mode de tarification conduisant à une hausse de la part de la tarification individuelle au taux réel pour les entreprises de taille intermédiaire dont la sinistralité est la plus élevée (le seuil de la tarification individuelle est abaissé de 200 à 150 salariés et le plafond de la tarification collective est augmenté de 9 à 19 salariés) ;

- la possibilité pour une entreprise d'opter pour un taux unique pour l'ensemble de ses établissements appartenant à la même catégorie de risque.

L'année 2014 est la première année pour laquelle le taux de cotisation a été intégralement déterminé sur la base des coûts moyens des différentes catégories d'arrêts de travail et d'incapacité permanente. La mise en place de ces nouvelles règles permet à l'employeur d'apprécier immédiatement l'enjeu financier lié à la survenue du sinistre, le coût moyen de celui-ci étant une donnée publique. En outre, il peut désormais tirer un bénéfice rapide de la mise en place de mesures de prévention car la sanction liée à la survenue du sinistre n'affecte pas plus de trois années de cotisations. Parallèlement, les entreprises de taille intermédiaire, dont la sinistralité est la plus élevée, ont vu la part de leur taux individuel augmenter, ce qui devrait les inciter à développer leur effort de prévention.

La direction des risques professionnels de la Cnam considère toutefois que l'efficacité de la tarification pourrait encore être améliorée pour qu'elle joue pleinement son rôle d'incitation à la prévention. Le processus « doit encore être simplifié et apporter la preuve formelle qu'il ait une valeur ajoutée importante pour la mise en oeuvre d'une politique de prévention. A contrario, il présente des risques financiers qui, pour être contrôlés, supposent de maintenir des moyens conséquents. C'est pourquoi cette situation doit être revue dans une perspective d'efficience visant, d'une part, à sécuriser les processus à des coûts soutenables et compatibles avec les efforts inscrits dans la Cog AT-MP, d'autre part, à rendre la tarification plus incitative à la prévention. » 7 ( * )

La difficulté de l'exercice tient au fait que, pour établir un lien étroit entre le niveau du taux de cotisation et la prévention des risques, la part des dépenses mutualisées couverte par la tarification doit être contenue. Or, la tendance est plutôt à son accroissement.

En effet, outre les dépenses relatives aux sinistres qui peuvent être rattachés à une entreprise, la branche AT-MP supporte un ensemble de dépenses qui sont mutualisées entre les entreprises car elles ne peuvent pas être attribuées à l'une seule d'entre elles : les accidents de trajet, les frais de gestion, les compensations inter-régimes, la contribution au titre de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles et les dépenses inscrites au compte spécial y compris les dotations aux fonds finançant les coûts liés à l'exposition à l'amiante.

Les transferts mis à la charge de la branche AT-MP représentent aujourd'hui 2,5 milliards d'euros, soit 20 % de ses dépenses totales. Au total, la fraction mutualisée du taux de cotisation AT-MP a augmenté régulièrement depuis 2006 et atteint 62 %.

Figure n° 17 : Part des majorations d'équilibre dans le taux de cotisation net moyen de la branche entre 2009 et 2015

(en %)

Part des majorations d'équilibre

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

M1 (accidents de trajet)

11,8

12,3

10,9

10,9

11,1

10,2

10,2

M2 (charges diverses)

20,1

20,3

21,3

21,5

25,6

24,9

26,6

M3 (compte spécial...)

27,2

27,6

29

27,7

24,3

26,2

25,0

M4 (pénibilité)

0,8

0

0

0

Total de la part mutualisée (M1+M2+M3+M4)

59

60

61

61

61

61

62

Source : Réponses de la Cnam-AT-MP au questionnaire de votre rapporteur

Par construction, dans le calcul du taux de cotisation, la part des dépenses mutualisées limite la partie variable liée à la sinistralité propre de l'entreprise.

C. DE NOUVEAUX TRANSFERTS QUI NE SONT PAS ACCEPTABLES

Parmi les nombres dépenses de transfert que la branche AT-MP prend à sa charge, la plus importante en volume est celle en direction de la branche maladie au titre de la sous-déclaration des maladies professionnelles.

Evolution du montant des transferts à la charge de la branche AT-MP
entre 2010 et 2015

(en millions d'euros)

2010

2011

2012*

2013

2014

2015

Mines

407

401

376

353

334

316

MSA

111

115

117

123

127

116

Branche Maladie

710

710

790

790

790

1 000

Fcat

29

28

23

20

18

15

Fcaata

880

890

890

890

821

693

Fiva

315

340

315

115

435

380

CNSA

42

43

40

41

38

38

CNAV pénibilité

-

35

110

0

0

0

Total

2 494

2 562

2 661

2 332

2 562

2 559

Source : Réponse de la Cnam-AT-MP au questionnaire de votre rapporteur

Le PLFSS pour 2016 prévoit la mise en place d'un nouveau versement à la branche maladie, représentant un demi-milliard d'euros en 2016 et 2017. Au total, les dépenses de transfert de la branche AT-MP représenteraient ainsi près de 2,8 milliards d'euros en 2016 contre moins de 2,5 milliards d'euros en 2010.

1. Le versement à la branche maladie au titre de la sous-déclaration des maladies professionnelles

Depuis 1997, conformément à l'article L. 176-1 du code de la sécurité sociale, un versement annuel de la branche AT-MP du régime général au profit de l'assurance maladie est prévu pour tenir compte des dépenses liées à des sinistres ou pathologies d'origine professionnelle mais non déclarés comme tels. Le montant du versement destiné à couvrir les sommes indument mises à la charge de la branche maladie est fixé chaque année par la loi de financement de la sécurité sociale.

Une commission, présidée par un magistrat de la Cour des comptes, évalue tous les trois ans le coût réel de cette sous-déclaration par un rapprochement entre les diverses données épidémiologiques existantes et les statistiques des sinistres indemnisés par la branche. Une estimation du nombre de cas sous-déclarés est rapprochée des données de coût moyen par pathologie fournies par la Cnam.

Dans son rapport de juin 2014, la dernière commission a conclu à une estimation du coût de la sous-déclaration située dans une fourchette comprise entre 695 millions d'euros et 1,3 milliard d'euros. Par rapport à l'estimation de la précédente commission dans son rapport de juin 2011 (587 millions d'euros à 1,11 milliard d'euros), l'évolution est significative. La progression est de 18,4 % pour la borne basse et de 17,1 % pour la borne haute.

La commission indique que cette évolution n'est pas liée au coût des soins médicaux, lequel a plutôt diminué au cours des trois dernières années, mais plutôt au nombre de personnes malades qui a fortement augmenté.

Sur le fondement de cette estimation, le Gouvernement propose de reconduire pour 2016 le montant fixé à 1 milliard d'euros pour 2015. Par rapport au montant versé pour les exercices 2012 à 2014 (790 millions d'euros), l'augmentation, qui atteint 26,6 %, apparaît considérable. Entre 2002 et 2014, le versement a connu une hausse de près de 164 %.

Votre rapporteur réitère les réserves qu'il a déjà eu l'occasion de formuler à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale l'année dernière. Au-delà des modalités d'évaluation de la sous-déclaration, qui nécessiteraient d'être objectivées, il considère que la réalité des efforts engagés pour lutter contre ce phénomène reste sujette à caution. Le caractère automatique de ce versement ne doit pas exonérer d'un débat de fond sur les causes de la sous-déclaration et sur les actions à mener pour la circonscrire.

2. Le nouveau transfert prévu par le PLFSS pour 2016 en faveur de l'assurance maladie

L'annexe B du PLFSS pour 2016 annonce un transfert de cotisations de 0,05 point de la branche AT-MP vers la branche maladie du régime général. En 2016, les cotisations augmenteraient ainsi de 0,5 %, à un rythme sensiblement inférieur à la masse salariale du secteur privé (+2,8 %). La mise en place de ce nouveau transfert conduirait à ponctionner l'excédent de la branche AT-MP d'un demi-milliard d'euros supplémentaire en 2016 et 2017.

Les raisons avancées pour justifier une telle opération laissent craindre l'instauration d'un transfert pérenne. Selon le Gouvernement en effet, le transfert de cotisations « est justifié par l'approche solidaire entre branches du régime général, au coeur des principes de la sécurité sociale depuis son origine, ainsi que par les effets indirects dont bénéficie la branche AT-MP du fait de l'amélioration de l'efficience du système de soins, essentiellement financé par la branche maladie ».

En vertu de l'accord auquel sont parvenus les partenaires sociaux le 30 octobre dernier sur les retraites complémentaires, il est par ailleurs question de compenser la hausse des cotisations de retraite des employeurs, à hauteur de 700 millions d'euros, par une baisse des cotisations de la branche AT-MP à compter de 2019. Votre rapporteur regrette qu'aucune information précise n'ait pour l'instant été fournie sur l'échelonnement et l'ampleur de la baisse envisagée.

De manière générale, votre rapporteur déplore que les excédents de la branche AT-MP soient utilisés pour la mise en place de nouvelles dépenses de transfert. De telles opérations comptables ne sont pas acceptables dès lors qu'elles remettent en cause l'autonomie de la branche et sa vocation assurantielle et amoindrissent une nouvelle fois la portée des leviers sur lesquels il est permis de jouer pour renforcer l'incitation à la prévention auprès des employeurs.

*

* *

Suivant l'avis de son rapporteur, la commission a émis un avis défavorable à l'adoption des objectifs de dépenses de la branche accidents du travail - maladies professionnelles.

PERSONNES AUDITIONNÉES

__________

Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnam)

Nathalie Buet , présidente de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles

Marine Jeantet , directrice des risques professionnels


* 1 Loi n° 93-121 du 27 janvier 1993 portant diverses dispositions d'ordre social.

* 2 Loi n° 2015-994 du 17 août 2015.

* 3 Eurogip, « Burn-out en Belgique et reconnaissance des pathologies psychiques liées au travail en Europe », 10 septembre 2015.

* 4 « Le mal-être au travail : passer du diagnostic à l'action ». Rapport d'information n° 642 (2009-2010) de M. Gérard Dériot, fait au nom de la mission d'information sur le mal-être au travail et de la commission des affaires sociales.

* 5 L'allocation temporaire d'invalidité des agents des collectivités locales (Atiacl) est la prestation attribuée à un fonctionnaire territorial ou hospitalier qui, à la suite d'un accident de service, de trajet ou d'une maladie professionnelle, présente des infirmités permanentes lui permettant néanmoins de reprendre ses fonctions.

* 6 Décret n° 2010-753 du 5 juillet 2010 fixant les règles de tarification des risques d'accidents du travail et de maladies professionnelles.

* 7 Réponses de la direction des risques professionnels de la Cnam au questionnaire de votre rapporteur.

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